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  • Éphéméride du 26 juillet

    Le château de Chenonceau, dans le cadre de ses visites nocturnes estivales

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares évènements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

    1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

    2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

    3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

    4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

    5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

    6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

    7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

    8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

    9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

    10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

    11. Le Mont Saint Michel (11 août)

    12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

    13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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    Aujourd'hui : Quand Chenonceau, le Château des Dames, a reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650. 

     

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    "Qu'à m'égarer dans ces bocages / Mon coeur goûte de voluptés ! / Que je me plais sous ces ombrages ! / Que j'aime ces flots argentés ! / Douce et charmante rêverie, / Solitude aimable et chérie, / Puissiez-vous toujours me charmer !" (Jean-Jacques Rousseau, sur Chenonceau...)

              

    D'abord simple forteresse, sans aucun caractère particulier, posée sur la rive droite du Cher, c'est par la volonté des femmes, qui l'ont - en effet - imaginé, dessiné et créé que Chenonceau est devenu le plus élégant des châteaux.

    Aujourd'hui, monument historique le plus visité de France, après le Château de Versailles, il est bien ce qu'en dit Sébastien Lapaque, le Miroir des Dames (1) :

    "(Chenonceau)...est le plus délicat des châteaux de la Loire. C'est un rêve de dame. Partout, les raffinements de la galanterie ont guidé la main de l'architecte et du jardinier... Une inspiration féminine s'y fait sentir. Celle de Catherine Briçonnet, qui sur un moulin fit bâtir un château; celle de Diane de Poitiers, qui sur le Cher fit bâtir un pont; celle de Catherine de Médicis, qui sur le pont édifia un palais" 

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    L'histoire féodale et militaire de Chenonceau avant Chenonceau, si l'on excepte le fait qu'elle s'inscrit - mais d'une façon anecdotique - dans le cadre de la Guerre de Cent ans, n'offre quasiment aucun intérêt.

    Sa véritable histoire ne commence qu'à partir du moment où Thomas Bohier l'achète à la famille des Marques.

    Thomas Bohier, nous dit Sébastien Lapaque, est un "bourgeois de Tours, devenu receveur des finances de Charles VIII. Ce rusé gestionnaire a le goût italien de son roi. Il rêve d'une demeure ligurienne à l'image des palais du Milanais qu'il a découvert au cours de campagnes glorieuses. À Chenonceau, Thomas Bohier fait raser la vieille forteresse devenue inutile. Sa femme, Catherine Briçonnet, prend en charge les travaux de reconstruction".

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    La Tour des Marques, unique vestige de la forteresse féodale,
    mais un vestige profondément remanié 
     
     
    • "C'est elle (Catherine Briçonnet) la première dame de Chenonceau, elle la première à rêver de grâce et d'éclat. Cette Catherine a du goût, de l'autorité et du style. Elle imprime sa marque au nouveau Chenonceau, bâti au sud de l'ancien : corps de logis rectangulaire, agrémenté de quatre tourelles cylindriques, escalier à rampe droite, vestibule à voûte d'ogives triangulées. La construction de ce chef-d'oeuvre de la Renaissance est menée par Pierre Trinqueau, qui sera l'un des architectes de Chambord. Le pont-levis primitif, qui subsiste, donne accès à une vaste terrasse qu'il faut traverser avant de passer sous un portail ouvragé où sont gravées les initiales des époux bâtisseurs, "T.B.K", Thomas Bohier & Katherine, ainsi que leur devise, qui sent son XVIème siècle amateur de mystères : "S'il vient à point, me souviendra."...
     
    Ce premier "nouveau Chenonceau" (ou Chenonceau I, si l'on veut...) se limite donc à un simple quadrilatère :
     
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    La Tour des Marques masque ici la partie droite
    du quadrilatère de Catherine Briçonnet
     
     
    On possède un document par lequel François Premier, qui aime et apprécie le Val de Loire, confirme et garantit les droits de Thomas Bohier sur son domaine.
    Dans ce texte, le roi évoque la "belle place et maison assise sur la rivière du Cher en beau et plaisant pays, près de nos fourêts d'Amboise et de Montrichard, où nous allons souvent chasser et prendre nostre passe-temps".
    Et il se promet d'y venir : "Nous pourrions loger audit chastel et maison de Chenonceau".
     

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    La chambre de François Premier, qui fut reçu à Chenonceau par Catherine Briçonnet 
               
     
     
    Après Catherine Briçonnet, Diane de Poitiers sera la deuxième dame de Chenonceau. Favorite du roi Henri II, au grand dam de l'épouse de celui-ci, Catherine de Médicis - qui se vengera... - elle règne avec passion sur Chenonceau.
    Elle a une idée très originale : elle demande à Philibert Delorme de construire un pont, pour relier les deux rives du Cher. Diane s'arrêtera là pour ce qui est des constructions car, même si elle a eu l'idée de couvrir ce pont par une Galerie, elle s'occupera d'abord de ses chers jardins, pensant reprendre ses constructions plus tard...; mais, ensuite, elle n'aura plus le temps de reprendre ses travaux, à cause de la vengeance de Catherine...
             
    On a donc, avec Diane de Poitiers, et jusqu'à la mort de Henri II, le second "nouveau Chenonceau" (ou Chenonceau II...): un quadrilatère, prolongé par un pont sur le fleuve.
     
    C'est Catherine de Médicis qui sera la troisième grande dame de Chenonceau. Dès que son mari, le roi Henri II, meurt tragiquement, elle s'empare du pouvoir et devient Régente, au nom de son fils François II. Depuis qu'elle attend son heure, dans l'ombre et l'humiliation, elle ne diffère pas d'une seconde sa vengeance : Diane n'est même pas autorisée à pleurer Henri II sur son lit de mort, et Catherine l'oblige à lui échanger Chenonceau contre Chaumont. Devenue, enfin, seule maîtresse à Chenonceau, elle fait édifier en cinq ans, de 1576 à 1581, la magnifique Galerie à deux étages sur le pont de Philibert Delorme. 
     
    Avec cet ajout spectaculaire - le troisième "nouveau Chenonceau", (ou Chenonceau III) - le château a acquis ses dimensions, son allure et sa silhouette définitive, si caractéristique.
     
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    Les jardins de Chenonceau
      
                
    On retrouve jusque dans les jardins la trace de la lutte entre les deux rivales, Diane de Poitiers et Catherine de Médicis.
     
    Le jardin de ses rêves passionnait tant Diane de Poitiers qu'elle mit un terme à ses constructions - momentanément, pensait-elle, nous l'avons vu plus haut, mais en fait pour toujours... -  une fois le pont de Philibert Delorme jeté sur le Cher. Elle voulut créer, selon l'engouement de l'époque, un jardin italien sur deux hectares qui seront "à la fois parterre, verger et potager", nous dit Lapaque.
     
    Qui ajoute : "Les moyens mis en oeuvre dès 1551 sont considérables. Les dépenses somptuaires. 14.000 journées d'ouvriers, charpentiers, maçons, jardiniers, seront facturées pour mener à bien ce chantier conduit par Benoît Guy...". Les travaux dureront cinq ans...
     
     
    Ci-dessous, le Jardin de Diane, rectangulaire, avec ses allées obliques qui le divisent en huit grand triangles. Pour le protéger des crues, des terrasses surélevées, fermées de murailles, ont été bâties. Il a été célébré par Clément Marot...

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    Ci-dessous, le Jardin de Catherine, plus petit, avec sa partie centrale occupée par un bassin circulaire. Il a été célébré par Ronsard...
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    C'est cet ensemble que découvre Louis XIV, petit roi de douze ans, le 14 juillet 1650, lorsqu'il arrive à Chenonceau. Il sera le dernier roi de l'Ancien Régime à y avoir séjourné. Dans le Salon Louis XIV du château (ci dessous) on voit, à gauche de la cheminée, son portrait, par Hyacinthe Rigaud, que le roi offrit à son oncle, le Duc de Vendôme, qui l'y recevait.
     
    Sur la cheminée Renaissance, la salamandre et l'hermine évoquent le roi François Premier et son épouse, Claude de France, fille d'Anne de Bretagne.
    Entourant le plafond aux poutres apparentes, la corniche porte les initiales TBK des Bohier... 
     
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    Chenonceau devait connaître par la suite une période de désaffection, et presque même d'abandon, jusqu'au moment où le fermier général Dupin en devient propriétaire. À partir de ce moment-là, et de nouveau, une autre femme marqua le château : Madame Dupin, qui y tint un salon où défilèrent toutes les célébrités de l'époque.
     
    Jean-Jacques Rousseau fut le précepteur de son fils. C'est à l'usage de ce dernier qu'a été composé son traité d'éducation, L'Émile.
  • Éphéméride du 13 février

    La célèbre salière de François 1er, oeuvre de Benvenuto Cellini

     

     

     

    1571 : Mort de Benvenuto Cellini 

     

    Natif de Florence, Cellini ne vécut que cinq années en France, de 1540 à 1545.

    Il fait partie de cette cohorte d'artistes italiens que François premier, ébloui par toutes les beautés qu'il avait vues lors de ses expéditions en Italie, fit venir en France afin d'y donner une impulsion définitive non pas à "la Renaissance", mais à la Renaissance française : car, comme plus tard Lully ou Le Bernin - italiens eux aussi - tous ces artistes travaillèrent, avec les artistes locaux, non à la simple importation d'un art extérieur, mais à la création d'une façon française de vivre et penser la Renaissance : Léonard de Vinci, bien sûr, mais aussi Andrea del Sarto - ancêtre direct de Maxime Real del Sarte, fondateur des Camelots du Roi en 1908 - Le Boccador, Luca Penni, Rosso, Le Primatice...

    Si Léonard de Vinci et Le Boccador travaillèrent à Chambord (et Le Boccador à l'Hôtel de ville de Paris), Benvenuto Cellini, avec Luca Penni, Rosso et Le Primatice, fut essentiellement actif à Fontainebleau, à tel point qu'on a pu parler de l'Italie à Fontainebleau, ou de l'École de Fontainebleau...

    Tout à la fois dessinateur, orfèvre, fondeur, médailleur, sculpteur, Cellini appliqua les techniques et la précision de l'orfèvrerie à son travail de sculpteur. On aura dans les trois liens suivants un aperçu de son travail à Fontainebleau :  

    • http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/la-nymphe-de-fontainebleau 

    • http://www.panoramadelart.com/galerie-francois-1er-chateau-de-fontainebleau 

    • http://expositions.bnf.fr/renais/arret/4/index2.htm 

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    La nymphe de Fontainebleau, au Musée du Louvre

    Pour en savoir un peu plus sur le travail des Italiens au Château de Fontainebleau, voir notre Éphéméride du 7 août :

    Louis VII pose la première pierre du château de Fontainebleau 

     

    Et pour en savoir un peu plus sur l'École de Fontainebleau :

    http://www.italieaparis.net/ecolefontainebleau.php 

     

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    1575 : Sacre d'Henri III

              

    Sous le titre Le dévouement de Henri III, Jacques Bainville lui consacre le quatrième des huit courts chapitres de son dernier livre - en réalité une plaquette - éditée juste après sa mort, et intitulée Les moments décisifs de l'Histoire de France.

    Du même Jacques Bainville ( Histoire de France, Chapite IX, Les guerres civiles et religieuses remettent la France au bord de la ruine ) :  

    "...Mais Charles IX, puis Henri III, ces derniers Valois décriés et injuriés plus que tous les autres souverains français, tiennent bon, à tous risques, sur le principe essentiel, le rocher de bronze de l'État : la monarchie héréditaire. C'est pour ce principe qu'Henri III, qui passe pour efféminé comme il passe pour avoir conseillé la Saint-Barthélemy, va lutter quinze ans. À la fin, il le paiera de sa vie...

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    ...La Ligue, qui eut à Paris son foyer le plus ardent, était une minorité, mais une minorité active et violente. La petite bourgeoisie, les boutiquiers irrités par la crise économique, en furent l'élément principal. Aussi n'est-on pas surpris de retrouver aux "journées" de la Ligue le caractère de toutes les révolutions parisiennes, celles du quatorzième siècle comme celles de la Fronde et de 1789...

    ...Le roi n'était plus le maître en France. La Ligue gouvernait à sa place, lui laissait à peine de quoi vivre dignement. Chassé de Paris, bafoué par les États généraux, il n'était pas plus en sûreté à Blois qu'au Louvre. On se battait jusque dans son antichambre. D'un moment à l'autre, le duc de Guise pouvait s'emparer de lui, le forcer à abdiquer, l'enfermer dans un cloître comme un obscur Mérovingien. Rien n'avait réussi à Henri III, ni l'habileté, ni les concessions, ni la tentative de coup de force dans sa capitale. Restait une suprême ressource : frapper à la tête, supprimer les Guise.

    Légalement ? Impossible d'y penser. Pour condamner les princes lorrains, le roi n'eût trouvé ni un Parlement ni un tribunal. Alors l'idée qui, à la Saint-Barthélemy, avait déjà été suggérée à Charles IX, s'imposa à l'esprit d'Henri III. Pour sauver la monarchie et l'État il n'y avait plus que l'assassinat politique. Henri III s'y résolut et Guise, averti, ne le crut même pas capable de cette audace, tant il se sentait puissant.

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    L'assassinat du Duc de Guise, dans le château de Blois...

     

    Son fameux : "Il n'oserait" était l'expression de son dédain, le mot d'un homme sûr de lui. Il logeait au château même, entouré de ses gens, et le roi était presque relégué dans "son vieux cabinet". Il fallut, pour ce drame, autant d'assurance chez Guise que d'audace chez Henri III qui ne pouvait compter que sur les quelques gentilshommes gascons qui tuèrent le duc à coups de poignard et d'épée au moment où il entrait dans la chambre du conseil (23 décembre 1588). Son frère le cardinal fut tué le lendemain, les autres membres de la famille de Lorraine et les principaux ligueurs arrêtés.

    Cet acte de violence n'eut pas le résultat que le roi espérait, car, s'il privait la Ligue de son chef, il ne la supprimait pas. Cependant c'était un acte sauveur et qui, par ses conséquences indirectes, allait porter remède à l'anarchie. Pour Henri III, tout accommodement était devenu impossible avec la Ligue qui réclamait son abdication, gouvernait Paris par le Conseil des Seize, créait pour la France le Conseil Général de l'Union, tandis que, pour sauver les apparences, un roi était ajouté à ce régime républicain et le nom de Charles X donné au cardinal de Bourbon. Ainsi la succession par ordre de primogéniture, loi fondamentale et tutélaire du royaume, était ébranlée, presque renversée. Dans ce désordre, dans cette révolution qui ruinait l'œuvre de plusieurs siècles, il n'y avait plus qu'un moyen de salut : c'était que le roi et son successeur légitime agissent de concert. Henri III et Henri de Bourbon (ci dessous) réconciliés le comprirent, sautèrent ce grand pas. Ils unirent leurs forces trois mois après le drame de Blois. L'assassinat du duc de Guise avait préparé la transmission régulière du pouvoir des Valois aux Bourbons. Il avait rendu possible le règne d'Henri IV. Cet inestimable service rendu à la France, désormais sauvée de l'anarchie et du démembrement, a été payé à Henri III par le régicide et par l'ingratitude des historiens qui n'ont retenu de lui que les injures des pamphlets catholiques et protestants.
     
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     Henri III de Navarre, lointain cousin d'Henri III de France, qui devait devenir Henri IV, le premier "roi de France et de Navarre", et asseoir la dynastie des Bourbons (voir l'Éphéméride du 7 février)...

             

    Grâce à l'armée que le Béarnais apportait à la cause royale, les troupes de la Ligue furent refoulées et les deux cousins, le roi de France et le roi de Navarre, mirent le siège devant Paris. Là régnaient une passion, une frénésie, une haine indescriptibles telles que les engendre seulement la guerre civile. Un moine fanatisé, Jacques Clément, muni d'une lettre fausse, se rendit au camp royal, à Saint-Cloud, et, introduit auprès du roi, le tua d'un coup de couteau. Les dernières paroles d'Henri III furent pour désigner Henri de Bourbon comme son héritier légitime et pour prédire sa conversion (1er août 1589).

    Henri III était mort pour une idée celle de l'État, de la monarchie, de l'unité nationale. Il n'était pas mort en vain. Par Henri IV, l'homme aux deux religions, la France allait retrouver la paix intérieure. Par ce prince politique, l'heure des "politiques", l'heure du tiers parti approchait." 

    Sur ce jour où les deux Henri III - Henri III de France et Henri III de Navarre - mirent le siège devant Paris, le roi étant mortellement frappé deux jours après, voir notre Éphéméride du 30 juillet

    Et, sur le curieux destin d'Henri III, le fils préféré de sa mère Catherine de Médicis, qui le fit élire roi de Pologne, avant que la mort de son frère ne l'amenât à quitter ce pays pour devenir roi en France, voir l'Éphéméride du 18 juillet...

     

     

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    1639 : Jean Casimir Vasa, futur roi de Pologne, est incarcéré par Richelieu dans la citadelle de Sisteron 

     

    Né à Cracovie, Jean Casimir Vasa, fils du roi de Pologne puis de Suède, se battit, avant d'être roi, aux côtés des Habsbourgs, durant la Guerre de Trente ans, contre la France de Louis XIII et de Richelieu. Il se rendait en Espagne pour prendre ses fonctions d'amiral lorsque les Français le firent prisonnier : il restera deux années dans la citadelle de Sisteron.

    13 fevrier,henri iii,bainville,valois,charles ix,saint barthelemy,ligue,fronde,paris,henri iv,bourbons,duc de berry,louis xviiiEnsuite, il fut élu roi de Pologne (ci contre, en tenue royale polonaise), mais, peu rancunier, il vint se retirer en France après son abdication en 1668, lassé par les guerres extérieures et les révoltes intérieures. Il avait épousé la veuve de son frère, Marie-Louise de Gonzague-Nevers, et exerça les fonctions d'abbé de Saint-Germain-des-Prés durant quatre années, depuis son abdication en 1668 jusqu'à sa mort, en 1672.

    Son corps fut transféré par la suite dans la crypte Vasa de la cathédrale du Wawel, à Cracovie, mais on peut toujours voir son cénotaphe dans l'abbatiale de Saint-Germain des-Prés, à Paris...

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    http://www.citadelledesisteron.fr/

    "C'est la plus puissante forteresse de mon royaume", disait Henri IV, s'exprimant déjà un peu comme le fera plus tard son petit-fils - Louis XIV - qui disait, lui, en contemplant le Théâtre romain d'Orange : "C'est la plus belle muraille de mon royaume" (voir l'Éphéméride du 27 mai)...

     

     

     

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    1787 : Mort de Charles Gravier, comte de Vergennes

     
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    "Sous son ministère, la France reprit, dans les pays étrangers, une considération politique d'autant plus solide, qu'elle était fondée sur les vertus et l'esprit de bienfaisance du comte de Vergennes. Son désir le plus vif et son zèle le plus ardent furent toujours de prévenir l'effusion du sang humain, et d'accommoder les différends qui auraient pu amener la guerre. C'est à ce pacificateur des nations que l'Europe dut la paix de Teschen, celle de 1783, et l'accommodement des disputes entre l'empereur et la Hollande." (Delandine, Dictionnaire historique, critique et bibliographique, t. 26, p 426)

    Il fut "le plus sage ministre que la France eût rencontré depuis longtemps, et le plus habile qui se trouvât aux affaires en Europe" (Albert Sorel). 

    Avec lui, Louis XVI perdait le seul grand  homme en place qui aurait pu le conseiller utilement, dans la tourmente qui allait survenir...

     

     

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    1820 : Assassinat du duc de Berry

     

  • Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (16)...

    (Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP : contribution, commentaires, informations, renseignements, prêt de photos etc... bienvenus; retrouvez l'ensemble de ces documents dans notre Catégorie : Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP)

     

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    16 : 24 février 1968, les gauchistes - emmenés par Samuel Johsua  - attaquent notre réunion de la Salle Mazenod, avec Pierre Debray... (3/3)

    Voilà : maintenant que nous avons suffisamment rappelé le contexte général, je vais vous relater - comme acteur, au premier rang - la façon dont j'ai vécu cet évènement, qui nous a vraiment marqué et qui a eu, pour nous, pas mal de répercussions heureuses, par la suite...

    Comme je l'ai dit dans les deux notes précédentes, ni nous ni personne ne savait que, en réalité, cette montée de fièvre, qui culmina "Salle Mazenod", n'était que l'un des prémices de ce qui allait s'achever en... "Mai 68".

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    Ah, cette affiche ! On a écoulé le stock, et pourtant, il y en avait !

     

    Nous, nous cherchions seulement à développer notre "groupe jeunes", qui n'avait pas cinq ans, à l'époque. Très favorablement accueillis par "les anciens" (Chauvet, Lavo, Ducret, Motte, Joannon...), "anciens" mais, alors, dans la force de l'âge, notre noyau initial (de trois) commença d'abord par remplacer/dégager un groupe assez mondain, qui n'avait pour nous de "royaliste" que le nom. Je me souviens d'un certain Sylvie, de Bourlotton, qui n'avait qu'une envie : parler de tout ce dont on voudrait, pourvu que ce soit "autour d'un bon gueuleton" (vous voyez le genre... il n'était pas méchant, mais bon...); le seul assez sympa était Philippe Huguier : le dernier souvenir de lui, du peu qu'il m'en reste, est ce jour où il vint à la maison. Mon frère Jean-Marie - de quatre ans et demi mon aîné, qui m'emmena au local - était absent, et Philippe Huguier déposa une quinzaine d'Aspects pour la vente. Maman était furieuse, demandant pourquoi il ne venait pas les vendre lui-même avec nous...

    Après avoir donc remplacé/dégagé ces "mondains", nous reçûmes les premiers "nouveaux" : je me souviens très bien de la grande timidité d'Hubert (de Lapeyrouse) à qui j'ouvris la porte, un samedi après-midi, rue Saint Suffren, et qui me bafouilla quelque chose comme "c'est bien ici le local des royalistes"... et, bien sûr, de cet autre après-midi où j'ouvris à Guy (de Balanda), qui, dès le début, se révéla être ce qu'il était : un personnage ! C'est avec eux, et d'autres encore, que nous partîmes vendre, afficher, tracter... et étoffer notre groupe, qui commença à devenir important.

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    Dès la réunion de rentrée de "Roquevaire 67", mais pensant entrer dans une nouvelle année normale, alors que tout allait être chamboulé, nous pensions donc à la façon dont nous pourrions dynamiser notre action, notre année, et l'idée nous vint d'utiliser le slogan "Défendez-vous", faisant référence à la guerre du Viet-Nam, puis d'organiser une réunion publique, avec Pierre Debray, qui tenait - dans Aspects de la France - la rubrique "Le combat des idées".

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    Le numéro 949, du premier décembre 1966. Au moment où nous vendions le plus, nous organisions trois ventes hebdomadaires : le jeudi (puis mercredi) après-midi, jour de congé scolaire, le samedi après-midi et, le dimanche matin, devant six ou sept églises du centre-ville...

     

    Nous voulions aussi nous implanter et recruter là où nous étions absents. Une première distribution dans des "terra incognita", au Lycée Nord (maintenant, Saint Exupéry) fut un échec, mais sans plus : nous vîmes tout de suite que le milieu était hostile, aucun lycéen ne venait vers nous et même certains montraient une animosité réelle; nous jugeâmes préférables d'en rester là et de partir...

    C'est notre seconde tentative, à la Fac Saint Charles, qui se révéla désastreuse pour nous, comme je l'ai raconté dans la partie 2 de ce récit. La meilleure preuve que nous n'étions pas des bagarreurs et que la seule chose qui nous intéressait était de développer notre groupe pour, surtout, faire partager nos idées, est que nous partîmes, ce jour-là, complètement inconscients, à seulement cinq ou six, sans rien d'autre que nos tracts et... nos jambes ! Les gauchistes de Josuah nous reçurent comme je vous l'ai dit...

    Mais cette piteuse déconvenue, et notre fuite éperdue et sans gloire, devait finalement les tromper, et se retourner contre eux : à partir de cet évènement, ils se sur-estimèrent, et nous sous-estimèrent. Quel mérite y avait-il, eux étant chez eux, et nombreux, à faire déguerpir cinq ou six jeunes venus sans rien, uniquement pour tracter ? La "bande à Samy" dut s'imaginer que nous n'étions que quelques ramollos : et, là, mal leur en prit, et ce fut à eux de se tromper lourdement. Car, attaquer une réunion, lorsque on vous attend, cela n'est plus du tout la même chose...

     

    1. Je vous laisse d'abord lire ce compte-rendu :

    L'article paru dès le lendemain de l'agression, le dimanche 25 février, dans le quotidien local Le Méridional 

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    (sa lecture étant malaisée, en voici la retranscription)

    À LA SALLE MAZENOD

    Une réunion royaliste perturbée

    par les communistes

    Cinq blessés à l'arrivée de la police

     

    Une véritable bataille rangée a opposé hier soir, de 18h à 18h45, un groupe de jeunes communistes aux royalistes assistant, Salle Mazenod, à la conférence tenue par M. Pierre Debray, journaliste à "Aspects de la France". La réunion, organisée sur le thème "Défense de l'Occident", par la section marseillaise des étudiants de la Restauration nationale, avait débuté depuis environ une demi-heure, quand plus de cinquante communistes, faisant irruption dans le hall, tentèrent de bloquer le déroulement de la séance.

    Armés de gourdins, matraques et bouteilles, les attaquants, qui s'aidaient volontiers du matériel hétéroclite leur tombant sous la main, ne bénéficièrent pas longtemps de l'effet de surprise et durent se retirer à l'issue d'une bagarre sans concessions. Refluant petit à petit sous la pression des royalistes. Ils furent finalement repoussés jusqu'à la rue d'Aubagne où s'était rassemblée une grande foule attirée par le vacarme.

    Bancs, chaises, tout y passa. Quand le calme fut revenu, le hall de la Salle Mazenod, si paisible à l'accoutumée, ressemblait à un "Olympia" des jours de "casse", le sang et les tracts politiques en plus. Les agresseurs, où l'on remarquait plusieurs jeunes Asiatiques et Africains, parvinrent à se disperser avant l'arrivée de la police. Sauf les blessés, parmi lesquels figurait un certain Samuel Josuah, qui serait le chef de file du commando perturbateur et appartiendrait aux JCR (Jeunesses Communistes Révolutionnaires).

    En effet, atteint au visage et aux yeux, Samuel Josuah dut aller se faire soigner dans une pharmacie du quartier, avant d'être évacué par "Police-Secours". Au total, on déplorerait cinq blessés, dont trois du côté royaliste.

    Après cet intermède pour le moins animé, M. Pierre Debray qui fit le coup de poing avec les siens, reprit le cours de son exposé, tendant à rendre "la duplicité aveugle de l'Occident, principale responsable de notre décadence, donc des progrès de la subversion marxiste". L'orateur sait de quoi il parle. Ancien secrétaire national du Comité France-URSS et collaborateur de "Témoignage chrétien" et de la revue "Esprit", il  s'est rallié aux thèses de Charles Maurras, qu'il défend vigoureusement dans "Aspects de la France", dont il est incontestablement l'une des meilleurs plumes.

    En homme d'Action française, "habitué à regarder les choses en face", il a rappelé la longue accumulation d'erreurs qui nous a amenés à l'actuel "climat de dépravation et de mollesse généralisée", faisant le procès du jacobinisme, fourrier du communisme. Il ne voit qu'un remède à tant de maux : l'abandon des idéologies nous ayant porté tort et le recours "aux conclusions maurrassiennes, donc royalistes".

    (fin de la transcription de l'article)

     

    2. Et je vous raconte, maintenant, l'attaque, comme je l'ai vécue... 

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    Je l'ai dit : nous étions partagés (cinquante/cinquante, comme on dit) et nous pensions qu'il était très possible qu' "ils" reviennent, mais nous ne pouvions en être certains non plus. Nous nous préparâmes donc au pire, achetant trente manches de pioche et demandant à chacun d'être là. Dès la mi-journée, ce samedi 24, nous effectuâmes quelques repérages, dans la rue d'Aubagne et aux alentours (à la Plaine) : rien. La réunion étant prévue pour 17h, encore une ou deux tournées d'inspection/vérification : toujours rien. Bien sûr, nous arrivâmes très en avance, nous installant comme il fallait, dans la salle et dans la rue, devant l'entrée du Théâtre; et le temps passa : 15h, 15h30, 16h : toujours rien. À partir de 16h30 environ, les premières personnes du public commencèrent à arriver, et, surtout, les derniers amis qui n'avaient pu se libérer avant, et qui étaient prévus au S.O. Puis c'est Debray qui arrive, et toujours rien. Finalement, on laisse passer un peu de temps, puis la réunion commence. Nous restons vigilants, et restons surtout dehors. Mais, rien, toujours rien. Nous commençons à nous dire qu'une partie du S.O. peut rentrer, écouter Debray, et ne restons que quelques uns dehors. Et toujours rien, et le temps qui passe, et le discours de Debray qui, finalement, va bien finir par finir.

    C'est là que nous commettons notre grossière erreur : nous nous disons que, maintenant "ils" ne viendront plus et, finalement, tout le monde rentre dans la salle, laissant la rue et le vestibule du théâtre vides. Mais, tout de même, nous sommes tous derrière les portes battantes qui donnent entrée à la salle. Quand même...

    Tout à coup - nous comprenons au quart de tour - une sorte de grand bruit, un peu comparable à une explosion, et des hurlements : pas besoin de donner d'ordres, tout le monde est dans le vestibule en un clin d'oeil, chacun avec son manche. Et, là, nous retrouvons cette grande échasse de Josuah avec une meute vociférante et haineuse, telle que nous l'avons laissée à la Fac Saint Charles. Nos deux groupes sont sensiblement égaux, mais, poussés par leur élan et grâce à l'effet de  surprise, les autres occupent déjà une grande part du vestibule, et nous sommes, pour ainsi dire, déjà coincés contre les portes battantes.

    Mais nous voyons bien, malgré tout, que Josuah et les siens sont surpris de nous voir si méchants, cette fois. Ils n'ont plus devant eux, maintenant, cinq ou six inconscient désarmés, mais bien un groupe égal au leur et qui, manifestement, ne va pas se laisse faire, cette fois. La seule différence entre eux et nous c'est l'âge des combattants, car il s'agit d'un vrai combat : Salluste disait des légionnaires de Caius Marius, affrontant - pour les exterminer - les Cimbres et les Teutons, qu'ils venaient "pro salute, non pro gloria, certari"; c'est-à-dire qu'ils ne se battaient pas pour la gloire, mais bien pour sauver leurs peaux, face aux barbares. C'était exactement cela, pour nous : Samy était bien venu, finalement, comme nous l'imaginions possible, pour "finir le travail" et, sinon pour nous tuer vraiment, du moins pour nous faire assez mal et assez de mal pour nous enlever l'envie de continuer à militer...

    Je parle d'âge car, en face de la bande de nervis gauchistes, exclusivement constituée d'étudiants et de jeunes (lycéens, travailleurs), de notre côté il y a nous, bien sûr, les jeunes de l'époque, mais les anciens sont là aussi et se battent avec nous : Lavo est là, André (le trésorier qui succéda à Ducret) lance à tour de bras tous les gros cendriers en céramique "Cinzano" qu'il peut trouver (et il y en a ! : tout le monde fume, et partout, à l'époque...). Et cela fait rudement mal, un Cinzano lancé à toute volée, pris en pleine poire !

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    Papa est là, avec son nerf de boeuf... Et, bien sûr, Debray est là, comme un tribun à qui il ne manque que le cheval, mais qui nous harangue en même temps qu'il insulte ces "salauds" de "fascistes" et qu'il les agonit d'injures et insultes bien senties, ce qui nous galvanise évidemment et déstabilise un peu les autres, c'est évident...

    Pendant ce temps, dans la salle, Maman et Madame Orsini (une amie d'AF qui ne manquait jamais ni une réunion ni une Jeanne ni, plus tard, un Rassemblement) m'ont raconté comment ceux qui ne pouvaient se battre étaient partagés entre l'indignation face à ces barbares, les encouragements qu'ils nous prodiguaient malgré tout et, quand même, il faut bien le dire, une certaine inquiétude; ou une inquiétude certaine...

    Et dans le vestibule ?

    Premier temps : nous nous sommes donc fait surprendre comme des bleus, bien qu'un peu préparés quand même. Sur leur lancée, par un simple effet mécanique d'entraînement, les gauchos gagnent quelques mètres de terrain, d'abord, même s'ils ne s'attendaient pas à ce que l'on résiste et, à fortiori, à une telle résistance...

    Les choses se figent un peu alors, l'affaire commence à durer, et les coups pleuvent, mais vraiment (et pas des caresses !) de part et d'autre. Si l'on se figure deux rectangles se faisant face (comme dans les plans de batailles) je me suis trouvé, en sortant précipitamment de la salle, à l'extrême-gauche de notre rectangle (à l'extrême-gauche ! moi !), au

  • Éphéméride du 28 avril

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    Il y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-choseou bien pour lesquels les rares évènements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

     1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

     2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

     3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

     4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

     5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

     6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

     7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

     8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

     9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

     10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

     11. Le Mont Saint Michel (11 août)

     12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

     13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre)   

     

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    Aujourd'hui : Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème, humaniste, politique et chrétien. 

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    À Versailles, la Galerie des Glaces, aujourd'hui...

    Octobre 1660 : Louis XIV emmène sa jeune épouse, Marie-Thérèse, a Versailles...

     

     

    Il s'en faut de beaucoup que le château ressemble à ce qu'il devait devenir, ni même qu'il soit simplement habitable. Pourtant, le jeune Roi sait très bien ce qu'il va édifier là :

    le palais du soleil, un triple poème : humaniste, politique et chrétien.

    Tâchons d'entrer dans les pensées du Roi, de suivre son idée conductrice, et nous verrons alors tout l'ensemble, palais et jardins, confondus parcequ'indissociables, obéir à une pensée profonde, en même temps qu'ils nous la révéleront.....

    Versailles n'obéit pas seulement à un plan architectural, mais se rattache à toute une tradition symbolique. C'est un hymne à la lumière ordonnatrice. Ici, plus qu'ailleurs, l'orientation donne tout son sens au monument. Voilà pourquoi à Versailles il faut, en tout, se reporter constamment au grand axe royal Est -Ouest.

    Perdons cela de vue, et l'on ne verra qu'un palais de plus, peut-être un peu plus grand, un peu plus beau, un peu plus richement décoré que les autres; mais pas vraiment différent d'eux.

    Au contraire, suivons et comprenons ce grand axe, et tout deviendra clair et lumineux; et nous verrons alors pourquoi Versailles est fondamentalement et essentiellement différent de tous les autres châteaux et palais royaux.....        

    Pour bien saisir ce qu'a voulu faire Louis XIV de Versailles, et à Versailles, voir notre album : 

    Racines (IV) : Versailles, le Palais-temple du soleil

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    Les Métamorphoses d'Ovide et la mythologie étaient familières à nos ancêtres : il nous faut fréquenter l'une et les autres, et nous les ré-approprier, si nous voulons comprendre Versailles. Ainsi, comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n'y a rien à Versailles qui n'ait rapport à cette divinité.

    Versailles reprend la leçon de Phidias, apprise de Périclès, qui la tenait lui-même d'Anaxagore : L'Esprit organise la confusion et donne forme au chaos.

    L'esprit est personnifié par l'action ou la journée d'Apollon qui, dans sa course quotidienne, apporte au monde les bienfaits de la chaleur et de la lumière, de la vie; dissipe les ténèbres; fait fructifier la nature. Ce rôle poétique, tenu dans la mythologie par Apollon, est assuré par le Roi soleil dans son action politique quotidienne, qui apporte au peuple français les bienfaits de l'ordre, par la Monarchie.

    Mais la lumière et la vie que le roi, moderne Apollon, est chargé d'apporter au peuple, est aussi celle du seul vrai Soleil : Dieu, dont Louis XIV n'est que le lieu-tenant sur terre. 

     

     

    I. L'axe Est - Ouest dans ses trois éléments principaux 

     

     

    1. Tout en bas du Tapis Vert, Apollon sortant de l'eau avec son char (ci dessus et ci dessous) débute sa journée : il regarde vers sa mère, Latone, et, par une gradation subtile, vers la chambre du Roi (au dessus de Latone, car le Roi est plus important que la mythologie...) et vers la chapelle (encore au dessus de la chambre du Roi, car Dieu est plus important que le Roi...).

    Au cours de sa journée, il va recommencer à dispenser ses bienfaits et dissiper les ténèbres.

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    2. On sait qu'Apollon est le fils de Jupiter et de Latone (ou Létho).
     

    Injuriée par des manants, Latone demanda vengeance à Jupiter, qui les transforma en grenouilles (ci dessous, le Bassin de Latone).

    Ici, à Versailles, les grenouilles représentent aussi les Hollandais vaincus dans leurs marais.

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    3. La chambre du Roi, centre et coeur du château, d'où tout part et vers où tout converge.

     

    Il restait aux artistes et à Louis XIV à repenser en chrétiens cette légende et ce mythe d'Apollon, reçu de l'Antiquité; et, après le passage du Dieu mythologique au Roi très Chrétien, à matérialiser le passage du Roi très Chrétien au seul vrai Roi, celui du Ciel.

    Le symbole retenu a été celui de la Chapelle, qui est le seul édifice à casser l'horizontalité des toits et qui, en émergeant de la masse imposante du château (ci dessous), manifeste bien que Dieu est plus haut. 

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    Dans sa course quotidienne, Apollon a rejeté à sa gauche tout ce qui était mauvais : la guerre, le chaos, le désordre...; et il a permis, à sa droite, que prospère et s'étende tout ce qui était bon : la paix, les fleurs et les fruits. 

     

     

     

    II. L'axe secondaire Nord-Sud, créé par la course d'Apollon, et donc totalement tributaire de l'axe principal Est-Ouest

     

     

    1. À l'extrême Nord, on a le Bassin de Neptune, qui symbolise la mer, l'élément indompté, toujours en mouvement et rébellion.

    Et aussi le Bassin du Dragon, animal terrible symbolisant les puissances maléfiques que doit vaincre le soleil, lui qui dissipe les ténèbres : c'est une représentation du chaos primitif, du chaos des origines, avant que ne paraisse le soleil (Apollon, le roi).

    Il faut noter aussi que le dragon symbolise la Fronde et les désordres politiques graves qu'a connu le roi lorsqu'il était enfant : or le roi a vaincu la Fronde, imitant en cela le dieu Apollon qui a vaincu le dragon Python (ci dessous).

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    De même, au nord, les arbres sont tout proches du château : symbole d'une Nature très dense, voire hostile et non encore transformée par le travail d'Apollon.

    Alors qu'au sud on a au contraire des fontaines, une nature aimable, maîtrisée et domptées; et les arbres sont repoussés au loin. Les bienfaits du soleil ont été répandus partout...

    En se rapprochant de la Chambre du Roi, on a - dans les jardins - la statue du Rhin (fleuve théâtre de nombreuses guerres), avec le Vase de la Guerre dans le parterre Nord. Et, à l'intérieur du château, le Salon de la Guerre. Le Nord marque donc bien toujours les dangers et les obstacles qu'Apollon / Louis XIV doit vaincre.

     

    2. C'est tout le contraire du côté Sud.

    Là ne sont que les bienfaits apportés par le soleil.

    D'abord, dans les jardins, la statue de la Loire (fleuve de douceur et de paix) avec le Vase de la paix. Et, à l'intérieur du château, le Salon de la Paix.

    Puis l'extraordinaire Orangerie (ci dessous).

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    Le Sud marque donc bien toujours les bienfaits qu'ont apporté le dieu Apollon et la monarchie de Louis XIV : l'ordre, au Sud, s'oppose au désordre et au chaos du Nord; les fleurs et les fruits d'une nature harmonieuse parce que fécondée par le soleil (par le roi) s'opposent à la nature primitive, sauvage et indomptée...

    On remarquera enfin la subtile hiérarchisation des rôles et des pouvoirs.

    En arrivant à la Galerie des Glaces, qui se trouve exactement entre le  Nord et le Sud et qui précède la Chambre du Roi, l'avant corps central est le seul précédé d'une terrasse de sept marches : tout est hiérarchisé à Versailles...

    Le dernier symbole ne sera plus le fait de marches, mais du toit de la Chapelle (où sont représentés les Apôtres, car ils ont été les propagateurs de "la" Lumière): jaillissant par dessus la longue ligne horizontale de l'attique, le toit brise cette horizontalité pour s'élancer perpendiculairement

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Qui a ”préparé” la Révolution ? La secte des Encyclopédistes. Qui l'a ”lancée”, avant

    1793 : Les Montagnards, ou radicaux, de la Convention décrètent la mise hors la loi des Girondins

     

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    Arrestation des Girondins...

     

    Il est passionnant, parce que très instructif, de suivre l'histoire des Girondins, tout au long de la Révolution, jusqu'à leur chute finale devant les enragés. Les Girondins symbolisent parfaitement, en effet, les apprentis sorciers de tous les pays et de toutes les époques qui, une fois qu'ils ont lancé des forces qu'ils ne peuvent plus maîtriser, se retrouvent impitoyablement broyés par l'infernale logique mécanique du mouvement qu'ils ont eux-mêmes follement déclenché....

    Mais qui étaient les Girondins ? Quelle fut leur pensée, et quelle fut leur action ?...

    Ils s'imaginèrent qu'ils pourraient faire et contrôler, non pas "la" Révolution mais "une" révolution; ils sapèrent méthodiquement la vieille monarchie, pensant y substituer un régime nouveau dont ils prendraient la tête. Les montagnards restèrent dans l'ombre et les laissèrent faire, jusqu'au moment où, les Girondins ayant suffisamment avancé le travail, et lancé un mouvement irrésistible qu'ils ne contrôlaient plus et qui les débordait partout, les tenants de la vraie Révolution n'eurent plus qu'à éliminer les modérés qui avaient si bien travaillé... pour eux !

    Comme tous les Kerenski de la terre, toujours et partout...

    Une fois de plus, on aura avec Jacques Bainville l'explication lumineuse des choses, malgré leur complexité apparente - et réelle... - grâce au fil conducteur qu'il sait constamment maintenir évident au lecteur: "Pour se guider à travers ces événements confus, il faut s'en tenir à quelques idées simples et claires." Et d'abord cette règle :

    "Tout le monde sait que, jusqu'au 9 thermidor, les révolutionnaires les plus modérés, puis les moins violents furent éliminés par les plus violents. Le mécanisme de ces éliminations successives fut toujours le même. Il servit contre les Constitutionnels, contre les Girondins, contre Danton. Le système consistait à dominer la Commune de Paris, à s'en emparer, à tenir les parties turbulentes de la capitale dans une exaltation continuelle par l'action de la presse et des clubs et en jouant de sentiments puissants comme la peur de la trahison et la peur de la famine, par laquelle une grande ville s'émeut toujours, puis à intimider par l'insurrection des assemblées remplies d'hommes hésitants et faibles."

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    Voici un court extrait seulement (il faudrait, évidemment, tout lire...) du chapitre XVI, La Révolution, de L'Histoire de France de Jacques Bainville :

     

    "Dans la nouvelle Assemblée, composée surtout de médiocres, les hommes les plus brillants, groupés autour de quelques députés du département de la Gironde dont le nom resta à leur groupe, étaient républicains sans l'avouer encore. Parce qu'ils étaient éloquents, ils avaient une haute idée de leurs talents politiques. Ils croyaient le moment venu pour leur aristocratie bourgeoise de gouverner la France; l'obstacle, c'était la Constitution monarchique de 1791 dans laquelle les Feuillants pensaient bien s'être installés. La Gironde était l'équipe des remplaçants. Les Constitutionnels se figuraient qu'ayant détruit l'ancien régime avec l'aide des Jacobins, la Révolution était fixée. Les Girondins s'imaginèrent qu'ils pourraient recommencer à leur profit la même opération avec le même concours. Et pour abolir ce qu'il restait de la royauté, pour en "rompre le charme séculaire", selon le mot de Jean Jaurès, ils n'hésitèrent pas à mettre le feu à l'Europe... C'est à quoi la Gironde, sans s'apercevoir qu'elle travaillait pour les Jacobins et qu'elle conspirait sa propre perte, parvint avec une insidieuse habileté...

    Lorsqu'ils comprirent leur erreur, pour les Girondins, il était déjà trop tard : les vrais révolutionnaires tirèrent les marrons du feu, en envoyant au passage à la Guillotine ces Girondins inconscients qui leur avaient si bien ouvert la voie...

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    Jacques Brissot de Warville

    Dans notre Album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville., lire la note "Brissot la guerre".

     

    On lira donc avec profit l'ensemble du chapitre XVI de L'Histoire de France de Bainville, "la" Bible de toute personne qui veut comprendre l'histoire, mais on pourra, en attendant s'y préparer grâce à l'excellent résumé que propose Michel Mourre, à l'article Girondins de son incontournable Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire :    

     

    • GIRONDINS. Groupe politique qui, pendant la Révolution française, joua un rôle important à la Législative et à la Convention. On les nommait ainsi parce que plusieurs de leurs chefs étaient des députés de la Gironde, mais on leur donnait aussi les noms de Brissotins, Buzotains et Rolandais en les rattachant à Brissot, Buzot, Roland. Outre ces trois personnages, les membres les plus influents du groupe étaient Vergniaud, Isnard, Guadet, Gensonné et le savant Condorcet. Avocats et journalistes pour la plupart, les Girondins appartenaient socialement à la bourgeoisie aisée, aux milieux d'affaires, aux banquiers, aux armateurs des grands ports. Ils représentaient la classe qui avait profité le plus de 1789, qui par conséquent était décidée à empêcher tout retour à l'Ancien Régime, mais aussi toute évolution vers une démocratie sociale. Ils se méfiaient des penchants insurrectionnels du peuple parisien.

    À l'époque de la Législative (1791/92), les Girondins se retrouvaient avec Robespierre au Club des Jacobins, mais Brissot et Robespierre devinrent rapidement rivaux. Les orateurs de la Gironde, jeunes, ambitieux, enivrés de leur propre éloquence, se firent d'abord les champions d'une politique révolutionnaire et belliqueuse. Contre Robespierre, qui mesurait le péril d'une invasion ou d'un césarisme militaire, les Girondins voulurent éperdument la guerre afin de séparer Louis XVI des monarchies européennes et des émigrés, et de le compromettre avec la Révolution. En octobre/novembre 1791, ce furent eux qui imposèrent des mesures rigoureuses contre les émigrés et les prêtres réfractaires. Brissot et Vergniaud se dépensèrent à la tribune de la Législative pour réclamer "la croisade de la liberté universelle". Ainsi les Girondins faisaient, sans s'en rendre compte, le jeu des contre-révolutionnaires car, d'une guerre désastreuse pour la révolution, le roi pouvait espérer le rétablissement de l'autorité royale. Le 15 mars 1792, Louis XVI forma un ministère girondin avec Roland à l'Intérieur et Dumouriez aux Affaires étrangères; la belle, enthousiaste et ambitieuse Mme Roland (ci dessous) fut l'égérie de ce ministère qui, le 20 avril 1792, plongea la France dans une guerre qui devait s'achever, vingt-trois ans plus tard, à Waterloo.

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    La belle "Madame Roland"...
     

    Compromis aux yeux de l'opinion publique par les premiers revers des armées françaises, les Girondins s'efforcèrent de détourner la colère populaire contre le roi. Louis XVI ayant refusé deux décrets révolutionnaires et ayant renvoyé les ministres girondins (13 juin), la Gironde organisa contre lui la journée du 20 juin 1792; celle-ci fut un échec, mais déclencha des forces qui, échappèrent bientôt au contrôle des Girondins. L'élan patriotique contre l'étranger donnait une impulsion nouvelle vers l'extérieur. La journée du 10 Août puis les massacres de Septembre firent comprendre aux Girondins les dangers de la dictature populaire parisienne. Dès lors, ils s'appuyèrent de plus en plus sur la province, sur les administrations locales, ce qui permit aux Montagnards de les accuser de "fédéralisme". Dès le 17 septembre 1792, Vergniaud dénonça dans un discours la tyrannie de la Commune parisienne.

    À la Convention, les Girondins, qui comptaient environ 160 députés, constituèrent la droite de l'Assemblée. Ils commencèrent à quitter le club des Jacobins. Défenseurs de la bourgeoisie aisée et de la liberté économique, ils étaient opposés aux montagnards par des haines bientôt inexpiables. Dès les premières séances de la Convention, ils lancèrent de violentes attaques contre Marat. Le procès de Louis XVI (décembre 1792/janvier 1793) acheva de séparer la Gironde de la révolution : les Girondins tentèrent de sauver le roi en demandant l'appel au peuple, qui fut refusé. Ils s'élevèrent ensuite contre l'institution du Tribunal révolutionnaire, mais la défaite de Neerwinden (18 mars 1793) et la défection de Dumouriez, qui avait été l'un des leurs, les compromirent définitivement.

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    Marat 

               

    La lutte ultime entre la Gironde et la Montagne se déroula pendant les mois d'avril/mai 1793. La Gironde fit décréter par la Convention l'arrestation de Marat (ci dessus, 13 avril), mais celui-ci fut absous par le Tribunal révolutionnaire et ramené triomphalement à la Convention (24 avril). La Gironde tenta alors une dernière manoeuvre en faisant nommer, le 18 mai, la commission des Douze, chargée de veiller à la sûreté de l'Assemblée et d'enquêter sur les exactions de la Commune parisienne. Cette commission fit arrêter Hébert. Mais les Montagnards avaient l'appui de trente-six des quarante-huit sections de Paris. Après une première journée d'émeutes, le 31 mai, la Convention se vit, le 2 juin, cernée par 80.000 insurgés, et, sur les injonctions d'Hanriot, nouveau chef de la garde nationale, la majorité terrifiée vota l'arrestation de trente et un Girondins.

    Plusieurs d'entre eux réussirent à s'échapper et à gagner la province, où ils organisèrent des insurrections fédéralistes. Roland, Pétion, Buzot, Clavière furent acculés au suicide. Brisson, Vergniaud, Gensonné et des dizaines de leurs camarades furent exécutés à Paris le 31 octobre 1793. Huit jours plus tard, Mme Roland périt à son tour sur l'échafaud. Quelques Girondins comme Louvet de Couvray, Isnard,  Lanjuinais, revinrent à la Convention après Thermidor.

     

     Jean-Marie Roland, qui avait réussi à s'enfuir à Rouen, se suicida de désespoir, le 8 novembre, en apprenant la mort de sa femme, dont il était fou amoureux : sur la mort de Manon Roland, dite "madame Roland", voir l'Éphéméride du 8 novembre...

    Eh, oui, il faut le savoir : la Révolution mange toujours les révolutionnaires...

     

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  • Vivre et mourir à Marseille ? Bienvenue dans la nouvelle France

     

    Une recension de Jean-Paul Brighelli qui anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur. Et un saisissant tableau !

     

    985859-1169345.jpgPoncif : les Marseillais ont avec leur ville une relation passionnelle. Amour et haine. Ils se savent différents. Issus — et ce n’est pas une formule — de la « diversité » : Provençaux, Catalans (un quartier porte leur nom), Corses (près de 130 000), Italiens divers et d’été, Arméniens réfugiés ici dans les années 1920, Pieds-Noirs de toutes origines, en particulier des Juifs séfarades, Arabes de tout le Maghreb, et depuis quelques années Comoriens (plus de 100 000) et Asiatiques — les Chinois occupent lentement le quartier de Belsunce comme ils ont, à Paris, occupé Belleville, au détriment des Maghrébins qui y prospéraient.

    Bien. Vision idyllique d’une ville-mosaïque, où tous communient — si je puis dire — dans l’amour du foot et du soleil…
    Mais ça, dit José d’Arrigo dans son dernier livre, ça, c’était avant.

    Dans Faut-il quitter Marseille ? (L’Artilleur, 2015), l’ex-journaliste de l’ex-Méridional, où il s’occupait des faits divers en général et du banditisme en particulier, est volontiers alarmiste. Marseille n’est plus ce qu’elle fut : les quartiers nord (qui ont débordé depuis lulure sur le centre — « en ville », comme on dit ici) regardent les quartiers sud en chiens de faïence. Et les quartiers sud (où se sont installés les Maghrébins qui ont réussi, comme la sénatrice Samia Ghali) se débarrasseraient volontiers des quartiers nord, et du centre, et de la porte d’Aix, et des 300 000 clandestins qui s’ajoutent aux 350 000 musulmans officiels de la ville. Comme dit D’Arrigo, le grand remplacement, ici, c’est de l’histoire ancienne. Marseille est devenu le laboratoire de ce qui risque de se passer dans bon nombre de villes. Rappelez-vous Boumédiène, suggère D’Arrigo : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère Sud pour aller dans l’hémisphère Nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. » « Les fanatiques, dit D’Arrigo, ont gagné la guerre des landaus ». Le fait est que partout, on rencontre des femmes voilées propulsant fièrement leurs poussettes avec leurs ventres à nouveau ronds. Si ce n’est pas une stratégie, ça y ressemble diablement. D’autant que c’est surtout l’Islam salafiste qui sévit ici. Et à l’expansion du fondamentalisme, observable à vue d’œil dans les gandouras, les barbes, les boucheries hallal, le « sabir arabo-français aux intonations éruptives issues du rap », les voiles, les burqas qui quadrillent la ville, répond un raidissement de la population autochtone — y compris des autochtones musulmans, ces Maghrébins de première ou seconde génération, qui, voyant la dérive des jeunes qui les rackettent et les menacent, en arrivent très consciemment à inscrire leurs enfants dans les écoles catholiques et à voter FN : « Ce sont les Arabes qui ont porté le FN au pouvoir dans les quartiers nord, pas les Européens ».

    Marseille est effectivement devenue terre d’Islam, Alger évoque sans rire la « wilaya de Marsylia », et, dit l’auteur en plaisantant (mais le rire est quelque peu crispé), ce sera bientôt « Notre-Dame-d’Allah-Garde » qui dominera la ville. Je l’ai raconté moi-même ici-même à maintes reprises. La burqa, ici, c’est tous les jours, partout. Au nez et à la barbe de policiers impuissants : il y a si peu d’agents de la force publique que c’en devient une plaisanterie.

    Et l’image que j’évoquais plus haut d’une ville cosmopolite est désormais clairement un mythe : Marseille est une ville où les diverses « communautés » s’ignorent (version rose) ou se haïssent — version réaliste. Marseille, ville pauvre où 50% des habitants sont en dessous du seuil d’imposition (contre 13% à Lyon, si l’on veut comparer), « n’en peut plus de ces arrivées incessantes de gens venus d’ailleurs, et venant ici rajouter de la misère à la misère ». Ici on ne se mélange plus. On s’observe, et parfois on tire. « Marseille est devenue une redoutable machine à désintégrer après avoir été durant un siècle une ville d’immigration et d’assimilation à nulle autre pareille. »
    Qu’il n’y ait pas de malentendu sur le propos de l’auteur. Il n’est pas dans la nostalgie d’une Canebière provençale et d’un Quai de Rive-Neuve où César et Escartefigue jouaient à la pétanque (un mythe, ça aussi). Il regrette la ville de son enfance (et de la mienne), où tous les gosses allaient en classe et à la cantine sans se soucier du hallal ou du casher, et draguaient les cagoles de toutes origines sans penser qu’elles étaient « impures ».

    Responsabilité écrasante des politiques, qui durant trois décennies ont systématiquement favorisé ceux qu’ils considéraient comme les plus faibles. Marseille a été le laboratoire de la discrimination positive, et aujourd’hui encore, les réflexes des politiciens qui financent des associations siphonneuses de subventions sont les mêmes. « On a substitué à la laïcité et à l’assimilation volontaire, qui naguère faisait autorité, le communautarisme et le droit à la différence ». « Cacophonie identitaire » et « défrancisation », « désassimilation ».

    Comment en est-on arrivé là ? L’auteur dénonce avec force la substitution, à des savoirs patiemment instillés, du « péril de cette époque insignifiante gavée de distractions massives : le vide, le vertige du vide ». Je faisais il y a peu la même analyse, à partir du livre de Lipovetsky.

    D’où la fuite de tous ceux qui, « dès qu’ils ont quatre sous, désertent la ville et s’installent à la campagne ». Vers Saint-Maximin, Cassis, ou autour d’Aix — ou plus loin : des milliers de Juifs par exemple ont fait leur Alya et sont partis en Israël, et les Corses se réinstallent dans les villages de leurs parents. Mais « dans ces conditions, des quartiers entiers de Marseille risquent de se ghettoïser. » Ma foi, c’est déjà fait.

    Et si la ville n’a pas explosé, c’est qu’il y règne un « ordre narcotique » auquel veillent les trafiquants, peu soucieux de voir s’instaurer un désordre peu propice au petit commerce du shit — une activité parallèle qui génère chaque année des dizaines de millions d’euros. L’Etat en tout cas n’existe plus déjà dans 7 arrondissements sur 16, où les gangs, narco-trafiquants infiltrés de djihadistes potentiels, font régner l’ordre — c’est-à-dire le désordre des institutions. Quant à l’école, « elle a sombré ». Effectivement, les truands ne voient pas d’un bon œil que certains leur échappent en tentant de s’instruire. D’ailleurs, ceux qui y parviennent sont les premiers à « quitter Marseille ».

    Les solutions existent — à commencer par un coup de balai sur cette classe politique phocéenne corrompue jusqu’aux os, qui entretient un système mafieux en attendant qu’il explose. La candidature d’Arnaud Montebourg en Mr Propre, évoquée par D’Arrigo, me paraît improbable : il n’y a ici que des coups à prendre. L’arrivée aux commandes de Musulmans modérés est plus probable : le Soumission de Houellebecq commencera ici.

    Et pour que les bonnes âmes qui croient que ce blog est islamophobe cessent de douter, je recopie, pour finir, une anecdote significative — mais le livre en est bourré, et Marseille en fournit tous les jours.

    « À la Castellane, la cité de Zinedine Zidane, les policiers sont appelés de nuit par une mère affolée. Sa fillette de 10 ans est tombée par mégarde du deuxième étage et elle a les deux jambes brisées. Il faut la soigner de toute urgence et la conduire à l’hôpital. L’ambulance des marins-pompiers et la voiture de police qui l’escorte sont arrêtées par le chouf [le guetteur, pour les caves qui ne connaissent pas l’argot des cités] douanier à l’entrée de la cité. Lui, il s’en moque que la gamine meure ou pas. Il va parlementer une demi-heure avec les policiers et les pompiers et les obliger à abandonner leurs véhicules pour se rendre à pied au chevet de la blessée. « Je rongeais mon frein, raconte un jeune flic qui participait au sauvetage, je me disais dans mon for intérieur, ce n’est pas possible, ces salauds, il faut les mater une fois pour toutes, j’enrageais de voir un petit caïd de banlieue jouir avec arrogance de son pouvoir en nous maintenant à la porte. Ce qu’il voulait signifier, ce petit con, c’était très clair : les patrons, ici, c’est nous. Et vous, les keufs, vous n’avez rien à faire ici… » »

    À bon entendeur…

    Faut-il quitter Marseille ? Prix : 18,00 €

     

    Jean-Paul Brighelli - Bonnet d'âne

     

  • Le Testament politique de Louis XVI...

     
                Concilier l'héritage de la monarchie française avec les idées nouvelles, au milieu d'évènements auquels nul n'était préparé....
     
                Voici réunis et présentés pour la première fois, dans leur ensemble, les testaments et manifestes rédigés de la main de Louis XVI.
                On découvrira dans ce recueil une pièce exceptionnelle : le fac-similé de la Déclaration du roi adressée à tous les Français à sa sortie de Paris, écrite avant son arrestation à Varennes dans la nuit du 21 au 22 juin 1791 (dont l'original a été retrouvé, aux Etats-Unis, en mai 2009, par un collectionneur français, Gérard Lhéritier).
     
                Ce document majeur constitue le testament politique de Louis XVI ; il est accompagné des " feuilles retranchées " (dues au comte de Provence, futur Louis XVIII).
               
                Ce volume contient également le testament moral de Louis XVI rédigé à la prison du Temple et, en annexe, celui de Marie-Antoinette.  
               
                Dans son introduction, Jacques de Saint Victor (ci dessous) raconte la fabuleuse épopée du manuscrit de la Déclaration du roi et, dans sa présentation, Jean- Christian Petitfils montre que ces testaments et manifestes permettent de comprendre la vraie personnalité de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793. 
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                 Mais le plus important reste la leçon politque que l'on peut tirer de ce texte. L'éclairage qu'apporte Jacques de Saint Victor -nouveau pour beaucoup, victimes du mensonge et du travestissement officiel de notre Histoire- mérite que l'on y revienne quelques instants: voilà pourquoi il nous a  semblé utile, en présentant ce nouvel ouvrage à deux mains, de reproduire, ci après, le très bon texte qu'avait publié le même Jacques de Saint Victor dans Le Figaro, le 19 mai 2009....   

                  Confirmation(s) pour les uns, révélation(s) pour les autres....       

     
     
     
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     Éditions des Équateurs, 106 pages, 18 euros
     
                                                                                                
     
                Avant de fuir (nous préférons, on le sait, le terme de "s'évader", ndlr) en juin 1791, le roi de France avait rédigé un texte pour se justifier. Le manuscrit, qui avait disparu, a été découvert aux États-Unis. Il avait disparu depuis la Révolution française. Il se cachait dans une collection américaine où il vient d'être acquis par un Français, collectionneur de manuscrits anciens.
     

                Le testament politique de Louis XVI est une œuvre politique majeure, datant de la fuite à Varennes, dans la nuit du 20 juin au 21 juin 1791. Avant de partir, Louis XVI a probablement quelques scrupules. Il pense enfin pouvoir échapper à l'Assemblée constituante mais il ne veut pas quitter Paris sans laisser un document expliquant les raisons de sa fuite. Il entend s'adresser à son peuple. Aussi rédige-t-il cette Déclaration à tous les Français, un manuscrit de seize pages in quarto, qui deviendra, selon la tradition historique, son «testament politique» (à ne pas confondre avec le testament qu'il rédigera dans la prison du Temple avant de monter sur l'échafaud et qui est plus personnel et moral). Le roi demandera à La Porte, son intendant, de déposer le lendemain de sa fuite cette Déclaration sur le bureau du président de l'Assemblée, qui est alors Alexandre de Beauharnais. L'histoire se télescope : celui qui recueille le testament du dernier roi de l'Ancien Régime n'est autre que le premier époux de Joséphine, la future impératrice des Français ! Le monde est petit.

                Dans ce texte long et parfois assez mal structuré, Louis XVI entend exprimer sa conception politique la plus profonde. Au moment de le rédiger, il se sent libéré des contraintes, des faux-semblants et des réserves qu'il a toujours dû s'imposer depuis le début de la Révolution. Il déclare même, au moment de partir, qu'«une fois le cul sur la selle, il serait tout autre». Se voyant déjà loin de Paris et de l'Assemblée, il livre sa véritable conception des événements révolutionnaires, depuis la réunion des États généraux, et exprime son idéal politique, une monarchie constitutionnelle avec un monarque puissant.

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    Louis d'or à l'effigie de Louis XVI
     
     

               C'est donc un texte d'une portée considérable. Dans sa biographie de Louis XVI, Jean-Christian Petitfils, insiste à juste titre sur son caractère essentiel pour bien comprendre l'évolution de la pensée du monarque : «La plupart des historiens, écrit Petitfils à propos de la déclaration royale, ne lui ont pas donné l'importance qu'elle mérite. Ils l'ont soit négligée, soit hâtivement lue et commentée» (1). Son contenu n'était en effet pas ignoré des savants, dans la mesure où le texte a été reproduit dans de nombreux documents parlementaires, notamment les Archives parlementaires (publiées sous le Second Empire), mais l'original avait disparu. C'est lui qui vient enfin d'être retrouvé. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit du document authentique. Son acquéreur, Gérard Lhéritier, président de la société Aristophil, une société qui achète des manuscrits anciens et propose ensuite à des collectionneurs de devenir en partie propriétaires de ces documents (tout en les conservant dans son Musée des lettres et manuscrits), insiste sur son caractère unique. «C'est une pièce exceptionnelle, vibrante d'histoire, que nos experts ont pu retrouver aux États-Unis.» Cette certitude est confirmée par des spécialistes de grand renom, comme Thierry Bodin, expert en autographes près la cour d'appel de Paris. Pour ce dernier, la paternité du document est évidente. «C'est la signature du roi et, surtout, il a été paraphé et signé par le président de l'Assemblée nationale, Alexandre de Beauharnais.» D'autant que la prise de Gérard Lhéritier est double. Il y a non seulement le document en lui-même mais un autre manuscrit de huit pages rédigées par le propre frère de Louis XVI, le comte de Provence, futur Louis XVIII. Ce texte avait été demandé par le roi à son frère peu de temps avant son départ, afin que celui-ci retrace les injustices subies par la famille royale depuis 1789. C'était une manière d'impliquer le comte de Provence dans le projet de fuite et le contraindre, par la même occasion, de quitter Paris le même jour (le roi craignait que son frère, qui n'avait pas toujours été tendre avec le couple royal, ne cherche à profiter de son départ pour se hisser sur le trône). Jugées trop agressives à l'égard de l'Assemblée, les remarques du comte de Provence ne furent pas toutes reprises par Louis XVI, qui commentera puis écartera ces huit pages.

    Pièce à charge lors du procès du roi.

                Comment un tel trésor a-t-il pu s'évanouir dans la nature ? La plupart des historiens et des spécialistes avouent leur ignorance sur les circonstances de la disparition de ces documents capitaux. C'est un mystère digne du Da Vinci Code. Jean-Christian Petitfils rappelle que ce n'est pas le seul document officiel qui ait disparu sous la Révolution. Il suffit de songer, dans un autre registre, au vol des diamants de la Couronne. Selon Thierry Bodin, le document devait probablement avoir été conservé jusqu'au procès de Louis XVI qui s'ouvre en décembre 1792. «Il disparaît ensuite, sans laisser de trace.» Certains pensent qu'il aurait pu, au milieu du XIXe siècle, faire partie du fonds d'un collectionneur fameux, Étienne Charavay, mais il ne figure pas dans la vente des manuscrits de ce dernier. D'autres évoquent la possibilité qu'il ait été dans le fonds de Feuillet de Conches, autre collectionneur célèbre du XIXe siècle, qui a publié des Lettres et documents inédits de Louis XVI (1864-1873), mais où les documents les plus authentiques côtoient les faux les plus étonnants. Il faut se rendre à l'évidence : on ne sait pas comment le manuscrit a pu disparaître pour ensuite quitter le territoire. Son existence est signalée dans les années 1950, à l'occasion d'une vente Hennessy, mais le document original n'y figure pas. Puis on perd définitivement sa trace jusqu'à son acquisition aujourd'hui par la société Aristophil.

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                 Un mystère surprenant, alors même que ce texte a eu, dans la vie du monarque, un rôle on ne peut plus funeste.Car la Déclaration fut en effet une des pièces à charge lors du procès du roi sous la Terreur. Ainsi, le rapport d'accusation, lu par Lindet le 10 décembre 1792, à la Convention, le cite précisément et l'utilise pour prouver la duplicité du roi et ses mauvaises intentions. «C'était sans doute le Manifeste destiné à plonger la France dans les horreurs de la guerre civile, écrit Lindet. (…) Son Manifeste du 20 juin atteste ses intentions hostiles ; il voulait le renversement de l'État, puisqu'il ne voulait ni les lois, ni la Constitution qu'il avait juré de maintenir» (2). Indéniablement, cette Déclaration a contribué à poser Louis XVI en ennemi de la Révolution.

                Mais que dit précisément le texte ? En réalité, le roi est loin d'avoir rédigé un brûlot contre-révolutionnaire. Il ne se résout certes pas à l'abaissement de la monarchie. Il juge que les réformes de l'Assemblée et l'attitude des clubs, «calomniateurs et incendiaires», ont porté atteinte à «la dignité de la Couronne de France». Il s'en prend notamment au refus, par l'Assemblée, de lui accorder un droit de veto absolu (il n'est que «relatif»), au poids excessif des comités de la Constituante, notamment le Comité des recherches qui exerce, selon le roi, «un véritable despotisme plus barbare et plus insupportable qu'aucun de ceux dont l'histoire ait jamais fait mention».

    Le monarque n'avait jamais été aussi conciliant.

                Le roi critique aussi l'excessive décentralisation, la suppression de son droit de grâce, etc. Mais, sur le plan social, il se rallie pourtant à la révolution juridique de l'été 1789 ; il ne rejette plus l'abolition des ordres, comme dans sa Déclaration du 23 juin 1789. Il admet l'égalité civile et insiste même sur les réformes qu'il avait cherché à faire, notamment en 1787, en matière fiscale, afin que les privilégiés ne bénéficient plus d'exemptions indues. Il conclut, sur le ton de l'époque : «Français, et vous surtout Parisiens (…), revenez à votre roi ; il sera toujours votre père, votre meilleur ami.»La rédaction du texte lui a pris à peu près quatre ou cinq mois de réflexion. Il y a travaillé seul, à l'insu de ses ministres, et il n'y associera son frère qu'à la dernière minute, le samedi 18 juin, comme en témoigne ce dernier. On sait comment tout cela finira. Son arrestation à Varennes va, comme le rappelle Mona Ozouf, se révéler fatale pour la monarchie (3). La déclaration du roi se montrera bien incapable de lui sauver la mise. Bien au contraire. Le prestige de la monarchie sera pour jamais terni par cette équipée malheureuse. Pourtant, comme le remarque à juste titre Jean-Christian Petitfils, ce testament politique de Louis XVI prouve que le roi n'avait jamais été aussi conciliant. C'est ce triste paradoxe que met en évidence le document laissé à l'Assemblée : «Jamais Louis XVI n'avait été aussi proche de la Révolution qu'en fuyant la capitale. Sur la route de Varennes, il était devenu un souverain constitutionnel, à la recherche, hélas, d'une impossible Constitution» (4). De toute cette histoire tragique, il ne reste plus aujourd'hui qu'un seul témoignage, ce manuscrit oublié.

    (1) «Louis XVI», Perrin, 2005, p. 810.

    (2) «Moniteur», tome XV, p. 715.

    (3) «Varennes, la mort de la royauté (21 juin 1791)», Gallimard, 2008.

    (4) «Louis XVI», Perrin 2005, p. 885.

     

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    La dernière page du manuscrit, qui en compte seize en tout, racheté par un collectionneur français. Louis XVI termine son message par ces mots : « Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. A Paris, le 20 juin 1791, Louis.»
  • Cette nouvelle (et toxique) lutte des classes que nous prépare le Coronavirus, avec Christophe Boutin, Philippe Crevel.

    Source : https://www.atlantico.fr/

    Le confinement vécu de manière différente par les Français accélérer le sentiment de faire partie de deux mondes opposés. Il pourrait bien faire monter l'envie et le ressentiment dans une partie de la population.

    Atlantico : Au vu des prises de positions du gouvernement - Stanislas Guérini qui explique qu'il existe une opposition entre pauvres et nantis - en cette période de crise et de confinement, pensez-vous que la naissance d'un nouveau prolétariat est possible ? Si oui, de quelle manière ? 

    Christophe Boutin : Il y a toujours eu une opposition entre les « pauvres » et les « nantis » : n’oublions pas ce que Nietzsche appelle le ressentiment, ni que des auteurs comme Montesquieu ou Alexis de Tocqueville ont mis en garde sur la place que tient l'envie dans le cœur de l'homme - et les dégâts que cela peut faire dans une société. Dans l'Athènes antique de la démocratie triomphante, on a vu ainsi des dirigeants exilés par envie et condamnés pour se partager leurs richesses.

    Le confinement que nous vivons peut-il accélérer le sentiment de faire partie de deux mondes opposés, et faire monter envie et ressentiment dans une partie de la population ? Sans doute, à partir du moment où il est évident que les conditions dans lesquelles il est vécu sont très différentes : on ne saurait confondre la situation de ceux qui ont pu rejoindre une maison de campagne spacieuse et celle d’une famille assignée à résidence dans un logement de petite superficie. En ce sens, il n'y aura donc pas une expérience commune du confinement qui pourrait, après la crise, souder les Français par un vécu partagé, et certaines différences et divisions auront peut-être été au contraire rendues plus criantes. C'est un peu ce qu’évoquait le président de LREM, Stanislas Guérini, lorsqu'il déclarait il y a quelques jours : « Il y a la France des résidences secondaires et celle des HLM, la France de la 4G et celle des zones blanches, la France qui peut être en télétravail et celle de ceux qui sont en première ligne ».

    Est-ce pour autant l’opposition entre un nouveau « prolétariat » et des « bourgeois » ? Je crois que le premier terme est très mal choisi. D’une part, il renvoie par trop à la vision marxiste de la lutte des classes, quand les marxistes eux-mêmes savent que le prolétariat n'est finalement pas révolutionnaire et ne veut rien d'autre qu'accéder à la petite bourgeoisie. D’autre part, même les fondations de gauche, actant la lente disparition des prolétaires, ont conseillé à leurs partis, en termes électoraux, de soutenir ces nouveaux « damnés de la terre » que seraient les immigrés.

    En fait, les deux groupes que décrit Guerini - et ce n’est sans doute pas un hasard, nous y reviendrons -, font tous deux très largement partie d’une classe moyenne dont les sociologues peinent à définir les contours : si une part de la France des HLM peut être intégrée dans les CSP-, une autre fait partie de la « classe moyenne inférieure » ; et si une part de la France des résidences secondaires se retrouve dans les CSP+, une autre fait partie des « classes moyennes supérieures ».

    Philippe Crevel : L’opposition entre pauvres et riches n’est pas une nouveauté. Elle est moins prégnante quand l’ascenseur social fonctionne et quand l’ensemble de la société partage un grand nombre de valeurs. Longtemps la France a été marquée par la guerre des classes sur fond d’idéologie marxiste. Avec l’affaiblissement du parti communiste dans les années 80 et la chute de l’URSS ainsi qu’avec la diminution du nombre d’ouvriers, certains ont cru à la disparition de la lutte des classes. Cette fin de l’histoire n’a pas eu lieu. L’opposition entre pauvres et riches s’exprime de manière différente que ce soit à travers les émeutes des banlieues ou la crise des gilets jaunes. Les lignes de partage sont bien plus complexes aujourd’hui qu’hier. Dans le passé, les ouvriers rassemblaient des hommes et des femmes ayant des profils assez proches. Leur conscience de classe s’est forgée dans le cadre de luttes sociale et s’exprimait à travers le filtre des syndicats dits révolutionnaires. Aujourd’hui, dans une société éclatée, le « nouveau prolétariat » n’a pas de conscience réelle de classe. Entre les assistants sociaux, les infirmiers, les magasiniers, les caissiers, les micro-entrepreneurs, etc., les statuts, les formations sont différentes. Entre les habitants de banlieue en proie au radicalisme religieux et les habitants en milieu rural, les dissemblances sont importantes. Par ailleurs, au sein des nouveaux prolétaires, certains peuvent bénéficier d’une sécurité de l’emploi quand d’autres sont confrontés à une extrême précarité. Les points communs sont la faiblesse de la rémunération, l’absence de promotion, et un manque de reconnaissance de la part de la société (même si cela peur évoluer avec la crise actuelle par exemple). L’hétérogénéité des travailleurs à revenus modestes rend difficile l’expression de revendications communes. La crise des gilets jaunes en 2018 a démontré l’absence de cristallisation des revendications autour de personnalités représentatives. Cette situation est amplifiée par le déclin des partis politiques qui sont censés selon l’article de la Constitution de 1958 concourir à l'expression du suffrage.

    Le gouvernement actuel semble ne pas savoir ou ne pas reconnaître la sphère privée dans son ensemble (comme par exemple ce que sont des directeurs de supermarchés, des petits patrons etc.). Les classes moyennes peuvent-elles être écartelées par ce phénomène-là ? Si oui, de quelles façons ?

    Christophe Boutin : Là encore en effet, on sent bien que les problèmes de la classe moyenne du secteur privé – plaçons à part les fonctionnaires - ne sont guère pris en compte par le gouvernement. Petits patrons des PME/PMI, franchisés, auto-entrepreneurs, professions libérales, artisans, agriculteurs, pêcheurs, tout ce monde qui, aujourd’hui, lutte pour sa survie, semble passer au second plan, dès lors du moins qu’il dirige une structure ou travaille de manière autonome. On va préserver les intérêts des salariés, ce qui est très certainement justifié, mais on osera moins protéger ceux de ces petits employeurs ou indépendants. Et l’on se penche avec beaucoup plus de considération sur le sort cruel de l’intermittent du spectacle qui ne pourra cette année se rouler nu sur une scène avignonnaise – mais qui tirera certainement de cette cruauté des accents nouveaux sur scène la saison prochaine - que sur celui d’un auto-entrepreneur qui, lui, ne pourra jamais reprendre son travail et devra en chercher un autre.

    Cette division, sensible, est regrettable en ce que, là encore, elle induit des tensions entre des catégories qui ont pourtant tout à gagner à se fédérer, celles des différents niveaux des classes moyennes. Elles ont en effet, employeurs ou salariés, PME ou auto-entrepreneurs, un combat commun à mener pour l’emploi et sont victimes de la même manière de la crise sanitaire et économique actuelle.

    Philippe Crevel : Les classes moyennes qui ont au cœur des Trente Glorieuses et joué un grand rôle dans la stabilisation de la société française jusque dans les années 80, sont aujourd’hui menacées d’éclatement avec la polarisation de l’emploi et la segmentation territoriale. Il faut néanmoins prendre conscience que le corps central de la société française a toujours été très diverse, composé de professeurs, de commerçants, d’entrepreneurs, d’artisans d’employés, de cadres et d’ouvriers qualifiés. Avec la digitalisation, avec le recul de l’industrie, des fracturations sont en marche, accentuées par les problèmes que rencontre une part croissante de la population pour se loger dans les grandes métropoles. La digitalisation de l’économie a provoqué la disparition d’un nombre non négligeables d’emplois occupés par les classes moyennes le développement d’emplois très qualifiés et d’emplois de proximité, souvent à temps partiel ou en CDD. Il en résulte une forte peur de déclassement et une crainte de ne pas pouvoir évoluer au sein de la société. Bien souvent, l’hostilité la plus violente se manifeste à l’encontre du supérieur, du chef d’au-dessus qui pour autant n’a pas une situation économique et sociale très différente.

    Qui, sociologiquement, seront les individus concernées par ce « nouveau prolétariat » ? Auront-ils les mêmes adversaires de classe ? Une nouvelle forme de populisme peut-elle naître de cela ou est-elle déjà en marche ?

    Christophe Boutin : Le populisme n’est pas réductible à l’approche marxiste de classe dont j’ai dit combien elle me semblait dépassée, et plus que de « nouveau prolétariat » il faudrait sans doute parler ici de « rassemblement des déclassés ». Depuis maintenant quelques décennies en effet, la crainte du déclassement hante une bonne part de nos contemporains, et notamment les membres de la - ou des – classe(s) moyenne(s).

    Les membres des CSP- ressentent, elles, la panne de l’ascenseur social, se voyant assignés à vie dans un statut de quasi assistanat – la plupart d’entre eux ont en effet besoin de bénéficier d’une aide, ou, au moins, de ne pas payer certaines charges, ce qui revient au même, pour pouvoir vivre de manière décente. La classe moyenne, elle, se caractérisait, pour sa partie inférieure, justement, par le fait d’échapper à cet assistanat, ce dont elle était fière, et pour sa partie supérieure, en bénéficiant d’un cadre lui permettant de consommer mais surtout de transmettre plus de biens, tout en ayant des professions disposant d’un certain statut social.

    C’est tout cela qui a disparu depuis quelques décennies : la classe moyenne inférieure ne peut plus subsister sans aides qu’en surveillant tous les jours sa consommation, et la supérieure est frappée elle aussi à la fois par la baisse de ses revenus et par la disparition du statut de ses professions. Toutes ont en commun d’être persuadées que leurs enfants auront une vie plus difficile que la leur, et qu’elles-mêmes ne connaissent pas le confort de leurs parents – d’où, en partie, la critique de la génération des « boomers », accusée d’avoir mené à cet état de fait. C’est par excellence le symptôme du sentiment de déclassement.

    Or le gouvernement risque de se tourner vers les classes moyennes supérieures pour payer une large partie de l’ardoise de l’épidémie. Bien plus que sur les possesseurs d’un capital financier - manifestement, malgré la crise, les répartitions de dividendes se portent bien -, il y a fort à parier que les possesseurs de bien immobiliers par exemple, cette forme de capital qu’Emmanuel Macron déteste viscéralement, seront, eux, largement mis à contribution. Cela n’aura qu’un effet incident pour les véritables classes supérieures, le fameux 1%, mais très rude sur des classes moyennes pour lesquelles l’accession à la propriété était à la fois un élément de statut social et une sécurité, pour eux comme pour leurs descendants.

    Or le déclassé est le principal moteur de toutes les révolutions, et cette masse représente le gros des troupes du populisme. On comprend alors la crainte du gouvernement qu’enfle la vague réunissant ce que Christophe Guilluy nomme la « France périphérique » et Jérôme Sainte-Marie le « bloc populaire », balayant les élites – ou pseudo-élites -, ce pouvoir oligarchique qui aurait selon les populistes mené à la crise mais se serait préservé de ses effets.

    Ainsi, l’impact économique de la crise actuelle va grossir le rang des déclassés, quand la manière dont elle a été « anticipée » et « maîtrisée » va grossir ceux des mécontents. Le déconfinement est donc potentiellement dangereux pour un gouvernement qui pourrait se trouver en face d’un nouveau soulèvement du type de celui des Gilets jaunes initiaux, ceux des ronds-points de l’automne 2018.

    Philippe Crevel : Les lignes de fractures sont plus complexes que dans le passé. La crise sanitaire comme lors des dernières grandes guerres, a divisé le pays en tranches, ceux de l’avant contre ceux de l’arrière. La première tranche est constituée celle des travailleurs qui sont au front avec en première ligne le personnel soignant. Cette catégorie comprend également le personnel des services publics devant assurer la continuité de l’Etat et des administrations publiques, le personnel des commerces alimentaires, les actifs devant poursuivre leurs activités à l’usine ou dans le cadre des services essentiels, la deuxième catégorie comprend le monde des actifs confinés mais ayant pu poursuivre leurs activités en télétravail, essentiellement des cadres et le troisième catégorie rassemble les personnes placées au chômage (partiel ou général). D’autres lignes de fractures ont été également révélées par cette crise. Ainsi, les propriétaires de résidence secondaire qui ont fui les grandes métropoles ont été montrés du doigt, accusés d’avoir fui des zones infectées au risque de contaminer des zones rurales. La haine des provinciaux à l’encontre des Parisiens est ainsi montée d’un cran, haine qui masque un profond rejet des élites. Derrière ces divisions, ces oppositions, c’est dans les faits, le rejet des élites qui aujourd’hui transcende la population française, alimentant en cela le populisme. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il s’est amorcé au début des années 80 et ne fait que s’amplifier depuis. La population française éprouve les pires difficultés à se reconnaître dans ses dirigeants d’où une accélération de leur renouvellement. L’arrivée d’Emmanuel Macron s’est faite sur fond de rejet des partis traditionnels. Or, aujourd’hui, il est victime des mêmes reproches qu’il faisait aux anciens responsables de droite et de gauche. Le populisme dévore ses enfants. Ce climat peut-il devenir révolutionnaire ? Pour cela, il faudrait une convergence des prolétariats qui devrait se doter de représentants légitimes. Dans le passé, les révolutions ont été conduites par des minorités intellectuelles qui se sont parées de vertus populaires. Ce fut le cas lors des différentes révolutions françaises et lors de la prise du pouvoir par les Bolchéviques en 1917. Le populisme sert souvent à évincer une élite par une nouvelle qui en reprend vite les attributs de l’ancienne.

    Comment le gouvernement actuel peut-il faire face à ce phénomène ? Est-ce trop tard ?

    Christophe Boutin : Reprenant les techniques éprouvées, il n’est jamais trop tôt pour discréditer, faire peur et diviser. Discréditer et faire peur d’abord : on a vu apparaître déjà des « analyses » portant sur les risques de violences dirigées contre l’État après le déconfinement, violences venant de l’extrême droite comme de l’extrême gauche. Que trois vitrines soient cassées, une statue renversée et un scooter enflammé dans un centre ville sous les caméras de BFM – soit l’équivalent d’une soirée très calme dans nombre de « quartiers de reconquête républicaine » -, et il n’en faudra pas plus pour que, comme lors de la crise des Gilets jaunes, toute une classe moyenne âgée voie dans Christophe Castaner un sauveur et dans le préfet Lallement l’incarnation du glaive séculier. Ici encore, une crainte savamment dosée conduit au ralliement au pouvoir.

    Diviser ensuite, diviser la classe moyenne en dirigeant la colère des « prolétaires », comme vous aimez à les appeler, disons les CSP- et la partie inférieure des classes moyennes, non vers les véritables « nantis », les 1%, et moins encore contre ceux qui les ont mené droit dans le mur de cette crise, mais vers ceux qui auront simplement pu la vivre un peu plus facilement : contre celui qui était dans sa résidence secondaire, ou sur une terrasse, ou avait un balcon, ou simplement un paquet de PQ en plus… on trouve toujours !

    Et qu’importe si tout n’est pas cohérent dans le discours de Stanislas Guérini. Qu’importe s’il n'est pas illogique qu'une personne qui possède une résidence secondaire préfère y passer le confinement plutôt que de rester dans un appartement de ville. Si la France des résidences secondaires est aussi celle des « zones blanches », quand la France des HLM a la 4G. Qu’importe surtout que le télétravail soit indispensable à la survie économique de la nation, et donc au soutien de ceux qui sont en « première ligne », comme pour éviter les conséquences désastreuses – y compris en termes de morts – si se produit un effondrement économique derrière l'effondrement sanitaire.

    Toutes ces France dont parle Guerini ont été ensemble victimes d’une crise dont les responsables sont connus. Les bénéficiaires de la 4G n’empêchent pas les habitants des zones blanches d’accéder à Internet, c’est le pouvoir en place qui n’est pas capable d’imposer aux opérateurs de couvrir correctement le territoire – pour éviter des coûts à leurs actionnaires. Les possesseurs de résidences secondaires n’interdisent pas aux habitants des HLM d’en avoir, c’est le pouvoir en place qui a continué de casser l’ascenseur social de la méritocratie républicaine qui leur aurait permis d’en avoir une s’ils en avaient les capacités. Les télétravailleurs n’obligent pas l

  • Intervention de Jean-François Mattéi, le samedi 1er septembre 2012, journée d'hommage à Charles Maurras, dans le jardin

    Le Chemin de Paradis

    Nous sommes dans la Maison du Chemin de Paradis. Elle tire son nom du recueil de neuf contes qu’a publié Maurras en 1895 après cinq ans de rédaction, et qui ouvre le tome I des Œuvres capitales. Le jeune écrivain, dont c’est le premier livre important, n’a alors que 27 ans. L’ouvrage s’attirera les louanges d’Anatole France et de Marcel Proust.  Il s’inscrit dans la vogue de l’hellénisme fin de siècle, mais le dépasse pour proposer, à partir de ce que Stéphane Giocanti appelle une « poétique méditerranéenne », une réflexion sensuelle et païenne sur l’homme et sur le monde. Maurras joue ici de toute une mythologie tissée de réminiscences antiques pour mettre en scène sa philosophie en terre grecque, romaine et provençale. 

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    Aquarelle de Gernez pour la Préface de l'Edition de luxe du Chemin de Paradis

    Dans une lettre datée du 10 décembre 1892, il mentionne effectivement la préparation d’« un livre de mythes » qui aurait pour titre La Douce Mort. Le titre changera bientôt en Le Chemin de Paradis. Mais l’énigme de la mort reste présente dans ces contes dont certains sont clairement inspirés par Edgar Poe. L’influence de l’écrivain américain ne doit pas être négligée chez Maurras comme d’ailleurs chez son disciple Pierre Boutang. Dans une note sur l’un des neuf contes, « Les serviteurs », l’auteur fait une allusion directe au conte de Poe, le « Colloque entre Monos et Una » et en cite un passage essentiel. Il s’agit d’un dialogue des morts puisque Monos et Una, qui étaient deux amants dans leur vie antérieure, se parlent dans l’au-delà. Monos confie à Una, qui vient de le rejoindre aux portes du Paradis, ce qu’il pense de la condition humaine et du monde moderne. « En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle ».

    On voit que la critique maurassienne de la démocratie commence dans un conte et s’appuie sur le conte de Poe qui a la forme d’un mythe gréco-latin. Monos est un terme grec qui évoque la solitude de l’homme, Una un mot latin qui dit l’unité de l’humanité identifiée ici à une femme. Maurras, à la suite de Poe qui était lui-même, bien qu’américain, fasciné par le classicisme gréco-latin, conjoint ici son inspiration méditerranéenne avec sa vision métaphysique de la mort et sa conception politique de la vie. Il reprendra à plusieurs reprises cette citation de Poe, qui justifie la hiérarchie cosmique, dans son ouvrage Trois idées politiques. Poe, à son tour, l’avait trouvée chez Shakespeare dans la tragédie Troïlus et Cressida qui remonte à la guerre de Troie. C’est Ulysse, un autre héros mythique de Maurras, qui s’adresse ici aux Grecs :

    « Les cieux mêmes, les planètes et ce centre où nous sommes

    Observent avec le rang, la place, et le degré,

    Position, direction, saison, mesure et forme,

    Coutumes et fonctions, en tout ordre donné » (I, 3, v. 85-88).

    Le monde nous oriente ainsi vers une hiérarchie des êtres que les hommes devraient suivre, selon l’Ulysse de Shakespeare et selon le Monos de Poe. Il va de soi que cette inspiration mythique et cosmique convient admirablement aux idées de Maurras. Sa critique de la démocratie, qui met en péril l’ordre du monde, est en même temps liée à sa fascination pour la mort. Le Chemin de Paradis devait s’appeler La Douce Mort : comment en effet s’engager sur ce chemin de salut sans passer par les portes de la Mort ? Un autre conte du même recueil porte comme titre « La Bonne Mort ». Il met en scène un adolescent déchiré entre un goût effréné de jouir et un violent appétit de paix religieuse. Pour se garder d’une mort soudaine qui le condamnerait à l’enfer, Octave se couvre d’un scapulaire de Notre Dame du Carmel. Mais il choisira le suicide pour conquérir le Paradis, joignant ainsi, écrit Maurras, « la terre au ciel ». Son chemin aura été mortel, mais il sera libéré et il gagnera le Paradis guidé par la Vierge Marie.

    C’est sans doute aussi le chemin de Maurras fasciné par une mort qui serait le chemin pour conduire au Paradis. Un suicide analogue est celui d’Eucher de l’île, le pécheur de Martigues, ou de Mastramèle pour lui rendre son nom romain. Il a remonté de la mer le corps d’un jeune homme d’une merveilleuse beauté. Le mort va lui parler, toujours comme dans le « Colloque de Monos et Una », et lui conter comment il s’est tué pour échapper aux ravages du temps. Eucher le pécheur, après s’être identifié au mort, se laissera donc glisser dans l’eau, comme Mireille dans le poème de Mistral, pour en finir avec une vie qui doit le mener vers l’au-delà.

    L’inspiration de ces contes philosophiques est doublement tissée d’amour et de mort. On reconnaît de nouveau l’influence d’Edgar Poe qui, dans son sonnet Al Aaraaf, écrivait :

    « Je n’ai pu aimer que là où la Mort

    Mêlait son souffle à celui de la Beauté. »

    Cette inspiration est plus platonicienne que chrétienne et rappelle l’enseignement du Banquet, un dialogue qui fascinait Maurras, et dont il place un extrait en épigraphe de « La Reine des Nuits ». C’est un hymne amoureux à la Lune, Phœbe la Brillante, qui se métamorphose dans les trois femmes que le narrateur a aimées, Hélène, Sylvia et Lucie. Toutes les trois se confondent dans le « miroir magique » de la Lune en « l’essence féminine » ou « l’essence de la beauté » à laquelle le narrateur n’abordera qu’en un rêve. L’élan amoureux vers l’idée de Beauté passe nécessairement par l’épreuve de la mort, la vie ne pouvant satisfaire cette exigence platonicienne d’absolu. Le conte « Les Deux Testaments de Simplice » reprend le modèle du dialogue posthume. Simplice, un gentilhomme provençal, est assassiné par ses deux maîtresses qui vont ensuite se tuer mutuellement. Il a écrit une dernière lettre, la « Lettre d’un ami de la mort », dans laquelle il expose sa conception de l’existence. Il pressent que la vie est « un mouvement qui nous emporte et nous fait toucher un grand nombre de réalités inégales, rudes, pressées, aiguës qui nous froissent et nous déchirent ». Telle est sa « cruelle essence » 

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    Simplice va alors rechercher ce qu’il nomme en reprenant les termes d’Ulysse dans la pièce de Shakespeare, « cadence » et « symétrie », « nombre » et « mesure », un « système d’accords », bref, une harmonie du monde que la vie ne peut jamais offrir. Il ne découvrira ce qu’il nomme la « volupté » que dans le visage de la mort, qui éveille en lui comme une idée de Paradis. Le mot « paradis «  n’est ici utilisé qu’une fois, alors que le terme de « volupté » revient à onze reprises dans le conte. Cette volupté insondable et parfaite, Simplice l’a trouvée une première fois dans le visage d’une jeune morte qu’il a vue, enfant, dans son cercueil. On retrouve de nouveau l’inspiration d’Edgar Poe, dans son conte « Ligeia » par exemple, qui conduit le personnage de Maurras à parler du « repos tant convoité de la mort » et de « la belle mort qui me rendra la paix réelle avec l’idéale unité ». Simplice dira encore : « Je n’eus d’attachement véritable qu’aux lieux où l’on songe en paix à la mort ». Ce lien entre l’amour et la mort se retrouvera chez Guillaume Apollinaire dans son poème La Maison des morts :

    « Car y-a-t-il rien qui vous élève

    Comme d’avoir aimé un mort ou une morte

    On devient si pur qu’on en arrive

    Dans les glaciers de la mémoire

    À se confondre avec le souvenir ».

    Apollinaire est ici manifestement influencé par Maurras qu’il cite d’ailleurs avec faveur dans son texte « La Poésie » (La Vie anecdotique).

    Le Chemin de Paradis est ainsi cet étrange chemin qui avance entre les deux versants de l’amour et de la mort pour tenter d’accéder au paradis. Maurras disait de ce livre matriciel, dans sa dédicace à son ami Frédéric Amouretti, qu’il était « un traité presque complet de la conduite de la vie ». Et cette conduite de la vie passe par un cheminement ordonné en neuf contes selon une triple symbolique. Je ne sais si Maurras a pensé aux Énnéades de Platon, ordonnées en neuf parties ou aux neuvaines de la religion catholique. Pour le christianisme, une neuvaine est une dévotion publique ou privée qui dure neuf jours. St Jérôme disait que « le chiffre neuf marque la souffrance et le chagrin dans l’Écriture sainte ». On ne le trouve pas chez les Juifs, mais chez les Grecs et les Romains qui observaient un deuil de neuf jours. C’est sans doute pour suivre cet ordre symbolique que Porphyre, le disciple de Plotin, organisa les leçons de son maître en Ennéades.

    Or, Le Chemin de Paradis, s’il ne suit pas la neuvaine catholique tout en conservant le thème de la souffrance lié à l’amour et à la mort, est distribué en neuf contes ordonnés en trois domaines qui sont comme les trois stades de l’existence : Religions, Voluptés et Harmonies. À la fin de sa préface au recueil des contes, Maurras donne la clé de son ouvrage : « Neuf fois, dans ces récits égalant le nombre des Muses, [...] j’ai osé évoquer en présence de mille erreurs les types achevés de la Raison, de la Beauté et de la Mort, triple et unique fin du monde ». Il faudrait aussi mentionner les « neuf cieux » qui éclairent le rêve du narrateur de « La Reine des Nuits » Il faut comprendre cet ouvrage comme neuf étapes sur un chemin de vie qui, par-delà la mort, serait un chemin de paradis.

    Aux trois contes des Religions correspondent le type achevé de la Raison ; aux trois contes des Voluptés, le type achevé de la Beauté ; et aux trois derniers contes des Harmonies, le type achevé de la Mort. La Raison, et Maurras songe ici à la raison grecque dans cet ouvrage au goût païen et non chrétien, est la mesure cosmique exigée par les Religions. La Beauté, et Maurras pense ici à la beauté grecque qu’il cisèle dans son conte sur Phidias, est la mesure amoureuse des Voluptés. Quant à la Mort, et Maurras parle ici de la mort grecque chantée par les poètes qui conduit vers l’au-delà, est la mesure divine des Harmonies.

    Tout l’ouvrage est donc conduit, avec la métaphore du « chemin », de la vie présente vers le Paradis futur à travers l’épreuve inéluctable de la mort. Le conte le plus remarquable, à cet égard, est celui des « Serviteurs ». Il se passe chez les Morts, comme dans le voyage d’Ulysse aux Enfers au cœur de l’Odyssée. Le narrateur, Criton (un coup d’œil au Criton de Platon qui visitait Socrate dans sa prison avant sa mort) se retrouve aux Champs-Élysées après son décès. Son ancien serviteur, Androclès, déplore que son maître soit mort comme lui et qu’il ne puisse plus régner sur ses esclaves. Et Maurras de justifier l’ordre inégalitaire de la vie grecque par un éloge de la hiérarchie qui structure une véritable communauté au lieu de la dissoudre dans un individualisme mortel.

     

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    C’est ce que montre le conte « le Miracle des Muses », dans lequel on voit Phidias terminer la statue en or et en ivoire de Zeus à Olympie. Ulcéré d’avoir été peu rétribué par les prêtres du temple alors que la statue attire les visiteurs de toute la Grèce, il ouvre une école de sculpture où l’on blasphème les dieux, et il refuse l’aide des Muses alors qu’il sculpte leur bas-relief. Égoïste et vaniteux, il déclare qu’il mourrait plutôt que de devoir son art aux Muses et non à lui-même. Les Muses s’enfuient alors d’Olympie, et la statue de Zeus perd aussitôt son éclat, son front devient « terne et muet », tandis que toutes les statues de Phidias sombrent dans la décrépitude. Le sculpteur suit sa promesse et se donne une mort qui sera le sommet et le terme de son impiété.

    Que signifie cette mort qui frappe les personnages du Chemin de Paradis au moment même où ils sont au sommet de leur vie, de leur amour ou de leur art ? Maurras pose pour principe qu’il y a un point extrême de l’existence humaine. Lorsqu’il est atteint, seule la mort peut en garantir la pérennité. On le voit dans le conte « Le Jour des Grâces ». Le vieil Euphorion, élève de Pythagore et d’Empédocle, un homme sage donc, tue son esclave Syron. Celui-ci revient de Sybaris, capitale de toutes les voluptés, et lui raconte l’anéantissement de la ville par les dieux qui ont puni sa démesure. L’esclave lui-même a joui de ces voluptés, mais a miraculeusement échappé à la mort. Le sage alors le transperce d’un stylet parce qu’il n’a pas respecté l’équilibre de la nature. Et Euphorion de se dire en lui-même : « Rien d’entier ne demeure au monde, et la perfection entraîne la mort.  Dès que l’homme confine à Dieu, il est juste qu’il n’ait plus que faire de vivre ». Mais une telle sentence s’applique aussi à celui qui l’a prononcée. Le sage, à son tour, se donnera la mort parce qu’il est arrivé, en tuant son esclave, « au plus haut point de la sagesse ».

    Tout Le Chemin de Paradis est ainsi conduit par une esthétique de l’amour et de la mort qui exalte, et punit à la fois, la démesure, l’hubris, tout en évoquant, en contrepoint, l’idéal classique d’ordre et de mesure. Il se retrouve dans la tension constante entre les Religions et les Voluptés que le stade supérieur des Harmonies ne parvient pas, du moins en cette vie, à accorder. C’est ce que laisse entendre « La consolation de Trophime » qui appartient aux trois contes du cycle des Voluptés. L’action se passe en Arles. Une belle courtisane nommée Myrto, en hommage à la jeune Tarentine morte sous « la vague marine », veut mourir après avoir épuisé toutes les ressources du plaisir. L’évêque Trophime, étranger à la ville d’Arles, accourt pour essayer de l’amener à Dieu. Son nom grec signifie « le nourricier ». Mais Myrto ne se rend pas à l’enseignement de l’évêque qui veut la convaincre que « ce qui doit mourir » ne peut « persister dans sa forme heureuse ». En face de lui, le philosophe Philétas défend Myrto en s’appuyant sur la dialectique platonicienne de l’amour. « Elle est montée au plus haut point » de l’existence, et les arguments de Trophime ne la feront pas redescendre. Le philosophe arlésien défend ici l’« ascension dialectique » de l’âme de la courtisane au détriment de la conversion chrétienne que le prêtre lui promet. Myrto se laisse donc mourir, et la foule arlésienne, furieuse, mettra à mort le prêtre qui a échoué à la sauver.

    Maurras laisse à son lecteur le soin de comprendre qu’il est d’autres chemins de paradis que les chemins offerts par la religion. Ne peuvent y accéder que ceux qui ont accédé à un point extrême de perfection, serait-ce dans les voluptés, au-delà duquel l’homme n’attend plus que la mort. C’est la leçon du dernier des neuf contes du Chemin de Paradis : « Discours à la louange de la double vertu de la mer ». Sous une épigraphe de Frédéric Mistral, extraite de Mireille lors de la mort de la jeune provençale : « La mer, belle plaine agitée, est l’avenue du Paradis »[1], Maurras rappelle que c’est un « chemin étroit » qui conduit les hommes à leur terme, tout en leur signifiant à quel point ils seront toujours « inégaux à [leurs] espérances ».

    Jean-François Mattéi

    La Maison du Chemin de Paradis,

    Samedi 1er septembre 2012

     


    [1] « La mar, bello plano esmougudo,

     Dóu paradis és l’avengudo », Mirèio. 

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  • Le professeur Raoult concentre la haine de ceux qui entrevoient dans le coronavirus une formidable occasion de faire de

    Comment se passe votre confinement?

    Bien car le travail de philosophe est avant tout une activité de sédentaire qui suppose la solitude et l’isolement. Je lis, j’écris, je travaille. Je tiens un journal de cette pandémie car elle révèle, au sens photographique du terme, l’état de notre civilisation: un chef de l’Etat incompétent, une porte-parole du gouvernement qui avoue mentir pour protéger le chef de l’Etat et qui ne se fait pas faute de beaucoup le protéger, un gouvernement en capilotade, une ministre de la santé démissionnaire qui a menti sur la gravité de l’épidémie elle aussi avant d’assurer qu’elle avait dit la vérité au Président et au Premier ministre, des conflits d’intérêt entre madame Buzyn et son mari, inféodés aux laboratoires, donc à l’argent, et le professeur Didier Raoult, un français leader mondial en matière d’infectiologie,  des annonces contradictoires qui montrent qu’Emmanuel Macron n’est pas un chef, qu’il ne sait pas trancher, décider, prévoir, et qu’il n’est en fait que l’homme de paille de l’Etat maastrichtien. Chacun a vu l’Europe de Maastricht s’effondrer et avec elle le libéralisme toucher le fond: on redécouvre les vertus des frontières, de l’interventionnisme de l’Etat, de la nécessité du service public, des nationalisations. C’est la vengeance de Colbert!

    Le confinement oblige d’une certaine manière les individus à se retrouver avec eux-mêmes. Cela peut-il avoir des vertus?

    Pour des gens vertueux, oui, mais pas pour des gens vicieux. Le confinement c’est très exactement la cage dans laquelle sont des animaux qui tournent en rond alors qu’il leur faut de l’espace… Cette situation oblige à un face-à-face avec soi-même. Il contraint également à un face-à-face avec son conjoint et ses enfants, voire avec les enfants issus de familles recomposées. En temps normal, on peut prendre son mal en patience: il faut tenir le coup pendant un repas, un week-end, un temps d’après le travail effectué à l’extérieur, des respirations sont alors possibles –or, il s’avère que c’est rarement suffisant pour éviter la discorde. Mais le confinement interdit les pauses, les respirations: c’est vingt quatre heures sur vingt quatre, semaines après semaines, pour au moins un mois. Les riches ont de grands appartements lumineux dans les beaux quartiers, mais ils peuvent les quitter pour des maisons de campagne en Normandie, au Pays Basque, à l’île de Ré… Le confinement obéit à la loi de la lutte des classes: il est une épreuve bien plus cruelle pour les gens modestes que pour les riches.

    Comment analysez-vous la pandémie de coronavirus? Celle-ci va-t-elle précipiter l’effondrement de la civilisation occidentale?

    Je m’intéresse aux destins des civilisations car, la notre s’effondrant, c’est toujours intéressant de comparer avec la chute des grandes civilisations –Assur, Sumer, Babylone, Stonehenge, Louxor, Athènes, Rome… Si l’on fait l’histoire de l’histoire, autrement dit l’épistémologie de l’histoire, on voit bien que les interprétations des chutes de civilisation sont souvent des projections personnelles. Récemment, on a activé des lectures écologiques (on a invoqué des périodes de réchauffement ou de refroidissement, des déforestations, des erreurs agronomiques) mais aussi aux famines et aux épidémies. On a dit qu’à la fin du II° siècle de notre ère, la peste antonine a joué un rôle dans l’effondrement de Rome. Il ne saurait y avoir une seule cause à l’effondrement d’une civilisation, mais il est vrai que cette épidémie de coronavirus va générer un effondrement de l’économie dont je vois mal comment l’Occident pourra y répondre!

    Fin janvier 2020, vous évoquiez déjà la situation grave minimisé par la France. Comment expliquez-vous le retard français face à cette crise sanitaire? Pourquoi avoir sous-estimé ce risque? Alors que de nombreux scientifiques nous avaient mis en garde, dont le Professeur Raoult des années auparavant…

    J’ai en effet dit sur un plateau de télévision le 28 janvier que le simple bon sens permettait de s’inscrire en faux contre les discours patelins d’un certain nombre de médecins médiatiques (avec en navire amiral Michel Cymes…) qui minimisaient les choses et parlaient grippette. Pas besoin d’avoir des informations confidentielles, d’être dans les petits papiers des services secrets, d’accéder à des documents secret défense pour conclure une chose simple: la Chine, qui est un dictature, n’a que faire de la mort de dizaine ou de centaine de milliers de ses habitants, c’est quantité négligeable pour elle, d’autant plus que le reste du monde n’en saurait rien. Dès lors, si le gouvernement décide un confinement drastique d’une ville de plus de dix millions d’habitants, c’est qu’il y a non pas péril en sa demeure, mais péril sur son terrain de jeu économique: la planète entière! Il suffisait juste de faire fonctionner une intelligence normale sur ce simple fait pour conclure ce qui s’imposait: ce n’était pas une gripette…

    La crise du coronavirus a révélé les failles d’un système de santé que l’on croyait parmi les meilleurs du monde ainsi que notre extrême dépendance envers la Chine. Comment en est-on arrivé là?

    En France, les personnels de santé étaient en grève bien avant l’arrivée de ce coronavirus. Ils attiraient l’attention du pouvoir sur cette réalité que le système de santé français n’est plus le meilleur du monde –et ce depuis longtemps… Depuis que le marché fait la loi sur ce terrain-là, la santé est un business. C’est Mitterrand qui a ouvert le bal en 1983 et tous les chefs d’Etat depuis, sans aucune exception, ont détruit le système de santé. Ceux, dont je suis, qui combattent le libéralisme pour lequel le marché fait la loi, l’ont dit: le marché ne peut faire la loi à l’hôpital, à l’école, à l’armée, dans la police, la justice, la culture… Grandeur nature, nous voyons ces temps-ci ce que signifie le marché qui fait la loi en matière de soins. Il n’est plus question de santé publique, d’intérêt général et de bien de tous. Le sous-équipement fait qu’actuellement, on trie les malades et l’on envoie les vieux à la mort sous prétexte qu’on manque de matériel pour les sauver. De même, on n’est pas capable de donner aux soignants des masques et des gants alors que Macron a surjoué la carte martiale. Nous serions en guerre mais il n’y a pas d’argent pour fournir en masques les personnels soignants! C’est une honte. Quand il a fallu faire la guerre en Irak pour destituer Saddam Hussein, en Libye pour chasser Khdhafi, ou quand Macron a décidé d’un bombardement cosmétique de la Syrie pour montrer son allégeance aux Etats-Uni : de combien d’hôpitaux nous sommes nous privés en leur préférant des bombes Quand à la dépendance à la Chine, c’est simple: ce pays est un serpent à deux têtes, celle du capitalisme libéral pour la production, celle de la dictature marxiste-léniniste pour la société.  Le libéralisme maastricthien a invité à la délocalisation sous prétexte de  rentabilité. La Chine à des milliards de travailleurs sous-payés, exploités, terrorisés, mis en coupe réglée. Aucun ouvrier européen ne peut être compétitif avec son homologue chinois. Le gouvernement chinois a ainsi concentré des monopoles –une autre façon de conduire la révolution. Je vous rappelle qu’ils ont le monopole des métaux rares. Or, parce qu’ils sont des supraconducteurs avec lesquels on gagne des nanosecondes, l’armement américain est entre les mains des Chinois… Voilà pourquoi Trump fait le malin avec la Corée du Nord mais pas avec la Chine!

    Pourquoi l’Europe est-elle devenue l’épicentre de la crise sanitaire, tandis que des pays théoriquement moins développés, comme la Corée du Sud, la surmontent avec de très faibles pertes humaines et sans confinement généralisé?

    C’est l’idéologie libre-échangiste qui montre ainsi ses limites. Les européistes ont déclaré la haine des frontières et des Etats-Nations, sous prétexte qu’il n’y aurait de vérité que dans le grand marché planétaire. De sorte qu’en France, fin janvier, alors que, pour qui voulait savoir la dangerosité on pouvait la savoir, Macron affrète des avions pour rapatrier des Français exilés en Chine, il organise des quarantaines dans des villages de France sans en avertir les maires au préalable, il laisse atterrir sans contrôle jusqu’à une vingtaine d’avions chinois par jour à Paris en laissant ses passagers nullement contrôlés s’égayer dans tout le pays afin d’y ensemencer potentiellement le virus. Les communicants ont fabriqué cette phrase: "le virus n’a pas de passeports", comme si le virus était dissociable de celui qui le porte et qui, lui, possède bien un passeport… L’impéritie libérale fait que nous avons des bombes atomiques mais pas de masques ni de tests fiables qui étaient les deux piliers d’une autre politique: protéger, tester et confiner ceux qui se seraient avérés positifs. Avec Macron ce fut rien, puis tout, ce qui témoigne en faveur d’un désarroi qui pose problème quand il s’agit du chef d’un Etat si centralisé…

    Que révèlent les polémiques autour de la chloroquine?

    D’une part: la vieille opposition entre Paris et le reste de la France, la tension permanente entre la capitale, qui est étymologiquement la tête, et les provinces dont on peut faire l’économie. Je n’ai pas retenu le nom d’un médecin verbeux et décoré, juste le souvenir de sa tête globuleuse,  qui, sur un plateau de télévision, voulant critiquer le professeur Raoult, disait : "ce monsieur qui travaille loin de Paris". Tout était dit. D’autre part: un autre trait français qui est la haine du succès, le mépris des talents, la rancune contre le génie. Le professeur Raoult est une sommité mondiale, et la chose est dite depuis bien des années, pas seulement depuis un mois. Il propose une solution et ceux qui n’en ont pas et qui, avec leur impéritie politique ont exposé les Français à la catastrophe, pincent du bec comme une duchesse chez Proust pour estimer qu’il n’y pas d’essai en double aveugle, etc. C’est comme si des bégueules sur le Titanic avaient interdit l’usage des canots de sauvetage parce que leur peinture contenait du plomb… Le professeur Raoult a un look de Viking tout juste descendu de son drakkar. Il a conscience de sa valeur, et alors? Tant de gens qui en manquent prétendent tellement en avoir: ce sont eux qui bavent, crachent et salissent. Jusqu’à Daniel Cohn-Bendit passé du gauchisme au macronisme et de la pédophilie au statut de Savonarole de l’idéologie européiste qui, dans le style grossier et avachi qui est sa marque de fabrique, défend ses amis parisiens, les laboratoires, l’argent de l’industrie pharmaceutique. Le professeur Raoult propose de guérir avec un médicament a dix euros: il priverait les laboratoires d’une manne planétaire incroyable. On comprend qu’il puisse déplaire et concentrer la haine de ceux qui entrevoient une formidable occasion de faire de l’argent, l’horizon indépassable de Cohn-Bendit.

    Certains observateurs vont jusqu’à vanter le "modèle chinois". La Chine peut-elle sortir gagnante de la crise?

    On ne sait rien d’autre de la Chine que ce qu’elle veut bien nous dire d’elle. Et vous vous doutez bien qu’elle ne donnera aucune information susceptible de ternir son honneur et qu’en revanche, elle donnera toute autre information, fut-ce au prix d’un contre-vérité, qui contribuera à augmenter sa visibilité positive. On commence à découvrir qu’elle a menti sur les dates du commencement de cette pandémie et sur le nombre de morts. Ce que l’on peut déjà supposer c’est que, lorsqu’il faudra relancer les économies des pays ravagés, il faudra produire et, délocalisations obligent depuis des années, les Chinois produiront vite pour satisfaire la demande mondiale dans les meilleurs délais . Dès lors, oui, elle tirera son épingle économique du jeu.

    Face aux crises, nous ne sommes pas tous égaux. Quels sont les facteurs qui peuvent, ou pas, aider à les affronter?

    Le confinement, déjà, est un grand révélateur de lutte des classe : il y a ceux qui ont des appartements ou des maisons vastes dans les hyper centres des villes et ce sont souvent les mêmes qui disposent des résidences secondaires dans les plus beaux endroits de la province avec vues sublimes, espace, calme et silence, solitude. Et puis il y a les pauvres qui louent dans des quartiers modestes, des pièces aux petites surfaces, sans possibilité de se replier dans de belles propriétés de campagne. Le pouvoir d’achat se retrouve également en jeu quand il faut acheter de quoi faire trois repas par jour pour sa famille: certains peuvent accéder aux bons produits frais, mais coûteux, dans quelques épiceries fines, pendant que d’autres se gavent de nouilles, de riz et de conserves. Enfin, car tout cela se superpose, ceux qui disposent d’une vie intérieure sont privilégiés par rapport à ceux qui n’en ont pas. Quiconque aime lire, écouter de la musique, regarder des films sera plus apte au confinement que les autres. Une sociologie à la Bourdieu montrerait que les propriétaires de beaux appartements dans les hyper centres se nourrissent avec des produits frais et festifs, qu’ils peuvent se replier dans des maisons de campagne où ils relisent, bien sûr, La Recherche du temps perdu, la lecture préférée des bourgeois qui se prennent pour des aristocrates, où il regardent pour la dixième fois l’intégrale des films de Godard, etc.

    Pensez-vous voir après cette crise une montée des nationalismes, une poussée des régimes autoritaires, ou plutôt une mise en place d’une gouvernance mondiale plus efficace, comme cela avait été le cas après la Seconde Guerre mondiale?

    Depuis des années, les tenants de Maastricht ont en effet fabriqué cette Europe comme un rouage dans la machine plus vaste d’un gouvernement planétaire qui n’est rien d’autre que l’Etat total –l’Etat universel pour utiliser l’expression d’Ernst Jünger. Suppression des peuples, abolition des élections, disparition des frontières, gouvernement de prétendus technocrates supposés compétents dans la gestion et prétendument apolitiques: en fait les patrons des GAFA et leurs alliés. L’écologisme est le cheval de Troie de cette idéologie: quoi de mieux en effet que le paradigme de la planète, qui ignore les frontières, pour imposer le modèle de l’Etat total? La virologie entrera dans la course et, pour faire passer la pilule d’un gouvernement du capital par les élites on nous parlera salut de la planète et protection sanitaire des populations mondiales. Mais ce projet rencontrera en face de lui tous ceux qui, peut-être, auront enfin compris que l’Etat maastrichtien, qui vise à l’Empire, est une dictature d’un genre nouveau et qu’il ne faut pas lui laisser plus de pouvoir qu’il n’en a déjà. Le tragique que je suis (non pas pessimiste mais tragique) a tendance à plutôt croire au désordre à venir… En Italie déjà, on pille des magasins de nourriture.

    Quelles seront à votre avis les conséquences politiques, sociales et sociétales du coronavirus? Quelles traces dans nos vies d’après? Quel scénario pour le redémarrage?

    Ce que je viens de vous dire. Mais précisons: l’Europe a failli, et dans les grandes largeurs. Chacun des pays de feu l’Europe a géré son problème national dans son coin. La République tchèque intercepte des masques envoyés en Italie par la Chine. L’Italie est laissée seule à sa détresse. L’Espagne gère dans son coin. Idem pour la France… Ce qu’on nous présentait comme un monstre économique qui combattait dans la même catégorie que… la Chine ou les Etats-Unis apparaît en pleine lumière pour ce quelle est: un tigre de papier –en fait: une vache en carton… L’Europe de Maastricht est morte. Le souverainisme pourrait avoir de beaux jours devant lui.

    Quel sera selon vous le monde d’après le coronavirus? Pensez-vous voyager à nouveau aussi librement qu’avant?

    Nous n’avons pas les moyens de faire les malins devant ce que les virus imposent au vivant: c’est dans l’ordre des choses. On ne découvre ce qui advient qu’après coup, vérité de La Palice. Un virus plus létal pourrait ravager la planète et la vider d’une grande partie des humains. La nature y retrouverait sa pleine forme –il suffit de regarder combien la pollution a disparu depuis deux mois et comment la nature reprend du poil de la bête à toute allure…

    Un conseil de lecture pendant ce confinement pour vos fans au Liban et au Moyen-Orient?

    Un traité de la nature humaine qui est une encyclopédie en la matière: les Fables de La Fontaine.

  • Dernière lettre à Jean Raspail (1ere partie), par Anne Chevallier et Béatrice Challes.

    1A.jpgEn ce mois de juillet de «  post confinement  » nous avons voulu offrir à nos lecteurs ces belles pages d’hommage à Jean Raspail parues dans le dernier numéro de la revue d’Action française  : «  Le Bien Commun  ».

    Un bel antidote contre le Coronavirus et la sinistre mise en scène qui l’accompagne et une occasion de prendre de la hauteur. (Af.net)

    Nous ne savions trop comment condenser les hommages exprimés à Jean Raspail, soleil de nos imaginaires monarchistes, parti rejoindre le Père.

    Alors, nous lui avons écrit.

    Cher Jean,

    Parti au crépuscule de votre vie terrestre par la porte qui conduit au Ciel, c’est désormais d’en haut que vous nous gardez. Grâce à vos écrits, nous possédons les clefs d’un idéal à tenir et nous tâcherons de ne rien lâcher, quoiqu’il advienne.

    Certains de vos amis tenaient à vous remercier en partageant avec les lecteurs du Bien Commun quelques souvenirs, en attendant de les revivre lorsque nous nous reverrons, s’il-plaît à Dieu.

    C’est avec beaucoup d’humilité qu’ils ont couché sur le papier ces mots, et c’est avec autant d’émotion que nous avons recueilli ces tranches de vie.

    Bonne lecture, cher Jean, et à Dieu.

    Pour commencer, Bruno Gollnisch nous rapporte vous avoir rencontré lors de sa première apparition publique, en 1983. Il s’agissait d’une réunion du Front National. Discret jusqu’alors sur le plan politique, il était la seule personnalité lyonnaise à pouvoir accueillir Jean-Marie Le Pen.

    C’est donc à cette occasion que, face à face au dîner, vous avez pu discuter de quelque aventure sur les terres du Japon, que M. Gollnisch connaît très bien, et qui vous intéressait prodigieusement pour inspirer un hypothétique roman que vous n’avez finalement jamais écrit. L’ancien vice-président du Front National se souvient que, comme les japonais, vous aimiez les gens qui « mettent leur peau au bout de leurs idées », les héros malheureux et les destins pittoresques. M. Gollnisch rappelle également qu’invités à une réunion organisée par Bernard Antony à la Mutualité à Paris, vous avez dîné tous les trois, partageant « une pensée résolument réactionnaire ». Partageant avec vous un sentiment monarchiste, Jean Sévillia revient sur ces rassemblements que vous ne manquiez jamais :

    « J’avais lu le Camp des Saints à sa parution, en 1973. Dur et désespéré, ce roman montrait assez que Jean Raspail était férocement rebelle à l’esprit de l’époque, mais ne laissait pas deviner ses fidélités monarchistes. Ma génération avait découvert celles-ci quand l’écrivain prit l’habitude de répondre positivement aux invitations que lui adressaient les organisateurs des rassemblements royalistes des années 1970 et 1980, aux Baux-de-Provence, aux Essarts ou aux Landes-Génusson, en Vendée, où il prononçait des discours flamboyants qu’il faudrait retrouver. Je crois n’en avoir manqué aucun. C’est à Jean Raspail, à sa ténacité, que l’on doit d’avoir organisé sur la place de la Concorde, le 21 janvier 1993, l’inoubliable cérémonie du souvenir pour le bicentenaire de la mort de Louis XVI. J’y étais encore. » Bruno Gollnisch quant à lui vous a souvent croisé aux défilés du premier mai pour les fêtes de Jeanne d’Arc, rue de Rivoli : vous étiez toujours sur le trottoir. De même que sur le plan spirituel, vous étiez un chrétien du Narthex.

    « Je le revois, nous dit Jean Sévillia, dans la cathédrale de Senlis, le 2 mai 2009, sanglé dans son uniforme blanc d’Écrivain de marine, pour le mariage du prince Jean. Pour autant, Raspail n’était ni un partisan, ni un militant.

    C’était un écrivain, un démiurge, un créateur d’univers et de personnages. Mais si la figure du roi, du Jeu du Roi (1976) au Roi au-delà de la mer (2000), a tenu une place si importante dans son œuvre, c’est qu’elle en avait une éminente dans son cœur ». « Le Jeu du Roi n’est certainement pas un appel à la désertion donc ! », selon les propos rapportés par Agnès Marion, « mais un havre pour reprendre des forces, en rompant en bonne compagnie avec la médiocrité de notre époque, avant de repartir de plus belle prendre et donner des coups dans la bataille ! ».

    Pour autant, Raspail n’était ni un partisan, ni un militant. C’était un écrivain, un démiurge, un créateur d’univers et de personnages.

    Agnès Marion, aujourd’hui mère de six enfants et engagée en politique sur les terres lyonnaises, nous parle de votre première rencontre alors qu’elle était encore adolescente. « La première fois que j’ai rencontré Raspail, je devais avoir quinze ans. Avec Sire, la légende se mêlait à l’Histoire, et le réel au merveilleux ; je recevais seize siècles de France en héritage, l’aventure prenait une dimension politique, elle était exigeante mais surtout…

    Elle était belle. C’est peu dire que cette rencontre a compté. Avec sa fidélité inoxydable à ses idéaux de jeunesse, son souci des civilisations vacillantes, celles au-delà des mers comme la nôtre, son attachement à nos vieilles mœurs, on dit de Raspail qu’il est le chantre des causes perdues. Ce ne serait que cela que ce serait déjà quelque chose dans ce nouveau monde où un engouement chasse l’autre et où on recherche le changement sans voir qu’il est souvent errements. Mais Jean Raspail a, je crois, bien largement dépassé la posture romantique qui contemple, avec une désolation d’esthète, le monde qu’il affectionne se découdre. Il n’est pas décadent, au contraire. Car l’écrivain invite aussi à l’Aventure. Au sens propre quand il va et nous embarque à la rencontre des peuples que l’uniformisation du monde voue à la disparition. Dans un domaine plus politique parfois. Ainsi, un 21 janvier 1993. J’étais jeune, mais je me souviens d’un tour de force, laissant caresser l’espoir d’une réconciliation française quand, en forçant l’hommage à Louis XVI, Jean Raspail offrit aux Français un contrepoint historique, après les célébrations très univoques du bicentenaire de la révolution en 1989… On dit même qu’avec sa détermination élégante et cultivée, il avait titillé les vieilles amours du Président… » Mais votre vie politique ne s’arrête pas aux terres de France : elle s’étend par-delà les mers pour accoster en Patagonie. La description brossée par Agnès Marion en dessine les contours : « Et puis il y a ce royaume de Patagonie dont il fut le consul Général et dont j’ai l’honneur d’être sujet. » Elle vous cite : « La Patagonie, c’est ailleurs, c’est autre chose, c’est un coin d’âme caché, un coin de cœur inexprimé. Ce peut être un rêve, un regret, un pied de nez. Ce peut être un refuge secret, une seconde patrie pour les mauvais jours, un sourire, une insolence. Un jeu aussi. Un refus de conformité.

    Sous le sceptre brisé de Sa Majesté, il existe mille raisons de prêter hommage, et c’est ainsi qu’il y a plus de Patagons qu’on ne croit, et tant d’autres qui s’ignorent encore » et reprend : « La Patagonie n’est pas un royaume facile et idéal qui nous permettrait de nous complaire dans une épopée confortable et stérile en délaissant les enjeux français finalement ô combien plus tragiques ! En convoquant le panache, le sens du sacré, le goût du geste gratuit, le respect des traditions, l’émerveillement devant la beauté du monde ou encore la force du rêve éveillé, le “jeu de Roi” est au contraire un terreau dans lequel se fourbissent les armes nécessaires aux combats politiques plus prosaïques. Après tout, demander la victoire et ne pas se battre pour l’obtenir, selon les ressources et les talents qui sont les nôtres, quelle sorte de patagon ne trouverait pas cela mal-élevé ? » Votre plume, tantôt politique, tantôt littéraire, est toujours audacieuse. Ainsi, votre fameux Camp des Saints que beaucoup présentent comme une prophétie est évoqué en ces termes par Laurent Dandrieu : « Le propre des prophéties est hélas de n’être reconnues comme telles que lorsqu’elles ont été rattrapées, voire dépassées, par le réel… Le Camp des Saints a surtout apporté une preuve éclatante de l’incapacité de nos pseudo-élites à entendre les avertissements qui leur sont adressés. Dieu merci, il y a aussi chez les Patagons beaucoup de représentants d’élites authentiques, des “élites réelles” si l’on peut dire, qui par leur naturalisation patagonne ont bien montré qu’ils ne se reconnaissaient pas dans celles qui sont censées tenir les rênes du pays. Toute la question est de savoir si ces “élites réelles”, patagonnes et au-delà, vont trouver le moyen de prendre la main sur le pays légal, en lieu et place des imposteurs qui l’occupent. » Vous avez été l’un de ces rares écrivains qui ont su créer un monde. Votre œuvre, un monument de la littérature française, a séduit des générations de la jeunesse de France, cette jeunesse éternelle que les rides n’altèrent pas lorsque l’on en garde l’état d’esprit, pour reprendre les mots du Général Mac-Arthur : « Vous êtes aussi jeune que votre Foi ».

    « Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule face au soleil couchant par la porte de l’ouest qui n’était plus gardée ». Toute votre œuvre est dans cette phrase nous dit un officier de la Légion étrangère. « L’engagement de celui qui choisit le cheval plutôt que le moteur pour se lancer au loin dans une quête, une aventure. Tout est-il perdu ? La Ville. Urbs. Athènes, Rome ou la civilisation, Paris ou la France éternelle, la terre de nos pères. Celle pour laquelle une poignée d’hommes et de femmes est prête à donner sa vie. Le crépuscule d’une civilisation que l’on a pu croire éternelle et qui renonce à elle-même ». Que l’on défend malgré tout, pour l’Honneur.

    « Une certaine idée de soi-même et de sa place dans la création. Le soleil éperdu qui jette ses derniers feux sur une porte que l’homme moderne se refuse de garder parce qu’il a abdiqué toute dignité ». A l’instar de ses cavaliers, Raspail nous invite au contraire à garder « tête haute, sans se cacher, car ils ne fuyaient pas… » Ècrivain comme vous, Jean Sévillia confie : « Nous échangions systématiquement nos parutions. En 1998, un an après mon Zita impératrice courage, il avait publié son Hurrah Zara ! (aujourd’hui réédité sous le titre Les Pikkendorff) qu’il m’avait envoyé avec cette amicale dédicace : ” Zita, Zara, même combat ! “. » Laurent Dandrieu se remémore votre première rencontre en 1993, dans le cadre d’une interview pour la revue Réaction. Il appréhendait quelques peu votre discussion, car il venait de signer une critique de Sire, certes enthousiaste, mais il reprochait « néanmoins le côté “boy-scout” et “Signe de piste” de ce roman ». Inquiet que vous puissiez lui en tenir rigueur, vous avez au contraire salué avec fierté ce que Laurent Dandrieu prenait pour un défaut, car vous avez toujours tenu « Le Prince Éric pour un des chefs-d’œuvre de la littérature française contemporaine ».

    C’est cette jeunesse et cet imaginaire fougueux que souligne l’amoureux du cinéma et chroniqueur de Valeurs Actuelles lorsque nous lui avons demandé comment le vieil écrivain que vous êtes pouvait encore toucher autant de monde et de générations :

    « D’abord, Jean Raspail avait su, justement, ne pas devenir un “vieil écrivain”. C’était resté un enfant, fidèle aux rêves, aux jeux, aux enthousiasmes et aux dégoûts du petit garçon qu’il avait été. Cet esprit d’enfance, quand il est préservé chez un adulte qui a su créer un monde à partir de lui, exerce toujours une immense fascination : voyez Tolkien ! Et plus encore à une époque comme la nôtre où, si la puérilité abonde, l’esprit d’enfance s’est fait si rare. Et puis, alors que le roman français est si souvent engoncé dans un réalisme sinistre, l’œuvre de Raspail a l’immense mérite de faire souffler le grand vent de l’imaginaire, du rêve, des légendes immémorielles et des épopées fondatrices. » Il poursuit en disant que chacun de vos lecteurs a pu « puiser dans son imaginaire des leçons de courage, de dignité, de hauteur, de noblesse, y apprendre à se tenir droit et à rendre témoignage à la vérité au milieu des pires désastres. » Vous avez bien connu l’éditeur Christophe Parry, qui nous fait partager notamment un souvenir professionnel : « Nous travaillions dans son bureau – au milieu des livres, des mappemondes, des maquettes de bateaux, des fanions scouts et patagons, sous le regard de ses soldats de plomb vendéens qui partaient en procession bannières au vent – à l’édition d’une partie de ses œuvres dans la collection Bouquins (Là-bas, au loin, si loin…) où je travaillais alors. Je voulais pouvoir ajouter aux titres choisis pour figurer dans le volume un texte inédit, de quoi surprendre même ses lecteurs les plus anciens et les plus fidèles. Mais d’inédit, m’a-t-il répondu, catégorique, foin ! » Et pourtant… Vous avez fait l’honneur à Christophe Parry d’être le premier éditeur de Miséricorde, un livre qui « restera pour moi un ouvrage à part, une de mes plus grandes émotions d’éditeur… ». Quelle fierté pour ce monsieur, ému de parler de vous dans le monde parisien de l’édition : « Jean Raspail a toujours occupé une place à part dans le milieu de l’édition, une place que n’explique pas seule l’imposante liste de ses œuvres – depuis Terre de feu Alaska, en 1952 – ou de ses prix littéraires – le premier en 1966, pour Secouons le cocotier ; le plus important peut-être en 2003, le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre ; celui sans doute dont il était le plus fier en 1997, le prix T.S. Eliot Award de Chicago pour Le Camp des Saints.

    (A suivre)

  • Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (46, 2/2)...

    (Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP : contribution, commentaires, informations, renseignements, prêt de photos etc... bienvenus; retrouvez l'ensemble de ces documents dans notre Catégorie : Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP)

     

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    47 (2/2) : Engagements et fidélités au Royalisme dans l'URP et dans l'Action française, et même bien avant, en remontant le temps... (suite et fin de l'hommage entamé le 20 avril dernier) :

    "Ici, chez moi, la République s'arrête à la porte !..."

    Le 20 avril dernier - jour anniversaire de la naissance de Maurras - j'ai voulu rappeler un "Témoignage d'estime et d'affection réciproques d'un martégal royaliste, "blanc du midi" à un autre martégal royaliste et "blanc du midi"..."

    Je l'ai fait en partant de la copie d'un portrait de Maurras, réalisé à la plume et à l'encre de Chine, sur un papier velin, présenté à Maurras - qui le lui a dédicacé - par mon père, le jeune Camelot du Roi Pierre Davin, fils du Camelot Émile Davin, l'un des neuf fondateurs de la section d'Action française de Martigues (la section de Charles Maurras...), dans les années 1910...

    Détail de la dédicace :

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    Voici aujourd'hui - jour anniversaire de l'entrée de Maurras dans la Vie - la seconde partie (et la fin) de ce témoignage et de cet hommage; simplement élargi, de mon père seul,  à mes deux familles, paternelle et maternelle, et aux ancêtres de celles-ci, où l'on ne comptait que des "blancs du Midi" : tous fidèles à la Cause, d'abord, puis à Maurras (et à l'Action française) lorsque celui-ci parut...

    C'est donc d'un hommage familial et inter-générationnel - pardon si le ton est un peu pompeux... - qu'il s'agit aujourd'hui, pour bien montrer les engagements et fidélités de royalistes à travers le temps : dans mes deux familles, en effet, mes deux grands-parents parlaient de leurs propres parents et grands-parents, ultra royalistes et catholiques : ce qui nous ramène aux temps heureux de Louis-Philippe et Charles X, lorsque notre Royauté traditionnelle 6 et non cet actuel Système qui la tue dirigeait la France, pour son plus grand bien...

    C'est cette fidélité que je veux dédier aujourd'hui - en ce jour où l'on fait mémoire de son départ - à celui qui, "comme Socrate, connut la colère de la Cité", tout simplement à cause du "combat qu'il soutint... pour une Patrie, pour un Roi, les plus beaux qu'on ait vus sous le ciel : la France des Bourbons, de Mesdames Marie, Jeanne d'Arc et Thérèse, et Monsieur Saint-Michel..."

     

    François Davin (suite et fin)

    1. Dans ma famille paternelle, à Martigues, "du côté de chez Maurras" (pour paraphraser Proust) dont nous étions voisins à tous les sens du terme : géographique, amical mais, surtout, et bien entendu, politique...

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    À trois cent mètres, à peine, de la Bastide du Chemin de Paradis, mais dans l'Île, notre maison à Martigues (mon père est né dans la pièce du premier, fenêtre de gauche...); vue imprenable sur Ferrières et "le Chemin de Paradis", sa Bastide de Maurras...

    D'une famille de pêcheurs, mon grand-père Émile s'essaya à la "carrosserie" (on était aux débuts de l'automobile...) mais revint vite à son premier métier. Il était du genre "costaud/armoire à glace". Mon père m'a souvent raconté comment, lors des manifs d'AF, dans une ville, hélas, déjà très à gauche, il se mettait, avec le boucher et le boulanger, eux deux très "costauds" aussi, et d'AF, en tête du cortège, "bras dessus bras dessous" tous les trois, le reste derrière : et, finalement, malgré les coups et les cris, les insultes et quolibets, le cortège finissait toujours par "passer"...

    Est-ce lui ou mon père qui est à l'origine de la phrase que j'ai choisi comme titre de cet hommage ? Toujours est-il qu'elle est dans notre tradition familiale, et c'est bien, sinon le plus ancien, du moins l'un des plus anciens et des tous premiers souvenirs que j'ai, tout enfant, aussi loin que je remonte le temps et que je recherche dans ma mémoire : je prolonge cet engagement et, chez moi aussi, aujourd'hui et toujours, cela n'a pas changé : chez moi, chez nous, la République s'arrête à la porte !

    Mon grand-père fonda, avec neuf autres, la section d'Action française de Martigues, celle de Charles Maurras...

    Ma grand-mère s'appelait Thérèse Mégy : très ancien patronyme provençal, que Mistral cite dans Le Trésor du Félibrige, le rattachant à la racine "médecin" et écrivant, d'une façon plaisante, en parlant de ses multiples variantes : "noms de familles méridionaux"...

    Je conserve aussi précieusement que pieusement le Livret de famille d'époque (une sorte de document historique) ainsi que le Titre de propriété de la concession perpétuelle de la famille Mégy/Davin, dans le cimetière Saint Joseph, Quartier de Ferrières, à un jet de pierre de "chez Maurras", où reposent mes parents et ancêtres : les Anthelme, Meiji, Davin, Delanglade et autres alliés ou apparentés... On sait que Maurras est enterré à Roquevaire, avec son père et sa mère ainsi que son frère; mais son coeur est à Martigues, dans "son" jardin; on aperçoit ici le "petit monument de marbre", dans l'espace laissé libre, en-dessous des deux balustrades :

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    Voilà pourquoi il écrit, dans son magnifique poème "Où suis-je" :

    "...Ô, jardin de Ferrières, qui fleurira sur mon sommeil... !"

    En étendant un peu ses branches, le "jardin de Ferrières" fleurit aussi sur le sommeil de ces familles amies, ainsi toujours voisines, et restées proches de Maurras; "proches", à tous les sens du terme...

    Mon père quitta Martigues très tôt, d'abord pour travailler à l'Arsenal de Toulon (puisqu'il avait de réels talents de dessinateur) puis se fixa à Marseille, où il devint voyageur de commerce (c'était le terme de l'époque; on dira, après, "représentant"...) pour la marque Germidor. Camelot à Marseille, il était très souvent "dans le train", et donc à Paris, le réseau centralisé autour de la Capitale l'étant encore plus à l'époque : il se fit affecter à l'équipe des vendeurs volontaires d'AF de La Trinité.

    Je garde également sa fleur de lys personnelle, que l'on peut trouver relativement facilement sur divers sites... :

    1AAAAAA.jpg...mais surtout cet autre "insigne", plus curieux, qui fut utilisé à Marseille et dans l'URP (en tout cas par mon père, même je ne sais pas s'il le fut ailleurs) et qui est plus difficile à trouver aujourd'hui : quelque chose qui évoque la pièce de dix sous :

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    Après la scandaleuse machination de Blum, qui aboutit à la dissolution de la Ligue d'Action française et des Camelots, en 36, ceux-ci ne perdirent pas leur bonne humeur ni leur sens de l'humour pour autant : ils arborèrent donc fièrement la pièce de dix sous, pour "dissous" !

    À partir de février 36, mon père a porté l'épinglette ci-dessous pendant quelques années - notamment lors des ventes du journal, de La Canebière à... La Trinité ! :

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    P.S. : Cependant, si ma famille paternelle est bien "de Martigues", et depuis des générations, une branche quitta la ville pour s'installer à Toulon, au début du siècle dernier : c'est grâce à elle que mon père obtint son premier emploi, à l'Arsenal (il avait - comme on le voit avec le portrait de Maurras - un réel don pour le dessin); son adresse était, alors, "Villa Les Olivettes - Chemin Foulcon, Petit-Bois, Cap brun".

    Il y eut trois enfants dans ma famille martégale : deux garçons (Raoul et mon père) et une fille, Noëllie. Raoul quitta très vite la Provence, attiré par l'Hôtellerie-Restauration; mon père vint se fixer à Marseille, après avoir rencontré et épousé ma mère; et ma tante Noëllie, à force d'aller à Toulon, visiter notre "branche exilée", y rencontra Tòni Rufo, un artisan boulanger-patissier, qu'elle épousa, se fixant elle aussi, à son tour, à Toulon. Du coup, restés seuls à Martigues, mes grands-parents vinrent aussi s'installer à Toulon, où ils aidèrent à la boulangerie familiale, quartier des Routes. Mais, malheureusement, nous perdîmes, à cette occasion, notre belle maison du 2 Quai Kléber, à Martigues, idéalement située, dans l'Île, juste en face de "chez Maurras", notre voisin de trois cent mètres; une maison que nous tenions de la famille de ma grand-mère, Thérèse Mégy...

    Ma famille toulonnaise était évidemment restée ardemment royaliste, comme en témoigne cette annonce, parue dans L'Action française (dans la chronique quotidienne "Ligue d'Action française") :

    • À Toulon, dans le numéro du Dimanche 20 Février (page deux), l'Union Fraternelle de Prévoyance de l'Action française a renouvelé son bureau... :

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    Mais, malgré cette "escapade toulonnaise", notre lieu de mémoire familial, à savoir notre concession perpétuelle de la famille "Mégy/Davin" reste bien à Martigues, au Cimetière Saint Joseph, lui aussi à un jet de pierre de "chez Maurras" : on sait que le coeur de Maurras est dans son jardin, et donc, "voisins de trois cent mètres" au sud, lorsque nous étions au 2 Quai Kléber, nous restons "voisins de trois cent mètres" de Maurras, au nord cette fois... et le "jardin de Ferrières / qui fleurira sur mon sommeil...", en étendant un peu ses branches, fleurit aussi sur le sommeil des ces familles amies de Maurras, qui ne l'ont jamais abandonné...

     

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    2. Dans ma famille maternelle, même fidélité au royalisme, puis à Maurras et à l'AF : la Grande Guerre, une amitié solide avec Boutang, une ruse astucieuse pour contourner les iniques sanctions vaticanes de 26...

    On n'était pas de Martigues, mais de Marseille et La Ciotat chez mes grands-parents maternels.

    Abonnée à l'AF, ma famille connut, comme tout le mouvement, le grave dilemme de la Guerre : se battre, évidemment, mais en sachant pertinemment que la Victoire renforcerait la jeune République... Le débat fit rage chez nous, comme chez tous les autres, d'autant plus que mon oncle Georges, qui était dans ses vingt ans, allait partir (du côté paternel, mon père était né en 1906...). Il ne devait pas en revenir, comme la moitié des Camelots qui s'en allèrent au combat. Marcel Pagnol, dans son magnifique roman L'eau des collines (dont on a tiré les deux films non moins magnifiques Jean de Florette et Manon des sources) a peint le personnage de Lili des Bellons, né dans la colline, au milieu des senteurs du thym et des romarins : comme lui, mon oncle Georges est parti mourir, à vingt ans, là-haut, du côté des Ardennes, et, né dans l'odeur de la sariette et des lavandes, il est tombé "au milieu de plantes dont il ne connaissait pas le nom...".

    Un autre de mes oncles, Jean Delanglade, fut le condisciple de Boutang à la rue d'Ulm : ils nouèrent entre eux une amitié qui dura jusqu'à la mort, bizarre et suspecte, de mon oncle, en Algérie, et cette amitié ne se démentit pas le moins du monde lorsque mon oncle, changeant radicalement de cap, devint... Jésuite ! Il termina en 1952 son ouvrage, intitulé De l'homme à Dieu, ce qui était un titre évidemment bien meilleur, bien plus "dynamique", que celui choisi finalement; mais la Compagnie, pour des raisons que mon oncle ne m'a jamais dites, ne lui a donné l'autorisation de le faire paraître qu'en... 1962 ! Durant ces dix années d'attente, ce qu'il craignait arriva, et le titre premier fut "pris" par quelqu'un d'autre...

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    Après avoir obtenu mon Capes d'Espagnol/Provençal, je fus nommé dans l'Académie d'Amiens, à Beauvais : autant dire que j'étais quasiment aussi souvent à Paris que là-bas, et la mort inopinée, et suspecte, de mon oncle - que la Compagnie avait, donc, envoyé dans l'Algérie indépendante - fut l'occasion de ma première rencontre avec Boutang. Celui-ci donnait une conférence, un samedi après-midi, rue Saint Jacques. Retenu à Beauvais en début d'après-midi, j'arrivai à Paris à la fin de la réunion; beaucoup de monde se pressait à la table de Boutang, et j'attendis un bon moment, puis, voyant qu'il allait partir et qu'il y avait toujours du monde devant moi, je lançai, sans crier malgré tout : "Monsieur Boutang, je suis le neveu de Jean Delanglade". "Qui a parlé" s'écria-t-il, et, là, ceux qui étaient devant moi furent bien obligés de me laisser un petit passage; Boutang vint vers moi, m'embrassa et me demanda "Comment va-t-il ?" Je lui appris la nouvelle : "Ils l'ont tué !" Et, en effet, c'est ce que nous pensions tous, car mon oncle (exactement du même âge que Boutang) était en parfaite santé; les autorités algériennes prétendirent qu'un poêle mal réglé aurait laissé échapper des vapeurs : ben, voyons !.... Je profitai de l'instant pour demander à Boutang s'il accepterait de nous recevoir (avec un autre) pour un entretien, au sujet de son Reprendre le pouvoir, qui était sorti peu de temps auparavant, ce qu'il accepta, et ce fut ma deuxième rencontre avec lui; à partir de là, il se mit à me tutoyer, ce qui me toucha beaucoup (1)...

    Il ne me reste plus à évoquer, pour clore ce trop rapide rappel de la fidélité à la planète Maurras, dans mes deux familles, que la ruse astucieuse dont usèrent mes grands-parents maternels pour contourner les iniques sanctions vaticanes, en 26. Impossible, pour eux, ultra-catholiques, de désobéir au Pape, même si son "ordre" (!) était manifestement injuste. Pas question cependant de priver Maurras et l'AF d'un abonnement. La décision fut rapidement trouvée : maintenir l'abonnement et recevoir, donc, quotidiennement le journal, mais sans l'ouvrir, en le déposant dans le tiroir d'une armoire, en attendant la levée des sanctions, que l'on espérait simplement temporaires... Hélas, le temps passa et Pie XI resta inflexible. Il porte une lourde responsabilité dans l'avènement d'Hitler, par ce coup de couteau dans le dos porté à l'AF qui menait la croisade contre lui... Le tiroir devint rapidement plein, et il fallut en ouvrir un autre, puis encore un autre... Ce fut finalement toute l'armoire qui fut remplie, mais mes grands-parents ne lâchèrent pas. Et, pour paraphraser Malherbe, enfin, Pie XII vint !

     

    Voilà, comme une sorte de bouquet, en guise d'hommage au Maître, un peu de vie redonnée à quelques unes de ces familles ("l'AF c'était dix mille familles", disait Boutang...) pour qui la fidélité à Maurras et à la Cause fut et resta sans faille...

    Avec lui, elles ont mené les bons combats : aujourd'hui, jour anniversaire, il ne m'a pas paru inutile de les rappeler, un instant...

     

     

    Culture & Action Française • Quand Boutang dialoguait avec François Davin et Pierre Builly...

  • HISTOIRE • Jean Sévillia : ces reines qui ont changé l'Histoire

     

    A l'occasion de la sortie de son dernier livre, Les derniers jours des reines, codirigé par Jean Christophe Buisson, Jean Sévillia évoque pour FigaroVox des figures aussi romanesques que Cléopâtre, Marie-Antoinette ou la reine Victoria. On ne manquera pas de lire ce dernier ouvrage de Jean Sévillia.  LFAR

     

    1dd0ad5cb1fc3695880af1725477b22e.jpgFigaroVox - La France est le pays qui a coupé la tête à son roi, et pourtant les Français, comme en témoignent notamment les succès de librairie des biographies royales ou l'audience des émissions de télévision sur la royauté, semblent éprouver un sentiment monarchiste. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Les Français sont-ils schizophrènes  ?

    Jean Sévillia - D'Ernest Renan à Albert Camus, d'innombrables esprits républicains ont médité sur l'événement traumatique qu'a été la condamnation à mort de Louis XVI. Il ne faut jamais oublier que la France a été constituée en tant que communauté politique sous les rois de France, et par eux. Contrairement à une mythologie qui n'a plus guère cours aujourd'hui, la France n'est pas née en 1789: elle a été forgée au long des siècles par la monarchie, la République ayant recueilli ensuite cet héritage. Il est parfaitement exact qu'au moment de la Révolution, la souveraineté politique passe du roi au peuple, du moins à la représentation nationale, car le peuple réel n'a pas eu son mot à dire au long du processus révolutionnaire. Mais cette substitution de souveraineté ne change rien au fait que c'est l'Etat qui conserve son rôle central et surplombant dans la poursuite du destin français. Or cet Etat possède d'indélébiles racines monarchiques. Napoléon Ier, Napoléon III, Thiers, Clemenceau, Pétain, De Gaulle… Notre histoire postérieure à la Révolution est pleine de chefs d'Etat ou de gouvernement, ou de figures d'autorité, qui jouent les substituts du roi de France. De Gaulle le savait et le sentait si bien qu'il a doté le pays, en 1958, d'une Constitution où le primat reconnu à l'exécutif donnait à nos institutions un air de monarchie républicaine. François Mitterrand, à sa manière, a été une sorte de monarque socialiste. Et l'on voit bien actuellement, en creux, l'importance de la fonction présidentielle, précisément parce que celui qui l'incarne ne semble pas taillé pour la fonction. Alors oui, il y a toujours et il y aura toujours quelque chose de monarchique en France, même si les Français ont coupé la tête à leur roi en 1793.

    Dans la préface des Derniers jours des reines, texte que vous avez cosigné avec Jean-Christophe Buisson, vous développez le concept de royauté au féminin. De quoi s'agit-il ?

    Notre ouvrage traite de femmes qui ont régné, mais à toutes les époques et dans des aires de civilisation très différentes: entre Cléopâtre et la tsarine Alexandra Fedorovna, épouse de Nicolas II, il n'y a à peu près rien de commun sous l'angle de la société dans laquelle elles ont vécu et du système politique qui les avait placées sur le trône. Sur les vingt souveraines évoquées dans le livre, toutes n'ont pas gouverné. En France, les lois coutumières de la monarchie, affinées sous les Capétiens, excluaient les femmes de la succession au trône, ce qui n'était pas le cas dans toutes les dynasties européennes, voir Isabelle la Catholique (Isabelle de Castrille), Marie-Thérèse d'Autriche, Catherine II de Russie, ou la reine Victoria. Mais cela ne signifie pas que les reines de France n'ont pas joué un rôle éminent, a fortiori pour celles qui ont exercé la régence. Mais comme épouses du roi et mères des enfants du roi, donc mères du roi un jour, toutes les reines sont profondément associées au pouvoir. La royauté au féminin, c'est la traduction de la spécificité du système monarchique, qui n'est pas un pouvoir personnel, mais le pouvoir d'une famille.

    Quand les reines ont joué un rôle politique, quel était-il ?

    Les reines qui ont à la fois régné et gouverné ont joué exactement le même rôle politique qu'un homme aurait exercé à leur place. Au XVIIIe siècle, Marie-Thérèse d'Autriche ou Catherine II de Russie ont fait la guerre, ont choisi ou défait des ministres, ont adopté des réformes qui ont changé la société sur laquelle elles régnaient, ont affronté des oppositions: l'ordinaire d'un rôle politique à cette époque. Quant aux reines de France, nous avons évidemment retenu dans notre livre des personnages de premier plan. Catherine de Médicis, femme d'Henri II, puis régente pour son deuxième fils Charles IX, joue un rôle essentiel au moment des guerres de Religion en essayant de maintenir le trône au-dessus des divisions religieuses. La recherche historique l'a lavée de l'accusation d'être la responsable de la Saint-Barthélemy. Sous le règne d'Henri III, son dernier fils, Catherine de Médicis s'efface peu à peu. Anne d'Autriche, l'épouse de Louis XIII, est une princesse espagnole: d'abord hostile envers Richelieu en raison de sa politique à l'encontre de l'Espagne, elle change après la mort de Richelieu et celle de Louis XIII car, par amour pour son fils Louis XIV, elle soutient le nouveau Premier ministre, Mazarin, qui poursuit pourtant la politique de Richelieu. Après la mort de Mazarin, Louis XIV, voulant gouverner personnellement, sera conduit à éloigner sa mère, qu'il aimait néanmoins profondément. Pour un temps limité, qui a cependant son poids dans notre histoire, les reines Catherine de Médicis et Anne d'Autriche ont donc été de vrais rois de France….

    Vous évoquez des figures aussi exceptionnelles que Cléopâtre, Isabelle la Catholique ou Marie-Antoinette. Avez-vous une préférence pour l'une d'entre elles ?

    Si je prends votre question dans son sens tout à fait personnel, je dois vous dire que ma «reine de cœur» ne figure pas dans le livre. J'ai publié il y a dix-huit ans une biographie de l'impératrice Zita, la dernière impératrice d'Autriche, livre que les éditions Perrin réimpriment constamment et dont sortira une réédition actualisée en 2016. Ayant régné pendant deux ans, de 1916 à 1918, détrônée en 1918, exilée en 1919, veuve à 30 ans à la mort de son mari, l'empereur Charles Ier d'Autriche, en 1922, spoliée de son patrimoine familial par les Etats successeurs de l'Autriche-Hongrie, l'impératrice Zita a élevé seule ses huit enfants, vivant dans la pauvreté et la foi. Ses obsèques solennelles à Vienne, selon le vieux rituel impérial, ont marqué, en 1989, année de la fin du communisme, le grand retour de l'histoire en Europe centrale. Parce qu'il faut faire des choix dans un livre collectif, nous n'avons pas retenu l'impératrice Zita, l'histoire autrichienne étant représentée par deux souveraines, la grande Marie-Thérèse et Elisabeth, dite Sissi, la femme de François-Joseph. Ma préférence allait alors à Marie-Antoinette, dont je me suis chargé du portrait.

    Qu'est-ce qui vous intéresse, chez Marie-Antoinette, et comment expliquez-vous le mélange d'amour et de haine que les Français semblent ressentir pour elle ?

    Aujourd'hui, il me semble plutôt que la haine pour Marie-Antoinette a pratiquement disparu! En témoigne l'immense succès des expositions, des livres ou des films qui lui sont consacrés depuis une dizaine d'années. Si notre éditeur a choisi Marie-Antoinette pour illustrer la couverture de l'ouvrage, ce n'est pas un hasard. En ce qui me concerne, je n'ai pas attendu cette «Marie-Antoinette-mania» pour être attaché à cette figure venue d'Autriche, pays dont je suis familier, et qui a traversé ensuite la gloire et la tragédie chez nous, en France. Ce qui est fascinant, chez Marie-Antoinette, c'est la suite de ses retournements. Jeune reine superficielle et frivole, elle devient une mère responsable, soucieuse de ses enfants. Commettant des erreurs politiques au début de la Révolution, en essayant de sauver le trône mais en le desservant en réalité, elle épouse ensuite totalement les vues du roi dès lors que la partie est perdue. Après la décapitation de Louis XVI, Marie-Antoinette touche au sublime par sa dignité lors de son procès et face à sa marche à la mort.

    La princesse Diana n'a pas régné, mais a connu une fin tragique et romanesque. Aurait-elle pu figurer dans votre livre ?

    Outre le fait de n'avoir pas régné, connaître une fin romanesque et tragique ne suffit pas à faire une reine. Ce qui caractérise les reines régnantes est qu'elles s'obligent à habiter leur fonction, même quand elle ne correspond pas à leur goût. Ou alors, elles fuient, comme le fit d'une certaine manière l'impératrice Elisabeth d'Autriche, Sissi, qui est à sa façon une ancêtre de Lady Di. Il reste que la première femme du prince Charles, historiquement parlant, est un personnage emblématique de notre époque par la préférence accordée au destin personnel, au plaisir, au bonheur, par rapport au devoir dynastique. La séquence de sa mort restera un moment exemplaire du culte de l'émotion qui domine notre temps. La reine d'Angleterre a dû plier devant cette vague, pour préserver l'affection de ses sujets. Mais l'émotion est passée, et la reine Elisabeth est toujours là…

    Les reines contemporaines, devenues des people presque comme les autres, ont-elles perdu leur mystère ?

    Toutes les reines contemporaines ne sont pas devenues des princesses people. Songeons, en Belgique, à la reine Fabiola hier, ou à la reine Mathilde aujourd'hui. Ou en Espagne à la reine Sophie, la femme de Juan Carlos, hier, ou à la femme de Philippe VI, la reine Letizia, aujourd'hui. Ce n'est pas parce que la presse parle d'une reine qu'elle est une reine people. On peut conserver sa dignité tout étant la cible de l'attention des autres, ce qui a toujours été le propre des souverains, qui sont des personnages publics. La reine d'Angleterre est un des personnages les plus photographiés de la terre, et pourtant on ne peut pas lui appliquer l'étiquette de people. Vous verrez que, lorsqu'elle disparaîtra, ce sera un événement planétaire, et que les plus républicains des Français seront touchés eux aussi. 

    Rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine et membre du comité scientifique du Figaro Histoire, Jean Sévillia est l'auteur de nombreux succès de librairie (Zita impératrice courage, Historiquement correct, Histoire passionnée de la France). Il publie prochainement La France catholique (éditions Michel Lafon, sortie le 15 octobre). Il a codirigé Les Derniers jours des reines avec Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine et auteur d'une biographie du général Mihailovic et d'Assassinés. Un ouvrage collectif dans lequel dix-neuf historiens (dont Didier Le Fur, Jean-François Solnon, Simone Bertière, Jean-Paul Bled, Jean Tulard, Jean des Cars, Arnaud Teyssier et les codirecteurs du livre) brossent le portrait de vingt souveraines à travers la fin de leur vie ; publié aux éditions Perrin, le livre est coédité avec le Figaro Histoire.

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio            

  • Éphéméride du 2 septembre

    1792 : Début des Massacres de septembre. Le 14 juillet 1789, on avait promené des têtes au bout des piques...: dès cet épisode, la Terreur est en gestation, "la culture politique qui peut conduire à la Terreur est présente dans la révolution française dès l'été 1789", et la prise de la Bastille inaugure "le spectacle de sang, qui va être inséparable de tous les grands épisodes révolutionnaires"...(François Furet)

     

     

     

     

    1667 : Louis XIV, à l'origine de l'expression "Paris, Ville lumière"...

     

    C'est Louis XIV qui arrêta définitivement l’organisation de la police de Paris. C'est lui qui créa, par Édit, un lieutenant de police, appelant La Reynie à ce poste.
    L’organisation générale de l’éclairage de la ville fut un des premiers actes de La Reynie, pour lutter contre leur dangerosité, la nuit tombée, et les violences des délinquants de tous ordres : le 2 septembre 1667, parut l’ordonnance prescrivant d’établir des lanternes dans toutes les rues, places et carrefours de Paris.

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    Ce n'était pas la première fois que le pouvoir politique essayait de lutter contre la criminalité : on trouve trace, dès le 4 juillet 1465, d'une ordonnance imposant la présence de lanternes dans les rues ! Mais l'ordonnance ne permit que l'installation de quelques chandelles, placées dans de fragiles lanternes, elles-mêmes disposées dans un petit nombre de rues...
    On lit aussi, dans la Chronique de Louis XI : "...Le mercredi 4 juillet, fut publié, et fait savoir par les carrefours de Paris, que en chacun hôtel d’icelle ville, y eût sur la fenêtre une lanterne et une chandelle ardente durant la nuit; que chacun ménage qui avait chien l’enfermât en sa maison, et ce sur peine de la hart...(corde avec laquelle on pendait les criminels, ndlr)" et chaque bourgeois de Paris était obligé d’illuminer sa croisée. Mais cette ordonnance ne fut jamais réellement observée...

    Les premiers essais de l’éclairage public commencèrent à Paris en 1524 (sous le règne de François premier) : cette année-là, le 24 mai, le tiers de la ville de Meaux fut détruit par un incendie allumé par des malfaiteurs. C’est pour prévenir un semblable désastre qu’un arrêt du parlement, du 7 juin de cette année, ordonna de nouveau aux bourgeois de Paris de mettre des lanternes à leur fenêtre et de tenir chaque soir, près de leur porte, un seau rempli d’eau "...pour éviter aux périls et inconvénients du feu qui pourraient advenir en cette ville de Paris, et résister aux entreprises et conspirations d’aucune boutefeux étant ce présent en ce royaume, qui ont conspiré mettre le feu en bonnes villes de ce dit royaume, comme jà (déjà, ndlr) ils ont fait en aucunes d’icelles villes; la cour a ordonné et enjoint derechef à tous les manants et habitants de cette ville, privilégiés et non privilégiés, que par chacun jour ils aient à faire le guet de nuit... Et outre icelle cour enjoint et commande à tous les dits habitants et chacun d’eulx qu’ils aient à mettre à neuf heures du soir à leurs fenêtres très répondantes sur la rue une lanterne garnie d’une chandelle allumée en la manière accoutumée, et que un chacun se fournisse d’eau en sa maison afin de remédier promptement au dit inconvénient si aucun en survient..." 

    En 1525, une bande de voleurs appelés mauvais garçons commença d’exercer à Paris des pillages que l’autorité demeurait impuissante à réprimer. Elle détroussait les passants, battait le guet, volait les bateaux sur la rivière, et, à la faveur de la nuit, se retirait hors de la ville avec son butin. Le 24 octobre, le parlement fit publier de nouveau l’ordonnance des lanternes et du guet, "pour les aventuriers, gens vagabonds et sans aveu qui se viennent jeter en cette ville." Par une nouvelle ordonnance du 16 novembre 1526, il fut enjoint "que, en chacune maison, y eut lanternes et chandelles ardentes comme il fut fait l’an passé, pour éviter aux dangers des mauvais garçons qui courent la nuit par cette ville."

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    Mais rien n'y faisait... Par un arrêt rendu le 29 octobre 1558, la chambre du conseil donna au guet de Paris une organisation nouvelle. On ordonna que dans toutes les rues où le guet était établi, un homme veillerait avec du feu et de la lumière, "pour voir et escouter de fois à autre" ; il fut en même temps prescrit, qu’au lieu des lanternes que chaque habitant était tenu, avant cette époque, de placer à sa fenêtre, il y aurait au coin de chaque rue un falot allumé depuis dix heures du soir jusqu’à quatre heures du matin : "Ordonne la dite chambre, qu’en la maison où se devra faire le guet, y aura un homme veillant dans la rue ayant feu et lumière par devers lui, pour voir et écouter de fois à autre s’il apercevra ou ouïra aucuns larrons ou voleurs, effracteurs de portes et huis, et à cette fin aura une clochette que l’on puisse ouïr par toute la rue, pour d’icelle sonner et éveiller les voisins quand il apercevra ou ouïra aucuns larrons et voleurs, effracteurs de portes et huis. Et sera tenu celui qui fera le guet à la maison de l’autre côté de la rue, lui répondre de sa clochette, et ainsi les uns aux autres de rue en rue et de quartier en quartier, afin s’il est possible de surprendre les dits larrons et voleurs et les mener en justice. À cette fin permet à chacun habitant, à faute de sergent, les mener en prison ou autres lieux, pour les représenter à justice le lendemain... Plus ordonne la dite chambre que au lieu des lanternes que l’on a ordonné aux dits habitants mettre aux fenêtres, tant en cette dite ville que faubourgs, y aura au coin de chacune rue ou autre lieu plus commode, un falot ardent depuis les dix heures du soir jusque à quatre heures du matin, et où les dites rues seront si longues que le dit falot ne puisse éclairer d’un bout à l’autre, en sera mis un au milieu des dites rues, et plus suivant la grandeur d’icelles, le tout à telle distance qu’il sera requis et par l’avis des commissaires quarteniers (chefs d’un quartier, ndlr) dixainiers (chefs de dix maisons, ndlr), de chacun quartier, appelés avec eux deux bourgeois notables de chacune rue pour aviser aux frais des dits falots." 

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    Comme tous ces règlements successifs manquaient à chaque fois leur but, il se créa un service composé d’un certain nombre de personnes, appelées porte-flambeaux ou porte-lanternes, qui se chargeaient, moyennant rétribution, de conduire et d’éclairer par la ville les personnes obligées de parcourir les rues pendant la nuit.

    C’est l'abbé Laudati de Caraffa qui avait créé cette entreprise, après avoir obtenu du roi, au mois de mars 1662, des lettres patentes qui lui en accordaient le privilège. Le 26 août 1665, le parlement enregistra ces lettres, en réduisant à vingt ans le privilège, qui était perpétuel, "aux charges et conditions que tous les flambeaux dont se serviraient les commis seraient de bonne cire jaune, achetés chez les épiciers de la ville ou par eux fabriqués et marqués des armes de la ville." Ces cierges étaient divisés en dix portions, et l’on payait cinq sous chaque portion pour se faire escorter dans les rues. Les porte-lanternes étaient distribués par stations, éloignées chacune de cent toises (une toise équivalait à quasiment deux mètres; très exactement : 1,949 mètre, ndlr); on payait un sou pour aller d’un poste à l’autre. Pour se faire éclairer en carrosse, il fallait payer aux porte-lanternes cinq sous par quart d’heure; à pied, on payait seulement trois sous pour le même temps.

    C’est le succès de cette entreprise particulière qui amena l’établissement de l’éclairage public de la capitale, décrété le 2 septembre 1667 par Louis XIV.

    Le Grand Roi fut si satisfait qu'il ordonna la frappe d'une médaille URBIS SECURITAS ET NITOR (La Sécurité et la propreté de la Ville : la ville de Paris, personnifiée par une femme debout, tient une lanterne rayonnante et une bourse) :

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    N'est-il pas logique, somme toute, que le Roi-Soleil soit à l'origine de l'expression : "Paris, Ville lumière" ?

     

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    1792 : Début des massacres de Septembre, à Paris 

     

    Tout va très vite depuis le 10 août dernier (voir l'Éphéméride du 10 août) : c'est ce jour-là qui marque la "fin finale" des derniers restes de pouvoir que conservait encore Louis XVI, et qu'il pouvait conserver, s'il l'avait voulu, même ce jour-là : "Louis XVI a  pu sauver vingt fois son trône et sa vie" écrira, avec raison, Chateaubriand.

    Mais, pénétré de l'idée fausse et perverse que l'homme est bon - idée mise à la mode par Jean-Jacques Rousseau, entre autres - Louis XVI ne voulait pas se défendre, en tout cas pas par la force, et ne voulait pas faire couler le sang de quelques agitateurs et factieux.

    Moyennant quoi, il a "permis" la Révolution qui, elle et ses conséquences calamiteuses sortant sans fin les unes des autres jusqu'à nos jours, a fait couler le sang de dizaines de millions d'hommes, innocents, eux.

    Dès le lendemain du 10 août, le Roi, réfugié à l'Assemblée, est suspendu (comme le disait Bainville, cela revenait à "la déchéance moins le mot") et l'Insurrection révolutionnaire, grosse du terrorisme, a, de fait, les pleins pouvoirs à Paris, alors que l'immense majorité du pays est monarchiste.

     dans trois semaines, en ce début de septembre, le Roi sera enfermé au Temple, avec toute la famille royale;

     dans trois mois s'ouvrira son pseudo-procès;

     et, dans moins de cinq mois, il sera assassiné : les terroristes révolutionnaires ne perdront pas de temps, eux, et n'auront pas, vis-à-vis de lui, la pusillanimité et les pudeurs d'humaniste qu'il eut, lui, vis-à-vis d'eux ! 

    enfin, dans un an et un peu plus d'un mois, ce sera à la reine d'être assassinée, alors que l'abject infanticide lent, sur la personne du petit roi sans défense Louis XVII, a commencé : il durera deux ans...

    Ayant pris le pouvoir par la force et l'émeute, l'insurrection va le conserver par les mêmes procédés, qui iront s'amplifiant, jusqu'à la proclamation de la Terreur : ainsi, trois semaines à peine après ce funeste 10 août, les massacreurs vont se déchaîner contre tout ce qu'ils appellent, un peu vite, les contre-révolutionnaires.

    Pour frapper les esprits, annihiler toute velléité de résistance et asseoir encore mieux leur pouvoir à Paris, où ils sont les maîtres absolus, les terroristes révolutionnaires vont massacrer 1.400 personnes; l'horreur durera quatre jours.

    Le peuple français commence à peine à payer le funeste aveuglement de Louis XVI, et sa bonté dénaturée et dévoyée, qui n'aura profité qu'au crime, au meurtre, à la violence sans bornes, à la Terreur. 

    massacre_septembre_2.jpg 

    Chateaubriand a été le témoin oculaire de ces monstrueux massacres de septembre :

    "Les scènes des Cordeliers, dont je fus trois ou quatre fois le témoin, étaient dominées et présidées par Danton (ci dessous), Hun à taille de Goth, à nez camus, à narines au vent, à méplats couturés, à face de gendarme mélangé de procureur lubrique et cruel. Dans la coque de son église, comme dans la carcasse des siècles, Danton, avec ses trois furies mâles, Camille Desmoulins, Marat, Fabre d'Eglantine, organisa les assassinats de septembre. Billaud de Varennes proposa de mettre le feu aux prisons et de brûler tout ce qui était dedans; un autre Conventionnel opina pour qu'on noyât tous les détenus; Marat se déclara pour un massacre général. On implorait Danton pour les victimes. "Je me f... des prisonniers", répondit-il. Auteur de la circulaire de la Commune, il invita les hommes libres à répéter dans les départements l'énormité perpétrée aux Carmes et à l'Abbaye...

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    Danton, plus franc que les Anglais, disait : "Nous ne jugerons pas le Roi, nous le tuerons." Il disait aussi : "Ces prêtres, ces nobles, ne sont point coupables, mais il faut qu'ils meuren

  • Le cas Sauvage

     

    Par Pierre de Meuse

     

    2257976817.4.pngLes éditorialistes ont unanimement approuvé la décision prise par François Hollande de gracier totalement Jacqueline Sauvage pour le meurtre de son mari Norbert Marot. Cette unanimité est partagée par l’ensemble des partis politiques, FN compris, par les voix de Marine Le Pen, Florian Philippot et Gilbert Collard, mais non, à notre connaissance de Marion Maréchal-Le Pen. Tous estiment que cette grâce était indispensable et tous déplorent qu’elle soit si tardive. Comme nous ne sommes retenus par aucune discipline de parti ni aucune réserve, nous prenons la liberté de prendre la parole pour nous désolidariser de cette inhabituelle convergence.

    De quoi s’agit–il, en effet ? Le 10 septembre 2012, Jacqueline Sauvage (65 ans) a tué son mari qui lui tournait le dos, assis sur la terrasse de son appartement de Selle sur le Bied, en train de boire de l’alcool, de trois coups d’un fusil de chasse, qu’elle avait préalablement chargé. Dans ses déclarations, la meurtrière a expliqué qu’elle s’était disputée avec son mari au sujet de leur entreprise commune de transports, proche de la faillite, que son mari l’avait frappée, puis s’était retiré sur la terrasse où elle l’avait rejoint pour le tuer. Jacqueline Sauvage fait état de « 47 années de violences conjugales », constatées quatre fois en cinq ans, mais jamais concrétisées par des plaintes. De plus ses filles font état, post actu, de comportements incestueux de leur père, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée auparavant. Un élément important et certain réside dans le fait que le fils du couple s’est suicidé la veille du meurtre, (sans rapport direct avec l’affaire) mais elle prétend ne l’avoir appris qu’après la mort de son mari. Malgré les incertitudes (réelles) du dossier, il ne fait aucun doute que la victime a bien été un homme alcoolique et violent, et que la vie familiale en a bien été gravement dégradée. Ces faits auraient motivé l’octroi quasi-automatique de circonstances atténuantes en faveur de la meurtrière, si ses défenseurs l’avaient demandé. Cependant les avocates n’ont pas voulu plaider coupable, choisissant de se fonder  sur la légitime défense afin de faire acquitter leur cliente.

    Il faut ici remarquer que le domaine de la légitime défense a connu depuis 70 ans une réduction en peau de chagrin, sous l’effet d’une jurisprudence constante, que des lois sont venues valider. D’abord par la notion de proportionnalité : la défense doit être proportionnée à l’attaque. Il faut aujourd’hui qu’une personne soit menacée de manière certaine dans sa vie pour avoir le droit de se défendre. Mais aussi une menace sur les biens n’est plus considérée comme exonérante, malgré le caractère traumatisant des vols. En blessant un cambrioleur occupé à vous détrousser, vous vous exposez à la prison et à l’indemnisation à vos frais des malfaiteurs pour leur dommage corporel. Tel est l’état de droit existant, dans toute son absurdité. Cependant les avocates féministes voyaient bien que Mme Sauvage ne pouvait invoquer ni l’urgence ni l’imminence d’un danger mortel - le mari était occupé à s’imbiber- ni la proportionnalité, puisqu’on n’a pas pu retrouver sur l’auteur du meurtre les traces probantes de brutalité. Comme elles voulaient que leur cliente ressorte libre de l’audience, elles ont soutenu la théorie d’une « légitime défense différée », permis de tuer reconnu exclusivement aux femmes battues.

    Or il se trouve que deux cours d’assises et deux juges d’application des peines, en première instance et en appel, ont refusé d’accepter ce privilège donné au beau sexe, au nom de l’égalité des droits. Alors les avocates, appuyées par les organisations féministes et les médias, ont soulevé l’opinion, faisant monter la mayonnaise de la compassion pour exiger une grâce effaçant la culpabilité et la sentence. C’est chose faite aujourd’hui. On peut s’attendre à une floraison de propositions de lois ayant pour but d’étendre la limite de la légitime défense au profit exclusif de catégories humaines supposées victimes par nature. A noter d’ailleurs que les policiers réclament également un privilège similaire.

    Bien évidemment, cette décision déplaît aux magistrats. Ainsi la présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM), Virginie Duval s’indigne d’ « une nouvelle atteinte à l’indépendance de la justice par l’exécutif » Et de l’incompétence, voire de la lâcheté des hommes politiques. Pas un seul instant, les magistrats ne montrent quelque lucidité sur l’évolution inique de cette légitime défense. La critique reste corporative. Pourtant il y a une évidence injustice dans la condamnation à 10 ans de prison ferme du buraliste de Lavaur, Luc Fournié, qui a tué un cambrioleur introduit nuitamment dans son magasin, après avoir vainement attendu la force publique qu’il avait prévenue quinze minutes plus tôt. Cette absurdité ne porte pas au respect de la profession de justice. Dans le Figaro, Robert Redeker a le courage d’écrire : « Les affaires Sauvage et Fournié s'offrent à l'observateur en tête-bêche, l'une se reflétant dans l'autre comme en des miroirs inversés : dans la première affaire, l'idéologie dominante semble prendre parti pour la meurtrière par autodéfense, insistant sur sa qualité de victime, alors que dans la seconde, elle prend clairement parti pour le cambrioleur, renvoyant le buraliste qui s'est défendu au statut de criminel sans excuses. Suivant leur distance par rapport aux discours en vogue concernant les problèmes sociétaux, il existerait de bons crimes par autodéfense, celui de Madame Sauvage par exemple, et de mauvais, dont celui de Monsieur Fournié fournit un échantillon. Une grande partie de ceux et celles qui se dressent pour soutenir Madame Sauvage, meurtrière de son mari, condamnent en se pinçant le nez Monsieur Fournié, meurtrier de son cambrioleur. » Et Robert Redeker termine son article en mettant le doigt sur le mal purulent : « Les Français n'en pourront neutraliser les effets délétères que du jour où ils s'essaieront à une approche moins passionnelle, moins polluée par l'idéologie, des situations d'autodéfense. »

    Une autre revendication des magistrats est l’abolition du droit de grâce, au motif que l’exécutif s’arroge des prérogatives qui n’appartiennent qu’à l’ordre judiciaire. Il s’agirait donc selon eux de faire disparaître un archaïsme. Or, dans son principe le droit de grâce n’est pas un apanage de l’exécutif, mais de la souveraineté qui n’est pas divisible, et qui n’est pas compatible avec la dictature des idéologies. Dans la conception traditionnelle de l’Etat français, le roi est chef de guerre, juge suprême et père nourricier. Il n’est donc pas extérieur à la Justice, mais son gardien. La grâce n’est donc pas une négation du Droit, elle en est le dernier recours, celui où se confondent la règle et l’équité. Hélas, la démocratie idéologique est corruptrice de tout lien social.