Documents pour servir à illustrer une histoire de l'URP (15)...
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15 : 24 février 1968, les gauchistes - emmenés par Samuel Johsua - attaquent notre réunion de la Salle Mazenod, avec Pierre Debray... (2/3)
Pour "raconter" l'affaire de la Salle Mazenod, nous avons commencé, la semaine dernière, par faire une rapide entorse à la chronologie, en parlant des trois locaux successifs que nous avons connus, à l'Union Royaliste Provençale; la bagarre de la salle Mazenod eut lieu lorsque nous étions dans le premier de ces locaux : au 9 rue Saint Suffren...
Aujourd'hui, nous n'allons pas faire une deuxième entorse à la chronologie, mais vous devrez cependant attendre encore une semaine avant de lire le récit de la bagarre proprement dit. Celle-ci étant le fruit et l'effet d'un contexte, il est impératif de commencer par présenter et rappeler ce contexte, sans lequel la compréhension du "pourquoi" de cette bagarre serait impossible; et sans lequel, d'ailleurs, cette bagarre n'aurait probablement pas eu lieu, tout simplement...
Revenons donc au commencement... Nous sommes en septembre 1967 et, comme chaque année, nous reprenons nos activités militantes en nous retrouvant à Roquevaire, devant le caveau de famille des Maurras (j'ai rapidement expliqué le pourquoi et le comment de ce rendez-vous annuel dans le numéro 10 de ces Documents). Ce jour-là, aucun d'entre nous, comme du reste aucun Français et personne dans le monde ne se doute un seul instant que l'année scolaire qui s'ouvre ne s'achèvera pas, ou plutôt, qu'elle s'achèvera sous la forme de... "Mai 68" !
En France, apparemment, tout est calme, mais, à l'international, ce qui domine, de toute évidence, c'est la guerre du Viet-Nam (l'offensive du Tết est de janvier 68, donc dans quatre mois, mais, là aussi, personne ne s'en doute...).
Pour les révolutionnaires, cette guerre est du pain béni, car elle leur donne l'occasion de se présenter en farouches défenseurs de la volonté d'indépendance d'un petit peuple contre les odieux capitalistes représentés par les USA et le monstre Dollar (alors que, c'est bien connu, l'argent est bien plus souvent et bien plus volontiers "à gauche" et du côté de la Révolution qu'ailleurs...) :
• le PCF est tout puissant à l'époque, il est une sorte de "krach des chevaliers" du point de vue de l'organisation : son candidat, Jacques Duclos arrivera en troisième position à la Présidentielle de 1969, en recueillant 4,8 millions de voix, soit 21,3 % des suffrages exprimés. Dans les Quartiers nord de Marseille, François Billoux, de 45 à 78, est élu au premier tour, sans besoin d'alliance, avec parfois 80% des voix. Et, en France, c'est par milliers que l'on compte les élus PCF (Députés, Sénateurs, Maires, Présidents de Départements... : l'intégralité des Maires du Département de la Seine Saint Denis est "PCF"...). Et, intellectuellement, le PCF régente tout : c'est l'époque où la "semaine de la pensée marxiste" est le nec plus ultra de l'année...
• mais, à côté de ce PCF énorme, une mouvance vient d'émerger : les "gauchistes". Eux aussi recrutent en masse grâce à l'opposition à la guerre du Viet-Nam. Et c'est à eux que nous allons avoir affaire. Voici comment, et pourquoi...
Nous, royalistes, étions pris en tenaille dans ce sujet du Viet Nam : évidemment, nous étions anti-marxistes, forcément, mais nous ne tombions pas dans le piège grossier d'un soutien aux États-Unis, qui s'étaient crus malins en nous chassant de là-bas pour prendre notre place, puis en faisant tomber tout ce qui - à l'image de Ngo Dinh Diem - s'opposait réellement à la Révolution. Le matérialisme idéologique des marxistes s'opposait au matérialisme économique et "de fait" des USA dans une sorte d'affrontement fratricide. Trouver notre positionnement là-dedans, entre ces deux formes adverses mais consanguines du matérialisme, n'était pas chose aisée, et la tâche était beaucoup plus simple pour nos adversaires que pour nous...
Cependant, en Provence et à Marseille, comme en France, le mouvement royaliste prenait et reprenait de l'ampleur, et progressait ("Il y a du vent dans les voiles du vaisseau royal", dit un jour Bernard Mallet, le Président du Comité directeur, dans ces années-là). Et nous cherchions - très banalement, comme toutes les sections de France - à grandir toujours plus, donc à recruter toujours plus afin de créer dans toujours plus de lieux toujours plus de sous-groupes royalistes.
Nous eûmes donc l'idée de ce tract :
Il s'agissait tout simplement pour nous de "défendre l'Occident", ou ce qu'il en restait, contre les deux faces de la même barbarie matérialiste (URSS/USA). En aucun cas de nous mesurer frontalement au PCF (hypothèse absolument farfelue et inenvisageable) ni même à ces gauchistes que nous ne connaissions, finalement, que de nom et de renom. Le soldat Sud vietnamien que nous avions pris en exemple, était le symbole de la résistance au marxisme et à la Révolution, puisque nous voulions partir de quelque chose qui "parlait" au public, à l'époque; rien de plus. Mais il faut croire que ce n'est pas comme cela que les gauchistes l'ont compris...
À côté de nos ventes régulières d'Aspects de la France (les jeudi puis mercredi après-midi, samedi après-midi et dimanche matin, aux Messes) et de nos affichages, nous commençâmes donc à distribuer ce tract un peu partout. Il reçut l'accueil habituel : une petite minorité intéressée et favorable; une autre minorité hostile, voire agressive, mais sans plus; et une majorité d'indifférents. Il n'y eut qu'au Lycée Saint Charles que l'accueil fut vraiment bon, mais nous y avions un groupe nombreux, actif et dynamique (nous l'avions d'ailleurs baptisé, entre nous, pour nous amuser, le "lycée Saint Charles Maurras" !).
Puis nous eûmes l'idée de tenter, avec ce tract, de lancer un groupe à la Fac des Sciences de Saint Charles (près de la Gare du même nom). Nous n'y comptions aucun adhérent ni même sympathisant affiché, alors que ladite Fac était notoirement truffée de gauchistes. Mal nous en prit : bien qu'assez nombreux, et décidés, nous tombâmes sur très largement plus fort que nous (car nous manquions d'informations sur cette Fac, n'y ayant personne "à nous"). Samuel Johsua, dont nous fîmes la connaissance à cette occasion, rameuta en un rien de temps une troupe de militants haineux et décidés à nous faire la peau, au sens propre. Nous eûmes la sagesse de comprendre au quart de tour que nous allions à l'abattoir, et ne dûmes notre salut qu'au fait que, ce jour-là, nous courûmes plus vite qu'eux; mais, vraiment, beaucoup plus vite... Ce n'est pas très glorieux à raconter, mais c'est ainsi...
En fait, nous l'avons compris après : ces gauchistes de "la bande à Johsua" (il y avait aussi un certain Sanson, mais je ne sais plus s'il était de Saint Charles ou d'ailleurs...) avaient en quelque sorte "pris pour eux" ce soldat vietnamien du Sud, ils avaient vu là une sorte d'attaque contre eux. À tort, évidemment, car "la bagarre pour la bagarre" ne nous a jamais intéressée et la seule chose que nous voulions était de faire progresser notre section militante, de recruter et de nous implanter dans le plus d'endroits possibles, mais certainement pas de chercher à nous battre contre qui que ce soit...
Mais voici que, peu de temps après, nous décidions d'organiser, avec Pierre Debray comme orateur, une Réunion publique sur ce même thème : Défense de l'Occident. Nous imaginions comme très probable, sans en avoir évidemment la certitude absolue ni la moindre preuve, l'hypothèse selon laquelle notre cher "meilleur ennemi" Johsua reviendrait, avec ses sbires, pour attaquer cette réunion et "finir le travail" : car, s'ils nous avaient mis en déroute à la Fac, et si nous avions piteusement quitté les lieux à toutes jambes peu de temps avant, aucun d'entre nous n'avait été blessé; notre local n'avait pas été attaqué et nos activités (ventes, affichages, tractages) se déroulaient sans encombre, même si nous étions très prudents, en tout cas plus qu' "avant"...
Nous distribuâmes donc - mais pas à la Fac Saint Charles !... - le tract/invitation suivant, sans encombre, nulle part... :
Et nous accompagnions ce tract invitation du document suivant, destiné à faire connaître Pierre Debray :
Rendus prudents par l'affaire de la Fac Saint Charles, nous préparâmes avec soin la réunion du 28 février, en imaginant les divers scénarios possibles. N'étant pas sûrs qu' "ils" viendraient, mais sans pouvoir ni vouloir écarter l'hypothèse, nous prîmes la précaution d'acheter trente manches de pioche (tout de même...), Chauvet nous livra des casques de chantier (mais ils étaient peu commodes, et, finalement, nous ne les employâmes jamais); et, bien sûr, l'intégralité des militants fut prié d'être là, et prêts, "au cas où"...
Ce "au cas où" eut lieu, et je vous le raconterai la semaine prochaine...
François Davin