23 avril 1940 : Mort de Julia Allard, la mère...
Elle avait 96 ans !
Née en 1844, elle aura survécu 43 ans à son mari Alphonse, décédé prématurément à 57 ans, en 1897.
(Repris du document de la partie 1, L'enfance et l'adolescence heureuse... : "...43 ans avant la mort de Julia !" ) :
Fille d’industriels amis des arts, son grand père, M Navoit, accueillait le couple uni et heureux qu’elle formait avec Alphonse Daudet en villégiature dans son château de Vigneux, situé en limite de Draveil, pendant l’été : c’est pourquoi les Daudet achetèrent par la suite, tout à côté, leur belle propriété de Champrosay…
Dans le milieu de Julia Allard, le goût de l'écriture était répandu. Dès l'âge de 17 ans, Julia publia des poèmes sous le pseudonyme de Marguerite Tournay (elle utilisa aussi, comme « Georges Sand », un pseudonyme masculin, Karl Stern, pour écrire des chroniques littéraires dans de nombreuses revues) : ce fut dans "L’Art" que parurent ses premiers essais poétiques :
"Plus tard, – écrit-elle dans la préface de son recueil, – je continuai à des dates éloignées, et je griffonnai des vers comme un peintre des croquis, au bas d’un registre de comptes, au revers d’un devoir de mes enfants, ou de pages lignées d’une fine et serrée écriture qui s’est faite glorieuse… élévation courte et subite d’une pensée féminine vers ce qui n’est pas la tâche journalière ou l’obligation mondaine : écart, intervalle, minutes de grâce d’une vie pleine, fleurs du champ défriché, assez semblables à ces plantes menues qui, la moisson faite, pointent entre les javelles, à peine assez hautes pour les dépasser..."
Ce fut en Janvier 1867 que Julia Allard devint Julia Daudet, en épousant Alphonse, à l'âge de 23 ans. Elle joua auprès de lui un rôle important dans son oeuvre. Inspiratrice, conseillère et même plus : "Pas une page, écrit Daudet, qu'elle n'ait revue ou retouchée". Et, comme l'a écrit José-Maria de Heredia : "Elle a sa part, volontairement discrète, dans la gloire du célèbre romancier."
Elle se fit une grande réputation avec son salon littéraire, d’abord 31, rue Bellechasse, puis 41, rue de l'Université (appartement où mourut Alphonse Daudet en 1897), enfin dans son petit château du XVème siècle, situé à La Roche, au bord de la Loire.
Elle y reçut plusieurs des plus grands écrivains du XIXème siècle : les Goncourt, Maupassant, Flaubert, Zola, Barbey d'Aurevilly, Tourgueniev, José-Maria de Heredia, l'abbé Arthur Mugnier, Pierre Loti, Anatole France, les frères Goncourt, Marcel Proust, Émile Zola, Henry James, Rosemonde Gérard, femme d'Edmond Rostand et mère de Jean Rostand; Marcel Proust, Jacques Bainville, Pierre de Nolhac, Jean Cocteau et sa mère Mme Cocteau, Charles Maurras, Armand Prudhomme, dit Sully-Prudhomme (le premier Prix Nobel de littérature), le poète Francis Jammes etc...
Auteur d' "Impressions de nature et d'art" (1879), elle a publié en 1883 "L'Enfance d'une Parisienne", puis des poésies et des études littéraires, rédigeant des chroniques pour Le Musée universel et L'Evénement, sous les pseudonymes de Madeleine et de Rose-Lise, et fut membre du jury Femina et chevalier de la Légion d'honneur.
Léon Daudet a expliqué l’influence bénéfique qu’exerça sa mère sur son père :
"Comme le jour du mariage de son frère Alphonse Daudet, ma tante Anna - depuis ma belle-mère - sortait de l'église au bras de Frédéric Mistral, témoin de "son bel Alphonse", le grand poète lui dit avec sa point d'accent : "ça le sove, ce petit..." C'était bien vrai. Sans ma mère, née Julia Allard, sans sa collaboratrice morale, intellectuelle et littéraire, mon père en proie à des camarades de jeunesse et à des relations de café, car c'était le temps des cafés littéraires, n'eût pu accomplir son œuvre considérable et, comme il l'avouait, se serait "perdu en conversations". Car il était sociable, enjoué, toujours prêt à partir pour la campagne, ou la Provence, la "Maïre Prouvenço", ou la Corse, ou l'Alsace (voyage avec Alfred Delvau, relaté dans un petit livre, devenu rare, de celui-ci, Du pont des Arts au pont de Kehl)."
"Il était, comme ses amis, prompt aux félibrées, aux poèmes, aux chants et aux belles, au Châteauneuf du Pape, au Tavel, au catigot d'anguilles, à toutes les fantaisies ensoleillées, traditionnelles chez les "princes paysans" de la vallée du Rhône...." ("Quand vivait mon père", Souvenirs inédits, Paris, Grasset, 1940, pages 7/8, Promethée).