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Maîtres et témoins...(II) : Jacques Bainville.

1919 : "Comment est née la Révolution russe"....

1919 : "Comment est née la Révolution russe"....

C'est de cette mission en Russie que Bainville rapportera cet ouvrage.
Parmi les raisons de la révolution russe, Bainville relève principalement l'incapacité du pouvoir à se renouveler, donnant en exemple l'évolution des assises sociales de la maison de Savoie, à l'heure du Risorgimento, cherchant à faire corps avec la nation.
Bainville nous montre au contraire, en Russie, un pouvoir victime des réformes mises en oeuvre par les prédécesseurs de Nicolas II. D'institutions qui avec le temps entraînent le pouvoir politique dans leur décomposition et leur combat pour la défense de leurs intérêts particuliers.
La crise politique se révèle alors dans le sentiment des populations de ne plus être gouvernées autrement que par l'arbitraire, quand la mise en avant des "traditions" ne parvient plus à dissimuler le vide des projets et des ambitions pour la nation...

(Extraits) :

1. "...Nous croyons, sans pédantisme, pouvoir dire que ce qui aura surtout manqué à Nicolas II, parmi ses précepteurs, c'est un bon professeur d'histoire. Il est fâcheux pour lui, sa dynastie et son empire, qu'à aucun moment il ne se soit trouvé quelqu'un pour lui montrer l'exemple de ce que d'autres monarchies avaient fait pour retremper leurs forces dans un grand courant national.
Le passage de l'absolutisme au régime constitutionnel se trouvait étrangement facilité par la guerre. L'occasion s'offrait aux Romanov de prendre cet élixir de jeunesse qui avait si bien réussi à la maison de Savoie, grâce au Risorgimento, à la maison Hohenzollern, grâce aux deux guerres de 1866 et 1870.
Victor-Emmanuel et Guillaume 1er, chacun à son heure, avaient renouvelé leurs traditions, rompu avec leurs conservateurs..."

2. "...En réalité, la Russie n'était plus gouvernée, et, chose grave, ne se sentait plus gouvernée. En fait d'absolutisme, il n'y avait que celui des policiers. La faiblesse de l'autocrate faisait reparaître le règne des boyards..."

3. "...Cela prouve qu'il ne faut pas parler de tradition à l'aveuglette... Et puis, plus ou moins, tout le monde a la sienne. De même qu'un pur trouve toujours un plus pure qui l'épure, il y a toujours un traditionaliste dont la tradition remonte plus haut que celle du voisin. Il y a eu des gens, en France, pour estimer que la monarchie française s'était corrompue à partir de Louis XIV, d'autres à partie de Philippe Le Bel...
Où et quand s'est altérée la tradition russe, c'est ce qu'on serait bien empêché de dire. Cette tradition est-elle dans les républiques de l'ancienne Russie ? Car on l'oublie trop : La Russie a un passé républicain, et elle n'a jamais tout à fait oublié le régime populaire tel qu'il avait été pratiqué, au Moyen Age, à Novgorod, à Viatka, à Pskov (où, par une rencontre singulière, Nicolas II aura abdiqué)... Lorsque cinquante ans plus tard, une autre réforme agraire fit passer les masses paysannes du communisme à la propriété individuelle, il y eut peut être des traditionalistes pour regretter la condamnation du mir.
Si la véritable tradition de la Russie doit être recherchée quelque part, il n'y en a qu'une : c'est celle de l'unité nationale, c'est celle qu'ont représentée les tsars "rassembleurs de la terre russe". Que leur oeuvre ne soit pas compromise, que leur héritage ne soit pas "gâché", et la Russie d'aujourd'hui restera dans sa ligne de toujours..."

4. "...Presque toujours, de loin, les problèmes politiques des autres peuples nous paraissent simples et faciles à résoudre. Nous ne tenons pas compte de traditions, de sentiments qui ne nous touchent pas, des situations acquises et des ambitions montantes, de conflits d'intérêts où nous ne sommes pas parties et dont, par suite, nous faisons bon marché..."