Bernard Kouchner, en Turquie récemment, a tenté de "réchauffer" les relations entre Paris et Ankara; à vrai dire, de notre côté, il n'y a pas vraiment de "problème", et il n'y a pas lieu de "réchauffer" quoi que ce soit; c'est du côté des Turcs qu'il y a des problèmes, et l'honnêteté intellectuelle la plus élémentaire commande de reconnaître que c'est d'eux, et d'eux seuls, que viennent ces "problèmes". Tout a commencé lorsque l'Assemblée Nationale a adopté, le 12 octobre 2006, une proposition de loi criminalisant la négation du génocide arménien de 1915. On peut débattre du bien-fondé de cette décision, de sa justesse, de l'utilité qu'il y avait à la prendre, et de tout ce qu'on voudra: mais la France n'a pas assorti cette décision de rétorsions économiques ou de sanctions d'aucune sorte contre la Turquie. Il a été décidé que le génocide faisait partie de l'Histoire et que le nier était passible des tribunaux, point. On n'a pas interdit à la Turquie d'exporter chez nous, ni de commercer, ni quoi que ce soit...Ce sont les turcs qui, pleins de rancoeur et de mauvais esprit, ont fait payer cher à la France sa décision: on sait que Tahir Erdogan a envoyé des circulaires à tous les services de l'État turc, afin que ceux-ci empêchent l'attribution de contrats juteux aux entreprises françaises (GDF se trouva ainsi -et ce n'est qu'un exemple...- privé de participation au gazoduc reliant la mer Caspienne à l'Europe, par la Turquie: ce furent les allemands qui récupérèrent le contrat...) et les sanctions économiques furent nombreuses et bien réelles: cette façon de faire mesquine et véritablement hostile, est-ce une façon de faire convenable, et admissible?
Si nos gouvernants avaient une once d'honneur, de fierté et d'amour-propre, ils n'accepteraient pas ces agissements des turcs, ni ce mauvais esprit: après tout, ce sont les turcs qui sont demandeurs -en ce qui concerne l'entrée dans l'Union- pas nous...; nos gouvernants ne devraient pas accepter non plus la façon dont les Turcs posent le problème de leur intégration à l'Europe: ils ne cessent de dire -et ils l'ont encore répété à Bernard Kouchner ces jours-ci- que l'Europe "doit respecter ses engagements" à leur égard; sous entendu, les faire entrer dans l'Europe, puisqu'on le leur a promis. Mais qui ça, "on"?: un quarteron de technocrates bruxellois, non élus et sans aucune légitimité d'aucune sorte; non mandatés expressément par les gouvernements pour cela; et qui, un soir, entre deux portes, peut-être fatigués par une dure et longue journée de travail harassante (?! les pauvres...) ont lâché de vagues propos (1) pouvant laisser penser qu'un jour la Turquie pourrait être intégrée. Mais cette poignée de fonctionnaires obscurs, technocrates de seconde ou troisième catégorie, ne représentent qu'eux-mêmes; si les Turcs ont cru à cette "promesse", c'est leur affaire; nous, nous ne sommes en rien engagés par les "paroles verbales" d'illustres inconnus, ne représentant -en tout état de cause- rien d'autres que leurs obscures et petites personnes; cela aussi, Kouchner devrait le rappeler sans cesse aux Turcs, à qui les peuples de l'Europe, les opinions publiques n'ont jamais rien promis...
Au contraire, elles ne cessent d'envoyer à la Turquie des signaux forts de défiance, d'hostilité et de franc rejet: et là ce sont les Turcs qui, s'ils avaient une once d'honneur, de fierté et d'amour-propre, devraient cesser d'essuyer les rebuffades dont on les abreuve; et comprendre qu'en fait ils sont rejetés par un pourcentage tel des opinions publiques que tout projet d'intégration à l'Union relève de l'utopie (2)....
(1): on se souvient, d'ailleurs, qu'à l'époque Jacques Chirac avait ironisé assez férocement, en disant à peu près qu'imaginer la Turquie dans l'Europe cela revenait à dire n'importe quoi, et qu'on pouvait tout aussi bien, puisqu'on était dans l'extravagance, proposer l'adhésion du Zimbabwé......
(2): toutes études d'opinions confondues, le pourcentage d'hostilité à l'adhésion turque ne descend jamais au-dessous de 55% d'opposants (et frise souvent les 60%...) pour l'ensemble de l'Europe; et dans certains pays les opposants peuvent représenter plus des deux tiers des habitants: comment ne pas voir, dans ces conditions, qu'une admission de la Turquie dans l'Europe est tout simplement irréaliste et infaisable?.....