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  • Taguieff – L’illusion perdurante de la discrimination positive.

    Par Pierre-André Taguieff*, de l'Observatoire du Décolonialisme**

    Pour le spécialiste de l’antiracisme, les dispositifs de discrimination positive ont encouragé une dynamique multiculturelle dans la société.

    Fin janvier 2021, un certain Mehdi Thomas Allal a publié dans Marianne un article se voulant audacieux, intitulé « Pour réduire les inégalités, osons la discrimination positive ».

    La trajectoire professionnelle de ce militant de gauche, qui se présente comme un spécialiste des « politiques de lutte contre les discriminations », est emblématique : maître de conférences à Sciences Po Paris, où il enseigne depuis 2005 sa spécialité, coanimateur du pôle anti-discriminatoire de la fondation Terra Nova depuis juin 2009, conseiller pédagogique à la « diversité » auprès du directeur de l'ENA (2011), chef de cabinet de l'adjointe au maire de Paris en charge de l'égalité femmes-hommes (2012-2014), membre du club socialiste La Gauche forte (créé en janvier 2013) et responsable du pôle « Vivre ensemble » du think tank Le Jour d'après (créé en septembre 2016). J'espère qu'il me pardonnera de le traiter comme un individu représentatif, en tant qu'intellectuel de gauche ayant fait de son engagement antiraciste en faveur des politiques « diversitaires » et anti-discriminatoires une spécialité professionnelle.

    Dans son article, Mehdi Thomas Allal récite avec conviction la prière néo-antiraciste standard, fondée sur l'éloge de la « diversité », terme désignant désormais le Bien en soi qu'il faut cependant toujours « améliorer », et de la discrimination positive, baguette magique censée rendre possible le « vivre ensemble ». Son postulat, emprunté au discours antiraciste construit par les généticiens des populations depuis les années 1960 (différence ou diversité = richesse ), est le suivant : « Les différentes identités qui composent notre pays ont toujours constitué une source de richesse. » Nous sommes dans l'élément de la pensée-slogan diversitaire. Il s'ensuit que la nation française ne se définit pas comme une communauté de citoyens, mais comme un ensemble d'identités communautaires qui doivent trouver la meilleure manière de coexister, c'est-à-dire de construire le « vivre ensemble ». C'est là le modèle d'une société multiculturelle ou plus exactement multicommunautariste, s'inscrivant dans l'imaginaire utopiste du post-national.

    Critique de la race

    La thèse principale de cet expert autoproclamé s'énonce comme suit : « Les sciences sociales nous enseignent que cette diversité est un atout et constituerait même un gage de performance. » Ce serait donc là le plus précieux enseignement transdisciplinaire des sciences sociales, de toutes les sciences sociales, nous assure le diplômé de Sciences Po. À le suivre, l'action politique doit traduire les leçons théoriques provenant des lumières de la science, dont il se fait le porte-parole. La redéfinition conceptuelle de la « race » que propose ce penseur omniscient s'inspire du discours décolonial et de la « théorie critique de la race » : « Plutôt que d'effacer le terme de “race” de la Constitution, mieux vaut en faire un outil de différenciation positif, à la fois pour la société et les individus qui la composent. » Il s'agit donc de faire de la « race », cette nouvelle clé de l'analyse sociologique, de la critique sociale et de l'action politique, « un authentique instrument de réussite sociale ».

    Échecs

    L'outil juridico-politique préconisé est la discrimination positive, « en tant que moyen de promotion sociale et parcours d'insertion ». Alors que le phénomène est bien documenté, les échecs répétés et les nombreux effets pervers des politiques de discrimination positive dans le monde depuis les années 1960 ne sont pas pris en considération par l'activiste du « vivre ensemble ». Dans la France de 2021, l'affirmative action est présentée comme le remède miracle pour lutter contre les inégalités et/ou les discriminations. Naïveté, ignorance ou mauvaise foi ? Par charité, je n'évoquerai que furtivement une quatrième hypothèse : ses propos illustrent une forme particulière de sottise, disons une sottise idéologisée, au service d'une cause. Mais d'une cause si politiquement correcte qu'elle ne peut qu'ouvrir des portes. Une cause socialement avantageuse.

     

    C’est ainsi, au nom de la compassion « progressiste » et de la sainte « diversité », qu’on démolit la méritocratie républicaine et qu’on s’assure que le niveau baisse, ouvrant la voie aux imposteurs décolonialistes et pseudo-antiracistes

     

    C'est la sottise pour ainsi dire fonctionnelle qu'on rencontre dans tous les milieux militants, voués à réciter leurs bréviaires respectifs en donnant dans le psittacisme. Ce professionnel du « vivre-ensemblisme » est cependant entré à Sciences Po avant la mise en œuvre des mesures feutrées de discrimination positive prises en 2001 à l'initiative de Richard Descoings, dit « Richie », incarnation d'Homo festivus et artisan de l'américanisation dévastatrice de Sciences Po entre 1996 et 2002, symbolisée notamment par la suppression démagogique de l'épreuve de culture générale pour ne pas avantager les candidats favorisés socialement et ne pas désavantager ceux qui sont issus de « minorités ».

    Diversité

    Aujourd'hui, l'héritage de Richard Descoings est toujours vivant, comme en témoigne la décision, annoncée le 25 juin 2020 par la direction de Sciences Po, de supprimer les épreuves écrites au concours d'entrée dans l'établissement, pour aller plus loin dans l'ouverture à la « diversité sociale ». On sait que la fameuse dissertation d'histoire était jugée discriminatoire depuis longtemps par les candidats malheureux. D'une façon plus générale, les épreuves écrites seraient un « frein à la diversité ». L'idéal poursuivi est donc un concours non discriminatoire, chimère s'il en est. En attendant que l'utopie se réalise, les épreuves se réduisent à l'examen d'un dossier et à un entretien. L'argument d'autorité avancé est parfaitement dans la ligne : aucune grande université anglo-saxonne n'organiserait d'examens écrits à l'entrée. Comment ne pas suivre l'exemple anglo-saxon ?

    C'est ainsi, au nom de la compassion « progressiste » et de la sainte « diversité », qu'on démolit la méritocratie républicaine et qu'on s'assure que le niveau baisse, ouvrant la voie aux imposteurs décolonialistes et pseudo-antiracistes qui s'installent depuis le milieu des années 2000 dans le champ universitaire français, sous les applaudissements des belles âmes engagées de l'Union européenne et en particulier du Conseil européen de la recherche, ralliées au multiculturalisme et idolâtrant les « minorités » supposées stigmatisées, opprimées et discriminées.

    Charlatanisme

    Ce que la juriste Anne-Marie Le Pourhiet appelle le « charlatanisme rémunéré » a de l'avenir. La rhétorique décoloniale et néo-antiraciste charrie des énoncés tels que « les sciences sociales enseignent que… », qu'on peut considérer comme des indices de la banalisation d'un nouveau scientisme, propre aux « sciences molles » politisées. Cette rhétorique figée se caractérise par une alliance entre la naïveté, le dogmatisme et l'esprit de sérieux dans un discours prétendant relever de la science. Disons les choses simplement, au risque de scandaliser ou de décevoir les experts sûrs de leur savoir : les sciences sociales telles qu'elles se font, et ce, jusqu'à nouvel ordre, enseignent tout et son contraire, de telle sorte que leurs résultats sont tous contestables et discutables. Chaque école, incarnée par un maître et son cercle de disciples, a sa méthodologie, sa batterie conceptuelle, son corps d'hypothèses, ses résultats provisoires. Dans le meilleur des cas, les représentants de ces diverses écoles acceptent de s'engager dans des controverses savantes et arrivent parfois à se mettre d'accord sur les raisons de leurs désaccords. Mais ils ne sauraient parvenir à un consensus portant sur les résultats de leurs travaux respectifs. Seuls les dogmatiques et les sectaires prétendent parler au nom des « sciences sociales » en général et osent présenter leurs convictions idéologiques comme les résultats de « la recherche en sciences sociales ».

    Naguère, le marxisme ou plus précisément le matérialisme historique, fondé sur la critique « scientifique » du capitalisme, était célébré comme « la science de l'histoire ». Aujourd'hui, le décolonialisme, fondé sur la critique du racisme et plus précisément du « racisme systémique », est pris pour une approche scientifique des sociétés contemporaines. Après les illusions militantes de la « sociologie critique », qui prétendait débusquer « scientifiquement » toutes les formes de « domination », surgissent les hallucinations pseudoscientifiques de la « théorie critique de la race » et du décolonialisme, qui incitent à des chasses aux sorcières contre d'imaginaires « racistes » et banalisent les pratiques de délation et de censure mises en œuvre par les adeptes néogauchistes de la « cancel culture ». L'histoire des fausses sciences alimentées par le ressentiment, l'esprit du soupçon et le goût de la dénonciation est loin d'être terminée. Surtout si ces fausses sciences assurent à ceux qui s'en réclament une confortable bonne conscience, un accès facile à des postes universitaires et la possibilité d'obtenir des financements pour de fumeux projets de recherche.

     

    *Pierre-André Taguieff est philosophe, politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS. Dernier ouvrage paru : L'Imposture décoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme (Éditions de l'Observatoire).

     

    **Cet article est issu des travaux de l'Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un collectif d'universitaires qui se sont donné pour mission d'analyser les thèses dites « décoloniales » et intersectionnelles. Ces discours, qui s'ancrent dans des courants militants, favorisent les lectures essentialisantes et racialistes des rapports sociaux. Ces idéologies pénètrent peu à peu le monde universitaire, entravant divers travaux et controverses académiques​. Le Point entend libérer et partager cette parole ici avec ses lecteurs​.

  • Michel Onfray. “Je regrette le déclin de la civilisation judéo-chrétienne, je me bats pour elle”, par Alexandre Devecchi

    Dessin Fabien Clairefond

    Son nouvel essai, L’Art d’être français, (Éditions Bouquins), s’inscrit dans un long et beau travail de transmission. Il prend la forme d’une série de lettres adressée à des jeunes de 20 ans désireux de connaître, de travailler et de lire.

    2.jpgAlexandre Devecchio. – Votre nouveau livre est consacré à “l’art d’être français”. Comment définiriez-vous la France? Est-ce une culture, une géographie, une histoire?

    Michel Onfray. – C’est tout cela à la fois. Car définir la France par son histoire, c’est oublier sa géographie. La définir par la géographie, c’est oublier sa géologie. Le faire avec son histoire, c’est oublier la géologie, la géographie, sa langue, sa littérature, etc. La France, c’est une géographie riche d’une histoire qui cristallise un je-ne-sais-quoi civilisationnel qui se repère clairement dans sa musique, sa littérature, sa langue, sa gastronomie, ses vins, sa philosophie, ses paysages, sa peinture. C’est un style, un ton, une façon d’être et de faire, un esprit que des philosophes ou des penseurs de civilisation ont commenté – Kant, Hegel, Toynbee, Élie Faure, Keyserling, Malraux… C’est Debussy contre Anton Bruckner, c’est le pot-au-feu contre le cheeseburger, c’est le verre de vin blanc sec contre la canette métallique de Coca, ce sont d’incroyables fromages qui effraient une partie de la planète par leur puanteur, ce sont les châteaux de la Loire contre ceux de Louis II de Bavière, c’est Bergson contre Hegel, ce sont tous les paysages des magnifiques provinces françaises, outre-mer comprises, et ce sur un espace limité, contre les millions de kilomètres carrés de la toundra russe, c’est Chardin contre Le Greco, de Gaulle contre Mussolini.

    – Vous affirmez que la France a incontestablement des «racines chrétiennes». Qu’entendez-vous par-là? Bien qu’athée et anticlérical, vous reconnaissez-vous dans cet héritage et regrettez-vous son affaiblissement? Pourquoi?

    Avant le christianisme, la France a bien évidemment des racines gauloises, romaines, celtes, vikings. Mais la conversion de Clovis, qui procède d’un schéma intellectuel déjà utilisé avec Constantin qui veut que la conversion d’un homme induise celle de la terre sur laquelle il règne, installe la France dans une configuration d’héritière: la civilisation gréco-romaine tuile avec la civilisation judéo-chrétienne. De sorte que la France est un feuilletage civilisationnel qui mélange l’idéalisme platonicien pour la théologie, l’esprit pratique romain pour le droit, le monothéisme juif pour la religion, le catholicisme pour le césaro-papisme.

    Ensuite, la Renaissance infléchit la courbe civilisationnelle via l’effacement du sacré incarné par les Lumières, dont le bras armé est la Révolution française. La fin du sacré tuile avec la prochaine civilisation qui sera probablement post-humaniste. Rien ne pourra moralement interdire son avènement qui s’effectue avec d’actuelles transgressions qu’aucune éthique, aucune morale, ne saurait arrêter. L’intelligence artificielle qui crée des chimères faites d’humain et d’animaux, la marchandisation du vivant, l’abolition de la nature naturelle au profit de l’artifice culturel, constitue une barbarie, qui, un jour, sera nommée civilisation, car toute civilisation nouvelle est dite un jour barbare par les témoins de ceux qui voient la leur s’effondrer. Nous sommes dans le temps nihiliste du tuilage qui tuile la décomposition et le vivant.

    – La France, c’est aussi un pays de lettres. Vous insistez sur l’importance de l’héritage de Montaigne, Descartes, Rabelais, Voltaire, Marivaux et Hugo. En quoi ces six écrivains ont-ils joué chacun à leur manière un rôle central dans la construction de l’esprit français? En quoi sont-ils complémentaires?

    Tous croient en Dieu, aucun n’est athée. Montaigne invente la philosophie française littéraire et concrète, réaliste et immanente, pragmatique et, je dirais, populaire, sans laquelle Descartes ne serait pas possible, donc Pascal ou Spinoza, c’est-à-dire, à leur suite, les Lumières européennes. Bien avant Cervantès, Rabelais invente le roman européen en rendant au corps réel et concret, celui qui mange, boit, rote et pisse, si vous me permettez son registre, sa vérité brimée par la théologie chrétienne fascinée par la chasteté de Joseph, la virginité de Marie, la souffrance et la mort de Jésus qui ne mangeait que des symboles – pain, vin, poisson -, et le corps glorieux de la résurrection. Voltaire invente l’ironie et la légèreté pour traiter de tous les sujets en profondeur, c’est un marqueur très français. Marivaux génère le marivaudage qui est l’art de plaire et de séduire par le verbe, le langage, le discours, la parole, les mots, c’est une autre spécificité française. Il est le contraire de Sade qui est le maître à penser des violeurs et l’ami des déconstructionnistes. Quant à Hugo, le Hugo des Misérables, ce livre est un chef-d’œuvre, il fait du bonheur des plus défavorisés l’horizon du politique en dehors de toute idéologie politicienne qui invite, elle, à verser le sang. Qu’on se souvienne des dernières pages de Quatrevingt-treize !

    Je suis un fils de cette vieille civilisation plus proche du pot-au-feu que de la viande cellulaire clonée vers laquelle nous cheminons à grand pas. Le Christophe Colomb de cette nouvelle civilisation a pour nom Elon Musk. Eu égard à ce qui nous attend, et en regard de l’idéologie “woke” qui travaille à l’avènement de ce nouveau paradigme civilisationnel, bien sûr que je regrette la civilisation judéo-chrétienne. Pour l’heure, je me bats pour elle.

    -Vous opposez Montaigne à Descartes. Pourquoi?

    Montaigne se moque de créer une méthode et propose, dans l’esprit de la philosophie antique romaine, de penser dans le but de construire et mener une vie philosophique et non pour verbigérer, comme si souvent chez les Grecs. Descartes est l’homme de la méthode. Le premier, qui philosophe à cheval, ne plaît pas aux professeurs qui font si souvent la loi en matière de philosophie et croient que philosopher, c’est créer des concepts, et qui enseignent l’éthique mais vivent en ruffians. Le second, qui travaille à son bureau, annonce qu’il ne touchera pas à la religion de son roi et de sa nourrice, il est prudent avec les autorités, et fabrique une méthode qu’on peut enseigner sans qu’elle produise aucun effet dans la vie quotidienne. Montaigne est la mauvaise conscience des professeurs de philosophe, Descartes, leur bonne conscience. Le premier est lisible et lu par tous ; le second, par les professionnels de la philosophie.

    -Avec votre côté ogre et votre appétit pour la vie, on a le sentiment que vous vous identifiez à Rabelais, voire à Gargantua. À Hugo également?

    Je ne m’identifie pas, ça n’aurait aucun sens. Ce sont des géants de la civilisation et, dans notre configuration d’effondrement de la civilisation, il n’y a plus, moi compris bien sûr, que des minus habens! Qui seraient le Montaigne, le Rabelais, le Voltaire d’aujourd’hui? Qui le Hugo? Soyons sérieux…

    Mais cette série géniale est en effet celle de mes préférences. Ce sont des maîtres qui inspirent plus que des occasions d’identification.

    -Vous écrivez que notre époque ne permet plus d’être rabelaisien, cartésien, voltairien, de pratiquer le marivaudage et se réclamer de Victor Hugo? Pourquoi?

    Parce que le corps rabelaisien est le retour du refoulé du corps chrétien: il mange, boit, rote, pète et pisse, si vous me permettez de préciser son registre, et que toutes ces choses-là sont désormais encadrées par l’hygiène qui promeut un corps sans chair, sans graisse, sans cholestérol, sans triglycérides, sans albumine, sans sucre, sans sexe, sans chair, sans sang, sans tabac – mais avec haschich et cocaïne tout de même. Rabelais magnifie le corps naturé. Or l’époque travaille à l’avènement d’un corps dénaturé.

    Parce que le cartésianisme est priorité donnée à la raison pour construire une vérité alors que notre époque privilégie les passions, tristes de préférence, les émotions, les sentiments, pour produire des opinions présentées à grands cris comme des vérités.

    Parce que l’humour, qui suppose l’intelligence qui s’avère la chose du monde la moins partagée depuis que l’école travaille à la détruire méthodiquement et consciencieusement afin de remplacer le citoyen par un consommateur orwellien, est devenu une langue étrangère. Le ricanement idéologique qui permet d’insulter et de mépriser sous couvert de plaisanteries écrites et débitées par des journalistes qui disposent d’une claque payée par les impôts du contribuable pour riocher aux fausses blagues de leurs vrais comparses, a pris toute la place. Précisons qu’il partage cette place avec les professionnels de la scatologie qui s’adressent à la part la plus infantile et régressive des humains.

    Parce qu’à l’heure du néo-féminisme qui avoue détester les hommes et prétend que tout homme est un violeur potentiel, sinon réel, dès qu’il ouvre la bouche ou sourit en présence d’une femme, Marivaux, donc, serait jeté à la vindicte populaire en vertu de la jurisprudence “Balance ton porc” et “MeToo”.

    Parce que Hugo, avec son souci du peuple, passerait pour un souverainiste, un populiste, un démagogue, donc un nationaliste belliciste assimilable aux pétainismes compagnons de route d’Adolf Hitler – si j’en juge par la méthode d’un BHL, grand remplaciste postmoderne de la méthode de Descartes.

    -Voltaire serait-il de nouveau embastillé à notre époque?

    La Bastille d’aujourd’hui est numérique. Il serait crucifié au pilori des réseaux sociaux, et il y a motif dans son œuvre. On brûlerait virtuellement son œuvre complète parce qu’on y trouve de l’antisémitisme, de la misogynie, de la phallocratie, de l’homophobie, de l’islamophobie. D’ailleurs, aujourd’hui, il ne trouverait pas d’éditeur, ce qui est la meilleure façon de réduire au silence qui pense en dehors des clous du politiquement correct – l’idéologie “woke” et la “cancel culture” qui procèdent de la French Theory comme on le dit dans la langue du dominant…

    -Si vous évoquez longuement ces figures d’écrivains, quels sont les personnages historiques qui figurent dans votre Panthéon?

    Cincinnatus qui accepte le pouvoir qu’on lui confie avant de reprendre la charrue dans le champ où la demande lui fut faite. Spartacus qui prouve qu’un Empire, fût-il aussi grand que celui de Rome, peut être mis en difficulté, voire en péril, s’il souscrit à l’idée formulée plus tard par La Boétie: “Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres”. Tiberius Gracchus, tribun de la plèbe, qui souhaite que le peuple ait sa part du gâteau romain. Marc Aurèle qui essaie de conduire les affaires de l’Empire en philosophe stoïcien. Montaigne quand il travaille avec Henri IV pour résoudre la fracture des guerres de Religion. Charlotte Corday, acquise aux idées girondines, lectrice de la Vie des hommes illustres de Plutarque et des tragédies de Corneille, son aïeul, qui imagine pouvoir arrêter la fureur sanguinaire des jacobins en tuant Marat, faussement ami du peuple, tout en sachant qu’elle le paierait de sa vie. Le chef d’état-major de la Commune Louis Rossel qui refuse l’exil proposé par Thiers et le paie du peloton d’exécution à l’âge de 27 ans. Au XIXe siècle, les ouvriers proudhoniens qui veulent un socialisme français pacifiste et pragmatique aux antipodes du socialisme marxiste belliciste et idéaliste. Et tous les travailleurs modestes et discrets, dignes et droits, qui incarnent “la décence commune” chère au cœur d’Orwell. Enfin, le général de Gaulle, pour tout ce qu’il fit et fut, écrivit et vécut. Personne depuis lui…

    -Vous ne cessez de répéter que notre civilisation est condamnée. Alors pourquoi écrire ce livre de transmission adressé à des jeunes de 20 ans?

    Parce que sur le Titanic, quand il a été annoncé par le commandant de bord que le navire allait couler, il a bien fallu tout de même vivre le naufrage. Il ne servait alors à rien de couiner… Ce qui nous reste dans ces cas-là, c’est de sombrer avec élégance. Le bateau coule à un moment, il emporte tout, mais, du moins, on meurt vivant. J’ai envie de mourir vivant à l’heure où le bateau commence à s’enfoncer dans les flots. Je souhaite que ceux qui vivront plus que moi cette coulée dantesque de notre civilisation disposent ainsi d’un cordial utile.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Actualité & Religion • LES MARTYRS D’ALGÉRIE BÉATIFIÉS

    Par Annie LAURENT  

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    « Que Mgr Pierre Claverie et ses dix-huit compagnons, fidèles messagers de l’Évangile, humbles artisans de paix, soient dès maintenant appelés bienheureux ».

    En proclamant ce décret de béatification à l’ouverture de la messe solennelle présidée par lui le 8 décembre dernier dans le sanctuaire Notre-Dame de Santa-Cruz, situé sur les hauteurs d’Oran, le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation pour la Cause des saints, donnait à l’événement une dimension historique. En effet, pour la première fois, une telle célébration s’est déroulée dans un pays dont la population est majoritairement musulmane et dont l’Etat se réfère officiellement à l’islam.

    Puisqu’il est d’usage, dans l’Eglise catholique, de célébrer les béatifications sur les lieux où les nouveaux élus ont terminé leur vie terrestre, le choix de l’Algérie pour honorer les dix-neuf martyrs (quinze Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise), assassinés dans ce pays entre 1994 et 1996, se justifiait.

    La mission de ces bienheureux s’est déroulée dans l’Algérie indépendante, même si les congrégations religieuses auxquelles appartenaient la plupart d’entre eux y exerçaient leur apostolat depuis plus ou moins longtemps. Les Missionnaires d’Afrique (les Pères Blancs) y furent fondés en 1868 par le cardinal Charles Lavigerie, troisième évêque d’Alger. Quatre des leurs, Jean Chevillard, Alain Dieulangard, Christian Chessel et Charles Deckers, ont été tués ensemble le 27 décembre 1994 à Tizi-Ouzou (Kabylie) par un commando islamiste.

    cq5dam.thumbnail.cropped.750.422.jpgQuant à la présence de moines trappistes, elle remonte à 1843. D’abord érigé à Staouëli, près d’Alger, leur monastère se fixa en 1938 à Tibéhirine, dans le massif de l’Atlas. C’est là que le prieur, Christian de Chergé, et six de ses moines (les Pères Célestin Ringeard et Bruno Lemarchand ; les Frères Luc Dochier, Michel Fleury, Christophe Lebreton et Paul Favre-Miville) ont été enlevés dans la nuit du 26 mars 1996, leurs têtes ayant été retrouvées à quelques kilomètres le 30 mai suivant, neuf jours après l’annonce de leur meurtre par les Groupes islamiques armés (GIA).

    Pour leur part, les Frères maristes ont ouvert leurs trois premières écoles en 1891. Arrivé à Alger en 1969 pour y diriger le collège Saint-Bonaventure, le Frère Henri Vergès demeura sur place après la nationalisation des établissements catholiques, prenant alors en charge la bibliothèque étudiante de la Casbah, propriété de l’archevêché d’Alger, où il était secondé par Sœur Paul-Hélène Saint-Raymond, appartenant aux Assomptionnistes, présentes en Algérie depuis 1946. Ils moururent ensemble sous les balles de trois terroristes venus les tuer le 8 mai 1994.

    Les Augustines missionnaires, originaires d’Espagne, se sont établies à Constantine et à Blida en 1933, ouvrant ensuite une maison à Bab-El-Oued, quartier populaire d’Alger, où elles s’adonnaient à des œuvres de charité. Deux d’entre elles, les Sœurs Esther Paniagua Alonso et Caridad Alvarez Martin, ont été assassinées dans la rue le 23 octobre 1994 alors qu’elles partaient assister à la messe. La congrégation missionnaire Notre-Dame des Apôtres est en Algérie depuis 1937 pour divers services (paroisses, enseignements, santé). Deux de ses religieuses, les Sœurs Bibiane Leclercq et Angèle Marie-Littlejohn, ont été tuées à bout portant à Belcourt (Alger) en revenant de la messe, le 3 septembre 1995. Les Petites Sœurs du Sacré-Cœur, de spiritualité foucauldienne, sont, elles aussi, arrivées en Algérie avant l’indépendance. L’une d’elles, Odette Prévost, vint à Alger en 1968 pour fonder une communauté puis intégrer le Centre culturel diocésain des Glycines. Elle a été abattue dans la rue le 10 novembre 1995 alors qu’elle se rendait à la messe.

    Enfin, l’itinéraire de Mgr Pierre Claverie se distingue des autres bienheureux car, né en 1938 à Bab-El-Oued dans une famille de pieds-noirs, il était un enfant du pays. Devenu dominicain, il put s’établir dans la capitale algérienne en 1967. Avant d’être nommé évêque d’Oran en 1981, il dirigeait le Centre diocésain d’Alger. Victime d’une bombe qui l’attendait à la porte de son évêché, il est mort le 1er août 1996, devenant le dernier des dix-neuf martyrs dans l’ordre chronologique. Mais s’il est placé en tête de la liste c’est bien sûr en sa qualité d’évêque, ce qui explique aussi le choix d’Oran comme lieu de la cérémonie des béatifications.

    Un choix expressément demandé au Vatican par les quatre évêques d’Algérie, comme l’a indiqué le successeur de Mgr Claverie, Mgr Jean-Paul Vesco, lui aussi dominicain, car il s’agissait de mettre en lumière la fidélité des bienheureux à leur vocation, librement consentie malgré l’islamisation croissante de la société et les menaces que les djihadistes faisaient peser sur eux. Déjà en germe durant la guerre d’indépendance où djihad et socialisme s’entrecroisaient, cette évolution s’appuya ensuite sur l’arabisation promue par les dirigeants algériens avec l’aide de professeurs venus du Proche-Orient. Elle s’accompagna de l’extension de la charia dans des domaines tels que la famille ou la liberté de culte. L’Eglise peine aussi à obtenir des visas pour ses membres (1).

    « Dans la logique de l’islamisme, tout ce qui n’est pas musulman est impur. Pour nous, il est important de rester pour mettre en échec cette logique de haine », confiait, peu avant sa mort, Mgr Claverie (2). Il tenait à ce que le rôle des chrétiens fût bien compris en France. « Je n’aime pas l’on nous fasse passer pour des martyrs (…). C’est le moment pour nous de la gratuité et j’y insiste toujours, nous n’avons rien d’autre à proposer que d’être là et de garder avec ce peuple une relation d’amitié dans laquelle se traduit un peu de l’amour de Dieu, sans autre moyen que d’être avec eux, avec le risque d’y laisser sa vie (…). Nos interlocuteurs sentent bien dans quel esprit nous agissons » (3).

    La collaboration de l’Etat pour le bon déroulement de la cérémonie, la présence à Santa-Cruz du ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, ainsi que des principaux imams, semblent accréditer cette affirmation. L’Eglise a néanmoins pris soin de poser des gestes visant à empêcher toute incompréhension. Ainsi, dans un message lu avant la célébration, le pape François a souhaité que celle-ci soit aussi « une prière pour tous les fils et filles de l’Algérie qui ont été, comme eux [les bienheureux], victimes de la même violence », allusion aux 200 000 victimes de la guerre civile, dont 114 imams qui s’opposaient aux islamistes, sans oublier le jeune chauffeur musulman de Mgr Claverie, Mohamed Bouchikhi. A l’intention des représentants de l’Etat, le Saint-Père a ensuite émis le vœu « que cet événement inédit dans votre pays dessinera un grand signe de fraternité dans le ciel algérien à destination du monde entier ».

    Mais « faut-il encore une fois faire le deuil de nos morts et de la vérité ? », s’est interrogé l’écrivain algérien, Boualem Sansal, craignant que ces béatifications ne servent de prétexte à enterrer l’enquête relative aux circonstances et aux responsabilités du drame des moines de l’Atlas (4). Or, sur ces points le mystère demeure comme le montre la journaliste Mireille Duteil, au terme d’une recherche fouillée : outre les maladresses de la politique française envers le pouvoir algérien et la « guerre des services » de renseignements, nos juges s’opposent depuis le début à des manœuvres dilatoires du côté de l’Etat algérien et de sa justice. « Tellement de bruits invérifiables et d’intoxications plus ou moins volontaires ont couru sur ce septuple enlèvement (…). Chacun garde ses secrets », note l’auteur qui, tout en retenant l’hypothèse d’une opération montée par l’armée algérienne, conclut à « l’impossible vérité » (5).

    lesechosdalger-Monseigneur-Paul-Desfarges-église-protestante-660x330.jpgDans une Lettre pastorale intitulée La béatification de nos frères et sœurs, une grâce pour notre Eglise, Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, invite ses fidèles à ne pas faire de tri parmi les dix-neuf bienheureux, malgré l’attirance que chacun peut avoir pour « la figure de l’un ou l’autre », car « l’Eglise nous les donne ensemble ». Et de préciser : « Quoi de commun entre tous ? Ils ont donné leur vie dans l’amour et le service du peuple algérien » et partageaient la parole de Christian de Chergé dans son testament : « J’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent qe ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays ».

    L’archevêque évoque ensuite les possibles ambiguïtés du dialogue islamo-chrétien. « II n’y a qu’un seul médiateur, le Christ », écrit-il. Puis il rappelle comment Mgr Claverie « a bien su mettre en garde […] contre des ressemblances qui sont des ressemblances apparentes », mentionnant notamment Abraham et Jésus. Faut-il y voir une allusion aux positions doctrinales du prieur de Tibéhirine dont certains écrits peuvent légitimement troubler tant il semblait subjugué par l’islam ? Mgr Desfarges entend sans doute souligner avec raison que la reconnaissance d’un martyr, si beau que soit son sacrifice, n’en fait pas un docteur de l’Eglise. 

    Article paru dans La Nef, n° 310 – Janvier 2019.

    __________

    1. Mireille Duteil, Les martyrs de Tibhirine. L’histoire d’un drame politico-religieux, Salvator, 2018.
    2. Ibid., p. 35. 
    3. Pierre Claverie, Un amour plus fort que la mort, Cerf, 2018, p. 78-79. 
    4. Le Figaro, 7 décembre 2018. 
    5. Duteil, op. cit., p. 176, 220-225.

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    L'ISLAM, Annie Laurent,
    Editions Artège, 285 p., 19,90 €

    Annie Laurent
    Spécialiste du Proche-Orient, des chrétiens d’Orient et de l’islam, Annie Laurent est à l’origine de l’association Clarifier et est l’auteur notamment de L’Islam, pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore) (Artège, 2017), L’islam peut-il rendre l’homme heureux (Artège, 2012), Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? (Salvator, 2017). 
  • Pierre Vesperini : “Il faut non seulement défendre le grec et le latin, mais les rétablir partout où ils ont disparu”, p

    Temple de Sélinonte (Italie). © Simon Maage/Unsplash

    La très réputée université de Princeton, aux États-Unis, a décidé de supprimer le caractère obligatoire de l’étude du latin ou du grec pour suivre le cursus du département d’études classiques, consacré à la recherche sur la Rome et la Grèce antiques. L’enjeu : améliorer « l’inclusivité » de ces disciplines élitistes. La décision a suscité des débats houleux : peut-on connaître l’Antiquité sans en parler la langue ?

    8.jpgPour le spécialiste de la Rome antique Pierre Vesperini, il faut prendre au sérieux les discriminations profondes qui abîment les études classiques aux États-Unis tout en restant, bien entendu, attaché à l’étude des langues antiques. Entretien.

    La décision de Princeton s’inscrit dans un contexte américain. Quelles précautions doit-on prendre pour l’interpréter depuis la France ?

    Pierre Vesperini : Avec les États-Unis, nous avons affaire à un pays divisé par ce qu’on appelle là-bas la « color line ». On ne se rend pas suffisamment compte, en France, de l’importance de cette division. Comme, malheureusement, le racisme est un phénomène qui nous est familier, on croit souvent qu’il en va à peu près de même là-bas. Mais nous parlons d’un pays où la violence raciale est incomparable avec la nôtre : depuis la mort de George Floyd, seize Américains de couleur ont été tués par la police. Nous parlons d’un pays où les anciens États esclavagistes peuvent faire passer les lois électorales les plus inhumaines pour empêcher les pauvres de voter (interdisant par exemple d’offrir de la nourriture ou de l’eau aux électeurs qui font la queue devant les bureaux de vote), ou encore envoyer un Noir faire vingt ans de prison pour avoir volé deux chemises. Cette division « raciale » se retrouve bien sûr dans l’éducation. Les enfants noirs ne sont pas traités de la même façon que les enfants blancs par des enseignants généralement eux-même blancs, et risquent beaucoup plus facilement d’être notés sévèrement, punis et exclus du système scolaire. Il faut lire à ce propos le témoignage éloquent publié récemment dans le Washington Post par une « well-meaning white teacher » [« une enseignante blanche bien intentionnée »] éprouvant, sur le tard, des remords. Mais cela peut aller bien plus loin que des mauvaises notes, des punitions et des exclusions. Dans le Michigan, l’an dernier, en pleine pandémie, une juge a envoyé en prison une jeune fille noire de 15 ans pour ne pas avoir fait ses devoirs à la maison… À l’université, la division raciale est décuplée tout simplement par l’argent. Le coût de la scolarité est énorme, et le plus souvent inaccessible. Dans Our Revolution (2017, p. 174), Bernie Sanders raconte comment, à la suite d’un discours de campagne où il mentionnait le cas d’un diplômé de médecine endetté à hauteur de 300 000 dollars, une autre jeune diplômée s’était présentée à lui : sa dette à elle s’élevait à… 400 000 dollars. Cette fracture matérielle, financière, est souvent peu mise en avant dans les débats autour des Classics [les études de lettres classiques aux États-Unis], mais elle est aussi importante, sinon plus, que la fracture mentale, donc évidemment sociale, de la division raciale.

     

    “Comme souvent, les conséquences de la bêtise sont plus graves que celles de la malveillance”

    Pierre Vesperini

     

    Quelle position ont eu les Classics vis-à-vis de cette division « raciale » ?

    Dans ce dispositif de division raciale, il est malheureusement vrai que les départements de Classics ont joué un certain rôle. Cela ne dit évidemment rien des études classiques en elles-mêmes. Mais cela dit quelque chose de la façon dont elles ont fonctionné aux États-Unis. Il faudrait évidemment étudier la chose de près, mais je ne crois pas me tromper en affirmant qu’il n’y a pas eu aux États-Unis une tradition de classicistes engagés à gauche. Le seul exemple qui me vient est celui de Moses Finley, qui était plutôt un historien qu’un classiciste. Je ne vois pas là-bas l’équivalent de ce que nous avons connu et connaissons en France, avec des érudits tels que Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Nicole Loraux, Marcel Detienne, Claude Calame, ou en Italie avec des experts tels que Luciano Canfora, Maurizio Bettini, Aldo Schiavone, ou encore en Angleterre avec Mary Beard, qui intervenaient et interviennent régulièrement dans les journaux. On a donc affaire généralement à des enseignants qui, tout en votant le plus souvent pour les démocrates, et en ne se considérant certainement pas comme racistes, favorisent, par leur inertie politique même, la conservation d’un système social injuste. Parfois, cela peut même aller plus loin. Il y a vingt ans, alors que j’étais à l’École normale supérieure, j’ai passé un an dans une université américaine et enseigné un semestre au département de Classics. Je m’y suis lié d’amitié avec une étudiante noire, Whitney Snead [lire son témoignage ici, que nous publions], dont la mère était arbitre de basket-ball. Elle s’était découvert une passion pour le grec et le latin en lisant, au collège, la scène de la tempête dans l’Énéide. J’avais été scandalisé par les brimades et les vexations qu’elle subissait dans ce département, de la part de certains enseignants qui, visiblement, trouvaient qu’une jeune Noire n’avait pas sa place chez eux. Ils n’étaient tout simplement pas à l’aise avec elle. Je suis sûr qu’ils ne se seraient jamais considérés comme racistes. Mais ils trouvaient, en toute bonne conscience, qu’elle « serait mieux » ailleurs, plus « à sa place ». J’ai repris contact avec elle récemment. Elle a décidé de quitter les Classics, où elle a le sentiment qu’elle n’a pas sa place. 

     

    “À l’université américaine, la division raciale est décuplée tout simplement par l’argent”

    Pierre Vesperini

     

    Le principal argument avancé par Princeton est qu’en supprimant le caractère obligatoire du latin ou du grec, cela rendrait les études classiques plus « inclusives » et diversifiées. Que pensez-vous de ce raisonnement ?

    Cette mesure est un magnifique exemple de raisonnement absurde, puisque son résultat renforcera le phénomène qu’il prétend défaire. En effet, qu’arrivera-t-il ? Princeton créera, de fait, une hiérarchie entre les classicists qui sauront le latin et le grec, qui seront la plupart d’entre eux des « héritiers » et des Blancs, et les classicists qui ignoreront ces langues, sans aucun doute les « non-white ». Cette hiérarchie sera intellectuelle et scientifique – les premiers, par leur connaissance des langues, domineront les seconds –, et de surcroît sociale : les premiers pourront s’orienter vers des carrières d’enseignants et de chercheurs, les autres non… à moins qu’ils deviennent des enseignants-chercheurs tout de même, mais qui, comme tels, seront forcément situés en dessous des autres dans la hiérarchie scientifique. Mais l’absurdité grotesque de ce raisonnement ne s’arrête pas là. Comme souvent, les conséquences de la bêtise sont plus graves que celles de la malveillance. Car en abolissant l’obligation d’apprendre le latin et le grec, Princeton apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensent que les départements de Classics sont dispensables. Car l’apprentissage du latin et du grec était la seule chose qui les distinguait de l’histoire ancienne ou de l’étude de la littérature. Désormais, donc, les universités pourront se fonder sur la mesure prise par Princeton pour fermer leurs départements de Classics et fusionner leurs enseignants avec ceux d’histoire, d’archéologie, de langues ou des Humanities. Le département de Classics de Princeton s’en sortira, parce qu’il est riche. Mais les autres subiront les conséquences de son inconséquence. L’absurdité de cette décision n’a évidemment pas manqué d’être relevée par plusieurs universitaires, dont John McWhorter, dans un excellent article paru dans l’Atlantic (en anglais). Ce qui a conduit Princeton à émettre une déclaration assez piteuse, qui ressemble presque à une rétractation.

     

    “Cette mesure tout à fait absurde renforcera le phénomène qu’elle prétend défaire : elle créera une hiérarchie entre classicistes qui sauront le latin et le grec, et les autres, forcément situés en dessous dans la hiérarchie scientifique”

    Pierre Vesperini

     

    Sur le plan presque épistémologique, ou à tout le moins pédagogique, est-il possible d’étudier, comme le formule le site de Princeton, « the history, language, literature, and thought of ancient Greece and Rome »... sans en apprendre les idiomes ? Que peut-on connaître de la Grèce ou de Rome sans connaître leur langue ?

    On peut en connaître, très exactement, ce qu’en connaissaient les gens du Moyen Âge. Comme vous le savez, et contrairement au cliché bien connu sur le Moyen Âge comme « temps obscurs », les médiévaux étaient fascinés par l’Antiquité. Mais ils ignoraient la plupart du temps le grec, et, s’ils savaient le latin, ils n’avaient aucune conscience historico-philologique. Je veux dire que les clercs ne savaient pas faire de différence entre le latin qu’ils utilisaient et celui des Anciens, et qu’ils étaient encore moins capables de distinguer (ou intéressés par la distinction entre) leur monde et celui des Anciens. La seule différence qu’ils percevaient, c’était que les Anciens n’avaient pas, comme eux, part au Salut : rappelez-vous le magnifique passage de l’Enfer (chant IV) où l’on voit les auteurs païens, dont Virgile, que Dante admire dans la terrible solitude du « noble château » où il les assigne. Borges a écrit de très belles pages là-dessus dans ses Neuf Essais sur Dante. Donc, le résultat est une Antiquité conçue comme relevant du Même, au lieu de relever de l’Autre. Sur cette Antiquité relevant du Même, on peut alors projeter tous ses fantasmes, tous ses problèmes… ou tous ses lieux communs : pensez à l’affligeante pauvreté des considérations sur la façon dont la philosophie antique pouvait nous aider pendant le confinement (« les philosophes antiques nous auraient dit de regarder le ciel », etc.). Et tout cela est assez innocent, cela peut même ouvrir une carrière à l’imagination et à la créativité (les médiévaux par exemple étaient d’une incroyable créativité quand ils parlaient de l’Antiquité), et je n’ai donc rien contre… du moment qu’on ne fait pas passer cela pour de la science. On ne peut pas connaître un monde sans connaître sa langue. Quiconque vit une histoire d’amour avec un étranger ou une étrangère le sait très bien. Tant que vous ne connaissez pas la langue que parle la personne que vous aimez, il vous manquera toujours quelque chose pour la comprendre.  Autrement dit, bien sûr qu’on peut étudier « the history, language, literature, and thought of ancient Greece and Rome » sans apprendre leurs langues. Mais on restera, comme dans la belle nouvelle de Kafka Devant la Loi (1915), « sur le seuil ». Je peux bien sûr m’initier à l’histoire, à la langue, à la littérature, etc., arabes, ou chinoises, ou japonaises, sans apprendre les idiomes correspondants. Mais je ne prétendrai jamais devenir un professionnel de l’étude de ces civilisations. Je resterai un amateur. Ce qui n’est pas une honte. Mais un amateur n’est pas un professionnel, et le département est censé former des professionnels.

     

    “Sans apprendre ni le latin, ni le grec, on peut connaître de l’Antiquité très exactement ce qu’en connaissaient… les gens du Moyen Âge”

    Pierre Vesperini

     

    Pourquoi les langues occupent-elles une place si centrale dans notre rapport à l’Antiquité grecque et latine ? Pourquoi a-t-on l’impression qu’elles en contiennent la substance essentielle, la clé d’accès à l’esprit antique ?

    C’est une question fondamentale. Je crois que l’importance du latin et du grec ne réside pas dans le fait qu’elles donnent, pour vous citer, « la clé d’accès à l’esprit antique », car l’o

  • L'Hommage au ”Colonel Armand”...

    Comme chaque année, nos amis Bretons ont rendu hommage au Marquis Armand Tuffin de la Rouërie, dit "Colonel Armand". Et, comme chaque année, lafautearousseau est heureux et fier d'être aux côtés de ses amis Bretons et d'apporter sa modeste contribution à cet hommage à cet hommage.

    Voici - envoyés par nos amis - quelques photos accompagnant le compte-rendu de la cérémonie ainsi que les paroles qui ont été prononcées ce lundi 30 janvier à La Guyomarais, autour de la sépulture du Marquis...

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    Portrait d'Armand Tuffin de La Rouërie, huile sur toile de Charles Willson Peale, 1783, Philadelphia History Museum at the Atwater Kent

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    Hommage au "Colonel Armand", Armand Tuffin de La Rouërie

    Chaque année les Bretons se retrouvent à La Guyomarais, paroisse de Saint-Denoual, en ce lieu où le 30 janvier 1793 le Marquis de La Rouërie s’est éteint, terrassé par la maladie et la nouvelle de la mort de son Roi alors qu’il préparait par son Association Bretonne le juste combat qu’il avait résolu de mener pour le rétablissement de l’autorité royale préalable à celui des libertés de la Bretagne au travers de ses Etats et de son Parlement.

    Notre hommage a été ponctué par les hymnes traditionnels de notre Province, dont la Marche de Cadoudal, interprétés par deux bombardes, un biniou kozh et une cornemuse, au pied du drapeau blanc fleurdelisé de la Vieille France et blanc à croix noir de la Bretagne.

    Il a été donné lecture du beau texte gravé sur la stèle, offerte par le Gouvernement des USA en l’honneur du Colonel Armand, en français par Florence de l’association des Filles de la Révolution Américaine, en anglais par Childéric.

    L’hommage qui s’en suivit portait sur les rapports entre la France et la Bretagne dans les manifestes de l’Association Bretonne et les écrits et pouvoirs des Princes émigrés. Ils témoignent d’une Bretagne désireuse de rétablir ses droits historiques par la restauration de l’autorité royale. C’est dire qu’il n’y a nul antagonisme entre la Monarchie française et la Bretagne conçue comme une nation libre mais entièrement partie prenante de la France. La poursuite de cette conception des rapports entre la France et ses Provinces aux XIXème et XXème siècles a été évoquée  au travers de l’oeuvre de Charles Le Goffic pour la Bretagne et de Frédéric Mistral et Charles Maurras pour la Provence.

    Puis l’assistance s’est déployée autour de la sépulture du Marquis, dans la clairière où il repose. Un bouquet de roses blanches déposé contre les pierres et deux ou trois airs aux bombardes, biniou et cornemuse avant de nous séparer.

    MARQUIS 2023 TB 3.JPG

    Texte de l'allocution :

    Nous sommes ici, jour anniversaire de la mort du Marquis de La Rouërie le 30 janvier 1793 pour lui rendre hommage.

    Nous y associons ses compagnons, dont certains vivaient paisiblement en ces lieux, qui furent condamnés à mort par le Tribunal criminel extraordinaire  (dit révolutionnaire) établi par la Loi du  10/03/1793.

    Par arrêt du 18/06/1793,   douze condamnations à mort furent prononcées :

    • Joseph de La Guyomarais

    • Mme Marie-Jeanne de La Guyomarais née Micault de Mainville

     • Alexandre de La Chauvinais, Précepteur des enfants

     • Jean Vincent, de l’Association Bretonne

     • Georges de Fontevieux, émissaire des Princes

    • Melle Thérèse de Moëlien, cousine du Marquis, de l’Association Bretonne

    • Mme Angélique de La Fonchais née Desilles, de l’Association Bretonne

     • Alain de Limoëlan, de l’Association Bretonne

     • Guillaume Morin de Launay, de l’Association Bretonne

     • Victor. Locqet de Granville, de l’Association Bretonne

     • Groult de La Motte, de l’Association Bretonne

     • Anne Louis du Pontavice , de l’Association Bretonne

    Et deux condamnations à la déportation en Guyane :

    • François PERRIN, jardinier ayant révélé à LALLIGANT-MORILLON la sépulture du Marquis dans le petit bois du Vieux Semis

    • Dr LEMASSON

    Mais transférés à la prison de Bicêtre pour attendre leur départ en déportation, ils furent guillotinés le 8 Messidor de l’an II des suites de la "conspiration des prisons" (26 juin 1794).

    230 ans se sont écoulés et cette année, l’Institut Franco-américain en partenariat avec l’Institut Culturel de Bretagne organisait un colloque, samedi dernier à Rennes, intitulé « Armand Tuffin de La Rouërie et l’histoire des relations entre la Bretagne et les Etats Unis, sous un angle historique puis contemporain.

    Nous avons déjà évoqué le rôle du Marquis de La Rouërie, sous le nom de Colonel Armand, dans la guerre d’indépendance des Etats Unis d’Amérique, l’amitié qui le liait au Général Washington, la correspondance qu’il entretint longtemps avec lui de retour en France, le soin qu’il consacra à ses compagnons d’arme afin qu’ils soient comblés des promesses qui leur avaient été faites notamment en ce qui concerne leur installation en Amérique. Nous avions été honoré alors, c’était en 2020, de la présence de Monsieur le Consul des Etats Unis d’Amérique pour la Bretagne, la Normandie et les Pays de Loire.

    Cette année, je vous propose une réflexion sur le Marquis sous l’angle de la Bretagne et de la France.

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    La vie, les écrits, la mémoire du Marquis de La Rouërie témoignent d’un homme d’action, de convictions, de réflexion portant un intérêt tout politique sur le monde, la Bretagne, la France.

    Son premier engagement fut au côté des insurgés américains en lutte pour leur liberté puis leur indépendance. Il fut alors un modèle de soldat tant dans le feu des combats qu’auprès de ses compagnons d’arme.

    Son deuxième engagement fut pour la Bretagne. De retour en France, les réformes judiciaires de Mai 1788 retirant aux Parlements l’enregistrement des Ordonnances et Edits au Profit d’une Cour plénière le place dans les premiers rangs d’une Bretagne en ébullition. Les Etats de Bretagne, le Parlement de Rennes protestent au nom du contrat d’union du Duché de Bretagne avec le Royaume de France dans le cadre du mariage du roi Louis XII et de la duchesse Anne.

    Le marquis est de la délégation des douze  gentilshommes porteurs au roi à Versailles des remontrances de la province et réclamant le maintien de la vielle Constitution bretonne.

    La préparation des Etats Généraux en 1789 le vit contester l’ordonnance de Necker qui réglait le mode d’élection des délégués sans prendre suffisamment en compte les lois et coutumes de la Bretagne. 

    Plus tard il s’oppose à la suppression des lois, statuts et coutumes propres à la Bretagne, considérés comme des privilèges, dans la nuit du 4 aout 1789 par une assemblée auto-proclamée constituante, reprochant aux députés bretons du tiers-état d’avoir approuvé cette abolition sans en avoir reçu mandat de la Bretagne.

    Son troisième engament fut pour la France au travers de l’Association Bretonne. En effet le développement du processus révolutionnaire avec son cortège de violences, pillages, meurtres, restriction des libertés le conduit à rentrer en résistance par la création d’une association pour la défense des lois particulières de la Bretagne. Défense dont la condition première devint le rétablissement de l’autorité royale.

    MARQUIS 2023 stèle 2 (1).jpg

    Au service du rétablissement de cette autorité, le Marquis recherche l’approbation des frères du roi. Elle lui fut accordée en mai 1791 par le Comte d’Artois qui approuve son action tout en précisant dans son pouvoir : « Monsieur le Comte d’Artois informé qu’on a conçu en Bretagne quelques inquiétudes sur les suites de l’association déclare… qu’on peut compter qu’un des premiers effets de la contre révolution sera de réintégrer les provinces dans leurs droits et de leur rendre les états dont la convocation aura lieu à l’instant même que le retour au bon ordre le permettra ».

    Le 4 octobre 1791, le Comte de Provence approuvait cette « association …  pour le bien de la Province de Bretagne ».

    Le 5 décembre 1791, un manifeste secret pose les bases de l’Association Bretonne.

    Son préambule déclare : « Par ordre des Princes, avec l’accession des Bretons émigrés, pour l’honneur des associés et le bien de la province. »

    Son article 6 stipule :  « L’objet de l’association est de contribuer essentiellement et par les moyens les plus doux au retour de la monarchie, au salut des droits de la province, celui des propriétés et l’honneur breton. »

    Dans un dernier manifeste de la fin décembre 1791, les citoyens de la province de Bretagne donnent les motifs de leur association :

    Le vœu le plus cher à notre coeur est de vivre libre ou mourir, ainsi que l’exprimait par son organisation notre ancien gouvernement breton.

    Ce vœu n’exclut de notre part l’obéissance et la fidélité que nous devons au roi.

    L’acceptation de la constitution du 3 septembre 1791 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

    L’acceptation du principe qui en découle que la loi est l’expression de la volonté générale et que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement  à sa formation.

    L’affirmation que la Bretagne a perdu illégalement son antique Constitution et ses droits, franchises et libertés n’ayant été convoquée ni représentée régulièrement aux Etats généraux de 1789.

    Ainsi qu’en témoignent ces écrits, pour le Marquis son engagement dans la restauration  des droits historiques de la Monarchie est indissolublement lié au rétablissement des droits de la Bretagne. L’une ne va pas sans l’autre.

    C’est dire qu’il n’y a nul antagonisme entre la Monarchie française et la Bretagne conçue comme une nation libre mais entièrement partie prenante de la France dont elle attend d’être respectée dans sa singularité.

    La mort du Marquis, la répression qui en suivit mit un terme à ce projet politique.

    Les guerres tant intérieures qu’extérieures, qui ravagèrent Bretagne, Vendée, France, Europe pendant plus de vingt années, l’administration centralisatrice mise en place dans un souci de contrôle par la 1ère République et le 1er Empire, lié à une conception universaliste de l’homme s’opposèrent de plein fouet à la singularité de la Bretagne.

    Lorsque vint après deux invasions de la France la Restauration suivie de la Monarchie de Juillet il ne fut plus question  de l’engagement des Princes devenus Rois « de réintégrer les Provinces dans leurs droits et de leur rendre leurs Etats ».  La concentration à Paris des Pouvoirs leur parut un instrument bien utile pour tenter autant que faire se peut d’apaiser une France déchirée intérieurement et vaincue extérieurement. 

    Alors la Bretagne malgré la perte de ses lois et statuts constitutifs de sa Vieille Constitution  poursuivit son existence à l’extrémité du continent dans la survivance de ses coutumes et ce tout au long du XIXème siècle.

    Charles LE GOFFIC le grand érudit, témoin et acteur de la culture bretonne écrit au tout début du XXème siècle dans son recueil « L’âme bretonne » : « La Bretagne est la terre du passé. Nulle part les mœurs n’ont gardé un parfum d’archaïsme, une noblesse et un charme surannés aussi pénétrants. Sur ce cap avancé du monde, dans le crépuscule éternel du jour, la vie est toute embrumée de mystère ; les âmes sont graves et résignées et comme sous l’oppression du double infini de la mer et du ciel »

    Dans la deuxième série du même recueil, quelques années plus tard, il écrira :  « Nous avons vécu, en dix ans, plus que les générations antérieures en l’espace d’un siècle… mais d’autre part dans le tourbillon vertigineux qui emportait le reste de la France, n’y avait- il point naïveté à croire que la Bretagne demeurerait seule immobile et continuerait d’opposer à la bourrasque révolutionnaire le roc inentamable de sa Foi ? … Une Bretagne jacobine et libre-penseuse remplace sans transition la Bretagne de l’ancienne formule, conservatrice et catholique … Rien ne change en Bretagne. L’écrirais-je encore, cette phrase sentencieuse et péremptoire. Peut-être l’essentiel d’un peuple, c’est son

  • Éphéméride du 9 février

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    Jacques Bainville, portrait par Marie Lucas-Robiquet

     

     

     

    9 Février 1879 - 9 Février 1936 : Naissance et mort de Jacques Bainville 

     

    "Il faisait, à la fois, de l’histoire un théorème par la logique de la pensée et une oeuvre d’art par la pureté de son style" (Duc de Lévis-Mirepoix, Discours de réception a l’Académie, Éloge de Maurras).   

     

    Il ne faut pas s'étonner que l'un des plus grands historiens de tous les temps soit à ce point ignoré - malgré quelques entorses de taille à cette conspiration du silence - par le Système en place, l'idéologie dominante et la police de la pensée : jusqu'à sa mort (en 1936) et depuis la fondation du quotidien L'Action française (en 1908) Jacques Bainville a signé - pendant vingt-huit ans - un article quotidien sur la Une du journal, aux côtés de Charles Maurras et Léon Daudet, les amis de toute sa vie : une amitié qu'il a magnifiquement évoquée dans les quelques mots de remerciements qu'il prononça au siège du journal, à l'occasion de son élection à l'Académie française : 

     

    Vertu de l'amitié 

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    Que trois hommes aussi différents et, chacun, d'une personnalité aussi affirmée aient pu durant toute leur vie - à partir du moment où ils se sont rencontrés - être et rester amis au quotidien, dans le même mouvement et les mêmes locaux, sans la moindre "dispute" notable, voilà qui constitue une exception remarquable dans l'histoire politique.

    Lorsqu'on parle de Charles Maurras, de Léon Daudet et de Jacques Bainville, ce cas unique dans les annales du journalisme - français et international... - est  peut-être la première chose qu'il convient de signaler (voir l'Éphéméride du 9 février - naissance et mort de Jacques Bainville; l'Éphéméride du 20 avril - naissance de Charles Maurras; l'Éphéméride du 1er juillet - mort de Léon Daudet; et l'Éphéméride du 16 novembre - naissance de Léon Daudet et mort de Charles Maurras).

    C'est bien connu : la République gouverne mal, mais se défend bien ! Comment le Système pourrait-il honorer comme il se doit, et mettre à la place qui est la sienne - la première - un homme qui est à lui seul un reproche permanent à ce même Système, à son aveuglement, à ses erreurs, à ses trahisons ?

     

    À côté de son article quotidien dans L'Action française, Jacques Bainville a tenu un Journal  (du 30 août 1901, date de la première note qu'il y a rédigée, et jusqu'au au 11 octobre 1935, quatre mois avant sa mort). De ce Journal, d'ailleurs, nous avons extrait - pour commémorer à notre façon la Grande Guerre - les notes publiées durant l'année 1914 qui s'achèvent, précisément, sur la terrible prémonition du 31 décembre 1914 :

     

    "...Car, dans cette hypothèse, chacun rentrant chez soi après cette vaine débauche de vies humaines, cette consommation d'énergies et de richesses, la carte de l'Europe étant à peine changée, les problèmes irritants demeurant les mêmes, on se trouve conduit à prévoir une période de guerres nouvelles où l'Allemagne humiliée, mais puissante encore et prompte à réparer ses forces, où l'Angleterre tenace, où les nationalités insatisfaites engageraient de nouveau le monde..."

     

    9 fevrier,bainville,daudet,duc de levi mirepoix,maurras,plon,daniel halévy,paul valéry,thierry maulnier,mauriacLa France a gagné la guerre, au prix de souffrances effroyables, d'un héroïsme immense, de la perte de sa jeunesse, mais la République, son Système et sa classe politique incompétente, aveugle et sourde aux avertissements de Bainville, ont perdu la paix, et créé les conditions de la Seconde Guerre mondiale, dont elles sont directement responsables : comment pourraient-elles célébrer celui qui les en avait averti ?

    De même, Bainville - dans L'Action française et dans son Journal - fut le premier à dénoncer Hitler ("l'énergumène", "le monstre", le "Minotaure", en 1930 !) et les persécutions juives (en 1933 !).

    Comment un Système qui a eu tort à ce point, se trompant toujours et sur tout, refusant d'écouter celui qui prévenait - et qui, lui, a eu raison - comment ce Système qui a si gravement failli pourrait-il mettre à l'honneur, et à sa juste place, celui qui le mériterait, sans se condamner lui-même ?

    Pourtant, pendant quelques années, après la guerre, Bainville fut reconnu et honoré par la République : on le sait, en 14, L'Action française avait adopté comme ligne de conduite l'union sacrée. C'était à la fois la seule solution possible - puisque l'Allemagne nous avait déclaré la guerre - et un piège redoutable, puisque cela contribuait à renforcer la République, victorieuse, alors que, dans le même temps, le mouvement royaliste se faisait décimer sur les champs de bataille...

    Cette attitude courageuse valut au mouvement une grande estime dans l'opinion, et le président de la République lui-même (Poincaré) fit l'éloge de l'attitude adoptée par Maurras, Daudet et toute L'Action française, dont, bien sûr, Jacques Bainville.

    9 fevrier,bainville,daudet,duc de levi mirepoix,maurras,plon,daniel halévy,paul valéry,thierry maulnier,mauriacCelui-ci fut envoyé en mission officielle, par le gouvernement de la République, en Russie puis il fut même fait Chevalier de la Légion d'honneur, en 1920, sur proposition d'Alexandre Millerand, qui devait devenir président de la République juste après...

    Cependant, cette période de reconnaissance de fait n'eut qu'un temps, et cessa vers la fin des années vingt : en cause, la versatilité de l'opinion publique et sa lassitude, après l'intense effort consenti pendant la guerre; la force du pacifisme et de l'internationalisme; le manque de courage et de continuité de la classe politique; et, bien sûr, la malfaisance intrinsèque du Système et de ses jeux internes, fort éloignés de l'intérêt national et du Bien commun.

    À partir de là, et malgré la justesse et la pertinence de ses analyses, Bainville - comme toute l'Action française - fut la vox clamanti in deserto, l' "inutile Cassandre" (pour reprendre le mot de Chateaubriand) jusqu'à sa disparition prématurée en 1936, à l'âge de cinquante-sept ans...

    Le désastre survenu - comme il l'avait annoncé dès 1918, "dans les vingt ans" - on sait comment finit la guerre et comment la très puissante machine révolutionnaire emmenée par le PCF, appuyée par un Staline non moins puissant à l'époque, réussit à soviétiser une large part de la société française, non seulement dans l'économie mais surtout dans l'Éducation et les médias : plus question, après la sanglante et sordide Épuration menée par le Parti communiste et ses alliés, de parler aux Français de ceux qui avaient vu juste pendant l'entre-deux guerres, et dont les conseils, s'ils avaient été suivis, auraient justement permis d'éviter cette calamiteuse guerre de 39.

    9 fevrier,bainville,daudet,duc de levi mirepoix,maurras,plon,daniel halévy,paul valéry,thierry maulnier,mauriacSi un rideau de fer - comme le disait Churchill - venait de s'abattre sur la moitié de l'Europe, une chape de plomb venait de s'abattre sur la France, et c'était désormais une vérité officielle qui régnait sans partage, L'Action française, et sa contestation radicale du Système ayant été liquidée par les révolutionnaires...

    C'est pour pallier cet ostracisme hérité de 45, cette l'alliance entre l'historiquement et le politiquement correct, que nous proposons en permanence - sur lafautearousseau - un Album de 188 photos, pour permettre à ceux qui ne le connaissent pas, ou souhaiteraient mieux le connaître, de partir à la découverte de Jacques Bainville, de sa vie, de son oeuvre :  

    Album Jacques Bainville : Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

    Vous y découvrirez un Bainville dont la capacité de travail fut étonnante, tout au long de son existence : en plus de sa collaboration quotidienne à L'Action française, il collabora assidûment à Candide, à La Liberté, au Petit Parisien, à La Nation belge, à Excelsior ou à La Revue des Deux mondes; à deux reprises il refusa d'écrire dans Le Figaro, dont il pouvait devenir le directeur, en 1922, s'il l'avait souhaité; il tint - on l'a vu - un Journal durant trente-cinq ans; il fonda, avec Henri Massis, La Revue universelle; et ses dons ne se limitaient pas à la seule Histoire : il avait de  solides compétences dans des domaines aussi variés que l'économie, la politique étrangère, 9 fevrier,bainville,daudet,duc de levi mirepoix,maurras,plon,daniel halévy,paul valéry,thierry maulnier,mauriacla critique littéraire; sa lucidité était telle que Marcel Proust (ci contre) lui envoya cette superbe dédicace, en 1922 :

    "A monsieur Jacques Bainville, à la raison anticipatrice dont les événements suivent après coup l'ordre infaillible, effroyable et gracieux"

    Henri Massis et Léon Daudet, son complice et ami de toujours - comme on vient de le voir dans Vertu de l'amitié - confirment devant l'Histoire le courage personnel et le stoïcisme dont Bainville fit preuve dans sa dernière année : atteint d'un cancer de l'oesophage, "sa dernière année fut atrocement pénible : de mois en mois, presque de jour en jour, on le voyait devenir de plus en plus translucide. Dans son fin visage sec brillaient ses longs yeux mystérieux. Il souffrait beaucoup, et pourtant il continuait à vivre, à écrire ses articles prophétiques..." dit Henri Massis. Et Léon Daudet écrit : "Sa plume ne tomba de ses mains qu'à la dernière minute".

    C'est d'ailleurs Léon Daudet qui prononça l'un des deux discours d'adieu à Jacques Bainville, devant son cercueil exposé dans la cour de la maison de la rue Bellechasse : l'Église, en ce temps-là, avait privé de sacrements les lecteurs de L'Action française, par ses iniques sanctions du 29 décembre 1926, aggravées en mars de l'année suivante. "J'ai peine à c9 fevrier,bainville,daudet,duc de levi mirepoix,maurras,plon,daniel halévy,paul valéry,thierry maulnier,mauriacroire que quand on est devenu, par l'âge, un peu meilleur, ce soit pour la destruction." : rapportées par Henri Massis, ces paroles sont parmi les dernières prononcées par Bainville, un Bainville dont la dépouille mortelle quitta donc directement sa demeure parisienne pour être inhumée dans la petite patrie de son épouse, à Marigny, en Normandie : un enterrement civil, donc, et non religieux, puisque ce ne sera que trois ans après sa mort que le nouveau Pape, Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes - lèvera immédiatement ces iniques sanctions vaticanes...

     

    Lorsqu'il mourut, Jacques Bainville venait juste d'être élu à l'Académie française : dans notre Catégorie Grandes "Une" de l'Action française, voir :

    Grandes "Une" de L'Action française : Jacques Bainville élu à l'Académie française...

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    Élu le 28 mars 1935 à l'Académie, il y fut reçu le 7 novembre suivant, et décéda quatre mois après sa réception; il ne fut donc membre de cette prestigieuse Académie qu'un petit peu plus de dix mois; dans notre Catégorie Grandes "Une" de l'Action française, voir l'Introduction de cette Catégorie, qui commence justement avec les numéros du quotidien consacrés à Jacques Bainville; vous pourrez y consulter, entre autres, les neufs numéros consacrés à "La semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française..." :

    Classées par thèmes, nos 117 "Grandes "Une" de L'Action française"...

     

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    Vous pouvez aussi consulter, en permanence, sur lafautearousseau :

    une Chronique, Lire Jacques Bainville

    un second Album, Le dernier livre de Jacques Bainville...

  • Éphéméride du 25 avril

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    1792 : la guillotine employée pour la première fois... (illustration : Le dialogue des carmélites, d'après Georges Bernanos)

     

     

     

    1214 : Naissance du futur Louis IX (Saint Louis)         

     

    Il naît à Poissy, où il sera baptisé, et signait volontiers, pour cette raison, Louis de Poissy. 

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    Les fonts baptismaux de Poissy, où fut baptisé Saint Louis 

    De Jacques Bainville (Histoire de France, chapitre V, Pendant 340 ans, l'honorable maison capétienne règne de père en fils) :

    "...En 1236, Louis IX est majeur. Il vient d'épouser Marguerite de Provence. Mariage politique qui prépare la réunion d'une autre province. Mais les époux ont d'étranges affinités. Leurs sentiments sont les mêmes. Le saint roi a près de lui une véritable sainte. Quel est ce règne étonnant qui s'ouvre ? Oh ! si le phénomène est d'une incomparable beauté, s'il est unique dans l'histoire, il n'échappe pourtant pas à une sorte de règle. Le règne de saint Louis succède à ce qu'on pourrait appeler, en forçant un peu les mots, le rationalisme du temps de Philippe Auguste. C'est une réaction. La royauté capétienne a déjà vu Robert le Pieux succéder à Hugues. Saint Louis représente un retour à l'idée du prêtre-roi. Il est en harmonie avec son temps, celui de saint Thomas d'Aquin, marqué par un renouveau de foi chrétienne. Toutes proportions gardées, c'est ainsi qu'après les encyclopédistes, le début du dix-neuvième siècle verra le Génie du christianisme et une renaissance religieuse.

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    Enluminure représentant le roi et sa mère, Blanche de Castille           

     

    Mais la monarchie a grandi, Louis IX, ce n'est plus le pieux Robert qui s'enfermait dans son oratoire. La monarchie a des devoirs, des traditions, une vitesse acquise. Saint Louis continuera ses prédécesseurs. Seulement il les continuera en développant un élément que, jusqu'à lui, la dynastie capétienne n'avait qu'à peine dégagé. Les qualités de sa race, il les poussera jusqu'à la vertu, jusqu'à la sainteté. La royauté française était un peu terre à terre. Par lui, elle prendra un caractère de grandeur spirituelle dont elle gardera toujours le reflet. On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales d'Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d'animaux carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs. Saint Louis a été la pureté des lis... 

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    ...À l'intérieur également le règne de saint Louis fut celui de la justice. Ce ne fut pas celui de la faiblesse : il eut la justice des justiciers et savait fort bien faire pendre, même les barons. Il y a aussi une sainteté de l'ordre et des lois. Louis IX continua l'œuvre des légistes, - il en avait pour amis, - en l'adoucissant de christianisme et d'humanité. "Bataille n'est pas voie de droit", disait-il pour refuser les "jugements de Dieu". C'est comme juge royal, sous le chêne de Vincennes, que son souvenir est resté populaire. Il ne se contentait pas de prêcher d'exemple. Il organisait les tribunaux, la procédure. Il mettait le "Parlement" au-dessus des autres juridictions. C'est sous son règne que cette cour d'appel et de justice reçoit ses attributions principales. Et le Parlement jouera un grand rôle dans notre histoire. En unifiant le droit, il unira la nation. Il renforcera l'État en éliminant peu à peu les justices féodales, jusqu'au jour où le Parlement lui-même, devenu pouvoir politique, sera un danger pour la monarchie.

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    Réformateur judiciaire, saint Louis fut aussi un réformateur de la société. Il pousse à la libération des serfs, il étend le droit de bourgeoisie. Surtout il organise les corporations. L'existence et les droits de l'ouvrier reçoivent protection dans un "ordre social chrétien", inscrit au célèbre Livre des Métiers. Si la figure de saint Louis est devenue si vite idéale, si elle est restée légendaire, ce n'est pas seulement parce que ce roi était bon, juste et charitable. C'est parce que, sous son règne, par "la bonne droiture", comme disait Joinville, la France était devenue plus prospère, la vie plus douce, plus sûre, plus humaine. Il léguera à la monarchie capétienne et à la France une renommée qui ne s'effacera plus.

    Ce pieux roi, il ne faudrait pas le prendre pour un roi clérical. Pas plus que celle de Philippe Auguste, sa monarchie n'est une théocratie. Le roi n'est pas l'esclave du clergé, dont la noblesse n'est pas davantage l'associée. C'eût été trop simple ! À chaque instant, les intérêts diffèrent, les conflits et les compétitions éclatent. La piété, la sainteté même de Louis IX le rendaient plus indépendant qu'un autre dans ses relations avec l'Église parce qu'il était insoupçonnable du point de vue de la foi. Michelet remarque avec raison que, s'il n'y avait eu saint Louis, Philippe le Bel n'eût peut-être pas osé entrer en lutte avec le pape..."

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    Voltaire - dans son Essai sur les moeurs - écrira à propos de Saint Louis :

                "Il n'est pas donné à l'homme de porter plus loin la vertu".

     

     

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    1507 : Le mot "Amérique" employé pour la première fois

              

    C'est le géographe Martin Waldseemüller qui est le premier à utiliser le nom Amérique, à Saint Dié des Vosges, dans son  "Introduction à la cosmographie...". 

    Il y écrit :

    "...Aujourd'hui ces parties de la terre (l'Europe, l'Afrique et l'Asie) ont été plus complètement explorées, et une quatrième partie a été découverte par Amerigo Vespucci, ainsi qu'on le verra plus loin. Et comme L'Europe et L'Asie ont reçu des noms de femmes, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amerigé c'est-à-dire terre d'Amerigo, d'après l'homme sagace qui l'a découverte. On pourra se renseigner exactement sur la situation de cette terre et sur les coutumes de ses habitants par les quatre navigations d'Amerigo qui suivent".

    On lit bien le mot Americi sur le texte de gauche, à la ligne neuf :

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    1566 : Mort de Louise Labé

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    Je vis, je meurs; je me brûle et me noie :
     

    Je vis, je meurs; je me brûle et me noie;
    J'ai chaud extrême en endurant froidure :
    La vie m'est et trop molle et trop dure.
    J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

    Tout à un coup je ris et je larmoie,
    Et en plaisir maint grief tourment j'endure;
    Mon bien s'en va, et à jamais il dure;
    Tout en un coup je sèche et je verdoie.

    Ainsi Amour inconstamment me mène;
    Et, quand je pense avoir plus de douleur,
    Sans y penser je me trouve hors de peine.

    Puis, quand je crois ma joie être certaine,
    Et être au haut de mon désiré heur,
    Il me remet en mon premier malheur.

     

    • http://coulmont.com/labe/

     

     

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    1792 : Premier emploi de la guillotine

          

    Nicolas-Jacques Pelletier, voleur de grand chemin, qui a frappé un citoyen pour lui extorquer ses assignats, est la première personne a être exécutée au moyen de la Guillotine.

    25 avril,louis ix,blanche de castille,bainville,capetiens,saint louis,philippe le bel,fleur de lys,parlement,michelet,amérique,louise labé,guillotineC'est le 10 octobre 1789 que le docteur Guillotin avait présenté son système devant l’Assemblée nationale : "Avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil, et vous ne souffrez point.". Le journal polémiste royaliste, Les Actes des Apôtres, qui avait pris le parti de s'opposer à la Révolution en cultivant la moquerie et l'ironie, tourna en dérision cette nouvelle lubie de révolutionnaires, et en fit une chanson : c'est l'une des choses qui contribua le plus à attacher à cette machine le nom de Guillotin. 

    Le 20 janvier 1790, Guillotin ré-exposera les divers points concernant son projet sur l’exécution capitale et, le 3 juin 1791, le député Le Pelletier-de-Saint-Fargeau proposa d’inscrire dans le code pénal, la définition célèbre : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée". Le 25 septembre, puis le 6 octobre 1791, les législateurs adoptèrent les articles 2 et 3 du Code pénal qui s’énoncent ainsi :

    2. La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés.

    3. Tout condamné à mort aura la tête tranchée.

    La guillotine, d’abord installée dans la Cour du Carrousel, fit sa première apparition sur la Place de la Révolution (ex Place Louis XV, aujourd'hui Place de la Concorde) en octobre et novembre 1792 pour décapiter, devant l'emplacement de leur forfait, les auteurs des vols des bijoux de la Couronne conservés au Garde-meuble (Ministère de la marine).

    Elle fit sa seconde apparition le 21 janvier 1793, pour décapiter Louis XVI.

    Du 11 mai 1793 au 9 juin 1794, soit pendant treize mois, elle fonctionna sans discontinuité, érigée entre la statue de la Liberté et le Pont-Tournant (entrée du Jardin des Tuileries). C’est là que Marie-Antoinette fut suppliciée, le 16 octobre 1793.

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    "Ci-gît toute la France", caricature royaliste sous la Terreur... 

     

    En tournée, la guillotine fut installée trois jours durant Place de la Bastille, puis Place du Trône-Renversé (anciennement Place du Trône, aujourd'hui, Place de la Nation), revint Place de la révolution pour deux jours après le 9 thermidor (27 juillet 1794) pour l'exécution des amis de Robespierre, puis une dernière fois, en mai 1795, pour celle des émeutiers du 1er prairial.

  • GRANDS TEXTES (6) : Le Roi, l'éternelle solution, par Vladimir Volkoff

              Voici le texte intégral du discours prononcé par Vladimir Volkoff au Rassemblement Royaliste des Baux de Provence de 1997.

              Il est intitulé "Le Roi, l'eternelle solution".

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    Hier soir, nous avons eu une veillée autour d’un feu qui nous a d’ailleurs fort agréablement réchauffés, aussi bien le corps que l’âme, nous avons eu une veillée de chansons. Ces chansons étaient dirigées par quelqu’un qui, lui aussi, a l’autorité dans le sang, forts bien chantées par des jeunes gens et des moins jeunes. Ces chansons, ce feu, cette grande fumée dissimulée, presque clandestine, dans la terre de Provence, m’ont appris des choses.

     

    LES FANTÔMES

    J’ai essayé de chanter, moi aussi, le moins faux possible, et je regardais autour de moi et je voyais presque des enfants, je voyais des jeunes gens, je voyais des personnes d’un âge mûr, je voyais des vieillards et je voyais des fantômes. Je voyais dans ces ombres qui bougeaient autour du feu les chefs de la révolution nationale russe, ces partisans blancs dont vous connaissez si bien le chant. Je voyais l’ombre de mon grand-père, qui a été l’un de ces chefs blancs, fusillé par les bolcheviks. Je voyais DENIKINE. J’en voyais quelques autres qui étaient, d’une certaine manière mystérieuse, parmi nous.

     

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    Anton Ivanovitch Dénikine (1872 - 1947). "Il prit, en octobre 1918, la tête d'une armée blanche d'environ 150.000 hommes, qui, appuyée par les alliés, reconquit sur les bolcheviks toute l'Ukraine et la Russie centrale, s'empara durant l'été 1919 de Kharkov, Kiev, Voronej, Orel, parvint jusqu'aux environs de Toula et menaça Moscou..." (Michel Mourre).
     
     

     

    Je voyais les chouans décharnés et mourants dans les fossés, dans le cadre du génocide vendéen. Je voyais le plus magnifique d’entre eux, Monsieur de CHARETTE. Et je me disais que, si nous chantons encore “Monsieur de CHARETTE a dit”, cela veut dire que Monsieur de CHARETTE n’est pas mort. Il a, sans parler de l’immortalité chrétienne, une immortalité parmi nous. Il est présent. S’il revenait brusquement dans cette grotte de Provence, il se croirait en Vendée. Il se dirait: “je suis vivant, nous sommes vivants, mon idée est vivante, nous sommes toujours là, nous sommes toujours fidèles”.

    Bien sûr, parmi ces fantômes, il en est un encore plus majestueux que les autres: il y avait le fantôme du roi, du Roi et de tous les rois. Ces fantômes étaient présents parce que le roi est l’éternelle solution et qu’il ne pouvait pas ne pas être là puisqu’il y avait une poignée de fidèles qui, contre toutes ces horreurs qui nous menacent, chantaient des chansons dans la nuit. Il y avait là un message d’espoir inextinguible.

    Même si nous devons périr, même si nous devons être vaincus, ce sera un très grand honneur d’avoir été les derniers, non, les avant-derniers car j’ai entendu les jeunes orateurs de ce matin, et je sais que la relève est prête, d’avoir été au pire les avant-derniers porteurs de ce flambeau qui ne veut pas mourir. Ce flambeau brûle dans nos cœurs et il nous dit: le roi est l’éternelle solution.

    Je veux tout de suite dire qu’il y a une objection: nous avons entendu surtout des messages tragiques et je n’ai malheureusement pas de bonne nouvelle à vous donner. Nous ne sommes pas cette année plus nombreux que nous ne l’étions les années passées. Nous sommes, il faut bien que nous en prenions conscience, une poignée de témoins.

     

    QUE FAIRE ?

    Tout à l’heure, j’ai été interviewé par une charmante journaliste de FR3 qui me disait: “Mais, Monsieur, n’avez-vous pas l’impression de prêcher dans le désert?”. Je lui dit: “Mademoiselle, je n’ai pas du tout le sentiment de prêcher. J’ai le sentiment de témoigner et on peut témoigner dans le désert. C’est toujours au moins une satisfaction personnelle et cela peut être une utilité”. L’objection, c’est: “oui, mais que va-t-on faire?”.

    Je me souviens avoir parlé un jour dans une réunion fort brillante à Paris et j’essayais de montrer le caractère sacré de la royauté. Un monsieur en smoking, juste devant moi, s’agaçait beaucoup et, lorsque j’eus terminé, il me dit: “Bon, d’accord, mais le coup d’état, quand est-ce qu’on le fait ?”.

    Je ne sais pas quand on fait le coup d’état. Je ne sais pas quand 95% des Français voteront pour le rétablissement de la royauté. De tout cela, je ne sais rien. Mais je sais aussi que, si la Belgique est encore une nation, c’est grâce au roi. Je crois aussi qu’en Espagne, si la guerre civile n’a pas éclaté de nouveau, c’est grâce au roi. Et je sais que, si nous avons encore un ami en Afrique du Nord et si cet ami conserve encore une paix précaire dans son pays, c’est parce que c’est un roi, le roi du Maroc.

     

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    23 février 1981 : lors de la tentative de Coup d'Etat du Lieutenant-colonel Tejero,
    le Roi d'Espagne apparaît à la télévision pour enjoindre aux militaires de rester -ou de rentrer...- dans leurs casernes.
    "Je crois aussi qu’en Espagne, si la guerre civile n’a pas éclaté de nouveau, c’est grâce au roi."

            

     

    Donc, j’accepte tout à fait l’objection selon laquelle la monarchie n’est peut-être pas pour demain en France mais je récuse totalement l’objection selon laquelle la monarchie ne serait pas moderne. Au contraire, elle me paraît extrêmement moderne.

    Je voudrais vous dire que le rétablissement de la monarchie n’est pas du tout exclu en Russie où je vais souvent et je pense que je connais assez bien le problème . C’est une possibilité, ce n’est pas une promesse que je vous fais. Un autre pays, dont je parle souvent en ce moment, est la Bosnie serbe où la restauration de la dynastie des KARAGEORGES n’est pas exclue non plus, sans parler de la Roumanie, sans parler de l’Albanie, sans parler de la Bulgarie. Tout est possible d’une certaine manière.

    Nous vivons une période où la monarchie sera peut-être récusée mais peut-être prouverons-nous qu’elle est le seul obstacle possible à cette mondialisation, après l’européanisation dont nous avons tant entendu parler.

    Le roi, l’éternelle solution. Les mots sont très bien choisis et je me suis dit que je vais faire un exposé en trois points: le roi - éternelle - solution. Ca va très bien avec mon éducation secondaire: avec trois points, on réussit toujours. Puis, je me suis dit: qui dit solution, dit problème, et peut-être que, plutôt que de faire un exposé un peu bateau, il vaut mieux commencer par les problèmes.

     

    LES HOMMES ONT BESOIN D’ETRE GOUVERNÉS

    Le premier problème qui se pose à toutes les sociétés des hommes, c’est que ce que les chrétiens expliquent par le récit de la chute a eu lieu et que par conséquent les hommes ne sont pas parfaits, qu’ils ne sont pas tous très gentils et qu’ils ont besoin d’être gouvernés. C’est le premier problème politique: les hommes ont besoin d’être gouvernés.

    S’ils ne sont pas gouvernés, ils s’entre-mangent et celui qui a mangé le plus des autres commence à gouverner ceux qu’il n’a pas eu le temps de manger, ce qui est la loi de la jungle, ce qui est une façon de régler le problème, mais il y en a peut-être d’un peu plus civilisées et la monarchie nous apporte une de ces solutions pour régler la seule nécessité que les hommes ont besoin d’être gouvernés. Je ne dit pas que c’est la meilleure mais c’est une des solutions. Le roi est une des solutions à la nécessité qu’ont les hommes d’être gouvernés. Il y a fondamentalement deux sortes de gouvernements :

    * les gouvernements paternels où la personne qui a l’autorité est donnée a priori c’est le père, ce sont les parents qui gouvernent la famille, qui gouvernent leurs enfants. C’est la structure royale, bien entendu. C’est une structure absolument fondamentale.

    * les structures par contrat social.

    J’ai entendu un excellent orateur, Yves-Marie GADELINE, qui exprime la même chose de manière différente. Il dit qu’il n’y a que des gouvernements par institution et des gouvernements par constitution. Une constitution, c’est quand, par exemple, nous nous mettons tous d’accord pour dire que Monsieur X va nous gouverner. Il y a une institution lorsque nous recevons les tables de la loi au sommet du Mont Sinaï ou telle autre manifestation d’une autre autorité qui nous dit: “C’est Monsieur X qui va nous gouverner”. Ce sont deux structures totalement différentes, une structure paternelle héritée d’en haut et une structure d’accord entre nous. Il est bien évident que l’une et l’autre règlent plus ou moins bien ce premier problème auquel je faisais allusion qui est que les hommes ont besoin d’être gouvernés. Je pense que les structures paternelles sont mieux adaptées à la nature humaine déchue que les structures constitutionnelles mais, bien entendu, on peut en discuter.

    Un autre problème, c’est que, la nature humaine est ainsi faite: il y a des forts et des faibles. Cette force et cette faiblesse, à l’époque de l’homme des cavernes, c’était simplement les costauds et les gringalets. Ce sont ensuite les féodaux et leurs serfs. Ce sont les capitalistes et les ouvriers. A notre époque, ce sont les multinationales et leurs employés. Les puissants, ce sont quelquefois les psychocrates, c’est-à-dire ceux qui manipulent tous les mass médias qui nous manipulent à leur tour,. Il y aura toujours et il y a toujours eu une opposition entre les puissants et les moins puissants, les forts et les faibles. Le rôle de tout gouvernement des hommes est nécessairement de limiter quelque peu la puissance des puissants et de protéger les moins puissants contre les plus puissants.

     

    LE ROI CONTRE LES FÉODAUX

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    A Bouvines, Philippe Auguste - qui a soutenu partout le mouvement communal, contre les féodaux - s'adresse ainsi à ses troupes, avant la bataille : "Je porte la couronne mais je suis un homme comme vous... Tous vous devez être rois et vous l'êtes, par le fait, car sans vous je ne puis gouverner"...

            

    C’est l’un des domaines où la monarchie doit vraiment recevoir de bonnes notes dans tous les pays du monde parce que les monarques ont toujours essayé de limiter les droits des féodaux, les droits des forts, les droits des riches, parce que c’était leur intérêt même, sans parler d’altruisme ou de générosité. C’était l’intérêt des monarques de s’appuyer sur la masse des faibles (les faibles sont toujours plus nombreux que les puissants).

    Les rois de France ont assis leur puissance sur la petite bourgeoisie et le peuple contre les grands féodaux. Voyez RICHELIEU. Je pense aussi à l’histoire de Russie où IVAN le Terrible a assis son pouvoir sur le peuple contre les boyards. Je pourrais bien penser aussi à JULES CÉSAR, à AUGUSTE et on peut remonter dans la nuit des temps. Le monarque a toujours été le protecteur du faible contre le fort. Pourquoi ? Pour obtenir un certain équilibre dont lui-même tirait certains avantages.

     

    DROITE ET GAUCHE

    Autre problème: la notion de droite et la notion de gauche. Ces expressions sont récentes. Elles ont deux cents ans à peu près. Mais l’idée qu’il y a une droite, des partis de droite, qu’il

  • GRANDS TEXTES (13) : Discours du pape Benoît XVI au collège des Bernardins.

    Juste après la publication de l'Ephéméride du 11 Août, consacré à une évocation du Mont Saint Michel, il nous a semblé pertinent de prolonger les réflexions que pouvaient faire naître un si haut lieu, et la spiritualité qui s'y rattache et qu'il rayonne, depuis treize siècles maintenant.

    Nous nous sommes souvenus de la question que posait Benoït XVI dans son fameux Discours des Bernardins: ces moines, que cherchaient-ils ?... 

    Et il nous a paru utile de publier maintenant, à la suite donc de cette méditation sur le Mont, l'enseignement si riche que constitue, précisément, ce Discours magistral de Benoît XVI, qui trouve tout naturellement sa place dans notre Catégorie "Grands Textes".

     

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    Les Bernardins
     
     

    Vendredi 12 septembre 2008

    Rencontre avec le monde de la culture

    Discours du pape Benoît XVI au collège des Bernardins

     

     

     

    Monsieur le Cardinal,
    Madame le Ministre de la Culture,
    Monsieur le Maire,
    Monsieur le Chancelier de l'Institut,
    Chers amis,

    Les cardinaux sont les premiers collaborateurs du pape

    Merci, Monsieur le Cardinal, pour vos aimables paroles. Nous nous trouvons dans un lieu historique, lieu édifié par les fils de saint Bernard de Clairvaux et que votre prédécesseur, le regretté Cardinal Jean-Marie Lustiger, a voulu comme un centre de dialogue de la Sagesse chrétienne avec les courants culturels intellectuels et artistiques de votre société. Je salue particulièrement Madame le Ministre de la Culture qui représente le gouvernement, ainsi que Messieurs Giscard d'Estaing et Chirac. J'adresse également mes salutations aux ministres présents, aux représentants de l'UNESCO, à Monsieur le Maire de Paris et à toutes les autorités. Je ne veux pas oublier mes collègues de l'Institut de France qui savent ma considération et je désire remercier le Prince de Broglie de ses paroles cordiales. Nous nous reverrons demain matin. Je remercie les délégués de la communauté musulmane française d'avoir accepté de participer à cette rencontre ; je leur adresse mes vœux les meilleurs en ce temps du ramadan. Mes salutations chaleureuses vont maintenant tout naturellement vers l'ensemble du monde multiforme de la culture que vous représentez si dignement, chers invités.

    J'aimerais vous parler ce soir des origines de la théologie occidentale et des racines de la culture européenne. J'ai mentionné en ouverture que le lieu où nous nous trouvons était emblématique. Il est lié à la culture monastique. De jeunes moines ont ici vécu pour s'initier profondément à leur vocation et pour bien vivre leur mission. Ce lieu, évoque-t-il pour nous encore quelque chose ou n'y rencontrons-nous qu'un monde désormais révolu ? Pour pouvoir répondre, nous devons réfléchir un instant sur la nature même du monachisme occidental. De quoi s'agissait-il alors ? En considérant les fruits historiques du monachisme, nous pouvons dire qu'au cours de la grande fracture culturelle, provoquée par la migration des peuples et par la formation des nouveaux ordres étatiques, les monastères furent des espaces où survécurent les trésors de l'antique culture et où, en puisant à ces derniers, se forma petit à petit une culture nouvelle. Comment cela s'est-il passé ? Quelle était la motivation des personnes qui se réunissaient en ces lieux ? Quelles étaient leurs désirs ? Comment ont-elles vécu ?

     

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    Quelle était la motivation des personnes qui se réunissaient en ces lieux ?...

    Avant toute chose, il faut reconnaître avec beaucoup de réalisme que leur volonté n'était pas de créer une culture nouvelle ni de conserver une culture du passé. Leur motivation était beaucoup plus simple. Leur objectif était de chercher Dieu, quaerere Deum. Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s'appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. On dit que leur être était tendu vers l'« eschatologie ». Mais cela ne doit pas être compris au sens chronologique du terme - comme s'ils vivaient les yeux tournés vers la fin du monde ou vers leur propre mort - mais au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif. Quaerere Deum : comme ils étaient chrétiens, il ne s'agissait pas d'une aventure dans un désert sans chemin, d'une recherche dans l'obscurité absolue. Dieu lui-même a placé des bornes milliaires, mieux, il a aplani la voie, et leur tâche consistait à la trouver et à la suivre. Cette voie était sa Parole qui, dans les livres des Saintes Écritures, était offerte aux hommes. La recherche de Dieu requiert donc, intrinsèquement, une culture de la parole, ou, comme le disait Dom Jean Leclercq : eschatologie et grammaire sont dans le monachisme occidental indissociables l'une de l'autre (cf. L'amour des lettres et le désir de Dieu, p.14). Le désir de Dieu comprend l'amour des lettres, l'amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. Puisque dans la parole biblique Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, ils devaient apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, devenaient importantes. La bibliothèque faisait, à ce titre, partie intégrante du monastère tout comme l'école. Ces deux lieux ouvraient concrètement un chemin vers la parole. Saint Benoît appelle le monastère une dominici servitii schola, une école du service du Seigneur. L'école et la bibliothèque assuraient la formation de la raison et l'eruditio, sur la base de laquelle l'homme apprend à percevoir au milieu des paroles, la Parole.

     

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    L'école et la bibliothèque assuraient la formation de la raison et l'eruditio, sur la base de laquelle l'homme apprend à percevoir au milieu des paroles, la Parole.

    Image extraite du film ' RELIEF DE FRANCE LES MONASTERES '
    Les Chartreux à visage découverts, film de JC Guerguy
    (plus d'infos sur le site www.cine-art-loisir.com)


     

     

    Pour avoir une vision d'ensemble de cette culture de la parole liée à la recherche de Dieu, nous devons faire un pas supplémentaire. La Parole qui ouvre le chemin de la recherche de Dieu et qui est elle-même ce chemin, est une Parole qui donne naissance à une communauté. Elle remue certes jusqu'au fond d'elle-même chaque personne en particulier (cf. Ac 2, 37). Grégoire le Grand décrit cela comme une douleur forte et inattendue qui secoue notre âme somnolente et nous réveille pour nous rendre attentifs à Dieu (cf. Leclercq, ibid., p. 35). Mais elle nous rend aussi attentifs les uns aux autres. La Parole ne conduit pas uniquement sur la voie d'une mystique individuelle, mais elle nous introduit dans la communauté de tous ceux qui cheminent dans la foi. C'est pourquoi il faut non seulement réfléchir sur la Parole, mais également la lire de façon juste. Tout comme à l'école rabbinique, chez les moines, la lecture accomplie par l'un d'eux est également un acte corporel. « Le plus souvent, quand legere et lectio sont employés sans spécification, ils désignent une activité qui, comme le chant et l'écriture, occupe tout le corps et tout l'esprit », dit à ce propos Dom Leclercq (ibid., p. 21).

    Il y a encore un autre pas à faire. La Parole de Dieu elle-même nous introduit dans un dialogue avec Lui. Le Dieu qui parle dans la Bible nous enseigne comment nous pouvons Lui parler. En particulier, dans le Livre des Psaumes, il nous donne les mots avec lesquelles nous pouvons nous adresser à Lui. Dans ce dialogue, nous Lui présentons notre vie, avec ses hauts et ses bas, et nous la transformons en un mouvement vers Lui. Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l'acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. À ce sujet, écoutons encore une fois Jean Leclercq : « Les moines devaient trouver des accents qui traduisent le consentement de l'homme racheté aux mystères qu'il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant » (cf. ibid., p. 229).

    Détruite à la révolution, il ne reste quasiment rien de l'immense abbaye de Cluny, qui fut le plus grand édifice religieux du monde, avant la construction de Saint Pierre de Rome. Le septième chapiteau du choeur de Cluny illustre les quatre premiers tons :

     

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    Jeune homme jouant du luth
     
     
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    Femme jouant de la cymbale
     
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    Jeune homme jouant du psaltérion
     
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    Jeune homme jouant du Tintinabulum, sonnant le glas funéraire
     

               

     

    Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine - en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d'être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s'unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l'harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d'une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n'était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d'un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la 'région de la dissimilitude'. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l'état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l'homme qui est créé à l'image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la 'région de la dissimilitude', dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d'homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l'homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l'être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu'Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n'était pas là l'œuvre d'une « créativité » personnelle où l'individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s'érige un monument à lui-même. Il s'agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l'harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l'homme, et d'inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l'homme et qui proclame hautement cette dignité.

     

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    De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu'Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale...

     

     

     

    Enfin, pour s'efforcer de saisir cette culture monastique occidentale de la parole, qui s'est développée à partir de la quête intérieure de Dieu, il faut au moins faire une brève allusion à la particularité du Livre ou des Livres par lesquels cette Parole est parvenue jusqu'aux moines. Vue sous un aspect purement historique ou littéraire, la Bible n'est pas un simple livre, mais un recueil de textes littéraires dont la rédaction s'étend sur plus d'un millénaire et dont les différents livres ne sont pas facilement repérables comme constituant un corpus unifié. Au contraire, des tensions visibles existent entre eux. C'est déjà le cas dans la Bible d'Israël, que nous, chrétiens, appelons l'Ancien Testament. Ça l'est plus encore quand nous, chrétiens, lions le Nouveau Testament et ses écrits à la Bible d'Israël en l'interprétant comme chemin vers le Christ. Avec raison, dans le Nouveau Testament, la Bible n'est pas de façon habituelle appelée « l'Écriture » mais « les Écritures » qui, cependant, seront ensuite considérées dans leur ensemble comme l'unique Parole de Dieu qui nous est adressée. Ce pluriel souligne déjà clairement que la Parole de Dieu nous parvient seulement à travers la parole humaine, à travers des paroles humaines, c'est-à-dire que Dieu nous parle seulement dans l'humanité des hommes, et à travers leurs paroles et leur histoire. Cela signifie, ensuite, que l'aspect divin de la Parole et des paroles n'est pas immédiatement perceptible. Pour le dire de façon moderne : l'unité des livres b

  • Éphéméride du 20 avril

    1868 : Naissance de Charles Maurras (ici, sa maison à Martigues, la Bastide du Chemin de Paradis)

     

     

     

    1120 Mort de Géraud de Salles 

     

    Fils de grande famille, Géraud de Salles embrassa la vie religieuse et fonda plusieurs abbayes, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

    On ne se souviendrait probablement que très peu de lui si l'une de ses fondations - l'Abbaye du Dalon (ci dessous), quasiment totalement ruinée à la Révolution - n'était le lieu de sépulture des deux plus grands troubadours : Bernard de Ventadour et Bertrand de Born. 

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    Aux origines de la littérature française, qu'elle soit du Nord ou du Midi, ceux qui avaient l'art et le don de "trouver" quelque chose à dire, réciter ou chanter  étaient appelés trouvères dans les pays du Nord de la France (de langue d'oïl) et troubadours dans les pays du Sud (de langue d'oc), deux mots équivalents, venant tous deux du bas latin "trobar", qui signifie "trouver" :

     

    https://www.herodote.net/troubadour_trouvere-mot-211.php 

     

    Bernard de Ventadour et Bertrand de Born furent les deux plus célèbres de ces poètes, qui ont diffusé partout aussi bien l'amour courtois que les Chansons de Geste, et qui sont, collectivement, aux origines de la poésie en Occident :

    https://www.limousin-medieval.com/bernard-de-ventadour
    http://broceliande.brecilien.org/Bertran-de-Born

     

    20 avril,charles maurras,jean paulhan,marx,camus,philosophes,xviii° siècle,siècle des lumières,communisme,nazisme,avenir de l'intelligenceTrouvères et troubadours, Chanson de Roland, Légendes Arthuriennes, Tristan et Yseult : quatre de nos éphémérides reviennent sur la naissance de notre littérature nationale et sur ses thèmes fondateurs :

    • l'Éphéméride du 20 avril (sur les Troubadours Bernard de Ventadour et Bertrand de Born);

    • du 27 avril (sur Xavier Langlais et les romans du Roi Arthur);

    • du 15 août (sur la Chanson de Roland) ;

    • du 29 août (sur Joseph Bédier et Tristan et Yseult). 

     

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    1251 : Dédicace de la cathédrale Saint Maurice de Vienne 

     

    C'est en 1130 que débuta la construction de l'édifice, dans le style roman; Guillaume de l'Oeuvre en serait l'architecte.

    Aujourd'hui, les parties les plus anciennes de la cathédrale restent romanes, alors que, à partir du XIIIème siècle, le chœur, le début et les parties hautes de la nef sont construits au goût du jour, c'est-à-dire en style "ogival".

    Mais la construction se poursuivra jusqu'au XVIème siècle - avec, notamment, la façade - la dernière pierre étant posée en 1529.  

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    lieuxsacres.canalblog.com/archives/vienn_cathedrale_primatiale_saint_maurice__38_isere.html       

     

     

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    1868 : Naissance de Charles Maurras

     

    "Maurras est un continent", selon le mot si juste d'Albert Thibaudet, remis au jour avec bonheur par Stéphane Giocanti, mais ce continent est enfermé par la conspiration du silence du Système dans un cercueil fermé à double tour; et si ce cercueil est à son tour écrasé sous la chape de plomb du conformisme ambiant de la vérité officielle, c'est pour une raison bien simple : Maurras est celui qui a osé élaborer la critique globale et cohérente du Système en tant que tel; radicalement, au sens étymologique et premier du terme, c'est-à-dire en critiquant la République idéologique à sa source, dans ses racines et ses fondements mêmes.

    Le Système ne s'y est pas trompé : à ce titre, Maurras est, non pas dangereux, pour la République idéologique, mais le seul dangereux (voir notre Pdf M. le Maudit)

     

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    Maurras rencontrera Jacques Bainville alors que celui-ci n'avait que vingt ans; puis Léon Daudet lorsque celui-ci en avait trente-six (en 1904): que trois hommes aussi différents et, chacun, d'une personnalité aussi affirmée aient pu durant toute leur vie - à partir du moment où ils se sont rencontrés - être et rester amis au quotidien, dans le même mouvement et les mêmes locaux, sans la moindre "dispute" notable, voilà qui constitue une exception remarquable dans l'histoire politique...

    Lorsqu'on parle de Charles Maurras, de Léon Daudet et de Jacques Bainville, c'est  peut-être la première chose qu'il convient de signaler (voir l'Éphéméride du 9 février - naissance et mort de Jacques Bainville; l'Éphéméride du 20 avril - naissance de Charles Maurras; l'Éphéméride du 1er juillet - mort de Léon Daudet; et l'Éphéméride du 16 novembre - naissance de Léon Daudet et mort de Charles Maurras)...

    Ce cas unique d'amitié a été magnifiquement évoquée par Jacques Bainville dans les quelques mots de remerciements qu'il prononça au siège du journal, à l'occasion de son élection à l'Académie française :

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    Acte de naissance de Charles, Marie, Photius Maurras 

    Voir notre Feuilleton ou notre Album : Une visite chez Charles Maurras 

     

     

    20 avril,charles maurras,jean paulhan,marx,camus,philosophes,xviii° siècle,siècle des lumières,communisme,nazisme,avenir de l'intelligenceDe Charles Maurras, Jean Paulhan (ci contre), esprit libre s’il en fut, disait, en 1921 : "Maurras ne nous laisse pas le droit en politique d’être médiocres ou simplement moyens". Et, en 1932, qu'un jeune homme désireux de s'engager politiquement n'avait de véritable choix qu'entre Karl Marx et Charles Maurras.

    Enfin, en 1945, alors que l'on venait de condamner Maurras pour "intelligences avec l'ennemi", il lui écrivit, lui le résistant de la première heure : 

    "Je n’aurais jamais cru que vous nous fussiez si nécessaire..."

    Mais comment évoquer, donc, celui qui - nous l'avons vu - pour reprendre l’heureuse formule, est à lui tout seul "un continent" ? Pierre Boutang (Maurras, la destinée et l’œuvre), Jacques Paugham (L’âge d’or du maurrassisme), Stéphane Giocanti lui-même (Maurras, le chaos et l’ordre), d’autres encore, ont eu besoin de gros bouquins, de plusieurs centaines de pages chacun, pour en parler, et l’on essaierait, dans de simples éphémérides, de faire le tour de la question ? Ce serait prétentieux.

    Pourtant, on peut, et on doit, parler de Charles Maurras car - nous évoquions Paugham - il y a une jeunesse de Maurras – intellectuellement s’entend - un âge d’or, un printemps de Maurras qui ne passent  pas, et qui nous le rendent étonnamment proche, et curieusement fort contemporain de ce qui est pour nous quelque chose d’immédiat et de malheureusement bien réel : l’Âge de fer dans lequel nous vivons, et dont il a expliqué l'avènement...

    Là est la source de la présence de Maurras parmi nous, de son actualité, de la permanence de ses intuitions, de sa jeunesse. Pour parler comme on le fait aujourd’hui, oui, Maurras a quelque chose à nous dire, et ce quelque chose est majeur, fondamental et, toujours pour parler comme aujourd’hui, incontournable.

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    De quoi s’agit-il ? De ceci, qui est énorme et qui fonde à soi seul, l’actualité de Maurras :

    • il est le premier, et jusqu’à présent le seul, à avoir analysé dans son ensemble le processus qui, à partir du XVIIIème siècle et des Lumières, nous a amenés là où nous en sommes aujourd’hui;

    il est le premier, et jusqu’à présent le seul, à avoir décortiqué pour ainsi dire, minutieusement et presque cliniquement, ce processus qui a abouti à la prise du pouvoir généralisé par les forces de l’Argent qui, depuis la grande Révolution de 89, et à partir d’elle, et grâce à elle, sont parties à la conquête du monde entier dans tous ses rouages, plus aucun pouvoir basé sur la Culture, la Religion, l’Histoire, les Sentiments ne s’opposant à elles.

    La prétention insensée des écrivains, penseurs et philosophes du XVIIIème siècle à sortir de leur rôle, et à s’ériger en organisateurs du monde réel, n’aura finalement eu comme conséquence finale que celle-là : asservir le monde, et eux-mêmes également, à ces forces matérielles qui nous oppriment maintenant, et nous font vivre dans un véritable Âge de fer. Cette magistrale démonstration, dont on ne peut évidemment faire l’économie si l’on prétend comprendre les faits les plus actuels, et, plus encore, si l’on veut en sortir, Maurras l’a faite en 1901, dans un immense petit livre : L’Avenir de l’Intelligence.

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    Cent ans qu’il a été écrit, et il nous parle d’aujourd’hui, de notre réalité quotidienne, nous expliquant d’où viennent nos maux et quelle en est la source. Maurras y est moderne parce qu’intemporel, un peu comme dans  le XXIVème chapitre de Kiel et Tanger, dont Pompidou recommandait la lecture à ses étudiants, affirmant que, président de la République française en exercice, ce livre de Maurras ne quittait pas sa table de chevet.

    Nous "raconterons" donc, ici, rapidement, cet immense petit ouvrage, sans prétention autre que d’aiguiller le lecteur et l’inciter non seulement à ne pas se détourner, à ne pas "désespérer" de Maurras, mais, bien au contraire, à se tourner vers ce qui est l’essentiel de lui, après l’inévitable élagage opéré par le temps, pour Maurras comme pour tout écrivain, tout penseur et, plus prosaïquement, tout homme.

    Par quelle curieuse exception Maurras échapperait-il à la loi commune régissant toute personne ? Il n’est que trop clair qu’un Maurras a disparu, pour toujours. Mais les tragédies de Voltaire n’ont-elles pas disparu ? Et qui lit encore Sully Prudhomme, premier Prix Nobel de littérature ? Oui, il y a, bien évidemment, un Maurras qui a sombré corps et bien, car c’est tout simplement la loi de la nature.

    Mais justement, lorsque le temps a fait son œuvre, on ne voit subsister et surnager du grand naufrage commun que l’essentiel, et ce qui ne meurt pas. Nous évoquions Kiel et Tanger et L’Avenir de l’Intelligence (cette liste n’est pas limitative !...). C’est vers ce Maurras-là, toujours vivant, toujours jeune, toujours fécond; vers ce printemps qu’il continue de représenter que nous invitons  à se tourner; comme vers une boussole indispensable qui indique, imperturbablement, et quelles que soient les apparences présentes, la bonne direction… 

     

  • Éphémérides du mois de Mars : Table des matières

    FLEURDEL VITRAIL CATH AUCH.jpg1 : 487 : Épisode du Vase de Soissons. 600 : Mort de Saint Amant de Boixe. Vers 890 : Décapitation de Saint Léon à Bayonne, et, depuis, célébration de son martyre... 1562 : Premier massacre des Guerres de religion. 1580 : Première édition des Essais de Montaigne. 1626 : Naissance de Jean-Baptiste de La Quintinie. 1768 : Édit royal prescrivant la numérotation des maisons dans chaque rue du Royaume. 1826 : Fondation de la Maison Mumm. 1974 : Le G.I.G.N. devient opérationnel.

    2 : 1564 : Commande du Phare de Cordouan. 1707 : Naissance de Louis-Michel van Loo. 1733 : Mort de Claude de Forbin. 1941 : Victoire et Serment de Koufra. 1964 : Premier Salon de l'Agriculture. 1969 : Premier vol du Concorde. 2004 : Lancement réussi pour Ariane V, qui emporte la sonde européenne Rosetta.

    : 1494 : Début de la construction du Palais de Justice de Rouen. 1749 : Naissance de Mirabeau. 1751 : Mort de Jean-Louis Orry, aux origines de la Manufacture de porcelaine de Sèvres. 1875 : Première de Carmen. 1974 : la France choisit le nucléaire.

    : 1188 : Naissance de Blanche de Castille. 1703 : Mort de Louis de Bechameil. 1805 : Mort Jean-Baptiste Greuze. 1832 : Mort de Jean-François Champollion. 1843 : Premier numéro de "L'Illustration". 1988 : Inauguration de la Grande pyramide du Louvre. 2015 : Mise au jour du Tumulus funéraire celte de Lavau.

    5 : 1453 : Naissance de Crillon, "le Brave". 1759 : Signature de l'expertise de fin des travaux du château de Merville. 1800 : Bonaparte, Premier consul, reçoit Cadoudal et une délégation royaliste aux Tuileries. 1893 : Mort d'Hyppolite Taine. 1895 : Naissance d'Albert Roche. 1953 : L'Humanité ose glorifier Staline, décédé... 2007 : Création du Parc national de la Réunion.

    : 1264 : Chute de Château-Gaillard. 1597 : Aux origines du Régiment d'Auvergne... 1597 : Création du Régiment de Bourbonnais. 1666 : Louis XIV, aux origines de l'Académie de France à Rome, la "Villa Médicis"... 1695 : Mort d'Éverard Jabach. 1824 : Élection de la Chambre retrouvée. 1980 : Marguerite Yourcenar, première femme élue à l'Académie française. 1982 : Création des "Plus beaux Villages de France"... 2008 : Parution du "Aristote au Mont Saint-Michel". 2019 : Philippe de Villiers règle leur compte à Jean Monnet et Robert Schuman...

    : 1274 : Mort de Saint Thomas d'Aquin, en route pour le Concile de Lyon. 1765 : Naissance de Nicéphore Niépce. 1788 : Naissance d'Antoine Becquerel. 1875 : Naissance de  Maurice Ravel. 1884 : Le Préfet Poubelle impose l'emploi des... poubelles. 1936 : Remilitarisation de la Rhénanie. 1938 : Naissance d'Albert Fert.

    8 : 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (I)... 1862 : Création du Musée d'Archéologie nationale de Saint Germain en Laye. 1869 : Mort d'Hector Berlioz. 1921 : Création de Premier Régiment étranger de Cavalerie, à Sousse (Tunisie). 1974 : Inauguration de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. 

    : 1107 : Le Pape Pascal II consacre La Charité sur Loire. 1416 : Mort de Jean de Limbourg. 1666 : Mort de Mazarin. 1720 : Dernière grande réforme de la Gendarmerie. 1831 : Création de la Légion étrangère. 1945 : Sortie du film Les enfants du paradis.

    10 : 1607 : Aux origines de la Place Dauphine... 1628 : Naissance de Girardon. 1661 : Prise du pouvoir par Louis XIV. 1764 : Premier concert de Mozart à Paris. 1793 : Révolte de Machecoul. 1793 : Création du Tribunal révolutionnaire. 1906 : Catastrophe de Courrières.

    11 : 1794 : Création de l'École polytechnique. 1811 : Naissance d'Urbain Le Verrier. 1830 : Mort de Lally Tollendal. 1882 : Renan prononce sa Conférence Qu'est-ce qu'une Nation ?...

    12 : 1502 : Mort de Francesco Laurana. 1613 : Naissance d'André Le Nôtre. 1788 : Naissance de David d'Angers. 1792 : Mort de Georges Roux de Corse. 1793 : Début du soulèvement de la Vendée. 1814 : Bordeaux proclame Louis XVIII Roi de France... 1856 : Parution des Histoires extraordinaires de Poe, traduites par Baudelaire.

    13 : ÉvocationQuand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française...

    14 : 1369 : victoire de Bertrand du Guesclin à la bataille de Montiel. 1590 : Henry IV vainqueur à Ivry. 1593 : Naissance de Georges de la Tour. 1793 : Cholet aux mains des Vendéens. 1913 : Mort d'Auguste Desgodins.

    15 : 44 Avant J.C. : Assassinat de Jules César. 1528 : François 1er fixe de nouveau à Paris le siège de la Cour.

    16 : 1244 : Bûcher de Montségur. 1578 : Henri III autorise la construction du Pont Neuf. 1634 : Naissance de Marie-Madeleine de Lafayette. 1680 : Mort de La Rochefoucauld. 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (II)... 1839 : Naissance de Sully Prudhomme. 1844 : Ouverture du Musée de Cluny. 2013 : Inauguration du Pont Chaban-Delmas, à Bordeaux.

    17 : 1267 : Mort de Pierre de Montreuil. 1526 : Captif en Espagne depuis Pavie, François Premier retrouve la liberté. 1560 : Conjuration d'Amboise. 1680 : Mort de La Rochefoucauld. 1808 : Création du Baccalauréat. 1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (III)... 1840 : Naissance d'Henri Didon. 1904 : Première édition de la Foire de Paris. 1956 : Mort d'Irène Joliot-Curie.

    18 : 1314 : Jacques de Molay est brûlé vif. 1656 : Institution de la Madunaccia, fête patronale d'Ajaccio. 1662 : Premier transport en commun à Paris. 1871 : Début de la Commune de Paris.

    19 : 1315 : Louis X octroie la Charte aux Normands. 1443 : Agnès Sorel est présentée à Charles VII... 1563 : Édit d'Amboise. 1783 : Louis XVI fonde l'École des Mines. 1822 : Mort de Valentin Haüy. 1859 : Première de Faust, de Gounod. 1866 : Fondation des OAA, Orphelins Apprentis d'Auteuil. 1900 : Naissance de Frédéric Joliot-Curie. 1987 : Mort de Louis de Broglie. 2004 : Retour des moines dans l'Abbaye de Lagrasse...

    20 : 12 Avant J-C : Mort d'Agrippa... 1771 : Mort de Van Loo. 1781 : Mort de Turgot. 1881 : Naissance d'Eugène Schueller, aux origines de l'Oréal. 1929 : Mort de Ferdinand Foch. 2015 : Cérémonie d'installation de l'anneau de Jeanne d'Arc, racheté en Angleterre, au Puy du Fou.

    21 : 1098 : Fondation de l'abbaye de Cîteaux. 1358 : Le Dauphin Charles quitte Paris, aux mains de la révolution d'Étienne Marcel... 1729 : Mort de John Law de Lauriston. 1736 : Naissance de Claude-Nicolas Ledoux.  1804 : Assassinat du Duc d'Enghien. 1816 : Louis XVIII organise l'Institut. 1830 : Découverte du Trésor de Berthouville. 1908 : Premier numéro de L'Action française quotidienne. 1979 : La première carte à puce. 1999 : Mort de Jean Guitton. 2015 : Inauguration de L'Historial Jeanne d'Arc de Rouen... 2017 : Yves Meyer reçoit le Prix Abel.

    22 : 1421 : Victoire franco-écossaise de Baugé. 1532 : Achèvement du Monastère royal de Brou. 1558 : Henri II crée le Régiment de Champagne. 1594 : Entrée d'Henri IV à Paris. 1594 : "Navarre sans peur !" : le Régiment des Gardes du Roi de Navarre reçoit son nom définitif de Régiment de Navarre. 1687 : Mort de Lully. 1733 : Naissance d'Hubert Robert. 1841 : Loi Montalembert. 1895 : Présentation du premier film des frères Lumière. 1988 : Pose de la première pierre du Pont de Normandie.

    23 : 1594 : Première partie de Jeu de paume pour Henri IV, un jour après son entrée dans Paris... 1821 : Découverte de la bauxite. 1842 : Mort de Stendhal. 1918 : Le premier obus allemand tombe sur Paris. 1967 : Création du Parc naturel des Pyrénées. 1998 : Lancement du satellite SPOT 4. 2013 : À 17 heures, le nouvel ensemble campanaire de Notre-Dame de Paris - détruit sous la Révolution et reconstitué - sonne pour la première fois...

    24 : 1776 : Turgot crée la Caisse d'Escompte, ancêtre de la Banque de France. 1794 : Anacharsis Cloots est guillotiné. 1860 : Nice et la Savoie deviennent françaises. 1905 : Mort de Jules Verne. 1934 : Citroën présente la Traction avant. 2010 : L'Armagnac récupère le fac-similé du premier texte mentionnant son nom, écrit par Maître Vital Dufour en 1310 !... 2014 : Mort de Jean-François Mattéi. 2018 : Sacrifice héroïque du Lieutenant-colonel Arnaud Beltrame...

    25 : 507 : Date possible de la bataille de Vouillé... 1873 : Fondation de l'École française de Rome. 1867 : Mort de Jacques Hittorf. 1914 : Mort de Frédéric Mistral.

    26 : 1686 : Inauguration de la Place des Victoires, à Paris. 1918 : Ferdinand Foch nommé Généralissime. 1973 : Création du Parc naturel des Écrins. 1980 : Création de la Société Arianespace. 2009 : Le franco-russe Mikhaïl Leonidivich Gromov reçoit le Prix Abel. 2012 : Ouverture du Muséoparc d'Alésia.

    27 : 1660 : Louis XIV visite Orange... 1785 : Naissance du duc de Normandie, futur Louis XVII. 1793 : Proclamation des Chouans du Morbihan de La Roche Bernard. 1893 : Mort d'Alphonse Beau de Rochas. 1917 : Les Allemands dynamitent le donjon et les tours du château de Coucy... 1926 : Mort du Duc d'Orléans, celui qui aurait été Philippe VIII. 1927 : Naissance de François Furet.

    28 : 58 Avant J.C. : Les Helvètes entament leur migration vers la Gaule... 1854 : Début de la Guerre de Crimée. 1892 : Naissance de Jacques Schiffrin, aux origines de La Pléiade... 1910 : Premier vol d'un hydravion. 1935 : Jacques Bainville est élu à l'Académie française. 1994 : Mort d'Eugène Ionesco. 2009 : Parution de  "Crois ou meurs ! Histoire incorrecte de la Révolution française"

    29 : 1796 : Charette est fusillé. 1967 : Lancement du premier sous-marin nucléaire français, Le Redoutable. 1984 : Léopold Sédar Senghor, premier Africain reçu à l'Académie française. 2017 : Annonce de la découverte de deux mosaïques romaines à Uzès...

    30 : 1349 : Le Dauphiné devient français. 1660 : Louis XIV crée l'Académie Royale de Danse, aux origines directes de L'Opéra de Paris. 1707 : Mort de Vauban. 1815 : Louis XVIII arrive à Gand, capitale du Royaume de France pendant les Cent-Jours... 1842 : Mort de Madame Vigée-Lebrun. 1844 : Naissance de Verlaine. 1930 : Première élection de la Reine d'Arles.

    31 : 1282 : Massacre des Français à Palerme, lors des "Vêpres siciliennes". 1519 : Naissance du futur Henri II. 1547 : Mort de François Premier. 1640 : Création du Louis d'or. 1814 : Publication de la brochure de Chateaubriand "De Buonaparte et des Bourbons...". 1887 : Naissance de Saint John Perse. 1889 : Inauguration de la Tour Eiffel. 1905 : Guillaume II débarque à Tanger... 1910 : Du Yunnan à l'Indochine : inauguration du "Train des Français"... 2015 : Bénédiction de la première Stèle honorant les consacrés engagés morts pour la France en 14-18... 

     

    Et pour les Éphémérides des mois de Janvier et de Février :

    Éphémérides du mois de Janvier...

    Éphémérides du mois de Février...

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  • Éphéméride du 28 mars

    1994 : Mort d'Eugène Ionesco, de l'Académie française

     

     

    58 Avant J.C. : Les Helvètes entament leur migration vers la Gaule 

     

    28 mars,guerre de crimée,alma,sébastopol,malakoff,mac mahon,hydravion,ionesco,charles x,napoléon iii,henri favreEn l'an 58, sous la pression des Germains, les Helvètes résolurent de quitter leurs montagnes et d'aller s'établir à l'Ouest, plus loin de ces ennemis menaçants : en Gaule. Mais les Gaulois, dont plusieurs tribus étaient déjà alliées de Rome en général, et de César en particulier, firent appel à celui-ci pour repousser ce qui était, de fait, une invasion pour eux, même si, pour les Helvètes, il ne s'agissait que de fuir devant la "pression" des Germains.

    28 mars,guerre de crimée,alma,sébastopol,malakoff,mac mahon,hydravion,ionesco,charles x,napoléon iii,henri favreJules César a relaté son intervention en Gaule contre les Helvètes, les Rauraques, les Boïens, les Latobices et les Tulinges : un premier affrontement à Genève, où les Helvètes ne purent enfoncer les lignes romaines, puis les Helvètes prenant la direction de la Loire, suivis par les six légions de César.

    Le premier affrontement se produisit sur l'Arar (aujourd'hui la Saône), début juin : Labienus, le lieutenant de César, attaqua par surprise les Helvètes qui n'avaient pas encore traversé le fleuve, en tuant un grand nombre, le reste de l'armée helvète étant à l'abri sur l'autre rive. Après ce combat, César fit construire un pont sur la Saône pour poursuivre le gros de l'armée helvète : pendant deux semaines, il les suivit vers le nord, mais il n'y eut que quelques accrochages entre les cavaleries des deux camps.  

    Après ces quatorze jours de poursuites, César et Labienus se dirigèrent vers Bibracte, la capitale de leurs alliés Eduens, pour y chercher des vivres, laissant les Helvètes poursuivre leur chemin; mais ces derniers rebroussèrent chemin et attaquèrent l'armée romaine.

    Engagée vers midi, la bataille de Bibracte dura jusque tard dans la nuit; les Helvètes se replièrent finalement vers la région de Langres, où, faute de soutien, ils durent capituler.

    28 mars,guerre de crimée,alma,sébastopol,malakoff,mac mahon,hydravion,ionesco,charles x,napoléon iii,henri favreMais Jérôme Carcopino (ci contre) a bien expliqué pourquoi César ne voulut pas massacrer les Helvètes, et les laissa, au contraire, rentrer dans leurs montagnes : César voulait d'abord éviter qu'un pays si peu éloigné de Rome restât désert, et que les Germains s'en emparassent; il voulait aussi gagner une renommée de clémence, qui lui serait politiquement fort utile, par la suite.

    Le champ de bataille de Bibracte se situe sans doute à Montmort (Saône-et-Loire), où des fouilles ont mis au jour un fossé vraisemblablement creusé par les légionnaires de César, et cette bataille de Bibracte mit ainsi fin à la migration des Helvètes au début de la Guerre des Gaules.

    Le courage helvète fut relevé par César lui-même ("personne ne put voir un ennemi tourner le dos", écrit-il), mais, pourtant, Bibracte n'eut pas, en Suisse, la valeur emblématique d'Alésia en Gaule. 
    • www.littlearmybuilder.com/articles/bibracte_1 

     

    Cinq mois après avoir été appelé par les Gaulois pour les protéger contre les Helvètes, César sera de nouveau appelé par eux pour les protéger d'une nouvelle menace, encore plus dramatique : l'invasion germanique menée par Arioviste. César répondra favorablement à cette seconde demande, écrasera et refoulera les Germains (voir l'Éphéméride du 5 août) comme il avait écrasé et refoulé les Helvètes; mais, cette fois, il ne partira plus de la Gaule... 

     

    Les Basques puis les Celtes constituent les premiers peuplements connus de la Gaule, qui allait devenir la France. Sur ces deux populations premières vint se greffer l'influence décisive des Grecs et des Romains : voilà pourquoi nous évoquons largement, dans nos Éphémérides, les pages fondatrices de notre identité profonde que nous devons à l'Antiquité : voici le rappel des plus importantes d'entre elles, étant bien entendu qu'un grand nombre d'autres Éphémérides traitent d'autres personnalités, évènements, monuments etc... de toute première importance dans le lente construction du magnifique héritage que nous avons reçu des siècles, et qui s'appelle : la France...

     

    En réalité, si la conquête de la Gaule était nécessaire à César pour sa prise du pouvoir à Rome, il faut bien admettre que "le divin Jules" avait été appelé à l'aide, en Gaule, par les Gaulois eux-mêmes, incapables de s'opposer au déplacement massif des Helvètes, quittant leurs montagnes - en 58 avant J.C - pour s'établir dans les riches plaines du sud ouest; César vainquit les Helvètes à Bibracte (voir l'Ephéméride du 28 mars); cinq mois plus tard, envahis par les Germains d'Arioviste, les Gaulois le rappelèrent une seconde fois : César vainquit et refoula les Germains au-delà du Rhin (voir l'Éphéméride du 5 août); et, cette fois-ci, auréolé de ses deux prestigieuses victoires, et gardant plus que jamais en tête son objectif premier (la conquête du pouvoir à Rome), César ne voulut plus se retirer de cette Gaule où on l'avait appelé, et dont la conquête serait le meilleur tremplin pour ses ambitions politiques à Rome... Il fallut six ans à Vercingétorix pour fédérer les divers peuples de Gaule contre le sauveur romain : le soulèvement général commença par le massacre des résidents romains à Cenabum (l'actuelle Orléans), en 52 (voir l'Éphéméride du 23 janvier); le 28 novembre de la même année, Vercingétorix remporta la victoire de Gergovie (voir l'Éphéméride du 28 novembre); mais, moins d'un an après, enfermé dans Alésia, Vercingétorix vécut l'échec de l'armée de secours venue à son aide de toute la Gaule (voir l'Éphéméride du 20 septembre) : il capitula une semaine après (voir l'Éphéméride du 27 septembre). Emmené captif à Rome, il fut mis à mort six ans plus tard, en 46 (voir l'Éphéméride du 26 septembre)...

     

    Cependant, dans sa conquête des Gaules, César n'eut pas seulement à lutter contre les tribus gauloises proprement dites : il s'opposa également à Massalia, puissance amie et alliée de Rome, mais qui ne voulut pas choisir entre César et Pompée lorsque la guerre civile éclata entre ceux-ci : César réduisit Massalia, mais avec difficulté (voir nos trois Éphémérides des 19 avril, 27 juin et 31 juillet)...

     

      Enfin, pour être tout à fait complet avec le rappel de ce que l'on peut trouver dans nos Éphémérides sur ces pages de notre Antiquité, mentionnons également nos trois Éphémérides traitant de :

    la victoire sur les Cimbres et les Teutons, remportée par Caius Marius, oncle par alliance de Jules César en 86 (il avait épousé sa tante, Julie, et mourut en 86 : voir l'Éphéméride du 17 janvier);

    l'assassinat de Jules César en 44 Avant J-C (voir l'Éphéméride du 15 mars);

    notre évocation de Massalia, sa puissance et son rôle à l'époque (voir l'Éphéméride du 11 avril)...

     

     

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    1854 : Début de la Guerre de Crimée

     

    La France et l'Angleterre déclarent la guerre à la Russie : c'est le début de la Guerre de Crimée.

    La petite histoire en retiendra que plusieurs noms qui résonnent familièrement à nos oreilles viennent de là, comme Alma, Sébastopol ou Malakoff. 

    Et que c'est à Malakoff, précisément, que, le 7 septembre 1855, le général Patrice de Mac Mahon (ci dessous), après avoir brillamment conquis les positions russes prononça son fameux "J’y suis ! J’y reste". 

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    En son for intérieur, Mac Mahon était royaliste, mais, plus encore, légaliste et formaliste. Sa femme, beaucoup plus jeune que lui, était beaucoup plus militante, et devait d'ailleurs accepter la présidence d'honneur des Comités d'Action française à la création de celle-ci. L'ardeur politique de son mari était, hélas, bien que réelle, beaucoup moins intense...
    C'est ainsi qu'il "manqua" au Comte de Chambord, et qu'il porte sa part de responsabilité dans l'échec de la restauration en 1875 : voir l'Éphéméride du 24 août)...

     

    Plus profondément, on en retiendra aussi que c'est le premier conflit de l’ère industrielle, avec la projection à des milliers de kilomètres de dizaines de milliers de soldats, et l’utilisation d’armes nouvelles: le cuirassé, l’obus explosif. Et que c’est aussi la première guerre que la photographie va immortaliser. Les victoires se succéderont, dont celle, le 19 septembre 1854, de la rivière de l’Alma (ci dessous), qui "efface la défaite de Waterloo", pensèrent certains.

    Mais pour le reste, les résultats de cette aventure sont loin d'être glorieux...

    De Jacques Bainville (Histoire de France, chapitre XX, La deuxième République et le Second empire) :

    "...Charles X avait songé à effacer les conséquences de Waterloo par une alliance avec le tsar en lui laissant le mains libres en Turquie. C'était une combinaison renouvelée de Tilsit. Napoléon III la renversa. C'est avec l'Angleterre, pour défendre l'intégrité de l'Empire ottoman, qu'il s'allia en 1854 contre la Russie. Guerre habilement choisie à tous les points de vue. Elle assurait à Napoléon III l'alliance anglaise. Elle était agréable, en France, aux catholiques, parce qu'elle avait pour prétexte le conflit des Lieux Saints revendiqués par les Russes schismatiques, et aux républicains qui haïssaient le tsar autocrate, le "tyran du Nord", persécuteur de la Pologne. Enfin, quand la puissance russe serait ébranlée, le champ deviendrait libre pour une intervention de la France en faveur des nationalités.

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    La guerre de Crimée ne devait pas nous rapporter autre chose. Après un siège d'un an, auquel l'armée française avait pris la plus grande part, Sébastopol tomba, la Russie s'avoua vaincue. Au congrès qui se tint à Paris en 1856, la France apparut comme la première puissance du continent. Napoléon III semblait avoir effacé et les revers de Napoléon 1er et le recul de la France, dans ce même Orient, en 1840. La Russie était refoulée loin de Constantinople. Elle était humiliée, affaiblie : de cette humiliation, il lui resterait une rancune contre nous. Seulement, l'Angleterre n'avait pas permis que les questions auxquelles Napoléon III tenait le plus, celle de Pologne, celle d'Italie, fussent même effleurées. Satisfaite de l'affaiblissement de la Russie, l'Angleterre se détachait déjà de nous.

    Ainsi, derrière des apparences de gloire et de grandeur, d'amères réalités se cachaient. En Prusse, un homme redoutable commençait sa carrière et il avait vu tout de suite le parti que son pays pouvait tirer de cette nouvelle situation : c'était Bismarck. La Prusse était la puissance la plus intéressée à un remaniement de l'Europe, parce que, sans la suppression de l'ordre de choses créé en 1815, elle ne pouvait pas expulser l'Autriche de la Confédération pour fonder à son profit l'unité allemande. La Russie venait d'être humiliée à Sébastopol comme la Prusse l'avait été à Olmütz. L'Autriche, "étonnant le monde par son ingratitude", avait abandonné le tsar qui l'avait sauvée de la révolution hongroise. La Prusse, en se rapprochant de la Russie ulcérée, préparait le moyen de dominer librement l'Allemagne..."

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    Guerre de Crimée, Roger Fenton, 1855 Coll. Musée d'Orsay, Paris

     

     

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  • Dans notre Éphéméride de ce jour : le martyre de l'enfant-Roi Louis XVII...

    1785 : Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie

     

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    Terrible destin que celui de l'enfant qui naît ce jour-là :

     

    il sera l'Enfant massacré, qui ne devint jamais grand;

    il sera le deuxième Roi martyr... 

     

    "Les Français le savent-ils ? Au coeur de leur Histoire, il y a un infanticide. Cet infanticide fonde la légitimité de leur État moderne. Un enfant-roi a été sacrifié volontairement sur l'autel du Moloch républicain. La Terreur ? Un procédé de gouvernement inventé par la République, recopié jusqu'aujourd'hui et on sait comment. Des têtes coupées pour exprimer un nouveau droit absolu de diriger le monde ? C'est qu'il fallait que le sang royal et populaire giclât pour fonder l'ordre nouveau. C'est ainsi que la France se dit encore aujourd'hui un modèle pour le monde. Effectivement ! Et l'Enfant-roi Louis XVII ? Eh bien, ce fut pire : après avoir tué le roi parce qu'il était roi, la bande qui prétendait diriger la Révolution, comité de salut public en tête avec Robespierre et Commune de Paris avec son procureur et son substitut, Chaumette et Hébert, décidèrent de faire du petit Capet l'instrument de la condamnation de sa mère et il eut à cet effet pour précepteur Simon l'alcoolique. Puis l'horreur, savamment voulue, ayant été accomplie, il fallait, en enfermant l'enfant de manière ignoble, le réduire en rebut de l'humanité. Ce fut consciemment voulu, strictement exécuté. Thermidor ne le sauva pas. Mais, du moins, un peu d'humanité entoura ses derniers moments. Il mourut, il avait dix ans... Le crime est là, injustifiable" (Hilaire de Crémiers)

    Le martyre du petit Roi constitue "le" crime absolu, l'horreur suprême. À la tache indélébile qu'il représente pour ceux qui l'ont accompli s'ajoute, comme pour le rendre pire encore, sa négation même. Le fait qu'il soit totalement occulté, totalement nié, est constitutif du délit de négationnisme, qui se mue en mémoricide, exactement comme pour le génocide vendéen, jamais reconnu, toujours ignoré dans l'histoire officielle, qui repose sur le mensonge...

    Pour évoquer sobrement l'enfant-martyr, voici la splendide Ôde à Louis XVII que lui a consacré Victor Hugo, et le terrible portrait de Greuze, des tous premiers mois de 1795, soit très peu de temps avant la mort du petit Roi... 

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    I : L'Ode à Louis XVII, de Victor Hugo

     

    I

    En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent;
    Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent;
    Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés;
    Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
    Venir une jeune âme entre de jeunes anges
    Sous les portiques étoilés.

    C'était un bel enfant qui fuyait de la terre;
    Son œil bleu du malheur portait le signe austère;
    Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants;
    Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
    Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
    La couronne des innocents.

    II

    On entendit des voix qui disaient dans la nue :
    – "Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue;
    Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir;
    Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
    Séraphins, prophètes, archanges,
    Courbez-vous, c’est un roi; chantez, c'est un martyr !"

    – "Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
    Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
    Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre.
    Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
    Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère;
    Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel;
    Je suis un orphelin; je viens chercher ma mère,
    Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel."

    Les anges répondaient : – "Ton Sauveur te réclame.
    Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme.
    Fuis la terre insensée où l'on brise la croix,
    Où jusque dans la mort descend le régicide,
    Où le meurtre, d'horreurs avide,
    Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois"

    – "Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
    Disait-il; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
    Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste,
    Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ?
    Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine,
    J'ai prié; Dieu veut-il enfin me secourir ?
    Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
    Ai-je eu le bonheur de mourir ?

    Car vous ne savez point quelle était ma misère !
    Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs;
    Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère
    Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
    D'un châtiment sans fin languissante victime,
    De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
    J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime
    J'avais commis dans mon berceau.

    Et pourtant, écoutez : bien loin dans ma mémoire,
    J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi;
    J'entendais en dormant des bruits confus de gloire,
    Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
    Un jour tout disparut dans un sombre mystère;
    Je vis fuir l'avenir à mes destins promis
    Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre,
    Hélas ! et j'eus des ennemis !

    Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires;
    Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil;
    Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
    Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil.
    Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
    Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux;
    Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
    Car je viens vous prier pour eux."

    Et les anges chantaient : – "L'arche à toi se dévoile,
    Suis-nous; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
    Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils;
    Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure,
    Ou, dans leur brûlante demeure,
    D'un souffle lumineux rajeunir les soleils !"

    III

    Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent;
    Il baissa son regard par les larmes terni;
    Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent,
    Et l'éternelle voix parla dans l'infini :

    "Ô roi ! je t'ai gardé loin des grandeurs humaines.
    Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes.
    Va, mon fils, bénis tes revers.
    Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême,
    Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème,
    Si tes bras sont meurtris de fers.

    Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie;
    Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie
    Avait entouré ton berceau !
    Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines,
    Et mon Fils, comme toi, roi couronné d'épines,
    Porta le sceptre de roseau."

    Décembre 1822.

     

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    II : Le portrait de Greuze

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               Portrait de Louis XVII, par Greuze, premiers mois de 1795 (peinture à l'huile, 466 mm x 368).

              

    L'enfant a les yeux d'un bleu vif, les cheveux blonds, chemise blanc crème; bretelles gris brunâtre.

    Le portrait où l'enflure du visage, le teint blafard, l'attitude affaissée, trahissent un état de maladie avancée, date, selon toute vraisemblance, de 1795. Il ne peut avoir été exécuté que d'après une impression directe.

    Greuze essaie une dernière fois d'idéaliser cet enfants que ses bourreaux ont transformé en loque humaine, que Laurent a décrassée et revêtue de linge blanc. Mais il devra le peindre enflé, jaune, dos courbé, poitrine rentrée, yeux injectés de sang, assis semble-t-il sur son lit, avec une chemise et des bretelles, manquant de force pour se lever. Comme on n'a jamais retrouvé le profil tracé par Belanger le 31 mai 1795, le portrait de Greuze, où l'on sent une impression directe, est le dernier portrait certain de Louis XVII.

    Le fils de Louis XVI s'y reconnaît encore au nez fin et rectiligne, au menton fort et à fossette, aux sourcils légers, aux yeux bleus et écartés, aux cheveux blonds et soyeux. Mais, dit M. G. Lenotre (références ci dessous), ce "teint blafard, ce nez aminci, ces yeux bouffis et touchants, c'est déjà presque le masque d'un mort" :

     

    "Une peinture de GREUZE (ci-dessus, donc) nous le montre tel qu'il était quelques semaines plus tard (après la visite de Barras). Laurent, le créole, son nouveau gardien, l'a soigneusement peigné, lavé et revêtu de linge blanc...: le teint blafard, le nez aminci, les joues bouffies et tombantes - car l'enfant "tournait au gras" ; c'est déjà presque le masque d'un mort; c'est la dernière image, en effet, qu'on ait du fils de Marie-Antoinette, car le dessin pris au Temple par Bellanger huit jours avant le décès, n'a jamais été retrouvé." (G. Lenotre, De Belzébuth à Louis XVII. Grasset 1950, p. 119-120).

     

    Sur Louis XVII, voir également l'Éphéméride du 8 juin (jour de sa mort, qu'il conviendrait d'appeler - mieux - sa délivrance) et l'Éphéméride du 19 avril (sur les travaux de Philippe Delorme, établissant définitivement que l'enfant mort au Temple est bien Louis XVII)...

    Et, sur les travaux de Philippe Delorme, plus précisément :

    •louis17.chez.com/bio_louisXVII.htm

     • louis 17.chez.com

  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (142)

     

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Caillaux, Malvy, Vigo/Almereyda, "Le Bonnet rouge"...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Dans les documents qui vont suivre, Daudet parlera souvent de ces trois personnes et de ce journal, et le lecteur d'aujourd'hui ne comprendrait rien à des accusations portant sur des faits vieux d'un siècle, maintenant, sans un minimum d'informations sur ces trois personnes et sur ce journal...
    On a, bien sûr, parfaitement le droit d'être "pacifiste" : l'Action française, elle, a toujours préféré être "pacifique", appliquant la vieille maxime romaine, "Si vis pacem, para bellum", pensant que la meilleure manière d'écarter la guerre était d'être militairement fort, inspirant à un adversaire potentiel une crainte salutaire, le dissuadant de nous attaquer; plutôt que de proclamer, en paroles, un désir de paix, alors qu'on attaquait l'armée, déchaînant un antimilitarisme démoralisant, et qu'on laissait le pays dans un état de faiblesse qui "appelait" justement une attaque ennemie...
    De même, on a bien sûr parfaitement le droit d'être partisan d'un rapprochement et d'une entente franco-allemande.
    Mais, lorsqu'on est dans les années qui précèdent une guerre dont on ne sait pas "quand" elle va éclater, mais dont on est sûr qu'elle va éclater, car le Kaiser allemand a massé ses 800.000 hommes de troupes à nos frontières et multiplie les provocations contre la France depuis plus de dix ans : alors, là, la frontière entre l'opinion "pacifiste", le désir d'entente franco-allemand et le défaitisme devient très floue, très poreuse; et, l'anti-militarisme aidant, on n'est pas loin de favoriser, de fait, les actions de l'ennemi.
    Ce qui s'appelle, en bon français, la trahison.
    C'est la thèse que défendaient Daudet et L'Action française, qui attaquèrent sans relâche, durant les quatre année de la guerre, les "ennemis de l'intérieur", ceux qui étaient, au moins objectivement - sinon plus... - les "alliés de l'Allemagne"...

    1. Joseph Caillaux.

    Ministre des Finances dans le gouvernement Clemenceau, en 1909, le Président de la République, Armand Fallières, lui demanda, le 27 juin 1911 - alors qu'il était chef du Parti radical - de constituer le nouveau gouvernement.
    Dans ce gouvernement, Caillaux occupa, outre les fonctions de président du Conseil, celles de ministre de l'Intérieur et des cultes.
    Méfiant à l'égard de l'alliance russe, et désireux de trouver un accord avec l'Allemagne, il se montra partisan d'un compromis avec elle lors du "coup d'Agadir", négociant la liberté de manœuvre de la France au Maroc contre la cession à l'Allemagne de territoires français en Afrique centrale (Congo).
    Il mena directement les négociations, en écartant son propre ministre des Affaires étrangères, Justin de Selves, et passa essentiellement par Jules Cambon, ambassadeur de France en Allemagne.
    Le Quai d'Orsay apprit par hasard ces négociations, en déchiffrant des messages codés entre le gouvernement allemand et Lancken, un aventurier prussien. Finalement, l'accord se fit entre Jules Cambon et Kinderlen, le ministre des Affaires étrangères allemand.
    Néanmoins, les traces des négociations informelles, que Caillaux niera avant son procès, seront utilisées par l'accusation lors de celui-ci.
    Ratifiée sans difficulté devant la Chambre, la convention franco-allemande rencontra une opposition acharnée au Sénat, parce que Caillaux nia l'existence des tractations secrètes, au sein même du gouvernement.
    Le ministre des Affaires étrangères, de Selves, humilié, démissionna, et le gouvernement Caillaux chuta le 11 janvier 1912.
    Il fut remplacé par Raymond Poincaré.
    Le 9 décembre 1913, il devint ministre des Finances dans le gouvernement Gaston Doumergue.
    Au début de 1914, Gaston Calmette, directeur du Figaro, engagea une violente campagne de presse contre sa politique, créant une vaste polémique dans les partis et les journaux, la gauche le soutenant fidèlement, tandis que la droite l'attaquait sans ménagement.
    Toutefois, à la suite de la publication de lettres intimes, excédée par une violente campagne menée par le quotidien contre son mari, son épouse Henriette se rendit au Figaro, et, dans le bureau de Gaston Calmette, tira six balles sur lui, dont quatre mortelles.
    Arrêtée, Henriette Caillaux fut inculpée de meurtre avec préméditation.
    Contraint de démissionner le 17 mars 1914, Caillaux défendit sa femme lors du procès, qui s'acheva le 31 juillet.
    Réélu, malgré cette "affaire", lors des élections de 1914, il intervint peu dans les débats politiques. Hostile à la guerre, il devint le chef de file des partisans d'une paix sans annexions ni indemnités, et se borna à effectuer des missions en Argentine en 1914 et en Italie en 1917.
    Après l'arrivée au pouvoir, le 16 novembre 1917 de son vieil ennemi, Clemenceau, dont la politique de guerre sans ambiguïté rencontra le soutien des droites et des nationalistes, et qui assimilait les positions politiques de Caillaux à la trahison, Caillaux fut impliqué dans les affaires Bolo Pacha et du "Bonnet rouge".
    Il fut accusé par Léon Daudet de "trahison systématique, altière et doctrinaire" et abandonné de la plupart, y compris de ses amis radicaux; la Chambre vota la levée de son immunité parlementaire en décembre 1917, à la demande du "Tigre", et il fut arrêté, le 14 janvier 1918, pour "intelligence avec l'ennemi".
    Accusé, lors de l'instruction, de trahison et de complot contre la sûreté de l'État, il fut traduit devant le Sénat, réuni en Haute Cour de justice.
    Partageant son temps entre la prison de la Santé et l'assignation à résidence, il fut jugé deux fois, avant d'être condamné en février 1920, après la fin du conflit, à trois ans d'emprisonnement et à la privation de ses droits civiques pour le seul chef de "correspondance avec l'ennemi".

    2. Louis Jean Malvy était ministre de l'Intérieur lors de la Première Guerre mondiale.
    Partisan d'une paix blanche, il fut soupçonné de pacifisme.
    Tenu responsable de l'échec de la bataille du Chemin des Dames, il démissionna de son poste ministériel fin août 1917, entraînant la chute du Gouvernement Alexandre Ribot.
    Léon Daudet, rédacteur en chef du quotidien L'Action française, envoya une lettre à Clemenceau qui accusait Malvy d'avoir fourni des renseignements militaires à l'Allemagne et d'avoir fomenté les mutineries de 1917 .
    Cette lettre fut lue à l'assemblée nationale par le président du Conseil Paul Painlevé le 4 octobre. Espérant être disculpé Malvy demanda à ce qu'une commission soit mise en place pour juger son action.
    Il fut arrêté sur ordre de Clemenceau de même que Joseph Caillaux.
    Après deux jours d'audience au Sénat, il fut condamné par la haute cour de justice le 6 août 1918; innocenté du crime de trahison, il fut reconnu "coupable d'avoir - agissant comme ministre de l'intérieur dans l'exercice de ses fonctions - de 1914 à 1917, méconnu, violé et trahi les devoirs de sa charge dans des conditions le constituant en état de forfaiture et encouru ainsi les responsabilités criminelles prévues par l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875", selon l'extrait des minutes du Greffe de la cour de justice placardé sur les murs de Paris et de province, signé par le greffier et le procureur Mérillon.
    Il fut condamné à 5 ans de bannissement, et partit en exil en Espagne, puis fut amnistié en 1924.
    Il sera réélu député du Lot dès 1924, et ce jusqu'en 1940.
    Il sera de nouveau ministre de l'intérieur en 1926.

    3. Eugène Bonaventure Jean-Baptiste Vigo, militant anarchiste, dit Miguel Almereyda, était directeur du "Bonnet rouge".
    "Le Bonnet rouge" se voulait "organe de la défense républicaine", à la fois satirique, républicain et anarchiste,.
    Il fut publié à Paris, depuis son n° 1 (le 22 novembre 1913) jusqu'en 1922, et fut d'abord hebdomadaire (en 1913), puis quotidien (à partir de 1914).
    Il fut impliqué dans divers scandales lors de la Première Guerre mondiale, étant accusé notamment de défaitisme, et fut à ce titre une cible privilégiée de l'Action française.
    Il se compromit aussi avec un certain Bolo, dit Bolo-Pacha, l'ancien khédive d'Egypte lui ayant octroyé ce titre.
    Bolo pacha était un aventurier, condamné pour escroquerie, qui avait convaincu l'Allemagne de corrompre la presse française pour y publier des articles pacifistes destinés à atteindre le moral des Français.
    Arrêté en septembre 1918, après avoir reçu sur son compte 11 millions de marks en provenance de la Deutsche Bank, Bolo-Pacha fut jugé par le 3ème conseil de guerre en février 1918 et condamné à mort.
    Le capitaine Bouchardon, magistrat détaché comme juge d'instruction, découvrit plusieurs lettres de Caillaux dans les papiers de Bolo, qui firent peser des soupçons sur le patriotisme de l'ancien ministre des finances.
    Organe d'extrême gauche, le Bonnet Rouge a défendu le rapprochement franco-allemand avant le premier conflit mondial.
    En 1914, à la demande de Joseph Caillaux, le journal a publié des articles prenant la défense de sa femme, Henriette Caillaux, meurtrière de Gaston Calmette, le directeur du Figaro.
    Pendant la guerre, le directeur du Bonnet Rouge, Vigo/dit Almereyda, laissa la direction de son journal à un dénommé Duval, qui reçut de l'argent de l'étranger pour infléchir la ligne éditoriale : de pacifiste qu'il était, le journal devint franchement antimilitariste, provoquant l'intervention fréquente de la censure.
    Lorsqu'il enquêta sur l'origine des fonds versés au Bonnet Rouge, le capitaine Bouchardon, magistrat détaché comme juge d'instruction auprès du 3ème conseil de guerre, découvrit un échange de correspondances aimables entre Almereyda et... Caillaux !

  • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (53) : Quelques informations sur Le Commandant Dromard, premier Président

    (retrouvez notre sélection de "Documents..." dans notre Catégorie "Documents pour servir à une histoire de l'URP"...)

     

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    Ci-dessus, photo du Commandant Dromard, parue dans L'Almanach d'Action française pour l'année 1928 (page 347)

     

    On n'a malheureusement pas autant d'informations qu'on le souhaiterait sur le Commandant Dromard, qui fut le premier Président de notre Union Royaliste Provençale.

    Pourtant, son nom fut écrit des dizaines de fois dans L'Action française, lors des compte-rendus des grands Rassemblements royalistes (de Barbentane, le 29 mai 1927 ou de Roquemartine, le 5 août 1934, ci-dessus) ou des autres manifestations marseillaises et provençales, comme la double inauguration de la statue de Jeanne d'Arc, en haut de La Canebière, en 1942 et 1943 (voir ici, pour 1942, et ici, pour 1943).

    J'avais demandé à Pierre Chauvet - qui lui succéda à la tête de l'URP - et à Jean Lavoëgie - qui fut Chef des Camelots dans la "Dixième zone", la nôtre... - de me parler de lui; ainsi, bien entendu, qu'à mon père, Camelot marseillais de toujours : tous les trois, avec leurs mots à eux, différents mais se rejoignant sur le fond, me firent la même réponse : Dromard fut un serviteur fidèle et zélé de notre Cause, un Président actif et infatigable, toujours assidu à sa tâche, mais sans jamais d'accroc ni de dispute ou problèmes d'aucune sorte, ni de pas de côté, ni d'action(s) ou de décision(s) controversée(s). Tout entier donné à sa Cause, il ne vivait que pour servir : les gens heureux n'ont pas d'histoire, dit le dicton...

    Finalement, n'est-ce pas le plus beau des éloges que l'on puisse faire d'un Président de Fédération ? Pendant trente ans, du lendemain de la Guerre à sa mort, le premier mai 1950, il a servi, fidèlement, infatigablement, toujours là, toujours présent et actif, et le rappeler suffit pour lui rendre hommage, même si manquent photos et documents...

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    (cliquez sur le document pour l'agrandir)

    Louis, Francois, Marie Joseph Dromard fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur le 2 août 1920; puis promu Officier le 30 juin 1939...

    Il mourut le premier Mai 1950, à Marseille, où il demeurait (au 64, Boulevard Rabatau)

    (comme pour notre précédente livraison, traitant de L'Ordre Provençal, nous mettons en fin de cette note deux liens intéressants, en ceci qu'ils fournissent un grand nombre de noms, dates et lieux, personnalités; le tout mêlé dans un ensemble parfois un peu long, ennuyeux, voire "poussiéreux" : le lecteur en usera comme bon lui semble; pour notre part, nous en avons extrait certains des renseignements suivants...)

    François Davin

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    Ci-dessus et ci-dessous : après le Rassemblement royaliste de Roquemartine, le 5 Août 34, raconté dans le numéro de de L'Action française du mardi 7 août 34...

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    On trouvera dans les liens en bas de page les informations suivantes :

    "...Les années 1919-1922 voient une « réaction » du mouvement sous l’impulsion de quelques hommes nouveaux. Le plus important, celui qui allait réorganiser la section marseillaise et la diriger jusqu’à sa mort en 1950, étendant son influence sur le département puis la région, dans une fidélité totale au maître de Martigues, n’était pas d’origine provençale. Organisateur sérieux et compétent, d’une grande disponibilité il avait pour nom Louis Dromard.

    Né à Besançon le 15 juin 1878, ce fils d’un monteur de boîtiers de montres, profondément catholique, avait fait ses études chez les Eudistes qui dirigeaient le collège catholique de la capitale franc-comtoise; il avait préparé ensuite Saint-Cyr où il était entré en 1898. Sorti lieutenant en 1900, il avait démissionné en 1903 pour des raisons plus personnelles que politiques.

    Il s’était vu offrir une situation de courtier en graines oléagineuses dans le grand port méditerranéen. Il « descendit » donc vers le Sud, s’y associa avec un certain Devos, s’y maria, eut sept enfants, dont deux morts jeunes, et il ne quitta plus sa nouvelle patrie.

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    (cliquez sur le document pour l'agrandir)

     

    Parti en 1914 comme capitaine d’infanterie de réserve, il était revenu de la guerre avec une blessure, la Croix de guerre et le grade de commandant qui devait la plupart du temps accompagner son nom.

    Pour le seconder, on trouve deux disciples d’Esculape : le docteur Gilles qui, né à Marseille en 1860, habitait dans la banlieue ouvrière de Saint-Henri, et le docteur Roubion qui, né en octobre 1873 à Aups dans le Var, demeurait près de la gare Saint-Charles. Le premier assumera jusqu’en 1926 le secrétariat de la section tandis que le second va prendre, à partir de l’été 1920, la direction locale de « l’union des corporations françaises » et coiffer un groupe d’« études sociales ».

    Le Commandant Dromard habitait - on l'a dit - au 64, Boulevard Rabatau, à un jet de pierre de l'actuel Stade Orange Vélodrome...

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    Sur le document ci-dessus, on voit, à gauche, la signature du Commandant Dromard, "le récipiendaire" (à droite, celle du Général Délégué; cliquez sur le document pour l'agrandir...

     

    En 1942 et 1943, on inaugura à Marseille, sur la parvis de l'église des Réformés, en haut de La Canebière, la belle statue de Jeanne d'Arc, qui s'y trouve toujours. Naturellement, en sa qualité de président du Comité Jeanne d'Arc, le Commandant Dromard - assisté du jeune Pierre Chauvet qui devait lui succéder à sa mort, huit ans plus tard - prit toute sa part, qui fut importante, dans le mouvement qui conduisit à l'installation de cette statue : dans les deux compte-rendus de L'Action française qui rapportent l'évènement, le Commandant Dromard y est appelé "Inspecteur général de L'Action française" ! Bigre ! :

    • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (50) : Dimanche 10 Mai 1942, Marseille : première inauguration de la statue de Jeanne d'Arc aux Réformés, en haut de La Canebière...(Acte 1)

    • Documents pour servir à une Histoire de l'URP (50) : Dimanche 9 Mai 1943, Marseille : deuxième inauguration de la statue de Jeanne d'Arc aux Réformés, en haut de La Canebière...(Acte 2)

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    En septembre 1934, le Commandant Dromard fit partie des quatre cents "heureux" qui accompagnèrent le Dauphin, futur Henri VI, lors de la croisière du Campana; avec Maurras, Pujo, Calzant, Lacour, Gaudy...; puis il accompagna Maurras pour le traditionnel banquet annuel de Martigues, et la non moins traditionnelle visite de Maurras à Manosque : toutes choses dont nous parlerons très bientôt, ici-même, et qui permettent, là-aussi, de glaner de précieux renseignements sur le Commandant Dromard, car L'Action française en parla, de cette croisière du Campana, durant tout le mois de septembre, surtout sous la plume alerte de Georges Gaudy, qui rapporte un grand nombre d'anecdotes savoureuses ou émouvantes, telle celle-ci (dans l'AF du 25 septembre 34) :

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    En octobre 1907 fut créé dans la cité phocéenne un groupe d’études, bientôt transformé en section d’Action française. Son président était Paul Vernet, sous-directeur de la compagnie de navigation Cyprien Fabre. En avril 1908, Aix vit naître à son tour une section présidée par Urvoy de Closmadeuc, breton devenu méridional par son mariage avec une de Foresta; à la même époque apparut la section d’Avignon avec l’avocat Joseph Amic et le commandant Barre.

    Le 5 mars 1909, tous les militants marseillais accueillirent la marquise de Mac Mahon. Un mois auparavant, le 25 janvier 1909, les Camelots du Roi avaient "chahuté" une représentation au théâtre du Gymnase : vingt-sept d’entre eux furent interpellés, dont l’un, l'étudiant Joseph Lambert, 24 ans, sera le premier responsable des Camelots du Roi...

    L’Action française participa à l’Union sacrée, pendant toute la Guerre : les sections, souvent formées d’hommes jeunes, vont payer un lourd tribut au conflit. Dès août 1914, deux membres notoires de la section marseillaise sont tués au sein du XVème Corps d’armée : le commandant Marnas dont le fils était l’un des animateurs du groupe des lycéens et le lieutenant de chasseurs alpins Emmanuel Court de Payen descendant d’une longue lignée de "savonniers du Roi".

    Rassemblement royaliste à Barbentane, le 29 mai 1927

     

    Ils sont bientôt suivis en septembre par deux autres héritiers de vieilles familles "blanches" : Pierre Abeille et Guy de Lombardon-Montezan. Au total, rien que dans la cité phocéenne 46 ligueurs vont être tués ou blessés soit un bon tiers de la section. Aix compte neuf morts parmi lesquels Jean de Monval, fils et petit-fils de membres du comité légitimiste, Pierre Jourdan fils de notaire qui, à peine sorti du collège catholique, avait contribué au lancement en 1911 de la revue Les Quatre Dauphins, et Lionel des Rieux, quadragénaire, descendant des « seigneurs d’Orange », poète et condisciple de Maurras, que Bainville appréciait tant; Bainville qui aimait à citer l'alexandrin de Lionel des Rieux, parlant de Mistral :

    "Sous un toit de Maillane, Homère vit encore..."

    À Maillane, patrie de l’ "Homère provençal", on dénombre quatorze morts sur quarante ligueurs, à Saint-Rémy treize sur cinquante…

    C'est dans ce contexte qu'eut lieu, après la Guerre, la ré-organisation du mouvement, et qu'intervint, en Provence, le Commandant Dromard...

    En avril 1920, Marcel Viel, avocat de 36 ans, seul survivant des orateurs nîmois d’avant-guerre, s’est inscrit au barreau de Marseille et devient vice-président de la section. Au même moment un autre Gardois, Jules Servent, se voit confier la reconstitution d’un groupe de Camelots et d’une équipe de Commissaires.

    Simultanément les femmes et les filles de ligueurs retrouvent des organisations plus anciennes où, au devoir traditionnel de charité, s’ajoutent des activités plus politiques : conférences et surtout rôle non négligeable dans la collecte des souscriptions et des abonnements. Les jeunes filles se reconstituent sous l’impulsion de Marguerite de Ribbe nommée déléguée régionale en 1919... 

    De 1922 à 1926, l’Action française continue sa progression : au mois de mars 1922, Jean-Austin Brunel, issu de la petite bourgeoisie catholique de Nîmes, se voit confirmer au poste de secrétaire de la "Dixième zone" zone, qui regroupe la Provence et les départements languedociens du Gard et de l’Hérault. Au congrès national qui a lieu dans la deuxième semaine de juin 1922, il passe en revue les sections et insiste sur le réveil du Comtat venaissin : "...La section de Cavaillon, réduite à 28 membres en 1919, a retrouvé le quorum (c’est-à-dire au moins 40 membres) sous la conduite de Charles Fraisse, commandant dans la réserve et confiseur dans le civil... Avignon reste un point fort avec 75 ligueurs et un groupe actif de camelots et étudiants confié à Henri Lavalade, jeune cheminot, et Xavier Larue, journaliste. En Vendée provençale, il signale "qu’Arles se reconstruit sous l’impulsion de maître Doutreleau et que Saint-Rémy atteint 50 ligueurs sous l’autorité respectée du marquis de Lagoy". À Maillane Frédéric Mistral neveu est très actif mais il est d’abord "régionaliste"...

    Jean-Austin Brunel salue aussi l’importance prise par la section de Nice, sous la direction de Georges Sauvan, propriétaire terrien, de l’avocat Prosper Capdevielle avec l’appui du comte d’Estienne d’Orves... Dans cette « terre de mission » qu’est encore le Var, la section de Toulon va naître en janvier 1923 sous l’impulsion de personnalités venues de l’extérieur : le rentier stéphanois Antoine Richard et le capitaine de frégate en retraite Félix Ollivier, originaire de Tournay (Charente) mais marié depuis 1898 à une Toulonnaise... Simultanément quelques ligueurs se regroupent à Draguignan, Brignoles et Hyères autour de trois propriétaires terriens : le baron de Rasque de Laval, le colonel des Portes de la Fosse et le comte de David-Beauregard.

    Vers la même époque Jean de Saporta, dont la famille a de fortes attaches à Aix et à Saint-Zacharie, non loin de Roquevaire, réussit à partir du château du Rousset qu’il possède près de Gréoux-les-Bains à "implanter quelques graines dans le sol rocailleux des Basses-Alpes". Dans cette phase d’expansion, les élections de mai 1924 marquées par la victoire du Cartel des gauches, après la belle Chambre Bleu-horizon, sont plutôt un facteur favorable dans la mesure où elles ne peuvent que décevoir tous ceux qui pensaient avoir trouvé en 1919 une "bonne République conservatrice"...

    Pour mieux faire entendre la voix du "salut national", la section phocéenne décide de lancer en octobre 1924 un bulletin mensuel intitulé l’Ordre marseillais, qui deviendra très vite L'Ordre Provençal. Nous avons évoqué (trop) rapidement cela dans notre livraison précédente :

    Documents pour servir à une Histoire de l'URP (52) : Marseille, 19 Novembre 1933, Grande réunion et Grand Banquet médical autour de Maurras et Georges Claude...

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    Deux liens à consulter, si le coeur vous en dit... :

    https://books.openedition.org/septentrion/39273?lang=fr

    https://books.openedition.org/psorbonne/69669?lang=fr

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