France, Etats-Unis : deux républiques, et pourtant si différentes !...
La simple observation de ce qui s’est passé encore cette fois-ci (et qui se passe à chaque élection…) ne pourrait-elle pas nous conduire à une sorte de réflexion/méditation sur la nature même des régimes de nos deux pays ? Ils sont officiellement, tous les deux, républicain et démocratique. Et pourtant, quelle différence, que de différence, entre ce qui se passe ici et ce qui se passe là-bas ! Ne pourrait-on essayer de se poser la question du pourquoi ?
Sitôt la victoire d’Obama connue (en fait un quart d’heure à peine après l’annonce du résultat) on a entendu un Mac Cain très élégant féliciter chaleureusement son adversaire, dire son respect pour lui, et affirmer que dorénavant c’est toute l’Amérique, rassemblée, qui allait se battre, unie, pour affronter et surmonter ses difficultés. Il n’y a pas, là-bas, d’idéologie qui passe avant la cause des Etats-Unis d’Amérique. En fait d’idéologie, s’il y en a une, c’est celle de la mission mondiale et de la nécessaire suprématie américaine. En pratique, il y a un pays, que l’on sert, et tout se termine en appelant l’intercession de Dieu par le célèbre et traditionnel « God bless America ». Ceci se passe d’ailleurs, répétons le, à chaque élection.
Une telle courtoisie, une telle hauteur de vue sont-elles constatées ici, chez nous ? On se souviendra qu’après la victoire de Sarkozy, Laurent Fabius avait répondu à un journaliste qui lui demandait ce qu’il comptait faire ! "Eh bien, nous allons défendre les français…" ! Respect de l’adversaire au-delà de l’Atlantique, mépris en deçà. Et, bien sûr, pas la moindre invocation à Dieu, ni en paroles, ni en pensées, ni en action !.....
Cela est-il simplement anecdotique ? Nous ne le pensons pas. Républicains et démocrates, les Etats-Unis se reconnaissent une autorité supérieure, à laquelle ils se confient, et cela suffit à relativiser toute opposition, toute différence de programme. On se combat, on s’oppose, mais on peut se respecter et même travailler ensemble car on sait qu’il y a quelque chose au dessus (en religion on appelle cela la transcendance…).
Mais chez nous ? Cette élégance et ce respect sont impossibles, pour une raison bien simple. La révolution, et la république qui en a découlée, a banni l’idée de Dieu, donc la transcendance, et elle s’est considérée elle-même comme étant « la » nouvelle religion, se proclamant source et fin à la fois de toute activité politique ici-bas. Toute opposition à elle est donc vécue comme quelque chose de tout simplement incompréhensible, et donc inadmissible. On ne peut admettre de débat que dans le cadre du système républicain, en excluant d’office tous ceux qui ne le trouveraient pas bon. Et même dans le cadre du système, ceux qui s’en prétendent les vrais défenseurs , les plus exaltés, exerceront toujours une sorte de contrainte morale sur les plus modérés, constamment soupçonnés d’être trop tièdes…..
Voilà pourquoi la « démocratie de droit divin » des Etats-Unis nous donne, à chaque élection, une belle leçon. Il est à la fois amusant –et triste- de voir nos républicains d’ici se pâmer d’aise à chaque fois : comment n’en voient-ils pas la cause profonde, qui tient précisément à ce que les Pères fondateurs des USA n’ont pas fait là-bas ce qu’ils ont fait eux-mêmes, ici, de l’idée républicaine et démocratique ? et qu'on n'a, là-bas, ni leur conception totalitaire du régime, ni par conséquent leur pratique de ce régime......
Loin de nous l’idée de faire de la démocratie américaine un modèle. Encore moins d’y voir une quelconque « perfection ». Le rôle de l’argent y est, par exemple, considérable et, dans une certaine mesure, l’élection du président des Etats-Unis est en quelque sorte « achetée ». Il n’en reste pas moins que, malgré l’âpreté des campagnes électorales, sans-doute parce que la démocratie est, de fondation, le régime historique des Etats-Unis et parce que, dans une large mesure, il s’agit aussi d’un système patricien, la transmission du pouvoir y a quelque chose de digne, d’unitaire et de patriotique dont, malheureusement, notre République est totalement dépourvue.
La France révolutionnaire a la fâcheuse tendance de vouloir toujours donner des leçons à tout le monde. Ne faudrait-il pas, aussi, de temps en temps, qu’elle sache en recevoir ?