UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Éphéméride du 8 septembre

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

     

     

     

     

    1239 : Première représentation du Miracle de Théophile, de Ruteboeuf 

     

    8 septembre,mistral,lamartine,daudetSi l'on connait relativement bien la vie même de Ruteboeuf, et en tous cas ses moments les plus importants, on ne dispose, curieusement de presqu'aucune date en ce qui le concerne. C'est dans l'exposé suivant - très intéressant malgré son aspect un peu austère - que l'on trouve la date du 8 septembre pour la première représentation publique, à Paris,  sur le parvis de Notre-Dame, du Miracle de Théophile, oeuvre commandée au poète par l'évêque de la ville lui-même (ci contre, une partie du vitrail de la cathédrale de Beauvais, racontant le Miracle) : 

     http://books.openedition.org/pup/4481?lang=fr 

    On trouvera ce merveilleux vitrail, expliqué et commenté dans notre Ephémeride/Evocation du 28 mai : 

     

     Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile 

     

    Et, sur le lien suivant - très technique et sans intérêt pour le grand public et les non-spécialistes - un petit tableau, en haut à droite, qui donne accès à tous les textes de Ruteboeuf :  

     

    http://www.arlima.net/qt/rutebeuf.html 

     

    Bien sûr, pour le grand public, aujourd'hui, Ruteboeuf reste d'abord connu pour sa Griesche d'Hiver, ou Complainte Ruteboeuf (chantée ici par Léo Ferré) :  

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent me porte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta

    Avec le temps qu'arbre défeuille
    Quand il ne reste en branche feuille
    Qui n'aille à terre
    Avec pauvreté qui m'atterre
    Qui de partout me fait la guerre
    Au temps d'hiver
    Ne convient pas que vous raconte
    Comment je me suis mis à honte
    En quelle manière

    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    L'amour est morte
    Le mal ne sait pas seul venir
    Tout ce qui m'était à venir
    M'est advenu

    Pauvre sens et pauvre mémoire
    M'a Dieu donné, le roi de gloire
    Et pauvre rente
    Et droit au cul quand bise vente
    Le vent me vient, le vent m'évente
    L'amour est morte
    Ce sont amis que vent emporte
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta 

     

     

     8 septembre,mistral,lamartine,daudet

     

    1830 : Naissance de Frédéric Mistral

     

    Mistral reçut le Prix Nobel de Littérature 1904.

    Il consacra la totalité de la somme d'argent qui accompagne ce prix à la réalisation de ce qui lui tenait, alors, le plus à coeur : la création du Muséon arlaten tout entier dévoué à la Provence...

    8 septembre,mistral,lamartine,daudet

    Le Mas du Juge, à Maillane, maison natale de Mistral

     

    C'est Lamartine qui l'a lancé, en le faisant connaître à la France entière par son Quarantième Entretien (extraits) :

    "...Je vais vous raconter aujourd'hui une bonne nouvelle ! Un grand poète épique est né. La nature occidentale n'en fait plus, mais la nature méridionale en fait toujours : il y a une vertu dans le soleil. Un vrai poète homérique en ce temps-ci; un poète né, comme les hommes de Deucalion, d'un cailloux de la Crau; un poète primitif dans notre âge de décadence; un poète grec en Avignon; un poète qui crée une langue d'un idiome comme Pétrarque a créé l'italien; un poète qui, d'un patois vulgaire, fait un langage classique d'images ravissant l'imagination et d'harmonie l'imagination et l'oreille; un poète qui joue sur la guimbarde de son village des symphonies de Mozart et de Beethoven; un poète de vingt-cinq ans qui, de son premier jet, laisse couler de sa veine, à flots purs et mélodieux, une épopée agreste où les scènes descriptives de l'Odyssée d'Homère et les scènes innocemment passionnées du Daphnis et Chloé de Longus mêlées aux saintetés et aux tristesses du christianisme, sont chantées avec la grâce de Longus et avec la majestueuse simplicité de l'aveugle de Chio, Est-ce là un miracle ? Eh bien ! ce miracle est dans ma main : que dis-je ? Il est déjà dans ma mémoire, il sera bientôt sur toutes les lèvres de toute la Provence...

    ...Sa physionomie, simple, modeste et douce, n'avait rien de cette tension orgueilleuse des traits ou de cette évaporation des yeux qui caractérise trop souvent ces hommes de vanité, plus que de génie, qu'on appelle les poètes populaires : ce que la nature a donné, on le possède sans prétention et sans jactance. Le jeune provençal était à l'aise dans son talent comme dans ses habits; rien ne le gênait, parce qu'il ne cherchait ni à s'enfler, ni à s'élever plus haut que nature.

    La parfaite convenance, cet instinct de justesse dans toutes les conditions, qui donne aux bergers, comme aux rois, la même dignité et la même grâce d'attitude ou d'accent, gouvernait toute sa personne. Il avait la bienséance de la vérité; il plaisait, il intéressait, il émouvait; on sentait dans sa mâle beauté le fils d'une de ces belles arlésiennes, statues vivantes de la Grèce, qui palpitent dans notre Midi."

    (Alphonse de Lamartine, Cours familier de littérature : un entretien par mois. Tome septième).

    MISTRAL 7.jpg

    Léon Daudet en parle ainsi dans Souvenirs et polémiques ( Robert Laffont, collection Bouquins, 1993, p. 36-37) :


    "On l'a comparé souvent à Goethe. Il est lui-même. Ce qui frappe le plus, dans ses propos, c'est l'harmonie des plans, la perspective qu'il a dans l'esprit, comme un descendant d'aïeux qui ont longtemps contemplé le ciel étoilé et la plaine. Tel il était il y a trente ans, et plus loin encore dans mon souvenir, jugeant équitablement les hommes et les choses, célébrant son pays et poursuivant avec méthode son plan de reconstruction provinciale, dont ses amis eux-mêmes n'apercevaient peut-être pas toute l'ampleur. Il est clair, limpide comme la source, mais profond, et sa bonhomie n'exclut pas la méfiance.

    À Paris, on le discutait, on harcelait mon père : "Pourquoi n'écrit-il pas en français, votre Mistral ? Relever la langue d'oc, un patois, c'est une chimère, c'est un rêve... Daudet, votre amitié vous aveugle sur l'importance de ce mouvement." On a vu depuis qu'au contraire l’œuvre de Mistral était et est des moins chimériques, des plus utiles qui soient. Le maître de Maillane est pour la moitié dans la superbe résistance de l’Alsace-Lorraine. C'est aux armes forgées par lui, à ses méthodes, à ses principes qu'ont eu recours les mainteneurs malgré tout de l'âme héroïque de l'Alsace, de ses coutumes, de ses aspirations.

    Poète et le plus doué de tous, Hugo compris, sans comparaison possible, Mistral connaît en outre les secrets de la cité et ceux du verbe, les moyens d'étayer la cité par le verbe et réciproquement. C'est un sorcier, au sens étymologique du mot, un trouveur d'ondes jaillissantes. Il ne frappe pas en vain le roc stérile. Si vous voulez mon avis, Mistral est bien grand, mais l'avenir le fera plus grand encore. Dans les abris posés et chantés par lui, les nations opprimées iront, au cours des âges, chercher un refuge contre la force brutale. Dictionnaire, poèmes, drames, propagande, fêtes commémoratives, costumes, allocutions, exemple de la longue vie passée au même endroit, tombeau, tout cela se complète et défie le temps et l’oubli."

        "Sount mort li béu diséire, mai li vouès an clanti.

          Sount mort li bastisséire, mai lou temple es basti." 

    mistral.JPG

         Chez lui, à Maillane : "...longue vie passée au même endroit..."                 

        Voir notre album Maîtres et témoins (I) : Frédéric Mistral. (90 photos)       

     

     

    7 septembre,buffon,saint cloud,saint cordon,saint louis,blanche de castille,regence,philippe le bel,napoléon,valenciennes,tristan bernard                                    

                                                        

    Voici la suite - et la fin - de notre évocation de Frédéric Mistral, à travers sa poésie, que nous avons décliné en trois temps.

    Aujourd'hui, 8 septembre, date anniversaire de sa naissance, nous achevons la lecture commencée le 29 février (attribution du Prix Nobel de littérature), et poursuivie le 25 mars, jour anniversaire de sa mort.

    Et nous évoquons cette poésie au moyen de deux poèmes (ou extraits) à chaque fois, soit au total six textes majeurs, qui permettent de se faire une première idée du fond de ses inspirations

    1. Le 29 février, nous avons lu un poème que l'on qualifiera de chrétien, tant est forte et sous-jacente partout chez Mistral cette source d'inspiration : La coumunioun di sant (La communion des saints) de 1858. Puis l'enracinement dans l'Histoire provençale et dans cette Provence charnelle, à travers ses paysages et ses villes. L'amour profond pour sa terre transparaît évidemment lui aussi partout chez Mistral: "...Se quauque rèi, pèr escasènço..." (Si Clémence était reine..., Mireille, Chant II)

    2. Le 25 mars, nous avons lu un extrait d'un poème de combat, pourrait-on dire : I troubaire catalan (Aux troubadours catalans, partie I) de 1861. Puis, un poème peut-être un peu plus politique : A la raço latino (Ôde à la race latine) de 1878.

    3. Enfin, aujourd'hui - 8 septembre - nous allons voir le Mistral virgilien et homérique, paysan au sens fort et grand du terme, de l'Invocation de Miréio (Mireille). Et, pour finir - épique et historique - l'Invocation de Calendau (Calendal).

    MISTRAL MIREILLE FAYET.jpg
     Illustration de Gustave Fayet, pour Mireille
     
     
     
     
        V : L'invocation de Mirèio. Le Mistral Virgilien et Homérique. 
     
     
     
    Cante uno chato de Prouvènço.                  Je chante une fille de Provence.
    Dins lis amour de sa jouvènço,                   Dans les amours de sa jeunesse,
    A travès de la Crau, vers la mar, dins li bla         À travers la Crau, vers la                                                                                   mer, dans les blés,
    Umble escoulan dòu grand Oumèro,         Humble écolier du grand Homère,
    Iéu la vole segui. Coumo èro                     Je veux la suivre. Comme c'était
    Rèn qu'uno chato de la terro,                    Seulement une fille de la glèbe,
    En foro de la Crau se n'es gaire parla.      En dehors de la Crau il s'en est                                                                          peu parlé.
     
     
    Emai soun front noun lusiguèsse            Bien que son front ne resplendît
  • D'Atatürk à Erdogan, par Annie Laurent

                       1A.jpg

       

    LA RÉALITÉ DE LA « LAÏCITÉ » TURQUE

    Si Atatürk a bien fondé une république « laïque » sur les ruines de l’Empire ottoman, il s’agit d’une « laïcité » en réalité bien différente de la conception que nous en avons en France.

    En 2005, au moment où s’ouvraient les négociations officielles en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), de nombreuses voix autorisées justifiaient ce projet par la « laïcité »de la République fondée par Moustafa Kemal, passé à l’histoire sous le nom d’Atatürk (« Père des Turcs »). Ainsi, disait-on, la nouvelle Turquie était prédisposée à adopter les valeurs démocratiques du Vieux Continent. Mais cela revenait à négliger la particularité de cette laïcité sui generis, qui ignore le principe de neutralité publique en matière religieuse. Loin de proclamer la séparation entre les domaines temporel et spirituel, le kémalisme a placé la religion sous la tutelle de l’État, avec les implications importantes qui en résultent dans de nombreux domaines tels que le droit et l’organisation des cultes. En outre, seul l’islam sunnite, religion de la majorité des Turcs, était concerné par ce programme (1).

    Annie_Laurent.jpgTout s’est décidé en un jour, le 3 mars 1924. Dans la foulée de l’abolition du Califat, le Parlement vota la création d’une Direction des Affaires religieuses, laDiyanet. Placé sous l’autorité directe du Premier ministre, structuré de façon hiérarchique, avec une administration centrale et des ramifications en province et à l’étranger où résident de nombreux émigrés, cet organisme assure la gestion des institutions cultuelles : mosquées et écoles religieuses, nomination et rétribution des imams. Elle emploie aujourd’hui plus de 120 000 fonctionnaires.

    Cette double réforme reposait sur une vision bien particulière d’Atatürk, acquise par sa proximité avec le Comité Union et Progrès, mouvement nationaliste fondé par lesJeunes-Turcs opposants au sultan et imprégnés des idées de la Révolution française qui avaient commencé à se propager dans l’Empire ottoman dès 1895. Lui-même agnostique, bien qu’élevé dans l’islam, Atatürk méprisait cette « théologie absurde d’un Bédouin [Mahomet] immoral, cadavre putréfié qui empoisonne nos vies » (2). Il rêvait donc d’ancrer la Turquie dans la civilisation occidentale dont il admirait le rationalisme. Mais, connaissant l’identification de la majorité des Turcs avec l’islam sunnite, il savait ne pas pouvoir les détacher d’un coup de leur religion. Lui-même reconnaissait en 1932 qu’« une nation sans religion est vouée à disparaître » (3).

    La solution consistait d’abord à entretenir une confusion entre identité turque et sunnisme, ce qui, outre les chrétiens (4), marginalise ou exclut deux groupes, les Kurdes et les alévis. Quoique majoritairement sunnites et pouvant siéger au Parlement, les Kurdes sont privés de certaines libertés en raison de leurs particularités ethniques et culturelles ainsi que de leurs revendications autonomistes. À plusieurs reprises, leurs intellectuels ont été visés par la répression. Ce n’est que depuis l’ouverture des négociations avec l’UE qu’ils ont le droit d’enseigner leur langue dans des écoles privées.

    La situation des alévis, moins médiatisée que celle des Kurdes, n’en est pas moins aussi injuste. Dissidence du chiisme et religieusement proche de l’alaouitisme en Syrie voisine, l’alévisme se caractérise par son syncrétisme (avec des emprunts à des traditions asiatiques telles que la réincarnation), son ésotérisme, ses rites initiatiques et sa liberté par rapport au Coran (5). A cause de leurs croyances déviantes de l’islam orthodoxe, les alévis, d’ethnie turque ou kurde, sont traités de manière péjorative dans les livres scolaires. Malgré leur importance numérique (environ 20 millions d’adeptes), ils ne jouissent d’aucune reconnaissance et n’ont aucun représentant à la Diyanet.

    Au fond, ce qui est reproché aux Kurdes et aux alévis c’est de ne pas être de sang et de culture turcs pour les premiers, de confession sunnite pour les seconds.

    L’autre volet du plan d’Atatürk consistait à asseoir le contrôle de l’État sur la religion. Les autorités religieuses n’étaient plus consultées sur la conformité des lois avec la charia (loi islamique), laquelle ne constituait d’ailleurs plus la source du droit. S’ensuivit une réforme de tout le système juridique avec la suppression des tribunaux religieux et l’adoption de nouveaux codes calqués sur le modèle suisse, les plus marquants concernant la disparition des normes islamiques en matière de droit matrimonial. 

    Parallèlement, d’autres lois favorisèrent la sécularisation: dissolution des confréries, celles-ci étant considérées comme superstitieuses ; suppression de tout vêtement ou insigne religieux en dehors des lieux de culte, y compris pour les chrétiens ; adoption du dimanche comme jour chômé ; transformation en muséesde Sainte-Sophie (ancienne basilique byzantine devenue mosquée en 1453) et de Saint-Sauveur in Chora ; interdiction de fonder des associations à caractère religieux ; remplacement obligatoire du salut musulman, le salam, par la poignée de main ; prohibition du fez, le couvre-chef masculin traditionnel ; suppression progressive du foulard islamique (türbanen turc). Atatürk attendit cependant 1928 pour faire abroger, par une révision constitutionnelle, la mention de l’islam comme « religion d’État », et 1937 pour ériger la laïcité en principe fondamental.

    En s’appuyant sur l’armée et malgré l’impopularité de ces mesures dans les provinces éloignées des métropoles, le Réis(Président) veilla à l’application stricte de son système jusqu’à sa mort en 1938. L’amorce d’une lente érosion de la laïcité est ensuite apparue et elle n’a cessé de gagner du terrain. Le multipartisme, autorisé en 1946 par le successeur d’Atatürk, Ismet Inönü, afin de satisfaire à une condition imposée à la Turquie pour prix de son adhésion à l’ONU, favorisa l’émergence de l’islam politique qui œuvre depuis lors à la réislamisation de l’État et de la société.

    Suite à diverses dissolutions des partis se réclamant de l’islamisme, cette idéologie s’est cristallisée à partir de 1969 autour du Milli Görüs (la « Vision nationale »). Dans sa jeunesse, Recep-Tayyip Erdogan avait milité dans ce mouvement qui lui servira de tremplin pour créer le Parti de la Justice et du Développement (AKP) en 2001. Il s’en est démarqué peu après, notamment à cause de l’opposition de Milli Görüs à l’adhésion à l’UE, option à laquelle lui-même se dit attaché.

    Ce qui n’empêche pas son gouvernement de promouvoir une forte méfiance envers toute influence occidentale. En témoigne la campagne contre les symboles de Noël et les festivités du Nouvel An menée en décembre 2016. Le sermon du dernier vendredi de ce mois-là, rédigé comme chaque semaine par la Dyanet et imposé à tous les imams du pays, a condamné avec virulence ces « fêtes païennes ». Pour le président turc, « on ne peut être à la fois laïque et musulman, parce qu’Allah, le créateur du musulman, dispose du pouvoir absolu » (6).

    Depuis son élection comme président de la République en 2014, débarrassé du contrôle de l’armée qu’il a évincée à la suite de la tentative de coup d’Etat qui le visait en 2016, Erdogan met tout en œuvre pour enterrer l’héritage d’Atatürk, dont les statues disparaissent peu à peu du paysage. Utiliser sa légitimité démocratique pour parvenir à ses fins, telle est sa stratégie. Ainsi, il a pris des mesures pour limiter les permis relatifs au commerce d’alcool, introduire des cours obligatoires de religion (sunnite) dans les programmes scolaires, autoriser le port du türban à l’école pour les filles à partir de 10 ans, et pour les femmes dans les institutions publiques, imposer la censure pour des motifs moraux, etc.

    Avec lui, l’islam s’impose visiblement. En témoignent la nouvelle mosquée – la plus haute du monde ! –édifiée place Taksim à Istamboul et la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée. Pour la spécialiste libanaise Jana Jabbour, cette décision « est perçue par une large majorité d’ultraconservateurs turcs comme le signe de la victoire de l’Islam sur la Chrétienté et le triomphe de l’identité islamique de la Turquie sur son identité occidentalisée, laïque et pluraliste » (7). Erdogan s’emploie aussi à accroître sa mainmise idéologique sur les Turcs établis en Europe. Il dispose pour cela des Unions turco-islamiques des affaires religieuses (Ditib) qui dépendent de la Dyanet. Sous la surveillance de « conseillers religieux » en poste dans les ambassades, les imams détachés veillent à maintenir la diaspora dans une identité turqueet traquent les opposants au régime (8).

    La laïcité à la turque présente donc une contradiction qu’analyse ainsi le professeur turc Emre Oktem : « Le politique a pénétré dans le religieux pour mieux le contrôler, mais le religieux en a profité pour s’introduire dans l’appareil étatique. La Dyanet avait été conçue comme un instrument de contrôle étatique. Elle assuma bien son rôle mais elle servit également, et avec beaucoup de succès, à propager la religion islamique, selon la confession sunnite, si bien que l’Anatolie a subi une vague d’islamisation orthodoxe qu’elle n’avait guère connue à l’époque ottomane, où les moyens de communication étaient si précaires et l’Etat si peu présent » (9).

     

                                                                           Annie Laurent

    ____

    • A. Laurent, L’Europe malade de la Turquie, éd. François-Xavier de Guibert, 2005.
    • Benoît-Méchin, Mustapha Kémal ou la mort d’un empire, Albin Michel, 1954, p. 323.
    • Thierry Zarcone, La Turquie moderne et l’islam, Flammarion, 2004, p. 136.
    • p.
    • Sur les alévis, cf. Zarcone, ibid., p. 297-303.
    • Cité par Ahmet Insel, La nouvelle Turquie d’Erdogan, du rêve démocratique à ladérive autoritaire, Ed. La Découverte, 2015, p. 84.
    • « Erdogan se prend-il pour Mehmet II ?», L’Orient-Le Jour, 25 juillet 2020.
    • « Comment Erdogan tisse sa toile », Valeurs actuelles, 10 août 2017 ; cf. aussi Jean-Frédéric Poisson, La macronie et l’islamisme, Éd. de Paris, 2022.
    • Cité par A. Laurent, cit., p. 91.
    •  

     Article paru dans La Nef n° 348 – Juin 2022

  • Réflexions, un peu de temps après le forum de Davos... : Argent, qui t'a fait Roi ?...

    argent roi.jpgUn peu de temps après les fastes et les pompes du Forum de Davos, parlons un peu, avec Charles Maurras, de l'argent. Un mot qui, comme le mot révolution, peut s'écrire avec une minuscule ou avec une majuscule, mais qui, selon le cas, change de sens... Ainsi, il est tout simplement sot de déclarer "Je n'aime pas les riches", ou "Mon ennemi, c'est la Finance" : l'argent, les riches, la finance et sa puissance ont existé dans tous les pays, toutes les cultures, et à toutes les époques. La puissance matérielle des Templiers, ou d'un Fouquet, était considérables : mais, à l'époque, il y avait un Philippe le Bel, il y avait un Louis XIV pour - c'est son expression - "faire rendre gorge à ces gens-là..." : mais, leur faire rendre gorge uniquement s'ils sortaient de leur rôle, et, sinon, leur faire jouer - fût-ce de manière autoritaire - le rôle utile et positif qui est le leur, celui de participer au Bien commun. Mais, aujourd'hui, où sont le Philippe le Bel, le Louis XIV ? On le voit, le rapport à l'argent, aux riches, à la finance n'est, finalement - et c'est ce que rappelle Maurras - qu'un problème d'Institutions, un problème politique et du politique...

    On peut employer les mots que l’on voudra, et les formules les plus diverses. On peut parler, comme Boutang, de "Reprendre" le Pouvoir ; ou de le "séquestrer", comme le disait Renan (on va voir ci-après de quoi il s’agit) ; ou encore de le "libérer", comme le disait Maurras.

    Mais peu importent les mots : quelles que soient les formules que l’on choisit, l’important est bien, au bout du compte, de remettre l’Argent à sa place, et de bien comprendre comment et pourquoi, à quelle occasion historique, il a pu ainsi s’affranchir de toute contrainte, jusqu’à remplir tout l’espace et acquérir une puissance inédite chez nous : c’est en abattant la Royauté que ceux qui ont fait la révolution, et dont certains étaient peut-être sincères, ont en réalité ouvert la route à l’Argent, le pouvoir royal traditionnel, qui le maintenait à sa place, ayant disparu.

    Tels des apprentis sorciers -et même si, bien sûr, on pourra toujours dire : Mais ils n'ont pas voulu cela !...- ils ont déclanché des forces immenses que leurs nuées abstraites ont été bien incapables de maîtriser, et devant lesquellles elles ont pesé d'un bien faible poids. 

    Ils raisonnaient dans l'une des sociétés les plus raffinées, les plus policées, les plus civilisées dont l'Histoire gardera la mémoire, et que l'on peut, à bien des égards, appeler un Âge d'Or. Mais ils ont obtenu le résultat inverse de celui qu'ils espéraient, et ils n'ont fait qu'initier le processus qui, implacablement et inexorablement, une fois qu'il s'est mis en route, a abouti au désastre actuel de notre Âge de Fer, barbare et asservi aux forces matérielles, où seul l'Argent est roi; où l'Argent est le seul roi... 

    MAURRAS 7.JPGVoici un court extrait de l'article quotidien de Charles Maurras, dans L'Action française du 1er août 1921 - auquel il donnait le titre général de La Politique - : on pourrait donner à cet extrait, isolé de l'ensemble, le titre Argent, qui t'a fait Roi ?... Il est bon de le relire, ce Maurras fulgurant et ses lignes prophétiques du temps de L’Avenir de l’Intelligence, qui avait – dès le début du siècle dernier - parfaitement  compris et analysé la société dans laquelle nous allions vivre; et dans laquelle, pour le coup, nous vivons maintenant : une société dans laquelle les puissances de l’Argent, après avoir éliminé le pouvoir politique traditionnel et fort incarné par la royauté, élimineraient toute autre forme de pouvoir, notamment celui des intellectuels et de la pensée, et finiraient par rester seuls maîtres d’une société à laquelle le nom d’ "âge de fer" conviendrait parfaitement. 

    Nous y sommes, hélas….  Mais Maurras commençait les dernieres pages de l’Avenir de l’Intelligence par "A moins que…"…

    Voici l'extrait :

    "...L’Argent, en tant qu’argent, celui qui remplit sa fonction, honnête ou neutre, de simple Argent, ne m’inspire aucun sentiment d’hostilité, non plus que d’amitié ni d’envie. Je le voudrais bien à sa place. Je sais que, en démocratie, forcément, il monte trop haut (1). Le vertige démocratique le condamne à l’usurpation, parce qu’il ne peut trouver de contrepoids en démocratie. Cela est réglé, cela est vécu.

    Ne croyez pas que les argentiers eux-mêmes aient lieu de s’en réjouir ! Ce qu’ils achètent indûment s’avilit et les avilit, voilà tout. Ils y perdent deux choses : ce qu’ils y croient gagner et eux-mêmes.

    Pour savoir quels étaient les rapports de l’Argent et de l’Etat quand notre organisation naturelle et historique fonctionnait, lisons cette page de Bonald :

    "Assurément, on ne pouvait se plaindre en France que de l’excessive facilité de l’anoblissement et, tandis qu’un meunier hollandais, ou un aubergiste suisse sans activité, comme sans désir, bornés à servir l’homme pour de l’argent, ne voyaient dans l’avenir, pour eux et leur postérité, que le moulin et l’enseigne de leurs aïeux, un négociant français, riche de deux cents mile écus, entrait au service de l’État, achetait une charge et une terre, plaçait son fils dans la robe et un autre dans l’épée, voyait déjà en perspective la place de président à mortier et celle de maréchal de France, et fondait une famille politique qui prenait l’esprit de l’ordre à la première génération, et les manières à la seconde. C’est, dit Montesquieu, une politique très sage en France, que les négociants n’y soient pas nobles, mais qu’ils puissent le devenir". (2)

    On voit à quoi servait l’Argent dans cette économie ; il servait à servir. Il servait à entrer dans les services de l’État, services où il était discipliné et traité suivant ses œuvres nouvelles. L’Argent devenait chose morale et sociale, il se chargeait de responsabilités définies qui l’introduisaient et le maintenaient sur un plan différent du sien. C’est que l’État était alors constitué en dehors et au dessus de l’Argent. L’État pouvait donner splendeurs, honneurs, influences, vastes espoirs dans toutes les directions de l’élévation politique et morale. En même temps, il imposait son esprit. Il gardait le gouvernement. C’est que, le Chef de l’État n’étant pas élu, la corruption essentielle n’était pas possible (3) : il n’était ni or ni argent qui pût faire de la souveraineté politique un objet de vente et d’achat.

    Le souverain héréditaire n’était pas engendré par l’argent comme peut l’être un souverain élu : il pouvait donc offrir un patronage sûr aux forces que l’Argent tentait d’opprimer. Par ce mécanisme qui, selon le mot de Renan, "séquestrait" le pouvoir suprême, au-dessus des brigues et des trocs, un certain ordre d’injustice criante et de basse immoralité se voyait interdire la vie sociale. Depuis que le séquestre royal est supprimé, et que tout est livré au choix précaire et vacillant des volontés humaines, leur fragilité, leur faiblesse leur assignent l’Argent pour maître absolu : nul obstacle ne retient plus l’État français de rouler sur la pente où l’empire est mis à l’encan."

     

    Ceux qui s'obstinent à ne voir en Maurras qu'un penseur conservateur trouveront tout au contraire dans ce texte une analyse qui conteste le fondement même de la société subvertie dans laquelle nous vivons, c'est-à-dire la toute puissance de l'Argent.

    Il faut en conclure que le printemps de l'Action Française a duré plus longtemps que ne le dit Paugham. Boutang l'a bien montré : Maurras est un grand contestataire, et il ne serait pas sérieux de prétendre aujourd'hui faire l'économie de son analyse.

    Tout simplement parce que nous sommes en plein dans la réalité de cet Âge de fer dont il avait prévu la survenue.   

             

    (1) Voyez, aujourd'hui, quelle édifiante leçon on peut tirer de l’élection de Barack Obama (comme nous l’avions signalé dans notre note « France, États-Unis : deux républiques, et pourtant si différentes !...» du 6 novembre 2008) : l’élection du Président, aux USA, s’achète, tout simplement; le pouvoir politique suprême s’achète : c’est aussi, et probablement surtout, parce qu’il avait réuni un trésor de guerre plus important que Mac Cain qu’Obama a pu lancer son rouleau-compresseur…  Maurras n’est-il pas justifié, là, lorsqu’il écrit cette phrase "Je sais que, en démocratie, forcément, il monte trop haut" ?...

    (2) On parle toujours du "rêve américain" ; n’y avait-il pas, de ce point de vue, un "rêve français" à cette époque évoquée ici par Bonald ? La possibilité que tout un chacun, quelle que soit son origine, puisse "monter" et "réussir"...

    (3) Notre proposition est précisément d’instaurer au sommet de l’Etat un espace a-démocratique, qui garantirait et pacifierait la vie politique; qui ordonnerait et rendrait féconde et utile la vie politique, au lieu du cirque lamentable et du champ clos d’ambitions effrénées à quoi elle se résume actuellement.

  • La faillite de la France et l’explosion de la zone euro sont inéluctables, par Marc Rousset

    Il n’ y a plus que l’inconscient technocrate Macron pour ne pas croire aux sombres prédictions économiques de 2023, alors que les raisons sont nombreuses :

    • sanctions économiques suicidaires et contre-productives avec la Russie,

    •poursuite de l’inflation, des prix délirants, variables et incompréhensibles de l’électricité pour les entreprises, les artisans, les boulangers, les restaurateurs, les PME qui ne peuvent être abaissés que par la fin du Système mis en place,

    une véritable usine à gaz inventée par Macron afin de brouiller les cartes ( établissement d’un prix clair, juste et compréhensible de l’électricité en sortant du marché européen comme en Espagne et au Portugal ou en pratiquant une politique claire du « quoi qu’il en coûte » comme en Allemagne ),

    • hausse des taux d’intérêt,

    • dégonflement des bulles boursières, obligataires et immobilières,

    • risques de croissance zéro et de récession en Europe,

    • hausse des faillites à venir,

    • double déficit du budget public et de la balance commerciale,

    • dégradation de la notation de la dette française,

    • crise latente de l’UE et explosion inéluctable à venir de la zone euro, tout cela dans un monde malsain avec un endettement public mondial de 96 % du PIB mondial , et même de 247 % si l’on ajoute la dette des ménages et des entreprises !

    MARC ROUSSET.jpgLa France de plus en plus désindustrialisée s’est éloignée de l’Allemagne et des pays de l’Europe du Nord pour devenir un pays de l’Europe du Sud surendetté et non compétitif qui n’attire plus les grands investisseurs industriels (Tesla, projets d’usines de puces, semi-conducteurs tous dirigés vers l’Allemagne). La dette publique française est passée de 20 % du PIB en 1980, à 58 % en 2000, 85 % en 2010 pour atteindre le ratio insoutenable de 114,5 % en 2022. La dette française (2956,8 milliards d’euros) approche les 3000 miliards d’euros et a progressé de 115,9 milliards d’euros en un an.

    La France s’enlise en matière de dette avec le cinquième rang dans le peloton de queue européen, après la Grèce (171,1%), l’Italie (144,6%), le Portugal (115,9 %) et l’Espagne (114 %) alors que le taux des obligations du Trésor français (OAT) à dix ans vient de dépasser les 3 %, soit le taux de début 2012, pour la première fois ; il y a un an le taux était de seulement 0,20 %. On assiste donc à une véritable envolée des taux d’intérêt. En un an, en 2022, les intérêts de la dette publique ont augmenté de 34 % pour atteindre 51 milliards d’euros. Mais selon le Président de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, chaque point d’augmentation sur les taux d’intérêt se traduira en effet pleinement, seulement au bout de 10 ans (emprunts nouveaux pour remplacer progressivement la totalité des anciens emprunts venant à échéance), par une augmentation annuelle de 40 miliards d’euros de la charge de la dette, soit le montant du budget des Armées.

    A terme, donc, au bout de 10 ans, la seule augmentation de taux d’intérêt à 3% correspondra d’ores et déjà à une charge irréversible et insupportable de 120 milliards d’euros ! Les 51 Milliards d’euros actuels d’intérêt au budget 2023 ne représentent donc que moins de 50% des 120 miliards d’euros d’intérêt à venir ! Si les taux d’intérêt devaient s’élever dans les années qui viennent de 3 % à 6 %, au bout de 10 ans, la France devrait payer 240 milliards d’intérêt, soit 80 % des recettes du budget de l’Etat qui est de l’ordre de 300 milliards d’euros ! Or l’Italie paie déjà 4,63 % de taux d’intérêt et l’Allemagne seulement 2,50 %. Pas besoin donc de sortir de Centrale ou de Polytechnique pour réaliser vers quelle catastrophe la France se dirige, même si les taux d’intérêt devaient rester à 3%, et a fortiori s’ils devaient passer par malheur à 6% !

    Le spectre d’une envolée des faillites (Camaïeu, Scopelec) glace d’effroi un grand nombre d’entreprises : inflation, pénuries, remboursements des prêts publics PGE, explosion du prix des matières premières, de l’énergie, tel est le cocktail explosif qui fragilise les entreprises. L’agence de notation Fitch estime à 7,6 milliards d’euros les créances françaises à risque qui pourraient partir en fumée !

    La France sera donc rattrapée en 2023 par un choc énergétique, alimentaire et financier. La croissance sera au mieux de 0,3 %, l’inflation d’environ 6 %, le chômage de 7,5 % minimum, avec 9 millions de pauvres, un déficit public de 6 % du PIB, et un déficit commercial supérieur à 160 miliards d’euros, soit un double déficit insoutenable !
    En matière boursière, le CAC 40 est parvenu à limiter la casse en 2022 (-9 %) car les valeurs du luxe, Total et Thalès se sont très bien comportées, mais la plupart des grandes valeurs industrielles ont plongé d’environ 20 %. Les fameuses valeurs vertes (ESG) pour les naïfs et les bien-pensants ont davantage baissé que le CAC 40 (-11 %). Quant aux marchés obligataires, ils ont été laminés par la hausse des taux. Depuis leur sommet de septembre 2021, les marchés obligataires ont déjà perdu 20 %. Lombard Odier constate que « sur les cent dernières années, seules trois, 1931, 1969, et désormais 2022 ont enregistré des performances négatives à la fois sur les marchés obligataires et sur les marchés d’actions ». De nombreux analystes jugent qu’une récession économique, et donc une baisse des bénéfices est inévitable en 2023, ce qui pourrait entrainer les indices boursiers à poursuivre leur repli, avec la prolongation d’un krach obligataire encore plus violent.

    Aux Etats-Unis, les actions à la Bourse de New York ont perdu en moyenne 20 % de leur valeur en 2022, ce qui est la quatrième perte boursière la plus importante depuis la deuxième guerre mondiale (-33% pour le Nasdaq des valeurs technologiques, -8,5 % pour le Dow Jones et -19,7 % pour le S&P500). Cette chute de 2022 à Wall Street se situe, pour l’instant seulement, derrière la crise financière et immobilière de 2008 quand le marché boursier avait perdu 38,5 %, puis le krach de 1974 avec une chute de 29,7 %, et enfin l’implosion de la bulle internet en 2002 lorsque le marché avait fondu de 23,4 %.

    L’économiste américain Peter Schiff prédit que le dollar américain, suite à sa chute de 10 % fin 2022, connaitra « l’une des pires années de son histoire » en 2023, ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour l’euro qui, comme le dollar, suite au scandaleux hold-up des actifs de la Banque Centrale de Russie, a aussi définitivement perdu son statut de monnaie de réserve. La chute des prix des actifs boursiers ou immobiliers devrait continuer, selon Peter Schiff, car les valorisations aux Etats-Unis restent encore élevées, mais l’inflation, elle, va empirer, car les prix à la consommation vont continuer d’augmenter. Schiff a enfin exprimé, à juste titre, son dédain, pour le Bitcoin, objet spéculatif sans valeur intrinsèque qui, par sa technologie incompréhensible, attire les escrocs manipulateurs.

    Selon la directrice du FMI Kristalina Georgieva, « 2023 sera pire que 2022 et un tiers de l’économie mondiale sera en récession ». Le grand gagnant de la guerre en Ukraine, ce sont les Etats-Unis. Près de 50 % des Etats membres de l’UE devraient connaître la récession en 2023.
    En Italie, Giorgia Meloni se fait du souci et s’en prend à la BCE, suite à l’augmentation actuelle et future des taux, et suite à la décision de diminuer de moitié les rachats de bons du Trésor par la BCE à compter du 1er mars 2023. Rome considère que la hausse des taux provoquera une récession sans grand effet sur une inflation causée par les coûts de l’énergie, suite à la guerre en Ukraine. Rome s’inquiète de devoir solliciter directement les marchés en 2023, avec 330 miliards d’euros d’émissions brutes, sachant que la BCE, qui a acheté beaucoup de dette italienne, en reprendra moitié moins. Un emprunt national sollicitant l’épargne des ménages italiens est déjà envisagé.

    L’UE qui va basculer dans la récession voit renaître le risque systémique de la zone euro, suite au resserrement monétaire de la BCE. Les taux longs sont repartis à la hausse depuis la réunion de la BCE du 15 décembre 2022, au cours de laquelle Christine Lagarde a laissé entendre que deux ou trois nouvelles hausses des taux directeurs pourraient intervenir en 2023. La BCE donne désormais la priorité à la lutte contre l’inflation et va donc poursuivre la hausse des taux et la politique de réduction de son bilan. La France insouciante avec son endettement public et privé de 361 % du PIB, va donc se fracasser, comme la Grèce en 2009, l’Italie en 2011 ou le Royaume-Uni en 2022 contre le mur de la dette.

    La distorsion des risques et des taux d’intérêt (Allemagne 2,6 %, Italie 4,5 % avec un taux d’endettement de 150 % du PIB) entre les différents membres de la zone euro constitue un problème majeur insoluble, avec à terme une explosion à venir ! La BCE peut seulement retarder la date de l’explosion, en acceptant l’inflation, contrairement à la Fed américaine, et en renonçant donc à la lutte contre ce fléau destructeur.

    Quant à l’envol passager des bourses tout début janvier 2023, suite à la baisse du prix du gaz et à la baisse espérée de l’inflation à venir, elle n’est qu’une preuve de plus de l’instabilité des bourses : une hirondelle ne fait pas le Printemps ! La sortie définitive de la Chine de la politique zéro Covid, en mars 2023, en dopant la demande des consommateurs chinois et de l’industrie chinoise, remettra certainement en cause l’euphorie boursière passagère du gaz et du pétrole bon marché, de l’électricité moins chère et de la diminution prochaine de l’inflation des produits de consommation.

    La zone euro a toutes les chances d’éclater car la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce ne sont plus que des morts -vivants en attente de faillite. Il ne faut donc pas s’étonner, comme le journal Les Echos, de la remontée actuelle des cours de l’or, valeur refuge par excellence, à 1855 dollars l’once , au moment où la France de Macron, démocratie occidentale en décadence accélérée sous protectorat américain de l’OTAN, va bientôt très chèrement payer la note de son insouciance depuis 40 ans, de son laxisme, de sa non réduction des dépenses publiques avec 2 millions de fonctionnaires en trop, de ses charges sociales et fiscales trop élevées rendant le pays non compétitif, de sa stupide politique énergétique du non nucléaire et du réchauffement climatique non démontré scientifiquement par l’homme, du renoncement aux valeurs traditionnelles patrie-famille-travail qui ont fait sa grandeur, de son idéologie mortifère en matière sociétale, de l’absence de politique familiale pour payer les retraites, de sa stupide politique étrangère avec la Russie qui est exactement le contraire de celle du général De Gaulle, de la folie suicidaire des sanctions de l’UE, de sa lâcheté face à l’invasion migratoire extra-européenne avec un coût annuel insupportable de 83 milliards d’euros, soit deux fois le budget actuel de l’Armée française !

  • Fin du rêve franco-allemand : La France doit se tourner vers l’Europe du Sud et la Russie ! par Marc Rousset

    La guerre en Ukraine, surtout si la Russie est victorieuse, ce qui est plus que probable, conduira à des changements politiques, géopolitiques, civilisationnels considérables en Europe, mais une des premières conséquences prévisibles est la réalisation par la France, comme lorsque la mer se retire, du véritable jeu de dupes que constitue la coopération franco-allemande !

    L’Allemagne a été vaincue par la Russie et les Alliés en 1945, mais est restée toujours aussi jalouse et orgueilleuse et ne jure aujourd’hui que par l’Amérique et l’OTAN, afin de prendre seule le leadership de l’UE, de mieux faire s’écrouler les rêves de grandeur d’une France nostalgique de Napoléon et de Louis XIV.

    Sur le plan économique, les Allemands et plus particulièrement les responsables deMARC ROUSSET.jpg la CDU, en ont ras le bol, à juste titre, des Français irresponsables, insouciants et décadents qui sont incapables de procéder à des réformes structurelles, pour rendre leur économie compétitive (dépenses publiques folles, nombre démentiel de fonctionnaires, absence de réforme des retraites, charges sociales et impôts très élevés, invasion migratoire ruineuse et incontrôlée) conduisant à la désindustrialisation. L’Allemagne, elle, a procédé aux dures et courageuses réformes Hartz IV. Les Allemands ne prennent pas la France au sérieux et ont malheureusement raison, les Français avec les Syndicats faisant tout pour bloquer les réformes indispensables. De plus, le quoi qu’’il en coûte démesuré pendant la crise du Covid, digne d’un technocrate irresponsable, fait que Macron est considéré par l’Allemagne comme le guignol beau-parleur d’une France hyper-endettée (113% de son PIB), prochainement en faillite, tout comme l’Italie (plus de 150% du PIB). La France n’a été prise au sérieux avec considération par les Allemands qu’avec les « poilus » de 14, le Maréchal Pétain car vainqueur à Verdun, De Gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing en raison de son excellente relation personnelle avec Helmut Schmidt.

    L’Allemagne est aujourd’hui favorable au libre-échange mondialiste tandis que la France qui a perdu son industrie a au contraire besoin d’un marché européen protectionniste. Le Chancelier Olaf Scholz a imposé le chinois Cosco pour prendre une participation dans le port de Hambourg car il pense à son prochain entretien avec Xi Jin Ping en Chine. En 2021, l’Allemagne a exporté le chiffre énorme de 141,7 milliards d’euros vers la Chine et importé 103, 6 milliards d’euros. BMW et Mercédès ont réalisé plus de 30 % de leur chiffre d’affaires en Chine, Volkswagen 40 %, Adidas 21,7 % et Infineon 37, 8 %. Volkswagen doit encore investir pour 2 milliards d’euros et BASF 10 milliards d’euros jusqu’en 2030.
    En matière de politique énergétique, suite à leur renoncement stupide au nucléaire (Energiewende) pour des raisons culturelles et politiques (die Grünen) et à son remplacement par le gaz russe, l’Allemagne s’oppose aujourd’hui au dispositif qui est déjà appliqué dans l’UE au Portugal et en Espagne. Ces deux pays subventionnent le prix du gaz, ce qui entraine la baisse du prix de l’électricité, mais le mécanisme ibérique est financé par une surtaxe sur les consommateurs. L’Allemagne estime donc que le gain final est très faible et que les prix subventionnés du gaz vont faire augmenter la consommation de gaz. La France, elle, estime qu’elle serait gagnante avec le système ibérique, ne serait-ce que parce qu’elle va acheter de l’électricité bon marché, fabriquée avec du gaz subventionné, à l’Allemagne.

    L’Allemagne souhaite une UE fédéraliste appliquant la règle de la majorité relative pour s’assurer le contrôle du marché et des débouchés de l’UE, devenir le leader de fait de l’UE et imposer son hégémonie, tout en acceptant de ne parler que l’anglo-américain. L’intérêt de la France, c’est au contraire aujourd’hui de faire exploser l’UE ou de réformer l’UE pour la transformer en une Confédération des nations avec le droit de veto de chaque pays et la règle de l’unanimité, ce qu’a toujours souhaité le général De Gaulle avec les fameux accords du Luxembourg. C’est aussi le souhait de Meloni en Italie !

    La France recherche davantage l’approfondissement de l’UE avec moins de pays tandis que l’Allemagne recherche l’élargissement à l’Est avec 36 pays au lieu de 27 ! L’Allemagne souhaite que l’UE intègre davantage de pays pour se retrouver au centre de gravité d’une plus vaste UE.

    L’Allemagne et la France s’opposent également en matière de défense européenne. La France, même avec son armée d’échantillons et son budget militaire ridicule de 2% du PIB, dispose avec sa force nucléaire, d’une armée motivée, efficace, organisée et bien commandée, la première à ce jour en Europe ! La Bundeswehr, elle ne vaut pas un clou, avec de plus, de très grandes difficultés à recruter. La France souhaite donc une Armée européenne non intégrée des nations, indépendante ou au minimum autonome dont elle pourrait être le leader tandis que les Allemands riches et pacifistes préfèrent être les valets de l’Amérique et de l’OTAN. L’Allemagne préfère acheter ses avions et du matériel militaire à l’Oncle Sam plutôt que d’être les Numéros 2 et coopérer avec la France, afin de renforcer l’industrie européenne autonome des armements, tout en recherchant la puissance. L’Allemagne souhaite acheter américain ou européen et affaiblir la France en matière militaire chaque fois qu’elle le peut !

    Il semble que l’on s’oriente vers la catastrophe et l’échec de très nombreux projets de partenariats d’industrie de défense qui constituaient le noyau dur et la raison principale du rapprochement franco-allemand. Tout se passe, comme si, suite à l’intervention en Ukraine, l’Allemagne jetait subitement bas le masque et « pétait les plombs » en ne voulant plus entendre parler de la France qui devient le « cocu magnifique » de l’histoire ! Paroles de Saxon, comme la célèbre trahison de Napoléon par les Saxons à la bataille de Leipzig !

    L’Allemagne a décidé de mettre cent milliards d’euros sur la table dans les années qui viennent, mais souhaite en faire profiter essentiellement soit son industrie, soit l’Amérique, soit d’autres pays européens, la plupart des projets franco-allemands depuis de nombreuses années passant subitement à la trappe. La visite récente de Scholz à l’Elysée n’est qu’une entente de façade : aucune décision n’a été prise lors de la rencontre, si ce n’est les fameux « groupes de travail » pour mieux enterrer la bête ! Le moteur franco-allemand est en panne ! Il n’y a que pour le projet SCAF où des doutes sont encore permis avec Airbus Allemagne, car Dassault est une de ces trop rares entreprises françaises d’excellence ayant réussi à surmonter le handicap du manque de compétitivité de la France.

    Afin de satisfaire la gauche et l’extrême gauche, Berlin prépare, en outre, une loi sur le contrôle des exportations d’armement qu’il souhaiterait voir appliquée à l’échelle de l’UE, ce qui empêcherait la France de pouvoir exporter du matériel de défense dans les pays hors UE et hors OTAN chaque fois qu’il y aurait des composants allemands dans le produit fini. Ce serait une catastrophe pour les marchés-export traditionnels de la France dans les pays du Golfe, Proche Orient et Asie. C’est ainsi que l’égoïste Allemagne a déjà interdit l’exportation de l’hélicoptère franco-allemand Tigre à la Turquie tandis qu’elle vendait sans complexes à ce même pays des chars Leopard 100 % allemands.

    L’Allemagne vient aussi de promouvoir un projet de bouclier antimissile, avec une composante israélienne, auquel veulent se joindre 14 pays européens, dont la Grande-Bretagne, les pays baltes, les Pays-Bas, la Finlande. Paris, tout comme l’Italie et la Pologne, n’a même pas été informé par Berlin, alors que la France déploie déjà au sein de l’OTAN un système similaire MAMBA du missilier européen MBDA (12000 personnes) dont le siège est à Paris. En 2021, le leader MBDA a aussi perdu, comme par hasard, un autre grand projet hypersonique futuriste d’avenir, au profit de la minuscule entreprise espagnole SENER (CA de 99 millions d’euros dans l’aérospatial), filiale d’un groupe espagnol de BTP, soutenue par le missilier allemand Diehl et l’Allemagne, lors d’un scandaleux appel d’offres du FEDEF de Bruxelles, ce qui représentait une énorme claque pour la France du rêveur européen Macron !

    En mars dernier l’Allemagne a passé commande de F35 américains pour remplacer partiellement sa flotte vieillissante de Tornado, en sabordant le rêve français de vendre des Rafale. En 2021, Berlin avait déjà abandonné un programme commun avec la France visant à doter les deux pays d’avions de patrouille maritime pour survoler les sous-marins; l’Allemagne a préféré passer un marché avec l’américain Boeing !

    La plupart des projets franco-allemands en matière d’armement sont aujourd’hui à l’arrêt : projet d’un nouveau char franco-allemand qui succéderait au char français Leclerc et au char allemand Léopard; le projet d’un nouveau canon franco-allemand pour remplacer le Caesar français est repoussé au-delà de 2045; quant à la modernisation des hélicoptères franco-allemands Tigre, l’Allemagne y a tout simplement renoncé !

    En matière spatiale, l’Allemagne de Von Braun et des V1 rêve aussi de prendre la place de la France ! Elle espère qu’un de ses petits lanceurs devienne grand pour contester à Ariane Group, constructeur pourtant franco-allemand, le développement des successeurs d’Ariane 6 ! Si l’Allemagne pouvait évincer et prendre la place de la France à Kourou en Guyane, autre grande réalisation d’avenir du général De Gaule, elle le ferait sans aucun doute possible.

    L’Allemagne a en fait pour ambition de saper tous les restes de la puissance française. Elle s’est réjouie et a contribué par des campagnes de presse et par son « lobbying » à la rupture du contrat de la vente des sous-marins à l’Australie ! L’Allemagne accorde parfois des marchés à Naval Group et à Thalès, autre grande réussite française que lorsque c’est son intérêt évident ou qu’elle ne peut pas faire autrement, mais elle a toujours refusé le rapprochement ou la fusion avec l’équivalent allemand TKMS, ne souhaitant pas être le n°2 en matière de construction navale militaire.

    Dans son fameux, surprenant et disruptif discours de Prague le chancelier Scholz n’a jamais fait la moindre allusion à la France, tenue pour quantité négligeable ! La France doit donc faire face à l’égoïsme allemand et se débarrasser des dirigeants français incapables et rêveurs qui font rire les Teutons ! Il nous faut des Zemmour, des Clemenceau, des De Gaulle, pas des Macron, des Aristide Briand, des Gamelin, des Daladier ou des incapables Marine Le Pen !

    Comme dit très plaisamment Bernard Carayon : « Nous parlons du couple franco-allemand, mais de l’autre côté du Rhin les bans n’ont pas été publiés ». Dès la signature du Traité de l’Elysée en 1963, les Allemands avaient tenu à imposer le préambule pro-américain et pro-OTAN pour accepter de le voter, ce que De Gaulle considéra déjà, à l’époque, comme un camouflet !

    L’Allemagne ne respectera qu’une France travailleuse, sérieuse, puissante, non décadente, avec des dirigeants courageux et de valeur ! Avis aux Français insouciants et décadents pour ne pas revoter Macron ni à gauche aux prochaines élections ! Dans ces conditions la France n’a plus aujourd’hui qu’une seule chose à faire : sauver les meubles de ce qui peut encore être sauvé avec l’Allemagne, quitter progressivement l’euro et l’UE qui doit devenir une simple zone de libre-échange, créer une nouvelle Confédération latine avec l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce, et se rapprocher de la Russie en coopérant avec ce pays pour toutes sortes de projets (espace, nucléaire, armement, industrie). Bref, ne plus hésiter à jouer la traditionnelle Alliance de revers avec l’orgueilleuse Allemagne qui souhaite enfoncer la France et jouer la carte de l’OTAN et de l’Amérique impérialiste. Cette Allemagne aussi trop contente, comme Madame Von der Leyen, pourtant francophone, de parler seulement l’anglo-américain en excluant totalement le français, malgré les traités, lors d’un véritable coup d’Etat linguistique à Bruxelles !

  • Si Macron « lèche le cul de la Chine », les bien-pensants lèchent le cul de l’Amérique ! par Marc Rousset

     

    Il suffit de lire dans le Figaro, depuis février 2022, les mensonges dogmatiques, outranciers, inconditionnels, systématiques, à sens unique, de mauvaise foi, pro-atlantistes, anti-russes, sur la guerre en Ukraine des journalistes Isabelle Lasserre et Laure Mandeville ! 

    Il est surprenant de voir tous ces médias qui soutiennent habituellement Macron se retourner subitement contre lui, suite à ses déclarations gaulliennes en Chine, pour une fois pleines de bon sens !

    La France ne doit pas être un valet de l’Amérique ; elle n’a absolument rien à faire en Ukraine, et encore moins à Taïwan, en Extrême-Orient, qui est chinoise depuis 1683, aussi longtemps que les Chinois ne voudront pas l’évincer de ses territoires stratégiques pleins d’avenir en Polynésie et en Nouvelle Calédonie !

    MARC ROUSSET.jpgMême l’ONU a reconnu dès 1971 que Taïwan était partie intégrante de la Chine, d’autant plus que pendant 20 ans, suite à la guerre civile sur le continent, le seul représentant de la Chine à l’ONU a été Taïwan de Tchang-Kai-Chek, face à Mao-Tsé-Toung ! Le problème de Formose, c’est que l’immense majorité de la population se sent chinoise mais, échaudée à juste titre par ce qui est arrivé à Hong Kong, elle ne veut pas du régime autoritaire chinois et de son niveau de vie moins élevé ; en fait tout se passe comme si la guerre civile reprenait entre les deux Chine ! Il se trouve qu’en Ukraine, contrairement à la propagande occidentale, le contexte est différent car les civils russophones de Novorossia, occupés en fait par l’armée otano-kievienne, sont majoritairement favorables à la Russie et à Poutine !

    Si le voyage de Macron en Chine est une catastrophe de plus, comme tout ce que peut faire un adolescent attardé qui ne connait pas l’histoire, imbu d’une idéologie bien-pensante complètement dépassée, droit de l’hommiste progressiste, fédéraliste au niveau européen, atlantiste, du moins les paroles prononcées sur l’autonomie stratégique française et européenne, ainsi que sur le non alignement avec les intérêts américains, sont pertinentes. La France n’a pas à faire la guerre pour le compte des Américains que ce soit en Ukraine, en Irak ou à Taiwan ! Comme dit le dicton, parfois sur un tas de fumier, il pousse quelques belles fleurs…

    Macron doit donc être conséquent avec ses déclarations, mettre fin à ses rêves d’Europe fédérale, arrêter de vendre l’industrie française à l’encan (Alstom à General Electric). Si la France veut regagner son indépendance stratégique et quitter l’OTAN (ce que n’envisage pas Macron) encore nous faut-il une Armée forte, puissante, autonome et une puissance industrielle, agricole, économique, technologique suffisante ! Maastricht a créé une France déboussolée, dépendante et pauvre, pas le surplus de puissance qui avait été promis par Mitterrand car les Français se sont laissées piéger par un euro stable et surévalué en passant des lois sociales suicidaires pour leur compétitivité (35 heures, et retraite à 60 ans complètement aberrante). De plus, les charges sociales, suite à l’invasion migratoire et à la gabegie des dépenses publiques, ont tué l’industrie française et l’ont amenée à délocaliser !

    Quant au ministre allemand de la défense Boris Pistorius, il ferait mieux de se taire car l’Allemagne réunifiée toujours jalouse de la France (perte d’un tiers de son territoire après 1945 et absence de force nucléaire), bien qu’ayant une supériorité économique évidente, a décidé d’être le n°1 en Europe en jouant la carte de valet de l’Amérique, en supprimant toute velléité d’indépendance, en achetant jusqu’à présent surtout des avions américains. On attend de savoir quel sort va être réservé à l’Avion de combat et au char d’assaut du futur, dans les années qui viennent. L’Allemagne qui accepte de voir l’Amérique saboter Nord Stream avec l’aide des Norvégiens, sans se plaindre, ni faire la moindre remarque, ni prononcer le moindre reproche, est un pays lâche, hypocrite et indigne ! En disant que « nous n’avons jamais été en danger d’être ou de devenir un vassal des États-Unis » Boris Pistorius ment comme il respire et se couvre de honte !

    C’est pourquoi la France doit pouvoir collaborer tous azimuts dans une Confédération ou une Europe des nations, pour réaliser des grands projets qu’elle serait incapable de réaliser toute seule, sans exclure aucun pays, Russie incluse, si elle y trouve un intérêt, afin de pouvoir partager les coûts de la réalisation de ces grandes réalisations, et de pouvoir accroître sa puissance industrielle, économique, technologique.

    Macron a eu parfaitement raison de dire que « nous sommes des alliés des États-Unis, des alliés fiables, solides engagés, mais nous sommes des alliés qui décidons pour nous-mêmes ». Et de rajouter à juste titre « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Bref, nous n’avons pas à jouer les supplétifs des USA pour Taïwan !

    Mais le tort de Macron c’est que c’est tout aussi vrai pour l’Ukraine qui ne concerne la France en rien très directement ! Bref, nous ne devons rien au peuple ukrainien, à part une aide humanitaire, comme l’a déjà écrit sur RL Jacques Guillemain. La France doit pouvoir faire entendre une voix gaullienne, singulière et libre qui correspond à ses intérêts, qui engage la vie de ses soldats ! Ces derniers sont prêts à mourir, à payer le prix du sang pour la France seulement, pas pour les dollars et l’impérialisme belliqueux de l’Oncle Sam !

    Comme le souhaitait De Gaulle, la France doit donc quitter l’OTAN et éviter de se laisser entraîner dans les guerres planétaires de l’Amérique ! Chirac a eu raison en 2003 de ne pas nous embarquer dans la guerre en Irak, après les mensonges d’État américains sur les armes de destruction massive dont personne n’a jamais vu la moindre couleur, ou les bobards médiatiques montés de toutes pièces sur les bébés koweïtiens soi-disant assassinés par les soldats irakiens, au même titre que les prétendus massacres de Bouchta par les militaires russes en Ukraine !

    La France a raison d’affirmer son autonomie stratégique, mais il faudra un autre Président que Macron pour lui en donner les moyens, ce qu’avait pu faire De Gaulle avec la force de frappe, une industrie florissante, l’ouverture d’une base spatiale à Kourou, la construction de très nombreuses centrales nucléaires… L’Occident n’existe pas : c’est tout simplement les pays anglo-saxons pour des raisons culturelles et linguistiques, plus les pays valets intéressés de l’Amérique tels que l’Allemagne pour mieux s’imposer en Europe, la Pologne, les pays nordiques, les pays baltes par peur de la Russie, le Japon et l’Australie par peur de la Chine ! La France doit donc pratiquer une politique exclusivement européenne conforme à ses intérêts vitaux dans un monde multipolaire et ne pas être le caniche des États-Unis dans une guerre impérialiste contre la Russie et la Chine, présentée comme un simple affrontement idéologique (démocraties « bidon » contre régimes autoritaires).

    Il est plus que temps de réaliser que les États-Unis sont, au-delà de leur image médiatique de démocratie droit de l’hommiste, avant tout une puissance guerrière, égoïste et impérialiste qui se moque complètement des intérêts français et européens. Ce sont les États-Unis qui viennent de nous tordre le bras, afin d’empêcher la France de vendre douze sous-marins à l’Australie, ce qui représentait, pour notre industrie navale, « le contrat du siècle » !

    Mitterrand a pu dire sur son lit de mort à Marc Benamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique… Oui, une guerre permanente, une guerre vitale. Leur propagande, les manipulations, leurs mensonges… Les Américains voulaient envoyer les Turcs bombarder les Serbes, j’ai fait ce qu’il fallait pour éviter cette folie » (Le dernier Mitterrand, 1997).
    Quant à De Gaulle, il a pu déclarer le 5 novembre 1963 : « La Vérité, c’est que les Américains finiront par se faire détester par tout le monde. Même par leurs alliés les plus inconditionnels. Tous les trucages qu’imaginent les Américains sont démentis par les événements » (cité par Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle, tome 2).

    L ’Amérique ne représente pas « le camp du Bien » ! C’est un pays qui traite Julian Assange d’une façon inhumaine, le pays qui a causé la mort de 929 000 personnes essentiellement en Afghanistan et en Irak, qui a exterminé les Serbes il y a 24 ans, qui a utilisé des munitions contenant de l’uranium appauvri en Irak (largage de 300 tonnes de bombes) et en Yougoslavie, qui continue de piller le pétrole syrien, qui n’a pas hésité à lancer des bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki. Deux douzaines de pays, selon Sergueï Lavrov, souhaitent rejoindre les BRICS ou l’OCS.

    Selon Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France : « Plus il y a de guerres dans le monde, plus les Américains se sentent en sécurité ». Les Américains ont lancé 251 interventions militaires depuis 1991 et 469 depuis 1798. Ce sont les seuls USA qui sont responsables de la guerre en Ukraine et qui nous amènent la guerre en Europe, sous la forme une guerre par procuration afin de dépecer la Russie en trois parties, ce qui était déjà annoncé d’une façon très claire en 1997 par Zbignew Brzezinski dans Le grand Échiquier. Dans l’attente de la guerre à venir pour Taïwan, afin de détruire la Chine, puissance montante !  L’Amérique ne se gêne pas pour écouter tous les gouvernements de la planète, comme l’a montré Snowden, et dispose de 867 bases militaires dans le monde entier plus 4 nouvelles bases en cours d’implantation aux Philippines.

    De Gaulle, ce que ne savent pas les Français, a passé son temps pendant la Deuxième Guerre mondiale, à combattre l’Amérique. Roosevelt et les Américains ont tout fait pour qu’il ne soit pas le successeur du Maréchal Pétain car considéré comme trop Français, insoumis et allergique à l’Amérique ! Éric Branca dans « L’Ami américain/Washington contre De Gaulle 1940-1969 » a brillamment démontré la lutte permanente, continuelle, à mort, entre le Général et l’Amérique. Cela a commencé par la préférence des Américains pour Darlan et Giraud, puis l’opposition frontale au désir des Américains d’imposer à la France le statut d’un pays occupé soumis à l’Amérique, avec une nouvelle monnaie d’occupation. Le honteux statut envisagé avait pour nom l’AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories ) ! De Gaulle ne « léchait pas le cul de l’Amérique »  !

    La lutte de Gaulle fut perpétuelle et permanente, dès les années 1950, avec le traître fédéraliste Jean Monnet et ses réseaux atlantistes vendus à l’Amérique, avec le scandale de la Communauté Européenne de Défense (CED) qui faisait disparaître complètement l’armée française dans une armée européenne intégrée, sans avoir le droit de dire quoi que ce soit, en renonçant à l’arme nucléaire, en laissant à l’Amérique le choix des armements, en devant demander l’autorisation au général américain commandant l’OTAN pour exporter des armes françaises à partir de la France !
    Lors de l’expédition de Suez, l’Amérique a fait pression pour nous enlever le bénéfice de la victoire militaire franco-britannique ! Pendant la guerre d’Algérie, l’Amérique était favorable au FLN, puis ensuite à l’OAS car c’était un moyen pour l’Amérique de se débarrasser de De Gaulle ! En quittant l’OTAN, en échangent le devises en dollars de la France contre l’or de Fort Knox, en mettant en place la force de frappe nucléaire, en créant la base spatiale de Kourou, avec son discours critique de Pnom-Penh, en criant « Vive le Québec libre » sur le balcon de l’Hôtel de ville à Montréal, De Gaulle a passé son temps à combattre l’Amérique et le monde anglo-saxon dont il se méfiait comme de la peste, pour l’avoir trop bien connu et de très près entre 1940 et 1945 !

    La conclusion s’impose : la France doit quitter l’OTAN et se rapprocher de la Russie, en pratiquant la « Real Politik » dans le monde, en respectant les États quel que soit le régime politique, en arrêtant de saouler l’Afrique avec la démocratie majoritaire du nombre des votes qui ne correspond pas aux réalités ethniques ! Ce n’est qu’à ces conditions que la France pourra retrouver sa place en Afrique et au Moyen-Orient ! La France ne dispose que de deux hommes pour remplacer le Général de Gaulle dans le contexte actuel : Éric Zemmour et Philippe de Villiers, deux hommes qui parlent le langage de la Vérité, de l’intelligence, du réalisme, des véritables intérêts géopolitiques et stratégiques à long terme de la France, le langage du courage et de l’honneur et qui, contrairement au RN de Marine le Pen et tous les partis politiques français, ne pratiquent pas la démagogie, « ne lèchent le cul » de personne, ni de l’Amérique ni des électeurs pour attraper leurs votes !

    Marc Rousset

  • À la découverte du fonds lafautearousseau (6) : dès 1930, Bainville dénonçait Hitler, ses ”camps”, la ”persécution d'Isr

    lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 22 Albums, 48 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...

    Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...

    Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...

    Bainville.jpg

    Aujourd'hui : dès 1930, Jacques Bainville est le premier à dénoncer Hitler "l'énergumène... le monstre... le minotaure..."; mais aussi "les camps" et "la persécution d'Israël" ...

    (deux documents, tirés de notre Catégorie Lire Jacques Bainville et/ou de notre Album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville, 186 photos)

    (retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :

    Á la découverte du "Fonds lafautearousseau")

    Premier document

    Nous achevons aujourd'hui notre "mise au point", commencée hier, après les propos de Laurent Delahousse sur Chaplin, qui aurait, en 36, "avant tout le monde", compris les enjeux de l'Hitlérisme. La vérité est toute autre : dès 1918, Jacques Bainville et l'Action française - mais aussi beaucoup d'autres... - expliquèrent qu'il fallait démembrer l'Allemagne, et que le Traité de Versaille promettait une guerre "pour dans vingt ans".

    Mais, ni le Pays légal français, ni les autorités étrangères ne voulurent entendre. Bainville ne s'est trompé que sur un point : il appelait le parti que formerait Hitler "social-nationaliste", alors que celui-ci prit le nom de "national-socialiste", les quatre premières lettre du mot "nazional", en allemand, donnant le raccourci tristement fameux de "nazi"... 

    Alertées, dès le début, comme elles le furent, comment les autorités politiques de France et d'Europe pourraient-elles dire : "nous ne savions pas..." 

     

    hitler antijuif.JPG

     

    1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 9 novembre 1933 :

    - "La Grande-Bretagne poursuivra l'oeuvre du désarmement", affirme sir John Simon.

    Deux hommes, hier, ont connu des chiffres qui les ont rendus également heureux. L'un est le coiffeur de Tarascon, l'autre est Hitler. Ils ont chacun gagné le gros lot.

    Figurez-vous la joie qu'a sentie le Führer en suivant par la radio le discours de sir Jonh Simon à la Chambre des Communes. Discours prodigieux, presqu'inconnu dans les annales de l'Histoire. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement britannique se félicitait d'abord que l'Angleterre eût fait tout ce qui était en son pouvoir pour relever l'Allemagne. Hitler, lui aussi, a ce relèvement pour but. Puisque l'Angleterre et lui veulent la même chose, c'est parfait. Il n'y a même pas à chercher querelle au Führer sur les moyens dont il se sert pour conduire son peuple vers les sommets. De fait, sir John Simon a oublié la persécution d'Israël autant qu'Arthur Henderson a oublié les camps de concentration où sont parqués les social-démocrates..." (la note se poursuit par 27 lignes, sur l'inconséquence et l'aveuglement des gouvernements français et anglais qui désarment, au lieu d'armer...) 

     

    2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 novembre 1933 :

    "Hitler a pu faire jusqu'ici ce qu'il a voulu, heurter de front le sidées reçues, braver l'opinion du monde, persécuter les juifs, mettre ses adversaire politiques dans des camps de concentration, jeter par terre la Conférence de Genève, crier raca sur la Société des Nations et lui porter un coup terrible, tout cela impunément. Il est prouvé que l'Allemagne arme avec activité et méthode. Péché véniel. On lui demande simplement aujourd'hui de ne pas armer trop  et de faire preuve de modération dans sa préparation militaire... Hitler  a déjà partie aux trois quart gagnée. Il en conclut que les puissances capitulent parce que leur résistance politique et morale est brisée. Il ne s'arrêtera pas là dans ses déductions." 

     

    3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 5 janvier 1934 :

    Le garde de fer qui a tué Jean Duca a frappé ce qu'il peut y avoir en Roumanie, dans un coeur et un esprit ardemment roumain, de plus français par les habitudes de penser, et ce qu'il peut y avoir aussi de plus francophile en politique . Ce n'est peut-être pas ce que l'assassin voulait, mais c'est ce qu'il a fait.

    Les amis de la France seront-ils supprimés l'un après l'autre ? On dit que leurs noms sont inscrits sur une liste noire. En tout cas, ceux qui sont poursuivis par la haine de la croix gammée se trouvent encore être nos amis.

    Ainsi, autour du meurtre de Jean Duca, se nouent bien d'autres drames, de même que l'attentat auquel le chancelier Dolfuss a échappé récemment était une lueur dans la nuit de l'Europe danubienne.

    Le roi de Roumanie avait fait appel, devant les difficultés du pays, au parti libéral. Il persiste dans son intention, et elle est digne d'un roi. Car il ne faut pas se dissimuler que ce prince a dû prendre beaucoup sur lui pour revoir dans ses conseils les fidèles de Jean Bratiano qui, autrefois, avaient jugé nécessaire d'écarter du trône l'héritier présomptif.

    Il y a près de trois quarts de siècle qu'un rameau des Hohenzollezrn s'est détaché pour accepter la couronne de Roumanie. Jamais, au fond, l'Allemagne ne s'est résignée à voir ses souverains se nationaliser. Elle a toujours prétendu les tenir sous sa coupe, même avant le racisme. Ils lui ont échappé toujours. Elle ne les reprendra pas par la bombe et le poignard. Mais on voit trop se dégager, dans cette partie de l'Europe, sous l'emblème et le prétexte de l'antisémitisme, l'intrigue servie par la terreur.

     

    DEUXIÈME TEXTE

     

    hitler LECTEUR DE BAINVILLE.jpg

     

    1. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 26 Juin 1930 :

    « Tandis que le chancelier Brüning est toujours à la recherche d’un ministre des finances, il se passe en Allemagne des choses singulières. Pays déconcertant, pays à surprises, auquel on ne peut faire confiance qu’en se méfiant beaucoup. Les succès électoraux que remporte Hitler ne sont-ils pas un phénomène prodigieux ?

    Quel est le programme de cet agitateur ? Toutes les outrances. Il est à la fois nationaliste et socialiste : c’est même le double nom du parti qu’il a fondé. Il est pour la revanche et contre le capitalisme. On a dit que son drapeau pourrait être le drapeau rouge avec la croix gammée, signe de ralliement des antisémites. Hitler joue sur tous les tableaux de la démagogie violente. Et tout ce qui ferait qu’ailleurs, dans un pays sensé, il ne serait suivi que par une poignée d’énergumènes, lui attire en Allemagne une clientèle qui s’accroît tous les jours. »

     

    2. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 3 décembre 1930 :

    "Comment empêcher l'Allemagne de se donner un régime national-socialiste et de se vouer à Hitler, si elle en a envie ? C'est une démocratie libre. Elle a le droit de disposer d'elle-même. Hommes et femmes votent et revotent. "Mon corps est à moi."

    Le programme des nazis ne tient pas debout. Toute la doctrine hitlérienne, si cela peut s'appeler une doctrine, est une suite de négations, une collection d'anti. C'est une pure démagogie, mais qui semble très bien adaptée au caractère allemand et faite pour lui plaire. Plus c'est absurde, plus c'est outré, et plus cela réussit. L'Allemagne n'est pas un pays où il soit vrai de dire que tout ce qui est exagéré ne compte pas. Il n'y a même que l'exagération qui, chez elle, paraisse avoir des chances de réussir." 

     

    3. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 27 février 1935 :

    "Qui eût dit qu'Adolphe Hitler, l'énergumène en chemise brune, recevrait un jour la visite du ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne ? Qui l'eût dit après le massacre du 30 juin, après l'assassinat du 25 juillet ? (respectivement, "Nuit des longs couteaux" et assassinat du chancelier autrichien Dollfuss, ndlr) On a pour l'Allemagne hitlérienne plus d'égards encore que pour l'Allemagne républicaine. On lui passe tout.

    Pour les Allemands, quelle justification de la violence ! Pour les autres, quel étrange moyen de fonder la paix sur la moralité !

    Le gouvernement britannique croit que le moment d'une grande tentative d'accord pacifique en Europe est venu. Il faut s'entendre ou périr. En tout cas, ajoute-t-il, on ne risque rien à sonder les dispositions du Führer... C'est vrai pourvu qu'on ne lui fasse pas sur l'essentiel des concessions imprudentes et qu'on ne ferme pas les yeux à la réalité de ses armements, tandis que lui-même aura toute facilité de tromper des partenaires trop complaisants." 

     

    4. Journal, Tome III, 1927/1935, note du 2 mars 1935 :

    "...Sir John Simon sera dans quelques jours à Berlin. Il verra Hitler, c'est-à-dire le monstre lui-même. Quel espoir y a-t-il de conclure un traité de désarmement avec le Minotaure ou de le signer autrement que pour se faire dévorer ?" 

     

    HITLER 2.jpg

     "agitateur", qui "joue sur tous les tableaux de la démagogie violente"; "énergumène" au "programme qui ne tient pas debout"; "monstre", "Minotaure"...

    "Inutile Cassandre - pour reprendre le mot de Chateaubriand - Bainville en particulier, toute L'Action française en général, ont passé les vingt ans séparant 1918 de 1939 à avertir, prévoir, conseiller... un Pays légal, certains militaires et une certaine partie de l'opinion publique qui n'ont voulu ni voir ni rien entendre...

    On comprend Otto Abetz, qui n'avait rien oublié, lorsqu'il déclarait, presque dix ans après la mort de Bainville : "L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne"...

    Moyennant quoi, Maurras fut condamné pour "intelligence avec l'ennemi", et L'Action française interdite à la Libération !...

    LFAR FLEURS.jpg

  • Dédollarisation : ruée vers l’or des banques centrales, de la Russie, de la Chine, par Marc Rousset

    Même le FMI, entièrement contrôlé par les Occidentaux et l’Amérique, vient de l’avouer dans un rapport tout récent intitulé : « L’or, une réserve de valeur internationale et non plus une relique barbare » faisant allusion à la célèbre définition par Keynes, à Bretton Woods, en 1944.Tous les États dans le monde stockent massivement l’or : en 2022, les achats de 1132 tonnes d’or par les banques centrales n’ont jamais été aussi élevés depuis 55 ans. Ces achats représentent plus du double des achats de 2021 (450,1 tonnes).

    Selon le Conseil mondial de l’or, le WGC (World Gold Council), les banques centrales restent, début 2023, très intéressées par l’or. La plupart des achats ont été effectués par trois banques centrales, déjà très actives depuis de nombreuses années : la Chine, la Turquie et le Kazakhstan. La Turquie a été le plus grand acheteur d’or en 2022. En janvier 2023, la Turquie a encore acheté 23 tonnes d’or, portant ses réserves totales à 565 tonnes. La Chine, elle, a intensifié de manière agressive ses achats d’or fin 2022, ayant repris ses achats d’or pour la première fois depuis 2019. Elle a encore acheté 15 tonnes en janvier 2023, en plus des 62 tonnes de novembre-décembre 2022, portant ses réserves totales d’or nominales et officielles à 2025 tonnes, alors qu’elles sont dans la réalité infiniment plus élevées et qu’elles dépassent sans doute déjà les réserves d’or américaines de 8100 tonnes d‘or.

    MARC ROUSSET.jpgSelon le dernier rapport du WGC « l’incertitude géopolitique et l’inflation élevée sont les principales raisons pour détenir de l’or ». Suite aux achats records des banquiers centraux, la demande globale d’or pour l’ensemble de l’année 2022 s’est établie à 4 740,7 tonnes d’or, en augmentation de 18 % par rapport à 2021. La demande des seuls particuliers européens en pièces et en lingots pour le quatrième trimestre 2022 est en hausse de 14 %, soit 314 tonnes.

    Quand l’heure des comptes et de la banqueroute sonnera pour régler toutes les âneries de nos dirigeants incapables depuis 40 ans, dont entre autres les 2 millions de fonctionnaires en trop, le passage aux 35 heures, l’abaissement de l’âge de la retraite de 65 ans à 60 ans par Mitterrand, l’ invasion migratoire extra-européenne qui continue de plus belle, la fermeture des deux réacteurs nucléaires rénovés de Fessenheim par Marcon, il ne restera plus véritablement pour les beaux yeux des Français que les actifs réels tangibles, c’est-à-dire l’immobilier, les terres, les forêts , les œuvres d’art, les métaux précieux tels que l’or et l’argent. De Gaulle n’hésitait pas à dire  que « celui qui parie sur les monnaies papiers parie contre 6000 ans d’histoire ! ».

    Selon le FMI, le regain d’appétit d’or des banques centrales date en fait de la crise financière de 2008. L’effondrement de Lehman Brothers a provoqué un véritable électrochoc. Wall Street a été touchée au cœur et l’or a retrouvé son rôle de valeur refuge en lieu et place des actions cotées en dollars. L’or ne rapporte rien, mais il n’expose pas son détenteur à un risque de non remboursement ; de plus l’or, comme une entreprise ou un État, ne peut pas faire faillite !

    Quant aux banques centrales des pays émergents exportateurs de pétrole, gaz, matières premières, minerais, métaux, elles sont désireuses de sécuriser leurs énormes excédents commerciaux en dollars. Acheter de l’or leur permet de réduire leur dépendance au dollar et à la puissance impérialiste américaine avec son droit extraterritorial. La décision suicidaire, ahurissante des pays du G7, digne des plus grands gangsters internationaux, de geler les réserves en devises de la banque centrale russe, n’a fait qu’amplifier le mouvement, plus personne n’ayant confiance dans l’euro et le dollar ! Dès l’annexion en 2014 de la Crimée par la Russie, cette dernière avait déjà troqué une partie de ses réserves de de change, libellées en dollars, contre de l’or qu’elle détient en sûreté dans ses coffres à Saint-Pétersbourg.

    Entre 2014 et 2020, la Russie, via sa banque centrale, a été le pays qui a également le plus acheté d’or au monde. En 2008, le stock stagnait autour de 500 tonnes seulement, et depuis cette date, elle a commencé à acheter de l’or, les achats s’accélérant à partir de 2014 (date du coup d’État de Maïdan par la CIA à Kiev ), pour s’arrêter en mars 2020. Selon le Conseil mondial de l’or, ses réserves s’élèvent à 2 361 ,64 tonnes d’or, soit le cinquième volume le plus élevé derrière les États-Unis, l’Allemagne, la France et l’Italie. Ce sont ces réserves en or qui permettent aujourd’hui à Poutine d’avoir des actifs et des moyens de paiement, pour soutenir son effort de guerre, malgré les sanctions des Occidentaux. Les réserves de change totales de la Russie s’élèvent à 630 milliards de dollars, mais toutes ses devises en dollars et en euros sont bloquées dans les banques occidentales.

    La Chine, avec ses créances énormes en milliards de dollars, suite à ses gigantesques excédents commerciaux, adopte une attitude identique à celle de la Russie. Les « 2000 tonnes bidon » officiellement déclarées représenteraient seulement 3 % des réserves monétaires totales du pays, contre 57 % pour la France et 65 % pour les États-Unis. Il y a donc milliers de tonnes d’or cachées en Chine !
    Il se trouve que l’Empire du Milieu est ausi le premier producteur mondial d’or, avec 15 % de l’extraction mondiale. Depuis 20 ans, 6 830 tonnes ont été produites. Et en Chine, l’exportation minière est interdite. De plus, la Chine a acheté de nombreuses mines d’or en Afrique et en Amérique du Sud. Depuis 2000, 700 tonnes d’or sont de plus entrées par Hong Kong. L’armée chinoise dispose de stocks d’or et les particuliers, selon le WGC, détiendraient 2 500 tonnes de lingots, pièces et bijoux en or. On estime donc qu’il y a déjà plus de 30 000 tonnes d’or en Chine, dont la moitié appartiendrait à l’État , soit environ 15 000 tonnes d’or, soit presque le double de la quantité d’or détenue par les États-Unis à Fort Knox.

    L’objectif de la Chine, c’est de dépasser les États-Unis et d’être la puissance dominante dans le monde en 2049. La Chine souhaite donc se dédollariser, c’est-à-dire remplacer le dollar par le yuan, nouvelle référence monétaire mondiale, en vue de l’hégémonie monétaire et commerciale. À terme, la Chine ne pourra garantir la force de sa monnaie qu’avec l’or, redevenu le seul étalon mondial universel. Le dollar non convertible depuis la décision prise par Nixon 1971, avec seulement 8100 tonnes d’or, ne sera plus alors, comme la livre sterling, l’euro et le yen actuellement, qu ’une monnaie de réserve parmi d’autres, avec les mêmes problèmes d’équilibre de la balance des paiements que les autres, la valeur du « greenback » devant alors littéralement s’écrouler ! La Chine va donc continuer sa stratégie d’accumulation d’or, au rythme des fluctuations, et plus particulièrement, des replis du cours de l’or.

    L’hégémonie monétaire américaine est de plus en plus critiquée et de moins en moins redoutée, puisque même le petit Ghana, producteur d’or et de pétrole en Afrique, a osé s’affranchir de la monnaie du monde, en payant son pétrole en or et non pas en dollars. En novembre 2022, le vice-président Mahamudu Bawumia a annoncé que pour enrayer l’effondrement de la devise nationale, le Cedi, son pays envisageait de payer le pétrole qu’il importe, non plus en dollars, mais en or !

    Dans un tel contexte, comment devraient évoluer à l’avenir les cours de l’or ? Les tensions géopolitiques restent très vives et la volonté de nombreux pays de s’affranchir du dollar ne devrait pas faiblir. Certains experts et économistes voient l’once d’or grimper d’au moins 10 % dans les prochains mois pour approcher de nouveau les sommets de mars 2022 à 2000 dollars l’once.
    Dans l’immédiat, à très court terme, les vents qui soufflent sur le marché de l’or sont plutôt défavorables car la menace d’un ralentissement mondial s’est éloignée, d’où la politique monétaire agressive de la Réserve fédérale américaine en matière de taux, et des rendements obligataires qui augmentent. Pour certains économistes, il ne s’agit pourtant pas de savoir si une récession surviendra, mais plutôt de savoir quand ?

    L’investisseur milliardaire John Paulson a récemment souligné le potentiel à long terme de l’or. Il a déclaré que les investisseurs devaient suivre la voie créée par les banques centrales, ces dernières ayant acheté une quantité record en 2022, comme explicitée ci-dessus. Selon Paulson, « Il y a une augmentation significative de la demande des banques centrales pour remplacer leurs dollars par de l’or, et nous ne sommes qu’au début de cette tendance. L’or va monter et le dollar va baisser ; donc vous feriez mieux de garder vos réserves d’investissement en or à ce stade ».

    Quant à l’auteur de « Rich Dad, Poor Dad », Robert Kiyosaki, il a publié un avertissement concernant une récession mondiale imminente, affirmant que c’est le moment d’acheter de l’or et de l’argent : « D’ici 2025, l’or à 5 000 dollars l’once, l’argent à 500 dollars. Pourquoi ? Parce que la foi dans le dollar américain, la fausse monnaie, sera détruite. ».

    La probabilité est donc élevée que l’or atteigne 2000 dollars l’once en 2023 et que l’économie américaine tombe en récession, ce que confirment les perspectives actuelles de Bloomberg Intelligence. Mais il importe de garder présent à l’esprit que, suite à la dédollarisation irréversible en cours, le potentiel d’augmentation et, en fait, de réévaluation de l’or, reste spectaculaire, ne serait-ce que parce que le commerce mondial a besoin de liquidités pour se développer ! N’oublions pas que lorsque Nixon a décrété unilatéralement, en 1971, la non convertibilité du dollar en or, la cotation était de seulement 35 $ l’once !

    L’expert Doug Casey estime que l’once d’or atteindra sans peine les 3 000 $. Et selon Jim Rickards, autre expert incontesté, auteur de plusieurs ouvrages sur l’or et les crises, l’once d’or pourrait même s’envoler jusqu’à 10 000 $ l’once !
    Le jour où l’or cotera à ces prix faramineux, cela signifiera la fin du « roi dollar », la fin de l’arrogance de Wall Street, la fin de l’extra-territorialité du droit américain, la fin de l’OTAN et de l’impérialisme américain !

  • La tentation du cynisme et de la brutalité, par Philippe Kaminski.

    Lorsque le jeune et sémillant Emmanuel Macron a été nommé ministre de l’Économie, il sut séduire nombre de gros poissons de l’industrie et de la finance. Il fit même forte impression sur notre chroniqueur, qui s’imagina un temps candidat à la députation, afin de porter ses valeurs d’économie sociale. La tentation fut éphémère, mais les motivations demeurent : le cynisme le plus assumé peut-il néanmoins servir le Bien commun ?

    Actualités de l’économie sociale

    Je viens de refaire un rêve. Le même qui continue. À la réflexion non, ce n’est pas un vrai rêve, mais plutôt un scénario qui se construit par petites touches, sur le temps long, dans ces moments de semi-éveil que nous traversons tous pendant une conférence ennuyeuse ou après quelque libation un peu trop appuyée. Et ce rêve qui n’en est pas vraiment un me fige, en ces temps de confinement, face à une question récurrente qui exige de moi, pour que j’y réponde, la maîtrise de tout ce qui me reste de facultés de réflexion conscientes : que ferais-je, que dirais-je, que ressentirais-je, si j’étais aujourd’hui un député anonyme de la majorité gouvernementale ?

    Tout cela ne vient pas de nulle part. Revenons cinq ans en arrière. Je dois participer à un séminaire sur l’actionnariat salarié. L’affiche est attractive, puisque notre nouveau, jeune et sémillant ministre de l’Économie y est annoncé. Je n’ai lu qu’en diagonale ce qu’on a écrit sur lui, ce sera donc pour moi une totale découverte. D’autant que sur le sujet du jour, j’ai quelques références à faire valoir.

    Eh bien il m’avait fait lors de cette réunion, je dois l’avouer sans honte aucune, forte impression. Il connaissait son dossier sur le bout des doigts, et parlait sans regarder ses notes, dans un français clair et parfait. Se mettant résolument en complicité avec ses interlocuteurs, il n’éprouvait aucune gêne à se placer ainsi en contradiction frontale avec les options défendues par le gouvernement qu’il venait de rejoindre. Quelle était dans ses propos la part de calcul, la part de sincérité, peu importe ; l’art de la mise en scène valait celui d’un vieux routier de la politique, une habileté oratoire certaine et la jeunesse en plus.

    Je comprends fort bien qu’en multipliant ce genre de prestations, notre ex-ministre et aujourd’hui président ait pu séduire nombre de gros poissons de l’industrie et de la finance, qui se sont dits à l’unisson : il n’y a pas de doute, c’est ce gars-là qu’il nous faut !

    Mais moi, je n’avais rien d’un gros poisson de cette sorte, et je m’étais promis depuis une bonne dizaine d’années de ne plus remettre les pieds dans le marigot politique. Il fallait que j’en reste là. Cependant une petite voix venait agiter devant moi les clignotants de la tentation :

    Ne laisse pas passer ta chance ! Tu n’as plus la même fougue ni la même énergie, mais tu as l’expérience. Joue cette carte, c’est la dernière, ce sera la bonne ! Cette monture ira jusqu’au bout, chevauche-la !

    Je ne tardai pas à identifier l’émetteur de ces messages racoleurs. C’eût été lui faire trop d’honneur que de l’appeler Méphisto. Je lui donnai un nom mieux approprié au niveau de sa fourberie : Le Sacripant.

    C’est lui qui vient régulièrement me visiter, surtout quand je rêvasse et que je dois avoir l’air d’une proie facile. J’ai consigné en un petit grimoire, que voici, la quintessence de ses interpellations depuis les origines. Et je vais peut-être avoir besoin d’un cahier supplémentaire, tant ses assauts intempestifs deviennent fréquents, en cette période de coronavirus.

     

    Annonce-toi, pour commencer. C’est facile, tu connais la recette. Tu crées un comité de soutien, le premier, avant les autres. Les attaques viendront de tous les côtés, et s’annihileront d’elles-mêmes.

    Tais-toi, Le Sacripant ! C’est de la pure fiction. Je ne connais plus personne. D’ailleurs, la place est déjà préemptée par le Maire, suite à la fusion des régions. C’est sa manière d’opérer une dissidence qui ne dit pas son nom, et il a toute une équipe de fidèles à caser.

    Justement, c’est ta chance ! Il aura besoin d’un associé venant de l’extérieur pour équilibrer son affaire. Et puis, vous avez déjà été, bien qu’adversaires en théorie, complices dans des alliances pas si paradoxales que ça. Cela a laissé des liens plus forts que ceux des partis, où chacun est prêt à égorger son frère… Tu es l’homme de la situation !

    Ah, Le Sacripant, tu portes bien ton nom ! Que pèsent quelques signes de connivence échangés lors d’un coquetèle ? Illusions que tout cela ! C’est une histoire à prendre des coups bas de toutes parts. Je me sens trop bien de ne plus y toucher. D’ailleurs le député Vert vient de se rallier aussi, ça fait deux crocodiles dans la mare…

    Mais tu vois bien qu’ils sont à couteaux tirés ! Le vainqueur sera le troisième larron, et là il n’y a personne pour te contester le rôle… Et puis, je serais toi, je regarderais attentivement la seconde circonscription. Tu vois bien qu’il y a là-bas un boulevard. Personne n’y fait le poids.

    Irréaliste ! Tu sais bien que le sortant de la seconde est une sortante, qui a elle-même pris la place de mon amie Catherine… Jamais deux sans trois, et avec les exigences de parité, le prochain élu de la seconde sera une élue. Ton hypothèse est caduque de chez caduc de Guise !

    Tu seras l’homme du renversement ! Tu jettes une femme dans la première, le vieux Maire sera tout heureux de l’adouber, elle battra le Vert que tu as toujours rêvé d’assassiner, et la seconde sera pour toi, avec la parité toujours respectée. Je sens que ce plan florentin a tout pour te plaire…

    Très joli tout ça, mais il faudra d’abord que Macron soit élu. Or comme je vois que s’organise son mouvement, rien ne m’enthousiasme. C’est du cafouillage partout. Et puis les idées qui semblent s’en dégager ne me conviennent pas du tout. C’est même tout le contraire. Que serais-je allé faire dans cette galère ?

    Au contraire, c’est la situation la plus favorable qui puisse être. Dans un contexte d’improvisation bordélique, on progresse, on se faufile, on se rattrape, beaucoup plus facilement que dans une organisation qui a déjà ses codes et ses hiérarchies. Et ne me casse pas les phalanges avec les idées. Tu n’as plus vingt ans. Tu as bien pu voir ce que ça donne, les candidatures de témoignage, où l’on défend ses idées, et où on termine avec 3 % des voix ! Ça ne t’a pas suffi ? On s’en tape, des idées ! Ce qui compte c’est d’arriver au pouvoir ! Au pou voir ! Les seules bonnes idées sont les idées qui t’amènent au pou voir ! Et plus celles qu’affiche le parti sont orthogonales aux tiennes, mieux ça vaudra, parce que ça t’évitera d’en parler et de perdre de vue l’essentiel, arriver au pou voir !

    Tu penses avoir gagné, Le Sacripant, mais cette victoire est bien fragile. Elle n’est due qu’au suicide de Fillon, aux quelques voix de Hamon qui ont empêché Mélenchon de passer devant, et à la mauvaise prestation de Marine lors du duel télévisé. Mais si tu fais les comptes, tu vois bien que la base électorale du président est très étroite. Il est irrésistible en petit comité, mais il perd ses moyens et son charisme dès qu’il s’adresse au peuple. Ça n’ira pas loin.

    Ridicule ! Il dispose d’une majorité introuvable à la Chambre, et si tu avais suivi mes doctes conseils, tu en serais à l’heure qu’il est. Imagine l’étendue et la diversité des perspectives d’action qui te seraient alors offertes ! Imagine seulement ! Et cesse de tout voir en négatif. Certes, le président se montre souvent cassant, maladroit, même arrogant. Mais ce sont autant de voies d’action qui s’ouvrent à toi, pour pallier ces défauts et te faire un nom, toi qui ne les a pas !

    Je vois le mécontentement et la contestation qui ne cessent de monter. Tous mes amis sont remontés à fond contre lui. Ils ne cessent de s’en moquer, ils sont tous derrière les gilets jaunes. J’aurais l’air fin, devant eux, ah oui, s’ils me savaient député godillot. D’ailleurs il y en a de plus en plus, de ces députés, qui quittent le navire, et ceux qui restent prennent des positions que je ne puis approuver.

    Mais ne fais pas comme ces députés qui ont des états d’âme et qui en plus le crient sur les toits ! Soit tu as su les ramener à temps dans le droit chemin, soit tu participes à leur mise à mort, ces traîtres, ces chacals, ces moins que rien ! Dans les deux cas, tu grimpes dans le parti, tu te fais respecter. Quant à ce que peuvent penser tes amis, laisse-moi rigoler. Bien sûr que les plus fidèles d’entre eux auront vite compris tout le profit qu’ils peuvent tirer d’avoir un relais au cœur du pays légal. Tu auras rendu service aux uns et aux autres, te faisant ainsi une clientèle d’autant plus solide que tu auras su les compromettre, juste ce qu’il faut, dans le parti du président. Ce n’est pas le double jeu qui va t’effrayer. La seule chose qui importe, c’est que ton interlocuteur croie toujours que ce que tu lui dis c’est vraiment le fond de ta pensée, et ce que tu dis ailleurs c’est juste pour donner le change.

    Je me suis tenu éloigné de tes sortilèges, Le Sacripant. Je ne me suis pas compromis avec la lèpre politicienne. Je n’ai de comptes à rendre à personne. Et je me consacre à défendre une belle chose qui est l’Économie Sociale, que malheureusement le « Haut Commissaire » qui en a aujourd’hui la tutelle, s’acharne à pervertir…

    Ha, tu est libre, tu es pur. Tu es surtout inefficace et inaudible. Songe à ce que, comme député audacieux et entreprenant, tu aurais pu réaliser pour l’Économie Sociale ! Ton haut commissaire, tu pourrais lui savonner la planche, ou le mettre dans ta poche, selon ses réactions ; tu pourrais être devenu le point de ralliement de tout ce que le secteur compte d’éléments prometteurs et réalistes. Tu aurais pu mettre en valeur, et en pratique, tout ce que tu as accumulé jusqu’ici comme réflexions et comme recherches, au lieu qu’elles dorment dans ton disque dur, si seulement tu sais les y retrouver. Il ne tenait qu’à toi. En plus, tu aurais vécu des aventures passionnantes. Est-il vraiment trop tard pour écouter mes judicieuses suggestions ?

    Philippe KAMINSKI

  • Éphéméride du 31 octobre

    1793, la République naît au rythme de la guillotine et de la guerre

     

     

     

     

     

    Vers 290 : Martyre de Saint Quentin  

     

    Le 31 octobre est la date traditionnellement admise pour le martyre de Quentin - apôtre originaire de Rome - qui eut lieu sous le règne des empereurs Dioclétien et Maximien.

    Quentin s'était rendu dans le nord de la Gaule, durant la seconde moitié du IIIème siècle, pour l’évangéliser, en compagnie de Lucien, futur martyr de Beauvais.

    28 octobre,henri ii,dassault,la rochelle,louis xiii,richelieu,maurice de saxe,alphonse allais,urbain v,saint victor,marseille

    Manuscrit du XIVe siècle, Le martyre de Saint Quentin 

     

    Est-ce de « la petite histoire » ? Bien involontairement, et très indirectement, saint Quentin se trouve être à l'origine... de l'Escorial, le Palais-monastère des Rois d'Espagne, bâti après le désastre militaire subi par les Français, face aux troupes de Philippe II, roi d'Espagne, aux alentours de la ville de Saint Quentin : voir l'Éphéméride du 10 août...

     

    • https://sanctoral.com/fr/saints/saint_quentin.html

     

    brissot,bainville,révolution,girondins

     

    1355 : Le Prince Noir détruit Castelnaudary

     

    Castelnaudary a été marquée comme bien d'autres villes du Languedoc par l'expédition du Prince de Galles (dit le prince Noir). Le 31 octobre 1355, la ville a été presque entièrement détruite, mais on ne peut pas réellement parler de bataille, tout juste d'un massacre et d'un pillage.

    Le pays n'avait pas connu de guerre depuis bien longtemps et se trouvait sans défense. Selon Froissart, célèbre chroniqueur de l'époque, "le pays regorgeait de richesses, fruit d'une longue prospérité et d'une profonde quiétude. Ce ne fut pas une expédition militaire, ce fut l'invasion d'une forte troupe de brigands."

    Le Prince de Galles débarqua en Gascogne en été 1355 et se mit en mouvement durant le mois d'octobre. Parti de Bordeaux, il commença à ravager la Gascogne, il traversa la Garonne au niveau de Portet, en amont de Toulouse et ravagea le Lauragais : Mongiscard, Avignonet, Villefranche de Lauragais, Fanjeaux, le Mas Saintes-Puelles furent incendiées et mises à sac.

    Il continuera ainsi jusqu'à Narbonne, en se gardant bien d'attaquer les places les mieux défendues...

    brissot,bainville,révolution,girondins

    Fils aîné du roi Édouard III d'Angleterre, Édouard  de Woodstock était donc Prince de Galles, c'est-à-dire héritier du trône : mort avant son père, il ne règnera pourtant pas, et c'est son fils qui deviendra roi sous le nom de Richard II. On a surnommé Édouard "le Prince noir" à cause de la couleur de son armure, certains chroniqueurs de l'époque parlant aussi volontiers de sa cruauté et de sa "noirceur d'âme"...

    • https://www.herodote.net/Le_Prince_Noir_-synthese-1804.php

     

     

    brissot,bainville,révolution,girondins

     

     

     

    1793 : Jacques Pierre Brissot, dit de Warville, est guillotiné

     

    De tous ceux qui ont "fait" la Révolution, et qui ont abattu la royauté, Brissot (ci dessous) n'était certes pas le plus excité, le plus cruel, le plus sanguinaire, le plus fou.... C'était peut-être, même, le plus intelligent. Comme la plupart de ces Girondins, bourgeois enrichis et esprits brillants, persuadés que leur heure était venue, et qu'après l'élimination de fait de la noblesse par la Royauté, c'était maintenant au tour de la Royauté elle-même de disparaître, pour leur laisser la place, à eux, et à leur génie organisateur et rationnel.

    Car, c'est vrai, brillants et intelligents, ils l'étaient, les Girondins. Et éloquents. Ils s'enivrèrent eux-mêmes de leurs beaux discours, et se persuadèrent eux-mêmes que tant de talents - bien réels... - devaient être employés pour tout mettre et tout remettre en ordre.

    brissot,bainville,révolution

     

    Mais il y avait la Royauté...

    Depuis 1.000 ans, entre elle et le peuple, malgré des mésententes, des brouilles, quelques assassinats et même des révolutions (Étienne Marcel, la Fronde...) rien n'avait pu rompre "le charme séculaire de la Royauté", pour reprendre la si juste expression de Jaurès. 

    Et, même en 89, même avec "la" Révolution, les esprits avisés voyaient bien qu'il y avait toujours moyen que les choses tournent de différentes manières : Robespierre, et Danton lui-même, ont failli, et auraient pu, tourner du côté de la Cour; sans parler, évidemment de Mirabeau, dont on peut dire, pour paraphraser Pascal : la vie de Mirabeau, si elle eut été moins courte, la face de la révolution en eut été changée....

    Et c'est là qu'intervient, mais pour le pire, Brissot.

    Ni Robespierre, ni Danton, ni Marat, ni personne n'avait trouvé le moyen de déraciner la Royauté du peuple. L'idée de génie, mais génie mis au service du mal, fut trouvée par Brissot. C'est là que, n'étant ni le plus sanglant ni le plus scélérat des révolutionnaires, il peut être regardé comme étant probablement celui qui a réussi à mettre à bas l'édifice millénaire. Lui, et pas les autres. Et, donc, de ce point de vue, lui qui ne fut pas le pire dans son comportement personnel, fut bien le pire dans son action, et dans ses résultats.

    C'est probablement lui, le vrai tombeur de la monarchie...

    Au fond, le seul, le vrai révolutionnaire...

    En effet, malgré tout, même malgré Varennes, Louis XVI restait "le roi". Encore aimé par beaucoup, encore craint par d'autres, encore respecté par la plupart : la Révolution n'était décidément pas possible tant qu'il était là. Alors, dans le cerveau de Brissot, peut-être le plus brillant de cette Assemblée, qui n'en manquait pas - en tout cas chez les Girondins... -  naquit l'idée "géniale", celle qui allait permettre de tout renverser, et aux Girondins, enfin, de prendre le pouvoir et d'organiser le monde, selon les principes de la Raison.

    brissot,bainville,révolution,girondins

           

    Il faut se souvenir que le renversement des alliances, chef d'oeuvre d'intelligence politique de la part d'une royauté française qu'on appellerait volontiers progressiste, si le mot n'était pas connoté (voir l'Éphéméride du 16 mai); il faut se souvenir, donc, que ce renversement des alliances ne fut pas vraiment compris, et encore moins partagé, par une bonne partie de l'opinion, et par ce qu'il faut bien appeler, malgré leur aveuglement et leur erreur sur le sujet, une bonne partie des élites. Louis XV, puis Louis XVI restèrent, sinon seuls, du moins incompris d'une grande part du public qui, raisonnant au passé prolongé, continuait par habitude, par facilité, par routine, bref, par conservatisme, de voir en l'Autriche et en la personne des Habsbourgs l'ennemi qu'elle et ils avaient effectivement été, pendant deux siècles. 

    La France étant sortie victorieuse de cette lutte si longue, il fallait maintenant s'allier à l'adversaire vaincu d'hier, contre la puissance montante, représentant le nouveau danger : la Prusse. Mais, cette politique intelligente et visionnaire de la Cour de France, Louis XV et Louis XVI ne réussirent pas à l'expliquer suffisamment, et en tout cas à la faire partager.

    Brissot eut alors "l'idée" lumineuse, et, de tous les révolutionnaires, empêtrés dans leurs discours grandiloquents, creux et souvent ridicules, il fut le seul à l'avoir. Et c'est en cela qu'il peut être regardé, probablement, comme nous l'avons dit plus haut, comme le vrai et le seul père de la Révolution en tant que destructrice de la Royauté.  Son idée, lumineuse pour lui, qui ne rêvait que d'abattre la royauté, était criminelle pour la France, mais il ne s'en rendit pas compte, malgré sa grande intelligence, aveuglé qu'il était par ses talents multiples, et persuadé qu'il était par ses capacités évidentes, qu'il était l'homme de la situation.

     

    brissot,bainville,révolution,girondins

    "Signé Louis; et plus bas, Roland", c'est-à-dire le Ministre de l'Intérieur du gouvernement girondin d'alors, celui chez qui sa femme - la belle Madame Roland - avait permis au "parti girondin" de se constituer.

    Le piège diabolique s'est refermé sur Louis XVI, contraint de signer une déclaration de guerre que tout lui commande de refuser : les Girondins ont bien "trahi" la Patrie, leur stratagème a réussi, la Révolution est en marche, et plus rien ne l'arrêtera.

    Ils ont juste oublié que la révolution mange toujours les révolutionnaires, et qu'ils seront les premiers à être mangés, après la chute de la Royauté - leur oeuvre - et l'assassinat du Roi...

     

     

    Elle était simple, cette idée, si simple qu'on s'étonne que les autres grands ténors ne l'aient pas eu avant lui, ou en même temps que lui : ni Danton, ni Marat, ni Robespierre, ni personne....; cette idée consistait à mettre en opposition frontale l'action du roi et les sentiments profonds du peuple.

    Comment ? En déclarant la guerre à l'Autriche, tout simplement.

    Cette guerre serait forcément populaire dans l'opinion, conservatrice, mais serait forcément combattue par le Roi, qui en verrait toute l'absurdité, et son côté diamétralement opposé aux intérêts profonds du peuple français. Faire s'opposer frontalement le Roi et le Peuple, c'était pouvoir accuser le Roi de trahison et, là, rompre "le charme séculaire".

    C'était machiavélique, c'était diabolique, mais c'était bien vu : et c'est en effet ce qui se passa....

    L'intérêt national, le Bien commun, étaient des notions étrangères à Brissot. Puissamment brillant, il n'imaginait pas une seconde que les choses pourraient lui échapper, et il ne poursuivait qu'un but : éliminer la Royauté, qui, par sa seule présence, l'empêchait, lui et les Girondins, de prendre, enfin, le pouvoir, et d'organiser, enfin, le monde comme leur brillantissime intelligence l'imaginait.

    Brissot voulut donc la guerre, il la fit, et il avoua même que sa seule crainte était que le Roi ne "trahisse" pas, c'est-à-dire ne s'y oppose pas. Et c'est ainsi que, pris dans ce piège machiavélique, Louis XVI, qui ne pouvait que s'opposer de toutes ses forces à cette folie, put être présenté comme un traître à ceux qui étaient tout disposés à se laisser berner. À partir de là, Louis XVI ne pouvait qu'être emporté, et Brissot savourer "son" triomphe...

    brissot,bainville,révolution,girondins

    Une guerre stupide, contraire aux intérêts les plus élémentaires et les plus évidents de la Nation française; une guerre qui durera vingt-trois ans; qui fera mourir un millions et demi de français, jeunes pour la plupart; qui amènera par deux fois l'étranger dans Paris et l'invasion du territoire; et qui laissera la France plus petite après la Révolution qu'avant.

    C'est Brissot qui l'a pensé; c'est Brissot qui l'a voulu, c'est Brissot qui l'a fait.

    Et c'est cette guerre qui a été le "levier" machiavélique ayant permis de faire tomber le Royauté.

     

    Mais, son triomphe, Brissot ne le savoura pas longtemps. Malgré toute son intelligence, il n'avait sans doute pas assez médité la fable de l'apprenti sorcier.

    Le mouvement qu'il déclencha le dépassa bien vite, au profit des révolutionnaires vrais, les Robespierre, Marat, Danton et autres. Et, lorsqu'il s'en rendit compte, on vit Brissot - faut-il en rire ou en pleurer ? - tâcher de sauver ce Roi qu'il avait volontairement perdu, pour prendre sa place, lorsqu'il se rendit compte, mais trop tard, que ce ne serait pas lui qui prendrait sa place : il suivit d'à peine plus de neuf mois sur l'échafaud ce bon Roi qu'il y avait fait envoyer... 

     

    brissot,bainville,révolution,girondins

     Dans sa remarquable note Brissot la guerre, Bainville l'assassine une seconde fois, littérairement parlant, s'entend; mais, cette fois, c'est vraiment la bonne :

     

            Dans notre album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville voir la photo "Brissot la guerre"

     

    Voir aussi notre PDF Les Girondins : intelligents, brillants, mais, surtout, "idiots utiles"...

     

     

     

  • Éphéméride du 20 août

    2 après J.C. : Mort de Lucius Caesar, l'un des deux "Princes de la Jeunesse", successeurs désignés de l'empereur Auguste

     

    Petit neveu et fils adoptif de Jules César, Octave (appelé parfois aussi Octavien) n'eut de cesse de le venger, après son assassinat.

    S'étant peu à peu emparé de la totalité des pouvoirs dans l'ensemble du monde romain, il établit le Principat, qui, tout en respectant les formes traditionnelles de la vie politique "républicaine" d'alors, instituait, de fait, l'Empire romain, dont, devenu Auguste, Octave fut le premier Empereur : c'est en 28 avant J.C. que le sénat lui conféra le titre de Princeps senatus, le Premier du sénat (ce qui signifie qu'il est le premier à prendre la parole devant l'assemblée); et l'année suivante que le Sénat lui décerna le titre d’Augustus, qui signifie sacré.

    À dater de ce jour, Auguste, qui n'avait pas d'enfants, fut hanté par le problème de sa succession. Ayant délivré Rome de la guerre civile et de ses horreurs, il souhaitait tout naturellement voir son oeuvre se poursuivre, après lui.

    Sa nièce, Claudia Marcella l'Aînée, avait épousé Marcus Vipsianus Agrippa, brillant général et homme politique de premier plan, lequel, dès le début, mit toutes ses compétences au service d'Octave, durant la guerre civile, pour sa conquête du pouvoir : c'est donc tout naturellement que l'empereur adopta les deux enfants d'Agrippa, Caius et Lucius, à la mort de celui-ci. Caius et Julius, devenus héritiers présomptifs de l'empereur, furent tous les deux nommés consuls et fêtés en tant que Princes de la jeunesse (Principes iuventutis).

    Des statues et des temples furent érigés en leur honneur, comme la Maison Carrée de Nîmes (ci dessus et ci dessous).

    Cependant, ces plans de succession ne se réalisèrent pas : Lucius mourut le premier, prématurément, à Marseille, à dix-neuf ans, d'un mal inconnu, et son frère Caius le suivit, deux ans plus tard, à l'âge de 23 ans.

    Du Figaro hors série, Auguste, les promesses de l'âge d'or  :

    "...Adoptés par Auguste dès leur plus tendre enfance, les fils d'Agrippa et de Julie ressemblaient à des demi-dieux. Beaux, jeunes, téméraires. Leur grand-père n'était pas le moins enthousiaste. Frappé par un mal qu'aucun médecin n'a pu guérir, Lucius est mort le 20 août de l'an 2 après Jésus-Christ, à Marseille, alors qu'il partait pour une tournée d'inspection en Hispanie. Deux ans plus tard, Rome apprenait que son frère Caius n'avait pas survécu à une blessure reçue en Orient au cours d'un guet-apens. Ils avaient respectivement dix-neuf et vingt-quatre ans. Leurs cendres reposent dans le mausolée d'Auguste..."  

    20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

    La Maison Carrée est un temple romain hexastyle (six colonnes en façade), édifié au début du 1er siècle. Il fut dédié par Auguste à la gloire de ses deux petits-fils, les consuls et chefs militaires Lucius Caesar et Caius Julius Caesar.

    Il s'agit aujourd'hui d'un des temples romains les mieux conservés au monde. 

    http://www.nimes.fr/index.php?id=2258 

     

    20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

     

    1153 : Mort de Bernard de Clairvaux      

               

    S'il n'est pas le fondateur de l'Ordre de Cîteaux (les Cisterciens...), comme on le pense souvent, il est le fondateur de l'Abbaye de Clairvaux (ci dessous) et celui qui a donné à l'ordre son extraordinaire essor... 

    CLAIRVAUX.jpg
     

    Et, dans notre album L'aventure France racontée par les cartes , voir la photo "L'empire de Cîteaux"

     

    Pour le 850ème anniversaire de la canonisation de Bernard, la chaîne KTO a diffusé ce magnifique reportage (le mercredi 17 Janvier 2024) :

    Les fondations de l'abbaye de Cîteaux sont ancrées en Côte-d'Or au coeur de la Bourgogne. Elle est le berceau de l'ordre cistercien, l'un des ordres monastiques les plus importants de l'histoire occidentale. Très vite, la puissance de cet ordre va se manifester par un réseau de monastères considérable qui se développe à partir du XIIe siècle pour conquérir toute l'Europe. « Vous ne pouvez traiter d'aucun sujet de ce Moyen Âge central sans les rencontrer, c'est impossible, ils sont partout ! ». Fidèles au Ora et Labora de la Règle de Saint Benoît tout en étant plus ascétiques que les bénédictins dont ils sont une branche réformée, les cisterciens ne négligent pas le travail déployant, à leur rythme, une agriculture et une industrie ainsi qu'un réseau commercial très actif. Aujourd'hui, à l'abbaye Notre-Dame de Cîteaux, même si les jours semblent s'écouler selon un rite immuable, les moines cisterciens continuent de faire fructifier cet héritage, entre prière et travail. 

     

     

    20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

     

     

    1348 : La Peste noire arrive à Paris...

     

    20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

    La peste bubonique sévissait de façon endémique en Asie centrale, où les guerres répétées entre Mongols et Chinois provoquèrent les conditions sanitaires permettant le déclenchement de l'épidémie, qui se déclara en 1334, dans la province chinoise du Hubei, puis se répandit dans toute la Chine....

    En 1346, les Mongols de la Horde d'or assiégèrent Caffa, comptoir et port génois des bords de la mer Noire, en Crimée. L’épidémie, qu'ils apportaient d'Asie centrale, toucha bientôt les assiégés, car les Mongols catapultaient les cadavres des leurs par-dessus les murs pour infecter les habitants de la ville. Mais les Génois furent aussi contaminés par les rats, passant de l'armée mongole à la ville...

    Également décimés par la peste - qui, elle, ne connaît pas les frontières !... - Génois et Mongols signèrent une trêve. Les bateaux génois purent donc, de nouveau, quitter Caffa, mais disséminèrent évidemment la peste dans tous les ports où ils faisaient halte : Constantinople fut  la première ville touchée, en 1347, puis Messine fin septembre 1347, Gênes et Marseille en novembre.

    Pise fut atteinte le premier janvier 1348, puis Raguse, et ensuite Venise, le 25 janvier 1348.

    En un an, la peste se répandit sur tout le pourtour méditerranéen...

    20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

     

    En France, et depuis Marseille - où elle était arrivée en  l'épidémie gagna rapidement Avignon, en : la venue de fidèles en grand nombre dans la Cité papale, centre du monde chrétien, contribua largement à sa diffusion. Début février, la peste atteignit Montpellier, puis Béziers. Le , Narbonne. Début mars elle était à Carcassonne, fin mars à Perpignan. Fin juin, l'épidémie atteignit Bordeaux, d'où elle se diffusa rapidement, à cause du transport maritime. L'Angleterre fut touchée le . Le , la peste apparut à Rouen, puis à Pontoise et Saint-Denis.

    C'est le elle se déclara à Paris. En septembre, elle atteignit le Limousin et l'Angoumois, en octobre le Poitou, fin novembre Angers et tout l'Anjou. Au nord du royaume, en décembre, elle fut apportée à Calais depuis Londres.

    L'hiver 1348-1349 arrêta un peu sa progression, avant qu'elle ne resurgisse, à partir d'avril 1349.

    Ayant ravagé toute l'Europe de l'Ouest puis l'Europe centrale, le fléau continua sa progression vers l'est et vers le nord, dévastant la Scandinavie en 1350, et ne s'arrêtant que dans les vastes plaines inhabitées de Russie, en 1351...

     

    Parmi les conséquences inattendues de ce fléau : le manque de main d’œuvre conduisit à l’abolition du servage, à une diminution de la toute-puissance du féodalisme et à l’émergence des structures urbaines. Mais aussi à une réelle amélioration des conditions d'existence des petites gens et des travailleurs : le prix des loyers chuta considérablement, avec "l'offre" de demeures désormais vides, qui augmenta considérablement, ce qui permit aux pauvres de se loger plus facilement; et, la main d'oeuvre étant devenue plus rare, ces mêmes pauvres se virent octroyer des salaires plus importants car, là aussi, le nombre de travailleurs étant devenus moins importants, on se les disputait et il fallait les payer mieux pour les attirer...

    En somme, d'une grande catastrophe sortit un réel progrès économique et une amélioration notable des conditions de vie pour l'ensemble de la population !

     Dans notre Album L'Aventure France racontée par les cartes, voir la photo "La Grande Peste de 1348"...

     

     

     20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise

     

     

    1350 : Mort de Philippe VI

     

    Premier roi de la Dynastie des Valois, c'est sous son règne que commence la Guerre de Cent Ans : en 1340, en effet,  le roi d'Angleterre Édouard III, fils d'Isabelle de France - elle-même fille de Philippe le Bel - fit porter un défi solennel à Philippe VI, et prit le titre et les armes de Roi de France...

    La guerre s'engagea mal pour le royaume (désastre de Crécy, perte de Calais...), qui connut également la terrible épidémie de Peste noire (1348, voir ci dessus).  

    Pourtant, à sa mort, Philippe VI laissait le royaume agrandi de la Champagne et du Dauphiné (à condition que le fils aîné du Roi de France porte, à l'avenir, le titre de Dauphin).

    PHILIPPE VI RECOIT L'HOMMAGE D'EDOUARD III.jpg
    Philippe VI reçoit l'hommage d'Édouard III
     
     
     
     
    La Dynastie des Valois succède aux derniers "Capétiens directs" (qui régnèrent durant 340 ans, voir l'Éphéméride du 1er février), et elle régnera jusqu'à l'assassinat d'Henri III, en 1589, soit durant 261 ans (voir l'Éphéméride du 2 août); elle passera alors le relais à la Dynastie des Bourbons...
    Premier roi de France assassiné, Henri III verra en effet lui succéder son lointain cousin, Henri III de Navarre, devenu Henri IV, "roi de France et de Navarre", et premier Bourbon à monter sur le trône : les représentants actuels de notre Maison de France (le Comte de Paris et son fils, le Dauphin Gaston) descendent en ligne directe de celui que l'on appelle aussi, souvent, le "Béarnais", et qui périra, lui aussi assassiné par un fanatique, après un règne bienfaisant et réparateur...
     
     
     
     
     20 aout,citeaux,cistercien,bernard de clairvaux,pigalle,poincare,philippe vi,guerre de cent ans,diderot,dictionnaire de l'academie francaise
     
     
     
     
    1451 : Le "signe de Bayonne"...
     
     
    Le 6 août 1451, alors que la Guerre de Cent ans touche à sa fin mais dure encore, le siège de Bayonne débute. Les français l'emportent, l'ennemi capitule par traité le 19 août 1451 et accepte de payer une rançon de 40.000 écus d'or. Ainsi, pour la première fois depuis bien longtemps, le royaume de France n'a plus qu'un seul souverain (si l'on excepte Calais, qui ne sera libérée que bien plus tard, en 1598). 

    C'est le lendemain matin, vers les 7 heures, dans un ciel clair et pur, au-dessus du camp de Gaston de Foix, un peu à l'ouest, vers l'Espagne, que se produisit "le miracle de la Croix Blanche", visible pendant une
  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Quand l'Église ”légale” a fait le jeu de la Révolution et de la Nouvelle Religion rép

    1926 : Premières sanctions vaticanes contre l'Action française, décrétées par Pie XI

     

    • "Premières", car elles seront aggravées le 8 mars suivant : le 29 décembre 1926, c'est "seulement" - si l'on peut dire... - l'ensemble des ouvrages de Maurras ainsi que le quotidien L'Action française qui sont mis à l'Index par décret du Saint-Office; mais le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française seront carrément interdits de sacrements...

    • "Sanctions" et non "Condamnation", car ni l'Action française, ni Maurras, ni le Royalisme n'ont jamais été "condamnés" par l'Église catholique.
    Lorsque l'Église catholique "condamne" un mouvement, une doctrine, une théorie, une personne... il s'agit d'un acte définitif et irrévocable, absolument irréversible, sur lequel aucun Pape ne pourra jamais revenir, jusqu'à la fin des Temps.
    Ainsi, le pape Pie XI a "condamné" le nazisme le 14 mars 1937, par la Lettre Encyclique "Mit brenender sorge", et le communisme (mot usuellement employé pour définir le "marxisme-léninisme"), le 19 mars 1937, par la Lettre Encyclique "Divini redemptoris". Aucun Pape n'est revenu sur ces "condamnations", et aucun Pape n'y reviendra jamais : jusqu'à la fin des temps, il est impossible à quiconque se dit chrétien d'adhérer aux théories nazies et marxistes, ou alors il s'exclut par là-même, et de lui-même, de l'Église catholique.
    Rien de tel ne s'est passé pour l'Action française en 1926 : aucune Lettre Encyclique n'est venue "condamner" le Royalisme, ni Maurras, ni l'Action française, et l
    es choses sont donc radicalement différentes (émanant toutes trois d'un même Pape, Pie XI) : nazisme et marxisme-léninisme furent condamnés en tant que tels, irrévocablement, alors qu'l y a "seulement" eu des "sanctions" pontificales, le 29 décembre 1926, les ouvrages de Charles Maurras ainsi que le quotidien "L'Action française" ont "simplement" été "mis à l'Index", c'est-à-dire interdits de lecture pour les catholiques. Et, un peu plus de deux mois plus tard, le 8 mars 1927, ces "sanctions" furent aggravées : les catholiques qui restaient fidèles au mouvement royaliste se voyaient privés de tout sacrement, y compris au moment de leur mort...  

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet

    Le toujours excellent site Maurras.net a consacré à ce sujet un dossier complet, remarquable de rigueur, et qui peut être considéré comme faisant autorité :

    http://maurras.net/textes/159.html

      

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletDans ses magnifiques "Manants du Roi", Jean de La Varende a bien conté la souffrance qui résulta de ces sanctions iniques : il y consacre trois nouvelles (la septième, "La Fugue", la huitième, "L'enterrement civil" et la neuvième, "La Procession") et dédicaça la huitième de ces nouvelles ("L'enterrement civil") "À la grande mémoire de Jacques Bainville", qui fut lui-même, en 1936, privé d'obsèques religieuses, car ce ne fut que 13 ans plus tard, en 1939, que le nouveau pape Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes - leva ces sanctions, sans aucune contrepartie ni rétractation d'aucune sorte de la part de l'Action française, ce qui prouve bien qu'elles étaient injustes et infondées...

    Fait très rare dans l'histoire de l'Église : les injustes sanctions vaticanes entraînèrent la démission d'un cardinal, Louis Billot, théologien et prêtre jésuite, créé cardinal par le pape Pie X en 1911, qui démissionna en 1927 en raison de son désaccord avec ces sanctions contre l'Action française prises par Pie XI.

    On attribue au cardinal Billot une grande partie de la rédaction de l'encyclique Pascendi, qui condamne le modernisme; ce qui est certain, c'est que le cardinal critiqua sévèrement la conduite du pape, si bien que celui-ci le convoqua au29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet Vatican. C'est le 13 septembre 1927 que Pie XI le reçut en audience : celle-ci fut étrangement brève et silencieuse. Quand Louis Billot sortit de chez le pape, il n'était plus cardinal : il s'était sans cérémonie dépouillé de ses insignes et de son titre cardinalice. Tous les insignes de l'ex-cardinal Louis Billot restèrent dans le bureau du pape, qui accepta officiellement sa démission le 21 octobre. Son geste sera expliqué publiquement, mais après sa mort, par la publication d'une de ses lettres datée du 2 mars 1928 à la revue des Jésuites, Études :

    "...J'ai toujours répondu, soit de vive voix, soit par écrit, à tous ceux qui me consultaient sur la ligne de conduite à tenir, qu'il leur fallait non seulement éviter avec soin tout ce qui aurait un semblant d'insoumission ou de révolte mais encore faire le sacrifice de leurs idées particulières pour se conformer aux ordres du Souverain Pontife. Pour ma part personnelle, je me suis, tout le premier, tenu à cette règle..." 

    Comment expliquer ces sanctions vaticanes, venant après les deux règnes très bienveillants vis-à-vis du royalisme français de saint Pie X et de Benoît XV ? Deux règnes qui durèrent tout de même 22 ans, Pie X étant élu le 4 août 1903 (décédé le 20 août 1914) et Benoît XV élu le 3 septembre 1914 (décédé le 22 janvier 1922).

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletOn sait que Maurras a écrit, entre autres, un ouvrage au titre éloquent, Le bienheureux Pie X sauveur de la France; et on sait aussi que la mère de Maurras, croyante fervente, et inquiète pour son fils Charles qui s'était éloigné de la religion, était allé à Rome, voir le pape, qui lui avait déclaré, en substance : je bénis son oeuvre, elle aboutira, entrevue racontée par Maurras lui-même, dans son livre Le bienheureux Pie X sauveur de la France, (Plon, 1953, pages 52/53) :

    "Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire... Ne lui en dites jamais rien... Mais je bénis son oeuvre...". Il se tut, pour ajouter : "Elle aboutira". Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome. Elle ne m'en fit jamais part. Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n'y fit aucune allusion... J'eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s'était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon oeuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira. J'avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux...

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet Quant à Benoît XV, critiqué voire haï par les deux camps durant la Guerre (chacun lui reprochant d'être l'ami de l'autre), il fut toujours très bien traité par l'Action française, et il envoya sa bénédiction personnelle à Léon Daudet, le directeur politique du journal :

    "...Or, trois semaines après, je recevais du Vatican une grande et belle photographie de Sa Sainteté Benoît XV, accompagnée de Sa bénédiction autographe et de Sa signature. Ma famille et moi étions gratifiés d'une indulgence plénière in articulo mortis..."

    Pourquoi, donc, un tel changement de la part du nouveau pontife, Pie XI, qui sera désavoué par son successeur Pie XII, à peine élu ?

    On peut envisager trois types d'explication, toutes très différentes :

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet1. Pie XI voyait d'un mauvais oeil les masses catholiques, et les masses tout court, suivre L'Action française de préférence au mouvement de L'Action catholique, qu'il espérait voir reconquérir les esprits, en France, après les fortes persécutions du début du siècle (séparation de l'Église et de l'État, expulsion des Congrégations etc...). Cet aspect sordide des choses peut surprendre, mais la jalousie n'épargne pas les ecclésiastiques... Il faut se souvenir que L'Action française venait de réunir plus de 60.000 personnes à son Rassemblement royaliste du Mont des Alouettes, en Vendée, que Léon Daudet réunissait régulièrement 20.000 parisiens, et plus, à Luna Park, et que, dans toute la France, le mouvement royaliste progressait, auréolé, entre autres, de son attitude patriotique durant la Guerre.

    Enfin, en 1925, une revue religieuse belge, Les Cahiers de la Jeunesse catholique, publiée à Louvain, ouvrit une Enquête chez ses abonnés : "Parmi les écrivains des vingt-cinq dernières années, quels sont ceux que vous considérez comme vos maîtres."

    Le 5 mai 1925, les résultats étaient publiés. Charles Maurras arrivait en tête avec 174 voix sur 460 suffrages. Le cardinal Mercier, Primat de Belgique, n’arrivait que sixième ! Maurras, non croyant, classé premier et maître de la jeunesse catholique par les jeunes catholiques eux-mêmes, avant le cardinal Mercier, relégué au sixième rang !

    Sans aucun doute, cette sorte de gifle aura, absurdement, pesé dans la balance...

    2. Ensuite, Maurras défendait l'autonomie du politique par rapport au religieux. Il ne les séparait pas, ne les opposait pas, mais il les distinguait, chacun étant autonome et indépendant dans son ordre. Pie XI n'avait pas la même conception. En admettant officiellement cette distinction et cette autonomie, en 1965, le Concile Vatican II  a donné raison à Maurras, et tort à Pie XI. Mais le mal était fait, depuis bien longtemps, et ses conséquences cataclysmiques étaient irréparables...

    3. Enfin, il faut replacer ces sanctions vaticanes dans le contexte beaucoup plus large des rapports entre l'Église et la Révolution, et la République idéologique qui en est issue.

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletPendant un siècle, l'Église a fermement condamné la Révolution : dès l'assassinat de Louis XVI, Pie VI (ci contre) a condamné l'acte, ses auteurs et leur idéologie (il mourra d'ailleurs prisonnier, en France) et Pie VII fut obligé par un Bonaparte alors triomphant d'assister à la parodie de  sacre de Notre-Dame.

    L'Église et les masses catholiques restèrent donc très largement hostiles à la Révolution et à la République idéologique, même si une part d'entre elles s'accommodaient de leurs idées.

    Mais, après l'échec de la restauration monarchique en 1875, le pape Léon XIII imagina une autre politique vis-à-vis de cette République qui, finalement, semblait s'installer pour durer. Il prôna le Ralliement à la République, pensant naïvement que, les catholiques étant majoritaires en France, ils fin29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletiraient par investir le pouvoir, en gagnant les élections.

    Léon XIII (ci contre) prépara les esprits au Ralliement en demandant au cardinal Lavigerie - pourtant traditionaliste - de prononcer son fameux toast d'Alger et, le 16 février 1892, publia son encyclique Inter innumeras sollicitudines, demandant aux catholiques français de renoncer à une opposition systématique au régime en place, d'accepter la Constitution pour combattre "par tous les moyens honnêtes et légaux" les lois anti-chrétiennes, et de peser de tout leur poids sur les nouvelles institutions.

    L'encyclique fut peu suivie, le rallié le plus célèbre étant le comte Albert de Mun (ci contre), qui se repentit 29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletvite - mais trop tard... - de son erreur, et à qui l'Action française n'en tint d'ailleurs pas rigueur, comme le raconte Bainville dans son Journal (note du 7 octobre 1914). Mais, comme le note Michel Mourre", "se heurtant à la majorité des catholiques et du clergé français... c'est cependant dans la ligne du ralliement que put commencer à se développer, au début du XXème siècle, le mouvement de démocratie chrétienne."

    Là est certainement le point le plus important - à cause de ses conséquences néfastes - des sanctions vaticanes de 1926/1927 : malgré le Ralliement, les masses rurales et catholiques restaient très largement réceptives aux idées royalistes, et les Séminaires formaient, très majoritairement, des prêtres, sinon royalistes dans le domaine politique, du moins eux aussi très largement sensibles aux idées royalistes. C'est cela qui va radicalement changer avec les sanctions : désormais, sauf évidemment quelques exceptions, les Séminaires vont, à l'inverse de ce qu'ils avaient fait jusqu'à présent, former quasi exclusivement des abbés démocrates..

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletIl n'est pas exagéré de dire que c'est dans cette période que l'on trouve l'origine principale de l'immense crise que connaîtra l'Église à partir de la deuxième moitié du XXème siècle, avant, pendant et après le Concile Vatican II. En rendant les armes face à un Système qui, en fait, est une nouvelle religion, vouant une haine mortelle au christianisme et constitué dans le but premier de le faire disparaître; en renonçant à combattre ce Système; et, pire, en collaborant avec lui, dans le vain espoir qu'on arrivera à le diriger, l'Église n'a fait que conforter son pire ennemi, en affaiblissant ceux qui le combattaient et le contestaient radicalement, c'est-à-dire remettaient en causes ses fondements mêmes, avant tout anti chrétiens et contraires à toutes les traditions millénaires constitutives de la Nation française ("Du passé faisons table rase !...).

    C'est de l'Église, de sa force et de sa place dans la Société que le Système a réussi à faire table rase, obtenant dans ce combat à mort l'appui inespéré de ceux-là même qu'il s'était juré d'abattre ! 

     

  • Éphéméride du 29 décembre

    1926 : Premières sanctions vaticanes contre l'Action Française

     

     

     

    1743 : Mort de Hyacinthe Rigaud 

     

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet

    Autoportrait au manteau bleu, Musée de Montfort l'Amaury 

    • http://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-17e-siecle/hyacinthe-rigaud.html 

     

    • http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com/

    Son célébrissime portrait de Louis XIV, que l'on peut admirer au Louvre est l'original d'un portrait que le Roi-Soleil voulait offrir à son petit-fils, le duc d'Anjou, parti régner à Madrid sous le nom de Philippe V, et devenu le premier roi Bourbon d'Espagne du fait de l'acceptation par Louis XIV du testament de Charles II, le dernier des rois Habsbourgs, qui offrait le trône d'Espagne à un prince français.

    Mais, lorsque Louis XIV vit le chef-d'oeuvre que venait de réaliser Hyacinthe Rigaud, il fut si satisfait du tableau qu'il décida de le garder pour ses propres collections, et demanda au peintre d'en réaliser une copie, qui, elle, fut, cette fois, envoyée à Madrid.

    C'est donc bien l'original du tableau que l'on admire toujours au Musée du Louvre...

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet


    Commandé par Louis XIV en 1701 pour son petit-fils, le roi d'Espagne Philippe V (l'acceptation du testament est de 1700...) ce portrait fut exposé au Salon de 1704 et fit partie des collections de Louis XIV, demeurant ensuite dans les collections royales, avant d'entrer en 1793 au Muséum musée du Louvre.

    Louis XIV est représenté à soixante-trois ans, en costume de sacre, l'épée royale au côté, la main appuyée sur le sceptre et la couronne posée sur un tabouret derrière lui; il est important de comprendre la symbolique du tableau :

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet

     

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet

     

     

    1926 : Premières sanctions vaticanes contre l'Action française, décrétées par Pie XI

     

    • "Premières", car elles seront aggravées le 8 mars suivant : le 29 décembre 1926, c'est "seulement" - si l'on peut dire... - l'ensemble des ouvrages de Maurras ainsi que le quotidien L'Action française qui sont mis à l'Index par décret du Saint-Office; mais le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française seront carrément interdits de sacrements...

    • "Sanctions" et non "Condamnation", car ni l'Action française, ni Maurras, ni le Royalisme n'ont jamais été "condamnés" par l'Église catholique.
    Lorsque l'Église catholique "condamne" un mouvement, une doctrine, une théorie, une personne... il s'agit d'un acte définitif et irrévocable, absolument irréversible, sur lequel aucun Pape ne pourra jamais revenir, jusqu'à la fin des Temps.
    Ainsi, le pape Pie XI a "condamné" le nazisme le 14 mars 1937, par la Lettre Encyclique "Mit brenender sorge", et le communisme (mot usuellement employé pour définir le "marxisme-léninisme"), le 19 mars 1937, par la Lettre Encyclique "Divini redemptoris". Aucun Pape n'est revenu sur ces "condamnations", et aucun Pape n'y reviendra jamais : jusqu'à la fin des temps, il est impossible à quiconque se dit chrétien d'adhérer aux théories nazies et marxistes, ou alors il s'exclut par là-même, et de lui-même, de l'Église catholique.
    Rien de tel ne s'est passé pour l'Action française en 1926 : aucune Lettre Encyclique n'est venue "condamner" le Royalisme, ni Maurras, ni l'Action française, et l
    es choses sont donc radicalement différentes (émanant toutes trois d'un même Pape, Pie XI) : nazisme et marxisme-léninisme furent condamnés en tant que tels, irrévocablement, alors qu'l y a "seulement" eu des "sanctions" pontificales, le 29 décembre 1926, les ouvrages de Charles Maurras ainsi que le quotidien "L'Action française" ont "simplement" été "mis à l'Index", c'est-à-dire interdits de lecture pour les catholiques. Et, un peu plus de deux mois plus tard, le 8 mars 1927, ces "sanctions" furent aggravées : les catholiques qui restaient fidèles au mouvement royaliste se voyaient privés de tout sacrement, y compris au moment de leur mort...  

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet 

    Le toujours excellent site Maurras.net a consacré à ce sujet un dossier complet, remarquable de rigueur, et qui peut être considéré comme faisant autorité :

    http://maurras.net/textes/159.html

      

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletDans ses magnifiques "Manants du Roi", Jean de La Varende a bien conté la souffrance qui résulta de ces sanctions iniques : il y consacre trois nouvelles (la septième, "La Fugue", la huitième, "L'enterrement civil" et la neuvième, "La Procession") et dédicaça la huitième de ces nouvelles ("L'enterrement civil") "Á la grande mémoire de Jacques Bainville", qui fut lui-même, en 1936, privé d'obsèques religieuses, car ce ne fut que 13 ans plus tard, en 1939, que le nouveau pape Pie XII - dont ce fut l'un des tous premiers actes - leva ces sanctions, sans aucune contrepartie ni rétractation d'aucune sorte de la part de l'Action française, ce qui prouve bien qu'elles étaient injustes et infondées...

    Fait très rare dans l'histoire de l'Église : les injustes sanctions vaticanes entraînèrent la démission d'un cardinal, Louis Billot, théologien et prêtre jésuite, créé cardinal par le pape Pie X en 1911, qui démissionna en 1927 en raison de son désaccord avec ces sanctions contre l'Action française prises par Pie XI.

    On attribue au cardinal Billot une grande partie de la rédaction de l'encyclique Pascendi, qui condamne le modernisme; ce qui est certain, c'est que le cardinal critiqua sévèrement la conduite du pape, si bien que celui-ci le convoqua au29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet Vatican. C'est le 13 septembre 1927 que Pie XI le reçut en audience : celle-ci fut étrangement brève et silencieuse. Quand Louis Billot sortit de chez le pape, il n'était plus cardinal : il s'était sans cérémonie dépouillé de ses insignes et de son titre cardinalice. Tous les insignes de l'ex-cardinal Louis Billot restèrent dans le bureau du pape, qui accepta officiellement sa démission le 21 octobre. Son geste sera expliqué publiquement, mais après sa mort, par la publication d'une de ses lettres datée du 2 mars 1928 à la revue des Jésuites, Études :

    "...J'ai toujours répondu, soit de vive voix, soit par écrit, à tous ceux qui me consultaient sur la ligne de conduite à tenir, qu'il leur fallait non seulement éviter avec soin tout ce qui aurait un semblant d'insoumission ou de révolte mais encore faire le sacrifice de leurs idées particulières pour se conformer aux ordres du Souverain Pontife. Pour ma part personnelle, je me suis, tout le premier, tenu à cette règle..." 

    Comment expliquer ces sanctions vaticanes, venant après les deux règnes très bienveillants vis-à-vis du royalisme français de saint Pie X et de Benoît XV ? Deux règnes qui durèrent tout de même 22 ans, Pie X étant élu le 4 août 1903 (décédé le 20 août 1914) et Benoît XV élu le 3 septembre 1914 (décédé le 22 janvier 1922).

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavaletOn sait que Maurras a écrit, entre autres, un ouvrage au titre éloquent, Le bienheureux Pie X sauveur de la France; et on sait aussi que la mère de Maurras, croyante fervente, et inquiète pour son fils Charles qui s'était éloigné de la religion, était allé à Rome, voir le pape, qui lui avait déclaré, en substance : je bénis son oeuvre, elle aboutira, entrevue racontée par Maurras lui-même, dans son livre Le bienheureux Pie X sauveur de la France, (Plon, 1953, pages 52/53) :

    "Ne parlez pas à votre fils de ce que je vais vous dire... Ne lui en dites jamais rien... Mais je bénis son oeuvre...". Il se tut, pour ajouter : "Elle aboutira". Tel fut le trésor que ma mère emporta de Rome. Elle ne m'en fit jamais part. Pendant les onze années qui lui restaient à vivre, elle n'y fit aucune allusion... J'eus la clef du mystère huit jours après sa mort, survenue le 5 novembre 1922. Deux amies à qui elle s'était confiée, me donnèrent le secret des paroles pontificales : mon oeuvre a été bénie de Pie X. Elle aboutira. J'avais la prophétie et la bénédiction de ce Bienheureux...

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet Quant à Benoît XV, critiqué voire haï par les deux camps durant la Guerre (chacun lui reprochant d'être l'ami de l'autre), il fut toujours très bien traité par l'Action française, et il envoya sa bénédiction personnelle à Léon Daudet, le directeur politique du journal :

    "...Or, trois semaines après, je recevais du Vatican une grande et belle photographie de Sa Sainteté Benoît XV, accompagnée de Sa bénédiction autographe et de Sa signature. Ma famille et moi étions gratifiés d'une indulgence plénière in articulo mortis..."

    Pourquoi, donc, un tel changement de la part du nouveau pontife, Pie XI, qui sera désavoué par son successeur Pie XII, à peine élu ?

    On peut envisager trois types d'explication, toutes très différentes :

    29 décembre,jean goujon,phidias,cariatides du louvre,cour carrée,fontaine des innocents,carnavalet1. Pie XI voyait d'un mauvais oeil les masses catholiques, et les masses tout court, suivre L'Action française de préférence au mouvement de L'Action catholique, qu'il espérait voir reconquérir les esprits, en France, après les fortes persécutions du début du siècle (séparation de l'Église et de l'État, expulsion des Congrégations etc...). Cet aspect sordide des choses peut surprendre, mais la jalousie n'épargne pas les ecclésiastiques... Il faut se souvenir que L'Action française venait de réunir plus de 60.000 personnes à son Rassemblement royaliste du Mont des Alouettes, en Vendée, que Léon Daudet réunissait régulièrement 20.000 parisiens, et plus, à Luna Park, et que, dans toute la France, le mouvement royaliste progressait, auréolé, entre autres, de son attitude patriotique durant la Guerre.

    Enfin, en 1925, une revue religieuse belge, Les Cahiers de la Jeunesse catholique, publiée à Louvain, ouvrit une Enquête chez ses abonnés : "Parmi les écrivains des vingt-cinq dernières années, quels sont ceux que vous considérez comme vos maîtres."

    Le 5 mai 1925, les résultats étaient publiés. Charles Maurras arrivait en tête avec 174 voix sur 460 suffrages. Le cardinal Mercier, Primat de Belgique, n’arrivait que sixième ! Maurras, non croyant, classé premier et maître de la jeunesse catholique par les jeunes catholiques eux-mêmes, avant le cardinal Mercier, relégué au sixième rang !

    Sans aucun doute, cette sorte de gifle aura, absurdement, pesé dans la balance...

    2. Ensuite, Maurras défendait l'autonomie du politique par rapport au religieux. Il ne les séparait pas, ne les opposait pas, mais il les distinguait, chacun étant autonome et indépendant dans son ordre. Pie XI n'avait pas la même conception. En admettant officiellement cette distinction et cette autonomie, en 1965, le Concile Vatican II  a donné raison à Maurras, et tort à Pie XI. Mais le mal était fait, depuis bien longtemps, et ses conséquences cataclysmiques étaient irréparables...

    3. Enfin, il faut replacer ces sanctions vaticanes dans le contexte beaucoup plus large des rapports entre l'Église et la Révolution, et la République idéologiq

  • GRANDS TEXTES (6) : Le Roi, l'éternelle solution, par Vladimir Volkoff

              Voici le texte intégral du discours prononcé par Vladimir Volkoff au Rassemblement Royaliste des Baux de Provence de 1997.

              Il est intitulé "Le Roi, l'eternelle solution".

    VOLKOFF.JPG

    Hier soir, nous avons eu une veillée autour d’un feu qui nous a d’ailleurs fort agréablement réchauffés, aussi bien le corps que l’âme, nous avons eu une veillée de chansons. Ces chansons étaient dirigées par quelqu’un qui, lui aussi, a l’autorité dans le sang, forts bien chantées par des jeunes gens et des moins jeunes. Ces chansons, ce feu, cette grande fumée dissimulée, presque clandestine, dans la terre de Provence, m’ont appris des choses.

     

    LES FANTÔMES

    J’ai essayé de chanter, moi aussi, le moins faux possible, et je regardais autour de moi et je voyais presque des enfants, je voyais des jeunes gens, je voyais des personnes d’un âge mûr, je voyais des vieillards et je voyais des fantômes. Je voyais dans ces ombres qui bougeaient autour du feu les chefs de la révolution nationale russe, ces partisans blancs dont vous connaissez si bien le chant. Je voyais l’ombre de mon grand-père, qui a été l’un de ces chefs blancs, fusillé par les bolcheviks. Je voyais DENIKINE. J’en voyais quelques autres qui étaient, d’une certaine manière mystérieuse, parmi nous.

     

    Denikine_3.jpg
     
    Anton Ivanovitch Dénikine (1872 - 1947). "Il prit, en octobre 1918, la tête d'une armée blanche d'environ 150.000 hommes, qui, appuyée par les alliés, reconquit sur les bolcheviks toute l'Ukraine et la Russie centrale, s'empara durant l'été 1919 de Kharkov, Kiev, Voronej, Orel, parvint jusqu'aux environs de Toula et menaça Moscou..." (Michel Mourre).
     
     

     

    Je voyais les chouans décharnés et mourants dans les fossés, dans le cadre du génocide vendéen. Je voyais le plus magnifique d’entre eux, Monsieur de CHARETTE. Et je me disais que, si nous chantons encore “Monsieur de CHARETTE a dit”, cela veut dire que Monsieur de CHARETTE n’est pas mort. Il a, sans parler de l’immortalité chrétienne, une immortalité parmi nous. Il est présent. S’il revenait brusquement dans cette grotte de Provence, il se croirait en Vendée. Il se dirait: “je suis vivant, nous sommes vivants, mon idée est vivante, nous sommes toujours là, nous sommes toujours fidèles”.

    Bien sûr, parmi ces fantômes, il en est un encore plus majestueux que les autres: il y avait le fantôme du roi, du Roi et de tous les rois. Ces fantômes étaient présents parce que le roi est l’éternelle solution et qu’il ne pouvait pas ne pas être là puisqu’il y avait une poignée de fidèles qui, contre toutes ces horreurs qui nous menacent, chantaient des chansons dans la nuit. Il y avait là un message d’espoir inextinguible.

    Même si nous devons périr, même si nous devons être vaincus, ce sera un très grand honneur d’avoir été les derniers, non, les avant-derniers car j’ai entendu les jeunes orateurs de ce matin, et je sais que la relève est prête, d’avoir été au pire les avant-derniers porteurs de ce flambeau qui ne veut pas mourir. Ce flambeau brûle dans nos cœurs et il nous dit: le roi est l’éternelle solution.

    Je veux tout de suite dire qu’il y a une objection: nous avons entendu surtout des messages tragiques et je n’ai malheureusement pas de bonne nouvelle à vous donner. Nous ne sommes pas cette année plus nombreux que nous ne l’étions les années passées. Nous sommes, il faut bien que nous en prenions conscience, une poignée de témoins.

     

    QUE FAIRE ?

    Tout à l’heure, j’ai été interviewé par une charmante journaliste de FR3 qui me disait: “Mais, Monsieur, n’avez-vous pas l’impression de prêcher dans le désert?”. Je lui dit: “Mademoiselle, je n’ai pas du tout le sentiment de prêcher. J’ai le sentiment de témoigner et on peut témoigner dans le désert. C’est toujours au moins une satisfaction personnelle et cela peut être une utilité”. L’objection, c’est: “oui, mais que va-t-on faire?”.

    Je me souviens avoir parlé un jour dans une réunion fort brillante à Paris et j’essayais de montrer le caractère sacré de la royauté. Un monsieur en smoking, juste devant moi, s’agaçait beaucoup et, lorsque j’eus terminé, il me dit: “Bon, d’accord, mais le coup d’état, quand est-ce qu’on le fait ?”.

    Je ne sais pas quand on fait le coup d’état. Je ne sais pas quand 95% des Français voteront pour le rétablissement de la royauté. De tout cela, je ne sais rien. Mais je sais aussi que, si la Belgique est encore une nation, c’est grâce au roi. Je crois aussi qu’en Espagne, si la guerre civile n’a pas éclaté de nouveau, c’est grâce au roi. Et je sais que, si nous avons encore un ami en Afrique du Nord et si cet ami conserve encore une paix précaire dans son pays, c’est parce que c’est un roi, le roi du Maroc.

     

    juan carlos tejero.jpg
     
    23 février 1981 : lors de la tentative de Coup d'Etat du Lieutenant-colonel Tejero,
    le Roi d'Espagne apparaît à la télévision pour enjoindre aux militaires de rester -ou de rentrer...- dans leurs casernes.
    "Je crois aussi qu’en Espagne, si la guerre civile n’a pas éclaté de nouveau, c’est grâce au roi."

            

     

    Donc, j’accepte tout à fait l’objection selon laquelle la monarchie n’est peut-être pas pour demain en France mais je récuse totalement l’objection selon laquelle la monarchie ne serait pas moderne. Au contraire, elle me paraît extrêmement moderne.

    Je voudrais vous dire que le rétablissement de la monarchie n’est pas du tout exclu en Russie où je vais souvent et je pense que je connais assez bien le problème . C’est une possibilité, ce n’est pas une promesse que je vous fais. Un autre pays, dont je parle souvent en ce moment, est la Bosnie serbe où la restauration de la dynastie des KARAGEORGES n’est pas exclue non plus, sans parler de la Roumanie, sans parler de l’Albanie, sans parler de la Bulgarie. Tout est possible d’une certaine manière.

    Nous vivons une période où la monarchie sera peut-être récusée mais peut-être prouverons-nous qu’elle est le seul obstacle possible à cette mondialisation, après l’européanisation dont nous avons tant entendu parler.

    Le roi, l’éternelle solution. Les mots sont très bien choisis et je me suis dit que je vais faire un exposé en trois points: le roi - éternelle - solution. Ca va très bien avec mon éducation secondaire: avec trois points, on réussit toujours. Puis, je me suis dit: qui dit solution, dit problème, et peut-être que, plutôt que de faire un exposé un peu bateau, il vaut mieux commencer par les problèmes.

     

    LES HOMMES ONT BESOIN D’ETRE GOUVERNÉS

    Le premier problème qui se pose à toutes les sociétés des hommes, c’est que ce que les chrétiens expliquent par le récit de la chute a eu lieu et que par conséquent les hommes ne sont pas parfaits, qu’ils ne sont pas tous très gentils et qu’ils ont besoin d’être gouvernés. C’est le premier problème politique: les hommes ont besoin d’être gouvernés.

    S’ils ne sont pas gouvernés, ils s’entre-mangent et celui qui a mangé le plus des autres commence à gouverner ceux qu’il n’a pas eu le temps de manger, ce qui est la loi de la jungle, ce qui est une façon de régler le problème, mais il y en a peut-être d’un peu plus civilisées et la monarchie nous apporte une de ces solutions pour régler la seule nécessité que les hommes ont besoin d’être gouvernés. Je ne dit pas que c’est la meilleure mais c’est une des solutions. Le roi est une des solutions à la nécessité qu’ont les hommes d’être gouvernés. Il y a fondamentalement deux sortes de gouvernements :

    * les gouvernements paternels où la personne qui a l’autorité est donnée a priori c’est le père, ce sont les parents qui gouvernent la famille, qui gouvernent leurs enfants. C’est la structure royale, bien entendu. C’est une structure absolument fondamentale.

    * les structures par contrat social.

    J’ai entendu un excellent orateur, Yves-Marie GADELINE, qui exprime la même chose de manière différente. Il dit qu’il n’y a que des gouvernements par institution et des gouvernements par constitution. Une constitution, c’est quand, par exemple, nous nous mettons tous d’accord pour dire que Monsieur X va nous gouverner. Il y a une institution lorsque nous recevons les tables de la loi au sommet du Mont Sinaï ou telle autre manifestation d’une autre autorité qui nous dit: “C’est Monsieur X qui va nous gouverner”. Ce sont deux structures totalement différentes, une structure paternelle héritée d’en haut et une structure d’accord entre nous. Il est bien évident que l’une et l’autre règlent plus ou moins bien ce premier problème auquel je faisais allusion qui est que les hommes ont besoin d’être gouvernés. Je pense que les structures paternelles sont mieux adaptées à la nature humaine déchue que les structures constitutionnelles mais, bien entendu, on peut en discuter.

    Un autre problème, c’est que, la nature humaine est ainsi faite: il y a des forts et des faibles. Cette force et cette faiblesse, à l’époque de l’homme des cavernes, c’était simplement les costauds et les gringalets. Ce sont ensuite les féodaux et leurs serfs. Ce sont les capitalistes et les ouvriers. A notre époque, ce sont les multinationales et leurs employés. Les puissants, ce sont quelquefois les psychocrates, c’est-à-dire ceux qui manipulent tous les mass médias qui nous manipulent à leur tour,. Il y aura toujours et il y a toujours eu une opposition entre les puissants et les moins puissants, les forts et les faibles. Le rôle de tout gouvernement des hommes est nécessairement de limiter quelque peu la puissance des puissants et de protéger les moins puissants contre les plus puissants.

     

    LE ROI CONTRE LES FÉODAUX

    Bouvines 1.jpg
     
    A Bouvines, Philippe Auguste - qui a soutenu partout le mouvement communal, contre les féodaux - s'adresse ainsi à ses troupes, avant la bataille : "Je porte la couronne mais je suis un homme comme vous... Tous vous devez être rois et vous l'êtes, par le fait, car sans vous je ne puis gouverner"...

            

    C’est l’un des domaines où la monarchie doit vraiment recevoir de bonnes notes dans tous les pays du monde parce que les monarques ont toujours essayé de limiter les droits des féodaux, les droits des forts, les droits des riches, parce que c’était leur intérêt même, sans parler d’altruisme ou de générosité. C’était l’intérêt des monarques de s’appuyer sur la masse des faibles (les faibles sont toujours plus nombreux que les puissants).

    Les rois de France ont assis leur puissance sur la petite bourgeoisie et le peuple contre les grands féodaux. Voyez RICHELIEU. Je pense aussi à l’histoire de Russie où IVAN le Terrible a assis son pouvoir sur le peuple contre les boyards. Je pourrais bien penser aussi à JULES CÉSAR, à AUGUSTE et on peut remonter dans la nuit des temps. Le monarque a toujours été le protecteur du faible contre le fort. Pourquoi ? Pour obtenir un certain équilibre dont lui-même tirait certains avantages.

     

    DROITE ET GAUCHE

    Autre problème: la notion de droite et la notion de gauche. Ces expressions sont récentes. Elles ont deux cents ans à peu près. Mais l’idée qu’il y a une droite, des partis de droite, qu’il

  • GRANDS TEXTES (2) : L'inoxydable 24ème chapitre de ”Kiel et Tanger”, de Charles Maurras

    De "Kiel et Tanger", Boutang a dit qu'il était "un acquis pour la suite des temps"...

    Nous avons choisi d'en reproduire in extenso le fameux chapitre XXIV, intitulé "Que la France pourrait manoeuvrer et grandir". Son actualité laisse rêveur...

    De nombreuses personnalités de tout premier plan - Georges Pompidou, alors Président de la République en exercice, pour ne prendre qu'un seul exemple... - n'ont pas caché l'intérêt qu'elles portaient à cet ouvrage, ni l'influence que le livre en général, et ce chapitre XXIV en particulier, avaient exercé sur elles : on les comprend, quand on le (re)lit...

    Mais, d'abord, un petit rappel historique : 18 juin 1895, Gabriel Hanoteaux - Ministre des Affaires étrangères - se rapproche de l'Allemagne et cultive l'alliance russe : les escadres allemande, russe et française se rencontrent et paradent devant le canal de Kiel, en mer Baltique. Presque dix ans plus tard, les radicaux ayant pris le pouvoir en France, Delcassé inverse cette politique extérieure, et parvient à l'Entente cordiale avec l'Angleterre.

    En guise de représailles et d'avertissement à la France, Guillaume II débarque à Tanger, le 31 mars 1905, pour manifester sa puissance et contrecarrer les visées françaises dans la région...

    Maurras en tire la conclusion que la République française n'a pas de politique extérieure, entre autres choses parce que ses institutions ne le lui permettent pas...

     

    maurras,kiel et tanger,france,republique,roi,royaute,islam

           

    Chapitre XXIV : Que la France pourrait manœuvrer et grandir.

     

    Alors, pour n'avoir pas à désespérer de la République, bien des républicains se sont résignés à un désespoir qui a dû leur être fort douloureux : ils se sont mis à désespérer de la France. Résistance, vigueur, avenir, ils nous contestent tout. Ce pays est peut-être absolument épuisé, disent-ils. Sa dégression militaire et maritime n'exprime-t-elle pas un état d'anémie et d'aboulie sociales profondes ? Sans parler des mutilations que nous avons souffertes, n'avons-nous pas diminué du seul fait des progrès de l'Univers ?

    La population de l'Europe s'est accrue. L'Amérique s'est colonisée et civilisée. Nos vingt-cinq millions d'habitants à la fin du XVIIIème siècle représentaient la plus forte agglomération politique du monde civilisé. Aujourd'hui, cinq ou six grands peuples prennent sur nous des avances qui iront bientôt au double et au triple. La terre tend à devenir anglo-saxonne pour une part, germaine pour une autre. Slaves du Nord, Slaves du Sud finiront par se donner la main. L'Islam renaît, le monde jaune s'éveille : à l'un l'Asie, l'Afrique à l'autre.

    Que pourra faire la petite France entre tous ces géants ? Barbares ou sauvages, à plus forte raison si elles sont civilisées, ces grandes unités ne paraissent-elles pas chargées de la dépecer ou de l'absorber par infiltrations graduelles ? Peut-elle avoir un autre sort que celui de la Grèce antique ?

     

    grece antique.jpg
     
    D'immense Empire macédonien sous Alexandre (ci dessus),
    la Grèce antique est devenue par la suite
    une minuscule portion de l'immense Empire romain (ci dessous) :
     
    un sort de ce type attend-il la France ?...
     
    Empire romain apogée.JPG

               

     

    Ceux qui font ce raisonnement oublient trop que, des grandes agglomérations nationales qui nous menacent, les unes, comme l'Italie et l'Allemagne, ne sont pas nées de leur simple élan naturel, mais très précisément de notre politique révolutionnaire, et les autres ne sont devenues possibles qu'en l'absence d'une action vigoureuse de Paris. En général, elles sont nées extérieurement à nous, des mouvements nationalistes que notre politique nationale n'a pas été en état de combattre ou même qu'elle a sottement servis et favorisés. Nous avons favorisé l'unification des peuples européens, nous avons laissé faire l'empire britannique.

    L'Amérique avait été séparée par Louis XVI de l'Angleterre, et son histoire ultérieure eût été un peu différente si Louis XVI avait eu quatre ou cinq successeurs réguliers, c'est-à-dire aussi versés dans l'art de pratiquer des sécessions chez les voisins que de maintenir entre les Français l'unité, la paix et l'union…louis xvi independance etats unis.jpg

    L'Amérique avait été séparée de l'Angleterre par Louis XVI...
    (Traité de Versailles, 1783)
     
     
     

    Notre natalité a baissé ? Mais il n'est pas prouvé que cette baisse soit indépendante de nos lois politiques, ces chefs-d'œuvre de volonté égalisante et destructive qui tendent à rompre l'unité des familles et à favoriser l'exode vers les villes des travailleurs des champs. Il n'est pas prouvé davantage qu'on ne puisse y remédier, directement et sûrement, par un certain ensemble de réformes profondes doublées d'exemples venus de haut. Une politique nationale eût changé bien des choses, du seul fait qu'elle eût existé. Elle en changerait d'autres, si elle profitait des réalités favorables qu'une diplomatie républicaine, condamnée à l'inexistence ou à la démence, ne peut que laisser échapper.

    Plus d'une circonstance très propice semble nous sourire aujourd'hui. Il suffirait de voir, de savoir, de prévoir. C'est nous qui manquons à la fortune, nous n'avons pas le droit de dire que l'occasion fera défaut. On se trompe beaucoup en affirmant que l'évolution du monde moderne ne peut tendre qu'à former de grands empires unitaires. Sans doute une partie de l'univers s'unifie, mais une autre tend à se diviser, et ces phénomènes de désintégration, comme dirait Herbert Spencer, sont très nombreux. Les virtualités de discorde, les causes éventuelles de morcellement, les principes de guerres de climats et de guerres de races existent, par exemple, aux États-Unis ; ils y sont moins visibles que l'impérialisme, mais le temps, les heurts du chemin et des brèches adroites pratiquées de main d'homme les feraient apparaître facilement un jour.

    Une foule de petites nations séparées se sont déjà formées au XIXe siècle en Europe, comme en peut témoigner la mosaïque des Balkans, dont nous n'avons su tirer aucun parti pour la France. La Norvège et la Suède ont divorcé. La Hongrie semble parfois vouloir rompre avec l'Autriche, qui elle-même est travaillée des revendications croates et roumaines. Cela fait entrevoir beaucoup de possibles nouveaux.

     
    urss.jpg
     
    L'URSS : création, expansion..., disparition !
     
     
     
     

    Ce serait une erreur profonde que de penser que tout petit peuple récemment constitué doive fatalement se référer, en qualité de satellite, à l'attraction du grand État qui sera son plus proche parent, ou son plus proche voisin, ou le plus disposé à exercer sur lui, par exemple, la tutelle affectueuse de l'Empire britannique sur le Portugal.

    Les Slaves du Sud ne sont pas devenus aussi complètement vassaux de Saint-Pétersbourg que l'indiquaient leurs dispositions d'autrefois. Le tzar blanc les recherche ; il leur arrive d'accepter ses bienfaits comme vient de le faire le nouveau roi des Bulgares. Mais les Slaves sont repoussés par une crainte autant qu'attirés par un intérêt : la monarchie austro-hongroise peut les grouper. À supposer que Budapest devienne indépendante, de sérieux problèmes de vie et de liberté se posent pour les Magyars placés entre le Hohenzollern de Berlin et celui de Bucarest. On soutient que, dans cette hypothèse, le Habsbourg serait vivement dépouillé par le roi de Prusse. C'est bientôt dit. D'autres solutions sont possibles, qui seraient plus conformes au nationalisme farouche des États secondaires, celle-ci notamment : l'addition fédérale ou confédérale de tous ces États moyens tendant et même aboutissant à former un puissant contrepoids aux empires. Il n'y faudrait qu'une condition : cet ensemble ayant besoin d'être organisé, il resterait à trouver l'organisateur, ou, si l'on veut, le fédérateur, car rien ne se forme tout seul.

    Le choc des grands empires, remarquons-le, pourra multiplier le nombre de ces menues puissances qui aspireront ainsi à devenir des neutres. Chaque empire éprouvera une difficulté croissante à maintenir son influence et sa protection sans partage sur la clientèle des nationalités subalternes. La liberté de celles-ci finira par être partiellement défendue par le grave danger de guerre générale qui résultera de toute tentative d'asservir l'une d'elles ou d'en influencer une autre trop puissamment.

    Le monde aura donc chance de se présenter pour longtemps, non comme une aire plane et découverte, abandonnée à la dispute de trois ou quatre dominateurs, non davantage comme un damier de moyens et de petits États, mais plutôt comme le composé de ces deux systèmes : plusieurs empires, avec un certain nombre de nationalités, petites ou moyennes, dans les entre-deux.

     

    CARICATURE EQUILIBRE DE LA TERREUR.jpg
     

    Caricature américaine des années 50 sur l'équilibre de la terreur.

    Sur les missiles est inscrit : "Ne doivent en aucun cas être utilisé, l'ennemi pourrait répliquer."

     

               

    Un monde ainsi formé ne sera pas des plus tranquilles. Les faibles y seront trop faibles, les puissants trop puissants et la paix des uns et des autres ne reposera guère que sur la terreur qu'auront su s'inspirer réciproquement les colosses. Société d'épouvantement mutuel, compagnie d'intimidation alternante, cannibalisme organisé !

    Cette jeune Amérique et cette jeune Allemagne, sans oublier cette vieille Autriche et cette vieille Angleterre qui rajeunissent d'un quart de siècle tous les cent ans, auront des relations de moins en moins conciliantes et faciles. Peu d'alliances fermes, mais un plexus de traités et partant de litiges. La rivalité industrielle entre les empires est déjà très âpre ; il serait utopique de chercher de nos jours leur principe d'accord, ni comment cet accord pourra durer entre eux.

    Quantum ferrum ! On ne voit au loin que ce fer. La civilisation occidentale a fait la faute immense d'armer les barbares, l'Abyssinie contre l'Italie, le Japon contre la Russie. Erreurs qui ne peuvent manquer d'engendrer à la longue de nouvelles suites d'erreurs. On a salué dans Guillaume II le prince généreux qui voulut grouper l'Europe contre les Jaunes. Et c'est lui qui arme les multitudes sauvages de l'Asie blanche et de l'Afrique noire contre l'Angleterre et la France.

    Mais, s'il est le coadjuteur de la Porte et le protecteur de l'Islam, il ne lui serait pas facile de ne pas l'être : les empires contemporains subissent de plus en plus cette loi de travailler contre leur commune racine, la chrétienté et la civilisation. C'est un des résultats de leur progrès matériel. À ne regarder que les intérêts, l'intérêt de la seule métallurgie en Allemagne, en Angleterre et en Amérique suffit à rendre chimérique toute union des civilisés, tout pacte civilisateur. Concurrence : d'où tremblement universel.

     

    eurodollar-300ed.jpg
     
    Rivalités industrielles, guerres économiques...
     
     

               

    Eh bien ! dans cet état de choses, entre les éléments ainsi définis, ce tremblement et cette concurrence fourniraient justement le terrain favorable et le juste champ d'élection sur lequel une France pourrait manœuvrer, avec facilité et franchise, du seul fait qu'elle se trouverait, par sa taille et par sa structure, très heureusement établie à égale distance des empires géants et de la poussière des petites nations jalouses de leur indépendance.

    Les circonstances sont propices à l'interposition d'un État de grandeur moyenne, de constitution robuste et ferme comme la nôtre.