La bombe de 2017 ? Le sondage qui tue : chronique d’un désastre annoncé… L'analyse de Dominique Jamet
Excellente et perspicace analyse de Dominique Jamet, dans Boulevard Voltaire du 1er août. Elle rejoint celle de François d'Orcival qui annonce dans Valeurs actuelles que les législatives de 2017 auront lieu à la proportionnelle intégrale ... Nous doutons fort qu'une grande coalition à l'allemande, sous une présidence Sarkozy (conséquence d'une assemblée élue à la proportionnelle intégrale), donnerait, en France, des résultats bien fameux, alors que même en Allemagne cette solution est toujours un pis-aller. Quant à l'hypothèse qu'aucun observateur n'envisage, pour l'instant, l'élection de Marine Le Pen, à quoi conduirait-elle ? Les Français sont ce qu'ils sont : ils brûlent très vite ce qu'ils ont adoré, sont rapidement déçus, regardent, en un rien de temps, vers une nouvelle "alternance". La vérité - à quoi personne ne pense, ou n'ose envisager - est que, pour échapper à ce chaos mortel des luttes et des ambitions, la France doit sortir du Système et instaurer, au sommet de l'Etat, une autorité pérenne non partisanne. Une autorité qui relativise et remette les partis, les clans, les ambitions, à leur place. Leur place qui ne doit plus être la première.
Lafautearousseau
Un sondage, peut-on fonder une prévision sur un sondage ? Une enquête d’opinion, faut-il le rappeler, n’est, suivant la formule consacrée, que la photographie des sentiments et des intentions d’un échantillon supposé représentatif de la population en un moment donné et n’aura jamais la valeur d’une consultation électorale en grandeur réelle. Nous n’en sommes encore, même si le temps nous paraît long, qu’à peine à la moitié du quinquennat en cours, à près de trois ans de l’élection présidentielle programmée pour avril-mai 2017. Enfin, nous ne sommes pas assurés que les candidats qui se présenteront alors seront bien ceux qu’envisage le sondage IFOP dont Marianne fait état dans son dernier numéro.
Ces réserves faites et ces précautions prises, ce sondage n’en constitue pas moins un événement politique d’importance, et de nature, au cœur de l’été 2014, à faire frissonner de plaisir ou de peur les intéressés. Si nous devions voter demain, Marine Le Pen arriverait en tête des intentions de vote avec 26 % des suffrages exprimés, devant Nicolas Sarkozy (25 %), François Hollande (17 %), François Bayrou (13 %) et Jean-Luc Mélenchon (13 %). C’est donc un 21 avril bis qui priverait le candidat socialiste de l’accès au second tour, avec cette différence par rapport à 2002 que la candidate du Front national ne le distancerait pas d’un petit point, mais d’une dizaine.
Si Nicolas Sarkozy hésitait encore à tenter l’aventure – ce qui est peu probable –, il ne peut que trouver un puissant encouragement dans des résultats qui semblent lui garantir d’être qualifié pour la finale et donc, selon toute vraisemblance, de l’emporter bien qu’avec une marge sensiblement inférieure à celle – miraculeuse – du miraculé Chirac, « escroc » et « Supermenteur », plébiscité par une panique moutonnière dont il ne tint par la suite aucun compte. Sarkozy, pour sa part, serait bien avisé cette fois de faire une campagne « républicaine » qui lui assurerait un bon report des voix du centre et de la gauche.
François Hollande, quant à lui, n’a pas lieu de se réjouir. Certes, le score promis à Manuel Valls (17 %) ou à Arnaud Montebourg (10 %) dans le cas où soit l’un soit l’autre se porteraient candidats, met le président actuellement en fonction à l’abri de la concurrence, mais seulement parce qu’il faudrait être suicidaire pour lui disputer l’honneur de porter les couleurs du désastre annoncé. Maigre consolation : le candidat élu en 2012 a d’ores et déjà échoué et il entraîne dans sa chute le parti qui l’a porté au pouvoir.
L’éternel optimiste qu’est M. Hollande peut toujours rêver d’un effondrement du Front national dont on ne voit pas ce qui pourrait le susciter aujourd’hui, ou espérer que l’UMP se divise, éclate et commette l’erreur de présenter plusieurs candidats. C’est ignorer que si Nicolas Sarkozy remet la main sur son parti, il mettra tout le monde d’accord. Il peut imaginer que, face au danger, la gauche plurielle retrouvera le chemin de l’unité, mais le fossé créé entre le Front de gauche et l’ami de la bonne finance est trop profond pour se combler et l’on ne voit pas pourquoi les dirigeants et les électeurs déçus ou écœurés par la trahison permanente dont M. Hollande est à leurs yeux le symbole voleraient au secours de la défaite. Pas plus qu’on ne voit s’inverser d’ici 2017 – à supposer que l’attelage tienne jusque-là – les courbes du chômage, de l’impopularité et du déclin.
Le tempérament du chef de l’État le porterait sans doute, perdu pour perdu, à se contenter de voir venir et de durer. Mais ce serait sans compter sur la pression, qui devrait se faire de plus en plus lourde et insistante, de ses propres camarades et amis qui, à la lumière des catastrophes passées et dans la perspective de la catastrophe à venir, feront tout pour sauver les meubles et les acquis.
L’équation est simple : dans le système qui est le nôtre, où les législatives ont désormais lieu dans le sillage et dans la logique de la présidentielle, si le mode de scrutin actuel est maintenu, les députés socialistes, de près de 300 qu’ils sont aujourd’hui reviendront à 70, comme en 1993, et seront pour cinq ans au moins exclus du pouvoir et de ses avantages. Si du majoritaire on passait à la proportionnelle, l’Assemblée élue en 2017 se répartirait en trois blocs à peu près équivalents : le Front national (s’il s’appelle encore ainsi), l’UMP (si elle n’a pas changé de nom) et la gauche autour du PS (s’il n’a pas été rebaptisé d’ici là comme le souhaitait Manuel Valls), disposant chacun d’environ 200 élus. Ce qui pourrait mener, sous la houlette de M. Sarkozy, à la constitution d’une grande coalition à l’allemande, qui serait chez nous le dernier avatar et l’ultime recours d’un système et d’appareils à bout de souffle dont les Français ne veulent plus. La dernière pause avant le saut dans l’inconnu.