1815 : Retour définitif de Louis XVIII à Paris
Après Waterloo, et l'échec des Cent Jours, c'est la deuxième Restauration.
S'ouvre alors pour les Français la période de leur histoire où ils ont été les plus heureux, de l'avis même des adversaires de la Royauté :
dans notre Album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville , voir la photo
"Le peuple, jamais plus heureux que de 1816 à 1830"
Cet événement est l'occasion de rendre justice à des personnes méconnues (de celles dont parle Edmond Rostand, dans l'Aiglon) quand il évoque "les petits, les obscurs, les sans-grades...") et à l'une d'entre elles en particulier.
Ces personnes méconnues, ce sont la masse des royalistes de base, à Paris surtout, mais aussi dans toute la France : Bainville explique, par exemple, comment la proclamation spontanée de la royauté à Bordeaux impressionna fortement les quatre souverains étrangers qui venaient d'entrer dans Paris.
Ces souverains, on l'a oublié aujourd'hui, ne se souciaient absolument pas de restaurer une monarchie française bourbonienne qu'ils détestaient. Leurs préférences allaient du démembrement de la France à une entente avec... Napoléon !
Si la Restauration a pu avoir lieu - malgré l'intermède criminel des Cent Jours - c'est parce que la masse obscure des royalistes, dans toute la France, aussi bien qu'à Paris, a agi pour qu'il en soit ainsi. C'est ce que démontre Jacques Bainville dans un petit opuscule (qu'il appelle étude), aussi brillant que concis, intitulé Comment s'est faite la Restauration de 1814 (vous pouvez lire ici l'intégralité des VIII chapitres très concis de cet opuscule, par nature, très court :
"Ces royalistes, il importe de bien s'entendre, n'étaient pas du tout des "agents des princes". C'étaient de simples citoyens français, convaincus de la nécessité de rétablir la royauté pour sauver la France du désastre complet, du partage à la polonaise qui la menaçaient. C'étaient même des femmes à l'esprit cultivé, au lucide patriotisme comme cette Aimée de Coigny, la "Mademoiselle Monk" dont Maurras a conté l'aventure dans son livre L'Avenir de l'Intelligence.
Blason du Baron de Vitrolles: d'azur à un lion d'or, armé et lampassé de gueules.
Devise : Eo dulcior quo fortior (il peut être aussi bien le plus doux que le plus ferme)
Vitrolles (1) fut le type de ces patriotes français qui se mirent en campagne pour faire prévaloir l'unique solution nationale, l'unique solution raisonnable qui était la solution royale. Sans lui et sans les hommes de sa trempe, la France de 1814 aurait eu un de ces gouvernements que l'étranger amenait, et pour de bon, dans ses fourgons : cette régence de Marie-Louise sous la tutelle autrichienne qu'acceptait Napoléon dans sa conversation avec Wessenberg, le règne de Bernadotte ou d'Eugène de Beauharnais, candidats qui souriaient à plusieurs des Alliés, la République même, à laquelle pensait le Tsar, alléché par les souvenirs de la Pologne, - exactement comme Bismarck devait y penser soixante ans plus tard..."
Bainville explique ensuite comment Vitrolles dut procéder pour arriver à ses fins. Il lui fallut d'abord convaincre Talleyrand, et l'amener à admettre la solution royale. Et aussi - malgré ses répugnances bien compréhensibles... - Fouché !
Ainsi appuyé par ces deux dignitaires qui rendaient crédibles sa proposition aux yeux des Alliés, et s'appuyant sur l'intense travail des royalistes sur le terrain, dans toute la France, Vitrolles n'eut plus qu'à recueillir les fruits de la brochure de Chateaubriand, De Buonaparte et des Bourbons, dont on sait que Louis XVIII devait déclarer qu'elle lui avait été plus utile qu'une armée de cent mille hommes (voir l'Ephéméride du 31 mars)...
À partir de là, la Restauration était assurée.
Un exemplaire d'époque de la "brochure", dans une vitrine,
"Il manquait, après cela, quelque chose encore pour que la Monarchie fut faite. D'abord que Napoléon, abandonné de tous, se décidât à abdiquer : il fallut cela pour que les souverains alliés renonçassent complètement à leurs projets sur la France. Il manquait encore que Chateaubriand lançât sa fameuse brochure De Buonaparte et des Bourbons, "inspirée par la divination de l'inquiétude générale", et qui traduisit à l'usage du peuple français, avec magnificence, les raisons positives pour lesquelles Talleyrand s'était rallié à la cause royale. Alors l'acclamation populaire grandit, emporta tout...
Avec Vitrolles et les royalistes obstinés qui n'avaient jamais ni désespéré ni cédé, Talleyrand et Chateaubriand - les hommes le moins faits pour s'entendre - avaient été les vrais, les seuls artisans de la Restauration. Ils l'avaient imposée aux Alliés. En sorte que le Sénat put voter, le 6 avril, ce texte que le Corps législatif devait approuver le 9 :
"Le peuple français appelle librement au trône Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi."
Ce "librement" est un des mots historiques les plus vrais qui aient jamais été prononcés. Au terme de cette étude, c'est celui qu'il faut retenir."
1. Eugène-François d'Arnauld, baron de Vitrolles (château de Vitrolles, Hautes-Alpes, 1774 - Paris 1854).
Émigré en 1791, rentré en France en 1799, il défendit avec ardeur et succès, en 1814, la cause des Bourbons auprès des Alliés : courant mars 1814, à Châlons, il harcèle Metternich pour le rallier à la solution monarchique des Princes. Aux Cent-Jours, il tenta en vain de soulever la région de Toulouse, où il organisa un gouvernement monarchiste, mais fut arrêté par les partisans de Napoléon. Il fut ensuite député ultra et ministre d'État (1815 et 1824), ambassadeur, Grand-officier de la Légion d'honneur et fut, enfin, créé Pair de France héréditaire par ordonnance royale du 27 janvier 1830. Il vécut dans la retraite après la révolution de juillet et mourut fort âgé à Paris en 1854.
Il est l'auteur de Mémoires et Relations politiques (1814-1830).
Et, sur le roi tout à fait exceptionnel que fut le grand Louis XVIII, voir :
• du 4 juin (Louis XVIII établit la Charte constitutionnelle) et du 8 juillet (retour définitif du roi à Paris);
et du 26 février sur l'échange de lettres entre le Roi et Napoléon;
• du 21 novembre (jour où les troupes Alliées quittent définitivement la France : concrètement, jour de notre libération nationale...)