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  • Feuilleton : ”Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu”... : Léon Daudet ! (135)

     

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     (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : Pourquoi l'AF choisit-elle "l'Union sacrée" ?...

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    ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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    Le Défilé de la Victoire, rendue possible par l'union sacrée, le 14 juillet 1919...

     

    Dès les années qui suivirent sa victoire, en 1870, Bismarck ne cacha pas ses intentions "d'en finir" avec la France, qui se relevait décidément trop vite, et qu'il n'avait pas suffi d'écraser militairement, ni d'amputer de deux de ses Provinces de l'Est.
    Bismarck intervint d'abord, fort intelligemment, dans nos affaires intérieures, en faisant tout ce qui était en son pouvoir pour favoriser l'avènement de la République, au lieu de la monarchie : agissant ainsi, il ne faisait d'ailleurs que nous rendre la monnaie de notre pièce, les Rois de France ayant manoeuvré pendant des décennies pour éviter l'unité de l'Allemagne, en favorisant l'émiettement "des" Allemagnes, pour avoir la paix de ce côté-là...
    En oeuvrant en sous-main "contre Henri V", Bismarck ne faisait qu'affaiblir la France comme les Rois de France avaient affaibli l'Allemagne...
    Il fut puissamment aidé dans sa tâche par Thiers et, surtout, par Gambetta : que la République, en France, ait été souhaitée, voulue et, même, favorisée par Bismarck et par l'Allemagne est un fait historique bien établi.
    Dès son avènement, donc, en 1875, la république portait cette tâche originelle : être, en France, selon la formule fameuse de Maurras, "le règne de l'étranger".
    Il est faible de dire que sa "légitimité", évidemment, s'en ressentait...
    Pourtant, au-delà du Régime, il y avait la France. Et la France, même vaincue et amputée, même en République, restait un grand pays, toujours dangereux pour Bismarck, qui avait bien avancé, mais pas tout à fait parachevé, sa toute récente unité allemande.
    Il était donc de notoriété publique que l'Allemagne cherchait le moindre prétexte pour reprendre les hostilités et, cette fois, se débarrasser définitivement de la France.
    On le sait, c'est Napoléon III, déjà très malade (il devait mourir trois ans après le début des hostilités) qui avait commis la folie de déclarer la guerre à une Allemagne prête et archi-prête, alors que la France, elle, sans alliés, n'était absolument pas prête pour un tel conflit; et de plus, au contraire, Napoléon III avait fait tout ce qu'il ne fallait pas faire pour laisser l'Allemagne - contre laquelle il se lançait maintenant follement... - se constituer en grande puissance; et d'abord réaliser son unité, au nom du funeste "principe des nationalités".
    Mais, à partir des années 1880, on savait que, cette fois, ce serait l'Allemagne qui déclarerait la guerre.
    À l'Action française, on savait cela : on savait qu'il fallait "faire le Roi" avant que la guerre n'éclate, car, après, ce serait beaucoup plus difficile.
    On connaît l'histoire : "faire le roi" ne fut pas possible.
    Et, donc, lorsque l'Empereur Guillaume II déclara la guerre à la France, un redoutable dilemme se posa aux royalistes : l'union sacrée contre l'ennemi, certes, mais faire gagner la France, c'était aussi, faire gagner... la République; et donc lui donner - un comble ! - cette "légitimité" qui lui manquait depuis ses origines.
    La guerre décima la jeunesse française, évidemment sans distinction d'opinions politiques ni de croyances religieuses; mais elle décima aussi la jeunesse d'Action française, une partie de "la fleur" du mouvement, qui mourut, certes, pour la France, mais dont le sacrifice, aussi, contribua, "volens nolens", à laver la république de sa tâche originelle et, donc, à l'affermir. La moitié des Camelots du Roi partis au Front ne revint pas...
    Mais, la guerre nous étant imposée, le moyen de faire autrement ?...
    Imagine-t-on un seul instant "les royalistes" refuser de faire la guerre, appeler à déserter, trahir "la Patrie en danger" ? C'était, évidemment, tout simplement impensable : la tragédie fut qu'il n'y eut pas d'alternative.
    Après avoir tout fait pour tâcher d'éviter la guerre, une fois la guerre survenue, on ne pouvait évidemment que tout faire pour la gagner...
    La tenaille redoutable dans laquelle se trouva prise l'Action française, et qui devait la broyer, la broya, en effet : avec la résistance acharnée du Système (qui employa tous les moyens, des plus "normaux" aux plus brutaux), la guerre de 14 est bien l'une des causes principales de "l'échec" - à vues humaines... - de l'Action française...

    Léon Daudet, rapportant une conversation avec Clemenceau, a bien résumé la chose, et expliqué pourquoi, pour l'Action française, "l'Union sacrée" s'imposa, malgré toute autre considération, et dès le début, comme une évidence...

    De "Député de Paris", pages 39/40 :

    "...En ce qui concerne l'Action française, journal et mouvement, une remarque doit être faite : contrairement aux républicains sous Napoléon III, qui se réjouirent du désastre de Sedan au cri de : "Les Armées de l'Empire sont battues !" nous fûmes les premiers à proclamer, et de quel coeur, l'union sacrée devant l'ennemi.
    Après la paix, parlant affectueusement avec l'un d'entre nous, Clemenceau s'en étonnait :
    "Vous aviez là l'occasion de votre coup d'État et vous ne l'avez pas saisie !"
    Il lui fut répliqué que nous eussions considéré comme criminel de couper l'esprit national en deux en un pareil moment.
    Supprimer la République, sans blesser douloureusement la Patrie, voilà ce qui a toujours été dans nos voeux..."

    Et, dans "Vers le Roi", page 121 :

    "...Les républicains, pour renverser l'Empire, n'ont pas hésité à recourir à l'insurrection devant l'ennemi.
    Une telle attitude est évidemment en opposition formelle avec la doctrine de l'Action française, laquelle met la Patrie avant tout. Elle serait en horreur à tous ses membres.
    Lorsque, le régime républicain n'ayant su ni prévoir, ni prévenir, ni préparer la guerre, la France, au 3 août 1914, fut attaquée par l'Allemagne, ce régime n'eut pas d'auxiliaires plus dévoués ni plus désintéressés que nous.
    Sa partie demeurée paradoxalement saine et patriotique vit rapidement se dresser contre elle sa partie logiquement putréfiée.
    Ce qui demeurait français dans la République subit l'assaut de ce qui obéissait aux ordres de l'Allemagne.
    Tout notre mouvement se porta à l'aide des premiers contre les seconds.
    À maintes reprises, il nous eût été facile, bénéficiant de l'assentiment et parfois de l'enthousiasme public, de pousser l'avantage national, assuré par notre coopération, jusqu'au point où il fût devenu "notre" avantage.
    Nous ne le fîmes point - quelle que fût demeurée et même accrue notre conviction, quant à la nocivité des institutions républicaines - parce que la formule de l'union sacrée nous était précisément sacrée..."

    Dans "La pluie de sang" (page 86), Léon Daudet tient cependant à "établir les faits"... :

    "...Car l'union sacrée nous a permis de gagner la guerre.
    Mais elle serait un leurre, si elle devait maintenant masquer pieusement la vérité historique (que nous prétendons établir ici) et qui met à l'origine du massacre l'aberrante politique des républicains, maîtres du pouvoir, chez nous, depuis un demi-siècle.
    Parmi ces gouvernants républicains, la plupart ont préféré leur parti à l'intérêt français tout court.
    D'autres ont ignoré totalement l'Allemagne.
    Une troisième catégorie enfin (dont Caillaux est le prototype), était aux ordres de l'Allemagne..."

  • Éphéméride du 8 mai

        Paris : Statue de Jeanne d'Arc, Place des Pyramides 

     

     

    1429 : Jeanne d'Arc libère Orléans   

         

    Avant l'arrivée de Jeanne, il y a "grande pitié au royaume de France"  :

    les Anglo-Bourguignons tiennent tout le nord du pays ;

    Orléans, assiégée depuis sept mois, va succomber à la famine ;

    Charles VII, le "gentil dauphin", est réfugié à Chinon, où il est bien seul;

    la capitale est aux mains des Anglais : Henri VI, le "petit roi godon", y règne...

    À l'arrivée de Jeanne, tout change : dans l'enthousiasme qui suit la libération d'Orléans, Jeanne électrise ses soldats et, dans la foulée, va bousculer les Anglais à Patay; elle a compris que Charles VII (dont la naissance légitime avait été mise en doute par sa propre mère, Isabeau de Bavière) ne sera pas reconnu roi légitime à la suite d'une ou deux victoires : c'est à Reims qu'il faut aller !

    Comme l'écrit Jacques Bainville, "la grande idée de Jeanne, c'est le sacre de Reims..."

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    Et, depuis, chaque année, la ville d'Orléans commémore l'évènement en organisant les très belles Fêtes Johanniques à Orléans durant lesquelles la ville entière entonne la Cantate à Jeanne d'Arc : 

     

     

     www.stejeannedarc.net/chroniques/journal_siege_orleans.php

     

    Et, dans notre album L'aventure France racontée par les cartes, voir la photo "Guerre de Cent ans (4/4) : deuxième rétablissement"

     

    La Geste héroïque de Jeanne est un moment fondamental de notre Histoire nationale : ses moments essentiels en sont relatés dans ces Éphémérides aux 25 février (rencontre de Jeanne et du Dauphin, à Chinon), 8 mai (libération d'Orléans), 18 juin (victoire de Patay), 17 juillet (sacre de Reims), 23 mai et 21 novembre (capture, et livraison aux Anglais), 30 mai (martyre), 16 mai (canonisation), 10 juillet (instauration de la Fête nationale).  

     

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    1794 : "La République n'a pas besoin de savants !"

     

    Antoine Laurent de Lavoisier est  guillotiné sur la Place de la Concorde, anciennement Place Louis XV...

    Très jeune encore, il accompagne Guéchard pour les premiers levers géologiques du Bassin parisien et publie Le meilleur système d'éclairage de Paris, qui lui vaut d'être admis à l'Académie des Sciences à 25 ans.

    Ses travaux scientifiques en font un des plus grands savants de l'humanité. Il a été le fondateur de la chimie moderne (il est le découvreur de l'oxygène) et a fait faire des progrès considérables à la physiologie.

    Ses recherches agronomiques, bien que moins connues, sont elles aussi exemplaires. Étant l'un des 28 Fermiers généraux, Lavoisier est stigmatisé comme traître par les révolutionnaires en 1794 et guillotiné lors de la Terreur à Paris, le 8 mai 1794, à l'âge de 51 ans, en même temps que l'ensemble de ses collègues.

    Ayant demandé un sursis pour pouvoir achever une expérience, il s’entend répondre par Jean-Baptiste Coffinhal, le président du tribunal révolutionnaire : 

     

    "La République n'a pas besoin de savants ni de chimistes ; le cours de la justice ne peut être suspendu." !

     

    Le-dit Coffinhal sera lui-même guillotiné trois mois plus tard, le 6 août 1794... 

    Cette célérité s'explique par le fait que les biens des condamnés étaient confisqués au profit de l'État et les Fermiers généraux possédaient les plus grosses fortunes de France...

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    1837 : Mort de Jules Dumont d'Urville, découvreur de la Terre Adélie
     
     
     
    8 mai,jeanne d'arc,orleans,guerre de cent ans,lavoisier,bainville,charles vii,chinon,dumont d'urville,montagne pelée,antillesInvité au voyage inaugural du chemin de fer Paris-Versailles, le train dans lequel il se trouvait dérailla à la hauteur de Meudon, et prit feu.
     
    Mais les portières avaient été verrouillées de l'extérieur, par mesure de sécurité...
     
    Le héros du Pôle Sud, sa femme et son fils périssent en compagnie de 56 passagers dans ce qui est la première catastrophe de l'histoire ferroviaire. 
     
     
     
    Sur Dumont d'Urville, voir également l'Éphémeride du 22 avril (découverte des restes de l'expédition de La Pérouse), l'Éphéméride du 23 mai (sur le signalement qu'il fit de la découverte de la Vénus de Milo) et l'Éphéméride du 19 janvier (sur sa découverte de la Terre Adélie)...
     
     
     
     
     
     
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    1902 : Éruption de la montagne Pelée         
     
    Volcan alors considéré comme endormi, la montagne Pelée domine la ville la plus peuplée des Antilles françaises.
     
    Le 25 avril, une légère fumée s’échappe de son sommet. Le 8 mai, à l’aube, une coulée de lave et de cendres se répand en direction de la ville. En deux minutes, toutes les maisons sont détruites. 30.000 à 40.000 habitants trouvent la mort...
     
    Seul survivant : un prisonnier enfermé dans un cachot souterrain de la prison...

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    Le site, aujourd'hui (ci dessus) et une photo d'époque (ci dessous) montrant sa dévastation...

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    Les volcans et forêts de la montagne Pelée et les pitons du nord de la Martinique ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, lors de la 45e session du Comité du patrimoine mondial qui se tient actuellement en Arabie saoudite. Ce site est le 50e bien français du patrimoine mondial...
     
     

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    1921 : Premier Défilé de la Fête nationale de Jeanne d'Arc et du Patriotisme...

     

    L'Action française : organe du nationalisme intégral / directeur politique : Henri Vaugeois ; rédacteur en chef : Léon Daudet - vue 1 - page 1

    Les tous premiers hommages à Jeanne d'Arc lui furent rendus par la toute jeune Action française et les tous jeunes Camelots du Roi à la suite des propos insultants et injurieux tenus par un obscur professeur d'Histoire, Amédée Thalamas, dès 1904 (donc, bien avant la création du quotidien L'Action française, le 21 mars 1908, et la création des Camelots du Roi, la même année).

    Déplacé d'un lycée à l'autre, puis nommé à la Sorbonne, Thalamas continua de proférer ses insanités et, du coup, le tout jeune journal et la toute jeune organisation décidèrent de s'opposer à ses propos que l'on qualifierait aujourd'hui de "négationnistes" et "révisionnistes" !

    On sentait bien la guerre arriver, ou, du moins, on la savait plus que possible, et ce n'était pas le moment de saper les fondements de la fierté française, du courage et du dévouement, bref de tout ce qu'incarnait la grande figure unique de Jeanne d'Arc, en un moment où les périls extérieurs s'accumulaient...

    Ce fut donc l'une des premières action d'éclat des Camelots du roi : s'opposer à ce cours anti national à la Sorbonne. Pendant trois mois, ces "cours" - qui étaient dispensés le mercredi - furent chahutés et/ou interrompus, de nombreuses manifestations eurent lieu dans le Quartier latin et, même, le Ministère de la Justice fut occupé !

    L'Action française mena donc, dans un premier temps, ses hommages à Jeanne d'Arc contre la République et dans un climat de tensions extrêmes : les Camelots du Roi totalisèrent un nombre de jours de prison cumulés atteignant les 10.000 !

    Ensuite vint l'effroyable boucherie de 14, pendant laquelle L'Action française fit passer la France avant ses convictions politiques et soutint l'Union sacrée, pour la Victoire. Au lendemain de celle-ci - que le Pays légal devait saboter et perdre lamentablement, rendant inutile le sacrifice d'un million et demi de jeunes français "couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue" (Maurras) - une Chambre patriote fut élue en 1919, Léon Daudet devenant Député de Paris : la Chambre bleu horizon (du nom de la couleur de l'uniforme militaire). Le Député de Paris, Maurice Barrès, fit voter, en juillet 1920, une loi décrétant que le deuxième dimanche de mai serait, dorénavant Fête nationale de Jeanne d'Arc et du Patriotisme... :

    Grandes "Une" de L'Action française : (1/2) Instauration de la Fête nationale de Jeanne d'Arc...

    et

    Grandes "Une" de L'Action française : (2/2) ...Et un exemple des Cortèges à Paris et en France, en 1933...

     

    Juste avant, en mai, l'Église avait canonisé Jeanne d'Arc, sous le pontificat de Benoît XV :

  • Dans le monde et dans notre Pays légal en folie : revue de presse et d'actualité de lafautearousseau...

    Excellente nouvelle pour le nucléaire français : Framatome obtient un financement pour remplacer le nucléaire russe en Europe de l’Est... (Source : Framatome)...

    Depuis Jospin, Premier ministre, qui a laissé les escrolos massacrer et ruiner notre magnifique Superphénix et l'a abandonné en 97, jusqu'à Macron qui a tout simplement "arrêté" notre autre magnifique "Projet Astrid; en passant par Borne qui avait acté - au nom de la candidate Royal - la fermeture de l'ultra moderne centrale de Fessenheim et qui fut autorisé à exécuter son sale boulot par Macron, Président, "ils" s'y sont tous mis, à gauche, contre notre nucléaire. Qui était l'une de nos fiertés nationales, l'un de nos pôles d'excellence, l'un des garants de notre indépendance nationale; et qui nous plaçait loin devant la Chine et les États-désunis, largement en tête et loin devant tous les pays du monde en ce domaine stratégique s'ile en est, plaçant la France - comme dirait de Gaulle - à la place qui doit être la sienne : la première...

    Tous ces coups de couteau dans le dos - portés par des traîtres à la Nation - ont bien  failli avoir la peau de notre nucléaire. Et pourtant, il va revivre. Enfin, Flamanville est en activité et d'autres sont programmés. Surtout, d'autres pays (comme nos ennemis allemands) ont commis la folie que la hideuse alliance politicarde "escrolos/socialos" a failli nous imposer : l'abandon pur et simple du nucléaire. Enfin, les anciens pays de la monstrueuse URSS sont bien obligés de rénover/redéfinir/repenser leur nucléaire stalinien : vers qui se tourner, sinon vers... la France, bien entendu !

    Vue 3D d’un design conceptuel d’assemblage combustible VVER 440 de Framatome

    Vue 3D d’un dessin d’assemblage combustible VVER 440 de Framatome 

     

    Extrait de l'article d'Elsa Bembaron, dans Le Figaro :

    DÉCRYPTAGE - L’Union européenne octroie une aide de 10 millions d’euros à l’entreprise française.

    Bonne nouvelle pour la filière nucléaire française mais aussi pour la souveraineté énergétique européenne. Framatome, une filiale d’EDF, vient d’obtenir un financement de 10 millions d’euros de l’Union européenne afin de poursuivre le développement d’un combustible adapté aux réacteurs russes (VVR) exploités en Europe. La filière nucléaire russe a échappé aux sanctions mises en place par l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.

    Ce qui n’empêche pas les pays européens de tenter de trouver des solutions pour réduire leur dépendance aux produits russes dans ce domaine. Les plus exposés sont les anciens pays du bloc de l’Est, dont les centrales nucléaires existantes sont de technologie russe, VVR donc ; elles fonctionnent avec un combustible sensiblement différent de celui utilisé dans les centrales de technologie française. Dans l’Hexagone, tous les réacteurs destinés à la production d’électricité sont des réacteurs à eau pressurisés (REP).

     

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    LÉSISLATIVES ET FRONT POPU QUI PUE :

    LES DERNIÈRES NOUVELLES DU FRONT...

    • Le "Sévice public" - ici, France Inter - au service de La France Islamiste :

    - Guillaume Meurice confirme dans Libé avoir refusé une proposition de circonscription par LFI...

    - Giulia Foïs participe à un meeting LFI...

    - Le travail du graphiste de France Inter sera-t-il comptabilisé dans les comptes de campagne LFI ?

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    • Andréa Kotarac a bien parlé, face à Sandrine Rousseau  : Le fourre-tout du soi disant Nouveau Front populaire (qui rassemble des candidats fichés S, Hollande, Cahuzac et même un ancien ministre macroniste, artisan de la réforme des retraites) ne trompe personne. Cette voie politique est vouée à la division et à l'échec !..."

    (extrait vidéo 1'08)

    https://x.com/AndreaKotarac/status/1805275438710915343

    • La grande peur de Sophia Aram, soi-disant humoriste (?) du "sévice public"...

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    ... qui s'exprime sans peur au Grand Orient de France :

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    DERNIERE MINUTE : UN BOULET DE POIDS l

    DSK appelle à voter David Guiraud, Aymeric Caron, Louis Boyard, Daniele Obono, Philippe Poutou, Raphaël Arnault ou encore Rachel Kéké contre le RN...

    De Gabrielle Cluzel : "Les injonctions morales de cette grande figure de l’Histoire contemporaine manquaient aux Français..."

    On vit décidément une époque épatante !!!!!

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    1. Mélenchon, à la fois boulet et moteur pour "son camp" (?) : l'analyse de Vincent Trémolet de Villers, chez Dimitri Pavlenko...

    "Jean-Luc Mélenchon, boulet ou moteur pour son camp ?...
    ...Avant d’être un boulet pour son camp, Jean-Luc Mélenchon en est le moteur. Un moteur encrassé par ses impulsions tyranniques, par son obsession anti-israélienne, par sa rage révolutionnaire, par sa dérive indigéniste mais un moteur dont dépendent Hollande et les autres..."
    LA RÉPUBLIQUE C'EST MOI ! (Mélenchon Remix) | Wejdene - Anissa - YouTube
     
     

    2. Dans la série "Un peu de bon sens n'a jamais fait de mal à personne"... :

    "J'entends d'abord supprimer le droit du sol : l'acquisition automatique de la nationalité ne se justifie plus dans un monde à 8 milliards d'individus et alors que se multiplient sur notre sol les preuves quotidiennes de notre incapacité à intégrer et assimiler !...”

    (extrait vidéo 0'56)

    https://x.com/Frontieresmedia/status/1805178369618702436

    S'il devient Premier ministre, Jordan Bardella promet de supprimer "le  droit du sol"

     

    2 BIS. Par contre, les cingleries de foldingues, là, c'est très mauvais pour tous, toujours et partout ! Nicole Belloubet annonce "un nouveau programme d'éducation à la vie affective et sexuelle", qui commencera dès le CP (6 ans).

    Objection, Votre Nullité ! L'École est faite pour apprendre aux enfants à lire, à écrire, à compter... Et, comme le disait le philosophe Alain, "L'élève veut qu'on l'élève". Si vous avez des problèmes intimes, dans votre tête, "niveau petite culotte", ne prenez pas votre cas pour une généralité ! Votre Nullité, on vous le redit : les enfants vont à l'école pour apprendre et s'instruire ! Gardez vos obsessions pour vous, svp...

    (extrait vidéo 1'27)

    https://x.com/tvlofficiel/status/1805235780836598236

    Pouce vers le bas cercle rouge vecteur isolé n'aime pas les ...

    4. Du nouveau dans "l'affaire des sous-marins australiens"... Sur OpexNews (qui cite Le Figaro - International) :

    "AUKUS Les Australiens envisageaient de s’approprier le système de propulsion (parmi les plus silencieux du monde), puis de rompre le contrat avec NavalGroup pour construire ensuite eux-mêmes leurs sous-marins !"

    Vue d'artiste du sous-marin que Naval Group devait construire pour la marine australienne.
    Vue d'artiste du sous-marin que Naval Group devait construire pour la marine australienne. HANDOUT / AFP
     
    Extrait de l'article du Figaro :

    RÉCIT - Le livre-enquête du journaliste australien Andrew Fowler dénonce la duplicité du gouvernement australien de Scott Morrison qui, pour des motifs électoraux, a rompu le «contrat du siècle» avec Naval Group.

    À Sydney

    C’est un réquisitoire très informé et sans appel. Dans un livre-enquête à paraître le 2 juillet en Australie, le journaliste Andrew Fowler revient en détail sur la rupture du plus important contrat d’armement jamais décroché par la France, la fourniture de douze sous-marins par Naval Group à la marine australienne pour un montant de 35 milliards d’euros, ainsi que sur les manœuvres, orchestrées par Canberra, Washington et Londres pour tromper les Français, avant de révéler leur alliance pour contenir la Chine, 
  • Éphéméride du 14 juillet

    Bien qu'ambigüe, la Fête Nationale est le grand moment d'hommage à l'Armée française...

     

     

     

     

     

    1077 : Consécration de la cathédrale de Bayeux  

     

    C'est Odon de Conteville, évêque de Bayeux et demi-frère de Guillaume le Conquérant, qui préside les cérémonies : la nouvelle cathédrale de sa ville est l'une des plus importantes de Normandie.

    La dédicace est présidée par l'archevêque de Rouen en présence de Guillaume, duc de Normandie et roi d'Angleterre.

    La tapisserie dite "de Bayeux" ou "de la Reine Mathilde" (de son vrai nom, Le Telle du Conquest), longue de 69 mètres, est étendue dans la cathédrale.

    Elle a été réalisée spécialement entre 1066 et 1077 pour célébrer cet événement (voir l'Éphéméride du 27 septembre) : 

     

    http://www.panoramadelart.com/broderie-de-la-reine-mathilde-dite-tapisserie-de-bayeux 

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    1223 : Mort de Philippe II Auguste

             

    Le roi de France s'éteint à Mantes à l'âge de 58 ans. Rongé par la fièvre depuis plus d'un an, il a souhaité mourir à Paris, mais c'est en faisant route vers la capitale qu'il rend l'âme. Son corps est transporté à Saint-Denis où pour la première fois un nouveau cérémonial est adopté : le roi repose dans son cercueil à visage découvert, habillé de son manteau royal et coiffé de sa couronne.

    Son fils Louis VIII lui succède. C'est le premier à n'avoir pas été sacré du vivant de son père. Les six premiers capétiens avant Philippe Auguste (Hugues Capet, Robert II le Pieux, Henri 1er, Philippe 1er, Louis VI et Louis VII) avaient tous fait sacrer leur fils aîné : Philippe Auguste, septième capétien direct, fut le premier à se dispenser de cette précaution car, à partir de lui, la dynastie est suffisamment forte pour n'avoir plus besoin de cette précaution...

     

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    Sceau de Philippe Auguste
     

     

     

    Du Larousse des Rois de France :

     

    "...Pour le reste, le royaume vit en paix... C'est de façon pacifique que Philippe, éternel "agrandisseur" du domaine (il l'a quadruplé : Artois, Normandie, Maine, Anjou, Touraine, Poitou, Auvergne, Champagne ndlr) fait main basse sur une pièce de choix : la Champagne... Le royaume est alors prospère, comme nous l'indique le budget de 1221, réalisé par l'administration française pour inventorier les recettes et dépenses du royaume. Ce document précieux montre, outre le savoir-faire archivistique et comptable de l'administration capétienne, la bonne santé économique de la France et la solidité de son gouvernement, qui épargne environ le tiers de son revenu annuel..." (p. 58).

    "Le règne de  Philippe est celui de la naissance d'une idéologie capétienne...

    Des vecteurs forts de cette idéologie voient alors leur fonction renforcée, voire instituée:  Saint-Denis, la nécropole; Reims, le lieu du sacre; ou encore Paris, la capitale, que Philippe soigne particulièrement, puisqu'il la fait en partie paver et qu'il y fait édifier la forteresse du Louvre (où sont gardés archives, comptes et trésor) et une enceinte nouvelle autour de la ville - sans compter la concession de privilèges à l'université naissante et al centralisation dans la ville des organes centraux de gouvernement.

     

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     Le Paris de Philippe Auguste 

     

     

    Le roi règne désormais sur un espace, ainsi qu'en témoigne la territorialisation des charges administratives, et, plus encore, l'usage fugace, dans un document de 1204, de la formule "rex franciae", "roi de France", au lieu de rex Francorum, "roi des Francs"; est ici esquissé le passage d'une royauté exercée sur des hommes, "les Francs", à une royauté territorialisée, soit exercée sur un espace, "la France", dont les habitants seraient tous sujets dudit "rex Franciae"...

    Surtout, le roi est la clef de voûte d'un système idéologique qui commence à se dessiner, et que le règne de Louis IX (1226-1270) et les derniers siècles du moyen-Âge continueront de préciser : le roi y est largement sacralisé, au moyen d'une abondante littérature insistant sur ses fonctions, telle la défense de l'Église - on trouve déjà sous Philippe Auguste le terme de "Très-Chrétien", qui ne devient fondamental dans la titulature qu'à partir de Charles V et Charles VI - , sur les vertus du sang royal et sur le prestige de sa lignée. Enfin, un cérémonial toujours plus fort met soigneusement en scène les principales étapes de son existence, de la naissance et du baptême aux funérailles en passant, bien sûr, par le sacre.

    Quelle réussite ! Philippe fut incroyablement victorieux. Exception faite de quelques demi-échecs et de rares défaites, sa vie est pleine de succès : les Plantagenêts sont abaissés, l'autorité royale affirmée dans le royaume, la France est la première puissance d'Occident..." (p.61).

     

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    Vestiges du Louvre de Philippe Auguste dégagés lors de l'installation de la grande Pyramide...
     
     
     
     
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    1789 ? 1790 ? : Ambigüité majeure de la Fête nationale...

     

     

    Certes, officiellement, c'est le 14 juillet 1790 - et, donc, la Fête de la Fédération, moment fugitif et illusoire de véritable "union nationale"... - que l'on célèbre. Mais le télescopage des deux dates prête malheureusement, et assez souvent, à confusion.

     

    Le 14 juillet 1789, on promène des têtes au bout des piques. François Furet l'affirme : dès cet épisode, la Terreur est en gestation, "la culture politique qui peut conduire à la Terreur est présente dans la révolution française dès l'été 1789", et la prise de la Bastille inaugure "le spectacle de sang, qui va être inséparable de tous les grands épisodes révolutionnaires".

     

    terreur tetes sur piques.jpg

    "C'est ainsi que l'on se venge des traîtres." dit l'horrible légende de cette gravure de 1789 dépeignant des soldats ou des miliciens portant les têtes de Jacques de Flesselles et du marquis de Launay sur des piques.

     

    Que s'est-il vraiment passé, "le 14 juillet" ? Rien de très glorieux, et, pour être parfaitement exact, rien que du franchement sordide, du répugnant à l'état pur : le gouverneur de la forteresse, Launay, se fiant à leur promesse, laisse entrer les assaillants, qui avaient préparé leur coup; il est assassiné, et sa tête promenée au bout d'une pique !... De la prison (!), on extrait les seuls sept prisonniers qui s'y trouvent : quatre faussaires, un libertin et deux fous, qui, dès le lendemain, seront discrètement conduits à Charenton.

    Voilà la "gloire de la République" ? 

            

     

    Or, il se trouve que, depuis la Révolution, la Bastille est l'objet d'une falsification historique sans précédent, et d'une ahurissante réécriture des évènements, qui laisse rêveur, et qui est bien l'une des choses les plus stupéfiantes, mais aussi les plus sordides, qui soient.

    Revenons-y quelques instants...

    N'ayant plus aucune valeur militaire depuis des lustres, totalement sous exploitée en tant que prison d'État, et gênant l'accroissement de la capitale vers l'est, il y avait bien longtemps que les rois avaient résolu sa disparition. Seules les difficultés financières chroniques de la royauté retardaient sa disparition.

     

    La_Bastille_20060809.jpg
    La Bastille, telle qu'elle se présentait au XVIIIème siècle (gravure du temps)

     

    En 1789 eut lieu, ici, l'un des événements les plus ignobles d'une Révolution qui n'en manque pourtant pas. Le gouverneur de Launay accepta de rendre - sans combat - la forteresse aux émeutiers, à la condition expresse qu'il ne serait fait aucun mal à personne. Moyennant quoi, une fois les portes ouvertes, la garnison fut massacrée, et les têtes promenées au bout de piques... 

    Le pseudo mythe d'une prétendue "prise de la Bastille" - prise qui n'a jamais eu lieu puisque la citadelle s'est rendue sans combattre - mêle donc le mensonge le plus énorme à l'ignominie la plus révoltante, dans une réécriture volontairement falsificatrice de la vérité historique, où le burlesque le dispute au tragique et à l'horreur.
     
     
  • Éphéméride du 7 mars

    1875 : Naissance de Maurice Ravel

     

     

     

    1274 : Mort de Saint Thomas d'Aquin 

     

    Âgé de quarante-neuf ans, il se rendait au Concile de Lyon, où il avait été convoqué comme expert.

    Thomas avait fait trois séjours à Paris :

     D'abord, à partir de 1248, sous le règne de Louis IX (voir l'Éphéméride du 15 novembre);

     Puis il suivit son maître, Albert le Grand (dominicain lui aussi, et commentateur d'Aristote) à Cologne jusqu'en 1252 : en 1252, il revint  à Paris, où il resta sept ans, prenant en charge la chaire de Bachelier en Écritures, pour continuer comme Bachelier Sentenciaire (il fut, à trente et un ans, maître d’une chaire pour laquelle il en fallait trente cinq, selon les statuts et l’approbation pontificale).

    Au bout de ces sept années parisiennes, il fut appelé à Rome par le pape Alexandre IV, pour être incorporé à sa suite comme théologien pontifical;

    Enfin, il fit un troisième et dernier voyage à Paris, envoyé par le supérieur des Dominicains - avec le consentement du Pape - pour arbitrer et éteindre, dans l'université, de graves querelles doctrinales, grâce à son autorité et à son prestige. Après avoir brillamment accompli cette double mission, il retourna définitivement à Rome, au côté du pape. Mais c'est en se rendant une nouvelle fois en France, au Concile de Lyon, qu'il y mourut, en 1274.

     

    https://www.notredamedeparis.fr/decouvrir/peintures/saint-thomas-d-aquin-fontaine-de-sagesse/

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    Saint Thomas d’Aquin par Antoine NICOLAS, 1648, Notre-Dame de Paris. Don du couvent dominicain de l’Annonciation du faubourg Saint-Honoré, en 1974, à l’occasion du septième centenaire de la mort de saint Thomas.

    Avec ce tableau, Paris se souvient du "Docteur Angélique", de la "Fontaine de Sagesse", qui professa la théologie à la Sorbonne, et écrivit plusieurs ouvrages dont une partie de la "Somme" au couvent Saint-Jacques, et vint sûrement se recueillir à la cathédrale, dont il vit construire le transept au temps de saint Louis.

    Sur saint Thomas d'Aquin et ses rapports avec la France, voir aussi l'Éphéméride du 28 janvier et l'Éphéméride du 7 mars.

     

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    1765 : Naissance de Nicéphore Niépce

             

    Il est l'inventeur de la photographie.

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    1788 : Naissance d'Antoine Becquerel

               

    Premier de la dynastie des Becquerel, il est le grand-père d'Henri, Prix Nobel 1903.

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    1875 : Naissance de Maurice Ravel

     

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    Maurice Ravel : La Nuit

    (Orchestre philharmonique de Radio France / Mikko Franck) 

     
     

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    1884 :  Apparition des "poubelles"...

              

    Le Préfet de la Seine, Eugène Poubelle, impose l'usage de réceptacles fermés destinés à recevoir les ordures ménagères dans toute la ville de Paris. Ces récipients prendront rapidement, par antonomase, le nom de leur inventeur...

    Juriste, administrateur et diplomate, Eugène Poubelle fut Préfet de la Seine (donc de Paris) de 1883 à 1896. Le Préfet de la Seine était évidemment très influent, à une époque où il exerçait également la fonction de Maire à Paris. Il était notamment chargé de l'administration courante. C'est ainsi qu'Eugène Poubelle prit un arrêté en date du 7 mars 1884 qui obligeait les propriétaires d'immeubles à mettre à disposition de leurs locataires des récipients communs, munis d'un couvercle et d'une capacité suffisante pour contenir les déchets ménagers. Cette prescription a amélioré de manière considérable l'hygiène des foyers de la capitale, peuplée alors d'environ deux millions d'habitants.

    Eugène Poubelle fut également à l’origine de la mise en route du tout-à-l’égout : après l'épidémie de choléra de 1892, il fit passer, en 1894, un arrêté imposant aux propriétaires de raccorder leurs immeubles au réseau d'égout et de payer les frais d’exploitation afférents à la collecte de leurs eaux usées.

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    1936 : L'Allemagne remilitarise la Rhénanie

     

    Les troupes de la Wehrmacht occupent la zone démilitarisée de la Ruhr, le chancelier allemand, Adolf Hitler, ayant déclaré caduques les dispositions du Traité de Versailles par lesquelles l'Allemagne s'engageait à démilitariser cette région.

    Ci dessous - à Mayence, le 7 mars 1936... - lors de la remilitarisation de la Rhénanie, des civils allemands saluent les forces du Reich traversant le Rhin, en flagrante violation du Traité de Versailles...

    REMLILITARISATION DE LA RHENANIE.jpg
     
     

     

    Si les puissances occidentales s'insurgent en paroles face à cette violation du droit international, elles ne prennent aucune mesure concrète pour contrer l'Allemagne. Le service militaire obligatoire avait déjà été rétabli illégalement un an auparavant.

    En 1938, les accords sur les frontières seront à nouveau bafoués quand le Fürher ordonnera l'invasion de l'Autriche...

    En réalité, on assiste avec ces faits au dernier acte de la concrétisation de la prophétie de Jacques Bainville, prévoyant dès 1918 une nouvelle guerre dans les vingt ans. À cause du mauvais Traité de Versailles, "trop fort dans ce qu'il a de faible; trop faible dans ce qu'il a de fort".

    Pour une fois, ce n'est pas dans L'Histoire de France que nous nous plongerons, mais dans un autre ouvrage magistral de Bainville - qui en a écrit tant !... - : L'Histoire de deux peuples.

    Comme pour l'Histoire de France, il faut tout lire de ce chef d'oeuvre absolu.

    Voici les dernières lignes du chapitre VII (et dernier), Le réveil de la Walkyrie, de cet ouvrage remarquable en tous points : Bainville y est remonté aux sources, c'est à dire au calamiteux Traité de Versailles de 1918, qui a gâché la paix, après une guerre qui avait coûté tant de sacrifices matériels et humains au peuple français :

    BAINVILLE 8.jpg

               

    "... Stresemann avait déjà disparu de la scène, lorsque son oeuvre fut couronnée par l'évacuation de Mayence. La France avait le droit d'occuper jusqu'en 1935 la ville que Thiers, jadis, appelait "la place la plus importante de l'Europe". Avertissements, pressentiments, tout fut inutile. On alla jusqu'au bout du système de Locarno comme on était allé jusqu'au bout de la guerre. Ce qui répondait du respect des traités et même de l'existence de la démocratie allemande fut abandonné.

    Alors ce fut comme si l'Allemagne, libérée dans son territoire, l'était dans ses passions. En quelques mois elle fut embrasée à la voix d'un étrange Messie. On se refusait encore à croire qu'elle pût se livrer à Hitler. En quelques étapes il conquit le pouvoir que lui ouvrait le maréchal Hindenburg dont il avait été le concurrent et qu'il avait violemment combattu. Puis, en quelques jours, l'Allemagne se donnait à l'expression la plus extrême du nationalisme. L'Empire des Hohenzollern commença, en secret, d'être regretté dans le monde comme une forme de gouvernement modérée et libérale auprès du régime hitlérien. Conservée dans son unité, l'Allemagne avait donc mûri ce fruit ! Et même, l'unité sauvée par les vainqueurs, Hitler la consommait. Il allait plus loin que Bismarck, plus loin que la révolution de 1918 et que l'assemblée de Weimar. Il supprimait les dernières traces du fédéralisme. Il mettait un statthalter prussien jusqu'à Munich et la Bavière protestait encore moins qu'en 1871 lorsqu'elle avait été "avalée".

    Ainsi l'histoire des deux peuples se poursuit. Elle offre, dans la phase qui finit et dans celle qui commence, ce caractère redoutable que jamais les Français n'ont si peu compris les Allemands. Leurs raisonnements et leurs sentiments nous échappent. Leur monde intellectuel et passionnel n'est pas le nôtre. Jamais peut-être ils n'ont été plus différents de nous. Même l'art est fertile en malentendus. Lorsque nous écoutons Siegfried, lorsque le héros, traversant le cercle de feu, réveille Brunhilde endormie, ce théâtre est pour nous de la mythologie puérile, prétexte à musique. Cette musique, pour Wagner, était celle "de l'avenir". Et la Walkyrie chante : "Salut à toi, soleil ! Salut à toi, lumière ! Jour brillant, salut ! Long fut mon sommeil. Quel héros m'a réveillée ?" Paroles d'opéra ici. Là-bas, symbole de la résurrection et de la métamorphose. Autre et semblable à elle-même, l'Allemagne annonce quels destins ? "

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    1938 : Naissance d'Albert Fert

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  • « Penser l’impensable, prévoir l’imprévu », par Jean-Philippe Chauvin.

    (Propos recueillis pas S.Théri)

    Source : https://www.pasvupaslumagazine.fr/

    Biographie :

    Né en 1962 à Rennes, devenu professeur en 1991, et, après 9 ans dans un collège des Mureaux, enseignant (heureux) à Versailles depuis presque 20 ans.

    1/ Jean-Philippe, qu’est-ce qu’un prof d’histoire aujourd’hui ?

     

     " Un professeur d’histoire, du moins dans l’idéal, c’est sans doute un passionné qui a envie de faire partager sa passion aux nouvelles générations, celles qui, irrémédiablement, prendront notre place dans la société et, j’espère, la rendront un peu meilleure en tirant des leçons d’hier pour préparer demain sans oublier le jour même et nos contemporains."

    6.jpg2/ Auriez-vous été un prof différent lors de la révolution française, avant la révolution ou après la seconde guerre mondiale ? Bref, qu’est-ce qui peut changer un prof d’histoire dans l’histoire des hommes et dans l’histoire de France ?

     

    Sans doute la manière d’enseigner aurait été différente, de par les contraintes du moment et l’idéologie dominante (particulièrement si elle se proclame unique et obligatoire), et sans doute aurait-il fallu ruser pour assurer un enseignement de l’histoire qui ne soit pas un simple discours officiel, en particulier sous la Révolution, peu connue pour sa tolérance dans les premières années de la République et de l’Empire. Je pense que, au-delà de l’étude du passé (qui s’inscrit toujours dans un présent, l’historien étant aussi le fils de sa propre époque), la littérature aurait été, intégrée dans les cours d’histoire eux-mêmes, un moyen de dire les choses sans avoir l’air de contredire frontalement le Moloch étatique : un extrait de Racine ou d’Anatole France par exemple (mais il n’a écrit que bien longtemps après la Révolution), ou une légende issue de la mythologie celtique ou hellénistique, peut en dire beaucoup plus que l’événement historique lui-même, ou peut l’éclairer d’un jour particulier, bien différent de l’esprit « obligatoire » du moment. Sous la Révolution française, les républicains se référaient constamment à l’Antiquité, à laquelle ils avaient emprunté le vocabulaire politique : il m’aurait été possible de citer fréquemment l’Antigone de Sophocle en évoquant les temps passés comme du moment, et suivre le programme qui aurait été imposé en faisant régulièrement référence aux grands mythes et légendes, et en faisant appel à l’intelligence des élèves... C’est aussi valable à d’autres époques sombres, comme sous l’Occupation, et c’est d’ailleurs ce que pratiquaient quelques enseignants d’histoire, en insistant aussi sur des épisodes anciens de l’histoire de France qui, à bien les étudier, pouvaient avoir quelques points de ressemblance avec la situation d’alors. Dans les périodes troubles, il me semble que les professeurs de lettres et d’histoire sont ceux qui peuvent le plus contourner les messages officiels en s’appuyant sur leur propre matière et sur sa voisine... Parfois à leurs risques et périls, d’ailleurs, comme l’a démontré... l’histoire elle-même !

     

    Mais il est vrai de dire que les événements du moment lui-même peuvent changer l’appréhension que les professeurs ont de tel ou tel événement : si l’historien, par nature, se doit de voir loin, au- delà de son horizon propre, le professeur, lui, n’en dit pas forcément mot, selon son propre tempérament ou ses craintes, mais il peut orienter l’étude, pour que les élèves (ou leurs parents) soient amenés à réfléchir, à travers l’évocation des temps anciens, aux enjeux contemporains. Cela explique que tous les régimes depuis le XVIIIe siècle accordent tant d’importance à l’histoire et à sa transmission, qui devient parfois affaire d’État, comme sous Ferry (Jules)...

     

    3/ Jean-Philippe, que vous inspire l’histoire du livre et le livre d’histoire ? Avons-nous affaire à des soeurs jumelles ou deux choses bien distinctes ?

     

    Ce sont deux choses éminemment différentes, à mon avis : l’histoire du livre s’inscrit dans l’histoire des écrits et des textes qui, parfois, sont pris littéralement quand il faudrait plutôt en saisir l’esprit, et elle s’inscrit dans l’histoire tout court du rapport des hommes au texte et à ce qu’il dit ou suscite. Les livres font-ils les guerres ? L’expérience de la Réforme protestante ou celles des grands textes idéologiques du XXe siècle, de « Mein Kampf » d’Hitler ou du « Que faire ? » de Lénine, sans oublier « Le petit livre rouge » de Mao, montrent la puissance du Verbe quand il semble sanctifié et fossilisé dans l’écrit « de masse ». A l’inverse, le livre peut être aussi un point de repère et de résistance, comme « Le silence de la mer » de Vercors, ou « l’heure du roi » de Boris Khazanov, ou les pièces de Shakespeare, comme les valorisent Huxley et Orwell dans leurs œuvres dystopiques...

    Quant aux livres d’histoire, s’il s’agit des manuels scolaires, je me rallie, d’instinct puis d’expérience, au jugement de Pagnol, peu élogieux à leur égard. Pour les autres, ils peuvent être des flambeaux comme des éteignoirs de l’intelligence : j’ai été très marqué par quelques grands livres d’histoire qui ne sont pas les plus connus mais qui avaient cette particularité de « conter l’histoire » pour certains, et de « l’illuminer », pour d’autres...

     

    4/ Est-ce qu’un manuel d’histoire est plus porteur d’objectivité qu’un ouvrage historique romancé ? Justifiez, svp, votre réponse.

     

    Non, et c’est même souvent l’inverse, si j’en crois mon expérience et le jugement terrible de Marcel Pagnol, fils d’instituteur, et d’autant mieux placé pour saisir le côté « embrigadement » des manuels officiels : « Tous les manuels d’histoire du monde n’ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements ». Quant à l’histoire romancée, tout dépend du romancier et de ses intentions. Mais, après près de cinquante ans de lectures historiques, je trouve plus de vérité chez un Lorant Deutsch, enthousiaste et volubile, ou un Jacques Bainville, sceptique lucide, que dans nombre de manuels écrits aussi froidement que la dissection d’un cadavre à la morgue... Et ce n’est pas la bousculade des documents présentés et les couleurs criardes des illustrations qui peuvent changer grand-chose à ce triste constat...

     

    5/ Les nations et leur gouvernements semblent être dépassés par les multinationales quant à l’importance de leur force de proposition et d’action en ce qui concerne les grandes mutations sociétales ? La connaissance de l’histoire peut-elle donner à un lycéen des outils utiles et indispensables à sa compréhension du Monde dans lequel il va devoir évoluer, construire sa vie, fonder une famille et y trouver la voie du bonheur ?

     

    Sans doute, mais cela n’est vrai et possible que si l’histoire est vécue, non comme une science clinique mais comme la recherche constante des mécanismes humains, sociaux, géopolitiques, et, au-delà, des axes fixes (ou des piliers fondateurs) et des processus possibles ou avérés par le temps long. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’histoire n’est jamais écrite une fois pour toutes, et elle produit toujours de l’inédit mais qui s’inscrit dans des cycles ou dans des logiques qui, si l’on y prête un peu d’attention, ont tendance à produire souvent les mêmes effets, sinon les mêmes faits... L’histoire fournit parfois des motifs de désespoir, mais elle ouvre aussi à l’espérance, si l’on en juge par notre propre mémoire française, et c’est celle-ci, et la foi que l’on a dans son propre être national historique, dans cette passion vive de la vie des nations, qui font que, un matin de juin 1940, un homme bouscule la fatalité pour entrer dans l’histoire. S’il n’avait pas été imprégné d’histoire, de cette longue suite de règnes, de guerres et de valeurs affrontées, de Gaulle aurait-il pu, ainsi, parler dans ce micro de la BBC et annoncer la suite, cette nouvelle suite française, qui savait qu’Antigone ne se trompe pas et que Créon, toujours et malgré sa victoire apparente du moment, est le vaincu du lendemain ? Et, si de Gaulle n’avait pas été inspiré par la geste politique de Jeanne d’Arc au point d’en adopter le symbole (la croix de Lorraine) et par son histoire tragique mais victorieuse, serait-il parti à Londres pour reprendre en main le « glaive brisé » ?

    L’histoire est cruelle mais, si on lui prête l’attention qui lui est due, elle est aussi source d'espérance.

     

    6/ Albert Einstein a dit : « L'imagination est plus importante que le savoir.” Partagez-vous ce point de vue et sous quels angles  de vue ?

     

    La phrase d’Einstein n’est pas entièrement fausse et elle est prononcée par un homme... de savoir ! En histoire, l’imagination n’est pas forcément le déni de l’histoire, mais la recherche d’une voie autre que celles qui ont déjà été essayées : mais elle n’est pas forcément bonne en soi, elle peut même porter en son sein les pires utopies qui engraissent la terre des cimetières... Lénine, Trotski et Staline étaient de ceux qui, comme leurs prédécesseurs de la Révolution française (qu’ils connaissaient par cœur), voulaient « du passé faire table rase », au nom de leur idéologie et de ce régime qu’ils rêvaient de construire comme un « nouvel Eden » sur terre : c’est la négation de l’histoire qui a stérilisé leur imagination et l’a transformée en bloc de boue et de sang. L’histoire est cruelle, et elle se venge terriblement...

    Mais pour l’historien qui ne cherche qu’à comprendre l’histoire, l’imagination peut être une porte sur le savoir, car elle permet de se poser des questions et d’ouvrir des voies auxquelles l’on n’avait pas forcément pensé auparavant... Imaginer n’est pas forcément inventer, mais découvrir : « L’imagination consiste moins à inventer qu’à voir les choses et en saisir le sens profond », écrivait Bainville. De plus, ne faut-il pas imaginer, parfois, ce que purent être les hésitations des hommes pour en comprendre les victoires ou les échecs, les doutes ou les aveuglements ?

     

    7/ Voltaire à dit : «On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les          autres.» Pensez-vous que cette phrase a plus ou moins de sens aujourd’hui qu’à l’époque du grand écrivain ?

     

    Je trouve cette citation fort heureuse en fait ! Et elle est sans doute plus terriblement vraie en 2020 qu’au XVIIIe siècle, si l’on considère le système de la mondialisation agro-alimentaire et quand la FAO nous apprend que, sur une planète qui abrite 7,7 milliards d’habitants, il est produit de quoi nourrir plus de 10 milliards et que, malgré cela et tous les moyens modernes de communication et de transport, plus de 800 millions d’êtres humains souffrent de la faim dans le monde, et parfois à côté de nous... C’est un sujet de scandale de constater que les histoires passées de la précarité de la condition humaine semblent n’avoir servi qu’à renforcer, aujourd’hui, le pouvoir de domination de grandes féodalités économiques et financières, que l’on baptise trans- après avoir été multinationales : sommes-nous de retour en l’an Mil ?

     

    8/ Est-ce que connaître l’histoire et se nourrir de ses enseignements est une priorité aujourd’hui ?

     

    Elle devrait l’être pour ceux qui gouvernent ou aspirent à gouverner les États. Là encore, Bainville l’a dit justement : « Qu’est-ce qu’un homme d’État qui n’a pas pratiqué l’histoire ? Un médecin qui ne serait jamais allé à l’hôpital. » Mais, pour le citoyen conscient, celui qui cherche à changer les choses ou à les conforter, elle est aussi indispensable, non par l’accumulation de savoirs et de connaissances, mais par la compréhension des grands mécanismes de l’histoire et par la pesée du pour et du contre qui, tout compte fait, peut permettre d’écarter le pire et de soutenir, sinon le meilleur (la perfection restant une qualité qui n’est sans doute pas de nature humaine...), du moins le « moins pire » et ce qui peut entrer dans le champ des possibles. Je pense, d’ailleurs, que cela doit susciter chez l’homme une certaine forme d’humilité, qui n’interdit ni la passion ni l’imagination : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant », disait Bacon, et je pense que la leçon vaut aussi pour l’histoire. L’épopée gaullienne s’explique aussi par cette forte compréhension de l’histoire qui permet à de Gaulle de comprendre que l’orgueil hitlérien, forme idéologique de Démiurge, est condamné... par l’histoire, alors même que tout semble sourire, en ce terrible juin 40, au monstre de Berlin.

     

    9/ L’étude de l’histoire sert-elle plus la construction culturelle d’un individu où sa curiosité ?

     

    Il me semble que la curiosité ne doit être que le moyen de la recherche des connaissances et de la compréhension des choses : quand elle devient une fin, elle perd de ses qualités pour se muer en voyeurisme ou en obsession. En revanche, l’histoire peut effectivement permettre à l’homme de mieux comprendre ce qui l’entoure et d’où il vient : nous sommes des héritiers, et la connaissance de l’héritage permet d’en tirer un meilleur profit, de ne pas être une simple monade ballottée au gré des tempêtes mais, au contraire, de « faire société » et de se relier aux « plus proches » par des références communes qui permettent, ainsi, d’envisager un destin commun et d’accueillir les autres. C’est la méconnaissance de l’histoire et de celle de nos filiations qui entraîne souvent une perte de repères et le désordre contemporain qui est surtout la forme exaspérée de l’absence d’enracinement.

    Quelques grandes figures historiques, dans une nation, servent de conciliation et de médiation entre les hommes de cette société fruit de l’histoire : elles en fixent les valeurs, comme jadis les héros de la mythologie dans les sociétés antiques. Enlevez Jeanne d’Arc de notre panthéon historique et l’esprit même de résistance perd une de ses plus fortes incarnations, et l’histoire n’est plus la même, en attendant que l’avenir le défasse complètement...

     

    10/ Dans un Monde parfait et sans aucune limite budgétaire, quel serait aujourd’hui et selon vous, le meilleur outil pédagogique autre que le livre papier.

     

  • Michel Maffesoli : la Nostalgie du Sacré.

    Raphaël Juan : Michel Maffesoli dans votre dernier livre paru, La nostalgie du sacré, vous poursuivez une réflexion, entamée avecLa parole du silence, qui revient aux sources du mot religion (du latin religare, relier) et dévoile le ciment social que créée la conscience d’une sacralité commune. Ce sacré d’où provient-il et comment le définiriez-vous ?

    1.jpgMichel Maffesoli : Je précise que mes analyses sont en ce qui concerne La Parole du silence (Cerf 2016) et La Nostalgie du sacré (Cerf 2020) à rattacher à une perspective socio-anthropologique et ne concernent pas ce qui relèverait du théologique, à savoir la foi. Le sacré ou plutôt le sacral décrit la religiosité ambiante, la religion comme phénomène social alors que la foi est à comprendre dans l’intimité de chacun, dans le « for interne ».
    De nombreux auteurs, je pense en particulier à Emile Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse ou encore Gilbert Durand dans Sciences de l’homme et tradition, montrent bien comment de diverses manières, mais avec une grande constance, la religion est un élément de fond de la vie sociale. Durkheim allant même jusqu’à parler pour bien souligner ce phénomène de « divin social ». Suivant les époques, celui-ci est plus ou moins mis en valeur. Ainsi durant toute la modernité, du 17e à la première moitié du 20e siècle, le rouleau compresseur du rationalisme évacua progressivement cette dimension religieuse, aboutissant à ce que Max Weber a bien analysé en parlant de « désenchantement du monde ». Il semblerait et c’est en tout cas mon analyse, que contemporainement, en cette postmodernité naissante, le sacré, voire même le sacral revienne à l’honneur. Quelle en est la source ? quelle en est l’origine ? il est difficile de donner une définition exacte de ce que l’on nomme le sacré. Mais l’on peut constater, dans la foulée des auteurs que je viens de citer qu’il s’agit d’une structure anthropologique, rendant attentif au fait qu’on ne peut bien saisir le visible qu’en fonction de l’invisible. Ou encore et cela a été souligné par de nombreux bons esprits, on ne peut comprendre le réel qu’à partir de ce qui est réputé irréel. C’est ce retour d’un imaginaire religieux que j’essaie, dans cet ouvrage comme dans La Parole du silence,  d’analyser.

    RJ : Votre livre insiste sur la nécessité du mystère qu’implique toute sociabilité empreinte du sacré, c’est-à-dire pour vous toute sociabilité authentique. Vous évoquez des figures étranges comme ce Roi clandestin dont parle le sociologue Georg Simmel. Qu’est-ce que ce Roi clandestin ? A-t-il quelque chose à voir avec le Roi du monde dont parle René Guénon ?

    MM : Soyons en effet attentifs au fait que dans la foulée de la philosophie des Lumières, se développant au 18e siècle et se poursuivant tout au long du 19e siècle, le mystère a été durablement relativisé, voire dénié. Pour ma part, je rappelle, dans la suite de cette dialogie existant entre le visible et l’invisible, que le clair-obscur est une des caractéristiques essentielles de toute espèce humaine. C’est en ce sens qu’il convient de comprendre le terme même de mystère qui tout à la fois insiste sur l’importance de l’ombre et sur le fait que c’est ce phénomène de l’ombre qui partagée constitue la socialité de base.

    C’est en ce sens que ce penseur important que fut Georg Simmel a, à plusieurs reprises, parlé du « roi clandestin ». Je ne sais pas si cette expression peut être comparée à ce que René Guénon nomme « le roi du monde ». L’idée même du roi clandestin rend attentif au fait que à côté d’un pouvoir surplombant, pouvoir institué, pouvoir établi, il existe une société officieuse, pour ce qui me concerne ce que l’on appelle la souveraineté populaire, qui tout en étant cachée n’en est pas moins réelle et régulièrement tend à s’affirmer et à être reconnue comme telle. Ce sont ces diverses métaphores qui soulignent l’importance qu’il convient de donner ou de redonner au mystère comme étant un élément structurant de tout être ensemble. Faut-il le rappeler, il existe une proximité sémantique entre des mots tels que mystère, mythe, muet, mythique etc. Mots qui rendent attentif au fait qu’au-delà d’une attitude quelque peu paranoïaque consistant à tout expliquer, il y a aussi, au sein même de la connaissance sociétale, des éléments secrets qui permettent de comprendre, au sens fort du terme, ce qu’est cette socialité de base, celle de la vie quotidienne qui ne peut pas être expliquée seulement à partir de la raison raisonnante. Pour ma part j’ai d’ailleurs consacré un livre, Eloge de la raison sensible, au fait qu’il faut compléter la raison, celle des Lumières, par le sensible qui renvoie à l’ombre constituant, également, la vie individuelle et la vie collective.

    RJ : La fermentation, l’œuvre au noir, l’obscurité, le secret, le silence vous semblent être des dispositions essentielles pour faire germer, à titre individuel ou collectif, le divin. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur cette « stratégie des ténèbres » ?

    MM : Il est en effet important d’observer que « l’œuvre au noir » ou ce qui est secret, est constitutif tant d’un point de vue individuel que d’un point de vue collectif de toute existence humaine. On peut, à cet égard, parler d’une « stratégie des ténèbres ».

    Pour bien me faire comprendre je rappelle que le terme latin qu’utilisait la philosophie médiévale, la discretio renvoie à la nécessité d’être discret et c’est cette discrétion qui aboutit à ce qui est peut être la caractéristique essentielle de notre espèce animale, le discernement. Donc plutôt que de mettre l’accent purement sur la dimension explicative de la raison raisonnante, le silence est aussi une manière de comprendre et ce dans le sens strict du terme, le fondement de toute vie sociale, ce que j’appelle pour ma part socialité. Expliquer, c’est déplier le réel, relier chaque phénomène à une cause, comprendre, c’est saisir l’ensemble des phénomènes dans leur interaction, ce qu’on nomme un écosystème. Expliquer relève de la pure recherche des causes rationnelles, comprendre prend en compte les rêves, les émotions, tout ce que le pur rationalisme avait laissé de côté.

    Ainsi, alors que la sociabilité est la conséquence d’un social purement rationnel, la socialité quant à elle prend en compte l’entièreté du mystère sociétal.

    RJ : Ce livre est, entre autres choses, une apologie du génie du catholicisme qui aurait su comprendre l’humaine nature mieux que les autres religions, et notamment que le protestantisme. Communion des saints, culte de la vierge, piété populaire, intégration de l’héritage gréco-romain, Trinité, « tolérance » du pêché sont des idées et pratiques qui retiennent votre attention, pourquoi ?

    MM : Il me semble en effet qu’à l’opposé de ce que fut la dimension très rationnelle du protestantisme à partir du 16esiècle, le génie du catholicisme a su garder ce que le philosophe Jacques Maritain nommait « un humanisme intégral ». Humanisme s’exprimant bien, dans le catholicisme traditionnel par le culte des saints, la dévotion mariale, la piété populaire sous ses diverses manifestations et bien évidemment par l’accentuation très forte donnée au mystère de la Trinité. Dans chacun de ces cas, ce qui est en jeu, c’est, au-delà d’une foi simplement individualiste, le fait que l’essence même de la religion est toujours un relationisme, c’est-à-dire une manière de mettre en relation, de relier. De ce point de vue, je consacre quelques pages à ce mystère dans mon livre, l’idée trinitaire qui est une particularité du christianisme traditionnel que le catholicisme met en valeur, explique bien ce primum relationis ou pour le dire à la manière du philosophe catholique Max Scheller un ordo amoris qui est le propre de tout échange et de tout partage. Il ne faut pas avoir peur de mettre en relation cet ordo amoris trinitaire avec le dogme de la communion des saints qui met l’accent sur ce qu’il convient d’appeler la réversibilité comme étant un élément important de tout être-ensemble. C’est cette réversibilité que l’on peut retrouver dans le partage, l’échange, l’entraide que la culture numérique aidant, on voit revenir avec force dans toute société. Ce qu’on appelle actuellement la société collaborative en est un bon exemple.

    RJ : Vous semblez convaincu qu’il y a un retour des jeunes générations vers le catholicisme. Or, en France (la situation est sans doute différente en Italie voire en Espagne), le déclin des pratiques et notamment de la fréquentation de la messe est quantifiable et constante depuis le milieu des années 1960. Quels signes et indices retenez-vous qui vous invitent à parier sur un retour en force du catholicisme chez les jeunes ?

    MM : Cette nostalgie du sacré est particulièrement repérable dans les aspirations et les pratiques des jeunes générations. Certes, on ne peut nier qu’il y a une sécularisation croissante dans de nombreux pays. Disons tout net que cette sécularisation est la conséquence du rationalisme des Lumières du 18e siècle et du mythe du progrès qui s’élabora tout au long du 19e siècle. Mais à côté de cette sécularisation il est non moins intéressant d’observer que depuis quelques décennies il y a un retour à des dimensions spirituelles de plus en plus affichées et dont on peut repérer les indices multiples. Par exemple le développement des communautés charismatiques, l’importante renaissance des pélerinages, la reviviscence des communautés monastiques, le tout particulièrement repérable grâce aux divers réseaux sociaux qui fleurissent sur Internet. Il y a dans ces réseaux sociaux des groupes de recherche et d’échange sur la philosophie thomiste, sur la méditation et sur diverses voies d’accès à la contemplation. Voilà quels sont les indices (index, signifie ce qui pointe) du retour en force du catholicisme dans les jeunes générations, qui par après contamine toutes les autres couches de la société.

    RJ : Vous insistez sur la tradition qui constitue la source à laquelle s’abreuve l’imaginaire des peuples pour vivre et créer. Quelle est la tradition que vous défendez, est-ce l’immémoriale sophia perennis, celle du christianisme des origines, les traditions populaires des villages, le passé mythique ? Comment peut-on favoriser la transmission de cette tradition aujourd’hui ?

    MM : Ainsi que je l’ai souvent indiqué, et tout au début de ma carrière j’y ai consacré tout un livre, le progrès fut le grand mythe du 19e siècle, qui ne l’oublions pas, est l’apogée de la modernité (La violence totalitaire, 1979). Le propre de ce progressisme consistait, en tirant toutes les conséquences de la philosophie de l’Histoire avec Hegel, à se déraciner du passé tout comme de l’espace d’ailleurs, afin d’atteindre le paradis à venir : la société parfaite. Certains bons esprits, je pense en particulier à Karl Löwith n’oubliaient pas de souligner que ce progressisme était la forme sécularisée du messianisme judéo-chrétien. Le paradis n’étant plus à réaliser au ciel, mais devant se concrétiser sur terre, ultérieurement.

    C’est ce mythe du progrès qui, en quelque sorte, invalidait la tradition, c’est-à-dire ce qui se rattachait au passé, à la lente sédimentation des cultures humaines. Il me semble, ce que l’on peut résumer avec l’expression de Léon Bloy, « le prophète est celui qui se souvient de l’avenir », qu’au-delà ou en deçà de la recherche futuriste d’un bonheur à venir, il y a de diverses manières un retour de la tradition. C’est cette tradition que le magistère de l’Eglise catholique a jusqu’ici su conserver. Ce qui est particulièrement repérable en effet dans les pratiques populaires enracinées dans les terroirs, celles du culte des saints en particulier ou des multiples pélerinages locaux. Cette tradition est en effet l’expression d’une sagesse populaire, « sophia perennis » qui d’une manière plus ou moins discrète reprend force et vigueur dans les divers festivals ou rassemblements historiques traditionnels, rappelant ce qu’est la force du rythme de la vie, à savoir (rythme : rheein, couler) qu’il ne peut y avoir écoulement qu’à partir d’une source.

    Pour reprendre l’oxymore que j’utilise fréquemment, depuis de longues années, la tradition ne peut qu’exprimer l’enracinement dynamique, c’est-à-dire la reconnaissance que comme toute plante, la plante humaine a besoin de racines pour croître et se développer.

    RJ : On sait que les relations entre les organisations de la Franc-maçonnerie et l’Eglise catholique sont complexes et même souvent conflictuelles, pour diverses raisons. Vous vous référez souvent à Joseph de Maistre qui était à la fois un catholique intransigeant et un franc-maçon de haut-grade. En quoi la figure de Joseph de Maistre – grand défenseur, lui aussi, de la tradition – vous semble être en prise avec notre temps et pensez-vous qu’une réconciliation entre la franc-maçonnerie et le catholicisme soit possible à court terme ? Cette réconciliation vous semble en tout cas souhaitable, si je vous comprends bien…

    MM : Il est certain que les relations entre la Franc-maçonnerie et l’Eglise catholique ne furent pas toujours des relations d’apaisement. Cela dit, dans la diversité des obédiences franc-maçonnes, certaines que l’on qualifie de « régulières » gardent le souci du spirituel, voire de l’ésotérisme comme étant des caractéristiques essentielles de leur manière d’être ensemble.

    Joseph de Maistre qui est pour moi toujours une source d’inspiration, a écrit de très beaux textes sur la franc-maçonnerie traditionnelle tout en étant un farouche défenseur de la catholicité. En ce sens ses écrits peuvent aider un rapprochement qui n’est plus une utopie lointaine entre la franc-maçonnerie et l’église catholique. Je rappelle à cet égard un très bel écrit de mon maître Gilbert Durand, Un comte sous l’acacia (réédité in Gilbert Durand, Pour sortir du 20esiècle, CNRS éditions 2010) qui rappelle en des pages inspirées comment la pensée de Joseph de Maistre s’inscrit dans une tradition mystique qui est un élément important de l’église catholique.

    RJ : Vous vous dites mécréant mais l’on voit bien à travers vos livres récents que vous vous détachez progressivement de l’orgiasme païen développé dans L’ombre de Dionysos, par exemple, pour vous rapprocher du grand silence des monastères catholiques. Est-ce que, personnellement, vous attendez ou espérez la Grâce ?

    MM : Il m’arrive de dire, inspiré en cela d’Auguste Conte et peut-être de Charles Maurras que je suis catholique et non chrétien. Je rappelle que grâce au culte des saints et à la vénération mariale, l’église catholique a maintenu une certaine forme de polythéisme. Dans mon livre L’Ombre de Dionysos, je montre que certains cultes des saints, par exemple Saint Pothin à Lyon, avaient pour origine la vénération d’une divinité ithyphallique que l’église catholique avait su, avec subtilité baptiser, si je peux m’exprimer ainsi. Je pense également que la mystique développée dans les monastères catholiques est tout à fait en phase avec l’esprit du temps postmoderne. Je n’ai pas à exposer ce que j’attends personnellement d’un tel mouvement, d’une telle évolution, mais je rappelle que grâce, ou à cause du mystère de l’incarnation qui est une très belle métaphore, le catholicisme a pu développer ce que j’ai souvent nommé la transcendance immanente. Cette immanentisation de l’invisible dans le visible se retrouve dans la pensée de St Thomas d’Aquin lorsqu’il rappelle qu’il n’y a rien dans l’intellect qui n’ait d’abord été dans les sens (nihil est in intellectu quod non sit prius in sensu).

    Dans le livre que je suis en train d’écrire et qui fera suite à La Nostalgie du sacré, m’inspirant du très  beau livre du cardin

  • Autour du Prince Jean ! Les influences culturelles franco-polonaises, et l'amitié profonde qui lie nos deux pays.

    TimbrebisRVB.jpg               Le 12 mars 2007, le Prince Jean a commencé un voyage important en Pologne. Nous en avons déjà parlé, et nous en parlerons encore...

                   A côté de moments intenses, comme la rencontre avec Lech Walesa ou l'entretien avec le Cardinal Primat de Pologne, le Prince n'a pas oublié la Culture, les choses de l'Esprit, et il a prononcé, à l'Université catholique de Varsovie, un très intéressant Discours de clôture du colloque sur les Influences culturelles franco-polonaises : « Nous avons beaucoup de choses à nous dire... »

                   C'était au troisième jour de son déplacement, et c'était donc dans l’université catholique Cardinal-Stefan-Wyszynski de Varsovie. Survolant deux siècles de relations culturelles et affectives franco-polonaises, il s'est appuyé sur quelques grands noms pour illuster avec force son propos : Frédéric Chopin, Adam Mickiewicz, Maria Sklodowska, devenue Marie Curie, et d'autres, jusqu'à Karol Wojtyla, le "plus illustre des Polonais".

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                "Je me souviens, l’année dernière, visitant la Bibliothèque polonaise de Paris ( http://www.bibliotheque-polonaise-paris-shlp.fr/ ), si superbement restaurée (ci dessus), d’avoir dit qu’il nous fallait cultiver l’amitié multi-séculaire franco-polonaise pour la rendre actuelle car, culturellement, nous avons toujours beaucoup de choses à nous dire. J’ajoutais que c’était la raison même qui me faisait souhaiter de me rendre en Pologne. Comment, aujourd’hui, devant vous, ne pas confirmer ce propos, qui, vous le voyez, était bien un ferme propos...
    C’est avec un mélange de joie du cœur et de passion de l’intelligence que je réponds à votre invitation de dire quelques mots au terme de ce colloque sur les relations entre la France et la Pologne au XIX siècle. Un colloque riche et divers, à l’image de ce que furent ces échanges entre nos deux pays.

    Le souvenir de Chopin

                Pour bien des Français, s'il est un nom qui les évoque mieux qu'aucun autre, c'est celui de Frédéric Chopin. Au point qu’ils le considèrent bien souvent comme un Français d’origine polonaise, alors que c’est l’inverse qui est vrai. Son patriotisme polonais, on le sait, est irrécusable : en voyage au moment de l’insurrection de 1830, il ne devint un exilé que par sa décision propre. Mais sa présence en France fut celle d’un génie qui non seulement marqua profondément la création musicale, mais en fit un ami ou une relation pour tout ce qui comptait dans la vie culturelle parisienne de cette époque. Sa grande aventure avec George Sand, même si elle ne se termina pas très bien, ou peut-être à cause de cela, est restée une des expressions les plus populaires de la passion romantique. Après son décès place Vendôme, ses funérailles à l’église de la Madeleine constituèrent un juste hommage rendu par les Parisiens qui depuis n’ont jamais cessé de visiter sa tombe au Père Lachaise.

    Hommage à Adam Mickiewicz

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    Portrait par Aleksander Kaminski, vers 1850.

                Parmi les amis du couple, où l’on ne comptait quasiment que des célébrités, un nom retient particulièrement notre attention : Adam Mickiewicz, gloire de la poésie polonaise, gloire également de l’émigration polonaise à Paris. C’est là qu’il écrira sa grande épopée de dix mille vers, « Pan Tadeusz », avant de se voir confier, pendant de nombreuses années, la chaire de littérature slave au Collège de France. Son Livre de la nation et du pèlerin polonais, le premier qu’il écrivit à Paris, fut traduit en français par Montalembert, ami de Lamennais et Lacordaire, une figure de la vie intellectuelle catholique de l’époque, qui ne cessa sa vie durant de défendre la cause polonaise. Un hommage justifié a aussi été rendu à Mickiewicz par la ville de Paris, qui lui a consacré un monument, l’ultime chef-d’œuvre d’Antoine Bourdelle, érigé place de l'Alma.

    L’exemple de Marie Curie

                Sautons un demi-siècle. Nous sommes en 1891. Arrive à Paris une jeune polonaise du nom de Maria Sklodowska. Elle vient suivre des études scientifiques à la Sorbonne. C’est un génie ( http://mariecurie.science.gouv.fr/accueil/homepage.htm ). Deux ans plus tard, elle est reçue première à la licence ès-sciences physiques. Encore deux ans, et elle est reçue 2e à la licence de mathématiques. Et encore deux ans, la voilà reçue première à l’agrégation de physique. Entre-temps, elle a rencontré un autre physicien surdoué, Pierre Curie, qu’elle épouse (photo du couple, ci dessous). Ensemble, ils font des découvertes fondamentales dans le domaine de la radio-activité, qui leur valent en 1903 le prix Nobel de physique. Après la mort accidentelle de Pierre, elle devient la première femme à enseigner à la Sorbonne, et reçoit en 1911 le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur le radium. Se rendant aux Etats-Unis, elle suscite une souscription qui financera l’achat d’1 gramme de radium. Quand elle obtiendra l’équivalent pour un second gramme, elle l’offrira aussitôt à l’Institut du radium de Varsovie : magnifique témoignage de la profondeur de son enracinement polonais. On sait qu’elle mourra de la leucémie contractée à la suite de ses travaux : Maria Sklodowska et son mari Pierre Curie reposent désormais au Panthéon. Foudroyant itinéraire d’une polonaise exceptionnelle qui a adopté la France et que la France a adoptée.

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    L’apport des Polonais à la France

                Frédéric Chopin, Adam Mickiewicz, Marie Curie : trois génies, sans doute. Mais combien d’autres, parfois fort connus, ou plus obscurs, ont contribué à tisser ce lien mystérieux mais puissant qui relie les cultures française et polonaise ? De Ian Potocki à Witold Gombrovicz dans les lettres, Roman Polanski ou Andrzej Seweryn dans le spectacle, nombreux sont les noms polonais familiers aux oreilles françaises. Et si, en France, Paris semble se tailler la part du lion, il n’est pas de région française qui n’ait été, d’une manière ou d’une autre, touchées par la Pologne. Je ne saurais omettre d’en citer une : la Lorraine. Il suffit aux Nancéens de traverser la place Stanislas (ci dessous) pour savoir tout ce que, depuis l’époque des Lumières, ils doivent à Stanislas Leczczynski qui, après avoir régné sur la Pologne, fut duc de Lorraine pendant plus d’un quart de siècle, après avoir donné, avec sa fille Maria, une reine à la France.

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    Comment oublier aussi qu’au XXe siècle, après que Paris eut accueilli la revue de l’émigration Kultura dès la mainmise soviétique sur la Pologne, c’est de cette même Pologne qu’est parti le grand mouvement de révolte, illustré par Solidarnosc, qui, en France même, allait si puissamment contribuer à renverser une autre mainmise, celle de la culture marxiste sur notre classe intellectuelle. C’est à la Bibliothèque polonaise de Paris, vous ne l’ignorez pas, qu’est réuni un fonds exceptionnel de documents sur cette glorieuse époque.

    L'Europe se doit de respecter ses nations.

                J'aimerais dire, pour conclure ces quelques mots, que dans cette relation entre la France et la Pologne, s'il y a une dimension qui m'échappe moins que toute autre, c'est la dimension européenne.Je suis un prince d’Orléans, c’est à dire membre d’une famille qui n’a pas d’autre histoire que celle même de la France. Mais si, au fond de ce que je suis, je trouve la France, cela n’a pour moi rien d’une fermeture. C’est au contraire une ouverture au monde, qui commence par tout ce qui m’est le plus proche : dès que je regarde au-delà de la France, ce que je vois aussitôt, c’est l’Europe, ses cultures, sa civilisation. Je connais l’Europe presque aussi bien que mon propre pays. Et quand je pense à la Pologne et à la France, je n’oublie rien des liens que nous entretenons respectivement avec les autres pays européens, à commencer par l’Allemagne, et aussi la Russie. Et comment ne verrais-je pas que tous, chacun à sa manière, sont d’abord l’Europe ? Une Europe qui se doit de respecter les nations qui la constituent, forte de toutes leurs cultures, qui sont ses cultures, et ainsi plus réelle que les comportements qui tendent à enfermer notre continent dans des règles qui ne lui conviennent pas toujours. L’Europe, nous devons la construire tous les jours, non sur le sable, mais sur le roc de la fidélité à son être profond. C’est ce à quoi je m’attache, avec tout ce que je représente, et en y associant mes amis réunis dans l’association Gens de France.

    Ce que nous devons au plus illustre des Polonais

                 La Pologne et la France : comment ne pas évoquer, in fine, un autre nom, celui du plus illustre des Polonais, Karol Wojtyla, le pape Jean Paul II. Sans doute la France perd-elle là tout lien privilégié à l’égard de la Pologne, tant le message de ce pontife est universel. Mais comment oublierait-elle, notre France, qu’en 1996, 1500 ans après le baptême de Clovis, c’est un Polonais qui vint à Reims et, à la face du monde, de cette voix où l’on entendait rouler les cailloux de la Vistule, l’interpella rudement : « France, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? » D’un bout à l’autre de l’Europe, c’était comme un arc qui était tendu vers le ciel.

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  • La reconnaissance de l’identité française, par Jean-François Mattéi

                Dans la livraison de janvier de Magistro ( www.magistro.fr ) Jean-François Mattéi revient sur le thème de l'identité française. Vous avez été nombreux à apprécier les extraits que nous avons proposé sur ce Blog de son ouvrage magistral (puisqu'on parle de Magistro !...), Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la Culture européenne.

                Vous retrouverez la même hauteur de vue, et la même profondeur de l'analyse, dans le texte qu'il a confié à Magistro, et que nous reproduisons ci-dessous...

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    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

    La reconnaissance de l’identité française, par Jean-François Mattéi

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                Commençons par écarter les malentendus et dissiper les hypocrisies.

                Les adversaires du débat sur l’identité française dénient toute pertinence à la question posée en la jugeant infondée, illusoire ou dangereuse. Ils ne font ici que justifier doublement ce même débat. D’une part, en y participant par leur opposition, ce qui relève de la définition du débat d’idées. D’autre part, en montrant, par leurs réticences, sinon leurs craintes, que ce débat est d’autant plus nécessaire qu’ils ne savent plus ce qu’est l’identité française, ou, plus encore, qu’ils s’en désintéressent. Or, l’identité d’un peuple manifeste l’acte politique par excellence, celui que Rousseau appelait, dans une formule précisément identitaire, "l’acte par lequel un peuple est un peuple". Que cet acte fondateur et permanent soit aujourd’hui oublié par ceux qui, pourtant, tirent leur identité de citoyen de l’identité nationale, témoigne, par son paradoxe, de la nécessité de s’interroger sur lui.


                Aux yeux des censeurs, il est interdit de soulever la question de l’ "identité nationale" comme si l’alliance de ces mots était blessante pour les autres identités. On notera pourtant que ceux-là mêmes qui dénient aux Français le droit d’affirmer leur identité, ou simplement de s’interroger sur elle, se montrent plus tolérants à l’égard de l’identité des autres. On salue avec respect la culture des peuples différents des Français pour mieux critiquer la culture française qui sert de repoussoir avant d’être niée. Ainsi entendait-on récemment Madame Martine Aubry tancer le Président de la République qui "fait honte à la France" parce qu’il aurait instauré un "débat malsain". Or, selon Mme Aubry, "l’identité de la France n’est pas ethnique, pas religieuse, pas culturelle", mais c’est "l’appartenance à des valeurs communes". C’est déjà admettre qu’il y a bien une identité de la France. Mais d’où proviendraient ces valeurs partagées si elles ne sont ni naturelles, c’est-à-dire données par la race, ni culturelles, c’est-à-dire acquises par une histoire commune ?


                Il est vrai que la notion d’identité est délicate à appliquer aux sociétés humaines. Venues des mathématiques où elles se révèlent d’autant plus remarquables qu’elles résolvent les équations du second degré, les identités semblent concerner le seul monde des nombres. Dans l’ordre anthropologique, comme le montrait Lévi-Strauss dans son cours du Collège de France de 1975, l’utilisation de l’identité commence par "une critique de cette notion". La question "qui suis-je ?", en effet, pour un homme comme pour une civilisation, est aussi indécise que la question "que sais-je ?" En posant la dernière question, Montaigne n’avait pas d’autre prétention que de peindre en lui, non pas l’être, mais le passage. Il reste pourtant que Montaigne n’a jamais confondu son identité avec celle de La Boétie – "parce que c’était lui, parce que c’était moi" - et que Lévi-Strauss a reconnu que l’identité est "une sorte de foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses". Ces choses ne sont pas minces si elles concernent l’être d’un homme, d’une société ou d’une civilisation.


                Il suffit de ne pas penser ce foyer comme une identité crispée, refermée sur elle-même, pour éviter qu’elle se fourvoie dans l’exclusion des autres. S’il nous est "indispensable", en revanche, de partager une identité sereine, c’est parce que, seule, la distinction de notre identité avec celle des autres peut assurer leur reconnaissance mutuelle. En d’autres termes, et c’étaient ceux de Montesquieu : à la question comment peut-on être Français ?, la réponse est nécessairement : comment peut-on être Persan ?  L’interrogation sur l’identité d’un peuple, et de sa culture, s’avère indissociable de l’interrogation sur l’identité des autres peuples, et des autres cultures. C’est une chose en effet bien extraordinaire pour un Français que d’habiter ce "foyer" identitaire qui s’est forgé à travers l’histoire à partir d’une myriade d’identités disparates, celte, romaine, franque, sarrasine, italienne, plus tard algérienne, portugaise, espagnole ou polonaise. La mosaïque française est formée de tesselles de diverses formes et de diverses couleurs dont chacune assure l’unité d’un dessin identique en s’intégrant en lui. Ce que ne reconnaissent pas les critiques de l’identité française, c’est que toute société, ou toute culture, est contrainte, du seul fait de son existence, à affirmer son être par opposition à celui d’autrui. C’est moins là un processus d’exclusion de l’autre qu’un processus d’inclusion de soi, lequel, paradoxalement, a besoin de l’altérité de l’autre pour assumer sa propre identité.

                Nul ne l’a mieux vu que Jean-Jacques Rousseau. En annonçant déjà Lévi-Strauss, il soulignait que toute société partielle, précisément parce qu’elle n’est pas totale, ce qui la rendrait totalitaire, se révèle différente de la grande, c’est-à-dire du genre humain. Et Rousseau d’énoncer cette phrase décisive qu’il justifie en mettant en cause ceux qui la récusent : "Tout patriote est dur aux étrangers ; ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux". Tout en notant que l’essentiel est d’être bon envers ceux avec qui l’on vit tous les jours, l’auteur de l’Émile concluait par ce conseil : "Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins". L’identité d’un peuple est donc réelle, lorsqu’elle est vécue librement sans se figer sur elle-même, à la condition, non pas d’exclure l’altérité, mais de la reconnaître comme une identité différente. Telle est l’étrangeté de la reconnaissance identitaire qui a besoin du regard de l’autre pour le tourner vers soi. Ce n’est pas là une identité de négation de l’étranger, mais bien une identité d’affirmation du national. La véritable négation serait plutôt celle de cette haine de soi, en laquelle Constantin Castoriadis, dans un article du Monde  du 9 janvier 1999, voyait "la forme la plus obscure, la plus sombre et la plus refoulée de la haine". Elle croit bon de nier son identité pour exalter celle d’autrui au détriment de leur reconnaissance réciproque.

                La polémique à propos de l’entrée au Panthéon d’Albert Camus est un nouvel avatar de ce déni d’identité. Il suffit que le Président de la République propose un transfert des cendres de l’écrivain pour que l’épouvantail d’une récupération politique soit brandi. Récupération de qui ? De l’extrême droite ? Le rédacteur en chef de Combat  aurait-il partagé les thèses du Front national ou d’un autre parti extrémiste ? L’homme de gauche serait-il devenu, parce qu’il préférait sa mère à la justice, c’est-à-dire la vie de sa mère à la justice du terrorisme, un homme d’extrême droite ? Cela ne tient guère. D’où viendrait alors la récupération ? Des Européens d’Algérie dont il faisait partie et qu’il n’a jamais reniés même quand ils l’ont critiqué, sifflé et exclu de leurs rangs ? Ce serait alors exclure, en même temps que Camus, toute une catégorie de Français dont on ne reconnaîtrait pas l’identité. En fait, le débat sur l’entrée de Camus dans un temple consacré à tous les dieux, en termes modernes, à l’universel, est révélateur de la méfiance à l’égard de l’identité française. Né d’un père d’origine bordelaise et d’une mère d’ascendance espagnole, Camus incarnait charnellement, par la générosité de son engagement comme par la fidélité de son enracinement, l’universalité de la culture française. Ce serait une amère ironie de l’histoire que l’auteur de L’Étranger qui vivait de toutes ses fibres l’étrangeté native de l’existence humaine ne puisse incarner, en reposant au Panthéon, l’identité de la France qui est celle de ses œuvres.

                Qu’est-ce que l’identité d’un Français ? Non pas seulement la connaissance de son passé et de ses traditions, comme il en va de toutes les sociétés et de tous les peuples, mais son identification quotidienne à ce qui mérite d’être identifié comme Français. C’est-à-dire son paysage (Vidal de la Blache disait que "la France est un être géographique"), son humanité (Michelet soulignait que si l’Angleterre est un empire et l’Allemagne un pays, "la France est une personne", et, par-dessus de tout, sa culture. La culture n’est pas un dépôt intellectuel, scientifique et artistique assoupi dans les bibliothèques, mais, comme l’indique son étymologie latine, du verbe colere, "prendre soin" (ainsi l’agricultura est le « soin de la terre »), le soin que l’on porte à ce qui est digne d’être soigné afin d'en d'en produire les fruits. Et les fruits de l’identité française sont, avec sa langue, ses œuvres auxquelles chaque Français s'identifie à tout instant, dès qu’il parle et qu’il agit. L’acte par lequel un peuple est un peuple, une personne une personne, et un citoyen un citoyen, n’est autre que ce processus constant d’identification aux œuvres que d’autres Français ont créées avant nous et que d’autres Français, s’inscrivant dans cet héritage, feront plus tard fructifier.
    "Comment peut-on être Français ?", s’étonnent ceux qui, pour se détacher de tout enracinement, n’acceptent plus de l’être. En évitant d’être le seul peuple qui, pour exalter l’identité des autres, croit nécessaire de répudier la sienne.

  • Médias & Société • Quand Stéphane Guillon et consorts (se) font les Guignols La bien-pensance ne rigole pas

    (Photo : SIPA.00609727_000031)

     
    par Franck Crudo
     
    Journaliste. Il a notamment participé au lancement de 20 Minutes. Il nous donne à passer, ici, un excellent moment.
     
    franckcrudo.jpgUn sketch des Guignols sur le FN aura suffi à faire se boucher le nez, dans un même élan, Stéphane Guillon, Daniel Cohn-Bendit, Philippe Sollers, Alain Soral... Mais de quoi peut-on encore rire aujourd'hui ?
     
    « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui », disait Pierre Desproges… au siècle dernier. Une époque où l’humour en France ne restait pas, pour des questions de principe, confiné dans la prison étroite du politiquement correct. Peu importe la manière dont on faisait rire, l’important était de le faire. Pas d’enclos idéologique ou de police de la pensée. La liberté de rire, sans être jugé. Un autre temps.

    Aujourd’hui, le siècle n’est plus le même et le pays de la liberté d’expression non plus. Le sketch des Guignols sur Marine et Jean-Marie Le Pen, lundi dernier au Grand journal de Canal+, a fait grincer quelques dents et suscité une petite polémique.

     

     

    A la limite, le plus rigolo dans l’histoire, c’est moins le sketch que la réaction de la plupart des invités sur le plateau. Il faut dire que diffuser ce genre de parodie dans une émission qui rivalise avec celle de Ruquier (le samedi soir sur France 2) pour le titre honorifique d’« émission la plus bobo de gauche du PAF », c’est un peu comme proposer un concert d’André Rieu dans certains quartiers nord de Marseille : le succès n’est pas garanti.

    Maïtena Biraben est mal à l’aise. Daniel Cohn-Bendit confie en riant que « ça ne le fait pas rire » et trouve ça « con ». Histoire d’élever le débat, Philippe Sollers confirme en riant que « c’est con » et l’écrivain Cécile Ladjali regrette que ces marionnettes rendent « très sympathiques » les Le Pen. C’est vrai quoi, affubler Jean-Marie de la gueule d’une gargouille avec de faux airs du garde de Jabba le Hutt dans Star Wars, lui faire brandir une matraque puis ânonner une série de clichés racistes, ça attire illico la sympathie.

    Deux jours plus tard, Stéphane Guillon, qui regarde visiblement Le Grand journal en replay, dégaine un tweet outragé (à l’instar d’Alain Soral peu après) :

    Guillon - Soral.jpg

    L’humoriste de gauche — pléonasme car c’est le seul vrai humour qui fait rire sainement — regrette les anciens auteurs des Guignols. La grande époque, version Bruno Gaccio et consorts, celle où l’on avait le cœur bien placé. Celle surtout où l’on savait sur quels sujets et sur quels individus où pouvait rire ou ne pas rire. Des Guignols emblématiques de cette gauche que Philippe Val juge atteinte de « rouge-brunisme » et qu’il décrit comme « anticapitaliste, antisioniste et qui voit dans l’islam la religion des opprimés ». Ah, c’était le bon temps ! Presque deux décennies pendant lesquels Stéphane Guillon a pu se bidonner grâce aux gags récurrents sur l’église catholique et la pédophilie…

     


    Beaucoup moins souvent sur l’islam, car c’est tout de suite moins drôle et ça risquerait de faire le jeu de qui on sait. C’est un peu plus périlleux également… Guillon a pu tout de même se poiler à maintes reprises grâce à la marionnette de Ben Laden, systématiquement représenté en bédouin débonnaire, espiègle et jovial, limite sympa, qui met tous les rieurs de son côté.



    Evidemment, cela ne choque alors nullement Stéphane car il a le sens de l’humour et le fameux esprit Canal. En plus, Twitter n’existe pas à l’époque. Il n’y a qu’un réac pisse-froid pour s’étonner de la complaisante représentation du terroriste. Ou d’un tel décalage dans le traitement « humoristique » des deux religions.

    Et puis Stéphane s’est sans doute aussi tapé des barres sur les inusables sketchs antiaméricains et anticapitalistes avec la marionnette de Stallone en symbole de la World Company.

     


    Avec les anciens auteurs, non seulement on se marrait, mais on ciblait et hiérarchisait les vrais dangers. On avait (beaucoup) moins souvent l’occasion de se bidonner sur le communisme et l’extrême gauche en général, lesquels il est vrai présentaient un bilan globalement positif et une alternative crédible à Monsieur Sylvestre et ses sbires. Mais sur le capitalisme et les Etats-Unis en revanche, qu’est-ce qu’on se boyautait ! D’ailleurs, lors de la chute du mur de Berlin, les Allemands de l’Est se sont précipités à l’Ouest pour pouvoir rigoler à nos côtés.

    Non, décidément, les anciens Guignols, c’était d’un autre niveau. C’était moins beauf, plus subtil. On riait moins gras. Ah la belle époque où l’on se tordait en matant la marionnette de Bernadette Chirac en train de se masturber avec son sac à main ! Où l’on se gondolait devant Amélie Mauresmo, dépeinte en bodybuilder avec une voix de mâle dominant.

     


    Et puis, surtout, les auteurs des Guignols avaient trouvé la parade pour ne pas faire le jeu du Front national. Ne surtout pas en parler. Ne pas caricaturer Le Pen. Se foutre de la gueule de tous les gouvernements et d’une grande partie du personnel politique, sauf de Le Pen. Stratégie imparable. On persifle quotidiennement sur la gauche et la droite, on traite quasiment toutes les semaines nos présidents de Super Menteur ou de Super Voleur et on épargne la bête. Pour ne pas lui faire de la pub. On divertit le bobo, mais aussi le poujado, le gars du bistrot qui braille « tous pourris ». En vingt-cinq ans, le Front national passe de 10 à 30%. Mais au moins, on s’est marré tous les soirs sur Canal.

     

    Stéphane Guillon ne supporte pas les gags pas drôles et les dérapages honteux. Il a bien raison, il sait de quoi il parle. En mars 2015, il sort une vanne sur Twitter qui provoque l’hilarité générale. Ou presque.

    Tweet 2.jpg

    Pendant des années, avant de se faire virer, ses chroniques matinales sur France Inter sont des exemples de drôlerie et de bon goût. Comme ces vannes sur le physique d’Eric Besson, « une taupe du FN aux yeux de fouine », ou de Martine Aubry, « un petit pot à tabac ». Irrésistible. Dommage que le président de Radio France, Jean-Luc Hees, nous la joue alors bégueule en rappelant à l’humoriste que « l’attaque personnelle, fondée sur le physique de la personne, fait partie de ces valeurs infranchissables ».

    Il y aussi cette chronique hilarante au lendemain de l’accident d’avion du président polonais Lech Kaczynski, où il rêve d’une tragédie du même type pour Nicolas Sarkozy, puis balance une énième vanne sur la taille du président et la tête de fouine d’Eric Besson. Les plaisanteries sur le physique et les accidents d’avion, c’est visiblement l’un des principaux ressorts comiques de l’artiste. Le seul ? Certes, c’est un peu facile, mais en attendant, qu’est-ce qu’on se marre ! Comme le dit Woody Allen : « Il n’y a que deux sortes d’humour : le comique de répétition et le comique de répétition. » Dommage pour Guillon que son patron n’ait, lui, aucun humour. Lassé par ses dérapages répétés et plus ou moins contrôlés, Hees licencie le comique (de répétition) quelques mois plus tard, déclarant notamment : « Si l’humour se résume à l’insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais également pour moi (…). Je considère que cette tranche d’humour est un échec. »

    « L’homme ordinaire est exigeant avec les autres. L’homme exceptionnel est exigeant avec lui-même », disait Marc-Aurèle. Stéphane Guillon n’est ni exceptionnel, ni stoïcien. Il est ordinaire et de gauche. De cette gauche surreprésentée dans la sphère médiatique, coupée de la majorité de la population française aujourd’hui, et qui encadre non seulement la façon de penser, mais aussi la façon de rire. Aujourd’hui, on ne peut pas rire avec n’importe qui, mais on ne peut aussi plus rire de tout. Ou plutôt, tout dépend qui fait rire. Car avec le politiquement correct érigé en gardien du temple, l’égalitarisme et l’antiracisme en horizon indépassable, le rubicon peut être franchi à tout moment. Le rire ne peut plus se contenter d’être drôle, il doit aussi être acceptable. Et tant pis si on étouffe dans ce carcan. Le rieur, surtout s’il est blanc et pas forcément de gauche, devient instantanément un suspect potentiel. Sous sa bouche, toute plaisanterie mal calibrée comme dirait l’autre devient très vite sexiste, antisémite, raciste, homophobe.

    Il n’existe que deux parades : être de gauche ou faire partie d’une minorité. La suspicion s’éloigne d’emblée. Se gausser de tous les clichés racistes en les reprenant à son compte, c’est souvent très drôle dans la bouche des jeunes talents du Jamel Comédie Show, de Thomas Ngijol ou de Fabrice Eboué. On peut même se moquer des Roms de façon très politiquement incorrecte comme le fait avec brio le Comte de Bouderbala :



    Imaginez maintenant le même sketch joué par un humoriste blanc, populaire et franchouillard, disons au hasard Jean-Marie Bigard, et certains sourires se crispent aussitôt. Un avocat du Mrap attend peut-être déjà dans sa loge…

    Quand en 1995, Patrick Sébastien se grime en Le Pen, fredonnant « Casser du noir » sur l’air d’une chanson de Patrick Bruel, il fait scandale :



    Sans doute un tournant. C’est l’une des premières fois où la bien-pensance médiatique se déchaîne. Le célèbre imitateur cumule les handicaps : il est blanc, pas de gauche et parfois grossier. Bref, un beauf potentiel. Le coupable idéal.

    Quand Guy Bedos traite à plusieurs reprises une femme politique de droite de « connasse », c’est décapant, c’est corrosif, c’est tout simplement de l’humour. Imaginons maintenant un comique populaire et franchouillard, disons au hasard Laurent Gerra, qui balance la même insulte, pardons la même vanne sur une femme politique de gauche, disons au hasard Christine Taubira… et le lendemain Libé sort trois pleines pages sur le scandale.

    Remontons le temps un instant et imaginons, pour la déconne, ce que donnerait en 2016 une interview de Coluche sur le racisme, un sketch de Pierre Péchin (le match de tennis), un autre de Fernand Reynaud (le douanier), et de Michel Leeb (l’épicerie africaine), ou encore une satire des Inconnus (Les Envahisseurs). En fait non, on n’ose pas imaginer…

    Plus inquiétant encore, le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) se fait aujourd’hui le relais de la bien-pensance en matière d’humour et se montre de plus en plus interventionniste en la matière. A l’instar de ce sketch de Jarry, le 13 octobre dernier sur France 2 dans une émission animée par Stéphane Bern. Pour être honnête, c’est plutôt lourdingue. Mais pas bien méchant non plus. L’autorité audiovisuelle n’a toutefois pas hésité à adresser une mise en garde à la chaîne publique, estimant notamment « que les gestes de l’humoriste envers la chroniqueuse étaient très vulgaires, voire dégradants » et rappelant que « le service public se doit d’être exemplaire en matière de promotion de l’image et de la place de la femme dans les programmes ».

    Le CSA n’existait heureusement pas du temps de Desproges, qui n’a du coup pas été mis en garde lorsqu’il a balancé : « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. Plus je connais les femmes, moins j’aime ma chienne ». Encore heureux également que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne supervise pas la littérature. I

  • Quand Arte apporte sa pierre à l’escroquerie historique de la « légende noire » de la colonisation par Bernard Lugan

    La chaîne Arte vient de se surpasser dans le commerce de l’insupportable escroquerie historique qu’est la « légende noire » de la colonisation. Or, le bilan colonial ne pourra jamais être fait avec des invectives, des raccourcis, des manipulations et des mensonges.

     

    Regardons la réalité bien en face : la colonisation ne fut qu’une brève parenthèse dans la longue histoire de l’Afrique. Jusque dans les années 1880, et cela à l’exception de l’Algérie, du Cap de Bonne Espérance et de quelques comptoirs littoraux, les Européens s’étaient en effet tenus à l’écart du continent africain. Le mouvement des indépendances ayant débuté durant la décennie 1950, le XXe siècle a donc connu à la fois la colonisation et la décolonisation.

    AVT_Bernard-Lugan_2614.jpgQuel bilan honnête est-il possible de faire de cette brève période qui ne fut qu’un éclair dans la longue histoire de l’Afrique ? Mes arguments sont connus car je les expose depuis plusieurs décennies dans mes livres, notamment dans Osons dire la vérité à l’Afrique. J’en résume une partie dans ce communiqué.

     

    1) Les aspects positifs de la colonisation pour les Africains

     

    La colonisation apporta la paix

     

    Durant un demi-siècle, les Africains apprirent à ne plus avoir peur du village voisin ou des razzias esclavagistes. Pour les peuples dominés ou menacés, ce fut une véritable libération.

    Dans toute l’Afrique australe, les peuples furent libérés de l’expansionnisme des Zulu, dans tout le Sahel, les sédentaires furent libérés de la tenaille prédatrice Touareg-Peul, dans la région tchadienne, les sédentaires furent débarrassés des razzias arabo-musulmanes, dans l’immense Nigeria, la prédation nordiste ne s’exerça plus aux dépens des Ibo et des Yoruba, cependant que dans l’actuelle Centrafrique, les raids à esclaves venus du Soudan cessèrent etc.

    A l’évidence, et à moins d’être d’une totale mauvaise foi, les malheureuses populations de ces régions furent clairement plus en sécurité à l’époque coloniale qu’aujourd’hui…

     

    La colonisation n’a pas pillé l’Afrique

     

    Durant ses quelques décennies d’existence la colonisation n’a pas pillé l’Afrique. La France s’y est même épuisée en y construisant 50.000 km de routes bitumées, 215.000 km de pistes toutes saisons, 18.000 km de voies ferrées, 63 ports équipés, 196 aérodromes, 2000 dispensaires équipés, 600 maternités, 220 hôpitaux dans lesquels les soins et les médicaments étaient gratuits. En 1960, 3,8 millions d’enfants étaient scolarisés et dans la seule Afrique noire, 16.000 écoles primaires et 350 écoles secondaires collèges ou lycées fonctionnaient. En 1960 toujours 28.000 enseignants français, soit le huitième de tout le corps enseignant français exerçaient sur le continent africain.

     

    Pour la seule décennie 1946 à 1956, la France a, en dépenses d’infrastructures, dépensé dans son Empire, donc en pure perte pour elle, 1400 milliards de l’époque. Cette somme considérable n’aurait-elle pas été plus utile si elle avait été investie en métropole ? En 1956, l’éditorialiste Raymond Cartier avait d’ailleurs écrit à ce sujet : 

     

    « La Hollande a perdu ses Indes orientales dans les pires conditions et il a suffi de quelques années pour qu'elle connaisse plus d'activité et de bien-être qu’autrefois. Elle ne serait peut-être pas dans la même situation si, au lieu d’assécher son Zuyderzee et de moderniser ses usines, elle avait dû construire des chemins de fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, subventionner les clous de girofle des Moluques et payer des allocations familiales aux polygames de Bornéo. »

     

    Et Raymond Cartier de se demander s’il n’aurait pas mieux valu « construire à Nevers l’hôpital de Lomé et à Tarbes le lycée de Bobo-Dioulasso ».

     

    Jacques Marseille[1] a quant à lui définitivement démontré quant à lui que l’Empire fut une ruine pour la France. L’Etat français dût en effet se substituer au capitalisme qui s’en était détourné et s’épuisa à y construire ponts, routes, ports, écoles, hôpitaux et à y subventionner des cultures dont les productions lui étaient vendues en moyenne 25% au-dessus des cours mondiaux. Ainsi, entre 1954 et 1956, sur un total de 360 milliards de ff d’importations coloniales, le surcoût pour la France fut de plus de 50 milliards.

    Plus encore, à l’exception des phosphates du Maroc, des charbonnages du Tonkin et de quelques productions sectorielles, l’Empire ne fournissait rien de rare à la France. C’est ainsi qu’en 1958, 22% de toutes les importations coloniales françaises étaient constituées par le vin algérien qui était d’ailleurs payé 35 ff le litre alors qu’à qualité égale le vin espagnol ou portugais était à19 ff.

    Quant au seul soutien des cours des productions coloniales, il coûta à la France 60 milliards par an de 1956 à 1960.

     

    Durant la période coloniale, les Africains vivaient en paix

     

    Dans la décennie 1950, à la veille des indépendances, à l’exception de quelques foyers localisés (Madagascar, Mau-Mau, Cameroun) l’Afrique sud-saharienne était un havre de paix.

    Le monde en perdition était alors l’Asie qui paraissait condamnée par de terrifiantes famines et de sanglants conflits : guerre civile chinoise, guerres de Corée, guerres d’Indochine et guerres indo-pakistanaises.

    En comparaison, durant la décennie 1950-1960, les habitants de l'Afrique mangeaient à leur faim, étaient gratuitement soignés et pouvaient se déplacer le long de routes ou de pistes entretenues sans risquer de se faire attaquer et rançonner.

     

    Soixante-dix ans plus tard, le contraste est saisissant: du nord au sud et de l'est à l'ouest, le continent africain est meurtri :

     

    - Dans le cône austral, ce qui fut la puissante Afrique du Sud sombre lentement dans un chaos social duquel émergent encore quelques secteurs ultra-performants cependant que la criminalité réduit peu à peu à néant la fiction du "vivre ensemble".

    - De l'atlantique à l'océan indien, toute la bande sahélienne est enflammée par un mouvement à la fois fondamentaliste et mafieux dont les ancrages se situent au Mali, dans le nord du Nigeria et en Somalie.

    - Plus au sud, la Centrafrique a explosé cependant que l'immense RDC voit ses provinces orientales mises en coupe réglée par les supplétifs de Kigali ou de Kampala.

     

    Si nous évacuons les clichés véhiculés par les butors de la sous-culture journalistique, la réalité est que l’Afrique n’a fait que renouer avec sa longue durée historique précoloniale. En effet, au XIX° siècle, avant la colonisation, le continent était déjà confronté à des guerres d’extermination à l’est, au sud, au centre, à l’ouest. Et, redisons-le en dépit des anathèmes, ce fut la colonisation qui y mit un terme.

     

    Aujourd’hui, humainement, le désastre est total avec des dizaines de milliers de boat people qui se livrent au bon vouloir de gangs qui les lancent dans de mortelles traversées en direction de la "terre promise" européenne. Les crises alimentaires sont permanentes, les infrastructures de santé ont disparu comme l'a montré la tragédie d'Ebola en Afrique de l'Ouest ou la flambée de peste à Madagascar, l'insécurité est généralisée et la pauvreté atteint des niveaux sidérants.

     

    Economiquement, et à l’exception d’enclaves dévolues à l’exportation de ressources minières confiées à des sociétés transnationales sans lien avec l’économie locale, l’Afrique est aujourd’hui largement en dehors du commerce, donc de l’économie mondiale, à telle enseigne que sur 52 pays africains, 40 ne vivent aujourd’hui que de la charité internationale

     

    2) Les conséquences négatives de la colonisation

     

    La colonisation a déstabilisé les équilibres démographiques africains

     

    La colonisation a mis un terme aux famines et aux grandes endémies. Résultat du dévouement de la médecine coloniale, la population africaine a été multipliée par 8, une catastrophe dont l’Afrique aura du mal à se relever.

    En effet, le continent africain qui était un monde de basses pressions démographiques n’a pas su « digérer » la nouveauté historique qu’est la surpopulation avec toutes ses conséquences : destruction du milieu donc changements climatiques, accentuation des oppositions entre pasteurs et sédentaires, exode rural et développement de villes aussi artificielles que tentaculaires, etc.


    La colonisation a donné le pouvoir aux vaincus de l’histoire africaine

     

    En sauvant les dominés et en abaissant les dominants, la colonisation a bouleversé les rapports ethno-politiques africains. Pour établir la paix, il lui a en effet fallu casser les résistances des peuples moteurs ou acteurs de l’histoire africaine.

    Ce faisant, la colonisation s’est essentiellement faite au profit des vaincus de la « longue durée » africaine venus aux colonisateurs, trop heureux d’échapper à leurs maîtres noirs. Ils furent soignés, nourris, éduqués et évangélisés. Mais, pour les sauver, la colonisation bouleversa les équilibres séculaires africains car il lui fallut casser des empires et des royaumes qui étaient peut-être des « Prusse potentielles ».

     

    La décolonisation s’est faite trop vite

     

    Ne craignons pas de le dire, la décolonisation qui fut imposée par le tandem Etats-Unis-Union Soviétique, s’est faite dans la précipitation et alors que les puissances coloniales n'avaient pas achevé leur entreprise de « modernisation ».

    Résultat, des Etats artificiels et sans tradition politique ont été offerts à des « nomenklatura » prédatrices qui ont détourné avec régularité tant les ressources nationales que les aides internationale. Appuyées sur l’ethno-mathématique électorale qui donne automatiquement le pouvoir aux peuples dont les femmes ont eu les ventres les plus féconds, elles ont succédé aux colonisateurs, mais sans le philanthropisme de ces derniers…

     

    Les vraies victimes de la colonisation sont les Européens

    Les anciens colonisateurs n’en finissent plus de devenir « la colonie de leurs colonies » comme le disait si justement Edouard Herriot. L’Europe qui a eu une remarquable stabilité ethnique depuis plus de 20.000 ans est en effet actuellement confrontée à une exceptionnelle migration qui y a déjà changé la nature de tous les problèmes politiques, sociaux et religieux qui s’y posaient traditionnellement.

     

    Or, l’actuelle politique de repeuplement de l’Europe est justifiée par ses concepteurs sur le mythe historique de la culpabilité coloniale. A cet égard, la chaîne Arte vient donc d’apporter sa pierre à cette gigantesque entreprise de destruction des racines ethniques de l’Europe qui porte en elle des événements qui seront telluriques.

    Bernard Lugan

    [1] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce. Paris, 1984. Dans ce livre Marseille évalue le vrai coût de l’Empire pour la France.

  • Le multiculturalisme, par Aristide Renou.

    Thomas Klingenstein du Claremont Institute (comment, vous n’êtes pas encore abonné à The Claremont Review of Books ? Mais qu’est-ce que vous attendez ?!) a publié récemment un essai fort intéressant. Cet essai porte sur la mission que devrait, selon lui, se donner la droite américaine. Mais ce qu’il dit est tout à fait pertinent pour nous aussi, moyennant de très légères transpositions. Je n’insulterai pas votre intelligence en vous indiquant lesquelles.

    J’ai donc traduit quelques passages qui me semblent éclairants sur ce qui est en train de se jouer, des deux côtés de l’Atlantique, avec ces histoires de statues que l’on déboulonne, de manifestations « antiracistes » ouvertement racistes et d’indigénisme universitaire.

    ***

    « Comme n’importe quel régime, le multiculturalisme enseigne ses croyances et ses valeurs à ses futurs citoyens. Il le fait notamment par l'enseignement de l'histoire américaine. L'histoire américaine n'est pas simplement le récit de ce qui s'est produit en Amérique dans le passé : elle est une description de ce que nous sommes en tant que peuple. Par conséquent, notre histoire est un guide général pour l'avenir.

    Jusqu'à il y a une ou deux générations, l'histoire américaine était la description d'un peuple bon qui s'efforçait, même de façon imparfaite et hésitante, de réaliser ses nobles idéaux. Et notre histoire - qui nous est propre, que seuls les Américains partagent - nous a unis et a contribué à faire de nous un seul peuple. Certains aspects de notre histoire ont changé au fil du temps, à mesure que de nouveaux faits ont été mis en lumière et que de nouvelles interprétations de faits anciens ont été proposées, mais la trame essentielle de cette histoire n'a pas changé. Le multiculturalisme cherche à renverser cette perspective.

    Les multiculturalistes, comme tous les totalitaires, comprennent que pour changer une culture il faut réécrire son histoire de manière à mettre le passé en concordance avec l’avenir souhaité. C'est le but du « Projet 1619 », une opération très importante lancée par le New York Times et dirigée par la journaliste Nikole Hannah-Jones, lauréate du prix Pulitzer. Le Projet 1619, écrit le Times, « vise à reformuler l'histoire du pays, en considérant l’année 1619 [première date connue d’arrivée d’Africains sur le sol américain] comme notre véritable fondation et en plaçant les conséquences de l'esclavage et la contribution des Noirs américains au centre de la compréhension que nous avons de nous-mêmes ». Dans cette version de l'histoire américaine, les Etats-Unis, écrit Hannah-Jones, ne sont pas « pas une démocratie mais une slavocratie », et « l'une des principales raisons pour lesquelles les colons américains ont décidé de déclarer leur indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne est qu'ils voulaient protéger l'institution de l'esclavage ».

    La version que donne le Times de l'histoire américaine fait de l'esclavage la cause de presque tout ce que le Times n'aime pas dans l'Amérique d'aujourd'hui (et notamment le capitalisme), et rend les Noirs responsables de pratiquement tout ce qui est bon en Amérique - ce qui, selon le Projet 1619, se monte à peu de choses.

    Cette version multiculturelle de l'histoire américaine nous enseigne que nous sommes indignes – elle ne nous apprend pas seulement que nous avons péché (ce qui est bien sûr le cas), mais que nous sommes irrémédiablement pécheurs. Le péché (en l'occurrence le racisme) est « dans notre ADN », comme le dit le Projet 1619. Il s’agit d’inculquer la honte et non le patriotisme. Le Projet 1619 promeut à la fois un sentiment de victimisation chez les Noirs (et les autres minorités « opprimées ») et de culpabilité chez les Blancs.

    Selon cette manière de penser, nous ne sommes pas un seul peuple, mais un ensemble de peuples différents. Il s’agit d’aviver la conscience des différences raciales et non l’indifférence à la couleur de peau. La version de l'histoire promue par le Projet 1619 est résolument tournée vers le passé et nous enseigne que notre première priorité devrait être de réparer ce que nous avons fait. Sa principale affirmation, à savoir que le capitalisme est une forme d'esclavage, est un plaidoyer pour le socialisme.

    En un mot, le projet de 1619 enseigne que l'Amérique - ses valeurs, ses coutumes et ses institutions - incarne le mal.

    Nous ne pouvons pas nous défendre si nous pensons que nous ne méritons pas d’être défendus. Nous ne vaincrons pas la Chine (ou d'autres ennemis) à moins de vaincre d’abord les conceptions qui nous privent de raisons de nous préférer à nos ennemis. La Chine peut représenter un danger plus immédiat. Mais, en fin de compte, le plus grand danger qui nous menace est la compréhension avilissante de nous-mêmes que le Projet 1619 cherche à imposer.

    Trump comprend cela aussi. Il est notre antidote aux effets démoralisants du Projet 1619. S'il y a une chose que Trump incarne au plus haut point, c’est la fierté d’être Américain. Trump dégage plus de confiance dans l'Amérique que n'importe quelle personnalité de premier plan de mémoire d'homme. Je ne suppose pas que Trump soit plus patriote que la plupart des Républicains, mais il exprime son patriotisme bien plus souvent qu’ils ne le font. À chaque instant vous l’entendez affirmer que l'Amérique est « incroyable » - sa science, son armée, ses entreprises, son peuple (et, bien entendu, lui-même).

    La seule chose qu'il ne juge pas incroyable (dans un sens positif), ce sont les médias grand public, et cela parce qu'il considère les médias comme anti-américains. Trump n'exprime pas toujours son amour de l'Amérique dans la langue d'un professeur de Cambridge ? Et après ? Lui seul, dominant toutes les autres personnalités politiques de droite, s'oppose aux sentiments autodestructeurs de notre époque : la culpabilité et le doute engendrés par le multiculturalisme. Quels que soient les défauts de Trump, sa défense acharnée de l'Amérique les compense amplement.

    Tout cela pour dire que la guerre contre le multiculturalisme n'est pas en premier lieu un combat au sujet de la Constitution, ou de la taille du gouvernement, ou au sujet des politiques économiques ou à propos des décisions de la Cour suprême (même s’il est important de continuer à mener ces batailles). La guerre porte sur les institutions qui forment notre culture. Il s'agit d'une guerre culturelle.

    Mener cette guerre contre le multiculturalisme est aujourd'hui une responsabilité qui repose presque entièrement sur les épaules de nos hommes politiques. Il fut un temps où nos institutions formatrices de l'opinion - universités, médias, industrie du divertissement - soutenaient le mode de vie américain. Ce n’est plus le cas. La droite ne peut plus défier la culture de l'élite à partir de ces institutions, car elle n'a pratiquement pas de troupes sur le terrain. Il est donc nécessaire que la droite mène la guerre culturelle sur le champ de bataille de la politique.

    Les Républicains devraient prendre exemple sur Trump. Il est notre champion dans cette guerre culturelle – un refus vivant et parlant du multiculturalisme et des idées post-modernes sur lesquelles il s’appuie. Chaque fois qu'il dédaigne le politiquement correct, il défend la spécificité culturelle de l'Amérique. Après tout, qu'est-ce que le politiquement correct si ce n'est l'interdiction de défendre la spécificité de la culture américaine ? Trump a dit encore et encore très précisément ce que le politiquement correct interdit de dire : « L’Amérique ne veut pas de diversité culturelle, nous avons notre propre culture, elle est exceptionnelle et nous voulons la garder telle qu’elle est. »

    Et Trump entre dans l’arène bien décidé à en découdre. En revanche, de nombreux Républicains, peu habitués aux conditions du temps de guerre, continuent à essayer de « tendre la main à ceux qui sont de l’autre côté ». Cependant, dans une guerre, si vous êtes trop désireux de trouver un terrain d'entente, vous risquez de vous retrouver sur le terrain de l’ennemi. Cela semble être une propension des Républicains.

    Il importe de le répéter : les désaccords portant sur les finalités ne peuvent pas faire l’objet de compromis. Si jamais le parti Républicain s’avisait de l’existence du Projet de 1619, il ne fait aucun doute qu'il le trouverait contestable. Mais alors, les Républicains ôteraient toute force à leurs objections en reconnaissant que le Projet 1619 contient de nombreuses affirmations véridiques dont nous devrions tenir compte. Ils seraient alors conduits à accepter le programme éducatif du Projet 1619 : d'abord en partie, puis, finalement, dans son intégralité.

    Bien sûr, le Projet 1619 contient des affirmations véridiques. Quel récit historique n’en contient pas ? Mais le message général qu’il transmet est si faux et si destructeur que ce Projet doit être réduit en miettes. Soit vous commencez en 1619 et vous faites de l'esclavage la notion fondamentale de la nation américaine, soit vous commencez en 1776 et vous faites de l'égalité humaine la notion fondamentale. C'est l'un ou l'autre.

    De nombreux Républicains, notamment ceux qui sont de tendance libertarienne, disent aux multiculturalistes : « Vous pouvez vivre comme vous le souhaitez, mais laissez-nous vivre comme nous le souhaitons ». S'attendre à ce que les gens vivent d'une certaine manière alors qu'ils sont entourés de personnes qui vivent d'une manière très différente est une idée chimérique s'il en est. Pour la plupart des êtres humains, vivre en accord avec un ensemble de valeurs donné exige de vivre dans un environnement qui soutient ces valeurs. Les multiculturalistes, contrairement aux conservateurs du genre « vivre et laisser vivre », comprennent très bien cela, c'est pourquoi ils insistent pour que nous nous conformions tous à leurs valeurs.

    Par exemple, comme le souligne Scott Yenor, les multiculturalistes comprennent que s'ils veulent vraiment « libérer » les femmes, il ne suffit pas de leur permettre de faire passer leur carrière avant la maternité : les femmes doivent être obligées de le faire. Sinon, les femmes verront qu'elles ont le choix. De même, il ne suffit pas de permettre aux écoles d'adopter le programme éducatif du Projet 1619 sur une base individuelle : elles doivent être tenues de l'adopter. Bien sûr, au début, c'est présenté comme facultatif, mais c’est seulement parce que les multiculturalistes comprennent qu'ils doivent procéder par étapes.

    Hannah-Jones, La responsable du Projet 1619, insiste sur le fait qu'aucune personne saine d'esprit ne peut s'opposer au récit historique centré sur l’esclavage qui est celui du Projet. « Nos fact checkers sont allé voir un panel d'historiens et leur ont fait passer en revue chaque argument et chaque fait qui se trouve ici », a-t-elle déclaré dans une interview à PBS. « Donc il n’est pas possible contester factuellement ce que nous disons. »

    Les Républicains devraient en prendre bonne note. Ils combattent un ennemi qui croit qu'il est impossible de contester les faits qu’il avance. Si les Républicains pratiquent le « vivre et laisser vivre » tandis que les multiculturalistes pratiquent le « faites comme nous, ou bien sinon », les Républicains continueront à perdre. »

    Thomas D. Klingenstein, “Preserving the American way of life”, The American Mind, 3 juin 2020.

  • Pascal Bruckner et le mal blanc Le bouc émissaire de notre temps, par Bérénice Levet.

    Avec Un coupable presque parfait, Pascal Bruckner nous invite dans ce « chaudron de sorcières » du XXIe siècle où on fabrique le monstre absolu : l’homme blanc hétérosexuel. Une cuillère de féminisme identitaire, une cuillère d’indigénisme et un bouc émissaire tout chaud est offert à la vindicte des victimes professionnelles.     

    6.jpgLe titre a des accents hitchcockiens, et l’essai, tout d’une haletante enquête policière. Dans l’ouvrage qu’il fait paraître aujourd’hui, Un coupable presque parfait : la construction du bouc émissaire blanc (Grasset), Pascal Bruckner se fait le fin limier de l’infiltration, en Occident et d’abord en France, de deux idéologies estampillées « made in USA », le féminisme identitaire, non seulement étranger, mais contraire au féminisme universaliste à la française, et l’indigénisme ou le décolonialisme, faisant de la couleur de peau et de l’appartenance raciale la base et le ciment des communautés humaines. Deux idéologies dont les haines et les luttes cristallisent autour d’une seule et même figure : l’homme blanc.  Bruckner veut comprendre. Comprendre comment nous en sommes arrivés là, là c’est-à-dire à « la prédominance du racial sur le social, de l’ethnique sur le politique, du minoritaire sur la norme, de la mémoire [et très exactement des mémoires] sur l’histoire ». Comment l’antiracisme et le féminisme ont pu se fourvoyer et se dévoyer pour ne plus consister que dans un combat mené contre l’homme blanc.

    Le mâle blanc, ennemi à abattre

    Bruckner nous fait ainsi pénétrer dans le laboratoire de fabrication de cette créature inédite et singulièrement maléfique : le mâle blanc hétérosexuel et plus maléfique encore, si tant est que cela soit possible, s’il a plus de 50 ans et s’il est juif – et c’est ainsi que Polanski a pu devenir l’incarnation même de l’homme à abattre, ou, à l’heure de la « cancel culture », à « annuler », à « effacer » de l’histoire du cinéma et des instances du septième art, comme au temps de Staline, on biffait des photographies officielles les personnalités tombées en disgrâce.

    Le mâle blanc hétérosexuel est l’aimant qui attire à lui toute la limaille des idéologies ; il est la clef qui ouvre toutes les serrures. Il est au carrefour, à l’intersection de toutes les luttes, celles des féministes naturellement, des « diversités ethniques », des minorités sexuelles, des mouvements LGBT, mais non moins des écologistes, des végans, des animalistes. Car ces luttes ne racontent jamais qu’une seule et même histoire, celle de la domination masculine, toute la complexité du réel se résolvant dans l’antagonisme d’un bourreau, l’homme blanc, et de ses victimes aux visages multiples et infinis. Qui chasse ? Qui s’obstine à demeurer carnivore et se montre le plus rétif à se convertir au régime végan ? Qui conduit « sa bagnole et roule au diesel » ? Et de Greta Thunberg à Alice Coffin, en passant par Grégory Doucet ou Éric Piolle (les maires EELV respectivement des villes de Lyon et de Grenoble), c’est autour de cette créature infernale qu’est l’homme blanc que se fomentent les petits crimes, crimes symboliques pour le moment, mais jusqu’à quand, car, ainsi que le rappelle Pascal Bruckner, « il n’est pas d’exemples dans l’histoire d’un groupe ethnique ou culturel qui, désigné à la vindicte générale, ne finisse par être malmené »

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    Manifestation à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, Toulouse, 8 mars 2020. ©Frédéric Scheiber/ Hans Lucas/ AFP

    L’imprégnation des esprits par la propagande néoféministe

    Inspiré par Racine, Bruckner a intitulé un de ses chapitres « Vers l’Occident compliqué, avec des idées simples », mais c’est d’abord vers l’humaine condition dans son entier que ces idéologues s’avancent avec des idées simples. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, de la fine et subtile grammaire du désir féminin, qui ne se résout pas dans la claire alternative du oui et du non, mais où toutefois le oui est un oui, et non, comme le voudraient les néoféministes, un « peut-être » susceptible le lendemain ou des années plus tard d’être requalifié en viol – on saluera le courage de Bruckner de se risquer sur ce terrain éminemment glissant du « consentement ». Sous l’influence du féminisme américain, au pays de Colette, cette romancière dont Philip Roth disait que « pour un Américain, c’est l’acceptation du sexe » et une exaltation du « plaisir pris et donné » inconnue de la littérature américaine, une femme jamais ne se donnerait, toujours elle serait prise et malgré elle. [Livre : Cliquer sur l’image pour en savoir plus]

    Ces idéologies sont bêtes et méchantes, on aimerait pouvoir les ignorer, les mépriser, ne pas leur consacrer une seconde de notre vie, mais elles sont prises au sérieux, très au sérieux, et font des adeptes dans les plus hautes sphères de la société. « Il serait présomptueux, écrivait Pascal Bruckner en 1994 dans La Tentation de l’innocencede se croire immunisés pour toujours de la contagion américaine. » La France semblait en effet, de par son histoire, de par son entente de la vie, de par sa personnalité, mieux armée que toute autre nation pour faire barrage aux activistes du féminisme identitaire, de l’indigénisme et du décolonialisme. Mais en France, il n’est guère que contre Marine Le Pen et le RN qu’il convienne de faire barrage.

    Et les citadelles tombent les unes après les autres. La logique identitaire a acquis en France une autorité et un crédit tout à fait exorbitants, dans les médias et jusque dans les universités et les grandes écoles où elle trouve audience et chaire. L’histoire s’est singulièrement accélérée ces trois ou quatre dernières années. « Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts. » De toute évidence, nos élites ont fait leur la devise du comte de Bréville dans Boule de suif. Et les forts aujourd’hui, ce sont les femmes, les Noirs, les musulmans, bref les minorités et la diversité.

    Une rupture culturelle et civilisationnelle

    Il faut mesurer à quel point parler la langue des identités, s’orienter selon les catégories du « genre », de la « race », de la « sexualité », réclamer la « visibilité » en tant que « femme », « Noir », « gay », « lesbienne », « trans », que sais-je encore, représente une rupture civilisationnelle pour la France. Sans doute tous les pays sont-ils affectés par ces offensives identitaires, mais la question prend un tour singulièrement brutal et cuisant dans un pays comme le nôtre, longtemps fier de son universalisme, c’est-à-dire de son indifférence aux différences, et de sa laïcité, qui est d’abord une exigence sinon d’invisibilité, du moins de discrétion, portée par la conscience vive de ce que les particularités peuvent être des brandons de discorde (leçon des guerres de religion du XVIe siècle). Ces deux idéaux, universalisme et laïcité, sont corrélés et sont ensemble sous-tendus par une certaine idée de l’homme. La France fait, a longtemps fait, en effet, c’est sa singularité et sa noblesse, le pari de la liberté humaine, elle postule en chacun la possibilité de faire un pas de côté par rapport à ses appartenances. La France ne prêche pas l’arrachement, mais elle éperonne la marche du cavalier, comme on dit au jeu d’échecs. Elle n’abandonne pas l’individu au vide identitaire, elle le rattache – et par là même l’agrandit et l’élargit – à cette réalité plus vaste qu’est la patrie, douée d’une personnalité propre, irréductible à la somme des parties. Aux indigénistes et aux décoloniaux, nous rappellerons le mot de l’historien Jacques Bainville : « Le peuple français […], c’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

     Nous étions fiers de cette exception française, mais aussi loués, admirés, aimés pour cette singularité que nous portions haut. Pascal Bruckner cite Joséphine Baker (qu’il ne dédaignerait pas de voir entrer au Panthéon) et le romancier James Baldwin, rendant l’un et l’autre hommage aux vertus émancipatrices de l’universalisme à la française. Si les jeunes générations se révèlent si poreuses aux idéologies diversitaires, si le féminisme identitaire trouve ses adeptes parmi les moins de 50 ans, c’est que voilà quatre décennies que nous ne cultivons plus cet idéal. Que nous n’en goûtons plus la saveur. Qui conçoit encore qu’il soit possible de vivre dans un monde où l’identité ne joue aucun rôle dans l’espace public et politique ? Les identités particulières séparent, l’identité nationale unit.

    Un appel courageux à une prise de conscience de l’Occident

    Si l’Occident est « désigné à l’opprobre alors que son rôle décline », c’est que « rien n’excite plus la rage qu’un homme à terre », explique Bruckner ; c’est aussi, doit-on ajouter, que ces mouvements identitaires sentent que le fruit est mûr, qu’il ne demande plus qu’à tomber et qu’ils n’auront plus, bientôt, qu’à le ramasser. Ils ont raison, sans mobilisation collective, il tombera.

    Ce livre est un grand coup de pied dans la fourmilière. Un coupable presque parfait ne saurait en effet être lu comme un simple état des lieux désolé et désolant, une énième déploration de la France comme elle ne va pas, mais bien comme un énergique appel à nous réveiller, à recouvrer la raison et les raisons de nous estimer. Les avancées de ces idéologies sont sans doute fulgurantes, mais elles ne sont pas inexorables, veut croire Bruckner, et nous avec lui. [Livre : Cliquer sur l’image pour en savoir plus]

    Sa confiance procède de sa foi dans les ressources françaises. Si nous aspirons réellement à faire rentrer dans leur lit les identités, à triompher de cette tyrannie dissolvante et potentiellement meurtrière, servons-nous de la France, comme dirait Bernanos, servons-nous en l’occurrence de notre idéal universaliste à la française. Déjà en 2019, Bruckner déclarait dans Le Figaro : « Ce n’est pas le Royaume-Uni multiculturaliste ou l’Allemagne qui gagneront face aux islamistes, la France est seule capable de leur tenir tête en Europe » – et ce n’était pas péché de vanité hexagonale, mais conscience ardente des trésors que nous recelons. Confiance portée également par l’écart que l’essayiste observe entre une partie des élites communiant dans la détestation de l’Occident et manifestement travaillée par un « désir d’extinction », et les peuples – non le peuple, idole à laquelle Bruckner ne sacrifie guère, on a pu le vérifier lors du mouvement de Gilets jaunes – attachés à leur civilisation et mus par « un véhément désir de résurrection ». 

     

    Bérénice Levet

    Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie. Elle a fait paraître Libérons-nous du féminisme !  aux éditions de l’Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 

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    Source : https://www.causeur.fr/

  • Bérénice Levet : « La ville est devenue le théâtre des obsessions identitaires », par Eugénie Bastié.

    «Nous avons affaire à des individus incarcérés dans la prison du présent, sans épaisseur temporelle, aplanis, sans verticalité, reconduisant toute grandeur à leur minuscule dimension», souligne Bérénice Levet. JULIEN FALSIMAGNE

    ENTRETIEN - Bérénice Levet est philosophe, spécialiste de Hannah Arendt. Elle publiera prochainement L’Écologie ou l’ivresse de la table rase, aux Éditions de l’Observatoire.

    2.jpgLE FIGARO. – La mairie de Rouen envisage de remplacer la statue équestre de Napoléon par une statue de l’avocate Gisèle Halimi, après l’avoir temporairement remplacée par un Napoléon «uberisé», représenté en livreur Deliveroo. Faut-il y voir un symptôme de la «cancel culture» ?

    Bérénice LEVET. – En partie. Le déboulonnage des statues, car c’est bien de cela qu’il s’agit ici, est assurément un symptôme de la «cancel culture», de cette fièvre épuratrice tournée contre notre passé et d’abord contre ses figures d’incarnation. «Qui dira ce que l’avenir fera au passé?» demandait, non sans inquiétude, le philosophe Günther Anders dans les années 1950. Nous le savons désormais, il est effacé, annulé, biffé, décrété nul et non avenu. Napoléon se voit chargé de tous les crimes et notamment celui d’avoir été misogyne, sexiste, symbole d’une société patriarcale, bref de n’avoir pas été féministe. Le remplacer par une femme serait donc une belle vengeance.

    On entend souvent dire que ces procureurs cèdent au péché d’anachronisme, mais cet argument, qui laisse entendre que cette critique aurait quelque pertinence si elle était émise aujourd’hui, ne me semble guère convaincant: je refuse que l’on apprécie l’action d’un homme, qu’il soit d’aujourd’hui, de demain ou d’hier, sur la base de ce seul critère.

    Revenons à Rouen, il faut rappeler que les statues qui jalonnent nos villes ont été érigées comme autant de pages d’histoires destinées à cimenter un peuple français déchiré par la Révolution française. La monarchie de Juillet, soucieuse de recoudre le manteau déchiré, leur attache d’emblée une fonction pédagogique qu’elles conserveront dans l’esprit de ses successeurs. Il faut lire à cet égard les passionnants travaux de l’historien Maurice Agulhon.

    Une ville ne se conjugue pas au seul présent. Les statues sont là pour témoigner de cette sédimentation, de cette épaisseur historique. Des liens tout à fait privilégiés attachaient Napoléon et la ville de Rouen, le peintre Isabey avait immortalisé sa visite à la manufacture des frères Sévène et, d’ailleurs, le tableau avait été reproduit en bas-relief sur le socle de la statue. La statue tissait un fil entre hier et aujourd’hui.

    Mais précisément, nous ne cherchons plus à connaître notre histoire, à la comprendre et à l’aimer, elle ne semble plus destinée qu’à comparaître devant le tribunal des vivants. Que sait-on en effet de notre histoire, sinon qu’elle fut et demeure patriarcale, esclavagiste, coloniale, homophobe, que sais-je encore? Bref, une grande fabrique de victimes auxquelles nous devrions réparation, d’où ces grands programmes de déboulonnage. Qui, de surcroît, aspirerait à continuer une telle chronique, et se donnerait pour mission d’entretenir la mémoire des morts, de ceux qui ont fait la France et qui l’ont fait, quoi qu’on se plaise à en dire, grande ?

    La ville est-elle devenue le terrain de jeu des nouveaux progressistes ?

    Nous avons affaire à des individus incarcérés dans la prison du présent, sans épaisseur temporelle, aplanis, sans verticalité, reconduisant toute grandeur à leur minuscule dimension. Nous confions le destin de nos villes et de la France à des êtres qui ne se regardent plus comme les dépositaires de la mémoire d’une ville ou d’une patrie, comme les obligés de cet héritage, comme les garants de la continuité de cette histoire. Ils deviennent les princes de ces villes, et cela se vérifie dans chacune des municipalités gouvernées depuis juin 2020 par des élus EELV mais auparavant, déjà, à Paris, avec Anne Hidalgo (de la génération précédente, certes, mais synthèse du progressisme de la table rase). Elles ne sont pour eux que de la matière à façonner, selon leur idée du meilleur des mondes possibles.

    La chose est rendue éclatante avec la statue installée en intérim place du Général-de-Gaulle, représentant Napoléon en livreur Deliveroo, vêtu d’un jogging et sur un vélo. Il s’agit de «faire marrer» a dit le plasticien – on tutoie le passé, ce qui est une autre manière de le piétiner. Signe des temps démocratiques aussi, des êtres reconduisant toute grandeur à leurs minuscules proportions.

    Ce que l’on ne supporte pas en outre dans le passé, c’est son altérité, le piquant du fantôme qui vient inquiéter nos évidences. Ce n’est pas le moindre de nos paradoxes, notre époque, qui exalte tant l’autre, n’a rien de plus pressé que de reconduire le passé au même. Toute poussière d’étrangeté est balayée. «Dépoussiérer» les villes comme les metteurs en scène de théâtre et d’opéra dépoussièrent Racine ou Mozart.

    De nombreuses mairies entreprennent de féminiser divers noms de lieux publics de la ville pour rendre l’espace public plus «inclusif» pour les femmes et parlent de la mise en valeur du «matrimoine». Que vous inspirent ces initiatives ?

    Il entre dans ces offensives dirigées contre la langue, dans cette traque obstinée à tout ce qui s’apparente de près ou de loin au masculin, un mélange d’acrimonie et d’infantilisme. «Matrimoine», «femmage» mais aussi, soit dit en passant, ruse de la raison féministe que le point médian de l’écriture inclusive. On la dit illisible, à juste titre, mais que fait-on pour contourner l’obstacle? Nous passons outre le point et ne reste que le féminin. Exemple: citoyen.n.es ; paysan.ne.s…

    Je parlais d’une incarcération dans la prison du présent, et c’est aussi une incarcération dans la prison des identités. Bon nombre de nos contemporains, les plus jeunes notamment, sont incapables de penser et de s’orienter selon d’autres catégories que celles du moment, imprégnés d’idéologie identitaire et diversitaire, c’est-à-dire valorisant les identités, la diversité dans une rupture parfaite avec le génie français. Il faut se figurer que les moins de 50 ans ignorent tout d’un monde où les identités étaient indifférentes. La rupture date des années 1980, avec pour premiers jalons, la Gay Pride, la création de SOS-racisme en 1984, la commémoration de la Révolution française en 1989 avec le défilé du 14 Juillet en hymne au métissage.

    Pour résumer d’une formule le monde dans lequel nous sommes venus à vivre, je dirais que l’homme contemporain n’a plus d’âme, il a une identité. Quand Jean Vilar défendait la diffusion des grandes œuvres de l’esprit, c’était au nom de cette âme: «Privez le public (…) de Molière, de Corneille, de Shakespeare: à n’en pas douter, une certaine qualité d’âme en lui s’atténuera.»

    Y a-t-il un lien entre cette quête identitaire et l’obsession de la «visibilité» dans l’espace public?

    L’homme d’aujourd’hui a une identité et une obsession, un prurit même, celui d’«exprimer» cette identité, de la rendre «visible».

    La reconnaissance des identités – ce qui était déjà, parfaitement contraire à l’esprit français – ne suffit plus en effet, les identités réclament la «visibilité». Elles exigent d’investir l’espace public afin d’être pleinement visible en tant que femmes, en tant que Noirs, en tant que musulmans, en tant que «trans», etc.

    Je ne suis pas certaine que l’on ait pris toute la mesure de ce que peut signifier l’apparition de ce petit vocable de «visibilité», plus redoutable encore que celui de «reconnaissance», pour un peuple et pour un pays comme la France qui a, plus que tout autre, élevé la belle et noble vertu de discrétion au rang de vertu commune, de vertu de la vie en commun. Ne pas envahir l’espace public de son moi, pourrait être notre devise.

    De plus en plus d’écoles souhaitent «dégenrer» leurs cours de récréation pour laisser plus de place aux petites filles. Est-ce là une illustration de l’entrisme de la «théorie du genre» dans l’espace public?

    C’est là en effet l’indice de l’extension du domaine du genre et dans la langue d’abord: une partie des journalistes notamment parlent de «budget genré», de «cour de récréation dégenrée» comme s’il s’agissait de mots ordinaires or ce ne sont pas des mots ordinaires, ils sont imprégnés d’idéologie. Ils postulent que les identités sexuées sont entièrement construites et que, en l’occurrence, la «géographie» de la cour de récréation serait un énième indice de la domination masculine qui structurerait nos sociétés. Et chacun d’entonner le sempiternel refrain, écrit par les spécialistes des inégalités et de la «géographie urbaine» des garçons qui, jouant au football et autres activités sportives, occuperaient le centre, reléguant les filles qui n’en peuvent mais, en périphérie. Métaphore et prélude de leur futur destin de victimes de la domination masculine!

    Car, nous disent en substance nos déconstructeurs, ne croyez pas ce que vous voyez: si les petites filles s’adonnent à la causerie, ne pensez pas que ce soit par plaisir, par goût, et qu’elles y soient naturellement portées – la nature n’existe pas, vous répète-t-on! C’est qu’elles n’ont pas le choix, c’est par défaut, les garçons ayant assiégé l’espace. Ne donnez pas non plus audience aux petites filles qui prétendraient préférer «discuter entre copines» que de jouer à la balle, à n’en pas douter c’est le patriarcat qui parle à travers elles – c’est bien connu, l’esclave perd tout dans ses chaînes, jusqu’au désir d’en sortir.

    Donc exit le ballon, exit le football, exit les enjeux traditionnels, trop «virilistes» ; garçons et filles se voueront à la même activité. Voilà ce qu’est une cour de récréation «dégenrée»: une cour de récréation indifférenciée, dont le programme d’activités aura été soigneusement défini par des adultes «woke», c’est-à-dire éveillés à la cause de «l’égalité des femmes et des hommes» et donc pures de toute complicité avec le vieux monde patriarcal et sexiste.

    Or qu’est-ce que le moment de la récréation sinon un moment de liberté, surveillée certes, mais où les élèves déploient leurs propres activités. Nos idéologues n’ont rien de plus pressé que de quadriller chacun des moments de la vie, et dès le plus jeune âge.

    Que répondez-vous à ceux qui affirment que cette politique d’ingénierie sociale est une étape nécessaire pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans la société?

    Ne soyons pas dupes. La chose est éloquente. L’objectif n’est pas que les femmes prennent toute leur place dans la société – et pour une raison simple, elles l’ont déjà et l’on pourrait même dire qu’elles l’ont toujours eue, non dans le domaine professionnel sans doute, mais dans tout le reste de la société, dans les mœurs, dans la langue où elles étaient les arbitres du bon usage (j’invite les lecteurs à regarder du côté de ce que l’on appelait, au XVIIe siècle, les « remarqueurs »).

    L’objectif véritable n’est pas qu’elles prennent leur place, mais qu’elles prennent toute la place.

    Là est d’ailleurs la finalité de la surenchère victimaire, nous faire croire que les hommes et la société tout entière, par complicité, auraient contracté une dette telle à l’endroit des femmes qu’il serait légitime que les hommes s’effacent. Que la préséance soit partout donnée au sexe féminin, comme il ne faut pas dire.  

     

    Bérénice Levet

    Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie. Elle a fait paraître Libérons-nous du féminisme !  aux éditions de l’Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Anne-Sophie Chazaud: «La censure est désormais un moyen d’action militant assumé», par Paul Sugy.

    «Le paradoxe de l’époque veut que cette intensité liberticide coïncide avec des moyens technologiques nouveaux à la disposition de chacun» Nathan Keirn keirnna@gmail.com

    Anne-Sophie Chazaud nous offre un éclairage sur les nouvelles formes de censure et les menaces que celles-ci font peser sur le débat public. Selon la chercheuse, un nouvel étau liberticide protéiforme se resserre autour de notre démocratie.

    3.jpgVous défendez l’idée que la liberté d’expression est en crise et que la défense d’idées qui vont à l’encontre de ce que vous appelez «la morale contemporaine» est aujourd’hui entravée par de nombreuses contraintes qui «étranglent» ceux qui s’y risquent. C’est un point de vue que l’on entend souvent, mais justement, la parution même de votre livre ainsi que du présent entretien ne démentent-ils pas votre propos? Est-ce que réellement, en France, «on ne peut plus rien dire»?

    La complainte victimaire du «on ne peut plus rien dire» n’est précisément pas l’objet de ce travail. D’abord parce que la posture victimaire est en elle-même l’un des ingrédients de l’esprit et des méthodes liberticides contemporaines: il serait donc regrettable de s’y adonner tout en la dénonçant. Ensuite, parce que, concrètement, l’étau dont je démonte (et démontre) ici les mécanismes et l’aspect systémique, est en train de commencer à céder sous la pression d’une réaction populaire et intellectuelle qui n’entend plus se laisser dicter ses modes de pensée et d’expression.

    Ensuite parce que le paradoxe de l’époque veut que cette intensité liberticide coïncide avec des moyens technologiques nouveaux à la disposition de chacun, lesquels permettent une libération de la parole (blogs, réseaux sociaux, médias alternatifs) autrefois davantage contrainte par les canaux traditionnels. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs l’enjeu d’une tectonique majeure en termes de liberté d’expression: à la fois lieux de grande liberté mais aussi d’infinies pressions activistes, des diktats du politiquement correct guidant la gouvernance même de ces entreprises et enfin objets de toutes les convoitises censoriales de la part du pouvoir politique.

    En revanche, l’étau liberticide qui étrangle la liberté d’expression n’est pas, tout comme l’insécurité, un simple «sentiment», et c’est ce que souligne d’ailleurs la tribune collective signée par plus de cent médias français le 23 septembre, dont Le Figaro , ayant précisément pour objet de «défendre la liberté»: il s’agit d’une réalité, éprouvée par certains jusque dans leur chair, comme ce fut le cas des membres de la rédaction de Charlie Hebdo, pour prendre cet exemple le plus extrême de la censure contemporaine qu’est le terrorisme islamiste.

     

    La censure est désormais un moyen d’action militant assumé, induisant le mécanisme redoutable de l’autocensure, pernicieux et profondément nuisible à la création 

     

    Il y a aussi, de manière moins spectaculaire mais tout aussi efficace et en réalité complémentaire de la méthode violente, tout le maquis des pressions, menaces, autocensures afférentes (songeons par exemple à la remarquable lettre de démission de la journaliste Bari Weiss adressée au New York Times, lequel s’était déjà illustré en décrétant la fin de toutes les caricatures dans ses colonnes), de disqualifications sociales, professionnelles, de harcèlements (pensons par exemple à ce que subit la jeune Mila, pour ne citer qu’elle), qui visent tout simplement à éradiquer les opinions non conformes à la pensée idéologiquement dominante ou aux pressions activistes les plus virulentes.

    La Cancel culture est non seulement une réalité subie mais aussi un mode d’action revendiqué. La censure est désormais un moyen d’action militant assumé, induisant le mécanisme redoutable de l’autocensure, pernicieux et profondément nuisible à la création, au débat d’idées et à l’élaboration du savoir, et donc à la démocratie.

    Par ailleurs, la censure ne consiste pas seulement à empêcher de dire, mais également à obliger à dire, à formuler (en euphémisant un réel que l’on ne veut surtout pas nommer), ou en reformulant: la réécriture (de l’Histoire, des fictions romanesques, des opéras, de la langue elle-même avec cette aberration excluante qu’est l’écriture dite inclusive) est un des modes contemporains de l’inquisition visant le contrôle des reins et des cœurs, de manière imposée, idéologique et totalitaire. Le paradoxe étant qu’elle émane souvent des héritiers du libertarisme des années 1960, lesquels semblent avoir oublié leur belle impertinence avec l’âge.

     

    Le paradoxe étant que l’inquisition émane souvent des héritiers du libertarisme des années 1960, lesquels semblent avoir oublié leur belle impertinence avec l’âge. 

     

    D’une façon générale, ce qui caractérise notre époque et explique une partie des réflexes de censure est une forme aiguë de crise de la représentation, empêchant toute distanciation entre ce qui est représenté et le réel: tout doit être pris au pied de la lettre, la «coupure sémiotique» (entre le mot et la chose) n’est quasiment plus audible, induisant un rapport hystérique à l’expression mais aussi un recours accru au passage à l’acte. C’est d’ailleurs le même littéralisme qui caractérise le fondamentalisme (en l’occurrence islamiste), empêchant toute exégèse, toute interprétation, toute nuance, toute plurivocité et qui est donc, par nature, totalitaire.

    Il y a certes des velléités de censures et certains professionnels de l’indignation s’en donnent à cœur joie, mais ils sont loin d’avoir toujours gain de cause! La pièce d’Eschyle a finalement pu être jouée à la Sorbonne, les mémoires de Woody Allen paraîtront malgré tout… A la fin, n’est-ce pas la liberté qui triomphe?

    Le fait même que la représentation des Suppliantes ait été annulée, sous la menace, l’action violente et les intimidations est en soi gravissime et témoigne en outre de l’abaissement du niveau dialectique en milieu étudiant et universitaire: la liste des conférences, événements, rencontres annulées sous la pression est interminable désormais, alors même que ces milieux devraient être les premiers garants non seulement des libertés académiques mais aussi de la construction du savoir, lequel ne peut exister sans contradictions, dialectique, oppositions de points de vue.

    Par ailleurs, si l’on y prête attention, la représentation des Suppliantes a finalement été donnée, certes, et c’est heureux, sauf que la mise en scène faisant débat (sous l’accusation grotesque de blackface) a été infléchie en sorte que les comédiens ne portaient plus le grimage initialement en cause au visage. Il n’est, d’une manière générale, pas sain que les artistes et créateurs acceptent de passer leur temps dans cette arène sociétale, celle d’un antiracisme devenu fou, à se justifier constamment de leur vertu et de leurs bonnes intentions: le champ culturel n’aurait jamais dû se laisser ainsi investir (voire promouvoir lui-même, par porosité idéologique) par des considérations qui, ontologiquement, le nient et le réduisent à un discours dogmatique selon la partition binaire et imbécile d’un pseudo-progressisme opposé à l’on ne sait quel esprit réactionnaire qu’il importerait de pourchasser.

     

    On ne peut pas dire que la liberté triomphe quand bien même l’esprit de Résistance s’organise et commence à porter ses fruits, payés du prix du sang. 

     

    Lorsque des dessinateurs sont assassinés, lorsque des conférences ou des expositions sont annulées, lorsque des tableaux sont retirés, lorsque la DRH de Charlie Hebdo doit quitter son domicile en raison d’un danger imminent, lorsque des personnes sont licenciées, disqualifiées, menacées, violentées, à raison de l’expression de leurs idées, opinions, créations non conformes à la doxa en vigueur, non, on ne peut pas dire que la liberté triomphe quand bien même l’esprit de Résistance s’organise et commence à porter ses fruits, payés du prix du sang.

    Vous différenciez plusieurs types de censure: contrairement à d’autres époques, la censure serait aujourd’hui davantage le fait d’initiatives privées, qui remplaceraient la censure d’État de jadis?

    Ce qui est spécifique à notre époque mais aussi à notre pays, est en effet la manière dont s’articulent et se complètent une censure que l’on peut qualifier de «sociétale», qui est en quelque sorte le fruit naturel du gauchisme culturel, intolérant et victimaire. Cette censure très spécifique exercée par le biais de notre édifice juridique pléthorique, adossé à la pensée révolutionnaire selon laquelle, comme le disait Saint-Just, il n’y a «pas de liberté pour les ennemis de la liberté», et appuyé sur de nombreuses lois liberticides, -la loi de 1881 protégeant la liberté de la presse et régissant le régime de la liberté d’expression n’est plus qu’un épais mille-feuilles de plus de 400 textes venant restreindre celle-ci par tous les moyens possibles, tandis que que notre ribambelle de lois mémorielles vient témoigner d’une intolérance pathologique du législateur français à ladite liberté, à commencer par la loi Gayssot contredite à l’époque par Simone Veil elle-même…

    Ce dispositif juridique volontiers liberticide sert sur un plateau les desseins d’activistes très bien organisés (comme le CCIF par exemple) mais aussi de toutes sortes d’associations et de ligues de vertu, par le truchement d’une instrumentalisation judiciaire redoutable qui aboutit de facto à une sorte de délégation de la censure au secteur privé par le biais de la complainte militante (songeons par exemple au procès inique qui fut intenté à Georges Bensoussan). Le jihad des tribunaux est l’une des manifestations de ce phénomène, visant moins la victoire devant la justice que l’éreintement des résistants (moralement, financièrement, professionnellement…).

    Enfin, toutes les analyses actuelles (qui sont devenues nombreuses, proches parfois de l’exercice de style convenu) des nouvelles censures ont pourtant tendance à oublier un peu vite le troisième et indispensable acteur de cet étau qui est la censure de type politique et institutionnelle, plus classique mais qui fait son grand retour en force, avec tout un arsenal de lois ou projets de lois liberticides et de pressions de la part d’un pouvoir prompt à dicter au bon peuple ce qu’il convient qu’il dise ou ne dise pas sur le mode orwellien du Ministère de la Vérité.

     

    Le renforcement des mesures d’hygiénisme et de contrôle sanitaire risque fort hélas de ne pas aider à infléchir cette tendance liberticide dans le bon sens. 

     

    Faisons l’inventaire de cet arsenal liberticide: les lois anti-fake news (visant en réalité à contrôler la liberté d’expression voire à la manipuler, notamment en faisant intervenir, sur un domaine qui n’est pas de sa compétence - à savoir, celui de la Vérité - le juge des référés en période électorale), loi Avia (par chance finalement retoquée par le Conseil Constitutionnel), l’application en droit positif de la directive «secret des affaires» qui vient bâillonner considérablement le journalisme d’investigation, les intolérances du pouvoir envers la liberté de la presse (songeons à l’invraisemblable intervention du chef de l’Etat à l’encontre du reporter Georges Malbrunot qui avait le malheur de faire son travail en évoquant des rencontres avec le Hezbollah), les pressions fortes exercées contre le droit de manifester (lequel constitue, quoi que l’on pense des cause défendues, l’une des formes majeures de la liberté d’expression collective), dénoncées y compris par des personnalités de droite, peu suspectes donc d’être de dangereux casseurs d’ultra-gauche, et enfin, les tentatives d’intimidation politique visant par exemple à museler certaines expressions hostiles en invoquant l’ «outrage» afin de palier l’heureuse disparition du délit d’ «offense au chef de l’Etat» (affaire des banderoles «Macronavirus, à quand la fin»).

    L’aspect politique et institutionnel de la censure - le plus traditionnel d’entre tous mais exercé d’une façon nouvelle - a trop souvent tendance à être escamoté dans les analyses du phénomène inquisitorial contemporain alors qu’il constitue la clef de voûte de tout l’édifice par sa porosité idéologique avec les postulats du militantisme victimaire, sa production abondante de normes liberticides, et enfin par intolérance à la critique de l’action des pouvoirs publics. Le renforcement des mesures d’hygiénisme et de contrôle sanitaire risque fort hélas de ne pas aider à infléchir cette tendance liberticide dans le bon sens.

     

    Anne-Sophie Chazaud est chercheuse et auteur. Son dernier livre, Liberté d’inexpression, des formes contemporaines de la censure, est sorti mercredi dernier aux éditions de l’Artilleur.

     

    4.jpgPaul Sugy

     

     

     

     

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/