Maroc : La leçon faite au Monde.
On connaît l’arrogance des journalistes et le crédit qu’il convient d’accorder à une information qu’ils contribuent autant à créer qu’à diffuser. On sait aussi en quoi consiste l’inquisition des esprits aux mains des grands prêtres de la démocratie et l’inclination de ces derniers pour l’opinion publique, celle justement que contribuent à façonner les journalistes. L’« affaire » du sondage récemment interdit de publication au Maroc vient illustrer de façon caricaturale la prétention des uns et des autres à diriger les consciences en disant le bien et le mal.
L’édition du 4 juilllet du journal Le Monde a été interdite au Maroc, le magazine marocain Tel Quel ayant lui-même été mis au pilon. Les bonnes âmes crient au scandale. Comment ? On n’a pas le droit d’écrire ce que l’on veut ? On n’a pas le droit de publier un sondage ? Et Mohamed VI d’être condamné pour entrave à la prétendue libre circulation de l’information. Florence Beaugé, la journaliste qui signe l’article « Maroc : le sondage interdit » ajoute ce qu’elle doit penser être le coup de pied de l’âne (de l’ânesse devrait-on dire puisqu’il faut toujours « féminiser ») : « Le plus étonnant est que le résultat de ce sondage est extraordinairement favorable à Mohamed VI ».
Les autorités marocaines avaient pourtant, par avance, répondu à toute critique en donnant comme motif de l’interdiction que « la monarchie ne peut être mise en équation, même par la voie d’un sondage ». D’ailleurs, qu’est ce qui autorise Madame Beaugé, intellectuelle « parisienne » à faire la leçon aux Marocains ? Mais sa foi en la démocratie, bien sûr. Elle y croit et a donc divisé le monde en deux : les élus et les damnés.
Ce qu’elle feint sans doute de ne pas comprendre et qu’elle se garde bien de dire, c’est l’essentiel : quelle que soit la proportion de Marocains qui se diraient satisfaits de leur roi, celui-ci ne saurait être considéré comme une marque de yaourt ou une chaîne de télévision. Car c’est de cela qu’il s’agit : donner aujourd’hui la bénédiction démocratique à Mohamed VI pour mieux lui reprocher demain une éventuelle baisse dans les sondages. Le baiser qui tue, en quelque sorte.
Mais madame Beaugé a oublié une chose : son idéologie se heurtera toujours au principe de réalité, lequel en l’occurrence tient en quelques mots : de par sa dimension historique et religieuse, le souverain chérifien n’a que faire de l’onction des étrangers, son pouvoir est véritablement enraciné dans la terre et la population marocaines. Alors, Madame Beaugé, on n’a pas besoin de vous au Maroc. Retournez à vos casseroles, qu’elles aient nom Ségolène ou Nicolas et sondez, sondez, sondez tant que vous pourrez.
Louis-Joseph Delanglade