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Le multiculturalisme, par Aristide Renou.

Thomas Klingenstein du Claremont Institute (comment, vous n’êtes pas encore abonné à The Claremont Review of Books ? Mais qu’est-ce que vous attendez ?!) a publié récemment un essai fort intéressant. Cet essai porte sur la mission que devrait, selon lui, se donner la droite américaine. Mais ce qu’il dit est tout à fait pertinent pour nous aussi, moyennant de très légères transpositions. Je n’insulterai pas votre intelligence en vous indiquant lesquelles.

J’ai donc traduit quelques passages qui me semblent éclairants sur ce qui est en train de se jouer, des deux côtés de l’Atlantique, avec ces histoires de statues que l’on déboulonne, de manifestations « antiracistes » ouvertement racistes et d’indigénisme universitaire.

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« Comme n’importe quel régime, le multiculturalisme enseigne ses croyances et ses valeurs à ses futurs citoyens. Il le fait notamment par l'enseignement de l'histoire américaine. L'histoire américaine n'est pas simplement le récit de ce qui s'est produit en Amérique dans le passé : elle est une description de ce que nous sommes en tant que peuple. Par conséquent, notre histoire est un guide général pour l'avenir.

Jusqu'à il y a une ou deux générations, l'histoire américaine était la description d'un peuple bon qui s'efforçait, même de façon imparfaite et hésitante, de réaliser ses nobles idéaux. Et notre histoire - qui nous est propre, que seuls les Américains partagent - nous a unis et a contribué à faire de nous un seul peuple. Certains aspects de notre histoire ont changé au fil du temps, à mesure que de nouveaux faits ont été mis en lumière et que de nouvelles interprétations de faits anciens ont été proposées, mais la trame essentielle de cette histoire n'a pas changé. Le multiculturalisme cherche à renverser cette perspective.

Les multiculturalistes, comme tous les totalitaires, comprennent que pour changer une culture il faut réécrire son histoire de manière à mettre le passé en concordance avec l’avenir souhaité. C'est le but du « Projet 1619 », une opération très importante lancée par le New York Times et dirigée par la journaliste Nikole Hannah-Jones, lauréate du prix Pulitzer. Le Projet 1619, écrit le Times, « vise à reformuler l'histoire du pays, en considérant l’année 1619 [première date connue d’arrivée d’Africains sur le sol américain] comme notre véritable fondation et en plaçant les conséquences de l'esclavage et la contribution des Noirs américains au centre de la compréhension que nous avons de nous-mêmes ». Dans cette version de l'histoire américaine, les Etats-Unis, écrit Hannah-Jones, ne sont pas « pas une démocratie mais une slavocratie », et « l'une des principales raisons pour lesquelles les colons américains ont décidé de déclarer leur indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne est qu'ils voulaient protéger l'institution de l'esclavage ».

La version que donne le Times de l'histoire américaine fait de l'esclavage la cause de presque tout ce que le Times n'aime pas dans l'Amérique d'aujourd'hui (et notamment le capitalisme), et rend les Noirs responsables de pratiquement tout ce qui est bon en Amérique - ce qui, selon le Projet 1619, se monte à peu de choses.

Cette version multiculturelle de l'histoire américaine nous enseigne que nous sommes indignes – elle ne nous apprend pas seulement que nous avons péché (ce qui est bien sûr le cas), mais que nous sommes irrémédiablement pécheurs. Le péché (en l'occurrence le racisme) est « dans notre ADN », comme le dit le Projet 1619. Il s’agit d’inculquer la honte et non le patriotisme. Le Projet 1619 promeut à la fois un sentiment de victimisation chez les Noirs (et les autres minorités « opprimées ») et de culpabilité chez les Blancs.

Selon cette manière de penser, nous ne sommes pas un seul peuple, mais un ensemble de peuples différents. Il s’agit d’aviver la conscience des différences raciales et non l’indifférence à la couleur de peau. La version de l'histoire promue par le Projet 1619 est résolument tournée vers le passé et nous enseigne que notre première priorité devrait être de réparer ce que nous avons fait. Sa principale affirmation, à savoir que le capitalisme est une forme d'esclavage, est un plaidoyer pour le socialisme.

En un mot, le projet de 1619 enseigne que l'Amérique - ses valeurs, ses coutumes et ses institutions - incarne le mal.

Nous ne pouvons pas nous défendre si nous pensons que nous ne méritons pas d’être défendus. Nous ne vaincrons pas la Chine (ou d'autres ennemis) à moins de vaincre d’abord les conceptions qui nous privent de raisons de nous préférer à nos ennemis. La Chine peut représenter un danger plus immédiat. Mais, en fin de compte, le plus grand danger qui nous menace est la compréhension avilissante de nous-mêmes que le Projet 1619 cherche à imposer.

Trump comprend cela aussi. Il est notre antidote aux effets démoralisants du Projet 1619. S'il y a une chose que Trump incarne au plus haut point, c’est la fierté d’être Américain. Trump dégage plus de confiance dans l'Amérique que n'importe quelle personnalité de premier plan de mémoire d'homme. Je ne suppose pas que Trump soit plus patriote que la plupart des Républicains, mais il exprime son patriotisme bien plus souvent qu’ils ne le font. À chaque instant vous l’entendez affirmer que l'Amérique est « incroyable » - sa science, son armée, ses entreprises, son peuple (et, bien entendu, lui-même).

La seule chose qu'il ne juge pas incroyable (dans un sens positif), ce sont les médias grand public, et cela parce qu'il considère les médias comme anti-américains. Trump n'exprime pas toujours son amour de l'Amérique dans la langue d'un professeur de Cambridge ? Et après ? Lui seul, dominant toutes les autres personnalités politiques de droite, s'oppose aux sentiments autodestructeurs de notre époque : la culpabilité et le doute engendrés par le multiculturalisme. Quels que soient les défauts de Trump, sa défense acharnée de l'Amérique les compense amplement.

Tout cela pour dire que la guerre contre le multiculturalisme n'est pas en premier lieu un combat au sujet de la Constitution, ou de la taille du gouvernement, ou au sujet des politiques économiques ou à propos des décisions de la Cour suprême (même s’il est important de continuer à mener ces batailles). La guerre porte sur les institutions qui forment notre culture. Il s'agit d'une guerre culturelle.

Mener cette guerre contre le multiculturalisme est aujourd'hui une responsabilité qui repose presque entièrement sur les épaules de nos hommes politiques. Il fut un temps où nos institutions formatrices de l'opinion - universités, médias, industrie du divertissement - soutenaient le mode de vie américain. Ce n’est plus le cas. La droite ne peut plus défier la culture de l'élite à partir de ces institutions, car elle n'a pratiquement pas de troupes sur le terrain. Il est donc nécessaire que la droite mène la guerre culturelle sur le champ de bataille de la politique.

Les Républicains devraient prendre exemple sur Trump. Il est notre champion dans cette guerre culturelle – un refus vivant et parlant du multiculturalisme et des idées post-modernes sur lesquelles il s’appuie. Chaque fois qu'il dédaigne le politiquement correct, il défend la spécificité culturelle de l'Amérique. Après tout, qu'est-ce que le politiquement correct si ce n'est l'interdiction de défendre la spécificité de la culture américaine ? Trump a dit encore et encore très précisément ce que le politiquement correct interdit de dire : « L’Amérique ne veut pas de diversité culturelle, nous avons notre propre culture, elle est exceptionnelle et nous voulons la garder telle qu’elle est. »

Et Trump entre dans l’arène bien décidé à en découdre. En revanche, de nombreux Républicains, peu habitués aux conditions du temps de guerre, continuent à essayer de « tendre la main à ceux qui sont de l’autre côté ». Cependant, dans une guerre, si vous êtes trop désireux de trouver un terrain d'entente, vous risquez de vous retrouver sur le terrain de l’ennemi. Cela semble être une propension des Républicains.

Il importe de le répéter : les désaccords portant sur les finalités ne peuvent pas faire l’objet de compromis. Si jamais le parti Républicain s’avisait de l’existence du Projet de 1619, il ne fait aucun doute qu'il le trouverait contestable. Mais alors, les Républicains ôteraient toute force à leurs objections en reconnaissant que le Projet 1619 contient de nombreuses affirmations véridiques dont nous devrions tenir compte. Ils seraient alors conduits à accepter le programme éducatif du Projet 1619 : d'abord en partie, puis, finalement, dans son intégralité.

Bien sûr, le Projet 1619 contient des affirmations véridiques. Quel récit historique n’en contient pas ? Mais le message général qu’il transmet est si faux et si destructeur que ce Projet doit être réduit en miettes. Soit vous commencez en 1619 et vous faites de l'esclavage la notion fondamentale de la nation américaine, soit vous commencez en 1776 et vous faites de l'égalité humaine la notion fondamentale. C'est l'un ou l'autre.

De nombreux Républicains, notamment ceux qui sont de tendance libertarienne, disent aux multiculturalistes : « Vous pouvez vivre comme vous le souhaitez, mais laissez-nous vivre comme nous le souhaitons ». S'attendre à ce que les gens vivent d'une certaine manière alors qu'ils sont entourés de personnes qui vivent d'une manière très différente est une idée chimérique s'il en est. Pour la plupart des êtres humains, vivre en accord avec un ensemble de valeurs donné exige de vivre dans un environnement qui soutient ces valeurs. Les multiculturalistes, contrairement aux conservateurs du genre « vivre et laisser vivre », comprennent très bien cela, c'est pourquoi ils insistent pour que nous nous conformions tous à leurs valeurs.

Par exemple, comme le souligne Scott Yenor, les multiculturalistes comprennent que s'ils veulent vraiment « libérer » les femmes, il ne suffit pas de leur permettre de faire passer leur carrière avant la maternité : les femmes doivent être obligées de le faire. Sinon, les femmes verront qu'elles ont le choix. De même, il ne suffit pas de permettre aux écoles d'adopter le programme éducatif du Projet 1619 sur une base individuelle : elles doivent être tenues de l'adopter. Bien sûr, au début, c'est présenté comme facultatif, mais c’est seulement parce que les multiculturalistes comprennent qu'ils doivent procéder par étapes.

Hannah-Jones, La responsable du Projet 1619, insiste sur le fait qu'aucune personne saine d'esprit ne peut s'opposer au récit historique centré sur l’esclavage qui est celui du Projet. « Nos fact checkers sont allé voir un panel d'historiens et leur ont fait passer en revue chaque argument et chaque fait qui se trouve ici », a-t-elle déclaré dans une interview à PBS. « Donc il n’est pas possible contester factuellement ce que nous disons. »

Les Républicains devraient en prendre bonne note. Ils combattent un ennemi qui croit qu'il est impossible de contester les faits qu’il avance. Si les Républicains pratiquent le « vivre et laisser vivre » tandis que les multiculturalistes pratiquent le « faites comme nous, ou bien sinon », les Républicains continueront à perdre. »

Thomas D. Klingenstein, “Preserving the American way of life”, The American Mind, 3 juin 2020.

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