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  • GRANDS TEXTES (29) : Monarchie et Royauté, par Vladimir Volkoff

    Ce court texte, d'où ne sont absents ni l'esprit ni l'humour de Volkoff, constitue la Préface ou l'Introduction de son opuscule intitulé Du Roi, paru chez Julliard (collection L'Âge d'Homme) en 1987.

    Dans ce texte, Vladimir Volkoff fait la distinction entre monarchie et royauté. Il voit dans l'une un système de gouvernement, dans l'autre un phénomène historique fondé sur trois facteurs : le pouvoir monarchique, le corps du roi et l'onction sacrée.

    La royauté lui apparaît moins comme une institution politique que comme un humanisme, car elle reproduit non seulement les structures de la famille, mais celles de l'homme lui-même : notre cerveau à la tête de nos organes, c'est proprement "le roi dans ses conseils".

    En outre, la royauté est le seul régime bisexué : la reine n'est pas  que la femme du roi; elle a  sa fonction propre.

    Vue sous un autre angle, la royauté est un moyen de connaissance analogique : entre le macrocosme de l'univers et le microcosme de l'individu apparaît le médiocosme de la société traditionnelle dont le roi est sûrement la clef de voûte, mais peut-être aussi la clef tout court...

     

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    Sacre de Charles X

    Si toute Royauté est monarchie, l'inverse n'est pas vrai : désignée par l'Histoire, et distinguée par le Sacre, la Royauté française n'est en rien une quelconque monocratie...

    Il ne faut pas s'appauvrir en faisant de monarchie et royauté des synonymes.

    La monarchie est un système de gouvernement où un seul commande. Rien de plus.

    Elle présente des avantages et des inconvénients. Elle peut être héréditaire ou non, d'inspiration religieuse ou non. On l'attaque au nom de certains principes, on la défend au nom de certains choix. La monarchie est une idée politique comme une autre. La monarchie se discute.

    La royauté, qui ne sert qu'entre autres à gouverner les hommes, n'est en aucune sorte une idée, mais une réalité inséparable de ses coordonnées historiques et géographiques. Elle plaît ou elle déplaît. Elle ne se discute pas plus qu'une montagne ou un météore. Au mieux, elle se contemple. Ou, si on a le tempérament jugeur, elle se juge.

    La royauté est un ensemble organique d'institutions - dont l'une, la centrale, est monarchique -, de corps constitués, de traditions, de lois écrites et non écrites, et surtout de personnes humaines groupées dans un certain ordre.

    Il s'ensuit que la monarchie peut s'instaurer du jour au lendemain, par le moyen d'un référendum ou d'un coup d'état, tandis que la royauté suppose un mûrissement plutôt qu'une victoire, un consensus plutôt qu'un plébiscite. 

    Même en distinguant la monarchie de la dictature - qui peut être celle d'un parti et non pas d'un homme - on observe des monarques qui ne sont pas rois - mettons le Régent - et des rois qui ne sont pas monarques dans la mesure où ils ne commandent pas : mettons la reine Elisabeth II.

    La royauté peut avoir un dosage plus ou moins fort de monarchie : Louis XIV fut monarque plus que Saint Louis, mais il ne fut pas plus roi. 

    Il arrive que la monarchie tende vers l'absolu. La royauté est limitée par définition, parce qu'elle est un organisme vivant. La monarchie peut être constitutionnelle. La royauté est à elle-même sa propre constitution.

    Certains royalistes ne sont pas monarchistes : bien des belges et des anglais ne souhaitent pas que leurs prince, qu'ils révèrent,  accèdent à des responsabilités de gouvernement. Certains monarchistes ne sont pas royalistes : la Phalange en a produit, qui suivaient Franco partout, sauf dans sa piété royale. Certains monarchistes deviennent royalistes à leur corps défendant : il y en a à l'Action française. Certains monarchistes se font royalistes en se forçant : il y en eut dans l'entourage de Louis XVIII.

    Des questions incidentes se posent. Par exemple, que se passe-t-il  - à supposer qu'il se passe quelque chose - quand un monarque qui portait un autre titre choisit de devenir, expressément, roi, comme le sultan du Maroc, qui s'est fait malek ? Voulait-il monter en grade ? Paraître plus occidental, plus moderne ? Poursuivra-t-il une union plus intime avec son pays ? L'Histoire le dira un jour.

    Autre question : les empereurs sont-ils des monarques ou des rois ?  

     

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    Ci dessus, Charlemagne en Imperator (musée du Louvre) et, ci-dessous, les "trois modestes fleurs"

    Portant un globe, symbolisant la terre entière, et - à l'origine - une épée, aujourd'hui disparue, l' Empereur est ici représenté "à l'antique", tel un Empereur romain, conquérant universel.

    Alors que - comme le rappelle Michel Mourre - "les Capétiens se distinguèrent pour la plupart par un réalisme un peu étroit mais fécond. Alors que les Plantagenêts tentèrent de construire un État franco-anglais sans avoir sûrement établi leur autorité en Angleterre même; alors que les Hohenstauffen, aux prises avec une puissante féodalité allemande, dispensèrent le meilleur de leurs forces en Italie, les Capétiens, tels des paysans arrondissant peu à peu leur champ, se bornèrent volontairement à l'idée simple de faire la France, d'être maîtres chez eux, en se gardant de toute conquête excentrique, en participant même très peu aux Croisades..."   

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    "On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales d'Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d'animaux carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs..."  (Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre V : Pendant 340 ans, l'honorable famille capétienne règne de père en fils)

     

     

            

    Il semble que le grand rêve impérial hérité des Romains par Charlemagne, Byzance, Barberousse, les Habsbourgs, la Moscovie, Pierre le Grand est d'une autre nature que la royauté. Tout empereur prétend au fond à l'empire du monde, et ce n'est que temporairement, en attendant de nouvelles conquêtes, qu'il accepte de limiter ses possessions à des territoires qui ont déjà quelquefois leur souverain local, considéré comme un vassal. C'est ce qu'annonce sans fausse modestie le globe crucifère que portent, haut dans leur main, les empereurs, mais non les rois.

    Dans cet ordre d'idées, le cas de Napoléon est caractéristique et presque caricatural. Puisqu'il ne peut y avoir qu'un seul empereur au monde, Napoléon tint à entrer dans le lit de l'Autriche, à détruire Moscou et à rabaisser Rome elle-même au niveau de royaume, tout cela contre ses véritables intérêts. Et combien révélateur l'incident du sacre ! Napoléon, qui posa la couronne sur sa propre tête, au lieu de l'accepter des mains du Pape qu'il avait pourtant convoqué, ne ressemblait guère au roi de France agenouillé sur les dalles de Reims devant l'archevêque mitré qui demeurait assis.

    Certains empereurs cependant se sont comportés en rois, dans la mesure où ils reconnaissaient que le pouvoir suprême leur venait d'un plus grand prince qu'eux et où ils se présentaient comme les pères de leurs sujets. Ce fut le cas en Autriche, ce le fut en Russie. Le Natiouchka Tsar et la Matiouchka Tsaritsa (notre père le tsar, notre mère la tsarine) étaient oints et couronnés selon des rites voisins des rites français, ils se considéraient responsables devant Dieu, le maintien de l'Eglise et l'administration de la justice constituaient leur premier devoirs.

    Pour ma part -réglons dès l'abord cette question d'intérêt médiocre - la famille où je suis né, mes sentiments et mes goûts ont eu sur moi des effets convergents. L'aspect chatoyant de la royauté m'a toujours charmé. Enfant, j'imaginais la république - la chose et le mot - en gris et noir, alors que les royaumes m'apparaissaient avec des couleurs brillantes; maintenant encore, le mot Royauté me semble coulé dans le vermeil. J'aime qu'il y ait des rois aux cartes et aux échecs et je m'ennuie aux dames, ce jeu tristement égalitaire où chaque pion rêve d'être un parvenu.

    Il y a plus. Bon ou mauvais, le roi est un artiste. Moi, plumitif, je rythme des phrases, j'équilibre des volumes, je commande tant bien que mal à des personnages de papier; le roi manoeuvre des armées et des flottes, bâtit des villes, réforme des institutions, modifie le destin de ses peuples : c'est un grand démiurge et j'en suis un petit, mais nous n'en sommes pas moins confrères. C'est pour cela sans doute que, comme le faisait remarquer José Maria de Heredia à Nicolas II,

                                           le poète seul peut tutoyer les rois.

    D'ailleurs j'aime trop la musique pour nier l'utilité du chef d'orchestre, j'aime trop le théâtre pour me passer de metteur en scène. Par là, je suis sans doute monarchiste. Cela dit, je vois bien qu'en deçà du chef d'orchestre il y a le compositeur et en deçà du metteur en scène le dramaturge. Par là, je dois être royaliste, et mon royalisme tempère mon monarchisme, car la royauté, moins présomptueuse que la monarchie, ne se conçoit que dans un ordre où elle ne tient pas le premier rang.

    Peu importe. Le flou du suffixe iste m'a toujours agacé (qu'y a-t-il de commun, je vous le demande, entre un bouddhiste et un véliplanchiste ?) et l'on se tromperait en cherchant dans les pages qui suivent l'exposé d'une doctrine. Ce n'est pas une défense de la monarchie que je propose : c'est une illustration de la royauté.

    Et la royauté m'apparaît - je ne sais pas si c'est à cause de mon côté scolastique ou de mon faible pour les poupées russes - comme un ensemble de trois pyramides triangulaires, la plus secrète s'emboîtant dans la moyenne et la moyenne dans la première.

     

     

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • Éphéméride du 28 mai

    Cathédrale de Beauvais : le vitrail du Miracle de Théophile dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-choseou bien pour lesquels les rares évènements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

     1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

     2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

     3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

     4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

     5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

     6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

     7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

     8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

     9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

     10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

     11. Le Mont Saint Michel (11 août)

     12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

     13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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     Aujourd'hui : Quand la cathédrale Saint Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du "Miracle de Théophile".

    Étude du vitrail avec, en parallèle, le texte du "Miracle de Théophile", de Ruteboeuf.  

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    I : Présentation du vitrail, dans son ensemble

     

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    Les 37 "cases" du vitrail, expliquée plus bas, tout au long de cet exposé...
     

    Le vitrail dit du Miracle de Théophile date du XIIIème siècle. Il est situé dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge, où l'on trouve plusieurs vitraux dont l'iconographie exalte le rôle de Notre-Dame : arbre de Jessé, enfance du Christ, miracle de Théophile.

    Il s'inscrit dans deux "formes" (cadre de pierre d'une fenêtre, entre lequel se trouve le vitrail) ayant chacune 0,95 m de largeur sur 5,85 de hauteur. Il comprend huit médaillons (ensemble de quatre rectangles) disposés verticalement (quatre par baie).

    Des armatures de fer coupent en quatre chaque médaillon, le divisant en deux scènes, parfois trois. Chaque rectangle ainsi découpé a 65 cm de hauteur sur 46 de largeur. Les verres sont d'épaisseur variable.

    Les scènes se lisent de la droite vers la gauche, et de bas en haut.

    L'ensemble du vitrail présenté ci dessus a été divisé en 37 cases, qui vont être expliquées plus bas. Il suffira donc de se reporter des explications suivantes au schéma précédent pour suivre l'histoire sur le vitrail... On commencera donc par les rectangles 1 et 2, et ainsi de suite... en partant d'en bas à droite (le 1) et en s'arrêtant en haut à gauche (le 36).

    Et Ruteboeuf nous accompagnera, à chaque scène, par un extrait de son Mystère relatif à la scène.

    Le vitrail a dû être plusieurs fois restauré, notamment au XIXème. La rosace qui clôturait ce Mystère n'a malheureusement pas été conservée. Elle représentait la Glorification de la Vierge. Elle a été remplacée au XIXème par celle que l'on voit ci dessous, représentant Théophile en train de signer son pacte avec le Diable (ci dessus, tout en haut, n° 37)
     
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     Sur la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, dans son ensemble, voir notre Évocation du 4 mai :

    Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! 

     

     

    II : L'Histoire que nous raconte le vitrail : la Légende de Théophile

     

    L'histoire se passe au VIème siècle. Théophile est le vidame, c'est-à-dire l'intendant, de l'évêque d'Adana, en Cilicie (Asie Mineure). Clerc vertueux et juste, il refuse par modestie, à la mort de son évêque, de devenir, malgré les voeux des fidèles, le pasteur de son diocèse, et se contente de son poste d'économe. Mais le nouveau prélat le destitue injustement de sa charge. Révolté et ruiné, Théophile s'en va alors trouver un magicien, Salatin, en vue de recouvrir sa fortune et ses fonctions. Salatin, qui "parlait au diable quand il voulait", dit Ruteboeuf, accepte de l'aider. Théophile, en échange, signe de son sang un pacte par lequel il vend son âme à Satan. Dès ce moment, tout réussit à Théophile, qui récupère sa charge et reçoit, de nouveau, présents et honneurs.

    Cependant, les remords viennent bientôt l'assaillir. Il va prier la Vierge. Celle-ci lui apparaît alors et, touchée par son repentir, lui rapporte la charte qu'il avait signée. Théophile court se jeter aux pieds de son évêque. Il lui confesse son crime, et lui remet le pacte. Le prélat convoque aussitôt le peuple et raconte aux fidèles émerveillés l'histoire de la faute et du pardon. Peu de temps après, Théophile meurt saintement, après avoir fait pénitence.

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    Illustration d'Albrecht Dürer ("Vilains") pour le Miracle de Théophile, de Ruteboeuf : Théophile se rend chez le Diable...
     

    Ce thème de l'homme qui vend son âme au diable - dont Goethe s'inspirera six siècles plus tard dans son Faust - et de l'intercession de la Vierge en faveur du pêcheur repentant, a d'abord été rapporté en grec. Nous possédons plusieurs manuscrits (dont l'un, écrit par Eutychianos qui prétend être témoin visuel de ce qu'il raconte). Au IXème siècle, Paul Diacre a réalisé, en latin, la synthèse de tous les manuscrits disponibles (on en dénombre 25, en français, italien, espagnol, allemand, anglais, suédois, islandais...).

    Le Mystère (ou Miracle de Théophile) de Ruteboeuf est l'oeuvre la plus célèbre qui nous soit parvenue. Ruteboeuf y développe la symbolique du vitrail, qui clôt l'édifice tout en éclairant l'église (Suger comparait la lumière et la grâce...), en la protégeant des fureurs du siècle (matière mystérieuse que celle du verre, que la lumière traverse sans se briser...). 

    Il fut joué pour la première fois en public sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 8 septembre 1239, l'archevêque ayant commandé l'oeuvre au poète (voir l'Éphéméride du 8 septembre).

     

     

    III : Description du vitrail, scène par scène

     

    • 1 et 2 : Théophile chassé de sa charge d'économe par son évêque (ci dessous, les deux rectangles d'en bas; les deux du dessus sont les 5 et 6). A gauche, l'évêque est assis sur son trône; il renvoie Théophile du palais épiscopal

     

    Extrait du Miracle de Théophile de Ruteboeuf (tous les extraits, en gras, seront du même...):

    "Ahi ! Ahi ! Dieu, roi de gloire / Je vous ai tant eu en mémoire / Tant ai donné et dépendu (dépensé) / Et tant ai aux pauvres tendu / Ne m'est resté vaillant un sac / Bien m'a dit mon évêque : 'Echac" (échec) / Et il m'a fait mat en un angle."

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    • 3 et 4 : L'évêque d'Adana lit sur son trône (droite, 3); Théophile est tenté par le diable (gauche, 4)

     

    "Dieu ? Eh oui ! Qu'en a-t-il affaire ? / Car il me fait oreille sourde.../ Mais moi je lui ferai la moue : / Honni soit qui de lui se loue !.../ Je ne m'en puis pas à dieu prendre /On ne peut à lui parvenir / Ah ! si on pouvait le tenir / Et bien battre à la retournée (en retour) / On aurait fait bonne journée..."

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    • 5 et 6 : Conversation de Salatin et de Théophile (ci dessous, les deux rectangles d'en haut; les deux d'en bas ont été vus en 1 et 2)

     

    - Théophile : "Salatin, frère, c'est ainsi : / Si toi pouvais cela savoir / Par quoi je pusse les ravoir / Mes biens, mes charges et ma grâce / Il n'est chose que je ne fasse".

    - Salatin : "Voudriez-vous Dieu renier / Celui que tant aimiez prier ? / Tous ses saints et toutes ses saintes / Et en devenir, les mains jointes, Homme lige à qui ce ferait / Que votre honneur il vous rendrait ?..." 

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    Salatin est à gauche, habit rose et blanc; Théophile à droite, habit rouge et vert  

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    Détail : Théophile

     

    • 7 et 8 : Théophile remet de l'argent à Salatin (droite, 7); deux diables tentent à nouveau Théophile (gauche, 8)

     

    "Que faire hélas ? / Si renie Saint Nicolas / Et Saint Jehan et Saint Thomas / Et Notre-Dame / Que deviendra ma chétive âme ? / Elle brûlera dans la flamme / D'enfer le Noir ! / Si effrayé jamais fut-on / Que je suis, voir / Salatin me fera ravoir / Et ma richesse et mon avoir / Et nul n'en pourra rien savoir / Je le ferai."

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    • 9 et 10 : Salatin remet à Satan le pacte signé par Théophile (10, à gauche); effrayé par l'apparition du diable, Théophile se cache derrière le magicien. Théophile, agenouillé devant le diable, lui prête hommage (9, à droite)

     

    Cette scène est l'image exacte du rituel du serment féodal tel qu'il se pratique au Moyen-Âge :
     
    - Satan      : Tes mains joins; / Ainsi mon homme tu deviens / Et t'aiderai; en tout sois mien.

    - Théophile :  Voici que je vous fais hommage; / Pourvu que je raie mon dommage, / Mon beau sire; dorénavant.

    - Satan     : Et moi par contre je promets / Qu'aussi grand seigneur te ferai / Qu'on ne contempla jamais. / Et puisqu'ainsi donc il advient/ Sache vraiment qu'il te convient / Me donner des lettres scellées / Bien claires et bien rédigées..."           

    - Théophile : Les voici; je les ai écrites !"       theophile 9 10.jpg

     

    • 11 et 12 : Théophile, réintégré dans ses fonctions, distribue de l'argent qu'un diable lui prodigue

     

    Théophile a donc retrouvé honneur, charge et puissance. La même scène se retrouve sur le portail nord de Notre-Dame de Paris et sur un vitrail du XIIIème siècle de la cathédrale de Laon. Théophile, assis su

  • Grandes ”Une” de L'Action française : (1/2) Instauration de la Fête nationale de Jeanne d'Arc...

     

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

     

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    Détail : le titre et le début de l'article de Pujo :

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    En 1920, Jeanne d'Arc fut honorée deux fois : la France décréta une Fête nationale en son honneur, et le Vatican la canonisa.  Bien entendu, L'Action française rapporta ces deux évènements mais, curieusement, d'une façon assez discrète, dans ses "Une" : rien à voir avec celles de la mort de Philippe VIII, ou de la rocambolesque évasion de Léon Daudet de la Prison de la Santé; ni avec les élections de Jacques Bainville, puis de Charles Maurras à l'Académie française...

    C'est donc à chaque fois le sujet lui-même, c'est-à-dire Jeanne, offerte comme modèle à la France entière, qui fait tout l'intérêt des "Une" que vous allez pouvoir découvrir, et pas ces "Une" elles-mêmes, dans leur composition et l'effet qu'elle produit...

    Voici la "Une" du jeudi 1er juillet 1920, qui, donc, donne assez peu de place au vote de l'Assemblée, instituant la Fête nationale. Et ce ne sont ni Maurras, ni Daudet mais Maurice Pujo (ci dessous) qui le rapporte, dans un article assez court, et peu mis en avant, intitulé "Des statues à Jeanne d'Arc" : sur les six colonnes de la "Une", l'article de Pujo occuppe à peine la moitié inférieure de la 4ème colonne, et commence par ces mots :  "Voici enfin votée la Fête nationale de Jeanne d'Arc...". Pujo souhaite surtout que, dans chaque ville et village de France une statue soit dressée en hommage à la nouvelle Sainte...

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    Dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet (321 photos), nous présentons ci-après plusieurs photos et documents qui développent le sujet...

    • Et voici, maintenant, le court article de Pujo (en "Une", moitié inférieure de la 4ème colonne) :

    (Cliquez sur les images pour les agrandir) 

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    1. La fête de Jeanne d'Arc

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    De "Vers le Roi", pages 210/211 :

    "...Aujourd'hui que la Fête de Jeanne d'Arc est devenue une cérémonie officielle, on a du mal à se représenter l'incroyable effort que durent fournir Pujo et ses troupes royalistes, pour imposer au gouvernement de la République le culte de la Sainte de la Patrie.
    Il n'est pas douteux que la bonne Lorraine, à la veille de la guerre, ait continué d'agir par les Camelots du Roi, et d'animer d'un véritable enthousiasme cette génération en partie sacrifiée.
    Les anticléricaux n'en revenaient pas; ils croyaient, lamentables crétins, avoir comme ils disaient "éteint les étoiles", ou encore "fait cesser la vieille chanson qui berçait la misère humaine"; et voilà que toute l'élite de la jeunesse accourait aux statues de l'héroïne, les couvrait de fleurs, l'invoquait, la remerciait, la célébrait, comme elle n'avait encore jamais été célébrée.
    La page la plus miraculeuse de nos annales projetait à nouveau une lumière d'auréole; et la République, prise entre son principe et l'intérêt national le plus évident, commettait la folie de résister, de s'opposer à ce culte patriotique !
    Je ne sais plus dans quel poste de police, où j'étais conduit pour "cri séditieux" - l'affaire n'eut d'ailleurs pas de suite - j'exposai brièvement ce point de vue à l'officier de paix et aux agents.
    Ils m'écoutaient sans antipathie, mais avec scepticisme, quand je leur annonçai qu'un jour ils participeraient au défilé en l'honneur de Jeanne d'Arc, devenu licite, et même légal.
    Leurs regards signifiaient : "Cause, mon bonhomme. Il passera de l'eau sous les ponts avant ça".
    Il a passé, hélas, sous ces ponts-là, moins d'eau que de sang français !..."



    Illustration : la statue de la Place des Pyramides, à laquelle se rend le Cortège qui part de Saint-Augustin...
    1. C'est le 10 juillet 1920 que se réalisera la "prophétie" de Léon Daudet : ce jour-là, sur proposition de Maurice Barrès, la "Chambre bleu horizon" (dont faisait partie Daudet, comme député de Paris, XVIème arrondissement, IIIème secteur) vota la Loi instituant la Fête nationale de Jeanne d'Arc.
    Depuis plusieurs années, l'Action française et les Camelots du roi, avec d'autres, exerçaient une forte pression pour l'adoption de cette mesure : les Camelots du roi récoltèrent "10.000 jours de prisons" cumulés... car, pendant des années, le "Cortège" et toute manifestation d'hommage étaient purement et simplement interdits. Après des années de "cortèges quand même", et, surtout, après l'effroyable hécatombe de la Guerre de 14, la Chambre bleu horizon vota la loi, ainsi rédigée :

    "Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté, le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
    - Art. 1er - La République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d'Arc fête du patriotisme.
    - Art. 2 - Cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.
    - Art. 3 - Il sera élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc sur la place de Rouen, où elle a été brûlée vive, un monument avec cette inscription : "A Jeanne d'Arc, le peuple français reconnaissant".
    La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'Etat.
    Fait à Rambouillet, le 19 juillet 1920, par le président de la République Paul Deschanel, le ministre de l'Intérieur, T. Steeg, le garde des Sceaux, misistre de la Justice, président du Conseil par intérim, G. Lhopiteau."

    2. Pour appuyer son projet de loi, Maurice Barrès expliqua ainsi le rôle de "réunion nationale" que joue Jeanne d'Arc :
    "Chacun de nous peut personnifier en elle son idéal.
    Êtes-vous catholique ? C'est une martyre et une sainte que l'Église vient de mettre sur les autels.
    Êtes-vous royaliste ? C'est l'héroïne qui a fait consacrer le fils de saint Louis par le sacrement gallican de Reims...
    Pour les républicains c'est l'enfant du peuple qui dépasse en magnanimité toutes les grandeurs établies...
    Enfin les socialistes ne peuvent oublier qu'elle disait : "J'ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des malheureux."
    Ainsi tous les partis peuvent se réclamer de Jeanne d'Arc.
    Mais elle les dépasse tous.
    Nul ne peut la confisquer."

     

    2. Sur Jeanne d'Arc

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    Illustration : à Paris, le Cortège de 1923

    (Dans "Vers le Roi") :

    "Il n'y a rien, ici-bas, depuis le Sacrifice de la Passion, de plus beau, de plus pur, de plus miraculeux que l'histoire de Jeanne d'Arc, qui semble une suite des Évangiles, où le divin palpite dans l'Humain.
    Cette histoire est… un principe de salut, une étoile au-dessus de la Patrie..."
                                 

     

    3. 10 mai 1920 : Barrès et le Cortège de Jeanne d'Arc

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    Illustration : 1923, parti de l'église Saint-Augustin, le Cortège de Jeanne d'Arc arrive Place de la Concorde, en direction de la statue de la Place des Pyramides...

    De "Maurras et notre temps", d'Henri Massis, pages 42/43 :

    "Barrès, qui connaissait la Chambre, ne laissait pas d'être frappé par le "tonus" que la seule présence de Léon Daudet donnait à ses séances.
    "Quelle joie, quelle puissance, quelle intensité, quelle surintensité de vie !" songeait Barrès.
    Le cher Léon, l'heureux Léon avait tout ce qui lui manquait à lui, Barrès, ce que, dans sa vie publique, il eût tant désiré d'avoir; mais il ne l'en admirait, il ne l'en aimait que davantage encore.
    Oui, un émerveillement sans fin, voilà ce qu'éprouvait Barrès au spectacle de cette nature si ardente, si riche.
    Certain dimanche - c'était le 10 mai 1920 - Barrès avait vu Léon Daudet, député de Paris, au cortège de Jeanne d'Arc et, le soir même, encore ébloui, il n'avait pu se retenir de lui adresser ces lignes magnifiques :

    "Mon cher Léon, je vais vous dire une folie, une folie qui m'a dans un éclair, à la hauteur des Tuileries, prodigieusement frapppé, hier, quand je rentrais chez moi après le défilé et que je vous croisais là.
    C'était le cortège du jeune Dyonisos, un Léon rayonnant d'audace, de force et de joie, et vous marchiez tous dans un tel rythme d'allégresse et d'orgueil que l'imagination s'allumait.
    Je vous ai vraiment vu, l'espace d'une seconde, comme un être venu du fond des âges, couronné de feuillages, au milieu des cymbales et de ses partisans qui menaient des tigres enchaînés: vos jeunes gens, la bouche ouverte et ruisselants de fureur animale, et vous réellement le centre physique et spirituel de cette marche triomphale !"

    Et Barrès qui savait combien Léon avait aimé son père, Barrès ajoutait comme en confidence :

    "Je me suis rappelé votre père, chez qui il y avait aussi une part divine à ses heures d'expansion, votre père, un jeune faune que je n'ai connu que douloureux et pourtant distributeur de joie."

    Puis, revenant à sa "vision", Barrès lui disait encore :

    "C'est prodigieux ces moments où la force de l'âme se manifeste au-dehors, et l'ayant vue, cette goutte de sang héréditaire, ayant vu l'éternel au plein soleil, ce dimanche à midi, j'essaie de vous en reproduire la vision, j'essaie de fixer la minute éblouissante.
    Jungamus dextras,
    Maurice Barrès..."

     

    4. Cortège 1925

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    5. En tête de Cortège... (1/2)

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    6. En tête de Cortège (2/2)

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    C'est Maurice Pujo qui porte l'énorme gerbe...

     

    7. Cortège 1934

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    Pour lire l'article de Pujo (et les autres, si vous le souhaitez)...

    Cliquez sur le lien qui suit ces quelques explications; vous tomberez sur la Une du jeudi 1er juillet 1920. En bas de page, une courte "barre de tâches" vous permet d'utiliser le zoom (tout à gauche de la barre) et de changer de page (flèche tout à droite); une fois appuyé sur "zoom", vous aurez, cette fois tout en haut de la page, une autre "barre de tâches" : en cliquant sur le "+", il ne vous restera plus, avec votre souris, qu'à vous promener sur la page, puis passer à la deuxième pour lire la suite... :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k760538g/f1.item.zoom

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  • Éphéméride du 5 juillet

    1830 : prise d'Alger (Théodore Gudin : les hauteurs d’Alger, avec à l’arrière, en contrebas, la rade depuis laquelle la flotte française bombarde la ville 

     

     

     

     

    1709 : Naissance d'Étienne de Silhouette 

     

    Tout le monde sait ce qu'est une silhouette. Beaucoup moins savent d'où vient ce mot, exemple parfait d'antonomase.

    Étienne de Silhouette, Commissaire pour la fixation des limites en Acadie, puis Commissaire du roi auprès de la Compagnie des Indes, réussit à devenir Contrôleur général des finances, le 4 mars 1759.

    Commençant bien, il finit mal, et, surtout, très vite. Il réussit, dans un premier temps, à faire rentrer 72 millions de livres dans le Trésor, ce qui lui valut une popularité réelle; mais, poursuivies, ses réformes auraient heurté les privilégiés, possédants et rentiers, qui se liguèrent contre lui, et le firent tomber, au bout d'à peine huit mois.

    La guerre entre le désir de réformes du pouvoir royal et les privilégiés - qui allait si mal se terminer pour la Royauté, et pour la France... - était bel et bien commencée. Et, malgré ses réels talents, le pauvre Silhouette en fut l'une des victimes :

     "...Après sa chute, on s'acharna à le ridiculiser - dit Michel Mourre - et le nom de Silhouette resta à une manière de faire les portraits de profil en suivant l'ombre projetée par la figure...".

    Silhouette est donc, en un certain sens, une illustration plaisante des blocages de la situation en France, à son époque, du fait de la résistance acharnée des privilégiés égoïstes à toute tentative de réforme; et, donc, des événements tragiques qui allaient se dérouler dans le royaume, alors, le plus heureux et le plus insouciant de la terre.

    Comme l'écrit Jean Sévillia : "...Poussé par sa foi chrétienne et encouragé par le Roi, Silhouette entreprendra de taxer les riches pour aider les indigents, politique qui suscitera contre lui une levée de boucliers de la part des privilégiés, le forçant à la démission. C'est l'autre face d'avant la Révolution, celle dont la réussite aurait changé le cours de l'Histoire." 

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    Étienne de Silhouette fut le propriétaire le plus célèbre du château de Chevilly, près d'Orléans 

     

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    1830 : Prise d'Alger         

              

    Trois semaines après le débarquement des troupes françaises à Sidi Ferruch (voir l'Éphéméride du 14 juin), le Dey Hussein abdique, avec la garantie de conserver sa liberté et ses richesses personnelles.

    Le Général Louis-Auguste de Bourmont - le renardin, selon son surnom chouan - est à la tête d'une expédition de 37.000 hommes.

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    L'occupation "restreinte" se limite d'abord à la zone littorale. Un "gouvernement général" des possessions françaises dans le nord de l'Afrique est créé en 1834, mais la progression française se heurte au vigoureux État islamique créé par l'émir Abd el Kader.
    La conquête proprement dite sera l'œuvre de Bugeaud, Gouverneur général en 1843.
    L'un des évènements majeurs - du moins dans le domaine du symbolique - en sera, en 1843, la prise de la Smala d'Abd el Kader par le Duc d'Aumale - l'un des cinq fils de Louis-Philippe - et la reddition d'Abd el Kader, quatre ans plus tard, en 1847. 

    L'occupation "étendue" commencera vraiment à partir de ce moment-là : 100.000 colons sont déjà installés en 1847.

     

       Dans notre Album L'aventure France racontée par les cartes, voir la photo"Conquête de l'Algérie (I)" et les deux suivantes...

     

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    La prise de la Smala d'Abd el Kader, par Horace Vernet, Musée du Louvre
     
    En plus de notre Éphéméride du 14 juin, on pourra consulter également, avec profit, le commentaire envoyé à lafautearousseau par l'un de ses lecteurs...
     
     
     
     
     
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    1905 : L'Arc de Germanicus, de Saintes, classé Monument historique...

     

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    https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Saintes/Saintes-Musee-archeologique.htm

     

    L'Arc de Germanicus fut érigé à Saintes en l'an 18 ou 19 pour l'empereur Tibère, son fils Drusus et son neveu et fils adoptif, Germanicus.

    Il ne s'agit pas d'un Arc de triomphe : le "triomphe", grandiose défilé militaire accordé à un général revenant victorieux d'une expédition, n'avait lieu qu'à Rome. Il ne s'agit pas non plus d'un arc municipal, comme à Orange. 

    Il s'agit d'un arc routier à deux baies initialement bâti à l’arrivée de la voie romaine Lyon - Saintes (Lugdunum – Mediolanum Santonum), au niveau du pont romain sur la Charente. Sa construction a été financée par un riche et illustre citoyen de Saintes, Caius Julius Rufus. Il fut restauré en 1666 puis, sur proposition de Prosper Mérimée en 1843 l'arc fut déplacé à vingt-huit mètres de son emplacement pour des travaux sur les quais de la Charente. L'arc fut restauré en 1851.

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    La dédicace sur l’attique est très abîmée pour la partie nommant l’empereur Tibère et son fils Drusus. La dédicace à son neveu et fils adoptif Germanicus, mieux conservée, permet de dater l’arc à l’année 18 ou 19 : elle a donné au monument sa dénomination usuelle.

    En latin :

    GERMANICO [caesa]R[i] TI(beri) AVG(usti) F(ilio)
    DIVI AVGVSTI NEP(oti) DIVI IVLI PRONEP(oti) AVGVRI
    FLAM(ini) AVGVST(ali) CO(n)S(uli) II IMP(eratori) II
    TI(berio) CAESAR[i divi aug(usti) f(ilio) divi iuli nep(oti) aug(usto)]
    PONTIF(ici) MAX{s}(imo) [co(n)s(uli) III] IMP(eratori) VIII [tri]B(unicia) POT(estate) [XXI]
    DR[us]O CAESARI [ti(beri) aug(usti)] F(ilio)
    [divi augusti] NEP(oti) DIVI IVLI
    [pronep(oti) co(n)s(uli)] PONTIFICI AVGVRI

    Traduction :

    "À Germanicus César, fils de Tibère Auguste, petit-fils du divin Auguste, arrière-petit-fils du divin Jules, augure, flamine augustal, consul pour la deuxième fois, salué imperator pour la deuxième fois, etc."

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    Sous la dédicace, l’inscription sur l’entablement donne le nom du donateur Caius Iulius Rufus, ainsi que son ascendance. Elle est répétée sur chaque face de l’arc.

    En latin :

    C(aius) IVLIVS C(ai) IVLI CATVANEVNI F(ilius) RVFVS [c(ai) iul(i) agedomopatis nepos epotsorovidi pronep(os) volt(inia)]
    SACERDOS ROMAE ET AVGVSTI AD ARAM [quae est ad confluentem praefectus fabrum d(e) s(ua) p(ecunia) f(ecit)]
    C(aius) IVLI[us] C(ai) IVLI C[a]TVANEVNI F(ilius) RVFVS C(ai) IVLII AGEDOMO[patis] NEPOS EPOTSOROVIDI PRON(epos) V[olt(inia)]
    [sacerdos Romae et Au]GVSTI [ad a]RAM QV[a]E EST AD CONFLVENT[em praefectus fab]RV[m] D(e) [s(ua) P(ecunia) F(ecit)]

    Traduction : 

    "Caius Julius Rufus, fils de Caius Julius Catuaneunius, petit-fils de Caius Julius Agedomopas, arrière-petit-fils d’Epotsovirid(i)us, inscrit dans la tribu Voltinia, prêtre de Rome et d’Auguste à l’autel qui se trouve au Confluent, préfet des ouvriers, a fait à ses frais (cet arc)."

     

     
     
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    1925 : Naissance de Jean Raspail
     
     
      
    Si tous ses romans son attachants, bouleversants parfois (Le jeu du Roi...), les jugements et points de vue sur l'oeuvre et le style de Raspail dépendront, forcément, de chacun de ses lecteurs.
     
    Il est un de ses romans, cependant, qui sort, en quelque sorte de la littérature, par la vision prophétique des choses qu'il proposa, et ce dès le printemps 1973 : Le Camp des Saints.

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    Quatrième de couverture (réédition de 2010) :

    Nous sommes tous les acteurs du Camp des Saints...
    Dans la nuit, sur les côtes du midi de la France, cent navires à bout de souffle se sont échoués, chargés d'un million d'immigrants. Ils sont l'avant-garde du tiers-monde qui se réfugie en Occident pour y trouver l'espérance. À tous les niveaux, conscience universelle, gouvernements, équilibre des civilisations, et surtout chacun en soi-même, on se pose la question trop tard : que faire ?
    C'est ce choc inéluctable que raconte Le Camp des Saints.
    Paru pour la première fois en 1973, Le Camp des Saints est le livre qui a fait connaître Jean Raspail au grand public. Il révélait la fascination de l'auteur pour les causes perdues et les peuples disparus, une fascination qu'on continuera d'observer à travers la suite de son oeuvre.
    "Y a-t-il un avenir pour l'Occident ?" demandait-il à l'époque. Certains ont été choqués par la façon dont la question était posée, d'autres, en France comme à l'étranger, ont parlé d'oeuvre prophétique.
    "On n'épousera ou on n'épousera pas le point de vue de Jean Raspail, pouvait-on lire sur la quatrième de couverture de la première édition. Au moins le discutera-t-on, et passionnément". En 2010, ce débat n'a rien perdu de son actualité.
     
     
    Royaliste de coeur et de  raison, il accorda, en 1978, un très intéressant entretien au mensuel Je suis Français (entretien réalisé par François Davin et Pierre Builly).
     
    Il participa également deux fois au Rassemblement royaliste des Baux de Provence, où il prononça deux discours : vous pouvez écouter l'un d'eux dans notre note du 5 février 2015.
     
    Le 17 juin 2004, Jean Raspail publia une tribune dans Le Figaro, intitulée "La patrie trahie par la République", dans laquelle il critiquait la politique d'immigration menée par la France. Il fut attaqué en justice par la LICRA pour "provocation à la haine raciale", mais fut relaxé par une décision de la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris
  • Éphéméride du 19 février

    lfar flamme.jpgIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Evocations :  

    1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

    • 2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

    • 3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

    • 4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

    • 5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

    • 6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

    • 7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

    • 8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

    • 9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

    • 10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

    •  11. Le Mont Saint Michel (11 août)

    •  12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

    •  13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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    Aujourd'hui : Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale.

    II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (précédent : Reims, la cathédrale du Sacre,  Éphéméride du 15 février) 

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     Pour en savoir plus : 

    • notre album (49 photos) : La Basilique de Saint Denis, nécropole royale.  

    I : Des origines... au génial Suger 

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    Comme on s'en rendra vite compte, les quatre liens suivants, traitant du même édifice, se recoupent forcément, en partie; ils ont pourtant chacun leur originalité, et chacun apporte un quelque chose que les autres n'ont pas... :   

    • http://www.tourisme93.com/basilique/abbaye-saint-denis.html 

    • http://architecture.relig.free.fr/denis.htm

    •http://www.saint-denis.culture.fr/fr/index.html 

    • http://www.tourisme93.com/document.php?pagendx=73

           

    Martyrium, Abbaye royale, Nécropole royale... : l'histoire de Saint-Denis commence vers 250, avec le martyre, précisément, de Saint Denis, l'évangélisateur et premier Évêque de Lutèce. 
    Décapité à Montmartre, il aurait pris sa tête dans ses mains et se serait rendu dans la cité romaine de Catulliacus, au nord de Lutèce, où il aurait été enterré (voir l'Éphéméride du 9 octobre). 

    Vers 475, sainte Geneviève fait édifier une première église, but d'un pèlerinage immédiatement très populaire, dont Dagobert, en 630, se fait le protecteur, transformant cette simple église en une abbaye royale, où il installe des moines bénédictins. 
    Il est le premier souverain à s'y faire enterrer. 

    Pépin le Bref s'y fait sacrer roi par le pape en 754 : il est le premier roi sacré de l'histoire de France (voir l'Éphéméride du 27 juillet) et c'est lui qui aménage, sous le choeur, le martyrium où l'on vient vénérer les reliques de saint Denis et de ses compagnons, Éleuthère et Rustique. Plusieurs Carolingiens s'y font enterrer. 

    Devenu roi, Hugues Capet, dans la volonté affichée de prendre la suite de la dynastie carolingienne, s'y fait inhumer, et l'abbaye devient ainsi officiellement la nécropole royale.

    Tous les rois de France y furent enterrés, sauf cinq :


    • Philippe 1er, inhumé en 1108 au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire.

    • Louis VII, inhumé en 1180 à l’abbaye royale Saint-Port de Barbeau près de Fontainebleau. En 1817, Louis XVIII fit transférer ses restes à Saint-Denis.

    • Louis XI, inhumé à Notre-Dame de Cléry, près d'Orléans.

     Charles X, inhumé à Kostanjevica (Nova Gorica) en Slovénie.

    • Louis-Philippe, inhumé à Dreux.

     

    Le rayonnement, l'importance et l'influence de la l'abbaye devinrent considérables : ainsi, par exemple, elle créa en 1109 la Foire du Lendit : 1.200 loges de bois y accueillaient les marchands, venus de toute l'Europe .

    Cette foire gardera toute son importance pendant six siècles (l'Université de Paris y venait, en corps, pour y acheter du parchemin...) jusqu'à ce que la Révolution la supprimât, en 1793.

    Elle durait deux semaines (du 11 juin, jour de la Saint-Barnabé, jusqu'au 24 juin, jour de la Saint-Jean : voir l'Éphéméride du 9 juin).

     

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    II : Suger, qui a "fait" Saint Denis...   

             (Pour de plus amples informations sur Suger, voir l'Éphéméride du 13 janvier, jour de sa mort...)

     

    Cependant, l'homme qui va marquer Saint-Denis - et l'histoire de l'Art - est l'abbé Suger, moine et homme d'état, aux dons exceptionnels, dans un grand nombre de domaine. 
    Né pauvre, Suger (1081-1151) intègre l'abbaye vers les dix ans; il prend vite une grande influence sur le futur Louis VI : c’est lorsque le prince accède au trône que la carrière de Suger prend une dimension autant religieuse que politique : il devient Conseiller du roi, et, après lui, de son successeur Louis VII, dont il a préparé le mariage avec Aliénor d'Aquitaine

    C’est à lui que le roi confie la régence du royaume, lorsqu’il part en croisade en 1146 : Louis VII devait l'appeler "Père de la Patrie".....

    Devenu Ambassadeur à Rome, il est élu Abbé de Saint-Denis en 1122. À partir de 1130, il fait reconstruire la basilique et impose des verrières qui donnent aux fidèles l’image de Dieu par la présence de la lumière : mais ceci demande quelques explications...

    En réalité, Suger est l'homme qui, à Saint Denis et en construisant Saint Denis, a inventé l'Art ogival, ou Art français, dont Saint Denis est, précisément, à la fois le manifeste, le premier exemple, la première réalisation...

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    Les cathédrales qui viendront par la suite seront appelées dédaigneusement, à partir de la Renaissance, "gothiques", c'est-à-dire barbares, ce qui est surprenant de la part d'hommes aussi raffinés et cultivés que les humanistes de la Renaissance. Mais, dans leur amour bien compréhensible pour l'Antiquité, pour sa Sagesse, pour ses trésors, ils en étaient venus - d'une façon certainement un peu excessive...- à tenir pour rien l'âge intermédiaire qui s'était écoulé entre l'Empire romain et sa chute, et leur époque (en gros, 1500), à partir de laquelle on redécouvrait l'Antiquité.

    D'où le double contresens de Moyen-Âge et de gothique, pour une époque de mille ans qui fut tout sauf infertile : sa fécondité s'étendit au contraire à tous les domaines de l'Art et de la pensée, mais c'est ainsi, aujourd'hui, l'habitude est prise, et l'on parle de "Moyen-Âge" et de cathédrales "gothiques"...

    Ces précisons étant données, qu'est-elle donc, cette influence, cette action de Suger ? Et en quoi a-t-elle marquée non seulement leur époque mais aussi l'histoire de l'Art. Tout simplement, si l'on peut dire, Suger a illustré à sa façon l'image de l'oeuf de Colomb : et il l'a fait en trouvant, enfin, la façon de tirer toutes ses possibilités d'une technique de construction banale - la croisée d'ogives - que l'on connaissait depuis des siècles (les Romains la pratiquaient déjà...).

    Mais les possibilités immenses qu'offraient la croisée d'ogives étaient impossibles à exploiter vraiment tant qu'on en restait au fonctionnement par muralité ou par mur porteur
    Dans ce type de schéma, c'est le mur qui supporte la totalité du poids des parties supérieures : charpentes, toits, tours etc...: les murs doivent donc être très épais, ne pas être percés de trop larges fenêtres, et ne pas monter trop haut; d'où l'ambiance intimiste, au demeurant fort belle et fort propre à la prière, des églises romanes...

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    Avec le nouveau style, et Suger, tout va changer : on va passer du mur porteur au pilier porteur, en faisant se croiser les ogives, comme depuis toujours, mais surtout et essentiellement en faisant reporter maintenant au maximum la poussée des parties supérieures sur des piliers énormes, qui vont soulager les murs.  

    Ceux-ci pourront, du coup, non seulement monter beaucoup plus haut mais, surtout, être percés de larges baies. Et la lumière pourra entrer à flot dans l'édifice, créant ainsi une ambiance radicalement différente de celle de l'Art roman : la cathédrale d'Amiens, littéralement baignée de lumière; ou bien la Sainte Chapelle, où les murs ont quasiment disparus dans la Chapelle haute le montrent assez...

    Suger pourra ainsi, à partir de la pierre, exprimer une véritable théologie de la lumière : la lumière, menant vers "la" Lumière...

    On a presque tout dit de Suger et sur Suger - en tout cas on a cerné l'essentiel de son être profond... - lorsqu'on a rappelé sa célèbre et magnifique devise De materialibus ad immaterialia...
    Toute la vie, toute l'oeuvre de Suger tient en cela en effet : amener les hommes, par des choses matérielles et sensibles, vers les choses supérieures et immatérielles.

    Le 11 Juin 1144, sera une date mémorable, et un triomphe personnel pour l'abbé Suger, qui en présence du Roi Louis VII, inaugure le nouveau chevet lumineux de l'Abbaye (voir l'Éphéméride du 11 juin).
    Mais, pour en arriver là, il a fallu "3 ans, 3 mois et 3 jours" à cet homme qui "petit de corps et de famille, poussé par sa double petitesse, refusa dans sa petitesse d'être petit" (selon son épitaphe) ! 

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  • Éphéméride du 25 mars

    1914 : Mort de Frédéric Mistral (Ici, le Pavillon de la reine Jeanne, aux Baux de Provence)

     

     

     

    507 : Date possible de la bataille de Vouillé

     

    Neuf ans auparavant, Clovis avait finalement connu le triomphe, contre les Alamans, lors de la terrible bataille de Tolbiac, alors qu'il y avait d'abord frôlé le désastre.

    Les conséquences de ce succès militaire furent immenses pour le futur de ce qui n'était pas encore la France, mais qui était en train de le devenir, et pour une très large part grâce à Clovis, qui venait de redonner à la Gaule sa frontière "romaine" du Rhin, en refoulant les Alamans sur l'autre rive du fleuve (voir l'Éphéméride du 10 novembre).

    Un autre danger subsistait cependant : celui de la puissance wisigothique, qui s'étendait alors sur la plus grande partie de la péninsule ibérique et sur un très large quart sud/sud-ouest de la France actuelle, comme on le voit sur la carte ci dessous  

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    D'une part, les rapports entre Francs et Wisigoths n'avaient jamais été bons. D'autre part, devenu le champion du catholicisme depuis sa conversion, Clovis était soutenu indéfectiblement par l'Église catholique, et regardé comme un espoir par la masse des populations gallo-romaines catholiques, sur laquelle régnaient des souverains tous acquis à l'hérésie arienne (notamment les Wisigoths).

    Dans les années 500, l'agitation des catholiques est à son comble dans le royaume wisigoth d'Alaric II : celui-ci exile à Bordeaux les évêques Rurice (de Limoges) et Césaire (d'Arles), accusés de comploter avec les Burgondes, alliés de Clovis.

    Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths d'Italie, essaye de calmer les esprits, et pense pouvoir jouer les médiateurs, car il est marié à une soeur de Clovis, et le roi Alaric est marié à sa propre fille : il veut faire semblant de croire que l'opposition Francs/Wisigoths est purement territoriale et politique, et feint d'ignorer la détestation des ariens par les masses catholiques. Sur le conseil de Théodoric, Clovis et Alaric se rencontrent à la frontière de leurs deux royaumes, sur l'Île d'Or (ou Île Saint Jean), au milieu de la Loire, face à Amboise. Mais la guerre est en réalité inévitable, car Clovis veut à la fois redonner à la Gaule son autre frontière naturelle des Pyrénées et redonner ce vaste ensemble de territoires à la catholicité...

    Ainsi, donc, après de vaines tentatives de médiations, Clovis attaqua Alaric II, dans la plaine de Vouillé (ou peut-être de Voulon, mais, dans les deux cas, tout près de Poitiers), "au printemps 507", disent les historiens, sans donner de jour précis pour cet événement considérable qui, de toutes façons, recouvrait une période de temps bien plus étendue qu'une ou même plusieurs journées.

    Au même moment, l'Empereur d'Orient, Anastase, allié de Clovis, attaquait Théodoric le Grand, pour lui reprendre l'Italie, privant ainsi les Wisigoths de leur unique soutien. 

    25 mars,frederic mistral,provence,felibrige,les baux,prix nobel,maillane,mireille,calendal,provençal,malrauxMais, au-delà et en plus des conséquences immédiates de la bataille de Vouillé - qui venait comme couronner le précédent triomphe de Tolbiac, et permettait à Clovis de rendre le service immense qu'il a si bien rendu... - une chose est à noter : la France que nous connaissons aujourd'hui n'était nullement une évolution obligée des choses, un État qui aurait naturellement vu le jour de toute façon.

    Bien au contraire, plusieurs autres entités que la France que nous connaissons aujourd'hui auraient pu naître à sa place, sous d'autres formes et recouvrant d'autres territoires :

    Précisément, la première de ces entités possibles était celle-ci : une vaste monarchie wisigothique s'étendant de part et d'autre des Pyrénées, et rejoignant peut-être un jour ses cousins d'Italie ! C'est cette première "autre France possible" que Clovis rendit, justement, impossible.

    Par la suite, il aurait pu naître "quelque chose" autour de la puissante maison des Comtes de Toulouse : mais le trop faible poids démographique de la ville de Toulouse et, surtout, la Croisade des Albigeois rendirent cette option impossible.

    Les Anglais, aussi, autour des Plantagenêts, auraient pu créer un vaste ensemble s'étendant à la fois sur la Grande Bretagne et la France : là, ce furent plusieurs rois (Philippe Auguste, Saint Louis...) qui anéantirent ce rêve, mais au prix de très grands efforts, et sur une longue période.

    La dernière grande entité qui aurait pu naître en lieu et place de la France, c'est du côté de la Bourgogne qu'elle se trouvait, et c'est Louis XI qui, bien plus faible au départ que ses rivaux - les Grands Ducs d'Occident - empêcha les Ducs de Bourgogne de réunir leurs riches et immenses territoires du sud (en gros, la Bourgogne et la Franche-Comté actuelle) à ceux du nord (en gros, les actuelles Hollande et Belgique, et une part de l'actuel nord/nord-est de la France).

    25 mars,frederic mistral,provence,felibrige,les baux,prix nobel,maillane,mireille,calendal,provençal,malrauxAinsi, dès Clovis et la première dynastie, les rois de France - surtout à partir d'Hugues Capet - ont-ils inlassablement repoussé tout ce qui s'opposait à leur tâche de rassemblement et d'unification des territoires de la France que nous avons reçue en héritage, et à la création d'un État qui a fait d'elle la première puissance du monde sous Louis XVI : 

     

    "La France fut faite à coups d'épée. La fleur de lys, symbole d'unité nationale n'est que l'image d'un javelot à trois lances." (Charles de Gaulle) 

     "Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L'élément décisif pour moi, c'est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs" (Charles de Gaulle).

     

    Sur Clovis, et l'importance capitale de son règne, voir : l'Éphéméride du 25 décembre (baptême de Clovis); l'Éphémeride du 27 novembre (sa mort); sur le sens véritable de l'épisode du vase de Soissons, voir l'Éphéméride du 1er mars; et, sur son autre victoire décisive de Tolbiac, voir l'Éphémeride du 10 novembre.

     

     

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    1867 : Mort de Jacques Hittorf

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    http://paris1900.lartnouveau.com/documents/hittorff.htm

     

    Sur les magnifiques aménagements de l'Avenue Foch et de la Place de l'Étoile, qu'il réalisa, voir nos Éphémérides du 17 juillet (Avenue Foch) et du 13 août (Place de l'Étoile)...

     

     

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    1873 : Fondation de l'École française de Rome

     

    L'École française de Rome est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, sous tutelle du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Conçue d'abord comme relais romain de l'École française d'Athènes (1873), puis comme École d'archéologie (1874), elle est fondée en 1875 et occupe le Palais Farnèse, partagé depuis avec l'Ambassade de France en Italie (ci dessous).

    Relais de l'action scientifique de la France en Italie et en Méditerranée centrale dans le domaine de l'histoire, de l'archéologie et des sciences sociales, l'École travaille dans le cadre de programmes avec des opérations de recherche qui sont conduites avec des partenaires surtout français et italiens mais aussi en provenance du Maghreb et des pays riverains de la mer adriatique (Albanie, Croatie, Serbie et Slovénie) et de l'Union européenne.

    Ses opérations donnent lieu à des échanges scientifiques dans le cadre d'ateliers et de séminaires, voire de colloques, et s'articulent avec l'organisation de sessions de formation doctorale et la collaboration à des expositions. L'École accueille des membres, fonctionnaires détachés ou post-doctorants contractuels, des boursiers, des enseignants chercheurs et des chercheurs qui sont mis à disposition, détachés ou invités.

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    École française d'Athènes, École française de Rome, Institut français d'archéologie orientale du Caire, École française d'Extrême-Orient et Casa de Velásquez à Madrid : dans les aires géographiques et les domaines scientifiques de leurs compétences, les cinq écoles françaises à l'étranger ont pour mission de développer la recherche fondamentale sur le terrain et la formation à la recherche.

    Fondées entre 1846 et 1928, ces cinq Écoles relèvent du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche et sont placées sous l'autorité scientifique de plusieurs Académies de l'Institut. Établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ce sont des lieux d'échanges entre les chercheurs français et étrangers, contribuant au rayonnement de la science française.

     

     http://www.efrome.it/lefr/histoire.html

     

     

    La France entretient donc, dans le monde, un réseau de cinq Établissements culturels de très haut niveau, tous présentés dans ces Éphémérides (avec leurs ramifications éventuelles...). Pour le premier d'entre eux, chronologiquement, l'École française d'Ahènes, fondé par Louis-Philippe en 1846, voir l'Éphéméride du 11 septembre; cette Éphéméride vient de vous présenter l'École française de Rome, fondée en 1873; pour l'Institut français d'Archéologie orientale, fondé en 1880, voir l'Éphéméride du 28 décembre; pour l'Ecole française d'Extrême-Orient, fondée en 1898, voir l'Éphéméride du 15 décembre; et pour la Casa de Velazquez, fondée en 1928, voir l'Éphéméride du 20 novembre...

     

     

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    1914 : Mort de Frédéric Mistral

     

    Dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française", voir les deux qui lui sont consacrées, à l'occasion de sa mort :

    • Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral ! (1/2)

    • Grandes "Une" de L'Action française : Quand il est mort, le poète... Mistral (2/2)

     

    Il avait reçut le Prix Nobel de Littérature en 1904. 

     

    1. Extrait de l’article que Maurras publia dans L’Action française du 26 mars 1914 :

    "...On peut tenter de faire le compte de l’oeuvre immense. Pour nous ce n’est encore rien. Mistral a ressuscité au fond de nos coeurs notre histoire, notre légende, notre sagesse provinciale, notre raison même ; il a éclairé pour nous jusqu’au sens des choses, telles qu’elles sont, mais telles que nous ne les eussions jamais comprises sans lui. La respectueuse affection dont il avait bien voulu nous permettre d’entourer sa noble vieillesse ajoute à notre douleur. Mais je connais des Provençaux de ma génération qui ne l’ont jamais vu ou qui l’ont vu à peine : aujourd’hui dispersés sur tous les points du monde, ils sentiront qu’avec la personne brisée de Mistral se perd en eux le centre d’une attraction suprême auquel correspondaient, comme par un accord de sourires mystérieux, le nom et l’image de leur pays..." 

     

    2. De Mistral, Maurras, a tiré la quintessence poétique et intellectuelle dans Maîtres et Témoins de ma vie d’esprit :

    "...Au soubassement général de (son) oeuvre... courent en lettres d’or et de feu deux mots-clefs qui en découvrent le sens profond : Multa renascentur. Le monde est fait, inspiré, excité, et comme nourri d’une renaissance perpétuelle : c’est de la cendre des empires et de la poussière des civilisations que sortent les progrès dignes de ce nom. La vie mourrait si elle n’était soutenue, stimulée et alimentée par les morts..."

     

    3. Jacques Bainville a également écrit deux pages s

  • Éphéméride du 18 janvier

     Les Hospices de Beaune, aujourd'hui

     

     

    1462 : Mort du Chancelier Nicolas Rolin 

     

    Grande figure politique de la Bourgogne et de la France du XVème siècle, il fut chancelier de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, durant 40 ans.

    Fondateur du célèbre Hospice de Beaune, il fut un homme politique clairvoyant et intelligent : il sut gagner la confiance du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui lui décerna le titre de conseiller et fit de lui son avocat au parlement de Paris. Après l'assassinat de Jean sans Peur, par des Armagnacs, en 1419, il se mit au service de Philippe le Bon, qui le nomma Chancelier de Bourgogne en 1422.

    Après l'épopée de Jeanne d'Arc, Rolin jugea la cause anglaise perdue et incita Philippe le Bon à quitter la famille des Lancastre pour celle des Valois et à obtenir les faveurs de Charles VII, ce que fit Philippe le Bon lors du congrès d'Arras (1435), où le chancelier Rolin était le porte-parole du duc et de la duchesse de Bourgogne.

    C'est lui qui commanda la célébrissime Vierge du Chancelier Rolin, aujourd'hui unique oeuvre de Jan Van Eyck que possède la Louvre : 

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    Sur la fondation des Hospices de Beaune, le 4 août 1443, voir notre Éphéméride du 4 août ; et l'Éphéméride du 1er janvier, jour où ces Hospices ont reçu leur premier patient.

    Et, sur les causes profondes de la guerre entre la France et la Maison de Bourgogne, voir l'Éphéméride du 24 juin et l'Éphéméride du 3 octobre

     

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    1641 : Naissance de François Michel le Tellier, marquis de Louvois

     

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    http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Fran%C3%A7ois_Michel_Le_Tellier_seigneur_de_Chaville_marquis_de_Louvois/130507

     

    Voir aussi le court article Louvois dans l'excellente présentation de Louis XIV, la Cour du Roi soleil...

     

     

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    1650 : Début de la Fronde des Princes

     

    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre XII, Les leçons de la Fronde :

    "On a pris l'habitude de regarder la Fronde comme un épisode romanesque et même galant à cause des belles dames qui s'en mêlèrent. Ce fut, en réalité, la poussée révolutionnaire du dix-septième siècle. Ce "grand siècle" n'est devenu celui de l'ordre qu'après avoir passé par le désordre. Il a eu, vers son milieu, une fièvre, une éruption répandue sur plusieurs pays d'Europe. Nous avons déjà vu le roi d'Espagne aux prises avec des mouvements d'indépendance en Catalogue et au Portugal. À Naples, le pêcheur Masaniello prit le pouvoir et son histoire frappa les imaginations. À Paris, dans les rues, au passage d'Anne d'Autriche, on criait : "À Naples !" Mais rien ne saurait se comparer à l'impression que produisit la révolution d'Angleterre. L'exécution de Charles 1er, beau-frère de Louis XIII, semblait annoncer la fin des monarchies. Le rapport de ces événements avec les troubles qui éclatèrent en France n'est pas douteux.

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    Retour de Louis XIV dans Paris, après la fin de la Fronde
     
     

    On retrouve dans la Fronde les éléments ordinaires dont les révolutions se composent. L'effort et la fatigue de la guerre de Trente Ans y entrèrent pour une part. Richelieu avait demandé beaucoup au pays et tout ce qui avait été contenu sous sa main de fer se libéra sous Mazarin. Il se fit une alliance des grands qu'il avait contraints à la discipline nationale, et de la bourgeoisie qui avait souffert dans ses intérêts d'argent. Pour une autre part, et non la moindre, il y eut le jansénisme, cette Réforme sans schisme, qu'on a pu appeler "la Fronde religieuse". Les pamphlets contre Mazarin et les polémiques avec les jésuites, les "mazarinades" et les Provinciales (bien que légèrement postérieures) partent du même esprit. Un admirateur de la Fronde l'a appelée "la guerre des honnêtes gens contre les malhonnêtes gens". Si elle avait réussi, on lui aurait certainement reconnu les caractères intellectuels et moraux d'une révolution véritable.

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    Deux représentations de Louis XIV terrassant la Fronde, par Gilles Guérin :
    Statuette, Paris, musée Carnavalet (ci dessus)... 

       

    Lorsque les troubles éclatèrent, au commencement de 1648, l'année du traité de Westphalie, le gouvernement était depuis plusieurs mois en conflit avec le Parlement qui déclarait illégales quelques taxes nouvelles. La raison du mécontentement était toujours la même : la guerre, l'action extérieure, l'achèvement du territoire coûtaient cher. Le Trésor était vide. Il fallait emprunter, imposer, quelquefois "retrancher un quartier" de la rente, ce que les bourgeois prenaient mal comme on s'en douterait si la satire de Boileau ne l'avait dit. Mazarin, tout aux grandes affaires européennes, laissait les finances et la fiscalité au surintendant. Lorsque les choses se gâtaient, il se flattait de les arranger par des moyens subtils. Il eut le tort, quand le Parlement adressa au pouvoir ses premières remontrances, de ne pas voir qu'il s'agissait de quelque chose de plus sérieux que les cabales d'Importants dont il était venu à bout au début de la régence. La résistance du Parlement faisait partie d'un mouvement politique. On demandait des réformes. On parlait de liberté.

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    ... et sculpture, à Chantilly, dans le Musée Condé
     

    Surtout on en voulait à l'administration laissée par Richelieu, à ces intendants qu'il avait créés et qui accroissaient l'autorité du pouvoir central. Les hauts magistrats recevaient des encouragements de tous les côtés. Les concessions par lesquelles Mazarin crut les apaiser furent donc inutiles. Le Parlement s'enhardit, et bien qu'il n'eût que le nom de commun avec celui de Londres, l'exemple de la révolution anglaise ne fut pas sans échauffer les imaginations. En somme le Parlement de Paris, le plus souvent soutenu par ceux des provinces, prétendait agir comme une assemblée souveraine et, au nom des antiques institutions et libertés du royaume, limiter l'autorité de la monarchie, singulièrement renforcée sous la dictature de Richelieu. Les Parlements deviennent dès ce moment-là ce qu'ils seront encore bien plus au dix-huitième siècle : un centre de résistance au pouvoir et d'opposition aux réformes, d'agitation et de réaction à la fois, un obstacle à la marche de l'État..."

     

     

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    1695 : Louis XIV institue la première Capitation

     

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    "...Louis XVI eût-il réussi, financièrement et psychologiquement, la même opération en 1780 - au coeur de la guerre d'Amérique - la monarchie capétienne était sauvée..." (François Bluche)

    (Pour la seconde Capitation, instaurée le 14 octobre 1710, voir l'Éphéméride du 14 octobre...)

      

    De François Bluche, Louis XIV, Fayard, pages 747 à 750 (extraits) :

    Les sujets de Sa Majesté en coupe et en élévation

    ...Le 18 janvier 1695, une déclaration du Roi instaurait en France une capitation, une redevance annuelle par tête, impôt nouveau chez nous, assez révolutionnaire (puisque la noblesse y était soumise) bien qu'imité de l'Europe centrale. Saint-Simon pense que le contrôleur Pontchartrain ne l'a instaurée qu'à contrecoeur, n'a été qu'un éditeur malgré lui. On ne peut en dire autant de Louis XIV. Il a suivi pendant toute l'année 1694 les préparatifs et modalités de la capitation. Si les riches paient, si les nobles crachent au bassinet, le Roi l'a plus qu'accepté, il l'a voulu.

    Cette particularité qui rattache le nouvel impôt à un dessein économique et social, à une politique globale, suffirait à marquer l'exceptionnelle importante de la capitation. On y trouve aujourd'hui un autre intérêt. Car, non content de renflouer, en pleine guerre, les caisses du trésor public, l'impôt de capitation de ce mois de janvier 1695 nous instruit sur l'ancien régime français et sa structure, la politique sociale de Louis XIV et sa réussite...

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    Ce ne sont pas trois ordres (clergé, noblesse, tiers état), ou deux camps (privilégiés et roturiers, riches et pauvres, dominants et dominés) qui sont taxés, mais vingt-deux "classes" de contribuables. Elles ne regroupent pas moins de 559 rangs, correspondant à des dignités, des états, des grades des métiers. La première, qui comprend notamment la famille royale, les ministres et les principaux financiers, est taxée 2.000 livres; la deuxième, celle des ducs et du premier président, paie mille livres; la huitième, qui compte en son sein les maréchaux de camp et les conseillers au Parlement, est imposée pour 200 francs; la quinzième, où figurent les greffiers des présidiaux et les rentiers des villes moyennes, paie 40 livres. La dernière, celle des simples soldats et des petits domestiques, n'est taxée qu'à une livre. La capitation n'étant ni impôt sur le capital, ni impôt sur le revenu, mais imposition du rang, son tarif est une véritable radiographie de la société française, saisie aux deux tiers d'un grand règne.  

    La population du royaume n'est ni société d'ordres fondée sur le protocole, ni société de classes réglée sur l'argent. La division de la nation en trois ordres n'est plus une réalité sociale (même si un noble est élégamment décapité là où un roturier est vulgairement pendu). C'est pourquoi la première classe de capitation englobe un bon nombre de financiers roturiers. La hiérarchie des fiefs de dignité n'a plus de sens, à l'exception de l'éminente primauté des maisons ducales. Les marquis, comtes, vicomtes et barons sont démocratiquement mis au même rang : le Roi les a laissé placer en septième classe, où ils accompagnent, non moins démocratiquement, les receveurs des tailles et les contrôleurs des postes. Quant aux "gentilshommes n'ayant ni fief ni château" - ce qui est un peu le niveau de Cadet Rousselle -, le contrôleur général les a mis en dix-neuvième classe, auprès des appariteurs d'université, des cabaretiers, des garde-chasse !..."   

     

     

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    1701 : Le Grand électeur de Brandebourg se proclame Roi de Prusse

     

    On sait - et Jacques Bainville écrit qu'ils ne le trompaient pas... - que les dernières années de Charlemagne furent assombris par de funestes pressentiments concernant l'avenir de son Empire, à cause de ces peuplades venues du Nord sur leurs drakkars, dont on lui parlait...

    18 janvier,fronde,bainville,louis xiv,banque de france,napoleon,louvois,pontmain,becquerelLouis XIV eut la même réaction lorsqu'on lui apprit que, de sa propre et seule autorité, le Grand Électeur de Brandebourg - qui était roi, en Prusse... - venait de se proclamer Roi de Prusse : c'était une atteinte aux Traités de Westphalie, ce chef-d'oeuvre de Richelieu et de la Royauté française qui, morcelant l'Allemagne en une multitude de micros États indépendants ("la croix des géographes", disait-on...), et en nous donnant légalement le moyen d'intervenir dans leurs querelles annihilait le péril germanique, et assurait la prépondérance française en Europe; avec, en prime, l'assurance de ne plus

  • Éphéméride du 10 mai

    1752 : Jean-Étienne Guettard formule l'hypothèse que les Monts d'Auvergne (les Puys) peuvent être d'anciens volcans éteints... 

     

    Géologue, minéralogiste, naturaliste, Guettard est né le 22 septembre 1715 (à Étampes) et mort le 6 janvier 1786, à Paris.        

    D'Eugène Caustier (dans Les entrailles de la terre) :

    10 mai,louis xv,maupeou,choiseul,fleury,bainville,louis xvi,revolution,1789,parlements"Il n'est personne aujourd'hui qui n'ait entendu parler des volcans d'Auvergne, et cependant leur découverte ne remonte guère à plus d'un siècle. C'est, en effet, en 1751 qu'un membre illustre de l'Académie des Sciences, Guettard, annonça, à la grande surprise du monde savant, qu'il existait au centre de la France des volcans éteints semblables à ceux qui sont en activité en Italie.

    Jusque-là ces montagnes régulièrement coniques, qui constituent la Chaîne des Puys, aux environs de Clermont, et qui se dressent sur le plateau comme de gigantesques taupinières, avaient été considérées comme des amas de scories abandonnées par les métallurgistes de l'Antiquité. Guettard, qui était contemporain de Buffon et qui, le premier, dressa des cartes géologiques, avait parcouru l'Europe en tous sens.

    Et c'est au retour d'un voyage en Italie que, passant par Clermont-Ferrand et Volvic, il fut frappé des ressemblances de ces monts d'Auvergne avec le Vésuve. C'est alors qu'il s'écrie : Volvic, Volcani vicus !

    Voici ce qu'écrit Guettard en 1752 :

    10 mai,louis xv,maupeou,choiseul,fleury,bainville,louis xvi,revolution,1789,parlements"Les montagnes d'Auvergne, qui ont été, à ce que je crois, autrefois des volcans... sont celles de Volvic (ci contre) à 2 lieues de Riom, du Puy-de-Dôme proche de Clermont et du Mont d'Or... Ce fut à Moulins que je vis les laves pour la première fois... et étant à Volvic, je reconnus que la montagne n'étoit presque qu'un composé de différentes matières qui sont jetées dans les éruptions des volcans... Le reste de la montagne n'est qu'un amas de pierres ponces, noirâtres ou rougeâtres, entassées les unes sur les autres sans ordre ni liaison... Les bancs de pierre de Volvic suivent l'inclinaison de la montagne."

     

    Guettard est également le premier à avoir signalé les schistes ampéliteux de la Ferrière-Béchet; ayant acquis à Montpertuis une terre qui fournissait beaucoup de kaolin, il réussit le premier à fabriquer avec cette matière une porcelaine analogue à celles de la Chine et du Japon; enfin, il est aussi le premier à avoir déterminé - en 1775 - la nature de ces débris fossiles nommés encrines, pierres étoilées, entroques.

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    www.annales.org/archives/x/guettard.html 

     

    www.chainedespuys.com/ 

     

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    1774 : Mort de Louis XV, Louis XVI roi de France...

     

    Pourquoi et comment, à partir de cette date fatidique, les évènements s'enchaînent-ils d'une façon aussi implacable, pour aboutir quinze ans après au grand drame national - et international... - de la Révolution ?

    C'est ce qu'explique magistralement le remarquable chapitre XIV de l'Histoire de France de Jacques Bainville, La Régence et Louis XV : en rappelant les Parlements, exilés par son grand-père, Louis XVI stoppe la révolution royale, et rend inévitable - par les insupportables blocages de la société que cela induit - l'autre révolution, celle qui marquera la fin d'un monde...

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    "...Le départ de Choiseul fut suivi du coup d'État de Maupeou (ci dessous; voir l'Éphéméride du 19 janvier). On néglige trop, d'ordinaire, cet évènement dans le règne de Louis XV. Les Parlements, dont les attributions s'étaient grossies au cours des âges, étaient devenus un obstacle au gouvernement. L'opposition des Cours souveraines, celles des provinces marchant d'accord avec celle de Paris, devenait un grand péril politique. Les Cours étaient allées jusqu'à proclamer leur unité et leur indivisibilité. Elles agissaient de concert, repoussaient les édits sous la direction du Parlement de Paris, décernaient même des prises de corps contre les officiers du roi.

    "Cette étonnante anarchie, dit Voltaire, ne pouvait pas subsister. Il fallait ou que la couronne reprît son autorité ou que les Parlements prévalussent." C'était un pouvoir qui se dressait contre le pouvoir et, en effet, l'un ou l'autre devait succomber.

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    Le Vicomte René-Nicolas de Maupeou, Marquis de Morangles et de Bully.
     
    Il est l'artisan du renvoi des Parlements par Louis XV :
    "Y a-t-il un seul souverain ? Ou la France est-elle soumise à douze aristocraties ?"
     
    Apprenant leur rappel par Louis XVI, trois ans après, il eut ce mot : "J'avais fait gagner au roi un procès de trois siècles. Il veut le reperdre, il est bien le maître". Certains de ses proches affirment qu'il aurait ajouté : "il est perdu..."
     

                

    Depuis le temps de la Fronde, la monarchie avait eu à compter avec cette magistrature indépendante, sa propre création, presque aussi vieille qu'elle même et qui, peu à peu, lui avait échappé.

    Louis XIV avait résolu la difficulté par la méthode autoritaire et grâce à son prestige. Pendant son règne, les Parlements avaient été soumis. Ranimés par la Régence, ils s'étaient enhardis peu à peu, et leur opposition, fondée sur le respect des droits acquis, était devenue plus nuisible à mesure que l'État et l'administration s'étaient développés, avaient eu besoin d'organiser et de rendre moderne une France constituée pièce à pièce, reprise, pièce à pièce aussi, sur le vieux chaos de l'Europe féodale.

    Les ministres du dix-huitième siècle, jusqu'au malheureux Calonne, ne tarissent pas sur la difficulté de gouverner un pays qui avait mis huit cents ans à former son territoire, à réunir des villes et des province dans les circonstances et aux conditions les plus diverses, où l'on se heurtait, dès que l'on voulait changer, simplifier, améliorer quelque chose, à des exceptions, à des franchises, à des privilèges stipulés par contrat.

    À la fin du règne de Louis XV, il apparut que les Parlements, en s'opposant aux changements, par conséquent aux réformes et aux progrès, mettaient la monarchie dans l'impossibilité d'administrer, l'immobilisaient dans la routine, et, par un attachement aveugle et intéressé aux coutumes, la menaient à une catastrophe, car il faudrait alors tout briser pour satisfaire aux besoins du temps. La résistance que la monarchie avait toujours rencontrée dans son œuvre politique et administrative, résistance qui avait pris la forme féodale jusqu'au temps de Richelieu, prenait alors une forme juridique et légale, plus dangereuse peut-être, parce que, n'étant pas armée, elle n'avait pas le caractère évident et brutal d'une sédition.

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    "Cette étonnante anarchie ne pouvait pas subsister.
    Il fallait ou que la couronne reprît son autorité ou que les Parlements prévalussent." (Voltaire).
     
    Le même Voltaire qui écrivait à d'Alembert :
     "Quoi, les boeufs-tigres pleurent ? On ne rend plus la justice ? Les plaideurs sont réduits à s'accommoder sans frais..." 
     
     
     

    Choiseul avait essayé de gouverner avec les Parlements en leur donnant les Jésuites en pâture, en flattant leurs sentiments jansénistes, en tirant même de leur sein des ministres et des contrôleurs généraux. L'effet de cette politique était déjà usé. Il ne restait plus qu'à recourir aux grands moyens. En 1771, Maupeou, chargé de l'opération, supprima les Parlements et la cour des aides. À leur place furent institués des "conseils supérieurs". La vénalité des charges était abolie, la justice devenait gratuite. C'était une des réformes les plus désirées par le pays. La suppression des Parlements, acte d'une politique hardie, permettait de continuer cette organisation rationnelle de la France qui, depuis des siècles, avait été entreprise par la monarchie. La voie était libre.

    Ce que Bonaparte, devenu Premier Consul, accomplira trente ans plus tard, pouvait être exécuté sans les ruines d'une révolution. De 1771 à 1774, l'administration de Terray, injustement décriée par l'histoire, mieux jugée de nos jours, commença de corriger les abus. Elle adoucit d'abord, avec l'intention de les abolir ensuite, les impositions les plus vexatoires; elle organisa ces fameux vingtièmes qui avaient soulevé tant de résistances; elle s'occupa enfin de créer des taxes équitables, telle que la contribution mobilière, reprise plus tard par l'Assemblée constituante, en un mot tout ce qui était rendu impossible par les Parlements...

    Si nous pouvions faire l'économie d'une révolution, ce n'était pas en 1789, c'était en 1774, à la mort de Louis XV. La grande réforme administrative qui s'annonçait alors, sans secousses, sans violence, par l'autorité royale, c'était celle que les assemblées révolutionnaires ébaucheraient mais qui périrait dans l'anarchie, celle que Napoléon reprendrait et qui réussirait par la dictature : un de ses collaborateurs, le consul Lebrun, sera un ancien secrétaire de Maupeou. Il y a là dans notre histoire une autre sorte de continuité qui a été malaperçue..." 

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    Charles-François Lebrun (1739-1824) - Troisième Consul, Prince-archi-trésorier, duc de Plaisance     
     
      
        

    "...Nous allons voir comment ces promesses furent anéanties dès le début du règne de Louis XVI par le rappel des Parlements. Alors seulement la révolution deviendra inévitable.

    Lorsque Louis XV mourut, s'il y avait du mécontentement, il n'était pas incurable. S'il y avait de l'agitation, elle était superficielle. L'ancien régime avait besoin de réformes, il le savait, et l'immobilité n'avait jamais été sa devise. Que de fois il s'était transformé depuis Hugues Capet ! Sans doute le succès allait aux faiseurs de systèmes parce qu'il est plus facile de rebâtir la société sur un plan idéal que d'ajuster les institutions, les lois, l'administration d'un pays aux besoins de nouvelles générations. De là l'immense succès de Jean-Jacques Rousseau, le simplificateur par excellence. Mais, depuis le bienfaisant coup d'État de 1771, il n'existait plus d'opposition organisée. Le pouvoir s'était bien défendu, n'avait pas douté de lui-même. Jamais Louis XV n'avait consenti à convoquer les États généraux, comprenant que, ce jour-là, la monarchie abdiquerait. On la blâmait, on la critiquait, ce qui n'était pas nouveau, mais elle ne donnait pas de signes de faiblesse.

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    "le simplificateur par excellence..."  
     
     

    Les "affaires" du temps, celles de Calas, du chevalier de la Barre, de Sirven, de Lally-Tollendal, causes retentissantes que Voltaire plaida au nom de la justice et de l'humanité, n'eurent d'autres répercussions politiques que d'aider au discrédit des parlementaires par qui les condamnations avaient été prononcées. Choiseul fut renvoyé, les parlements cassés sans qu'il y eût seulement des barricades comme sous la Fronde. Quant aux autres plaintes, aux autres accusations, elles étaient de celles auxquelles bien peu de gouvernements échappent. Les réductions de rentes et de pensions, réductions si nécessaires, auxquelles Terray procéda sous Maupeou, furent appelées banqueroutes; d'une disette et de spéculations sur les blés, sortit la légende du "pacte de famine"; les favorites du roi, Mme de Pompadour et Mme du Barry, furent trouvées scandaleuses. Cependant il y avait eu à d'autres époques des moments plus graves pour la royauté, plusieurs fois chassée de Paris. Si des esprits sombres annonçaient des catastrophes, on ne distinguait nulle part les préparatifs ni le désir véritable d'une révolution.

    Gouverner est toujours difficile, mais ne l'était pas plus pour la monarchie à ce moment-là qu'à un autre. Quand on y regarde de près, la situation était plus complexe à l'extérieur qu'à l'intérieur. Louis XV avait encore accru le royaume de la Lorraine et de la Corse. Mais les deux guerres de Sept Ans avaient montré que le problème était de moins en moins simple. Il fallait conserver sur le continent les avantages que nous avait légués le dix-septième siècle, empêcher des bouleversements en Allemagne, nous méfier des ambitions de la Prusse. Cependant, avec l'apparition de la Russie, la question d'Orient prenait un nouvel aspect. La Turquie était menacée de démembrement; la Pologne notre alliée nécessaire, était menacée de ruine (le premier partage est de 1772).

    Enfin nous avions à effacer les plus graves des effets du traité de Paris si nous ne voulions pas renoncer aux colonies et à la mer, au nouveau genre d'expansion que les grands peuples européens recherchaient, si nous ne voulions pas abandonner les océans et le monde à l'Angleterre. Questions maritimes et coloniales, question d'Allemagne, question d'Orient : voilà ce qui va occuper le règne de Louis XVI et, par une grave faute initiale, le rappel des Parlements, provoquer le drame de 1789..."

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    1788 : Naissance d'Augustin Fresnel

     

  • Éphéméride du 20 mai

    1983 : le VIH, virus responsable du Sida, est identifié

     

     

     

    1677 : Présentation du projet du premier Pont-canal de France 

     

    Ce projet est établi par Emmanuel de l'Estang, qui le soumet à Pierre-Paul Riquet : l'ouvrage du Répudre sera le premier pont-canal construit en France. Accompagné d'un devis-contrat (uniquement consultable aux Archives du Canal), il décrit précisément les étapes de la construction de l'ouvrage.

    Pierre-Paul Riquet accepte le projet, et le démarrage des travaux prendra effet au 8 septembre 1677, par la signature du contrat entre Emmanuel de l'Estang et M. de Contigny, représentant de Riquet. 

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    Le Pont-canal du Répudre, vu aérienne...

     

    www.canaldumidi.com/Minervois/Repudre/Repudre.php 

     

    www.canalmidi.com/aufildlo/repudre.html 

     

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    1692 : Guerre de la Ligue d'Augsbourg : Tous les Bourbons au front ! 

     

    20 mai,balzac,tours,sida,vih,montagnier,chermann,barré sinoussi,institut pasteur,charles x,saché,collection campanaOn est presque au milieu de l'immense Guerre qui vit la France, quasi seule, s'opposer à la plupart des puissances européennes de l'époque, de 1688 à 1697.

    À Gévries, dans le Hainaut, entre les deux rivières Haine et Trouille, Louis XIV passe en revue, durant huit heures d'affilée, les 120.000 hommes de son armée ("le plus grand spectacle qu'on ait vu depuis plusieurs siècles", dit Racine, historiographe du Roi).

    (illustration : Louis XIV durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, ndlr) 

     

    Du Louis XIV, de François Bluche, Fayard, chapitre XXIII, Une guerre psychologique, pages 658 à 662 : Tous les Bourbons au front :

     

    "...Seuls Guillaume III et Louis XIV commandent armées ou groupes d'armées. Cette union des pouvoirs politique et militaire a déjà beaucoup fait pour assurer au roi de France efficacité et gloire. Guillaume d'Orange ayant bien profité de l'exemple en 1689 et 1690, il faut que Louis XIV reprenne le chemin du front. Il n'hésite point à le faire en 1691, 1692 et 1693. Sur le plan tactique, c'est un grand avantage pour la France. En mai et juin 1692, le Roi commande ainsi sa propre armée, tout en envoyant des ordres au maréchal de Luxembourg, lequel couvre le siège de Namur que Sa Majesté s'est réservé. Dans l'ordre moral, cette présence du prince est sans prix. Lorsqu'il inspecte les régiments, il sait qu'il touche le sentiment national et stimule les vertus guerrières des officiers et des soldats.

    À Gévries, le 20 mai 1692, Louis ne se contente pas de visiter quelques unités. Il passe en revue, apparemment sans lassitude, les quarante-six bataillons et quatre-vingt-dix escadrons de son armée, les soixante-six bataillons et deux cent-neuf escadrons du maréchal de Luxembourg. "C'était assurément, nous dit Racine, le plus grand spectacle qu'on ait vu depuis plusieurs siècles", car les Romains n'ont jamais aligné plus de 50.000 soldats; or le roi de France avait devant lui 120.000 hommes "ensemble sur quatre lignes", et il lui fallut huit heures, à cheval, pour inspecter le tout. Racine, médiocre cavalier et bourgeois pacifique, avait abandonné aux trois quarts du trajet. Il écrivit à Boileau : "Si on n'a jamais vu tant de troupes ensemble, assurez-vous que jamais on n'en a vu de si belles...  J'étais si las, si ébloui de voir briller des épées et des mousquets, si étourdi d'entendre des tambours, des trompettes et des timbales, qu'en vérité je me laissais conduire par mon cheval."

    20 mai,balzac,tours,sida,vih,montagnier,chermann,barré sinoussi,institut pasteur,charles x,saché,collection campanaMais, si le Roi commande la parade, cavaliers et soldats sont assurés de le retrouver ensuite, presque à la première ligne, en tout cas souvent exposé. Ce sont choses qui se savent et se disent, non seulement dans les camps et cantonnements mais à l'arrière. De Paris, Boileau écrit à Jean Racine qu'il a pris grand plaisir à son récit du siège de Mons (25 mars 1691) (illustration : le Roi au siège de Mons, ndlr) : "Je vous avoue pourtant que je ne saurais digérer que le Roi s'expose comme il fait. C'est une mauvaise habitude qu'il a prise, dont il devrait se guérir... Est-il possible qu'un prince qui prend si bien ses mesures pour assiéger Mons en prenne si peu pour la conservation de sa propre personne ?"

    À cette "mauvaise habitude" le monarque pourtant reste fidèle : il en a fait un devoir. Si le prince d'Orange, un hérétique, l'usurpateur du trône d'Angleterre, ne craint pas  de s'exposer au feu, comment un fils de saint Louis ne prendrait-il pas les mêmes risques ? Le 13 juin 1692, à la première attaque du château de Namur - il s'agissait de s'emparer d'une redoute et d'un important retranchement "de plus de quatre cent toises de long" -, le Roi dispose en personne son régiment, donnant "ses ordres à la demi-portée du mousquet". À peine est-il couvert par trois gabions improvisés, plus dangereux que tout, parce que bourrés de pierraille. Au premier coup de canon, ceux qui se trouvaient derrière eussent été criblés.

    Or, derrière ces méchantes défenses, Louis XIV n'était pas seul exposé. Il y avait avec lui, nous dit l'historiographe, son fils Monseigneur, son frère Monsieur, et son fils naturel le comte de Toulouse : quatre Bourbons, dont le Roi et deux successibles ! L'évènement montra d'ailleurs que le risque était réel : une balle de mousquet, dirigée sur le Roi, fut amortie et déviée par le gabion; elle fit "une contusion au bras de M. le comte de Toulouse, qui était, pour ainsi dire, dans les jambes du Roi". On imagine quelle coupe sombre eût pu faire dans la maison de France une salve de boulets ou de mitraille lancée au même endroit au même instant.

    D'ailleurs, ces princes n'étaient pas seuls à figurer ainsi aux premiers rangs du siège. Le prince de Condé, le duc de Bourbon appartenaient à cette armée. À quelques lieues, dans celle du maréchal de Luxembourg, se trouvait le reste de la famille royale, des princes du sang et des légitimés : le duc de Chartres, le prince de Conti, le duc du Maine, le duc de Vendôme et son frère le grand prieur. Il ne manquait aux deux armées des Flandres que monseigneur le duc de Bourgogne. Il n'avait, il est vrai, que neuf ans et demi.   

    20 mai,balzac,tours,sida,vih,montagnier,chermann,barré sinoussi,institut pasteur,charles x,saché,collection campanaIl est aisé, de nos jours, de traiter avec légèreté cette mobilisation de tout le sang capétien, d'attribuer le mérite du siège de Mons et du siège de Namur au seul M. de Vauban. Nos ancêtre avaient une vue plus juste des choses, qui rendaient à Vauban ce qui était à Vauban, au Roi ce qui appartenait au Roi. Ce dernier assume, entre plusieurs soucis prioritaires, la difficile responsabilité d'exposer plus ou moins les siens. Il a pleuré, le 25 septembre 1688, lorsque Monseigneur a quitté Versailles pour l'armée d'Allemagne (illustration : le Palatinat, conquis en deux mois par Monseigneur, ndlr). Il lui a donné "pour modérateur de sa jeunesse" le duc de Beauvillier; pour assistants Vauban et Catinat. Il lui a fixé un programme. Prendre Philippsbourg et plusieurs autres villes fortes n'est que l'aspect militaire de l'expédition. Égaler le mérite paternel est ce qu'il y a de plus important, pour la France comme pour le reste du monde : "En vous envoyant commander mon armée, je vous donne des occasions de faire connaître votre mérite; allez le montrer à toute l'Europe, afin que, quand je viendrai à mourir, on ne s'aperçoive pas que le Roi soit mort."

    Le Roi a vibré de fierté, le 19 octobre, en prenant connaissance de la belle lettre des on fils, narrant chaque évènement du siège. "Il n'y avait guère d'hommes en France, écrit le marquis de Sourches, qui pussent écrire sur un semblable sujet d'un style aussi concis que le sien, et avec autant d'ordre, d'exactitude et de netteté." Le président Rose, fidèle secrétaire de Sa Majesté, homme d'immense culture, n'hésita point à comparer "le style de Monseigneur avec celui de César dans ses Commentaires." Trois jours plus tard, Louis XIV envoyait un courrier au Dauphin pour lui défendre de tant s'exposer, "car il y avait tout à craindre du courage de ce jeune prince, qui sans ostentation aurait été nuit et jour aux endroits les plus dangereux de la tranchée, si on lui avait laissé suivre son inclination". Soldats et officiers ne tarissent pas d'éloges sur la vaillance de Monseigneur, qui joignait à cette vertu "une honnêteté, une douceur et une libéralité qui charmaient tout le monde". Le 1er novembre - jour anniversaire de la naissance du Dauphin - la nouvelle de la prise de Philippsbourg parvint à la Cour au milieu du sermon de Toussaint du jésuite Gaillard. Le Roi en fut si charmé qu'il endigua les flots d'éloquence de son prédicateur, prévint la famille royale, commanda une prière d'action de grâces et ne rendit la parole au révérend père qu'au bout d'un grand quart d'heure. Le 28, pourtant premier dimanche de l'avent, Louis XIV fit reporter le sermon du même père Gaillard, et partit en compagnie de toute la maison royale à Saint-Cloud, et de là vers la porte Maillot, pour faire à son fils victorieux un accueil particulièrement spectaculaire. S'il préféra ensuite avoir Monseigneur à ses côtés, en campagne, ce n'était aucunement jalousie, comme il a été insinué sans preuve, mais pour veiller à ce qu'il ne s'exposât point au-delà de toute mesure.  

    20 mai,balzac,tours,sida,vih,montagnier,chermann,barré sinoussi,institut pasteur,charles x,saché,collection campanaDe ces dispositions, ces succès, ces risques, ces fatigues et ces gloires, le pays tout entier est bientôt informé. (illustration : revers de la médaille de la prise de Philippsbourg par Monseigneur, le Dauphin; argent massif, 191,5 grammes, diamètre 74 mm, épaisseur 4mm, signée DELAHAYE. Revers : PRIMORDIA VICTORIARUM XXII URB EXPUGNATAE M DC LXXXVIII DAUPHIN). Des ducs jusqu'au moindre manant, chacun comprend que le sang du Béarnais est resté généreux, que les fastes de Versailles n'ont point amolli les princes.  Le Roi n'envoie pas ses soldats à la mort en restant calfeutré dans son palais. Le Roi n'épargne pas ses proches, et ne s'épargne pas lui-même. Servir le Roi, c'est suivre le Roi. Il entraîne, précède, partage vos dangers, est au courant de vos soucis de volontaire ou de pionnier, d'artilleur ou d'ingénieur, de cavalier ou de dragon, de chef ou de subordonné. Meilleur général que son constant ennemi Guillaume d'Orange, Louis XIV l'emporte aussi par le prestige personnel : tandis que la présence aux armées de onze descendants de Henri IV fait, à l'intention de la France et de l'Europe, la plus fière des propagandes.  Car enfin, les douze pairs de Charlemagne n'étaient pas tous de sang royal..."

     

     

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    1799 : Naissance de Balzac

     

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    • Site de la Maison de Balzac :  http://maisondebalzac.paris.fr/

     

    • Site du Château de Saché, dans l'Indre, haut lieu Balzacien s'il en est (ci dessous) : http://www.lysdanslavallee.fr/fr/contenu/musee-balzac#.VxXTiUeVdk8

     

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    "J'écris à la lueur de deux vérités éternelles : la Religion, la Monarchie, deux nécessités que les évènements contemporains proclament." Voilà ce que l'on peut lire dans l'Avant-propos de La Comédie Humaine (La Pléiade). "La Royauté est plus qu'un principe : elle est une nécessité !" écrit aussi Balzac dans son peu connu Catéchisme social, essai inachevé, qui ne sera publié qu'en 1933...

     

     

    Jacques de Guillebon, qui lui consacre dans Le Livre noir de la Révolution française une excellente étude, intitulée Balzac, critique organique de la Révolution française, commence néanmoins son essai par cet avertissement :

     

    "Balzac est fondamentalement non politique, dans le sens de l'imagination moderne de ce terme, et ce serait une grande erreur que de vouloir lire dans sa gigantesque comédie le reflet ou l'élaboration d'une cité des hommes proprement rationnelle." 

     

    Après le titre de son essai, et ce

  • Éphéméride du 23 mai

    1960 : Mort de Georges Claude, à l'origine de L'Air liquide

     

     

     

    1430 : Jeanne d'Arc prisonnière  

     

    Jeanne d'Arc est faite prisonnière à Compiègne par Jean de Luxembourg, qui la vendra (!) aux Anglais pour dix mille livres.

    Selon les apparences, sa destinée proprement humaine et matérielle semble achevée. Une autre mission s'ouvre pour elle :

     "Après le sacre, dit Malraux, elle est écartée, et commande la série des vains combats qui la mèneraient à Compiègne pour rien, si ce n’était pour devenir la première martyre de la France."  

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    L'arrestation de Jeanne d'Arc, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles VII, Paris, France, XVème siècle.

     

    La Geste héroïque de Jeanne est un moment fondamental de notre Histoire nationale : ses moments essentiels en sont relatés dans ces Éphémérides aux 25 février (rencontre de Jeanne et du Dauphin, à Chinon), 8 mai (libération d'Orléans),18 juin (victoire de Patay), 17 juillet (sacre de Reims), 23 mai et 21 novembre (capture, et livraison aux Anglais), 30 mai (martyre), 16 mai (canonisation), 10 juillet (instauration de la Fête nationale).

    Et, pour la très belle manifestation du retour de l'anneau de Jeanne en France, au Puy du Fou, voir l'Éphéméride du 20 mars.

     

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    1431 : Création de l'Université de Poitiers 

     

    Une bulle du pape Eugène IV autorise la création de l'Université de Poitiers, voulue par Charles VII, qui souhaitait ainsi récompenser le Poitou pour sa fidélité, alors que tant de personnes et d'institutions étaient "passés aux Anglais" lors de la Guerre de Cent ans...

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    1498 : Naissance de Sampiero de Bastelica, dit Sampiero Corso

     

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    Statue de Sampiero, à Bastelica (Place du Hameau de Santo), par Vital Dubray
     
     

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    Sampiero Corso, ou Sampieru de Bastelica ( fit une grande partie de sa carrière au service de la France, notamment lors de l'expédition française en Corse de 1553.

    23 mai,jeanne d'arc,sampiero corso,helene boucher,dumont d'urville,venus de milo,astrolabe,georges claude,louis le nain,louvre,charles vii,rockefellerIl avait pourtant commencé sa carrière militaire en Italie mais, après la mort de Léon X et son remplacement par Adrien VI (mars 1522), il passa au service de la France (il était à la bataille - perdue - de la Bicoque, le 27 avril 1522). À partir de 1535, il fait partie des proches du cardinal Jean du Bellay, ambassadeur de France à Rome; il se couvre de gloire dans les armées de François 1er, se bat aux côtés de Bayard, et reçoit, en 1547, le grade de Colonel, commandant l’ensemble des bandes corses au service de François 1er (illustration ci-contre : on l'appelait "le colonel aux fleurs de lys") : c'est alors que, selon l'usage de l'époque, il reçoit le surnom de "Corso", qui indique son origine et qui lui est resté attaché...

    Cette époque est caractérisée par la lutte de la France de François 1er puis de son fils, Henri II, contre Charles Quint, empereur d'Allemagne, roi d'Espagne, roi de Naples et de Sicile et par celle des Ottomans contre Charles Quint, la France étant en l'occurrence alliée avec le sultan Soliman le Magnifique.

    Il est donc très important, pour la France d'alors, en Méditerranée, de prendre le contrôle de la Corse, qui relève alors de la République de Gênes, alliée de l'Espagne : Henri II y envoie Sampiero, pour une première expédition : en 1553, à la tête d'une escadre franco turque, Sampiero débarque dans l'île. Avec ses alliés, les Ornano, famille de son épouse, il remporte quelques succès sur les Génois - commandés par l’amiral Andrea Doria - mais cette guerre tourne court car la France doit faire face au rapprochement entre l’Angleterre et l’Espagne : Henri II rappelle Sampiero en 1555, et un armistice est conclu à Vaucelles en 1556, qui met fin aux hostilités pour cinq ans.

    Malgré la réoccupation de Bastia et de Calvi par Gênes, la Corse reste possession française durant quatre années, mais la défaite française de Saint-Quentin - en 1557 - et la signature du traité du Cateau-Cambrésis - en 1559 - entraînent le retour de la Corse sous la domination de Gênes. Lors de la signature du traité, les émissaires français tentent bien de conserver l’île à la couronne, mais ils doivent y renoncer pour conserver Calais, Metz, Toul et Verdun (dans notre Album L'Aventure France racontée par les cartes, voir la photo "les agrandissements de Henri II"...)

    Henri II meurt en juillet 1559; la France n'est pas en mesure d'entretenir une flotte conséquente en Méditerranée et ne peut plus agir contre la République de Gênes.

    Gouverneur d’Aix-en-Provence en 1560, Sampiero Corso est ensuite nommé ambassadeur extraordinaire à Constantinople, laissant son épouse et ses enfants dans la demeure familiale de Marseille.

    Avec l’accord de Catherine de Médicis, régente, Sampiero revient en Corse en 1564 et, une fois encore remporte quelques combats; mais, sans l’aide significative de la France, il se trouve vite isolé : le 17 janvier 1567, à 68 ans, il est attiré dans une embuscade et tué : sa tête sera exposée par les Génois à Ajaccio...

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    C'est donc depuis bien longtemps que des Corses, les Corses, servent la France... Avant même la "réunion" de 1768, un Régiment de "Royal Corse" avait été créé :
    dans notre Album Drapeaux des Régiments du Royaume de France, voir la photo Régiment de Royal Corse et les trois suivantes...
     
     
    Aujourd'hui, on estime à deux millions le nombre de Corses établis "hors l'île", et, sur ces deux millions, on évalue à environ deux cent mille le nombre de ceux qui vivent à Marseille et dans les environs immédiats, ce qui fait de Marseille... la première "ville Corse" ! L'agora grecque de la cité phocéenne tire d'ailleurs son nom actuel (Place de Lenche) de la famille corse Linciu, qui s’établit à Marseille au XVIème siècle. Thomas Lenche créa la Compagnie du corail, qui se dédiait aux liaisons commerciales entre l'Afrique du Nord et Marseille; pendant les guerres de religion, son neveu, Antoine Lenche, prit le parti des "politiques" (ou "royalistes" : ceux qui soutenaient Henri III de France et Henri III de Navarre, qui devait devenir Henri IV, "Roi de France et de Navarre") : Antoine Lenche était deuxième consul de la cité et mourut assassiné en 1588...
     
     
     

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    1648 : Mort de Louis Le Nain

     

    Un certain mystère entoure l’origine de la plupart des tableaux des trois frères Le Nain: Louis, Pierre et Thomas. Les peintres eux-mêmes ont créé cette situation, aucun des tableaux signés Le Nain n’étant précédé d’un prénom.

    LOUIS LE NAIN 1.jpg
    Le "Repas de paysans"
     
               

    En 2010, grâce au mécénat d'Axa, un chef d’œuvre caravagesque, le Reniement de saint Pierre (ci dessous), est entré au Louvre.

    Le tableau illustre le moment d’une révélation bouleversante pour l’apôtre Pierre. Peu avant d’être arrêté, Jésus avait averti le plus ancien de ses disciples qu’il le renierait trois fois avant l’aube : et malgré ses protestations de fidélité, Pierre vient de répondre par trois fois qu’il ne le connaissait pas. Au chant du coq, il découvre sa lâcheté et pleure. Du fond de la composition, un homme de face semble prendre le spectateur à témoin.

    LE NAIN RENIEMENT DE SAINT PIERRE.jpg
     
     
     
     
     
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  • Dans notre Éphéméride de ce jour (2/2) : mort de Léon Daudet

    1942 : Mort de Léon Daudet  

     

    Dans notre Catégorie Grandes "Une" de L'Action française, voir les trois qui lui sont consacrées pour l'occasion :
     

     

    Lorsqu'il disparaît, ce premier juillet 42, Léon Daudet, qui avait déjà souffert de plusieurs attaques cérébrales, est toujours, officiellement le Directeur politique de L'Action française, ce quotidien fondé en 1908, en partie grâce à un don de 100.000 francs fait par son épouse, Marthe Allard, qui venait de les hériter de Madame de Loynes.

    Mais le quotidien n'a plus que trois ans à vivre (voir l'Éphéméride du 24 août)...

    Né en 1867, Léon Daudet avait 36 ans au moment de la fondation de L'Action française, et aura donc passé quasiment la moitié de sa vie en dehors du royalisme, et l'autre moitié dedans... : il venait en effet de rencontrer Charles Maurras deux ans auparavant, et aussi le jeune Jacques Bainville; et seule la mort séparera ces trois amis, que pourtant - du point de vue de la personnalité - tant de choses séparaient !...

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    Que trois hommes aussi différents et, chacun, d'une personnalité aussi affirmée aient pu durant toute leur vie - à partir du moment où ils se sont rencontrés - être et rester amis au quotidien, dans le même mouvement et les mêmes locaux, sans la moindre "dispute" notable, voilà qui constitue une exception remarquable dans l'histoire politique...

    Lorsqu'on parle de Charles Maurras, de Léon Daudet et de Jacques Bainville, c'est  peut-être la première chose qu'il convient de signaler (voir l'Éphéméride du 9 février - naissance et mort de Jacques Bainville; l'Éphéméride du 20 avril - naissance de Charles Maurras; l'Éphéméride du 1er juillet - mort de Léon Daudet; et l'Éphéméride du 16 novembre - naissance de Léon Daudet et mort de Charles Maurras)...

     

    Ce cas unique d'amitié a été magnifiquement évoquée par Jacques Bainville dans les quelques mots de remerciements qu'il prononça au siège du journal, à l'occasion de son élection à l'Académie française :

    Vertu de l'amitié

    De tradition familiale, par le grand-père paternel notamment - Vincent -, la famille Daudet était royaliste; mais, après l'échec de la restauration du Comte de Chambord, Alphonse Daudet, sans jamais toutefois être républicain militant - et encore moins révolutionnaire... - s'était, à tout le moins, éloigné de cette tradition; le jeune Léon, à ses débuts politiques, semblait promis à une brillante carrière dans la classe politique républicaine d'alors : il épousa même la petite-fille de Victor Hugo, mariage malheureux, qui ne dura pas.

    Mais il se remaria vite - pour un mariage heureux cette fois - avec sa cousine, Marthe Allard, déjà royaliste, elle; puis, un jour il rencontra Charles Maurras, et il renoua alors définitivement avec la tradition royaliste de sa famille, mais à 37 ans seulement : on verra tout cela - et bien d'autres choses encore... - dans notre Album (321 photos) :

    Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet 

    que nous avons souhaité le plus complet possible, à la fois sur sa vie privée (son enfance, sa famille...) et  sa vie publique, à partir du moment où il rencontra Charles Maurras, puis Jacques Bainville...

    Frappé d'hémorragie cérébrale dans la nuit du 29 au 30 juin, Daudet meurt le lendemain, à 17h28, dans son mas de Provence, à Saint-Rémy, où il s'était retiré depuis deux mois. Il y était voisin de la famille Mauron, qui habitait alors le mas d'Angirany. Sa mère venait de mourir deux ans auparavant, à l'âge de 96 ans, après une vie bien plus longue que celle de son père, le grand Alphonse Daudet, emporté, lui, prématurément, à 57 ans...

    Député pendant quatre ans et demi, il a droit, comme tout parlementaire, à sa notice dans la Base de données officielle de l'Assemblée nationale :

     

    http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=2156

     

    Voici, à partir de plusieurs sources différentes, un essai de rapide évocation de celui que Marcel Proust comparait à Saint Simon...

    DAUDET 1.JPG

     

    1. Kléber Haedens, préfaçant la réédition des Souvenirs littéraires, en 1968, écrivait :

    "Léon Daudet est un homme si extraordinaire que nous ne pouvons nous faire encore aujourd’hui, plus de vingt-cinq ans après sa mort, qu’une faible idée de son œuvre et de sa vie. Il faudrait allumer un grand feu de mots, à la manière du Rabelais qu’il aimait tant, pour donner la première image de ce qu’il fut.

    Journaliste, romancier, tribun, polémiste, conférencier, critique, essayiste, biographe, mémorialiste, médecin, député, voyageur, philosophe, etc. Il s’est battu quatorze fois en duel, a vu son fils assassiné, a été jeté en prison, s’est évadé d’une manière à la fois joyeuse et retentissante, a connu l’exil et le retour, les plus grandes joies comme les plus grandes douleurs..."

    DAUDET 2.jpg

     

    2. Michel Toda a probablement exprimé une vérité profonde en écrivant :

    "Sans la rencontre de Charles Maurras dont la pensée rigoureuse le brida et le disciplina pour son plus large profit, Daudet, emporté par son trop plein d’énergie, par sa surabondance de vie, n’aurait pas évité les abîmes. C’est tout à fait certain, et l’on peut croire qu’il trouvera là les éléments d’une règle de conduite qui l’endiguèrent sans le contraindre ni l’appauvrir..."

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    On connaît l'épitaphe célèbre de La Fontaine écrite pour son ami Molière, et gravée sur son tombeau, au Père La Chaise :

    "Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence
    Et cependant le seul Molière y gît.
    Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit
    Dont le bel art réjouissait la France..."

    On peut appliquer à la lettre ce bel épitaphe à l'amitié littéralement extra-ordinaire qui unit, toute leur vie durant, ces trois amis si dissemblables en tous points que furent Bainville, Daudet et Maurras : une amitié que seule la mort vint interrompre, et qui dura envers et contre tout parce qu'elle était fondée sur l'essentiel, sur les choses de l'esprit : "Eadem velle, eadem nolle, ea est vera amicitia", devait rappeler Léon Daudet le jour des obsèques de Bainville, parti le premier en 1936 alors qu'il était le plus jeune. Daudet devait mourir six après lui, en pleine guerre; et Maurras encore dix ans après en 1952.

    Aventure extra-ordinaire que celle de L'Action française et de l'amitié de ces trois grands français : oui, vraiment, "leurs trois talents ne formaient qu'un esprit,
    dont le bel art réjouissait la France..."
     

                  

    3. Voici un extrait de Charles Maurras et son temps (Ernest Flammarion, 1930) dans lequel Daudet restitue quelque chose de l'amitié qui réunissait les trois figures de proue de l'Action française, Bainville, Maurras et lui-même, Daudet (montage photo ci-dessus). Une amitié intellectuelle, certes, fondée sur l'accord des esprits, mais aussi, on va le voir, une amitié qui ne se limitait pas à l'intellectuel.

    Cet extrait a le mérite de rendre un peu de la réalité vivante, de la chaleur de ce que fut l'entente de ces trois amis. Et, au-delà des habituels développements sur leurs qualités intellectuelles, de nous les restituer dans ce qu'ils avaient d'humain, de bien vivants, en chair et en os si l'on peut dire...

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     "En septembre 1925, nous avions décidé, nos amis Bainville, ma femme et moi, de nous rendre à l’invitation de Maurras à Martigues et de lui amener, comme il le désirait, Hervé Bainville, jeune homme de quatre années et son très jeune filleul François Daudet. Cette mémorable expédition commença mal : le train rapide faillit télescoper, près de Sens, un expresse qui le précédait, et, à partir de là, tel le bateau ivre, dériva de Sens à Saint-Germain-des-Fossés, à Montluçon, à Bourges, à Ganat, à Tarare, à Lyon et vers quelques autres villes encore ; si bien qu’au lieu d’arriver à Marseille le matin à neuf heures, comme il se doit, nous n’y parvînmes, après mille détours et péripéties, qu’à onze heures du soir. Soit quatorze heures de retard, et pas de pain, ni de victuailles dans le wagon restaurant ! Ma femme eut une inspiration très heureuse :

    - Je suis sûre, nous dit-elle, que Maurras aura préparé à souper. Ne restons pas ici. Sautons, avec nos bagages, dans ces deux automobiles, et allons tout de suite à Martigues !

    Sitôt dit, sitôt fait. Après quarante kilomètres avalés dans la nuit chaude et blanche de poussière, nous débarquions, vers minuit, dans la célèbre demeure du chemin de Paradis. Maurras, balançant une grosse lanterne, nous conduisit aussitôt dans la salle à manger, au milieu des rires et des cris d’appétit des enfants bien réveillés.

     maison-maurras-martigues-moderne.jpg

     

    Une jeune dame de beaucoup d’esprit a défini ainsi Maurras : "Un maître de maison". Ce grand politique, ce poète admirable, ce redresseur de l’ordre français s’entend comme personne à régaler ses amis. Son hospitalité fastueuse avait combiné, ce soir-là, un festin de Pantagruel ou de Gamache, lequel commençait par une bouillabaisse classique, exhaussée de la "rouille" traditionnelle, qui met la soupe de soleil à la puissance 2 ; se continuait par des soles "bonne femme" et des loups grillés ; atteignait au grandiose et au sublime avec un plat d’une douzaine de perdreaux de Provence, demeurés tièdes et dorés, sur des "lèches" de pain, comme on ne les obtient que dans la vallée du Rhône – pardonne-moi, ô Bresse – et arrivés à la consistance du baba. Chaque enfant mangea son perdreau. Celui qui écrit ceci, comme disait Hugo, mangea deux perdreaux, pécaïre, toute une sole, le tiers de la bouillabaisse, et le reste à l’avenant, suivi de près par Jacques Bainville, romancier, journaliste, historien et financier des plus gourmands.

    Maurras ne cessait de nous encourager et de nous verser à boire, car j’aime autant vous dire tout de suite que sa cave est à la hauteur de sa table et qu’il est un des très rares amphitryons de France sachant vider, dans les grands verres, quelques bouteilles de vin du Rhône. Il nous en ouvrit, cette nuit-là, de prodigieuses. La conversation roula sur la poésie, le langage et la Provence, dans une atmosphère à la Platon. Les enfants, gonflés de nourriture et de sommeil, étaient allés se coucher, bien entendu, et dormirent douze heures d’affilée.

     MAURRAS 8.jpg

     

    Le lendemain, Maurras nous emmenait tous faire quelque deux cents kilomètres en automobile dans cette région enchantée qui est entre les Alpes et la mer, où l’on ne peut faire dix pas sans rencontrer un grand souvenir, un vers de Mistral, ou une belle fille élancée, au teint mat et aux yeux noirs. Ainsi passaient et couraient les douces heures claires de l’amitié et de la fantaisie. Ne croyez pas ceux qui vous diront que les gens d’A.F. sont des censeurs ou docteurs moroses ; ou qu’ils ont mauvais caractère. Depuis vingt-trois ans que je vois quotidiennement Maurras, je n’ai cessé de découvrir de nouvelles raisons de l’admirer et de l’aimer...

    De ce dispensateur de lumière, la grande caractéristique, la "dominante", comme disait mon père, est la bonté. A toute heure, en toutes circonstances, l’ami de Maurras peut compter sur Maurras, son temps, cependant si précieux, sa peine, son intrépidité. Menacés de mort, l’un et l’autre, pendant des années, par les influences allemandes de la police politique républicaine, - qui comprit, dès 1911, l’importance de la partie engagée- nous n’avons échappé jusqu’à présent à cette conjuration criminelle que par la grande question de la Sûreté Générale : "lequel des deux ?"

    Or, pendant ce jeu alterné, Maurras n’a jamais cessé de chercher à dériver le risque sur lui. Mais ceci n’est rien. Sur ce bras fort et le seul capable de soutenir l’Europe défaillante, je me suis appuyé, le dimanche 25 novembre 1923, date fatale, devant le corps de mon petit Philippe, lâchement assassiné par la police, à l’âge de quatorze ans et demi. Sans rien nous dire autrement que par l’échange de regards, nous scellâmes, en ce jour et à cette heure, un serment qui sera tenu..."             

  • Autour du prince Jean ! : A mi parcours, faisons une pause à Versailles, où les deux branches de la famille des Bourbons

    Copie de Timbre bis RVB.png            Nous voici arrivés au terme de la première étape de notre préparation à la Fête de Senlis et de Chantilly. Nous donnerons, lundi, le programme de la deuxième étape, qui sera différente mais complémentaire de la première. Mais il n'est peut-être pas inutile de s'arrêter un moment, à ce stade de notre préparation, et de récapituler notre démarche déjà effectuée, avant de préciser celle qui va l'être.

                Depuis le 2 mars, la première question à laquelle nous avons essayé de répondre a été celle-ci : Pourquoi s’intéresser et croire en cette famille, et pas en une autre ? Pourquoi Jean et pas X, Y ou Z ? Et nous avons vu qu'on ne peut répondre à cette question qu’en remontant aux racines, à la source : nous ne sommes pas comme ces révolutionnaires qui veulent du passé faire table rase, mais bien au contraire, pour nous, la France ne peut se concevoir et se comprendre sans ses racines, fussent-elles lointaines. Pas plus qu’une maison n’existe sans ses fondations, par définition invisibles, mais qui sont pourtant la base et la condition de tout l’ouvrage.

                 Et c’est, fort logiquement, dans notre Histoire que nous avons découvert les sources de la légitimité de la Famille de France…; et, comme le disait Chateaubriand, "la necessité de se rallier à nos princes légitimes, pour le bonheur de la France et celui de l'Europe". 

                Ensuite, nous nous sommes rendus à Senlis puis à Chantilly. Et nous avons essayé d’expliquer et de montrer en quoi ces deux lieux sont hautement symboliques, d’un point de vue historique et politique, mais aussi comment ils renferment des trésors d’Art et de Culture qui font honneur au nom français. Les divers membres de la famille royale y sont évidemment pour quelque chose, illustrant par là que cette monarchie pour laquelle nous luttons est bien plus qu’une simple forme, une simple technique de gouvernement : elle s’est toujours fixé comme objectif de mener une authentique politique de civilisation, c’est-à-dire de guider le peuple à travers ses élites vers la Beauté. Le roi n'est pas seulement là pour gérer et administrer des populations, il est là aussi, il est là surtout, pour guider ce peuple vers le Vrai, le Beau et le Bien.....

                Justement : après avoir conclu notre première étape, et avant d'entamer, lundi, la seconde, il nous a paru opportun de nous arrêter quelques instants sur un exemple éloquent de cette politique de civilisation et, dans une sorte de pause entre ces deux moments, de considérer ce qu'il y a de grandiose dans l'un des plus parfaits monuments que les rois nous ont légués.

                 Et de le faire dans l'état d'esprit du Prince Jean. Lors de son déplacement dans le Maine, il a livré ce qu'il appelle lui-même cette "confidence" à ses amis : "Et voici maintenant une deuxième confidence : oui, j’ai été très ému de visiter le musée Jean Chouan. Quel héroïsme, quelle fidélité !… ..Il m’est arrivé de faire avec mon frère, au temps de notre adolescence, des pèlerinages dans la Vendée militaire.... sur le tombeau de Bonchamp à Saint Florent-le-Vieil.... C’était par hasard et pourtant ce n’était pas un hasard. C’est vous dire à quel point j’ai compris - mieux : j’ai senti - la secrète force de la vieille France. Eh bien donc, la voici, ma confidence : c’est qu’il relève de ma mission, j’allais dire de ma vocation, de projeter cette force secrète du passé en force vive d’avenir."

                L'expression est heureuse: projeter la force secrète du passé en force vive d'avenir !

                Il ne sera donc surprenant qu'en apparence de faire cette halte aujourd'hui. Comme on l'a dit souvent, les arbres qui montent le plus haut dans le ciel sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans le sol. Et, pour nous, l'exaltation constante de nos Racines n'est jamais un passéisme, mais au contraire un ressourcement permanent dans tout ce qui nous a fait ce que nous sommes, afin d'y puiser l'inspiration nécessaire pour affronter les défis d'aujourd'hui et de demain.

                Allons à Versailles, où nous trouverons réunies les ombres des deux branches de la famille des Bourbons, car, si Louis XIV l'a construit, Louis-Philippe, on le sait, l'a sauvé. Et considérons cet extra-ordinaire poème qu'y a composé Louis XIV, que la fureur révolutionnaire n'a pas réussi à détruire, et que Louis-Philippe a voulu consacrer, en le sauvant, "A toutes les gloires de la France"....

                On le sait, dans nos Ephémérides nous essayons, jour après jour, de montrer la France. C'est-à-dire d'évoquer quotidiennement les personnes et les faits qui l'ont façonnée et qui, en en faisant ce qu'elle est devenue, ont fait qu'elle a "etonné le monde" pour reprendre le propos de Jean Dutourd. Ce qui fait que nous évoquons, évidemment, Bayard, Richelieu ou la Guerre de Cent ans, mais aussi la création d'Arianespace, le Viaduc de Millau, les Parcs nationaux, les découvertes scientifiques ou les Prix Nobel de toutes disciplines... et tant d'autres choses !...

                Le 28 avril prochain, nous avions prévu d'expliquer, dans ces Ephémérides, ce qu'avait voulu faire Louis XIV à Versailles. Là aussi, non pas pour ressasser perpétuellement d'anciennes gloires passées, mais pour maintenir et poursuivre un esprit, une idée, une attitude qui, étant celles de nos ancêtres, sont le mieux à même de continuer, demain, à nous guider dans un monde où nous assaillent de plus en plus les dangers de l'uniformisation et de l'indifférenciation.

                Voici donc, en avant-première si l'on peut dire, à travers cet Ephéméride que vous retrouverez le 28 avril, cet exemple de politique de civilisation qu'est Versailles. Une visite qui nous permettra par ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut, de mesurer l'action de Louis XIV, qui l'a construit, et celle de Louis-Philippe, qui l'a sauvé, les deux branches de la famille étant ainsi réunies pour le meilleur service possible rendu non seulement à la France mais au monde entier et à la Civilisation, Versailles faisant évidemment partie du Patrimoine mondial de l'Humanité.....

                                                                                ----------------------------------------

    Ephéméride du 28 Avril : Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien …

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    1660 : Louis XIV emmène sa jeune épouse, Marie-Thérèse, a Versailles.

     

              Il s'en faut de beaucoup que le château ressemble à ce qu'il devait devenir, ni même qu'il soit simplement habitable. Pourtant, le jeune Roi sait très bien ce qu'il va édifier là : le palais du soleil, un triple poème, humaniste, politique et chrétien.

              Tâchons d'entrer dans les pensées du Roi, de suivre son idée conductrice, et nous verrons alors tout l'ensemble, palais et jardins confondus parcequ'indissociables, obéir à une pensée profonde, en même temps qu'ils nous la révèleront.....

              Versailles n'obéit pas seulement à un plan architectural, mais se rattache à toute une tradition symbolique. C'est un hymne à la lumière ordonnatrice. Ici, plus qu'ailleurs, l'orientation donne tout son sens au monument. Voilà pourquoi à Versailles il faut, en tout, se reporter constamment au grand axe royal Est -Ouest.

              Perdons cela de vue, et l'on ne verra qu'un palais de plus, peut-être un peu plus grand, un peu plus beau, un peu plus richement décoré que les autres; mais pas vraiment différent d'eux.

             Au contraire, suivons et comprenons ce grand axe, et tout deviendra clair et lumineux; et nous verrons alors pourquoi Versailles est fondamentalement et essentiellement différent de tous les autres châtaux et palais royaux.....

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               Les Métamorphoses d'Ovide et la mythologie étaient familières à nos ancêtres : il nous faut fréquenter l'une et les autres, et nous les ré-approprier, si nous voulons comprendre Versailles. Ainsi, comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n'y a rien à Versailles qui n'ait rapport à cette divinité.

               Versailles reprend la leçon de Phidias, apprise de Périclès, qui la tenait lui-même d'Anaxagore : L'Esprit organise la confusion et donne forme au chaos.

               L'esprit est personnifié par l'action ou la journée d'Apollon qui, dans sa course quotidienne, apporte au monde les bienfaits de la chaleur et de la lumière, de la vie; dissipe les ténèbres; fait fructifier la nature. Ce rôle poétique, tenu dans la mythologie par Apollon, est assuré par le Roi soleil dans son action politique quotidienne, qui apporte au peuple français les bienfaits de l'ordre, par la Monarchie. Mais la lumière et la vie que le roi, moderne Apollon, est chargé d'apporter au peuple, est aussi celle du seul vrai Soleil : Dieu, dont Louis XIV n'est que le lieu-tenant sur terre.

               Détaillons cet axe Est - Ouest dans ses trois éléments principaux :

               1) Tout en bas du Tapis Vert, Apollon sortant de l'eau avec son char (ci dessus et ci dessous) débute sa journée : il regarde vers sa mère, Latone, et, par une gradation subtile, vers la chambre du Roi (au dessus de Latone, car le Roi est plus important que la mythologie...) et vers la chapelle ( encore au dessus de la chambre du Roi, car Dieu est plus important que le Roi....). Au cours de sa journée, il va recommencer à dispenser ses bienfaits et dissiper les ténèbres.

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               2) On sait qu'Apollon est le fils de Jupiter et de Latone (ou Létho). Injuriée par des manants, Latone demanda vengeance à Jupiter, qui les transforma en grenouilles (ci dessous, le Bassin de Latone). Ici, à Versailles, les grenouilles représentent aussi les Hollandais vaincus dans leurs marais....  

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               3) La chambre du Roi, centre et coeur du château, d'où tout part et vers où tout converge. Il restait aux artistes et à Louis XIV à repenser en chrétiens cette légende et ce mythe d'Apollon, reçu de l'Antiquité; et, après le passage du Dieu mythologique au Roi très Chrétien, à matérialiser le passage du Roi très Chrétien au seul vrai Roi, celui du Ciel. Le symbole retenu a été celui de la chapelle, qui est le seul édifice à casser l'horizontalité des toits et qui, en émergeant de la masse imposante du château (ci dessous), manifeste bien que Dieu est plus haut.....

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               Dans sa course quotidienne, Apollon a rejeté à sa gauche tout ce qui était mauvais : la guerre, le chaos, le désordre...; et il a permis, à sa droite, que prospère et s'étende tout ce qui était bon : la paix, les fleurs et les fruits.....

              Considérons donc maintenant l'axe secondaire Nord-Sud, créé par la course d'Apollon, et donc totalement tributaire de l'axe Est - Ouest, dépendant entièrement de lui.

              1)  A l'extrême Nord, on a le Bassin de Neptune, qui symbolise la mer, l'élément indompté, toujours en mouvement et rebéllion. Et aussi le Bassin du Dragon, animal terrible symbolisant les puissances maléfiques que doit vaincre le soleil, lui qui dissipe les ténèbres. C'est une représentation du chaos primitif, du chaos des origines, avant que ne paraisse le soleil (Apollon, le roi).

               Il faut noter aussi que le dragon symbolise la Fronde et les désordres politiques graves qu'a connu le roi lorsqu'il était enfant : or le roi a vaincu la Fronde, imitant en cela le dieu Apollon qui a vaincu le dragon Python (ci dessous).

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              De même, au nord, les arbres sont tout proches du château : symbole d'une Nature très dense, voire hostile et non encore transformée par le travail d'Apollon. Alors qu'au sud on a au contraire des fontaines, une nature aimable, maitrisée et domptées; et les arbres sont repoussés au loin. Les bienfaits du soleil ont été répandus partout.....

              En se rapprochant de la chambre du Roi, on a -dans les jardins- la statue du Rhin (fleuve théatre de nombreuses guerres), avec le Vase de la Guerre dans le parterre Nord. Et, à l'intérieur du château, le Salon de la Guerre. Le Nord marque donc bien toujours les dangers et les obstacles qu'Apollon / Louis XIV doit vaincre....

              2) C'est tout le contraire du côté Sud. Là ne sont que les bienfaits apportés par le soleil. D'abord, dans les jardins, la statue de la Loire (fleuve de douceur et de paix) avec le Vase de la paix. Et, à l'intérieur du château, le salon de la Paix. Puis l'extraordinaire Orangerie (ci dessous).

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              Le Sud marque donc bien toujours les bienfaits qu'ont apporté le dieu Apollon et la monarchie de Louis XIV : l'ordre, au Sud, s'oppose au désordre et au chaos du Nord; les fleurs et les fruits d'une nature harmonieuse parce que fécondée par le soleil (par le roi) s'opposent à la nature primitive, sauvage et indomptée..... 

              On remarquera enfin la subtile hiérarchisation des rôles et des pouvoirs. En arrivant à la Galerie des Glaces, qui se trouve exactement entre le  Nord et le Sud et qui précède la chambre du Roi, l'avant corps central est le seul précédé d'une terrasse de sept marches. Tout est hierarchisé à Versailles...

              Le dernier symbole, on l'a vu, n'étant plus le fait de marches, mais du toit de la chapelle (où sont représenté les Apôtres, car ils ont été les propagateurs de la Lumière): jaillissant par dessus la longue ligne horizontale de l'attique, il brise cette horizontalité pour s'élancer perpendiculairement vers le Ciel.....

  • POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE ”MARIAGE POUR TOUS” (2) - Chantal Delsol : ”Une minuscule coterie mène en bateau tout

    1036153108.jpgAu lendemain de la grande manifestation du 13 janvier et de son indéniable succès par delà la ridicule guerre des chiffres à laquelle il est vain de trop s'attarder, nous écrivions ceci : "Reste la question de fond. Elle dépasse largement la seule affaire du mal nommé mariage pour tous. Nous aurions tort de nous y enfermer. Car, très en amont, c’est la famille dite traditionnelle elle-même, qui est, depuis bien longtemps déjà, en crise (cf. l’inexorable montée des divorces : aujourd’hui plus de 50% des ménages sont concernés !). C’est donc une réflexion de fond sur la famille, minée par l’individualisme, par l’égoïsme contemporains et, en un sens, c’est une contre-idéologie qu’il faut opposer à l'idéologie radicalisée qui sous-tend le projet de loi gouvernemental. C'est ce qu'il faut lancer, ce qu'il faut être capable d'entreprendre maintenant. Car c'est à cette condition que la grande campagne en cours trouvera un prolongement, durera, s'amplifiera et aura, en définitive, été efficace."

    Dans cet ordre d'idées, nous ouvrons un dossier des contributions au débat, de différentes personnalités et intellectuels. Nous avons déjà mis en ligne (14.01.2013) un important article donné par Jean-François Mattéi au Figaro, sous le titre "Mariage pour tous et homoparentalité". Et nous publions, aujourd'hui, l'intégralité de l'entretien de Jean Sévillia avec Chantal Delsol, autre philosophe à donner son analyse. 

    D'autres contributions suivront et constitueront notre dossier, désormais à la disposition de tous : "POUR UNE REFLEXION DE FOND SUR LE "MARIAGE POUR TOUS".

    Le Figaro Magazine - 12.01.2013

    Mariage homosexuel, droit à l'adoption pour les couples de même sexe, extension de la PMA aux lesbiennes, transformation de la parentalité et de la filiation. Quelles conséquences anthropologiques et culturelles pour toute notre société ? Réponse d'une philosope*

    Propos recueilllis par Jean Sévillia 

    Le Figaro Magazine - En premier lieu, pouvez-vous nous rappeler le sens et le but du mariage civil...

    Chantal Delsol - Le mariage est une institution faite pour garantir et protéger ces manifestations de l'existence humaine que sont la procréation, l'accueil de l'enfant et l'éducation/transmission. Le but essentiel du mariage est la protection du faible, c'est-à-dire de l'enfant. Celui-ci a besoin pour grandir d'un milieu stable, d'où l'institution. Le mariage est un contrat tissé par les deux futurs parents autour de ce projet.

    L'expression « mariage pour tous » a été abandonnée dans le projet de loi, mais elle a été initialement utilisée par les promoteurs du mariage gay. En quoi est-elle contradictoire avec l'idée du mariage ?

    C'est contradictoire en raison de la définition même du mariage. Celui-ci n'est pas fait pour tous, mais pour ceux qui souhaitent fonder une famille. L'expression « mariage pour tous » est une divagation. Au départ elle signifie que les couples hétérosexuels ne sont pas les seuls à pouvoir se marier. Elle détourne le mariage de son but : on ne se marie plus pour protéger les futurs enfants du couple, mais parce que l'on s'aime. Tous ceux qui s'aiment pourraient donc se marier. Dans ce cas, on pourrait assister à toutes sortes de mariages étranges, dont ne voudraient pas même les partisans du texte : entre un père et sa fille, entre deux enfants, voire entre un humain et son animal de compagnie. Ce n'est pas sérieux.

    Que vaut le concept d'« égalité » brandi par les partisans du mariage homosexuel ?

    Nous voyons bien là que la passion de l'égalité engendre des âneries. Tout ne peut pas être donné à tous. Il y a des destinations aux choses, aux institutions, des projets spécifiques auxquels tous ne peuvent pas prétendre, simplement parce que nous sommes différents les uns des autres. Aujourd'hui la différence est devenue une discrimination, ce qui signifie que toute différence serait injuste : il suffit de voir le crétinisme profond qui s'exprime dans la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité). Or l'homme est un être de relation, et il n'y a pas de relation du même au même : on n'entretient de complicité qu'avec la différence. Vouloir effacer toutes les aspérités, les bigarrures, les contrastes, c'est vouloir nous réduire à l'état d'éponges.

    Ouvrir le droit à l'adoption pour les couples homosexuels, ce serait un bouleversement anthropologique...

    D'une manière générale, je crains toujours d'abuser de l'idée de « nature ». On a prononcé tant d'exagérations à ce sujet que ce n'est plus guère crédible. Chaque fois qu'un changement social se produit, certains arguent que l'on va contre la « nature ». Certains textes du début du XXe siècle disaient que laisser les filles faire des études supérieures produirait des catastrophes, parce qu'elles ne sont pas faites pour cela. Comme la nature a bon dos ! Ne nous précipitons pas sur cet argument. Pourtant, dans le cas présent, la question est légitime. Où est la « nature », dira-t-on ? Regardons les deux projets de loi actuellement en route : celui sur l'euthanasie et celui sur le mariage gay. L'euthanasie a toujours existé partout, sauf dans les sociétés chrétiennes : partout on laissait mourir les enfants contrefaits et les vieillards trop fatigués ; là où l'infanticide a été interdit, comme sous Mao en Chine, c'était pour être « moderne », c'est-à-dire pour ressembler à l'Occident... Ce qui signifie que le projet de loi sur l'euthanasie n'est pas une rupture anthropologique, mais une rupture culturelle : un retour aux civilisations préchrétiennes. Tandis que pour le mariage gay, c'est autre chose. Aucune société n'a jamais mis en place une affaire pareille ! Nous ne trouvons des idées de ce genre - je dis bien des idées, jamais des réalisations - que chez certains esprits révoltés contre la société, à des périodes rares. Je citerais Diogène le Cynique, qui réclamait que l'on couche avec sa mère et que l'on mange son père, ou bien Sade et Shelley qui, après la saison révolutionnaire, exaltaient tout ce que l'époque considérait comme des perversions. Ces beaux esprits pouvaient amuser certains salons, mais aucune société n'aurait voulu légitimer ces comportements par des lois ! Car les sociétés savaient bien qu'il s'agissait là de subversion anthropologique, ou de nihilisme. Pour le mariage gay, il s'agit bien de cela ; mais pour la première fois, il y a tentative de réaliser ces délires.

    Les députés socialistes veulent aller plus loin que le projet présidentiel en imposant la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples de femmes. Quelles en seraient les conséquences ?

    C'est clairement une rupture anthropologique et une expression du nihilisme, au sens où l'on tord le cou à la filiation et à la transmission. On va faire croire à l'enfant qu'il a deux mères, alors qu'il est bien né, même grâce à la médecine, d'un père et d'une mère ! L'enfant sait quand on lui ment. Il a besoin de la vérité, et le souci de ses origines est primordial pour lui. Pourquoi a-t-on si peur de fabriquer des OGM et ne craint-on pas de fabriquer des enfants fous ? Les enfants me paraissent plus importants que les maïs... C'est ici qu'on n'a plus du tout envie de rire, mais de se mettre en colère : on ne joue pas avec les enfants ! Un enfant, ce n'est pas juste le fruit de mon envie, de mon désir, le jouet, qu'on fabrique comme ça et à qui on va raconter n'importe quoi. Un enfant, c'est sérieux, c'est une personne et à ce titre un seigneur, un roi, qui a droit à notre respect infini, et qui doit grandir alors que l'existence est truffée de difficultés. L'enfant n'est pas le produit de notre caprice, mais il n'est pas non plus le produit de notre révolte sociale : on ne le met pas au monde pour emmerder les hétéros ! Ça ne marche pas ainsi, la transmission de la vie et plus tard la transmission de la culture : c'est une oeuvre, un travail d'humilité et non de revanche ni de puissance... Je dois dire que la communauté homosexuelle ne manifeste pas l'esprit de sérieux requis. Dès qu'elle se montre, c'est dans l'esprit des bacchanales ! Je n'ai rien contre les bacchanales, mais que l'on ne mette pas d'enfants au milieu ! Tout le monde comprend cela.

    Si le droit de la PMA est modifié, une deuxième étape pourrait être la légalisation de la gestation pour autrui (les mères porteuses). C'est alors tout l'édifice de la filiation qui serait ébranlé...

    La gestation pour autrui n'est que la suite. Mais naturellement, c'est encore plus indigne parce qu'en plus on loue des ventres, ce qui n'est pas admissible. Qui gagnera ici : les homosexuels masculins qui exigeront de satisfaire leurs désirs, ou les homosexuelles qui s'indignent qu'on loue des ventres ?

    Toutes les religions représentées en France se sont prononcées contre le mariage homosexuel. L'expression de ce refus constitue-t-elle un viol de la laïcité ?

    Selon la définition française de la laïcité, oui ! Car la tradition française a tendance à penser que la laïcité, c'est la vie dans la neutralité absolue - c'est bien ce que dit notre ministre de l'Education quand il prépare pour l'école des cours de morale universelle, c'est-à-dire complètement exempte des particularités culturelles... Cela n'existe pas ! Les principes qui nous font vivre, et surtout les principes qui nous structurent et que nous n'inventons pas, sont tous ancrés dans des particularités : des morales religieuses ou non, des sagesses, des traditions locales ou nationales, des mythes civilisateurs, etc. Vouloir vivre dans le neutre ou l'universel, c'est se prendre pour des esprits désincarnés. En réalité, les principes des sociétés occidentales sont nourris aux racines du judéo-christianisme, et il est bien cohérent que ce soient les religions qui les rappellent, ces principes, puisqu'elles en sont pour ainsi dire les tabernacles.

    Mais il y a aussi des non-croyants, des citoyens votant à gauche et des homosexuels qui sont hostiles au projet gouvernemental...

    Naturellement ! Enormément de gens ! Et beaucoup d'homosexuels ! Pourquoi ? Mais parce que le nihilisme n'est pas un projet de société : il ne convient qu'à quelques bobos qui amusent la galerie cinq minutes, mais dont il est criminel de réaliser les projets (Diogène était le premier bobo de notre histoire, et les Athéniens disaient déjà, en regardant ses vêtements de SDF branché, qu'on « lui voyait la vanité par les trous », mais la société dans laquelle il vivait n'a jamais essayé de mettre en place ses élucubrations, elle n'était pas folle). En réalité, nous nous trouvons en face d'une minuscule coterie qui mène en bateau tout un pays : une gauche qui a peur de son ombre dès qu'on lui parle d'une inégalité, une droite qui a encore trop souvent peur de la gauche, et un Président falot. Cette minuscule coterie parvient à se faire entendre en se faisant plaindre (« nous sommes les seuls à n'avoir pas droit au mariage »), et dans une société où le héros, c'est la victime. Alors ça marche. Cependant, la plupart d'entre nous ne sont pas dupes de cette arnaque, et je suis sûre que beaucoup d'homosexuels ont honte : ils sont assez lucides pour comprendre que la très grande majorité de leurs collègues archiminoritaires n'ont aucune envie de se marier, que s'ils le font, ce sera par provocation, et que leur essentielle motivation est de subvertir des institutions qu'ils maudissent (si le mariage est partout, il n'est nulle part). Ce qui est bien clair dans l'un des slogans utilisé par des militants du « mariage pour tous » dans une manifestation : « Un(e) hétéro, une balle ; une famille, une rafale. » Non désavoué par les organisateurs, ce slogan traduit bien le nihilisme dont nous parlons. Le débat, ici, n'est pas entre croyants et non-croyants, entre gauche et droite, entre hétéros et homos, mais entre humanistes et nihilistes.

    « C'est une réforme de société et on peut même dire une réforme de civilisation », a affirmé Christiane Taubira. Cette réforme ne serait-elle pas plutôt une révolution ?

    Ce n'est pas une réforme de société, puisqu'elle vise à défaire cette société (par le bouleversement de la filiation) et non pas à la réformer. Ce n'est pas une réforme de civilisation, puisque aucune civilisation nouvelle ne peut sortir de là - cela n'a jamais existé nulle part. Je n'utiliserais pas le mot révolution, parce qu'une révolution vise au retour à un état précédent, soit historique (la révolution américaine), soit mythique (la révolution russe). Ici, aucune idéologie ne soutient ce projet. C'est juste une pantalonnade d'anarchistes pédants et tapageurs, et d'autant plus pédants et tapageurs qu'on a pris l'habitude de les prendre au sérieux.

    Si la manifestation des opposants au projet, le 13 janvier, est un énorme succès, quelle issue politique y aura-t-il pour François Hollande ? Le recours au référendum ?

    Dans ce cas, François Hollande pourrait faire voter la loi en précisant bien qu'il ne sera jamais question de PMA (ce qui signifie qu'il en sera question dans quelque chose comme deux ans). A priori, on n'imagine pas qu'il puisse retirer sa loi : il est trouillard ! Toutefois, il faut se souvenir de 1984 : personne n'espérait que François Mitterrand allait retirer sa loi, et pourtant... On peut donc espérer. De toute façon, nous ne pouvons pas laisser passer une monstruosité pareille sans nous exprimer clairement : nos descendants nous jugeront là-dessus, comme nous avons jugé nos anciens à leur attitude devant les totalitarismes. Aujourd'hui, la barbarie, c'est ça.

    Propos recueilllis par Jean Sévillia

    * Professeur de philosophie à l'université de Marne-la-Vallée, où elle dirige l'Institut Hannah Arendt, Chantal Delsol est membre de l'Institut. Dernier livre paru :

    L'Age du renoncement

    (Cerf).

  • Le coup de tonnerre de Benoît XVI

     

    (Conférence de Benoît XVI au collège des Bernardins)

     

     

    Les évènements qui ponctuent la vie de l’Eglise, telle, hier, la démission de Benoît XVI, ont toujours un aspect politique. Particulièrement pour la France dont la population est à plus de 50% catholique ; pour le monde entier qui compte un milliard deux cents millions de catholiques ; pour tout l’univers chrétien, orthodoxe, protestant et anglican. L’on a vu, lors des obsèques de Jean-Paul II, se presser presque tous les chefs d’Etat de la planète ; et les représentants de toutes les grandes religions. Le respect universel envers le successeur de Pierre, envers le Pape, s’étend bien au delà des nations chrétiennes. Force est de constater, aujourd’hui, le retentissement mondial du retrait de Benoît XVI, pourtant en apparence plus effacé que son prédécesseur. Les mêmes forces, les mêmes médias qui ont, au long de son pontificat, mené contre lui d'immenses campagnes, distillent plutôt, en ce moment, des concerts de louanges.  

     

    Le pontificat de Benoît XVI aura été marqué par quelques orientations de fond qui intéressent, directement ou indirectement, le domaine politique :

     

    . En tout premier lieu, et essentiellement, recentrer l’Eglise sur la Foi ; sur sa foi en Jésus Christ, son Seigneur, dont le royaume n’est pas de ce monde. Ce christocentrisme a tendu à épargner à l’Eglise, au moins en principe, les engagements contestables, pré ou postconciliaires, de nombre de ses clercs et de ses fidèles, dans les luttes politiques et sociales, les idéologies du monde moderne, jusqu’aux plus révolutionnaires. Personne ne devrait s’en plaindre, sur le plan politique.

     

    . En second lieu, maintenir les fondamentaux de la morale traditionnelle, mais, plus encore, restaurer la réflexion théologique, la liturgie, la cohésion interne de l’Eglise Catholique ; œuvrer à son unité, après la rupture des traditionalistes ; en même temps – objectif d’une toute autre ampleur - tendre à davantage d’unité avec le monde orthodoxe et avec les Anglicans. Ces entreprises ne sont pas étrangères au destin de l’Europe.

     

    . Rappeler tout particulièrement à l’Europe ses racines chrétiennes. Ce fut un des leitmotivs du pontificat de Jean-Paul II mais aussi de Benoît XVI. Sans-doute, d’autres apports irriguent-ils, indéniablement, la communauté des nations d’Europe. Mais leurs racines chrétiennes sont réellement fondatrices : de leur spiritualité, de leur culture, de leurs arts, de leurs savoirs communs. Tels étaient, d’ailleurs, les véritables éléments constitutifs de l'unité des Européens. En les niant, en leur préférant une Union uniquement basée sur un projet économique conduit par une technocratie sans âme, sans-doute l’Europe s’est-elle privée de ses ressorts profonds qui auraient pu, tout au moins, l’aider à surmonter ses différences et ses égoïsmes. 

     

    D’autres aspects importants du pontificat qui s’achève du fait de son titulaire pourraient être soulignés. Rappelons seulement que – au risque de soulever la tempête que l’on sait – Benoît XVI fut la première autorité morale à mettre le monde musulman en face du problème qui est le sien : celui de la violence qui le caractérise pour des raisons de fond et à sa défiance envers la raison dans son rapport avec la foi religieuse.

     

    Sur au moins deux points importants, nous avons marqué, ici, notre désaccord avec les prises de position répétées de l’Eglise catholique et de Benoît XVI lui-même : en matière d’immigration et à propos de la mondialisation. Etait-il, par exemple, acceptable, judicieux, qu’utilisant largement les médias, qui pourtant ne l’ont pas épargné, Benoît XVI tance publiquement les dirigeants français pour leur politique à l’égard des Roms ? En matière d’immigration, l’Eglise développe un discours, pour ne pas dire une propagande, contraire aux intérêts de la France. Autre point : faut-il voir – même avec des réserves et bien des rectificatifs – dans ce que nous appelons « mondialisation », une évolution inéluctable et, de toute façon, positive ? Cette opinion nous paraît relever d’une certaine naïveté politique.  

     

    Le mieux que nous puissions faire, nous semble-t-il, au moment où Benoît XVI s’éloigne, est de proposer à nos lecteurs – qu’ils soient férus de culture, de spiritualité ou de politique - d’entendre ou réentendre, lire ou relire, la magistrale conférence des Bernardins sur la formation de la civilisation européenne, prononcée en septembre 2008 devant 700 personnalités culturelles, politiques et religieuses. (Vidéo + texte).

     

    ___________________________________ 

     

    Texe de la conférence des Bernardins :   Cliquer sur "Lire la suite". Ci-dessous :

    Vendredi 12 septembre 2008

    Rencontre avec le monde de la culture

    Discours du pape Benoît XVI au collège des Bernardins

    Monsieur le Cardinal,
    Madame le Ministre de la Culture,
    Monsieur le Maire,
    Monsieur le Chancelier de l'Institut,
    Chers amis,

    Merci, Monsieur le Cardinal, pour vos aimables paroles. Nous nous trouvons dans un lieu historique, lieu édifié par les fils de saint Bernard de Clairvaux et que votre prédécesseur, le regretté Cardinal Jean-Marie Lustiger, a voulu comme un centre de dialogue de la Sagesse chrétienne avec les courants culturels intellectuels et artistiques de votre société. Je salue particulièrement Madame le Ministre de la Culture qui représente le gouvernement, ainsi que Messieurs Giscard d'Estaing et Chirac. J'adresse également mes salutations aux ministres présents, aux représentants de l'UNESCO, à Monsieur le Maire de Paris et à toutes les autorités. Je ne veux pas oublier mes collègues de l'Institut de France qui savent ma considération et je désire remercier le Prince de Broglie de ses paroles cordiales. Nous nous reverrons demain matin. Je remercie les délégués de la communauté musulmane française d'avoir accepté de participer à cette rencontre ; je leur adresse mes vœux les meilleurs en ce temps du ramadan. Mes salutations chaleureuses vont maintenant tout naturellement vers l'ensemble du monde multiforme de la culture que vous représentez si dignement, chers invités.

    J'aimerais vous parler ce soir des origines de la théologie occidentale et des racines de la culture européenne. J'ai mentionné en ouverture que le lieu où nous nous trouvons était emblématique. Il est lié à la culture monastique. De jeunes moines ont ici vécu pour s'initier profondément à leur vocation et pour bien vivre leur mission. Ce lieu, évoque-t-il pour nous encore quelque chose ou n'y rencontrons-nous qu'un monde désormais révolu ? Pour pouvoir répondre, nous devons réfléchir un instant sur la nature même du monachisme occidental. De quoi s'agissait-il alors ? En considérant les fruits historiques du monachisme, nous pouvons dire qu'au cours de la grande fracture culturelle, provoquée par la migration des peuples et par la formation des nouveaux ordres étatiques, les monastères furent des espaces où survécurent les trésors de l'antique culture et où, en puisant à ces derniers, se forma petit à petit une culture nouvelle. Comment cela s'est-il passé ? Quelle était la motivation des personnes qui se réunissaient en ces lieux ? Quelles étaient leurs désirs ? Comment ont-elles vécu ? 

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    Quelle était la motivation des personnes qui se réunissaient en ces lieux ?...

    Avant toute chose, il faut reconnaître avec beaucoup de réalisme que leur volonté n'était pas de créer une culture nouvelle ni de conserver une culture du passé. Leur motivation était beaucoup plus simple. Leur objectif était de chercher Dieu, quaerere Deum. Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s'appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. On dit que leur être était tendu vers l'« eschatologie ». Mais cela ne doit pas être compris au sens chronologique du terme - comme s'ils vivaient les yeux tournés vers la fin du monde ou vers leur propre mort - mais au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif. Quaerere Deum : comme ils étaient chrétiens, il ne s'agissait pas d'une aventure dans un désert sans chemin, d'une recherche dans l'obscurité absolue. Dieu lui-même a placé des bornes milliaires, mieux, il a aplani la voie, et leur tâche consistait à la trouver et à la suivre. Cette voie était sa Parole qui, dans les livres des Saintes Écritures, était offerte aux hommes. La recherche de Dieu requiert donc, intrinsèquement, une culture de la parole, ou, comme le disait Dom Jean Leclercq : eschatologie et grammaire sont dans le monachisme occidental indissociables l'une de l'autre (cf. L'amour des lettres et le désir de Dieu, p.14). Le désir de Dieu comprend l'amour des lettres, l'amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. Puisque dans la parole biblique Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, ils devaient apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, devenaient importantes. La bibliothèque faisait, à ce titre, partie intégrante du monastère tout comme l'école. Ces deux lieux ouvraient concrètement un chemin vers la parole. Saint Benoît appelle le monastère une dominici servitii schola, une école du service du Seigneur. L'école et la bibliothèque assuraient la formation de la raison et l'eruditio, sur la base de laquelle l'homme apprend à percevoir au milieu des paroles, la Parole.

     

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    L'école et la bibliothèque assuraient la formation de la raison et l'eruditio, sur la base de laquelle l'homme apprend à percevoir au milieu des paroles, la Parole. Image extraite du film ' RELIEF DE FRANCE LES MONASTERES '
    Les Chartreux à visage découverts, film de JC Guerguy,
    plus d'infos sur le site www.cine-art-loisir.com

    Pour avoir une vision d'ensemble de cette culture de la parole liée à la recherche de Dieu, nous devons faire un pas supplémentaire. La Parole qui ouvre le chemin de la recherche de Dieu et qui est elle-même ce chemin, est une Parole qui donne naissance à une communauté. Elle remue certes jusqu'au fond d'elle-même chaque personne en particulier (cf. Ac 2, 37). Grégoire le Grand décrit cela comme une douleur forte et inattendue qui secoue notre âme somnolente et nous réveille pour nous rendre attentifs à Dieu (cf. Leclercq, ibid., p. 35). Mais elle nous rend aussi attentifs les uns aux autres. La Parole ne conduit pas uniquement sur la voie d'une mystique individuelle, mais elle nous introduit dans la communauté de tous ceux qui cheminent dans la foi. C'est pourquoi il faut non seulement réfléchir sur la Parole, mais également la lire de façon juste. Tout comme à l'école rabbinique, chez les moines, la lecture accomplie par l'un d'eux est également un acte corporel. « Le plus souvent, quand legere et lectio sont employés sans spécification, ils désignent une activité qui, comme le chant et l'écriture, occupe tout le corps et tout l'esprit », dit à ce propos Dom Leclercq (ibid., p. 21).

    Il y a encore un autre pas à faire. La Parole de Dieu elle-même nous introduit dans un dialogue avec Lui. Le Dieu qui parle dans la Bible nous enseigne comment nous pouvons Lui parler. En particulier, dans le Livre des Psaumes, il nous donne les mots avec lesquelles nous pouvons nous adresser à Lui. Dans ce dialogue, nous Lui présentons notre vie, avec ses hauts et ses bas, et nous la transformons en un mouvement vers Lui. Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l'acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. À ce sujet, écoutons encore une fois Jean Leclercq : « Les moines devaient trouver des accents qui traduisent le consentement de l'homme racheté aux mystères qu'il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant » (cf. ibid., p. 229).

    Détruite à la révolution, il ne reste quasiment rien de l'immense abbaye de Cluny, qui fut le plus grand édifice religieux du monde, avant la construction de Saint Pierre de Rome. Le septième chapiteau du choeur de Cluny illustre les quatre premiers tons :

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    Jeune homme jouant du luth
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    Femme jouant de la cymbale
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    Jeune homme jouant du psaltérion
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    Jeune homme jouant du Tintinabulum, sonnant le glas funéraire

                Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine - en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d'être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s'unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l'harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d'une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n'était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d'un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la 'région de la dissimilitude'. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l'état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l'homme qui est créé à l'image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la 'région de la dissimilitude', dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d'homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l'homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l'être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu'Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n'était pas là l'œuvre d'une « créativité » personnelle où l'individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s'érige un monument à lui-même. Il s'agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l'harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l'homme, et d'inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l'homme et qui proclame hautement cette dignité.

     

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    De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu'Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale...

    Enfin, pour s'efforcer de saisir cette culture monastique occidentale de la parole, qui s'est développée à partir de la quête intérieure de Dieu, il faut au moins faire une brève allusion à la particularité du Livre ou des Livres par lesquels cette Parole est parvenue jusqu'aux moines. Vue sous un aspect purement historique ou littéraire, la Bible n'est pas un simple livre, mais un recueil de textes littéraires dont la rédaction s'étend sur plus d'un millénaire et dont les différents livres ne sont pas facilement repérables comme constituant un corpus unifié. Au contraire, des tensions visibles existent entre eux. C'est déjà le cas dans la Bible d'Israël, que nous, chrétiens, appelons l'Ancien Testament. Ça l'est plus encore quand nous, chrétiens, lions le Nouveau Testament et ses écrits à la Bible d'Israël en l'interprétant comme chemin vers le Christ. Avec raison, dans le Nouveau Testament, la Bible n'est pas de façon habituelle appelée « l'Écriture » mais « les Écritures » qui, cependant, seront ensuite considérées dans leur ensemble comme l'unique Parole de Dieu qui nous est adressée. Ce pluriel souligne déjà clairement que la Parole de Dieu n

  • Littérature & Histoire • « Les Dieux ont soif » : une analyse clinique de la démence révolutionnaire

     

    [Lafautearousseau - Actualisé le 17.01.2016]

     

    "Les Dieux ont soif" est un roman d'Anatole France, publié en feuilleton dans la Revue de Paris du 15 octobre 1911 au 15 janvier 1912, puis en volume chez Calmann-Lévy à la mi juin 1912. 

    "La société devient enfer dès qu'on veut en faire un paradis." Cette pensée si juste de Gustave Thibon accompagne le lecteur tout au long de cette impeccable dissection de la démence révolutionnaire, qui renvoie à cette autre phrase, monstrueuse celle-là, prononcée par Staline, et qui "légitime" (!) tous les génocides : "Le problème, c'est les hommes; pas d'hommes, pas de problème !..." 

    De même que le personnage central du roman, le peintre raté Evariste Gamelin, fait irrésistiblement penser à la morale de la Fable d'Anouilh, "Le loup et la vipère" : "Petits garçons heureux, Hitler ou Robespierre, Combien de pauvres hères Qui seraient morts chez eux ?"...

    En voici quelques morceaux choisis, quelques "bonnes feuilles" dont la lecture sera intéressante à quelques jours de la commémoration de l'exécution de Louis XVI.

     

    TERREUR.jpg1. Chapitre 1, page 1 : la vraie devise de la République idéologique française

    "...Sur la façade...les emblèmes religieux avaient été martelés et l'on avait inscrit en lettres noires au-dessus de la porte la devise républicaine :

    Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort"... 

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    2. Chapitre 9, page 122

    "Evariste Gamelin devait entrer en fonctions le 14 septembre, lors de la réorganisation du Tribunal, divisé désormais en quatre sections, avec quinze jurés pour chacune. Les prisons regorgeaient : l'accusateur public travaillait dix-huit heures par jour. Aux défaites des armées, aux révoltes des provinces, aux conspirations, aux complots, aux trahisons, la Convention opposait la Terreur. Les Dieux avaient soif..."

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    terreur guillotine.jpg3. Chapitre 13, page 204 : prière à Sainte Guillotine, comme les chrétiens priaient Sainte-Geneviève

    "...il voyait partout des conspirateurs et des traîtres.

    Et il songeait :

    "...République ! contre tant d'ennemis, secrets ou déclarés, tu n'as qu'un secours. Sainte Guillotine, sauve la patrie !..." 

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     4. Chapitre 15, pages 224/225/226 : pour Marie-Antoinette, c'est l'hallali...

    "Il fallait vider les prisons qui regorgeaient; il fallait juger, juger sans repos ni trêve. Assis contre les murailles tapissées de faisceaux et de bonnets rouges, comme leurs pareils sur les fleurs de lys, les juges gardaient la gravité, la tranquillité terrible de leurs prédécesseurs royaux. L'accusateur public et ses substituts, épuisés de fatigue, brûlés d'insomnie et d'eau-de-vie, ne secouaient leur accablement que par un violent effort; et leur mauvaise santé les rendait tragiques. Les jurés, divers d'origine et de caractère, les uns instruits, les autres ignares, lâches ou généreux, doux ou violents, hypocrites ou sincères, mais qui tous, dans le danger de la patrie et de la République, sentaient ou feignaient de sentir les mêmes angoisses, des brûler des mêmes flammes, tous atroces de vertu ou de peur, ne formaient qu'un seul être, une seule tête sourde, terreur tribunal.jpgirritée, une seule âme, une bête mystique, qui par l'exercice naturel de ses fonctions, produisait abondamment la mort. Bienveillants ou cruels par sensibilité, secoués soudain par un brusque mouvement de pitié, ils acquittaient avec des larmes un accusé qu'ils eussent, une heure auparavant, condamné avec des sarcasmes. A mesure qu'ils avançaient dans leur tâche, ils suivaient plus impétueusement les impulsions de leur coeur.

    Ils jugeaient dans la fièvre et dans la somnolence que leur donnait l'excès de travail, sous les excitations du dehors et les ordres du souverain, sous les menaces des sans-culottes et des tricoteuses pressés dans les tribunes et dans l'enceinte publique, d'après des témoignages forcenés, sur des réquisitoires frénétiques, dans un air empesté, qui appesantissait les cerveaux, faisait bourdonner les oreilles et battre les tempes et mettait un voile de sang sur les yeux. Des bruits vagues couraient dans le public sur des jurés corrompus par l'or des accusés. Mais à ces rumeurs le jury tout entier répondait par des protestations indignées et des condamnations impitoyables. Enfin, c'étaient des hommes, ni pires ni meilleurs que les autres. L'innocence, le plus souvent, est un bonheur et non pas une vertu : quiconque eût accepté de se mettre à leur place eût agi comme eux et accompli d'une âme médiocre ces tâches épouvantables.

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    Antoinette, tant attendue, vint enfin s'asseoir en robe noire dans le fauteuil fatal, au milieu d'un tel concert de haine que seule la certitude de l'issue qu'aurait le jugement en fit respecter les formes. Aux questions mortelles, l'accusée répondit tantôt avec l'instinct de la conservation, tantôt avec sa hauteur accoutumée,, et, une fois, grâce à l'infamie d'un de ses accusateurs, avec la majesté d'une mère. L'outrage et la calomnie seuls étaient permis aux témoins; la défense fut glacée d'effroi. Le tribunal, se contraignant à juger dans les règles, attendait que tout cela fût fini pour jeter la tête de l'Autrichienne à l'Europe..."
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    5. Chapitre 15, pages 229/230 : le jugement des Girondins... 

    "...Rentré chez lui, il reçut avis qu'il était nommé membre du conseil général de la Commune. Candidat depuis quatre mois, il avait été élu sans concurrent, après plusieurs scrutins, par une trentaine de suffrages. On ne votait plus : les sections étaient désertes; riches et pauvres ne cherchaient qu'à se  soustraire aux charges publiques. Les plus grands évènements n'excitaient plus ni enthousiasme ni curiosité; on ne lisait plus les journaux, Evariste doutait si, sur les sept cent mille habitants de la capitale, trois ou quatre mille seulement avaient encore l'âme républicaine.

    Ce jour-là, les Vingt et Un comparurent (ci dessous, l'arrestation des Girondins, ndlr).

    Girondins.pngInnocents ou coupables des malheurs et des crimes de la République, vains, imprudents, ambitieux et légers, à la fois modérés et violents, faibles dans la terreur comme dans la clémence, prompts à déclarer la guerre, lents à la conduire, traînés qu Tribunal sur l'exemple qu'ils avaient donné, ils n'étaient pas moins la jeunesse éclatante de la Révolution; ils en avaient été le charme et la gloire. Ce juge, qui va les interroger, avec une partialité savante; ce blême accusateur, qui, là, devant sa petite table, prépare leur mort et leur déshonneur; ces jurés, qui voudront tout-à-l'heure étouffer leur défense; ce public des tribunes, qui les couvre d'invectives et de huées, juge, jurés, peuple, ont naguère applaudi leur éloquence, célébré leurs talents, leurs vertus. Mais ils ne se souviennent plus.

    Evariste avait fait jadis son dieu de Vergniaud, son oracle de Brissot. Il ne se rappelait plus, et, s'il restait dans sa mémoire quelque vestige de son antique admiration, c'était pour concevoir que ces monstres avaient séduit les meilleurs citoyens..." 

     

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    girondins madame rolland.jpg5bis. Chapitre 16, pages 237/238

    "...Les jours qui suivirent, le Tribunal s'occupa sans relâche d'anéantir le fédéralisme, qui, comme une hydre, avait menacé de dévorer la liberté.

    Ce furent des jours chargés; et les jurés, épuisés de fatigue, expédièrent le plus rapidement possible la femme Roland, inspiratrice ou complice des crimes de la faction brissotine..."

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    6. Chapitre 19, page 280

    "...La terreur, de mois en mois, grandissait. Chaque nuit, les geôliers ivres, accompagnés de leurs chiens de garde, allaient de cachot en cachot, portant des actes d'accusation, hurlant des noms qu'ils estropiaient, réveillaient les prisonniers et pour vingt victimes désignés en épouvantaient deux cents. Dans ces corridors, pleins d'ombres sanglantes, passaient chaque jour, sans une plainte, vingt, trente, cinquante condamnés, vieillards, femmes, adolescents, et si divers de condition, de caractère, de sentiment, qu'on se demandait s'ils n'avaient pas été tirés au sort..."

     

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    6bis. Chapitre 19, pages 283/284

    "... - J'ai été dénoncée comme royaliste. On m'accuse d'avoir conspiré pour délivrer la reine. Comme je vous savais ici, j'ai tout de suite cherché à vous voir. Ecoutez-moi, mon ami, car vous voulez bien que je vous donne ce nom ? Je connais des gens en place; j'ai, je le sais, des sympathies jusque dans le Comité de salut public. Je ferai agir des amis : ils me délivreront, et je vous délivrerai à mon tour.

    Mais Brotteaux, d'une voix qui se fit pressante :

    - Par tout ce que vous avez de cher, mon enfant, n'en faites rien ! N'écrivez pas, ne sollicitez pas; ne demandez rien à personne, je vous en conjure, faites-vous oublier.

    Comme elle ne semblait pas pénétrée de ce qu'il disait, il se  fit plus suppliant encore :

    terreur ce sont des choses.jpg- Gardez le silence. Rose, faites-vous oublier : là est le salut. Tout ce que vos amis tenteraient ne ferait que hâter votre perte. Gagnez du temps. Il en faut peu, très peu, j'espère, pour vous sauver. Surtout n'essayez pas d'émouvoir les juges, les jurés, un Gamelin. Ce ne sont pas des hommes, ce sont des choses : on ne  s'explique pas avec les choses. Faites-vous oublier. Si vous suivez mon conseil, mon amie, je mourrai heureux de vous avoir sauvé la vie..."

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    7. Chapitre 20, pages 286 à 290 (intégralité du chapitre) : la paranoïa enfle - comme dans Le grand air de la calomnie : "...Le tapage va croissant / À la fin elle déborde et éclate, se propage, redouble, / Et produit une explosion /Un séisme, un orage, / Un tumulte général...". Comme Staline, Gamelin voit des ennemis/traîtres partout...

    "Evariste Gamelin, pendant une longue audience du Tribunal, à son banc, dans l'air chaud, ferme les yeux et pense :

    "Les méchants, en forçant Marat à se cacher dans les trous, en avaient fait un oiseau de nuit, l'oiseau de Minerve, dont l'oeil perçait les conspirateurs dans les ténèbres, où ils se dissimulaient. Maintenant, c'est un regard bleu, froid, tranquille, qui pénètre les ennemis de l'Etat et dénonce les traîtres avec une subtilité inconnue même à l'Ami du peuple, endormi pour toujours dans le jardin des Cordeliers.  Le nouveau sauveur, aussi zélé et plus perspicace que le premier, voit ce que personne n'avait vu et son doigt levé répand la terreur. Il distingue les nuances délicates, imperceptibles, qui séparent le mal du bien, le vice de la vertu, que sans lui ont eût confondues, au dommage de la patrie et de la liberté; il trace devant lui la ligne mince, inflexible, en dehors de laquelle il n'est, à gauche et à droite, qu'erreur, crime et scélératesse. L'incorruptible enseigne comment on sert l'étranger par exagération et par faiblesse, en persécutant les cultes au nom de la raison, et en résistant au nom de la religion aux lois de la République. Non moins que les scélérats qui immolèrent Le Peltier et Marat, ceux qui leur décernent des honneurs divins pour compromettre leur mémoire servent l'étranger. Agent de l'étranger, quiconque rejette les idées d'ordre, de sagesse, d'opportunité; agent de l'étranger, quiconque outrage les moeurs, offense la vertu, et, dans le dérèglement de son coeur, nie Dieu. Les prêtres fanatiques méritent la mort; mais il y a une manière contre-révolutionnaire de combattre le fanatisme; il y a des abjurations criminelles. Modéré, on perd la République; violent, on la perd.

    TERREUR 6.jpgOh ! redoutables devoirs du juge, dictés par le plus sage des hommes ! Ce ne sont plus seulement les aristocrates, les fédéralistes , les scélérats de la faction d'Orléans, les ennemis déclarés de la patrie qu'il faut frapper. Le conspirateur, l'agent de l'étranger est un Protée, il prend toutes les formes. Il revêt l'apparence d'un patriote, d'un révolutionnaire, d'un ennemi des rois; il affecte l'audace d'un coeur qui en bat que pour la liberté; il enfle la voix et fait trembler les ennemis de la République : c'est Danton; sa violence cache mal son odieux modérantisme et sa corruption apparaît enfin. Le conspirateur, l'agent de l'étranger, c'est ce bègue éloquent qui mit à son chapeau la première cocarde des révolutionnaires, c'est ce pamphlétaire qui, dans son civisme ironique et cruel, s'appelait lui-même "le procureur de la lanterne", c'est Camille Desmoulins : il s'est décelé en défendant les généraux traîtres et en réclamant les mesures criminelles d'une clémence intempestive. C'est Philippeaux, c'est Hérault, c'est le méprisable Lacroix. Le conspirateur, l'agent de l'étranger, c'est ce père Duchesne qui avilit la liberté par sa basse démagogie et de qui les immondes calomnies rendirent Antoinette elle-même intéressante. C'est Chaumette, qu'on vit pourtant doux, populaire, modéré, bonhomme et vertueux, dans l'administration de la Commune, mais il était athée ! Les conspirateurs, les agents de l'étranger, ce sont tous ces sans-culottes en bonnet rouge, en carmagnole, en sabots, qui ont follement renchéri de patriotisme sur les jacobins. Le conspirateur, l'agent de l'étranger, c'est Anacharsis Cloots, l'orateur du genre humain, condamné à mort par toutes les monarchies du monde; mais on devait tout craindre de lui : il était Prussien. (Illustration : caricature royaliste, montrant Robespierre guillotinant un innocent, la pyramide derrière lui porte l'inscription "Ci-gît toute la France"; à rapprocher de la fameuse épitaphe apocryphe du même Robespierre : "Passant, ne pleure pas sur mon sort / Si je vivais tu serais mort !")

    Maintenant, violents et modérés, tous ces méchants, tous ces traîtres, Danton, Desmoulins, Hébert, Chaumette ont péri sous la hache. La République est sauvée; un concert de  louanges monte de tous les comités et de toutes les assemblées populaires vers Maximilien et la Montagne. Les bons citoyens s'écrient : "Dignes représentants d'un peuple libre, c'est en vain que les enfants des Titans ont levé leur tête altière : Montagne bienfaisante, Sinaï protecteur, de ton sein bouillonnant est sorti la foudre salutaire".

    En ce concert, le Tribunal a sa part de louanges. Qu'il est doux d'être vertueux et combien la reconnaissance publique est chère au coeur du juge intègre !

    TERREUR CHARLOTTE CORDAY.jpgCependant, pour un coeur patriote, quel sujet d'étonnement et quelles causes d'inquiétude ! Quoi ! pour trahir la cause populaire, ce n'était donc pas assez de Mirabeau, de La Fayette, de Bailly, de Pétion, de Brissot ? Il y fallait encore ceux qui ont dénoncé ces traîtres ? Quoi ! tous les hommes qui ont fait la Révolution ne l'ont faite que pour la perdre ! Ces grands auteurs des grandes journées préparaient avec Pitt et Cobourg la royauté d'Orléans ou la tutelle de Louis XVII. Quoi ! Danton, c'était Monk ! Quoi ! Chaumette et les hébertistes, plus perfides que les fédéralistes qu'ils ont poussé sous le couteau, avaient conjuré la ruine de l'empire ! Mais parmi ceux qui précipitent à la mort les perfides Danton et les perfides Chaumette, l'oeil bleu de Robespierre n'en découvrira-t-il pas de plus perfides encore ? Où s'arrêtera l'exécrable enchaînement des traîtres trahis et la perspicacité de l'Incorruptible..."  (Illustration : Charlotte Corday sur la charrette...) 
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    8. Chapitre 22, pages 298 à 301 : la Fête de l'Être suprême du 8 juin 1794 et la loi "de prairial" du 10 juin 94, ouvrant la "Grande Terreur" par suppression de tous les droits des accusés...

    Une montagne s'est élevée subitement dans le jardin des Tuileries. Le ciel est sans nuages. Maximilien marche devants es collègues en habit bleu, en culotte jaune, ayant à al main un bouquet d'épis, de bleuets et de coquelicots. Il gravit la montagne et annonce le dieu de Jean-Jacques à la République attendrie. Ô pureté ! ô douceur ! ô foi ! ô simplicité antique !  ô larmes de pitié ! ô rosée féconde ! ô clémence ! ô fraternité humaine !

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    En vain l'athéisme dresse encore sa face hideuse : Maximilien saisit une torche; les flammes dévorent le monstre et la Sagesse apparaît, d'une main montrant le ciel, de l'autre tenant une couronne d'étoiles.

    Sur l'estrade dressée contre le palais des Tuileries, Evariste, au milieu de la foule émue, verse de douces larmes et rend grâces à Dieu. Il voit s'ouvrir une ère de félicité.

    Il soupire :

    - Enfin nous serons heureux, purs, innocents, si les scélérats le permettent.

    Hélas ! les scélérats ne l'ont pas permis. Il faut encore des supplices; il faut encore verser des flots de sang impur. Trois jours après la fête