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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (142)

 

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : Caillaux, Malvy, Vigo/Almereyda, "Le Bonnet rouge"...

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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Dans les documents qui vont suivre, Daudet parlera souvent de ces trois personnes et de ce journal, et le lecteur d'aujourd'hui ne comprendrait rien à des accusations portant sur des faits vieux d'un siècle, maintenant, sans un minimum d'informations sur ces trois personnes et sur ce journal...
On a, bien sûr, parfaitement le droit d'être "pacifiste" : l'Action française, elle, a toujours préféré être "pacifique", appliquant la vieille maxime romaine, "Si vis pacem, para bellum", pensant que la meilleure manière d'écarter la guerre était d'être militairement fort, inspirant à un adversaire potentiel une crainte salutaire, le dissuadant de nous attaquer; plutôt que de proclamer, en paroles, un désir de paix, alors qu'on attaquait l'armée, déchaînant un antimilitarisme démoralisant, et qu'on laissait le pays dans un état de faiblesse qui "appelait" justement une attaque ennemie...
De même, on a bien sûr parfaitement le droit d'être partisan d'un rapprochement et d'une entente franco-allemande.
Mais, lorsqu'on est dans les années qui précèdent une guerre dont on ne sait pas "quand" elle va éclater, mais dont on est sûr qu'elle va éclater, car le Kaiser allemand a massé ses 800.000 hommes de troupes à nos frontières et multiplie les provocations contre la France depuis plus de dix ans : alors, là, la frontière entre l'opinion "pacifiste", le désir d'entente franco-allemand et le défaitisme devient très floue, très poreuse; et, l'anti-militarisme aidant, on n'est pas loin de favoriser, de fait, les actions de l'ennemi.
Ce qui s'appelle, en bon français, la trahison.
C'est la thèse que défendaient Daudet et L'Action française, qui attaquèrent sans relâche, durant les quatre année de la guerre, les "ennemis de l'intérieur", ceux qui étaient, au moins objectivement - sinon plus... - les "alliés de l'Allemagne"...

1. Joseph Caillaux.

Ministre des Finances dans le gouvernement Clemenceau, en 1909, le Président de la République, Armand Fallières, lui demanda, le 27 juin 1911 - alors qu'il était chef du Parti radical - de constituer le nouveau gouvernement.
Dans ce gouvernement, Caillaux occupa, outre les fonctions de président du Conseil, celles de ministre de l'Intérieur et des cultes.
Méfiant à l'égard de l'alliance russe, et désireux de trouver un accord avec l'Allemagne, il se montra partisan d'un compromis avec elle lors du "coup d'Agadir", négociant la liberté de manœuvre de la France au Maroc contre la cession à l'Allemagne de territoires français en Afrique centrale (Congo).
Il mena directement les négociations, en écartant son propre ministre des Affaires étrangères, Justin de Selves, et passa essentiellement par Jules Cambon, ambassadeur de France en Allemagne.
Le Quai d'Orsay apprit par hasard ces négociations, en déchiffrant des messages codés entre le gouvernement allemand et Lancken, un aventurier prussien. Finalement, l'accord se fit entre Jules Cambon et Kinderlen, le ministre des Affaires étrangères allemand.
Néanmoins, les traces des négociations informelles, que Caillaux niera avant son procès, seront utilisées par l'accusation lors de celui-ci.
Ratifiée sans difficulté devant la Chambre, la convention franco-allemande rencontra une opposition acharnée au Sénat, parce que Caillaux nia l'existence des tractations secrètes, au sein même du gouvernement.
Le ministre des Affaires étrangères, de Selves, humilié, démissionna, et le gouvernement Caillaux chuta le 11 janvier 1912.
Il fut remplacé par Raymond Poincaré.
Le 9 décembre 1913, il devint ministre des Finances dans le gouvernement Gaston Doumergue.
Au début de 1914, Gaston Calmette, directeur du Figaro, engagea une violente campagne de presse contre sa politique, créant une vaste polémique dans les partis et les journaux, la gauche le soutenant fidèlement, tandis que la droite l'attaquait sans ménagement.
Toutefois, à la suite de la publication de lettres intimes, excédée par une violente campagne menée par le quotidien contre son mari, son épouse Henriette se rendit au Figaro, et, dans le bureau de Gaston Calmette, tira six balles sur lui, dont quatre mortelles.
Arrêtée, Henriette Caillaux fut inculpée de meurtre avec préméditation.
Contraint de démissionner le 17 mars 1914, Caillaux défendit sa femme lors du procès, qui s'acheva le 31 juillet.
Réélu, malgré cette "affaire", lors des élections de 1914, il intervint peu dans les débats politiques. Hostile à la guerre, il devint le chef de file des partisans d'une paix sans annexions ni indemnités, et se borna à effectuer des missions en Argentine en 1914 et en Italie en 1917.
Après l'arrivée au pouvoir, le 16 novembre 1917 de son vieil ennemi, Clemenceau, dont la politique de guerre sans ambiguïté rencontra le soutien des droites et des nationalistes, et qui assimilait les positions politiques de Caillaux à la trahison, Caillaux fut impliqué dans les affaires Bolo Pacha et du "Bonnet rouge".
Il fut accusé par Léon Daudet de "trahison systématique, altière et doctrinaire" et abandonné de la plupart, y compris de ses amis radicaux; la Chambre vota la levée de son immunité parlementaire en décembre 1917, à la demande du "Tigre", et il fut arrêté, le 14 janvier 1918, pour "intelligence avec l'ennemi".
Accusé, lors de l'instruction, de trahison et de complot contre la sûreté de l'État, il fut traduit devant le Sénat, réuni en Haute Cour de justice.
Partageant son temps entre la prison de la Santé et l'assignation à résidence, il fut jugé deux fois, avant d'être condamné en février 1920, après la fin du conflit, à trois ans d'emprisonnement et à la privation de ses droits civiques pour le seul chef de "correspondance avec l'ennemi".

2. Louis Jean Malvy était ministre de l'Intérieur lors de la Première Guerre mondiale.
Partisan d'une paix blanche, il fut soupçonné de pacifisme.
Tenu responsable de l'échec de la bataille du Chemin des Dames, il démissionna de son poste ministériel fin août 1917, entraînant la chute du Gouvernement Alexandre Ribot.
Léon Daudet, rédacteur en chef du quotidien L'Action française, envoya une lettre à Clemenceau qui accusait Malvy d'avoir fourni des renseignements militaires à l'Allemagne et d'avoir fomenté les mutineries de 1917 .
Cette lettre fut lue à l'assemblée nationale par le président du Conseil Paul Painlevé le 4 octobre. Espérant être disculpé Malvy demanda à ce qu'une commission soit mise en place pour juger son action.
Il fut arrêté sur ordre de Clemenceau de même que Joseph Caillaux.
Après deux jours d'audience au Sénat, il fut condamné par la haute cour de justice le 6 août 1918; innocenté du crime de trahison, il fut reconnu "coupable d'avoir - agissant comme ministre de l'intérieur dans l'exercice de ses fonctions - de 1914 à 1917, méconnu, violé et trahi les devoirs de sa charge dans des conditions le constituant en état de forfaiture et encouru ainsi les responsabilités criminelles prévues par l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875", selon l'extrait des minutes du Greffe de la cour de justice placardé sur les murs de Paris et de province, signé par le greffier et le procureur Mérillon.
Il fut condamné à 5 ans de bannissement, et partit en exil en Espagne, puis fut amnistié en 1924.
Il sera réélu député du Lot dès 1924, et ce jusqu'en 1940.
Il sera de nouveau ministre de l'intérieur en 1926.

3. Eugène Bonaventure Jean-Baptiste Vigo, militant anarchiste, dit Miguel Almereyda, était directeur du "Bonnet rouge".
"Le Bonnet rouge" se voulait "organe de la défense républicaine", à la fois satirique, républicain et anarchiste,.
Il fut publié à Paris, depuis son n° 1 (le 22 novembre 1913) jusqu'en 1922, et fut d'abord hebdomadaire (en 1913), puis quotidien (à partir de 1914).
Il fut impliqué dans divers scandales lors de la Première Guerre mondiale, étant accusé notamment de défaitisme, et fut à ce titre une cible privilégiée de l'Action française.
Il se compromit aussi avec un certain Bolo, dit Bolo-Pacha, l'ancien khédive d'Egypte lui ayant octroyé ce titre.
Bolo pacha était un aventurier, condamné pour escroquerie, qui avait convaincu l'Allemagne de corrompre la presse française pour y publier des articles pacifistes destinés à atteindre le moral des Français.
Arrêté en septembre 1918, après avoir reçu sur son compte 11 millions de marks en provenance de la Deutsche Bank, Bolo-Pacha fut jugé par le 3ème conseil de guerre en février 1918 et condamné à mort.
Le capitaine Bouchardon, magistrat détaché comme juge d'instruction, découvrit plusieurs lettres de Caillaux dans les papiers de Bolo, qui firent peser des soupçons sur le patriotisme de l'ancien ministre des finances.
Organe d'extrême gauche, le Bonnet Rouge a défendu le rapprochement franco-allemand avant le premier conflit mondial.
En 1914, à la demande de Joseph Caillaux, le journal a publié des articles prenant la défense de sa femme, Henriette Caillaux, meurtrière de Gaston Calmette, le directeur du Figaro.
Pendant la guerre, le directeur du Bonnet Rouge, Vigo/dit Almereyda, laissa la direction de son journal à un dénommé Duval, qui reçut de l'argent de l'étranger pour infléchir la ligne éditoriale : de pacifiste qu'il était, le journal devint franchement antimilitariste, provoquant l'intervention fréquente de la censure.
Lorsqu'il enquêta sur l'origine des fonds versés au Bonnet Rouge, le capitaine Bouchardon, magistrat détaché comme juge d'instruction auprès du 3ème conseil de guerre, découvrit un échange de correspondances aimables entre Almereyda et... Caillaux !

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