1793 : Plaidoirie de Romain De Sèze, défenseur de Louis XVI, devant la Convention
Il est peut-être le premier - en tous cas l'un des tous premiers... - à avoir pointé, devant les Hommes et pour l'Histoire, le défaut de la cuirasse des "bourreaux barbouilleurs de lois", comme les appelait un autre de ceux qu'ils ont guillotiné, le poète André Chénier : l'absence totale d'humanité chez ces gens qui se proclament vertueux et régénérateurs.
Après eux viendront les Staline, les Hitler, les Pol Pot, les Mao et autres Ceaucescu, Ho Chi Minh, Castro : tous aussi ardents régénérateurs, et tous aussi prétendument purs, que leur pureté soit celle de la race aryenne ou celle de la classe ouvrière.
Or, comme le dit très justement de Sèze, sans l'humanité, les grandes vertus dont on se prévaut ne sauraient être que fausses.
De Sèze a réalisé, là, une magistrale analyse pour l'éternité.
Et il a eu le courage de la prononcer, en risquant sa vie, devant "les bourreaux barbouilleurs de lois" !...
Arrêté après le procès du Roi, il sera libéré.
"Son éternel honneur sera d'avoir été associé à l'évènement le plus terriblement religieux de notre Révolution" (Prosper de Barante)
Extrait de la plaidoirie :
"...Citoyens je vous parlerai avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c’est vous mêmes qui l’accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l’Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n’existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français, la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses !
Entendez d’avance l’Histoire, qui redira à la renommée : "Louis était monté sur le trône à vingt ans, et à vingt ans il donna l’exemple des mœurs : il n’y porta aucune faiblesse coupable ni aucune passion corruptrice; il fut économe, juste et sévère; il s’y montra toujours l’ami constant du peuple. Le peuple désirait la destruction d’un impôt désastreux qui pesait sur lui, il le détruisit; le peuple demandait l’abolition de la servitude, il commença par l’abolir lui-même dans ses domaines; le peuple sollicitait des réformes dans la législation criminelle pour l’adoucissement du sort des accusés, il fit ces réformes; le peuple voulait que des milliers de Français que la rigueur de nos usages avait privés jusqu’alors des droits qui appartient aux citoyens, acquissent ces droits ou les recouvrassent, il les en fit jouir par ses lois. Le peuple voulut la liberté, il la lui donna ! Il vint même au devant de lui par ses sacrifices, et cependant c’est au nom de ce même peuple qu’on demande aujourd’hui...
Citoyens, je n’achève pas... JE M’ARRÊTE DEVANT L’HISTOIRE : songez qu’elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles...".
Deux documents de la Défense de Louis XVI :
• ci dessus, péroraison de la plaidoirie de de Sèze, signée par le Roi et ses trois défenseurs;
• ci dessous, extrait des plaidoiries, signées des trois défenseurs :
François-Denis Tronchet, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes et Romain de Sèze...
Sur le pseudo-procès de Louis XVI, ouvert trois semaines auparavant, voir :
• l'Éphéméride du 3 décembre...
• notre Grand Texte XVIII : Discours de Maximilien de Robespierre (première intervention, le 3 décembre 1792, au cours du pseudo procès de Louis XVI)
• et l'Éphéméride du 13 novembre, sur le discours (!) de Saint Just : "...Cet homme doit régner ou mourir..."