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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Éphéméride du 7 mars

    1875 : Naissance de Maurice Ravel

     

     

     

    1274 : Mort de Saint Thomas d'Aquin 

     

    Âgé de quarante-neuf ans, il se rendait au Concile de Lyon, où il avait été convoqué comme expert.

    Thomas avait fait trois séjours à Paris :

     D'abord, à partir de 1248, sous le règne de Louis IX (voir l'Éphéméride du 15 novembre);

     Puis il suivit son maître, Albert le Grand (dominicain lui aussi, et commentateur d'Aristote) à Cologne jusqu'en 1252 : en 1252, il revint  à Paris, où il resta sept ans, prenant en charge la chaire de Bachelier en Écritures, pour continuer comme Bachelier Sentenciaire (il fut, à trente et un ans, maître d’une chaire pour laquelle il en fallait trente cinq, selon les statuts et l’approbation pontificale).

    Au bout de ces sept années parisiennes, il fut appelé à Rome par le pape Alexandre IV, pour être incorporé à sa suite comme théologien pontifical;

    Enfin, il fit un troisième et dernier voyage à Paris, envoyé par le supérieur des Dominicains - avec le consentement du Pape - pour arbitrer et éteindre, dans l'université, de graves querelles doctrinales, grâce à son autorité et à son prestige. Après avoir brillamment accompli cette double mission, il retourna définitivement à Rome, au côté du pape. Mais c'est en se rendant une nouvelle fois en France, au Concile de Lyon, qu'il y mourut, en 1274.

     

    https://www.notredamedeparis.fr/decouvrir/peintures/saint-thomas-d-aquin-fontaine-de-sagesse/

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    Saint Thomas d’Aquin par Antoine NICOLAS, 1648, Notre-Dame de Paris. Don du couvent dominicain de l’Annonciation du faubourg Saint-Honoré, en 1974, à l’occasion du septième centenaire de la mort de saint Thomas.

    Avec ce tableau, Paris se souvient du "Docteur Angélique", de la "Fontaine de Sagesse", qui professa la théologie à la Sorbonne, et écrivit plusieurs ouvrages dont une partie de la "Somme" au couvent Saint-Jacques, et vint sûrement se recueillir à la cathédrale, dont il vit construire le transept au temps de saint Louis.

    Sur saint Thomas d'Aquin et ses rapports avec la France, voir aussi l'Éphéméride du 28 janvier et l'Éphéméride du 7 mars.

     

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    1765 : Naissance de Nicéphore Niépce

             

    Il est l'inventeur de la photographie.

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    1788 : Naissance d'Antoine Becquerel

               

    Premier de la dynastie des Becquerel, il est le grand-père d'Henri, Prix Nobel 1903.

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    1875 : Naissance de Maurice Ravel

     

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    Maurice Ravel : La Nuit

    (Orchestre philharmonique de Radio France / Mikko Franck) 

     
     

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    1884 :  Apparition des "poubelles"...

              

    Le Préfet de la Seine, Eugène Poubelle, impose l'usage de réceptacles fermés destinés à recevoir les ordures ménagères dans toute la ville de Paris. Ces récipients prendront rapidement, par antonomase, le nom de leur inventeur...

    Juriste, administrateur et diplomate, Eugène Poubelle fut Préfet de la Seine (donc de Paris) de 1883 à 1896. Le Préfet de la Seine était évidemment très influent, à une époque où il exerçait également la fonction de Maire à Paris. Il était notamment chargé de l'administration courante. C'est ainsi qu'Eugène Poubelle prit un arrêté en date du 7 mars 1884 qui obligeait les propriétaires d'immeubles à mettre à disposition de leurs locataires des récipients communs, munis d'un couvercle et d'une capacité suffisante pour contenir les déchets ménagers. Cette prescription a amélioré de manière considérable l'hygiène des foyers de la capitale, peuplée alors d'environ deux millions d'habitants.

    Eugène Poubelle fut également à l’origine de la mise en route du tout-à-l’égout : après l'épidémie de choléra de 1892, il fit passer, en 1894, un arrêté imposant aux propriétaires de raccorder leurs immeubles au réseau d'égout et de payer les frais d’exploitation afférents à la collecte de leurs eaux usées.

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    1936 : L'Allemagne remilitarise la Rhénanie

     

    Les troupes de la Wehrmacht occupent la zone démilitarisée de la Ruhr, le chancelier allemand, Adolf Hitler, ayant déclaré caduques les dispositions du Traité de Versailles par lesquelles l'Allemagne s'engageait à démilitariser cette région.

    Ci dessous - à Mayence, le 7 mars 1936... - lors de la remilitarisation de la Rhénanie, des civils allemands saluent les forces du Reich traversant le Rhin, en flagrante violation du Traité de Versailles...

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    Si les puissances occidentales s'insurgent en paroles face à cette violation du droit international, elles ne prennent aucune mesure concrète pour contrer l'Allemagne. Le service militaire obligatoire avait déjà été rétabli illégalement un an auparavant.

    En 1938, les accords sur les frontières seront à nouveau bafoués quand le Fürher ordonnera l'invasion de l'Autriche...

    En réalité, on assiste avec ces faits au dernier acte de la concrétisation de la prophétie de Jacques Bainville, prévoyant dès 1918 une nouvelle guerre dans les vingt ans. À cause du mauvais Traité de Versailles, "trop fort dans ce qu'il a de faible; trop faible dans ce qu'il a de fort".

    Pour une fois, ce n'est pas dans L'Histoire de France que nous nous plongerons, mais dans un autre ouvrage magistral de Bainville - qui en a écrit tant !... - : L'Histoire de deux peuples.

    Comme pour l'Histoire de France, il faut tout lire de ce chef d'oeuvre absolu.

    Voici les dernières lignes du chapitre VII (et dernier), Le réveil de la Walkyrie, de cet ouvrage remarquable en tous points : Bainville y est remonté aux sources, c'est à dire au calamiteux Traité de Versailles de 1918, qui a gâché la paix, après une guerre qui avait coûté tant de sacrifices matériels et humains au peuple français :

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    "... Stresemann avait déjà disparu de la scène, lorsque son oeuvre fut couronnée par l'évacuation de Mayence. La France avait le droit d'occuper jusqu'en 1935 la ville que Thiers, jadis, appelait "la place la plus importante de l'Europe". Avertissements, pressentiments, tout fut inutile. On alla jusqu'au bout du système de Locarno comme on était allé jusqu'au bout de la guerre. Ce qui répondait du respect des traités et même de l'existence de la démocratie allemande fut abandonné.

    Alors ce fut comme si l'Allemagne, libérée dans son territoire, l'était dans ses passions. En quelques mois elle fut embrasée à la voix d'un étrange Messie. On se refusait encore à croire qu'elle pût se livrer à Hitler. En quelques étapes il conquit le pouvoir que lui ouvrait le maréchal Hindenburg dont il avait été le concurrent et qu'il avait violemment combattu. Puis, en quelques jours, l'Allemagne se donnait à l'expression la plus extrême du nationalisme. L'Empire des Hohenzollern commença, en secret, d'être regretté dans le monde comme une forme de gouvernement modérée et libérale auprès du régime hitlérien. Conservée dans son unité, l'Allemagne avait donc mûri ce fruit ! Et même, l'unité sauvée par les vainqueurs, Hitler la consommait. Il allait plus loin que Bismarck, plus loin que la révolution de 1918 et que l'assemblée de Weimar. Il supprimait les dernières traces du fédéralisme. Il mettait un statthalter prussien jusqu'à Munich et la Bavière protestait encore moins qu'en 1871 lorsqu'elle avait été "avalée".

    Ainsi l'histoire des deux peuples se poursuit. Elle offre, dans la phase qui finit et dans celle qui commence, ce caractère redoutable que jamais les Français n'ont si peu compris les Allemands. Leurs raisonnements et leurs sentiments nous échappent. Leur monde intellectuel et passionnel n'est pas le nôtre. Jamais peut-être ils n'ont été plus différents de nous. Même l'art est fertile en malentendus. Lorsque nous écoutons Siegfried, lorsque le héros, traversant le cercle de feu, réveille Brunhilde endormie, ce théâtre est pour nous de la mythologie puérile, prétexte à musique. Cette musique, pour Wagner, était celle "de l'avenir". Et la Walkyrie chante : "Salut à toi, soleil ! Salut à toi, lumière ! Jour brillant, salut ! Long fut mon sommeil. Quel héros m'a réveillée ?" Paroles d'opéra ici. Là-bas, symbole de la résurrection et de la métamorphose. Autre et semblable à elle-même, l'Allemagne annonce quels destins ? "

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    1938 : Naissance d'Albert Fert

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  • La modernité, une hérésie chrétienne*, par Paul Ducay.

    Sous le titre Le recours à la tra­di­tion, le socio­logue catho­lique Michel Michel, maître de confé­rences à l’Université des Sciences Sociales de Gre­noble, a réuni un ensemble de réflexions for­mant une cri­tique « théo­lo­gi­co-poli­tique » de la moder­ni­té : si celle-ci est bien issue du chris­tia­nisme, c’est sous la forme d’une héré­sie, à laquelle l’Église catho­lique doit répondre en recon­nais­sant son fond tra­di­tion­nel com­mun aux autres religions.

    3.jpegComme l’indique expres­sé­ment le sous-titre du livre de Michel Michel, le diag­nos­tic que l’auteur pro­pose de la socié­té moderne consti­tue une exé­gèse d’une célèbre cita­tion de G. K. Ches­ter­ton en 1908 : « Le monde moderne est plein d’anciennes ver­tus chré­tiennes deve­nues folles. » Que « tout dans le monde moderne est d’origine chré­tienne », comme l’affirme encore l’écrivain anglais, qu’est-ce que cela signi­fie exac­te­ment et que faut-il y voir ? Les chré­tiens « moder­nistes » auraient-ils rai­son d’embrasser les valeurs, les mœurs et les repré­sen­ta­tions du monde moderne, parce que celui-ci est issu du chris­tia­nisme ? Ou bien, à l’inverse, les « néo­païens » auraient-ils rai­son d’être anti-chré­tiens par rejet de la moder­ni­té ? Michel Michel consi­dère ces deux atti­tudes de louange et de blâme comme deux oppo­sés gémel­laires, soli­daires d’une même erreur : celle d’envisager la moder­ni­té comme fille légi­time du chris­tia­nisme, alors qu’elle en est une fille illé­gi­time. La moder­ni­té, pour Michel, n’est ni une époque, ni une œuvre fidèle du chris­tia­nisme, mais une héré­sie, comme le chris­tia­nisme en a connu d’autres dans son his­toire. 

    L’hérésie moder­niste

    Michel déve­loppe et étend le point de vue adop­té par Ches­ter­ton dans ses Héré­tiques pour résoudre ce sérieux pro­blème de généa­lo­gie, dont l’irrésolution en a entraî­né plus d’un dans les errances du moder­nisme ou dans celles du néo-paga­nisme : com­ment se peut-il que la moder­ni­té pré­sente, sous les rap­ports de la pen­sée et de l’action, une franche oppo­si­tion à l’Église catho­lique, tout en uti­li­sant les idées du chris­tia­nisme de manière sécu­la­ri­sée ? La notion qui, en fait, per­met de rendre compte de ce double carac­tère de tra­hi­son et d’héritage du chris­tia­nisme dans la moder­ni­té est celle d’hérésie.  Comme l’explique le phi­lo­sophe Fabrice Had­jadj dans sa pré­face au livre de son beau-père Michel Michel, « “héré­sie” [vient] du mot grec qui signi­fie “choix” [haí­re­sis]. Ce choix, qu’on pour­rait prendre pour un accom­plis­se­ment de la liber­té, accueille une par­tie du vrai afin de mieux reje­ter l’autre. […] Comme de bien enten­du, ces héré­sies dépendent de l’héritage, mais c’est un héri­tage sans tes­ta­ment, qu’on dila­pide loin de la mai­son du Père. » Tan­dis que l’héritier fait l’effort de trans­mettre l’essence entière du dépôt reçu, l’hérétique, au contraire, mutile cette trans­mis­sion en sélec­tion­nant et arran­geant à sa guise une par­tie de ce dépôt. C’est pour­quoi, remarque Michel, « il ne faut pas […] confondre le chris­tia­nisme et les héré­sies dont il est por­teur » mal­gré lui. Une telle confu­sion est pour­tant une ten­ta­tion d’une par­tie de l’Église elle-même, ce que Pie IX a appe­lé le « moder­nisme ». Pour­quoi ? Si « l’Église est si faible devant les idéo­lo­gies modernes », c’est parce qu’« elle se recon­naît dans l’attente d’un Monde Nou­veau ». L’eschatologie chré­tienne se recon­naît en par­tie dans la croyance moderne au Pro­grès historique.

    Cette recon­nais­sance a cepen­dant le défaut de négli­ger l’opposition essen­tielle des points de vue : spi­ri­tuel et éter­nel pour le chris­tia­nisme, maté­riel et tem­po­rel pour la moder­ni­té. Au point de vue tra­di­tion­nel en effet, la rédemp­tion du monde doit se réa­li­ser au-delà de l’Histoire, puisque l’Histoire n’est que le récit de l’éloignement de l’Homme à l’égard de son Prin­cipe. Nier le carac­tère néga­tif du deve­nir his­to­rique revien­drait à nier la Chute dont il est l’effet exclu­sif. En effet, comme l’explique phi­lo­so­phi­que­ment Michel à par­tir des ana­lyses lit­té­raires de Vla­di­mir Propp sur les contes, « il n’y a pas d’histoire pos­sible sans acci­dent, sans rup­ture de la norme. Toute his­toire est d’abord l’histoire d’un mal­heur. […] La chute est la condi­tion même de l’histoire. […] Le car­di­nal Danié­lou le remar­quait : à par­tir du cha­pitre 3 de la Genèse, l’histoire, c’est l’histoire du pro­grès du mal dans ce monde, et ce fut semble-t-il la concep­tion domi­nante des chré­tiens jusqu’à la fin du Moyen Âge. »

    À l’inverse, l’idéologie moderne du Pro­grès consiste à pen­ser que l’histoire est une chance, qu’elle suit une ten­dance imma­nente d’amélioration pro­gres­sive des condi­tions de la vie maté­rielle, morale et spi­ri­tuelle de l’Homme. De cette théo­rie résultent les idées contra­dic­toires d’une fin de l’histoire dans l’histoire, d’un affran­chis­se­ment de la misère humaine par les condi­tions mêmes de la vie maté­rielle. Là-dedans, le moder­niste chré­tien hésite, car il hérite de la ver­sion du mil­lé­na­risme pro­po­sée par Joa­chim de Flore (1135 – 1202), « ce moine cala­brais qui ima­gi­na trois âges dans l’histoire du monde : l’âge du Père, l’âge du Fils et l’âge de l’Esprit Saint. Il est le modèle de toutes ces héré­sies post-chré­tiennes que sont les phi­lo­so­phies pro­gres­sistes de l’histoire à trois temps, qui dominent l’imaginaire occi­den­tal depuis la grande rup­ture de la fin du Moyen Âge. »

    Deux œcu­mé­nismes

    Michel iden­ti­fie ain­si dans l’histoire du chris­tia­nisme deux fonc­tions anta­go­nistes : « celle de reli­gion du salut et celle d’idéologie cor­rup­trice de la socié­té. L’une est por­tée par l’Église, l’autre par les héré­sies qui trouvent leur source dans cette même Église ». L’hérésie moderne retient du chris­tia­nisme sa puis­sance de désor­ga­ni­sa­tion en sépa­rant ses idées prin­ci­pales de leur hori­zon théo­lo­gique ou sur­na­tu­rel : l’Homme devient objet de foi à la place de Dieu, son his­toire imma­nente devient le motif de l’espérance à la place de l’éternité, la lutte poli­tique et les œuvres huma­ni­taires se sub­sti­tuent à l’amour du pro­chain en vue de sa sanc­ti­fi­ca­tion.

    Dans ces condi­tions, la com­po­si­tion de l’Église avec le monde moderne n’est pas une nou­velle forme de rela­tion avec des « païens » d’un genre nou­veau, mais une com­po­si­tion de l’Église « avec sa propre héré­sie ». Cela est bien dif­fé­rent, car l’hérésie moderne sépare le chris­tia­nisme des autres reli­gions en fon­dant sa supé­rio­ri­té et son ori­gi­na­li­té sur ce qui ferait du chris­tia­nisme la « reli­gion de la sor­tie de la reli­gion », en rai­son de son carac­tère sup­po­sé­ment laïque et révo­lu­tion­naire. Or en adhé­rant à la men­ta­li­té moderne, des repré­sen­tants de l’Église catho­lique ont, mal­gré leurs récentes pré­ten­tions favo­rables aux dia­logue inter­re­li­gieux, engen­dré une perte géné­rale du sens du sacré. Ce sens du sacré, c’est-à-dire la (re)connaissance des hié­rar­chies natu­relles, de l’ordre sur­na­tu­rel et de la fidé­li­té rituelle à celui-ci, consti­tue pour­tant le ciment com­mun des reli­gions, la condi­tion sine qua non d’un fruc­tueux dia­logue entre elles. Au contraire, l’abandon de la connais­sance sacrée est la cause d’une désaf­fec­tion du sacer­doce et d’une incom­pré­hen­sion mas­sive des sym­boles et des sacre­ments chré­tiens, à tel point que, par exemple, « deux tiers des catho­liques amé­ri­cains ne croient plus en la pré­sence réelle [du Christ dans les espèces du pain et du vin eucha­ris­tiques] : c’est ce qui res­sort d’une étude publiée par le Pew Research Cen­ter, le 5 août 2019. »

    C’est pour­quoi, quels que soient les reproches que l’Église peut adres­ser aux autres reli­gions tra­di­tion­nelles, il faut bien consta­ter qu’elles recon­naissent, comme elle, « la supé­rio­ri­té et l’autorité de prin­cipes trans­cen­dants, toutes se sou­mettent – ou du moins l’affirment – à une “loi non écrite” d’origine supra-humaine, toutes savent que l’homme n’est ni sa propre ori­gine, ni sa propre fin. » Michel s’indigne que les ini­tia­tives œcu­mé­niques ne concentrent pas, dès lors, toute leur atten­tion sur cette uni­té trans­cen­dan­tale des reli­gions. Il déplore qu’« en pra­tique, l’œcuménisme consiste […] à rap­pro­cher l’aile moder­niste du catho­li­cisme avec l’aile pro­gres­siste du pro­tes­tan­tisme » et à mêler, dans un dia­logue rela­ti­viste par défaut de cri­tère méta­phy­sique défi­ni, les croyances reli­gieuses et irré­li­gieuses dans un but très insuf­fi­sant et vague d’amitié sociale. Au lieu de cela, un œcu­mé­nisme bien com­pris, c’est-à-dire un œcu­mé­nisme tra­di­tion­nel pro­cé­dant « par le haut » et non un œcu­mé­nisme moder­niste pro­cé­dant « par le bas », devrait plu­tôt « retrou­ver les tra­di­tions com­munes des Églises apos­to­liques » et, à plus forte rai­son, « mon­trer les admi­rables cor­res­pon­dances du catho­li­cisme avec les croyances et les rites des autres reli­gions, comme le fai­saient les théo­lo­giens de la Renais­sance ou les tra­di­tio­na­listes du début du XIXe siècle, au lieu de s’ingénier comme les mau­vais apo­lo­gistes “modernes” naï­ve­ment eth­no­cen­tristes à inven­ter des dif­fé­rences ou des supériorités. »

    Le recours à la Tradition 

    L’ambition affi­chée de Michel est donc celle du péren­nia­lisme, c’est-à-dire de « ce tra­di­tio­na­lisme [attri­buable] à S. Augus­tin, à S. Vincent de Lérins, [au car­di­nal] Nico­las de Cues ou Joseph de Maistre ». Le pro­blème, faute d’une méthode œcu­mé­nique adap­tée aux condi­tions d’une véri­table anthro­po­lo­gie reli­gieuse, est que « les théo­lo­giens catho­liques se sont détour­nés de ces pers­pec­tives ; si bien qu’on est obli­gé de cher­cher hors de l’Église ces concep­tions qui pour­tant sont aus­si les siennes. Hors de l’Église et tout par­ti­cu­liè­re­ment chez René Gué­non », ce grand nom fran­çais du sou­fisme et de la méta­phy­sique orientale.

    Dans cette pers­pec­tive gué­no­nienne, recou­rir à la Tra­di­tion, c’est entre­prendre la connais­sance des nom­breuses cor­res­pon­dances mythiques, sym­bo­liques et rituelles qui démontrent l’existence de cette « tra­di­tion per­pé­tuelle et una­nime » (Gué­non) d’où le chris­tia­nisme lui-même est issu, de cette tra­di­tion que S. Vincent de Lérins défi­nit comme étant « ce qui a été cru par tous, par­tout et tou­jours ». En effet, les inter­prètes du chris­tia­nisme affec­tés par le point de vue moderne (l’auteur cite René Girard) n’ont pas su recon­naître, avec Joseph de Maistre au XIXe siècle et René Gué­non au XXe siècle, que « l’universalité d’une croyance ou d’un rite – les sacri­fices, par exemple – attes­tait de la véri­té des pra­tiques de l’Église catho­lique. » Pour­tant, la connais­sance d’un sens uni­ver­sel et unique sous-jacent au conte­nu doc­tri­nal et rituel des reli­gions entraîne a mini­ma la confir­ma­tion du carac­tère sacré des Écri­tures, de la sym­bo­lique et de la ritua­li­té chré­tiennes, contre les entre­prises démys­ti­fiantes et maté­ria­listes de la modernité. 

    La décou­verte par l’Église de l’œuvre de René Gué­non et de ses héri­tiers est donc capi­tale pour satis­faire cette ambi­tion, pour­vu que l’exercice intel­li­gent de dis­cer­ne­ment soit effec­tué. Mais ce qui est vrai au niveau du culte doit for­cé­ment l’être aus­si au niveau de la culture, car, explique Michel, « si la Tra­di­tion se trans­met, c’est habi­tuel­le­ment par les tra­di­tions et sin­gu­liè­re­ment le lan­gage et tout ce qui hété­ro­gé­néise l’espace (les hauts lieux), le temps (les fêtes), les hommes (les “voca­tions” par­ti­cu­lières) et ordonne le monde ». C’est pour­quoi, par exemple, « si un eth­no­logue venu de Sirius débar­quait dans nos contrées, il consta­te­rait que par leurs struc­tures, elles sont mas­si­ve­ment chré­tiennes ou roma­no-hel­lé­no-judéo-chré­tiennes : semaine de sept jours, clo­chers qui dominent les agglo­mé­ra­tions, pré­noms se réfé­rant à des saints, valeurs morales lar­ge­ment ins­pi­rées du Déca­logue, etc ». En renouant avec la connais­sance sacrée des mys­tères de la reli­gion chré­tienne, l’enjeu est donc, plus lar­ge­ment encore, de rendre intel­li­gible le lan­gage de toute la culture occi­den­tale. Et mor­tui resurgent.

    *Article paru sur le blog :

    https://philitt.fr/contact/

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    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Sur le blog de Michel Onfray : D'un front qui serait populaire.

    Une machine de guerre pour la Plèbe.

    Pour ce qu’on peut en dire, et qui reste sociologiquement et historiquement repérable, la France est coupée en deux et ces deux parties sont elles-mêmes fendues en deux: ce qui veut dire que quatre morceaux français surnagent dans un archipel de débris sociologiques constitués par les abstentionnistes, les votants pour le bien-être des poissons rouges, les radicaux en tout (pourvu qu’il s’agisse de radicalités) et les dévots du vote blanc ou nul.

    Les deux coupures majeures séparent droite et gauche qui, quoi qu’en disent d’aucuns, reste une ligne de fracture significative. L’histoire de la droite existe, celle de la gauche également, même si elles sont recouvertes sous une croûte idéologique qu’il conviendrait de faire sauter au marteau…

    Ça n’est ni le lieu, ni l’heure d’effectuer ce travail [1] mais il permettrait d’en finir avec les mythologies qui font dire à certains, de gauche bien sûr, que leur camp a toujours raison, donc la droite toujours tort, pendant que certains à droite estiment que la gauche a toujours tort parce qu’il s’agit de la gauche. Nous souhaitons en finir avec cette façon de croire que la vérité serait de droite ou de gauche: quand elle est de droite, elle est de droite, quand elle est de gauche, elle est de gauche. Mais de façon accidentelle, par hasard et sans nécessité.

    Revenons à un moment historique, sinon hystérique, intéressant, qui permettait à Sartre & Beauvoir de créer puis d’incarner ce logiciel hémiplégique d’une gauche qui fit écrire à Beauvoir dans La Pensée de droite, aujourd’hui: «La vérité est une: l’erreur multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme». Nous disposons-là de toute la perversion intellectuelle mondaine et parisienne qui permet, sous une belle formule d’avril-mai 1954, fausse au demeurant, mais arrogante comme sait l’être la gauche assertorique[2], de justifier le refus du pluralisme, donc de légitimer la dictature d’une pensée unique sans en avoir l’air. La formule de Beauvoir était taillée sur mesure dans le marbre de l’Histoire pour Lénine, Staline, Mao, Castro, Kim-il Sung, Pol-Pot, certes, mais leur était-il venu à l’esprit qu’elle l’était tout autant pour Mussolini, Hitler, Franco et Pinochet? Je n’en suis pas bien sûr…

    Je préfère Albert Camus qui écrit le 30 juin 1952 à Jean-Paul Sartre, alors directeur des Temps modernes , une revue qui n’a pas accepté qu’on puisse, à gauche, dénoncer le totalitarisme soviétique, donc le goulag: «Si, enfin, la vérité me paraissait à droite, s’y serais» - Sartre estimait en effet que L’Homme révolté était un mauvais livre, un livre faux et condamnable, car il plaisait à la droite! Or cette formule dit une chose simple, évidente, banale, qui devrait être partagée par tous: peu importent la droite et la gauche quand il s’agit de vérité! Qu’un homme de gauche ne puisse accepter une vérité de droite témoigne qu’il est une personne fondamentalement malhonnête et de rien d’autre. Je dirais de même avec une personne de droite qui n’accepterait pas une vérité de gauche sous prétexte qu’elle viendrait de la gauche!

    Droite et gauche passent après la vérité qui, ensuite, sera ce qu’elle voudra: de droite ou de gauche… Et j’appelle vérité ce qu’il faut voir dans le réel.

    Essayons de nous entendre sur le découpage entre droite et gauche: sans entrer dans le détail qui justifierait l’histoire et l’évolution de chaque mouvement, on trouve à gauche et à droite les partis que chacun sait peu ou prou répartir sur une ligne. Nul ne disconviendra que, traditionnellement, on range à droite: Le Rassemblement national, Debout la France, Les Républicains et l’Union des indépendants pendant qu’on classe à gauche le Nouveau Parti anticapitaliste, Lutte ouvrière, La France insoumise, le Parti communiste français, le Parti socialiste et Europe-Ecologie-Les Verts.

    Ces deux blocs disposent de leurs extrêmes et de leur centre: mais, médiatiquement, le bord droit de la droite est présenté par les médias dominants comme d’extrême-droite, alors que le bord gauche de la gauche n’est pas présenté comme étant d’extrême-gauche. Ce bord de droite de la droite a beau ne pas célébrer Brasillach ou Drieu la Rochelle, Franco ou Pétain, Salazar ou Pinochet, ce qui les classerait illico dans le camp de l’extrême droite[3], il est tout de même mis au ban d’infamie et assimilé au nazisme, au vichysme, à l’antisémitisme, à la haine de la République et de la démocratie. Pendant ce temps, le bord gauche de la gauche peut faire des gorges chaudes avec Robespierre, Lénine, Staline, Trotski, Mao, Castro et continuer malgré tout à faire partie du camp des gens respectables! Or il n’y a aucune respectabilité, à mes yeux, à célébrer Robespierre ou Brasillach, Lénine ou Drieu la Rochelle, Staline et Franco, Pétain ou Trotski, Salazar ou Mao, Pinochet ou Castro, qui se valent sur l’échelle de l’indignité.

    Mais cette façon d’estimer qu’il existe un bon fascisme, un fascisme de gauche, réel celui-là, avec son racisme, son antisémitisme, sa misogynie, sa phallocratie, son bellicisme, son homophobie actives, pourvu que ce soit au nom de l’islam, et un mauvais fascisme, le fascisme de droite, la plupart du temps fantasmé car on cherche le nombre de morts causés par ce fascisme-là en France alors qu’on peut, hélas, donner la liste et le nom de ceux qui sont tombés en France sous les coups de ce fascisme islamo-gauchiste.

    Cette façon d’imposer massivement cette lecture de l’Histoire avec l’aide de la totalité des médias officiels, dont ceux du service public bien sûr, procède bien évidemment d’une idéologie: c’est celle qui, nonobstant d’apparentes différences entre droite et gauche, montre la liaison viscérale entre la droite libérale et la gauche libérale contre un candidat qui ne serait pas libéral – qu’il soit issu de La France insoumise ou du Rassemblement national important peu. Cette fascisation de la droite de la droite (qui se contente de défendre les idées du Georges Marchais et du Chirac des années soixante-dix sur l’immigration…) relève d’une stratégie électoraliste qui porte ses fruits depuis des années. La preuve : elle a permis au moins la réélection de Mitterrand le 8 mai 1988, la réélection de Chirac le 5 mai 2002, l’élection d’Emmanuel Macron le 14 mai 2017, autrement dit: plus d’une trentaine d’années d’une même idéologie à la tête de l’Etat français – celle de Maastricht.

    Cette stratégie des maastrichtiens s’avère électoralement payante et politiquement gagnante: depuis 1983, en constituant ce programme commun européiste, droite et gauche libérales se partagent le pouvoir en laissant croire que les querelles de personnes seraient idéologiques! Or il n’y que des querelles de style, jamais aucune qui relèverait de la doctrine: depuis mars 1983, selon le vœu de Mitterrand, et jusqu’à Macron, nous vivons sous un régime giscardien! C’est celui de l’argent, du libéralisme, du mépris de la France, du pays et de la nation, le tout doublé d’une célébration de ce qui dilue la France dans un ensemble économique, l’Europe maastrichtienne, dont le but est l’Etat universel avec un gouvernement planétaire qui, sur un principe saint-simonien, mettrait de prétendus techniciens au pouvoir - en fait les hommes liges du capital. Ce programme politique, Jacques Attali n’a pas caché qu’il était celui pour lequel il s’activait depuis des décennies dans Demain, qui gouvernera le monde? On comprend que, comme Mitterrand ou Macron, il ne tienne pas à ce que ce soient les peuples…

    Cette machine de guerre maastrichtienne [4]fonctionne à merveille : l’Etat maastrichtien, qui a prétention à l’impérialisme, peut, et lui seul, revendiquer un drapeau, un hymne, une monnaie, une constitution, des frontières, un droit, une devise, une banque, un parlement, une étrange commission aux pleins pouvoirs sans élus mais avec des personnages nommés dans des bureaux fermés, le tout sans craindre l’insulte de nationalisme: l’idéologie maastrichienne a fait passer cette idée que le nationalisme c’était la guerre sans que ces idéologues puissent imaginer une seule seconde que, s’ils ont raison, l’Etat maastrichien c’est aussi la guerre!

    Cette machine de guerre maastrichtienne est populicide. Il suffit de voir comment elle a travaillé pendant des années à évincer les peuples : idéologiquement, médiatiquement, avec un usage massif des médias d’Etat qui assimilent la défense de la nation au pire (vichysme, fascisme, nationalisme, antisémitisme, extrême droite-, mais également avec d’autres moyens, ceux de l’Etat profond) auquel nous consacrerons un dossier-sans se refuser aucune ignominie.

    La campagne en faveur du traité de Maastricht en 1992 n’a reculé devant aucune bassesse afin que le débat démocratique n’ait pas lieu et qu’il soit remplacé par un référendum en faveur de l’intelligence, du sens de l’Histoire, du Progrès, des diplômés qui savent contre les ploucs qui ignorent: c’étaient les enjeux du fameux «Oui à Maastricht». Pendant tout ce temps, ceux qui défendaient la souveraineté du pays passaient pour des abrutis, des dégénérés, des provinciaux (déjà!) des incultes, des sous-diplômés, des gens qui ne comprenaient rien au sens de l’Histoire ou au Progrès. Mitterrand utilisa son cancer pour peser dans un débat contre un Philippe Seguin qui défendait le camp du Non et qui, touché par ce qu’on lui avait fait entr’apercevoir de la mise en scène d’un président de la République assisté médicalement dans les coulisses, a retenu ses coups. Tout avait été fait pour que le vote se fasse ce soir-là, à la télévision: la production s’est moins adressée à l’intelligence du peuple qu’elle n’a sollicité la pitié pour un homme qui n’en eut jamais pour rien ni pour personne. Le Oui a petitement emporté les suffrages dans ces conditions-là. Ce fut un genre de Oui volé.

    Quand un autre vote, celui de 2005, eut lieu sur le Traité constitutionnel européen, le peuple a massivement refusé ce qu’il avait fini par comprendre: cette Europe qu’on lui avait vendue comme la panacée n’apportait pas l’amitié et la paix entre les peuples, le plein emploi et la prospérité généralisée, la construction d’une civilisation nouvelle et de grands travaux dont les pays auraient pu être fiers.

    En revanche, elle apportait bien plus sûrement l’insécurité sociale, l’immigration de masse, la montée de l’islam politique, le racisme et la xénophobie à cause du dumping social, l’effondrement des services publics – fermeture des commissariats, des gendarmeries, des hôpitaux, des casernes, des écoles, des postes, des lignes de chemin de fer… La gauche ne voyait plus que par les privatisations, l’argent roi et la religion de l’entreprise. Dans le journal créé par Sartre, Libération, Bernard Tapie était devenu le héros de la gauche mitterrandienne et du Parti socialiste tout entier.

    Le peuple a donc dit non à cette Europe qui détruisait les solidarités nationales mais n’en construirait aucune à la place et à sa dimension. Tout était égalisé par le bas, rien de ce qui faisait la grandeur d’une nation ne contribuait à celle de l’Europe. L’argent faisait la loi partout: l’Europe était devenue ce que Jean Monnet voulut qu’elle fut, et Mitterrand avec lui, à savoir: une machine à ingérer et digérer les peuples afin de produire d’immenses bénéfices. Cette Europe fabriquait de la paupérisation – des riches très riches et peu nombreux, des pauvres très pauvres et en quantité.

    Quand le peuple a dit non à ce Traité en 2005, que s’est-il passé? Le pot aux roses fut découvert: la machine de guerre maastrichtienne a été obligée de sortir à l’air libre et l’on a vu la droite libérale, celle de Chirac et de Sarkozy, et la gauche libérale, celle de Hollande, contraintes d’avouer leur complicité au grand jour. En effet, depuis des années, cette opposition entre droite libérale et gauche libérale était faite pour la galerie! Il s’agissait d’amuser les médias qui faisaient semblant d’organiser de faux débats électoraux: car, au bout du compte, tout ce petit monde médiatico-politique se débrouillait pour que le peuple vote bien en l’abrutissant massivement avec une idéologie d’État et quand, malgré tout, il ne se laissait pas subjuguer et circonscrire, on lui annonçait qu’on jetterait son vote à la poubelle. Une fois mis ce vote négatif aux ordures par le gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale se sont empressé d’imposer au peuple ce qu’il avait refusé par référendum! Ceci se nomme tout simplement un coup d’État. Le traité de Lisbonne a donc été voté au Congrès en 2009 par ceux qui représentaient le peuple et qui ont de ce fait voté contre lui. La machine apparaissait à nu telle qu’elle était : c’était l’un des dispositifs du Front populicide.

    Mes amis et moi, avec Stéphane Simon en premier compagnon de cordée, souhaitons opposer un Front populaire à ce Front populicide. On trouve le mot populicide chez Gracchus Babeuf qui, selon Littré, caractérise ce qui «cause la mort, la ruine du peuple». On voit bien comment, de la propagande médiatique éhontée pour empêcher le débat et réduire la consultation à un choix entre le bien progressiste et le mal souverainiste, au refus de considérer le résultat d’un référendumen faisant revoter les pays qui auraient voté contre, en passant par une mobilisation de la classe politique pour qu’elle vote contre le peuple qu’elle est censé représenter, tout se trouve mis en branle par l’Etat maastrichtien, comme avec l’essai d’empêchement du Brexit, pour que la légitimité populaire soit contestée. Le Front populicide n’a pas manqué de jouer le capitalisme contre le peuple pendant plus d’un quart de siècle!

    Notre Front Populaire, bien sûr, est une référence à ce qui est connu comme tel dans l’Histoire. «1936» est un chrononyme, autrement dit une date qui exprime plus qu’elle-même. Car ce mook, bien sûr, n’est pas une revue d’Histoire consacrée au Front populaire. C’est une revue qui propose de construire une machine de guerre populiste (nous revendiquons le mot et la chose…) susceptible d’être opposée à la machine de guerre populicide.

    Le Front populaire est un moment social dans l’Histoire de France qui, pour faire avancer la cause du peuple, n’a pas eu besoin de guillotine de tribunal révolutionnaire, de lois sur les suspects ou de colonnes militaires génocidaires envoyées contre le peuple sous prétexte qu’il avait tort de refuser ce que ses assassins souhaitaient lui imposer prétendument pour son bien.

    Pour constituer un Front populaire contemporain, il faut regarder ce qu’Emmanuel Macron a obtenu avec son élection à la présidence de la République: il est parvenu à cristalliser toutes les forces du Front populicide sous son seul nom! Bravo l’artiste, mais la chose n’a pas fait longtemps illusion: tout le monde a très vite compris combien ce roi fragile et naïf, immature et narcissique, était nu et que son idéal politique était aussi vieux que Mitterrand 1983! Il faut espérer que la crise du coronavirus aura convaincu les derniers naïfs de l’étendue de l’imposture du phénomène Macron qui est le prête-nom de l’Etat maastrichtien dans lequel la France s’avère une quantité négligeable. Le pays de Louis XIV s’effondre de ne pouvoir produire des masques et les distribuer au peuple pour le protéger d’une épidémie!

    La solution politique ne passe ni par le retour des maastrichtiens de droite et de gauche, on s’en doute, ni par celui des olibrius qui se présentent comme des alternatives et qui, tels Jean-Luc Mélenchon, grand thuriféraire de l’Etat maastrichtien pendant les décennies où il fut sénateur socialiste, ou Marine Le Pen, qui a hérité de l’absence de colonne vertébrale de son père en matière d’options essentielles (libéralisme ou protectionnisme, européisme ou euroscepticisme, monnaie unique ou monnaie commune, quand ça n’est pas confusion avec l’écu…), montrent qu’il en va moins chez eux d’un souci de la France et des Français, autrement dit: du peuple, que de leurs petites carrières politiques.

    Notre proposition n’est pas de rouler pour les porteurs des solutions jacobines incarnées par les maastrichtiens ou par ceux qui s’y opposent avec le même schéma centralisateur, étatique et parisien – tous les candidats des dernières présidentielles étaient jacobins, tous[5]. Tout le monde se découvre aujourd’hui souverainiste: nous n’oublierons pas qui a insulté les souverainistes depuis un quart de siècles… Ils ne seront pas crédibles sous cette nouvelle panoplie.

    Notre Front populaire ne vise pas l’union de la France d’en-haut des politiciens antilibéraux contre les politiciens libéraux, mais la construction, faite par la France d’en-bas elle-même, d’une proposition populaire, girondine, proudhonienne, mutuelliste, fédéraliste, étatiste au sens expliqué par Proudhon dans sa Théorie de la propriété.

    La façon qu’a eue la France macronienne de montrer son incapacité à protéger le peuple français pendant la crise du coronavirus et, au contraire, son ardeur à l’exposer, voire à le sacrifier, mais également l’impéritie partagée par la classe politique officielle de droite et de gauche libérale ou antilibérale, inaudibl

  • La pensée décoloniale est-elle coloniale? Pour une déconstruction du décolonialisme, par Vincent Tournier.

    Pendant que le « Mois décolonial1 » est à la fête à Grenoble, le Château des ducs de Bretagne organise la deuxième édition de son exposition « Expression(s) décoloniale(s) ». Las, les deux invités originaires d’Afrique ont tenu un discours bien différent de celui qui était attendu, révélant au passage une difficulté à laquelle les militants décoloniaux n’ont manifestement pas songé : se pourrait-il que la pensée décoloniale soit elle-même l’héritière de la pensée coloniale ?

    5.jpgL’accusation est maintenant bien rodée : notre mentalité à nous autres Européens, et plus particulièrement à nous autres Français, est conditionnée par une histoire coloniale qui ne passe pas, comme on disait naguère à propos de Vichy. Loin d’appartenir à un passé révolu, la colonisation continue de nous habiter et de nous déterminer. Elle a façonné nos esprits et nos cadres mentaux. Elle nous fait voir le monde à travers un regard binaire : les colons et les colonisés, les Blancs et les « racisés ». 

    Cette « pensée blanche » imprègne tout : les institutions, les lois, la pensée, la langue, les expressions culturelles, et même la science. Tout notre univers est marqué par cette matrice héritée du passé, tel un logiciel dont on ne peut pas se débarrasser. Colonisateur un jour, colonisateur toujours. Les Blancs sont d’éternels colons, et le pire c’est qu’ils l’ignorent ; ils forment une caste qui n’a pas conscience de ses privilèges car leurs titres de noblesse relèvent d’un habitus conditionné par le passé. D’où le racisme systémique : vous aurez beau avoir les meilleures lois et les meilleures intentions du monde, vous serez toujours des colons dans le sang. Tel père, tel fils. L’air de rien, le décolonialisme a remis au goût du jour la responsabilité collective et héréditaire des peuples.

    De l’avant-garde éclairée à l’avant-garde éveillée

    Une question vient cependant à l’esprit : si nos cadres mentaux sont à ce point conditionnés par l’histoire, par quelle grâce les militants décoloniaux ont-ils été capables de sortir du pot commun ? Par quel mystère sont-ils parvenus à échapper à la malédiction du colonialisme, eux qui ont finalement les mêmes caractéristiques que leurs compatriotes restés englués dans la gangue colonialiste ?

    Le problème n’est pas nouveau. Il s’est posé dans les mêmes termes aux militants révolutionnaires : si les idées de chacun sont déterminées par la position de classe, au nom de quoi certains esprits parviennent-ils à s’arracher à leur condition sociale et à prendre conscience de leur situation ? 

    Une contradiction aussi puissante aurait pu devenir gênante si elle n’avait été résolue par un tour de magie inspiré du mythe platonicien de la caverne : par miracle, une minorité particulièrement lucide a su s’émanciper de son déterminisme de classe. Ces heureux élus ont réussi à quitter l’univers mental du citoyen ordinaire et savent voir le monde tel qu’il est. Ils sont devenus l’avant-garde éclairé du prolétariat, ce qui leur permet de travailler à la conscientisation des masses. 

    Le même miracle se produit aujourd’hui avec les militants décolonialistes. Une minorité d’éveillés a pu sortir de l’idéologie coloniale et prendre la tête du combat post-colonial. Comme leurs prédécesseurs qui luttaient pour l’émancipation du prolétariat, dont ils revendiquent du reste la filiation2, ces nouveaux éveillés entendent faire prendre conscience des dominations cachées qui structurent le monde social – ou plutôt : racial, car la race a pris le relais de la classe sociale – dans le but de faire advenir un monde libéré de la domination blanche. 

    L’objectif du décolonialisme rejoint alors celui du communisme : de la même façon qu’il fallait autrefois déconstruire l’imaginaire bourgeois, il s’agit désormais de « déconstruire l’imaginaire colonial », pour reprendre la formule du Mois décolonial3, ou encore « décoloniser sa pensée, son regard, son imaginaire », comme l’indique le Musée d’histoire de Nantes4. Bref, il faut sortir de la fausse conscience coloniale comme il fallait jadis sortir de la fausse conscience de classe.  

    « S’il n’y avait pas eu de vendeur, il n’y aurait pas eu d’acheteur »

    Se pourrait-il toutefois que les éclairés décoloniaux se trompent sur eux-mêmes ? Se pourrait-il que leur pensée soit plus imprégnée de l’idéologie coloniale qu’ils ne se l’imaginent ? 

    Telle est la question qui vient à l’esprit en découvrant les interventions des deux invités de l’exposition nantaise « Expression(s) décoloniale(s) »5

    Bien que cet événement soit placé sous le signe du décolonialisme le plus ordinaire, les deux invités ont tenu des propos pour le moins détonants. L’artiste béninois Romuald Hazoumé a ainsi déclaré : 

    « Moi mon rôle en tant qu’artiste africain, c’est de dire aux miens : “nous, Africains, devons aussi assumer notre responsabilité dans l’esclavage ! S’il n’y avait pas eu de vendeur, il n’y aurait pas eu d’acheteur. Comme les Occidentaux, des Africains ont aussi profité de ce trafic ! Et il est important de parler de ce qui se passe aujourd’hui, de parler de ces enfants que l’on ‘place’ dans d’autres familles, qui font le ménage, la vaisselle, qu’on ne met pas à l’école… Nous devons nous regarder d’abord avant de regarder les autres.” » 

    De son côté, l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou explique que, s’il s’est intéressé à la traite négrière, c’est parce qu’il a découvert que certains de ses ancêtres avaient été propriétaires d’esclaves. Il indique que ses recherches portent sur les opérations guerrières « nolo » (rapt d’un individu isolé) et « mvrakila » (razzia) menées au Congo pour fournir des esclaves aux négriers. Il étudie également le royaume esclavagiste Ashanti (1701-1874) qui exigeait chaque année la livraison de 2 000 esclaves. De ses recherches, il tire une conclusion décapante dans le milieu décolonial :

    « La responsabilité africaine dans l’esclavage est encore taboue. Que l’on soit descendant de parents réduits à la servilité ou de personnes possédant des esclaves, c’est encore très compliqué et honteux d’en parler ». 

    On comprend pourquoi cet historien, dont les recherches ont été récompensées en France par le prix du Comité national pour la mémoire et l’Histoire de l’esclavage en 2019, ne suscite guère l’enthousiasme de la part des universités ivoiriennes : de toute évidence, ses conclusions risquent de brouiller les demandes de réparation que les États africains tentent de promouvoir.

    Mais surtout, en écoutant ces deux personnalités, une question vient à l’esprit : quelle place le décolonialisme accorde-t-il à ce type d’analyse ? À quel moment permet-il à cette parole critique de s’exprimer ? 

    Un colonialisme qui s’ignore ?

    De ce fait, deux problèmes sont incidemment mis au jour. Le premier est que le décolonialisme est un discours clos sur lui-même, hermétique à toute information dissonante, ce qui n’est pas vraiment une surprise ; le second est que l’imaginaire décolonialiste ne conçoit l’histoire que du point de vue occidental, n’attribuant un rôle actif qu’aux peuples occidentaux. L’Occident a certes tous les défauts de la terre car c’est lui qui sème les maux de l’humanité (domination, exploitation, violence, barbarie), empêchant les autres peuples de s’exprimer, et pillant au passage leurs ressources et leur génie pour son seul profit. Mais c’est lui aussi qui est le seul acteur authentique de l’histoire,

    Se pourrait-il alors que le décolonialisme, par son refus d’intégrer dans son raisonnement la moindre responsabilité des Africains eux-mêmes, soit à son tour imprégné par l’idéologie colonialiste ? Le décolonialisme n’a-t-il pas finalement pour caractéristique, en figeant l’Afrique dans le rôle d’une victime éternelle et passive, de reprendre la même vision condescendante et paternaliste qui a justifié la colonisation ?

    Une phrase revient ici en mémoire : celle de Nicolas Sarkozy sur « l’homme africain [qui] n’est pas entré dans l’histoire », prononcée à Dakar en 2007. A l’époque, l’ancien président avait suscité des critiques virulentes, notamment à gauche. Pourtant, il est troublant de relever que, tout compte fait, cette phrase convient assez bien aux militants décoloniaux d’aujourd’hui, eux qui ne voient les peuples d’Afrique que comme des entités idéalisées et terriblement fragiles, incapables d’être des acteurs autonomes de l’histoire, surtout lorsqu’il s’agit d’exprimer les pulsions négatives de l’humanité. 

    Colonial toi-même

    Loin de rompre avec la pensée colonialiste, le décolonialisme se présente ainsi comme l’un de ses rejetons ou, plutôt, comme l’une des variantes de la même matrice culturelle : celle qui aspire à faire le bien de l’humanité, à émanciper les peuples sur la base de droits universels, avec toutes les limites et les contradictions que suppose un tel programme. De ce fait, le décolonialisme se donne raison à lui-même : à son corps défendant, il est lui-même la preuve que l’idéologie coloniale imprègne toutes nos mentalités. Et ce faisant, il révèle son échec : on ne sort pas facilement de l’imaginaire colonial. 

    Il reste que le paradoxe n’est pas des moindres : d’un côté le décolonialisme entend rompre avec l’imaginaire colonialiste ; et de l’autre c’est précisément dans cet imaginaire qu’il puise l’essentiel de son argumentation. C’est la même difficulté que l’on observe chez les partisans de l’ouverture des frontières (européennes) dont les décolonialistes sont généralement issus : d’un côté ils idéalisent les individus qui viennent d’Afrique, mais de l’autre ils souhaitent inconsciemment les sauver de la barbarie qui règne chez eux. D’où leurs mobilisations pour aider les migrants à franchir les frontières ou empêcher les expulsions vers les pays d’origine. 

    Ce faisant, une lecture schizophrénique s’est constituée qui dissocie les individus et leur société, comme si les premiers n’avaient rien à voir avec la réalité collective à laquelle ils appartiennent. La contradiction saute pourtant aux yeux. Elle ne peut être résolue qu’en considérant que toute la responsabilité des malheurs du monde revient à l’Occident, ce qui est encore une manière de décrypter l’histoire à partir d’un centre unique.  

    Déconstruire quoi ?

    L’annonce du Mois décolonial grenoblois a été accompagnée d’un beau petit lapsus. On lit en effet sur un site associatif : « au travers d’un geste artistique et d’une parole intellectuelle, nous tenterons de déconstruire l’imaginaire post-colonial« 6

    Parler ici de l’imaginaire post-colonial est étonnant. Habituellement, les tracts et les affiches évoquent l’imaginaire colonial, ce qui est logique. Déconstruire d’imaginaire colonial, cela veut dire détruire l’héritage colonial qui est supposé être toujours présent dans nos esprits ; en revanche, déconstruire l’imaginaire post-colonial est moins clair puisque cette expression désigne la période qui suit la colonisation, et traite donc de l’imaginaire qui s’est constitué après la colonisation, dont le décolonialisme fait justement partie. 

    Ce lapsus gentillet ne mériterait pas qu’on s’y arrête s’il ne venait révéler une limite évidente du décolonialisme : l’absence de regard critique sur la nature même du mouvement décolonial. Si la déconstruction est une méthode d’accès à la connaissance authentique, pourquoi ne serait-elle pas appliquée à l’imaginaire post-colonial, donc au décolonialisme lui-même, pur produit du monde post-colonial ? 

    Il va de soi que les militants décoloniaux ne sont pas disposés à engager un tel travail. Le programme du Mois décolonial ne fait d’ailleurs guère mystère de son faible attrait pour le débat contradictoire, comme le reconnaît sans peine l’un de ses militants : « ce qui m’intéresse, c’est d’avoir des informations, de comprendre, pas de savoir si on doit déconstruire ou non, mais comment. Sinon, on se retrouve sur un débat sur CNews ! »7.

    Là où les choses sont plus compliquées, c’est que le mouvement décolonial n’est pas seulement un mouvement militant ; il s’est aussi fortement développé dans les universités et les centres de recherche où il gagne régulièrement du terrain. Or, si l’absence de débats chez les militants n’est pas étonnante, il en va différemment des universitaires, pour lesquels on attend un minimum de recul et de réflexivité. 

    Voilà qui pourrait constituer un beau projet pour le CNRS : pourquoi ne pas lancer un programme de recherche sur l’imaginaire décolonialiste dans le but d’en comprendre la nature et les ressorts, ainsi que les groupes et les réseaux qui la soutiennent ? L’enjeu n’est pas mince puisque cette idéologie semble prendre le relais du communisme comme projet d’émancipation, sans que l’on comprenne encore très bien quel type de société cette idéologie entend instaurer.

  • Eloge au Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc par le Général CA Bruno DARY, Gouverneur Militaire de Paris.

    hélie de saint marc

    Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, 89 ans, a reçu des mains du président Sarkozy les insignes de Grand’Croix de la Légion d’Honneur, à l’occasion de la traditionnelle prise d’armes d’automne, ce 28 novembre.

            Voici le texte intégral du bel hommage - amplement mérité... - que lui a adressé le Général CA Bruno DARY, Gouverneur Militaire de Paris.

            Mon ancien, mon commandant, et, si vous le permettez en ce jour exceptionnel, mon cher Hélie ! Nous vivons à la fois une journée exceptionnelle et un moment paradoxal : qui d’entre nous en effet n’a pas lu un seul de vos livres, sans avoir eu, la dernière page tournée, un goût amer dans la gorge ? La guerre est toujours une tragédie et vos livres nous rappellent que l’histoire est souvent une tragédie ; ils m’ont ramené un siècle plus tôt, quand le capitaine de Borelli, officier de Légion, alors au Tonkin, écrivait à ses hommes qui sont morts :

    "Quant à savoir, si tout s’est passé de la sorte, Si vous n’êtes pas restés pour rien là-bas, / Si vous n’êtes pas morts pour une chose morte, Ô, mes pauvres amis, ne le demandez pas !"

            Et pourtant, aujourd’hui, il n’est pas besoin d’interroger tous les présents, pour affirmer que tous sans exception sont très heureux de vivre ici ce moment exceptionnel ; ils sont heureux pour notre pays, incarné par sa République et son Président qui vient de vous décorer ; ils sont heureux pour la France, qui montre aujourd’hui qu’elle sait à la fois pardonner et reconnaître chacun selon ses mérites ; ils sont heureux pour vous, pour l’honneur qui vous échoit, pour le témoin que vous êtes, pour les mystères que vous avez soulevés, pour le courage que vous avez toujours montré ! Alors, permettez-moi d’être leur porte-parole et d’essayer d’exprimer tout haut ce que beaucoup ressentent intérieurement. Je parlerai au nom de ceux qui vous entourent et de ceux qui auraient aimé être là ; je parlerai au nom de tous ceux qui vous ont précédé, ceux qui sont partis, au hasard d’un clair matin, dans les camps de concentration, dans les brumes des calcaires tonkinoises, ou sous le soleil écrasant d’Afrique du Nord. Comme je ne peux les citer tous, j’évoquerai simplement le nom des trois derniers, qui nous ont quittés récemment, le commandant Roger Faulques, héros de la RC4, le major Otto Wilhelm, qui eut l’honneur de porter la main du Capitaine Danjou en 2006 à Camerone, et puis, le caporal Goran Franjkovic, dernier légionnaire à être tombé au combat, voici 15 jours en Afghanistan

            Parmi ceux qui se réjouissent aujourd’hui avec vous, je veux citer en premier lieu, les légionnaires, vos légionnaires, ceux d’hier qui ont marqué toute votre vie et ceux d’aujourd’hui qui étaient sur les rangs et sous les armes durant la cérémonie. Vous avez dit et écrit que vous aviez vécu avec eux, les heures les plus fulgurantes de votre vie ! Eh bien, ils sont tous là, les petits, les sans-grade,  les sans-nom, les oubliés de l’histoire ! Ceux dont les noms ne figureront jamais sur un monument aux morts ! Ceux qui montent à l’assaut sans hésitation, ceux qui se battent la peur au ventre, mais le courage dans le cœur, et ceux qui sont tombés sans un cri ! Ils ont bâti la gloire de la Légion et de notre armée avec leur peine, leur sueur et leur sang. Parmi eux, comment ne pas évoquer vos légionnaires du 1e REP, ceux des champs de braise et des brûlures de l’histoire,  ceux qui, une nuit d’avril 1961, vous ont suivi d’un bloc parce que vous étiez leur chef ! Quand j’exerçai le commandement de la Légion étrangère, nous avons évoqué plusieurs fois ensemble cette aventure, votre sentiment et votre peine à l’égard de la Légion d’avoir entraîné des soldats étrangers dans une affaire française ; car la Légion, elle aussi, a payé le prix fort ! Avec les légionnaires, figurent aussi leurs chefs, vos camarades, vos frères d’armes, ceux de tous les combats, ceux du 2e BEP de Raffalli, du 1e REP de Jeanpierre, et puis, Hamacek, Caillaud et votre cher et fidèle ami, le Cdt Morin, camarade de lycée et compagnon de déportation. Ils ont partagé vos joies, vos peines, vos craintes, vos angoisses, vos désillusions et vos espérances. 

    hélie de saint marc,dary

     

            Sont heureux aujourd’hui, les jeunes officiers, ceux de la 4e génération du feu, ceux qui ont longtemps monté la garde face au Pacte de Varsovie, puis, une fois la menace disparue, une fois la Guerre froide gagnée, sont repartis dans de nouvelles aventures, en opérations extérieures, imprégnés de vos écrits, de votre expérience, de vos interrogations, de vos encouragements et de vos messages d’espoir ; ils sont repartis dans des circonstances bien différentes, mais, comme vous, ils ont toujours cherché à servir de leur mieux, guidés par leur devoir et leur conscience!

            Et puis, parmi ceux qui se réjouissent, il y a ceux qui, un jour dans leur vie, ont dit ‘‘non’’, fatigués des scènes d’horreur, des années d’occupation et des humiliations répétées. Contre toute logique, contre l’air du temps, contre l’attrait du confort et la sécurité du lendemain, ils ont dit non, et ils ont assumé leur décision en mettant leur peau au bout de leur choix ; dans ce long cortège, Antigone a montré le chemin, d’autres ont suivi et habitent encore ici, dans l’aile opposée des Invalides, celle d’Occident ; ce sont les Compagnons de la Libération, vos frères d’armes de la 2e Guerre Mondiale, venus de partout et de nulle part, et qui, comme vous ont dit non, quand ils ont vu la France envahie.

            Se réjouit aujourd’hui avec vous la foule silencieuse de ceux qui ont connu la souffrance, dans leur corps, dans leur cœur ou leur âme ; il existe un lien mystérieux, invisible, profond, indélébile qui unit ceux qui ont souffert. La marque de la douleur vous confère cette qualité de savoir regarder la vie autrement, de relativiser les échecs, même importants, de rester conscients que tout bonheur est fragile, mais aussi de savoir apprécier les joies simples de la vie, le regard d’un enfant ou d’un petit-enfant, le sourire d’une femme, la fraternité d’armes des camarades, l’union des âmes des compagnons.

            Vous rejoignent aujourd’hui dans l’honneur qui vous est rendu, ceux qui, comme vous, ont connu la prison, la prison qui prive de liberté, et surtout la prison qui humilie, isole, brise, rend fou, et détruit l’être dans le plus profond de son intimité ; comment ne pas évoquer ce mineur letton du camp de Langenstein, prisonnier anonyme et qui vous a sauvé la vie ? Entre eux aussi, il existe un lien mystérieux : je me souviens de ce jour de septembre 1995, lorsque je vous ai accueilli au 2eREP à Calvi, je vous ai présenté le piquet d’honneur, et au cours de la revue, alors que vous veniez de vous entretenir avec plusieurs légionnaires, vous avez demandé, avec beaucoup de respect et de pudeur, à l’un d’eux : « Mais, si ce n’est pas indiscret, vous n’auriez pas connu la prison? »  Et, malgré son anonymat,  il vous répondit que c’était bien le cas…

           Et puis, parmi la cohorte immense, il y a ceux qui croyaient au ciel, et ceux qui n’y croyaient pas, tous ceux qui ont été ébranlés dans leur foi et leurs certitudes, pour avoir vu, connu et vécu l’horreur ; ceux qui ont douté qu’il pût exister un Dieu d’amour, pour avoir hanté les camps de la mort, qu’il pût exister un Dieu de fidélité, pour avoir dû abandonner un village tonkinois, qui avait cru à votre parole,  ou qu’il pût exister un Dieu de miséricorde, pour avoir été victime de parjures.  Et pourtant, au soir de votre vie, vous restez persuadé que rien n’est inutile et que tout est donné, que si le passé est tragique, l’avenir est plein d’espoir, que si l’oubli peut envahir notre mémoire, le pardon ne pourra jamais assaillir notre cœur ; c’est ce que vous avez appelé : ‘‘l’Aventure et l’Espérance’’

            M’en voudrez-vous beaucoup si, parmi ceux qui se réjouissent en ce jour, je parle aussi des femmes ? Celles que l’on évoque souvent dans nos chants de légionnaires, Eugénie, Anne-Marie, Véronika ; celles dont les prénoms ont servi à baptiser les collines de Dien-Bien-Phu ; celles qui ont toujours tenu une place particulière dans votre vie de combattant et d’homme de lettres ; celles dont la beauté et le charme ne vous ont jamais laissé indifférent. Je me permettrais d’évoquer la première d’entre elles, Manette, qui comme elle s’y était engagée devant Dieu et les hommes, vous a suivi pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Elle et vos quatre filles furent à la peine ; il est bien normal qu’aujourd’hui elles soient à la joie ! 

    hélie de saint marc,dary

    la cuvette de Diên Biên Phu - Nord Tonkin -
    par la route venant de la frontière chinoise.

     

     

            Enfin et au dessus de tout, ceux qui se réjouiront sans doute le plus, même si leur pudeur ne le leur permet pas, ce sont les hommes d’honneur ! Car l’étoile qui vous a guidé dans toute votre vie, restera celle de l’honneur, puisque vous lui avez tout sacrifié, votre carrière, votre famille, votre renommée, votre avenir et vos lendemains ! Et aujourd’hui, cet honneur vous est officiellement reconnu, car la France, dans sa profonde tradition imprégnée de culture chrétienne, a su pardonner et même plus que cela, elle a reconnu votre sens de l’honneur. Avant de conclure, vous me permettrez de citer ce général, qui, au cours d’un des procès qui suivit la tragédie algérienne, déclara : ‘‘ Choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager avec la Nation française la honte d’un abandon ! Et pour ceux, qui, n’ayant pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire dira peut-être que leur crime est moins grand que le nôtre !’’. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, à travers l’honneur qui vous est fait, il semble que l’Histoire soit sur le point de rendre son verdict !

            Mon ancien, vous arrivez aujourd’hui au sommet de votre carrière, militaire et littéraire ; mais comme vous le dîtes souvent, vous êtes aussi au soir de votre vie, à l’heure où l’on voit les ombres s’allonger. Tous ceux qui sont là sont heureux d’être auprès de vous sur ce sommet ; et ce sommet n’est pas qu’une allégorie ! Ce sommet est bien concret ; permettrez-moi de l’imaginer en Corse : toutes vos sentinelles du soir sont là, autour de vous, admirant le soleil couchant ; comme partout en Corse, le paysage est sublime, le spectacle intense ; la nuit s’est répandue dans la vallée, le soir monte, et l’on voit s’éclairer peu à peu les villages et leurs églises, les cloches des troupeaux tintent dans le lointain, et l’on admire le soleil qui disparaît lentement derrière l’horizon dans le calme et la paix du soir. Il va bientôt faire nuit et chacun de ceux qui sont là, qui vous estiment et qui vous aiment, ont envie de fredonner cette rengaine, désormais entrée dans l’histoire : ‘‘Non, rien de rien ! Non, je ne regrette rien !’’ 

    hélie de saint marc,dary 

  • Mathieu Bock-Côté : après la polémique, ce qui restera du livre de Patrick Buisson

     

    Par Mathieu Bock-Côté    

    L'essai de Patrick Buisson a déclenché les passions, mais sous l'angle des confidences à l'endroit de l'ancien président. Mathieu Bock-Côté, pense au contraire que La cause du peuple est d'abord et avant tout un livre d'analyse politico-philosophique de notre époque [Figarovox, 18.10]. Cette chronique brillante - et selon toute vraisemblance pertinente pour qui n'a pas encore lu le livre de Patrick Buisson - porte, elle aussi, son regard très en profondeur non seulement dans l'essentiel de cet ouvrage mais aussi dans les maux dont souffrent nos sociétés - la société française tout particulièrement - et dans les perspectives et conditions d'une possible renaissance. Il y a là de très belles et très sûres réflexions qui intéressent au premier chef les royalistes, les patriotes et, au delà, tous les Français qui selon l'expression de Thierry Maulnier « persistent à aimer la France et à ne pas désespérer d'elle ».  Lafautearousseau 

     

    3222752275.jpg« Un brulot ». Un « livre à charge ». Un « règlement de comptes », ajoutèrent certains. C'est ainsi qu'on a accueilli La cause du peuple (Perrin, 2016), le dernier livre de Patrick Buisson, en prenant bien la peine de rappeler, comme à l'habitude, tout son parcours idéologique, comme s'il fallait mettre en garde le commun des lecteurs contre lui. Ces mises en garde faites, on a tout fait pour réduire cet ouvrage à une compilation de confidences et d'indiscrétions, comme s'il se livrait à la manière d'un petit tas de secret sur la Sarkozie. En gros, ce serait un livre de ragots. Comment ne pas voir là une autre preuve que la plupart du temps, les journalistes ne lisent pas vraiment les livres dont ils parlent ? Ou s'ils les ont lus, qu'ils se fichent bien de l'essentiel. Ou alors, peut-être ont-ils décidé d'enterrer celui qu'on veut à tout prix faire passer pour un mauvais génie ? Chose certaine, ils ne se sont pas intéressés à l'analyse de notre situation historique que Buisson a pris la peine d'élaborer sur plus de 400 pages, avec un bonheur d'écriture indéniable: on se contentera d'y coller une sale petite étiquette radioactive pour en faire un infréquentable personnage. Le vrai pouvoir de la gauche médiatique, c'est de décerner des certificats de respectabilité auxquels on prête encore de la valeur.

    Et c'est dommage. Très dommage. Car La cause du peuple est probablement un des livres les plus importants parus ces dernières années - j'ajouterais, un des plus passionnants. Si Buisson joue à sa manière le rôle du chroniqueur des années Sarkozy, qu'il a accompagné de 2005 à 2012 en voulant en faire le héraut de la France telle qu'il se l'imagine, il nous propose surtout, dans cet ouvrage, une puissante analyse de notre temps. Il croise la psychologie politique, la philosophie politique et l'anthropologie politique et son regard va très en profondeur. Il s'agit de faire un portrait de l'époque à travers la présidence d'un homme qu'il aurait souhaité frappé par la « grâce d'État » mais qui n'est jamais vraiment parvenu à faire quelque chose de son incroyable énergie, comme s'il était paralysé par son désir de reconnaissance par les branchés et les élégants, représentés à ses côtés par son épouse. Sarkozy, pour Buisson, est d'abord l'histoire d'un talent gâché, d'une immense déception. C'est l'histoire d'un homme qui aurait préféré l'agitation à l'action, en confondant l'hyperactivité médiatique et le travail de fond. Il n'aura pas su saisir la part sacrée du politique, la symbolique sacrificielle du pouvoir. Le pouvoir devait le conduire dans la jet-set mondiale où il jouirait, enfin riche, de son ascension sociale parfaitement réussie.

    On le sait, Patrick Buisson a été grand stratège du sarkozysme électoral en 2007, c'est-à-dire d'une campagne misant sur la transgression du politiquement correct en mettant de l'avant la notion d'identité nationale, longtemps concédée par la droite « républicaine » à la droite populiste. Buisson en était convaincu : il fallait mener la guerre culturelle à une gauche depuis trop longtemps hégémonique dans le monde des idées. Mais cette notion n'avait rien d'un hochet rhétorique chez lui. Au contraire, à travers elle, il était possible de renouer avec la part conservatrice de la droite et plus fondamentalement, de sortir d'une vision strictement économique de l'homme, qui passe souvent pour la seule rationnelle, surtout à droite, où on croit répondre aux besoins de l'âme humaine avec une approche strictement comptable. L'identité nationale ouvrait, pour Buisson, sur la part symbolique et anthropologique de la communauté politique : cette part, qui se dérobe à l'artificialisme sociologique, est probablement la plus importante. L'identité nationale permettait de faire une brèche dans une mythologie progressiste glosant sans cesse sur les valeurs républicaines pour mieux occulter l'identité historique de la France.

    C'est cette part que Buisson cherchera à mettre de l'avant pendant cinq ans, en invitant Nicolas Sarkozy à se l'approprier. Qu'il s'agisse de la question de l'autorité de l'État, de l'immigration ou des questions sociétales, Buisson revient toujours à la charge en rappelant une chose fondamentale : le peuple français fait une expérience pénible de sa désagrégation. Ce constat est vrai pour l'ensemble des peuples occidentaux. Il voit ses symboles s'égrener, ses repères se brouiller, son identité s'émietter. Il se sent de plus en plus devenir étranger chez lui. Ses aspirations profondes sont étouffées, et mêmes déniées. On les présente comme autant d'archaïsmes ou de phobies alors qu'il s'agit d'invariants anthropologiques que la civilisation avait traditionnellement pris en charge et mis en forme. La vocation du politique, nous dit Buisson, est d'abord conservatrice: il s'agit de préserver une communauté humaine, qui est une œuvre historique vivante, et non pas toujours de la réformer pour l'adapter à la mode du jour. Il y a dans le cœur humain un désir de permanence qu'on doit respecter. Lorsqu'on le nie, on pousse l'homme à la solitude extrême, puis à la détresse.

    Buisson souhaite reconstituer le peuple français, et pour cela, il croit nécessaire de renouer politiquement avec lui. Alors que les élites ne savent plus défendre une souveraineté de plus en plus vidée de sa substance, il faut aller directement au peuple pour reconstituer une véritable puissance publique. C'est en puisant directement dans la légitimité populaire que Buisson entend régénérer le pouvoir, le déprendre des nombreuses gangues qui l'enserrent comme le droit européen ou international ou encore, les nombreux corporatismes qui entravent la poursuite de l'intérêt général. Mais, ajoute-t-il, la gauche ne pense pas trop de bien de ce retour au peuple, puisque depuis très longtemps, elle se méfie des préjugés du peuple, qui se montre toujours trop attaché à ses coutumes : elle rêve d'une démocratie sans le peuple pour la souiller de ses mœurs. C'est l'histoire du rapport entre le progressisme et le peuple dans la modernité. Dans le cadre de la campagne de 2012, Buisson cherchera quand même à convaincre Nicolas Sarkozy de miser sur une politique référendaire qui pourrait faire éclater le dispositif annihilant la souveraineté. Il n'y parviendra pas vraiment, même s'il poussera le président-candidat à renouer avec une posture transgressive.

    Mais un peuple n'est pas, quoi qu'en pensent les théoriciens des sciences sociales, une construction artificielle qu'on peut créer et décréer par décret. Et c'est en puisant dans son histoire qu'il peut renaître, en retrouvant ses racines les plus profondes. L'histoire est chose complexe : les formes qu'elle a engendrées peuvent se métamorphoser, renaître, et c'est dans cette optique que Buisson revient sur la question des racines chrétiennes de la France. Formée dans la matrice du christianisme, la France s'est couverte au fil de l'histoire d'églises, avant de les déserter assez brutalement au vingtième siècle - il faut dire qu'on a aussi cherché violemment à lui arracher ses racines chrétiennes avant cela. Dans un monde marqué par l'esprit de conquête d'un certain islam, par une immigration massive et par une déliaison sociale de plus en plus brutale, la France est prête à se réapproprier son héritage chrétien à la manière d'une « ressource politique immédiatement disponible » (p.322). Le catholicisme s'offre non plus nécessairement comme une foi mais comme une culture ayant permis aux Français d'accéder à la transcendance et vers laquelle ils peuvent se retourner à la manière d'une identité civilisationnelle.

    On me pardonnera de le redire, mais on aurait tort de voir dans cet ouvrage essentiel une bête charge contre un homme désaimé. En fait, quiconque recense La cause du peuple est condamné à ne rendre que partiellement compte de l'exceptionnelle réflexion qui s'y trouve. Buisson, en fait, fait le portrait de la misère d'une époque qui a le culot de se croire presque irréprochable alors qu'elle pousse les hommes à la misère affective et spirituelle et finalement, à une solitude si violente qu'elle représente peut-être la pire misère qui soit. En creux, il formule un programme de redressement qui est moins fait de mesures ciblées que d'un appel à renouer avec une idée de l'homme autrement plus riche que celle qui domine en modernité avancée : il n'y aura pas de réforme politique sans réforme intellectuelle et morale, dirait-on. L'homme politique ne doit plus voir devant lui une société flottant dans un éternel présent où se meuvent des individus bardés de droits mais un peuple historiquement constitué. Et il doit moins se présenter comme un habile gestionnaire du présent que comme un homme incarnant le passé, le présent et l'avenir d'une civilisation.

    Si Nicolas Sarkozy savait parler et faire de bons discours, il ne savait finalement pas incarner sa fonction et encore moins son pays. À lire Patrick Buisson, c'était un comédien de talent qui n'avait pas de vocation sacrificielle. Buisson a échoué a en faire le grand homme qu'il aurait peut-être pu être. Pouvait-il en être autrement ? On comprend pourquoi la figure du général de Gaulle hante les pages de La cause du peuple. Mais il ajoute : « de n'avoir pas réussi la mission que je m'étais donnée ne prouve rien. D'autres, je le sais, viendront après moi pour dire et redire que ne font qu'un la cause du peuple et l'amour de la France » (p.442). Un pays dure tant que dure dans le cœur des hommes le désir qu'il persévère dans son être : la flamme de la résistance doit toujours être portée pour un jour le faire renaître mais il arrive qu'ils soient bien peu nombreux à la maintenir. Ce qui habite Patrick Buisson, manifestement, c'est l'espérance d'une renaissance française.

    La cité a quelque chose de sacré : à travers elle, l'homme fait l'expérience d'une part essentielle de lui-même, qui le transcende, qui le grandit, qui l'anoblit. « Aimer la France, dit-il, ce n'est pas aimer une forme morte, mais ce que cette forme recèle et manifeste d'impérissable ». Et Buisson ajoute : « Ce n'est pas ce qui mourra ou ce qui est déjà mort qu'il nous faut aimer, mais bien ce qui ne peut mourir et qui a traversé l'épaisseur des temps. Quelque chose qui relève du rêve, désir et vouloir d'immortalité. Quelque chose qui dépasse nos pauvres vies. Et qui transcende notre basse époque. Infiniment » (p.442-443). La cité est gardienne d'une part de l'âme humaine et elle ne saurait bien la garder sans un véritable ancrage anthropologique. Mais elle ne saurait, heureusement, se l'approprier complètement et il appartient aux hommes qui croient à la suite du monde de la cultiver, d'en faire le cœur de leur vie, pour transmettre ce que l'homme ne peut renier sans se renier lui-même, pour honorer ce qu'on ne saurait oublier sans s'avilir intimement.

    « Un peuple n'est pas, quoi qu'en pensent les théoriciens des sciences sociales, une construction artificielle qu'on peut créer et décréer par décret. »

    Mathieu Bock-Côté 

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Escapade à Prague, par Danièle Masson, dans Réseau Regain

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    On pourrait dire de Prague ce que Rainer Maria Rilke disait de Rome: elle jouit et souffre de la « multitude de ses passés ». 

    Débarqués à l’aéroport – Vaclav Havel bien sûr – après vingt kilomètres de campagne et de banlieue, Prague nous apparaît comme un bijou solitaire, qui concentre en lui toute l’histoire et la beauté tchèques, si bien que la plupart des touristes de la République tchèque, ne connaîtront qu’elle. Pourquoi Prague ? 

     

    Pour comprendre comment la capitale du baroque – baroquissime, dit Borek Sipek – peut-être aussi terre élue de Mozart qui la préférait à Vienne, patrie de Kafka, et, après 6 années d’occupation nazie et 40 ans d’occupation communiste, demeurer « la ville d’or aux cent tours», comme intacte. 

     

    En arpentant Prague à pied – mais nous usons aussi gratuitement, privilège de l’âge ou souvenir du communisme, des transports en commun, et c’est un vrai plaisir, traversant la ville en tramway, d’apercevoir ses clochers, ses palais, ses ponts, ses coupoles – nous sommes submergés par l’histoire et l’entrechoc des passés.

     

     

    Prague baroque

    Notre première visite est pour l’église Saint Nicolas de Malá Strana (la ville mineure). En bas de la tour Saint Nicolas – un escalier de 215 marches conduit à son sommet – on peut lire: « depuis le début des années cinquante jusqu’à la chute du régime communiste, c’était un observatoire de la Police secrète d’Etat qui observait d’ici les murs dans les ambassades des pays de l’Ouest ».

    Quant à l’église – Mozart joua sur les 2 500 tuyaux de son orgue – nous en admirons la grandiose tempête de stucs et de dorures, exemple triomphant de la Contre – Réforme et du baroque qui l’accompagne, en écoutant un de ces multiples concerts dont la publicité assaille le touriste. En 1625, les jésuites, chargés de recatholiciser Prague largement acquise au protestantisme, reçoivent de Ferdinand II de Habsbourg, une église gothique fondée en 1283. En 1653, des architectes italiens restructurent ce qui est devenu le joyau du baroque pragois.

    Le pont Charles relie Malá Strana à Stare Mesto (la vieille ville). C’est le lieu géométrique du tourisme. Avec ses musiciens et ses artistes proposant aux passants portraits et caricatures, il a un faux air des ponts de Paris ou de Montmartre. S’y mêlent des Tchèques qui touchent pieusement la statue de Népomucène, un des saints patrons de la ville, les inévitables Japonais, peu d’Allemands et de Français, beaucoup d’Italiens, et quelques couples exotiques avec des femmes entièrement voilées. Ils ne trouveront ici ni mosquées, ni subsides dont à l’évidence ils n’ont pas besoin, mais se mêlent à la foule des touristes. Le pont Charles est chargé d’histoires. En 1357, Charles IV pose la première pierre, et sa statue majestueuse et puissante trône à l’entrée de la vieille ville. Qui est-il ce Charles IV ? Roi de Bohême, premier à recevoir la couronne de Rome et le titre d’empereur, il se retrouve à la tête de toute la chrétienté d’Occident, et fonde l’université de Prague, qui atteint alors son apogée culturel. Le pont, gothique, est comme adouci et ennobli par une galerie de sculptures à ciel ouvert, statues baroques du XVIIe siècle réunies comme en conclave sur la Vltava. Trente-trois statues dont celle de Sainte Luitgarde, voluptueux pastiche du Bernin, et celle de Jean Népomucène, qui, en 1393, fut torturé et jeté du pont Charles pour avoir refusé de dévoiler au roi Venceslas IV une confession de la reine.

     

    La place de Stare Mesta est à son tour une leçon d’histoire tchèque en plein air. Vingt-sept croix blanches gravées au sol symbolisent les protestants exécutés en 1621 après la bataille de la Montagne blanche qui transforma la Bohême en province autrichienne et la soumit aux Habsbourg catholiques. En 1948 Klement Gottwald y proclama le « coup de Prague » communiste, et 42 ans plus tard, Vaclav Havel y annonça le retour de la liberté. Le centre de la place est occupé par un immense monument en bronze dédié à Jean Hus, brûlé vif en 1415 comme hérétique, et dont les sermons enflammés contre l’Eglise et le pape, entre 1402 et 1412, annonçaient le protestantisme. Une église s’impose sur la place : Notre Dame de Tyn, d’abord édifice roman, puis église gothique au XIIIe siècle, elle devient au XIVe siècle la principale église hussite de Prague. Pour qui n’essaie pas de décrypter ici l’histoire tragique de Prague, la place est paisible et belle, dédiée aux tavernes débordantes de « pivos » - la bière, boisson nationale – et cernée d’anciennes demeures bâties au Moyen-Âge, et revues et corrigées dans les styles gothique puis baroque. Si Prague fut «baroquisée » à son corps défendant, elle a su intégrer l’art de l’envahisseur et le transmuer en son génie national.

     

     

    Du ghetto juif à Kafka

    Prolongeant Stare Mesto, l’ancien ghetto de Prague est devenu Josefov, en l’honneur de l’empereur Joseph II qui fit abattre ses murs pour le réaménager et l’assainir. Kafka y vécut et vit disparaître le ghetto : « la vieille ville juive malsaine qui est en nous est beaucoup plus réelle que la nouvelle ville hygiénique autour de nous». On nous fait payer grassement les billets qui permettent l’accès aux synagogues et au cimetière juif. 

    Il est vrai que « Staronova » est le dernier exemple de synagogue médiévale d’Europe, que le cimetière, pittoresque amas de pierres, avec ses 12000 pierres tombales pour plus de 100000 personnes enterrées, sépultures superposées en raison de l’exiguïté de la place disponible, impressionne, et que la synagogue Pinkas, avec son monument commémoratif des 77297 noms à la mémoire des victimes juives du nazisme, et les dessins d’enfants de Terezin, camp de rassemblement transitoire, « porte de la mort », est émouvante. Avec un gouvernement en exil, la Tchécoslovaquie a été soumise, entre 1941 et 1943, au protecteur du Reich, puis à Heydrich, général des SS, dans un pays proclamé «Protectorat de Bohême – Moravie », où se sont appliquées pleinement les lois antisémites.

     

    C’est peut-être au château, sur les hauteurs de Malá Strana, que l’on pressent le mieux Kafka. D’abord rotonde Saint Guy, entreprise au Xe siècle par Venceslas duc de  Bohême, assassiné puis vénéré comme martyr, « le château » comprend maintenant l’immense cathédrale Saint Guy, que Charles IV, élevé à la cour de France, fit construire au XIVe siècle sur le modèle des cathédrales françaises – et où l’on admire ou s’étonne du sarcophage rococo de Saint Jean Népomucène qui nécessita deux tonnes d’argent pour sa réalisation au XVIIIe siècle – et la Palais royal, qui fut la résidence des rois de Bohême puis des Habsbourg. Ce château a-t-il inspiré Kafka pour son roman du même nom, et la cathédrale dépeinte dans Le procès est-elle celle de Charles IV ? À vrai dire, même si Prague l’inspire, il la transforme en topographie imaginaire et labyrinthique qui symbolise notre époque, si bien que le mot «Kafkaïen» est un de ces mots que le monde actuel a choisis pour se décrire lui-même. Juriste au service de la bureaucratie austro-hongroise, Kafka se donne à la littérature comme au seul espace de libération. Se définissant comme «exemplaire typique d’un juif occidental », il écrit peu avant et après la Première guerre mondiale, et dévoile la nature hallucinante de ce que nous appelons la réalité : «La guerre, écrit-il, nous transporte dans un labyrinthe de miroirs déformants… nous tombons d’une oubliette dans une autre, passant à travers tous ces miroirs comme à travers des trappes ». On a voulu voir dans le monde des tribunaux évoqué dans Le procès un présage des régimes totalitaires à venir. Ce qui est sûr, c’est que la publication tchèque de ses œuvres a été empêchée par le putsch communiste de 1948, que le communisme a frappé d’interdit son œuvre et les études dont il faisait l’objet, et que « la révolution de velours » l’a intégré à la culture tchèque, le proclamant même « un des pères du Printemps de Prague en 1968 ».

     

     

    Les stigmates du communisme

     

    Contrairement à la Russie où l’on peut voir des statues de Lénine et des gratte-ciel staliniens, la Tchécoslovaquie a gardé peu de vestiges de l’ère communiste. Le monument à Staline, qui était aussi sa plus grande représentation au monde – 15,5 mètres sur 22 – a été détruit en 1962, et il n’en reste que le socle de marbre. Discret mais émouvant, au bas de la colline de Pétrin, un monument aux victimes du communisme représente le même personnage à différentes phases de la déstructuration provoquée par le communisme ; au sol on lit les chiffres du bilan entre 1948 et 1989 : 205 486 jugés coupables, 248 exécutés, 4500 morts en prison, 327 tués en tentant de franchir la frontière, 170938 exilés. 

     

    Les vestiges du communisme, il faut les aller chercher au musée du communisme, qui nous accueille avec une matriochka relookée aux dents carnassières. On y trouve des affiches de propagande communiste, des reconstitutions d’intérieur, des statues géantes de Marx, Lénine, Staline. On y a pris le parti de la dérision plutôt que de l’horreur. A Nove Mesto (la ville nouvelle), la place Venceslas est un concentré d’histoire. Sous la statue équestre de Saint Venceslas, une plaque avec l’inscription « aux victimes du communisme » fait office de mémorial pour l’étudiant Jan Palach qui s’est immolé par le feu en janvier 1969, pour protester contre l’invasion soviétique d’août 1968. C’est sur cette place aussi que la première République fut programmée en 1918, que fut défié l’occupant nazi en 1938, et que fut déclenchée, à la suite d’immenses grèves et manifestations, la révolution de velours. 

     

    Près du Pont Charles, nous voyons, exposition temporaire en plein air devant le musée Kampa, des sculptures monstrueuses et noires de bébés aux visages transformés en codes-barres, signés David Cerny. On lui doit aussi, au passage Lucerna, la statue de Venceslas sur un cheval à l’envers. En 2009, Cerny avait représenté les 27 de l’Europe selon des clichés : une banderole annonçant « grève » pour la France. Sous le régime communiste, seuls les artistes des Beaux-Arts avaient le droit d’exposer. À sa chute, tout le monde peut se déclarer artiste. D’où les extravagances de Cerny. D’où, peut-être, cette «maison qui danse », «Ginger et Fred », dont la forme torsadée évoque la silhouette dansante d’un couple enlacé. À la fin de la Première guerre mondiale, l’indépendance de la Tchécoslovaquie est proclamée, et Thomas Masaryk, dont on voit la statue à l’entrée du château, devient président de la République, remplacé en 1935 par son disciple et compagnon Edouard Bénès, qui conclut avec l’URSS un pacte dirigé surtout contre l’Allemagne. Les Tchèques n’avaient pas considéré la Première guerre mondiale comme la leur. En 1938, ils mettaient leurs espoirs dans les alliés, mais les accords de Munich scellent le destin de la Tchécoslovaquie sans qu’elle soit consultée, et le traumatisme issu de cette défaite sans bataille, suivi de l’occupation allemande, explique l’alliance tragique, en décembre 1943, entre la Tchécoslovaquie et l’URSS, par laquelle elle lie son destin à la Russie communiste comme garante suprême, croit-elle, de son indépendance. Malgré, dans les années soixante, l’âge d’or de la culture tchèque – avec, entre autres, Milan Kundera, Vaclav Havel, Milos Forman – malgré le répit d’Alexandre Dubcek, qui redonne la liberté d’expression, malgré la charte des 77 initiée par Vaclav Havel en 1977, il faudra attendre 1989 pour que se réalise la révolution de velours, et que Vaclav Havel soit élu président de la République.

     

    Aujourd’hui, après l’arrivée au pouvoir de Vaclav Klaus, ultralibéral et eurosceptique, c’est un président social-démocrate et pro-européen, Milos Zeman, qui est élu en 2013. La République tchèque est entrée dans l’Union européenne en 2004 et prévoit de  troquer la couronne tchèque contre l’euro pour 2015. Membre de l’OTAN comme la Hongrie et la Pologne, elle participa à «l’opération» du Kosovo, malgré une opinion publique défavorable, marquée depuis le XIXe siècle par une sympathie pro-serbe. Il n’est pas sûr que de ces allégeances elle sorte grandie.  Danièle Masson  u

     

     

    Source : Réseau Regain

  • DEMAIN..LA QUETE..., par Frédéric Winkler.

    «…que homes que femmes qui abitoient es esveschiez de Gibele (Jbail) de Bostre (Batroun) et de Triple (Tripoli) ; il estoient genz mout hardies et preuz en et mainz granz secors avoient fet a noz crestiens quant il se combatoient a leur anemis » (Guillaume de Tyr, L. XXII, chp.7, sur les chrétiens du Mont Liban).
    Chacun doit trouver sa voie, se connaître et se découvrir, afin de tenter de s’améliorer, comme se corriger. Ce « meilleur » est différent du culte contemporain de la méritocratie de l’arriviste, écrasant ses pairs pour faire une carrière, le libéral réussit par le développement des bas instincts de l’homme : jalousie, mensonge, veulerie et couardise. La différence est donc simple à discerner.

    frédéric winkler.jpgNous parlons d’une excellence, d’une bonté dans le service des autres, bref de l’élévation, de cette aristocratie venant du fond des âges, la vraie. Cette recherche de soi fait partie de la fameuse quête du Graal. Cet art accompli, sorte d’épopée, est l’aventure d’une vie, comme une science de l’existence. C’est celle de la découverte, d’un état comme d’une volonté tournée vers l’amélioration de soi, dans la charité. Il s’agit de prendre ce chemin, renouer avec ce fil de notre histoire communautaire, s’éloigner d’une médiocrité un peu trop actuelle, donnant de l’homme une image dégradée. Bref retrouver le sens du panache. Lors de périls, par confort on peut penser à la fuite comme au repli sur soi, fermer les yeux sur l’insoutenable et l’injustice, s’écarter de tout risque, choisir entre « Dieu et le monde, et de déserter le monde. Mais le Christ n’a pas fui le monde en ce sens-là, il s’y est incarné pour le racheter, il nous a conviés à l’œuvre de cette rédemption. Le chrétien du Moyen Age n’a pas résolu les problèmes de la barbarie militaire en leur tournant le dos, Aristote disait déjà qu’il ne suffit pas de fermer les yeux pour supprimer le soleil… Le chrétien du Moyen Age s’est fait soldat, et il a été le soldat chrétien. Car il n’y a rien qui soit à rejeter dans l’activité humaine, il s’agit seulement de l’orienter selon son ordre et selon sa fin ; le mal n’est jamais une création originale, mais une créature de Dieu détournée de sa fin et retirée à son ordre. Et quand le mal envahit le monde au point de le dominer, il ne le change pas pour autant dans son essence, il lui a seulement fait perdre le sens de sa destinée, et sa raison d’être, et son équilibre organique » (Jean Louis Lagor, Une autre Chevalerie naitra). Le preux est un veilleur, un messager, un acteur dont la dimension est extrêmement sociale. Chacun d’entre nous peut accéder à cette distinction, qui est d’abord une prise de conscience vers un cheminement intérieur avant le rayonnement extérieur. Revenons un peu en arrière, car l'histoire reste ce vivier de nos origines, ce terreau dont notre peuple est pétrie et qui fit au cours des siècles, ce que nous sommes. N'oublions jamais notre dette envers ceux qui dorment sous nos pieds et dont le sang irrigue notre terre, pour qu'aujourd'hui nous puissions être libre. Là représente la lourde responsabilité de ceux qui nous gouvernent et qui détruisent chaque jour ce qui nous est cher.
    La France fut le vivier, comme le berceau de la chevalerie, fille aînée de l’Eglise, royaume de St Michel. La chevalerie avait fait du chemin depuis les origines du compagnonnage guerrier dont certains se nommaient « Fils du Loup » comme chez les Scandinaves ou Ylfingar. La chevalerie chrétienne fut doté d’une éthique pour le respect des femmes et des enfants, comme des clercs et des paysans. On ne se battait pas durant certaines périodes, c’est la « Paix de Dieu » ou la « Trêve de Dieu ». La noblesse est une paysannerie supérieure disait Oswald Spengler : « Quiconque laboure le matin, chevauche le soir vers la place des tournois ». Oswald Spengler rajoutait que la femme est histoire : « le rang intérieur des générations de paysans et de nobles se détermine par l’intensité de la race et le degré de destin chez leurs femmes ». Pour l’homme chevaleresque marchant avec les siècles, seule la mort sans héritier est une mort totale, on retrouve cela dans les sagas islandaises. Le chevalier d'ailleurs prenait souvent femme dans les milieux paysans : « …le château a grandi sur la voie qui mène à peu près de la maison paysanne à travers les propriétés rurales de la noblesse franque… » (O. Spengler, La Nouvelle Revue d’Histoire).
    L’art du blason est lié, c'était l'apanage de tous, du plus petit par les métiers des corporations aux plus grands par le sacrifice au combat. L’héraldique, est une science venue des temps les plus reculés comme reste une distinction, surtout le signe du devoir comme du service : « Tout homme déploie sa force pour entrer dans le royaume de Dieu » (Luc 16, 16). Loin d’être décoratif ou folklorique pour ceux qui représentent la mémoire, il est transcendance et héritage comme devoir. En France, L’écu est celui des hommes, l’ovale est celui des Dames, le losange pour les Demoiselles. C’est un art sacré, loin de la superficialité et de l’apparence d’un monde tourné vers des chimères inutiles de la société du spectacle : « Âme des Chevaliers, revenez-vous encore ? Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ? Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée. L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ? » (Alfred de Vigny, « Le Cor ») L’héraldique fut l'apanage de toute la société, des femmes (1156) aux religieux (1200), mais aussi les bourgeois (1220) aux paysans et artisans (1230), comme les communautés laïques et les villes (1199). Le phénomène héraldique fut général jusqu’à la bêtise révolutionnaire, qui prétendit qu’elle n’était que le privilège des nobles, une certaine nuit de 4 aout ? Ce mensonge lui permit de faire « main basse » sur les biens de toute la société, à commencer par ceux des ouvriers, biens meubles et immeubles qui manqueront cruellement pour soulager la misère, lors du terrible XIXe siècle. La révolution conforta le pouvoir de la bourgeoisie libérale, remplaçant le mérite par l’argent ! La monarchie catholique représentait le dernier « verrou » contre le capitalisme naissant. Napoléon rétablira les armoiries mais pour l’exclusivité de sa nouvelle noblesse d’Empire. Il faudra attendre Louis XVIII pour redonner à l’ensemble de la société, la possibilité d’y prétendre, droit perdurant jusqu’à nos jours, il est temps de comprendre le caractère antisocial du système au pouvoir en France, vive le roi !
    Ce fil historique vient aussi des chansons de geste, saga, contes et légendes du temps jadis, de Roland aux Nibelungen, en passant par les chevaliers de la table ronde à Cúchulainn. Ceci est à la portée de tous ceux dont la flamme intérieure reste encore vivante où ceux qui par « accident », expérience, lucidité ou « choc », se trouvent transportés instinctivement vers ce cheminement dans l’élévation. Cette « chevalerie » est alors une fusion des énergies spirituelles, un corps d’idées traditionnelles, fruit d’une culture et de l’héritage des ancêtres en vue d’un « humanisme » (sens chrétien) future. Nous prendrons quelques exemples et malheureusement en oublierons beaucoup mais ils demeurent assez représentatifs des autres, de Roland à Baudouin IV de Jérusalem, en passant par Du Guesclin et Jehanne. C’est une nouvelle noblesse, ouverte à tous, de toute origine, creuset de notre histoire empirique, de cette « geste des francs ». Cette éthique est une philosophie de la vie, comme un comportement, devant rester inébranlable même devant les épreuves, du sourire chrétien à la bonne humeur, comme du service à la courtoisie permanente : « Yseult appela Brangien et lui commanda d’apporter du vin…Reine Iseult, prenez ce breuvage qui a été préparé en Irlande pour le roi Marc… » (Tristan et Iseult, 1100). Le chevalier n’est pas seulement un guerrier, c’est aussi un poète. « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez » (Luc 11,9). La culture comporte l’intérêt aux belles choses, de l'architecture aux arts, de la peinture à la musique, jusqu'aux chants. C’est un homme, voir une communauté sociale, conscient de son identité, de l’héritage à maintenir, comme de sa mission. Sortie des origines fondatrices de son peuple, il pourra mettre cette énergie en action afin de construire demain. C’est une autre voie, opposée au nouvel ordre mondial financier. Les hérauts de demain doivent être imperméables aux sirènes du libéralisme qui, par tous les moyens achètent et corrompt les hommes. L’écu dont ils sont armoriés ne souffre aucune compromission au risque de s’affadir et n’être plus que l’image du félon comme le sont nombreux des politiques, « capitaines » d’industries et cadres du monde légal.
    Il s’agit d’être guidé par la sagesse créatrice, de se détourner de tout orgueil, rester simple et humble : Aie la richesse, aie la sagesse, aie la beauté, mais garde-toi de l'orgueil qui souille tout ce qu'il approche, dit l’inscription gravée dans la grande salle du CRAC des chevaliers en Syrie (Sit tibi copia sit sapientia formaque detur inquinat omnia sola superbia si comitetur). Le triomphe du chevalier au-delà de l’adversaire vaincu, au-delà de la maîtrise de soi, reste dans le renoncement de ses propres passions, sachant que charité bien ordonnée commence par soi-même, dit le proverbe médiéval. Mais prudence nous ne sommes que des hommes, imparfaits tentant de nous améliorer, loin d’être des dieux, tout est dans la mesure et non l’excès, comme le dit André Mary dans « Les saints et les Anges » : « Tous les anges ne sont pas des saints, tous les morts éminents ne sont pas voués à être des saints hommes, et tous les héros où les saints ne sont pas des martyrs ». Le combat le plus difficile reste donc en soi, débarrassé de la médiocrité comme des bas instincts au profit d’une plénitude intérieure vers la sagesse divine. C’est très difficile mais c’était l’esprit recherché aux temps médiévaux, le détachement de l’égo. Lorsque les chevaliers étaient devant l’échec, ils se frappaient la poitrine en disant : Dieu te punisse, alors qu’aujourd’hui, nous recherchons toujours la faute chez l’autre, les motifs de nos erreurs, ceci par manque d'humilité…Ce chemin est semé d’embuches, et demande cette révolution intérieure, sorte de remise en cause permanente, comme équilibre pour le corps et l'esprit.
    On est loin de l’image d’Épinal de la simple organisation sociale ou militaire, voir mondaine ou religieuse, de la geste symbolique du coup d’épée ou de la lance contre un dragon ou le mal. La coupe du Graal est à portée qu'après la longue quête du perfectionnement de l’être vers la lumière. C’est au final la noblesse, la royauté intérieure bien avant toute autre consécration, et aujourd'hui même, avant la royauté restaurée. Les temps obscurs des temps médiévaux présentés par « l’histoire » officielle sont en réalité des temps de lumière, que la médiéviste Régine Pernoud, par de nombreux ouvrages a démontrée. Ils sont noircis par un système décadent parce qu’ils font de l’ombre au monde d'aujourd’hui. Ce monde féodal, viril, excessif certes quelquefois brutal, fut aussi une civilisation d’une grandeur immense, tant sur le plan moral que spirituel, artistique, intellectuel comme humain. Cela peut prêter à sourire pour quelques esprits chagrins, cerbères du système, mais on respectait plus l’homme hier que nos temps dits « démocratiques », qui peuvent rayer de la carte en un instant, un peuple entier à coup de bombes où de chimie.
    F. Winkler (L'Ethique de la Reconquete, à suivre...)

  • Pascal Bruckner et le mal blanc Le bouc émissaire de notre temps, par Bérénice Levet.

    Avec Un coupable presque parfait, Pascal Bruckner nous invite dans ce « chaudron de sorcières » du XXIe siècle où on fabrique le monstre absolu : l’homme blanc hétérosexuel. Une cuillère de féminisme identitaire, une cuillère d’indigénisme et un bouc émissaire tout chaud est offert à la vindicte des victimes professionnelles.     

    6.jpgLe titre a des accents hitchcockiens, et l’essai, tout d’une haletante enquête policière. Dans l’ouvrage qu’il fait paraître aujourd’hui, Un coupable presque parfait : la construction du bouc émissaire blanc (Grasset), Pascal Bruckner se fait le fin limier de l’infiltration, en Occident et d’abord en France, de deux idéologies estampillées « made in USA », le féminisme identitaire, non seulement étranger, mais contraire au féminisme universaliste à la française, et l’indigénisme ou le décolonialisme, faisant de la couleur de peau et de l’appartenance raciale la base et le ciment des communautés humaines. Deux idéologies dont les haines et les luttes cristallisent autour d’une seule et même figure : l’homme blanc.  Bruckner veut comprendre. Comprendre comment nous en sommes arrivés là, là c’est-à-dire à « la prédominance du racial sur le social, de l’ethnique sur le politique, du minoritaire sur la norme, de la mémoire [et très exactement des mémoires] sur l’histoire ». Comment l’antiracisme et le féminisme ont pu se fourvoyer et se dévoyer pour ne plus consister que dans un combat mené contre l’homme blanc.

    Le mâle blanc, ennemi à abattre

    Bruckner nous fait ainsi pénétrer dans le laboratoire de fabrication de cette créature inédite et singulièrement maléfique : le mâle blanc hétérosexuel et plus maléfique encore, si tant est que cela soit possible, s’il a plus de 50 ans et s’il est juif – et c’est ainsi que Polanski a pu devenir l’incarnation même de l’homme à abattre, ou, à l’heure de la « cancel culture », à « annuler », à « effacer » de l’histoire du cinéma et des instances du septième art, comme au temps de Staline, on biffait des photographies officielles les personnalités tombées en disgrâce.

    Le mâle blanc hétérosexuel est l’aimant qui attire à lui toute la limaille des idéologies ; il est la clef qui ouvre toutes les serrures. Il est au carrefour, à l’intersection de toutes les luttes, celles des féministes naturellement, des « diversités ethniques », des minorités sexuelles, des mouvements LGBT, mais non moins des écologistes, des végans, des animalistes. Car ces luttes ne racontent jamais qu’une seule et même histoire, celle de la domination masculine, toute la complexité du réel se résolvant dans l’antagonisme d’un bourreau, l’homme blanc, et de ses victimes aux visages multiples et infinis. Qui chasse ? Qui s’obstine à demeurer carnivore et se montre le plus rétif à se convertir au régime végan ? Qui conduit « sa bagnole et roule au diesel » ? Et de Greta Thunberg à Alice Coffin, en passant par Grégory Doucet ou Éric Piolle (les maires EELV respectivement des villes de Lyon et de Grenoble), c’est autour de cette créature infernale qu’est l’homme blanc que se fomentent les petits crimes, crimes symboliques pour le moment, mais jusqu’à quand, car, ainsi que le rappelle Pascal Bruckner, « il n’est pas d’exemples dans l’histoire d’un groupe ethnique ou culturel qui, désigné à la vindicte générale, ne finisse par être malmené »

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    Manifestation à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, Toulouse, 8 mars 2020. ©Frédéric Scheiber/ Hans Lucas/ AFP

    L’imprégnation des esprits par la propagande néoféministe

    Inspiré par Racine, Bruckner a intitulé un de ses chapitres « Vers l’Occident compliqué, avec des idées simples », mais c’est d’abord vers l’humaine condition dans son entier que ces idéologues s’avancent avec des idées simples. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, de la fine et subtile grammaire du désir féminin, qui ne se résout pas dans la claire alternative du oui et du non, mais où toutefois le oui est un oui, et non, comme le voudraient les néoféministes, un « peut-être » susceptible le lendemain ou des années plus tard d’être requalifié en viol – on saluera le courage de Bruckner de se risquer sur ce terrain éminemment glissant du « consentement ». Sous l’influence du féminisme américain, au pays de Colette, cette romancière dont Philip Roth disait que « pour un Américain, c’est l’acceptation du sexe » et une exaltation du « plaisir pris et donné » inconnue de la littérature américaine, une femme jamais ne se donnerait, toujours elle serait prise et malgré elle. [Livre : Cliquer sur l’image pour en savoir plus]

    Ces idéologies sont bêtes et méchantes, on aimerait pouvoir les ignorer, les mépriser, ne pas leur consacrer une seconde de notre vie, mais elles sont prises au sérieux, très au sérieux, et font des adeptes dans les plus hautes sphères de la société. « Il serait présomptueux, écrivait Pascal Bruckner en 1994 dans La Tentation de l’innocencede se croire immunisés pour toujours de la contagion américaine. » La France semblait en effet, de par son histoire, de par son entente de la vie, de par sa personnalité, mieux armée que toute autre nation pour faire barrage aux activistes du féminisme identitaire, de l’indigénisme et du décolonialisme. Mais en France, il n’est guère que contre Marine Le Pen et le RN qu’il convienne de faire barrage.

    Et les citadelles tombent les unes après les autres. La logique identitaire a acquis en France une autorité et un crédit tout à fait exorbitants, dans les médias et jusque dans les universités et les grandes écoles où elle trouve audience et chaire. L’histoire s’est singulièrement accélérée ces trois ou quatre dernières années. « Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts. » De toute évidence, nos élites ont fait leur la devise du comte de Bréville dans Boule de suif. Et les forts aujourd’hui, ce sont les femmes, les Noirs, les musulmans, bref les minorités et la diversité.

    Une rupture culturelle et civilisationnelle

    Il faut mesurer à quel point parler la langue des identités, s’orienter selon les catégories du « genre », de la « race », de la « sexualité », réclamer la « visibilité » en tant que « femme », « Noir », « gay », « lesbienne », « trans », que sais-je encore, représente une rupture civilisationnelle pour la France. Sans doute tous les pays sont-ils affectés par ces offensives identitaires, mais la question prend un tour singulièrement brutal et cuisant dans un pays comme le nôtre, longtemps fier de son universalisme, c’est-à-dire de son indifférence aux différences, et de sa laïcité, qui est d’abord une exigence sinon d’invisibilité, du moins de discrétion, portée par la conscience vive de ce que les particularités peuvent être des brandons de discorde (leçon des guerres de religion du XVIe siècle). Ces deux idéaux, universalisme et laïcité, sont corrélés et sont ensemble sous-tendus par une certaine idée de l’homme. La France fait, a longtemps fait, en effet, c’est sa singularité et sa noblesse, le pari de la liberté humaine, elle postule en chacun la possibilité de faire un pas de côté par rapport à ses appartenances. La France ne prêche pas l’arrachement, mais elle éperonne la marche du cavalier, comme on dit au jeu d’échecs. Elle n’abandonne pas l’individu au vide identitaire, elle le rattache – et par là même l’agrandit et l’élargit – à cette réalité plus vaste qu’est la patrie, douée d’une personnalité propre, irréductible à la somme des parties. Aux indigénistes et aux décoloniaux, nous rappellerons le mot de l’historien Jacques Bainville : « Le peuple français […], c’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

     Nous étions fiers de cette exception française, mais aussi loués, admirés, aimés pour cette singularité que nous portions haut. Pascal Bruckner cite Joséphine Baker (qu’il ne dédaignerait pas de voir entrer au Panthéon) et le romancier James Baldwin, rendant l’un et l’autre hommage aux vertus émancipatrices de l’universalisme à la française. Si les jeunes générations se révèlent si poreuses aux idéologies diversitaires, si le féminisme identitaire trouve ses adeptes parmi les moins de 50 ans, c’est que voilà quatre décennies que nous ne cultivons plus cet idéal. Que nous n’en goûtons plus la saveur. Qui conçoit encore qu’il soit possible de vivre dans un monde où l’identité ne joue aucun rôle dans l’espace public et politique ? Les identités particulières séparent, l’identité nationale unit.

    Un appel courageux à une prise de conscience de l’Occident

    Si l’Occident est « désigné à l’opprobre alors que son rôle décline », c’est que « rien n’excite plus la rage qu’un homme à terre », explique Bruckner ; c’est aussi, doit-on ajouter, que ces mouvements identitaires sentent que le fruit est mûr, qu’il ne demande plus qu’à tomber et qu’ils n’auront plus, bientôt, qu’à le ramasser. Ils ont raison, sans mobilisation collective, il tombera.

    Ce livre est un grand coup de pied dans la fourmilière. Un coupable presque parfait ne saurait en effet être lu comme un simple état des lieux désolé et désolant, une énième déploration de la France comme elle ne va pas, mais bien comme un énergique appel à nous réveiller, à recouvrer la raison et les raisons de nous estimer. Les avancées de ces idéologies sont sans doute fulgurantes, mais elles ne sont pas inexorables, veut croire Bruckner, et nous avec lui. [Livre : Cliquer sur l’image pour en savoir plus]

    Sa confiance procède de sa foi dans les ressources françaises. Si nous aspirons réellement à faire rentrer dans leur lit les identités, à triompher de cette tyrannie dissolvante et potentiellement meurtrière, servons-nous de la France, comme dirait Bernanos, servons-nous en l’occurrence de notre idéal universaliste à la française. Déjà en 2019, Bruckner déclarait dans Le Figaro : « Ce n’est pas le Royaume-Uni multiculturaliste ou l’Allemagne qui gagneront face aux islamistes, la France est seule capable de leur tenir tête en Europe » – et ce n’était pas péché de vanité hexagonale, mais conscience ardente des trésors que nous recelons. Confiance portée également par l’écart que l’essayiste observe entre une partie des élites communiant dans la détestation de l’Occident et manifestement travaillée par un « désir d’extinction », et les peuples – non le peuple, idole à laquelle Bruckner ne sacrifie guère, on a pu le vérifier lors du mouvement de Gilets jaunes – attachés à leur civilisation et mus par « un véhément désir de résurrection ». 

     

    Bérénice Levet

    Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie. Elle a fait paraître Libérons-nous du féminisme !  aux éditions de l’Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 

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    Source : https://www.causeur.fr/

  • Bérénice Levet: «“Féminicides”: une sémantique militante pour une réalité tragique et complexe».

    Le choix des mots n’est pas secondaire, argumente Bérénice Levet, car il charrie une vision du monde. Clairefond

    Alors que le mot «féminicide», entré dans le dictionnaire, est de plus en plus utilisé par les politiques et les médias, la philosophe explique pourquoi elle se refuse à employer ce terme issu de la vulgate féministe pour désigner le meurtre d’une femme par son conjoint.

    2.jpgLes choses se sont incontestablement précipitées ces derniers temps. Il est désormais entendu qu’un homme qui tue son épouse, son ex-épouse, sa conjointe ou son ex-conjointe commet un « féminicide ». Et, signe des temps, sept ans après le dictionnaire Le Robert, l’édition 2022 du Larousse intronise ce vocable forgé dans l’arsenal du militantisme féministe. Le mot n’a en effet rien de neutre. Il est imprégné d’idéologie et charrie avec lui une interprétation de la réalité. L’adopter, c’est ratifier un certain récit, une certaine intrigue.

    Je n’ignore rien de l’atmosphère dans laquelle nous baignons. Mettre en question le mot, ce serait minimiser la chose. Le sophisme est évident, et grossier. Que le meurtre d’une femme soit un mal absolu ne souffre pas de discussion. Quasiment élevée au rang de langue officielle, la langue des féministes a acquis une autorité et une légitimité exorbitantes. Bien parler, bien penser, ce serait dire et penser la condition des femmes en puisant dans les catégories importées pour l’essentiel du féminisme américain. Nous ne devons pas nous laisser intimider. Ce n’est pas seulement la liberté d’expression qui est menacée, mais d’abord, et surtout peut-être, de manière plus préoccupante encore, ce qui la sous-tend, et qui est au fondement de notre civilisation : la passion de comprendre, la passion d’interroger, la passion de la vérité et de la réalité. Lorsque les hommes des Lumières, mais déjà Milton, et bientôt Stuart Mill, réclament la libre circulation des pensées et des opinions, ce n’est pas par obsession narcissique, pour permettre à chacun de s’exprimer, mais pour accroître nos chances de gagner en intelligibilité, mieux nous acheminer vers le vrai.

    Nos pensées sont captives, captives de la rhétorique victimaire, captives de la « cause des femmes », captives de la tyrannie de l’émotion. Captives et ennuyées. Accordons-nous, comme dans l’allégorie de la caverne, le droit de briser nos chaînes, accordons-nous la liberté d’inquiéter les évidences. C’est la réalité qui est en jeu, et elle seule doit être notre maître. Nous sommes ses obligés. Et puis, c’est rien de moins que l’essence de l’Occident, de l’Europe, de la France singulièrement, nous sommes cette civilisation qui s’est donné pour ancêtres Socrate, Eschyle, Sophocle, Périclès, ce moment foisonnant où tout devient question, où l’on proclame qu’il n’est pas de cartes routières de la pensée ni de l’art, où partout on se risque, se hasarde.

    Un mot se répand. La caverne bourdonne de ses échos assourdissants. N’est-ce pas alors la moindre des choses que de voir la pensée, l’âme, si l’on osait ce mot désuet, se mettre en mouvement ? N’est-ce pas la moindre des choses que de s’étonner, de se demander : que dit-on lorsque l’on parle de « féminicide » ? « Féminicide, lit-on dans Le Larousse : meurtre d’une femme ou d’une jeune fille en raison de son appartenance au sexe féminin ». Le néologisme a en effet été conçu dans les années 1970 pour signifier que les femmes sont tuées parce que femmes, en tant que femmes. La lecture de la définition ne rend-elle pas à elle seule éclatante la faille qui est au cœur de ce mot, le vice de forme ? L’homme qui tue sa compagne ou son ex-compagne ne tue pas une femme, il tue sa femme, la femme avec laquelle il vit ou avec laquelle il a vécu, avec laquelle il a peut-être eu des enfants. Féminicide il y aurait si quelque homme ou quelques hommes réunis s’emparaient d’un groupe de jeunes filles ou de femmes et les vouaient à la mort, les exterminaient pour la seule raison d’être nées femmes. Ce serait la seule acception rigoureuse.

    Premier vice, première faille. Ce mot fige chacun des deux sexes dans une essence, d’un côté, l’homme, sempiternel persécuteur, de l’autre, la femme, éternelle victime, perpétuelle proie de cet inaltérable prédateur. Reconduisant toute histoire particulière à une intrigue extrêmement sommaire, mettant aux prises un bourreau et sa victime, le bien et le mal, la victime perd toute singularité, toute unicité, tout visage. Elle n’est plus une femme avec sa personnalité, elle n’est plus un être de chair et de sang, elle devient la représentante d’une espèce, une généralité. D’être unique, elle déchoit au rang de simple représentante d’une espèce. Ce terme, censé rendre hommage aux femmes « tombées sous les coups » de leur compagnon ou ex-compagnon, produit l’effet exactement inverse : la victime se trouve dépossédée de son identité personnelle. Il est des hommages plus généreux, on me l’accordera.

    Il ne reste rien de l’unicité d’une vie. Rien de la singularité d’une histoire, de leur histoire exclusive et prise dans un faisceau de complexités. Que l’ambiguïté, l’ambivalence de certaines histoires individuelles vienne à être rappelée, nos activistes ne se laissent pas ébranler, ils ont à leur disposition, toute dégoupillée, une grenade qu’il tienne pour fatale: l’« emprise ». Cela ne retire absolument rien au caractère abominable de ces meurtres que d’admettre qu’ils s’inscrivent dans des histoires fatalement, et en l’occurrence funestement, mêlées, emmêlées. Mais précisément, la complexité, c’est ce avec quoi les militants, quels qu’ils soient au demeurant, sont fâchés, et contre quoi même ils sont en rébellion.

    Si le mot est défendu avec une telle ardeur et une telle obstination par les féministes, c’est qu’il présente, à leurs yeux, au moins, deux vertus : restreindre le terme d’« homicide » aux victimes de sexe masculin et imposer un terme équivalent pour les femmes ; élever le meurtre d’une femme, d’acte individuel au rang de « fait de société » et donc incriminer la structure même de nos civilisations.

    Pourquoi un homme tue-t-il sa compagne ou son ex-compagne ? Parce que, nous répondent les militants docilement relayés par nos politiques et la majorité des journalistes, nos sociétés sont et demeurent, et demeureront aussi longtemps que nous n’aurons pas donné partout la préséance aux femmes, « patriarcales ». Cette clef ouvre toutes les serrures. L’idéologie est une assurance prise contre le réel. Elle vous met, pour paraphraser Tartuffe, « en état de tout voir sans rien croire ».

    « Féminicide », le mot inscrit le meurtre des femmes dans une grande intrigue, celle de la société occidentale regardée comme vaste entreprise de fabrication de victimes – les femmes, naturellement, mais aussi les « minorités » et la « diversité ». La civilisation occidentale étant l’œuvre d’un homme blanc hétérosexuel chrétien ou juif n’ayant d’autre passion que la domination de tout ce qui n’est pas lui (donc des femmes, des Noirs, des musulmans, des animaux, des végétaux, ce qui fonde l’« intersectionnalité de la lutte », point de convergence des féministes, indigénistes, décoloniaux, écologistes, végans). Tous les continents sont concernés par les violences et les meurtres conjugaux, m’objectera-t-on. Sans doute, mais on aura observé que, lorsque le coupable n’est pas « blanc », le sort de la victime intéresse beaucoup moins nos féministes et les laisse pour ainsi dire muettes.

    Autre point : le Larousse précise « crime sexiste : le féminicide n’est pas reconnu en tant que tel par le Code pénal français ». Le droit est en effet, au nom de l’universalité et de l’individualisation de la peine, l’ultime citadelle. Poursuivre un homme pour « «féminicide », ce serait réduire l’accusé à un symbole, et le procès à un prétexte. Or la fonction de l’institution judiciaire n’est pas de juger un système mais une personne. « Quel que soit le procès, rappelait Hannah Arendt, les feux de la rampe sont concentrés sur la personne de l’accusé, homme de chair et de sang, avec son histoire individuelle, avec son ensemble toujours unique de qualités, de particularités, de schémas de comportement et de circonstances. Tous les éléments qui vont au-delà (…) ne concernent le procès que dans la mesure où ils constituent le contexte dans lequel l’accusé a agi ». Le hisser au rang de qualification pénale reviendrait à oublier, à nier l’essence même la justice.

    Certains, dont Marlène Schiappa, militent cependant en ce sens. La reconnaissance par le code pénal est leur ultime combat. Les féministes mènent l’assaut et, au train où vont les choses, au regard de l’empire qu’ont acquis la « diversité », les « minorités », les « victimes », on conçoit mal que l’institution judiciaire résiste encore longtemps. Tout porte à croire, et à craindre, que le drapeau de la victoire ne tardera plus à être planté.

    On l’aura compris, employer le mot de féminicide n’a rien de neutre. Que le mot « féminicide » ait sa place dans le vocabulaire des activistes, c’est leur affaire. « Il va vite, cela plaît dans la mêlée », ainsi que le disait Victor Hugo des mots dont tout militantisme se saisit et sous la bannière desquels il mène ses combats. Que la majorité des journalistes s’y convertissent est autrement contestable. Cela témoigne du changement de définition du métier même de journaliste pour beaucoup : de gardiens de la si fragile réalité factuelle, ceux-ci se conçoivent volontiers désormais comme des justiciers, chargés de mission du « changement des mentalités » et sont disposés à y sacrifier le réel.

    Nous avons là un exemple remarquable de la manière dont la novlangue féministe s’infiltre dans le langage ordinaire, avec la complicité ardente et zélée des politiques et de la plupart des médias. Et l’effet toxique, recherché par ses militants, est de criminaliser les hommes dans leur ensemble et aussi de jeter la suspicion sur l’hétérosexualité : la rencontre d’un homme et d’une femme, l’homme étant ce qu’il est, dans la logique néoféministe, est toujours susceptible de tourner à la tragédie.

    Le mot est donc une arme dirigée d’abord contre les hommes, contre notre civilisation. Le banaliser engage. Vers l’humaine condition compliquée avec des idées simples : tel est, pour paraphraser un général de Gaulle aux accents raciniens, le chemin sur lequel nous entraîne fatalement le mot de féminicide. Nous devons avec la plus vive énergie nous y refuser.

     

    * Bérénice Levet est l’auteur du Musée imaginaire d’Hannah Arendt (Stock, 2011), de La Théorie du genre ou le Monde rêvé des anges, préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016), du Crépuscule des idoles progressistes (Stock, 2017) et de Libérons-nous du féminisme ! (Éditions de l’Observatoire, 2018).

    Sources : https://www.lefigaro.fr/vox/

    https://institut-thomas-more.org/

  • Éphéméride du 10 novembre

    Tolbiacum, Tolbiac, aujourd'hui Zülpich, au sud-ouest de Cologne

     

     

    496 : Victoire de Tolbiac  

     

    Bainville l'a bien expliqué : les deux premières dynasties - la Mérovingienne, celle de Clovis, et la Carolingienne, celle de Charlemagne - se sont finalement épuisées, pour deux raisons fondamentales :

    d'abord en perpétuant la funeste coutume du "partage" du royaume à chaque décès;

    ensuite, dans leurs efforts stériles pour reconstituer l'Empire romain, ce qui était une vision géo-stratégique périmée.

    Du coup, elles ont échoué, leurs belles réussites initiales - si prometteuses !... - ne débouchant finalement sur rien, faute d'une vision plus réaliste des choses, qu'il allait revenir à la troisième dynastie - la Capétienne - de mettre en oeuvre : à savoir, la constitution d'un État fort, et la création de la Nation française, objectif certes moins ambitieux que la reconstitution de l'Empire, mais qui correspondait, lui, à la marche de l'Histoire.

    Pour autant, le bilan des deux premières dynasties ne doit pas être sous-estimé, ni, surtout, l'importance décisive du règne de Clovis.

    D'abord pour ses deux brillantes victoires de Tolbiac sur les Alamans et, neuf ans plus tard, de Vouillé sur les Wisigoths (voir l'Éphéméride du 25 mars) : à partir de Tolbiac - victoire amplifiée et comme couronnée par celle de Vouillé... - Clovis redonne pour la première fois à la Gaule l'unité territoriale qu'elle avait du temps de l'Empire romain, de sa frontière naturelle du Rhin à celle des Pyrénées.

    Mais surtout - et c'est une conséquence directe du triomphe de Tolbiac - Clovis se convertit au catholicisme, adoptant la religion du "Dieu de Clotilde", son épouse catholique : en réalité, la bataille de Tolbiac s'engagea très mal pour les troupes de Clovis, et se poursuivit plus mal encore; en fait, vers la fin de l'après-midi, tout était perdu et il semblait que le désastre total fût imminent.

    C'est alors que, découragé, Clovis implora le Dieu que sa femme priait, lui promettant que, s'il lui donnait la victoire, lui, Clovis, se convertirait.

    Contre le cours des choses, et contre toute la logique de la journée, le roi des Alamans, à ce moment-là, fut tué d'un coup de hache; "...l'espoir changea de camp, le combat changea d'âme..." et, de vaincu qu'il était alors, promis à une mort certaine, Clovis vit le désastre se transformer, soudain, en triomphe !

    À la Noël suivante, il se faisait baptiser, et plusieurs milliers de ses guerriers avec lui (voir l'Éphéméride du 25 décembre) La religion catholique, déjà traditionnelle dans le pays, se voyait confirmée par le pouvoir royal, et cette alliance du temporel et du spirituel devait imprimer à la nation qui deviendra la France une empreinte indélébile, qui sera comme son épine dorsale tout au long des siècles, lui permettant de traverser tant et tant d'épreuves, jusqu'à aujourd'hui :

    "...Pour moi, l’histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L’élément décisif pour moi, c’est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l’histoire de France à partir de l’accession d’un roi chrétien qui porte le nom des Francs... C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu'elle a une vocation universelle. Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne..." (Charles de Gaulle)

     

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    À l'époque, les Francs étaient divisés en deux peuples : les Francs saliens (dont Clovis était le roi) et les Francs ripuaires (du latin "ripa", rive, car leur capitale était Cologne, sur la rive gauche du Rhin). Le roi des Francs ripuaires était Sigebert le boiteux. De l'autre côté du Rhin, les Alamans formaient comme une confédération de peuples germaniques, toujours menaçants envers les Francs. En 496, ils envahirent carrément les terres de Sigebert, qui appela Clovis à l'aide : c'est l'origine et la cause de la bataille de Tolbiac...

     

    Pour en revenir à la bataille de Tolbiac, lorsque Clovis vit ses guerriers se faire massacrer et comprit qu'il perdait la bataille - et, bientôt, la vie... -  il invoqua alors le Dieu de sa femme Clotilde. Grégoire de Tours rapporte ainsi sa prière, dans le chapitre II de l' "Histoire des Francs" :

    "Ô Jésus-Christ, que Clotilde affirme Fils du Dieu Vivant, toi qui donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, je sollicite avec dévotion la gloire de ton assistance  : si tu m’accordes la victoire sur ces ennemis, et si j'expérimente la vertu miraculeuse que le peuple voué à ton nom déclare avoir prouvé qu'elle venait de toi, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom. J'ai en effet invoqué mes dieux, et, comme j'en fais l'expérience, ils se sont abstenus de m'aider, ce qui me fait croire qu’ils ne sont doués d'aucune puissance, eux qui ne viennent pas au secours de ceux qui les servent. C'est toi que j’invoque maintenant, je désire croire en toi, pourvu que je sois arraché à mes adversaires"

    Leur chef tué à ce moment-là d'un coup de francisque, les Alamans se mettent à fuir; contre toute attente, le désastre annoncé se transforme en triomphe absolu... 

     

    De Jacques Bainville, Histoire de France, Chapitre I, Pendant 500 ans la Gaule partage la vie de Rome :

    "...Ce pays fertile, industrieux, couvert de riches monuments, où une classe moyenne tendait toujours à se reconstituer comme un produit du sol après chaque tempête, était d’instinct conservateur. Il avait horreur de l’anarchie. Les communistes du temps, les Bagaudes, dont les tentatives révolutionnaires avaient toujours été vaincues, n’étaient pas moins redoutés que les Barbares du dehors. La Gaule romaine désirait un pouvoir vigoureux. C’est dans ces conditions que Clovis apparut.

    10 novembre,saint martin du canigou,charles vii,rouen,jeanne d'arc,louis xi,couperin,robespierre,notre-dame de paris,chaumette,dupleixÀ peine Clovis eût-il succédé à son père Childéric qu’il mit ses guerriers en marche de Tournai, sa résidence, vers le centre du pays. Il entreprenait de dominer les Gaules. À Soissons, gouvernait le "patrice" Syagrius, pâle reflet de l’empire effondré. Saint Remi vit que le salut n’était pas là. Quelle autre force y avait-il que le Barbare du Nord ? Qu’eût-on gagné à lui résister ? Clovis eût tout brisé, laissé d’autres ruines, apporté une autre anarchie. Il y avait mieux à faire : accueillir ce conquérant, l’aider, l’entourer pour le mettre dans la bonne voie. De toute évidence, c’était l’inévitable. Il s’agissait d’en tirer le meilleur parti pour le présent et pour l’avenir.

    Clovis, de son côté, avait certainement réfléchi et mûri ses desseins. Il était renseigné sur l’état moral de la Gaule. Il avait compris la situation. Ce Barbare avait le goût du grand et son entreprise n’avait de chances de réussir, de durer et de se développer que s’il respectait le catholicisme, si profondément entré dans la vie gallo-romaine. L’anecdote fameuse du vase de Soissons prouve à quel point il voyait juste. L’exécution sommaire d’un soldat sacrilège fit plus que tout pour le triomphe de Clovis. On reconnaît le grand homme d’État à ces audaces qui créent des images immortelles.

    10 novembre,saint martin du canigou,charles vii,rouen,jeanne d'arc,louis xi,couperin,robespierre,notre-dame de paris,chaumette,dupleixIl fallait encore que Clovis se convertît. Sa conversion fut admirablement amenée. Ce Barbare savait tout : il recommença la conversion de l’empereur Constantin sur le champ de bataille. Seulement lorsque, à Tolbiac (496), il fit vœu de recevoir le baptême s’il était vainqueur, l’ennemi était l’Allemand. Non seulement Clovis était devenu chrétien, mais il avait chassé au-delà du Rhin l’ennemi héréditaire. Dès lors, il était irrésistible pour la Gaule romanisée.

    On peut dire que la France commence à ce moment-là. Elle a déjà ses traits principaux. Sa civilisation est assez forte pour supporter le nouvel afflux des Francs, pour laisser à ces Barbares le pouvoir matériel. Et elle a besoin de la force franque. Les hommes, elle les assimilera, elle les polira. Comme sa civilisation, sa religion est romaine, et la religion est sauvée : désormais le fonds de la France religieuse, à travers les siècles, sera le catholicisme orthodoxe. Enfin, l’anarchie est évitée, le pouvoir, tout grossier qu’il est, est recréé en attendant qu’il passe en de meilleures mains, et ce pouvoir sera monarchique. Il tendra à réaliser l’unité de l’État, l’idée romaine aussi. Rien de tout cela ne sera perdu. À travers les tribulations des âges, ces caractères se retrouveront.

    Cependant il s’en fallait encore de beaucoup que la France fût fondée et sûre de ses destins. La monarchie franque n’avait été qu’un pis aller dans la pensée des hommes d’Église qui l’avaient accueillie. Malgré ses imperfections, elle va servir, pendant près de trois cents ans, à préserver les Gaules de la ruine totale dont les avait menacées la chute de l’Empire romain."

     

    Sur Clovis, et l'importance capitale de son règne, voir : l'Éphéméride du 25 décembre (baptême de Clovis); l'Éphémeride du 27 novembre (sa mort); sur le sens véritable de l'épisode du "vase de Soissons", voir l'Éphéméride du 1er mars; et, sur son autre victoire décisive de Vouillé, voir l'Éphémeride du 25 mars...

     

     

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    1009 : Consécration de l'Abbaye de Saint Martin du Canigou

     

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    C'est l'évêque d'Elne, Oliba, qui mène les cérémonies.

    On aura une foule de renseignements et de photos de qualité sur les deux sites suivants : 

     

    http://www.art-roman.net/st-martin-du-canigou/st-martin-du-c.htm 

     

    http://notes.romanes.free.fr/images/catalan66/stmartin/texte.htm     

     

     

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    1449 : Entrée de Charles VII dans Rouen libérée

     

    Charles, le Bien Servi, le Victorieux, fit réhabiliter solennellement Jeanne d'Arc dès 1456, et la fit laver de tout soupçon d'hérésie.

    Souverain efficace, il entreprit la réorganisation du royaume, et développa l'économie, avec l'aide de Jacques Coeur.

    Il est le père de Louis XI.     

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    Charles VII, par Jean Fouquet

     

    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre VI, La Guerre de Cent ans et les révolutions de Paris :

    "...Comme Charles le Sage, Charles VII avait tout à refair

  • Éphéméride du 15 octobre

    1505 : Commande des portes sculptées de la cathédrale Saint Sauveur d'Aix en Provence  

     

    15 octobre,poincaré,ulm,mata hari,napoléon,bonaparte,sainte helene,longwood,chateaubriand,meteorCes portes "en coeur de noyer bien sec" furent commandées aux frères Raymond et Jean Bolhit, ouvriers sur bois, pour le prix de "4.000 florins, quatre salmées de blé et douze millerolles de vin".

    Les frères Bolhit s'adjoignirent Jean Guiramand, de Toulon, qualifié fustier, c'est-à-dire ouvrier qui travaille le bois : c'est lui qui exécuta, en deux ans, la sculpture des deux vantaux, dont les dimensions sont de 4,70 mètres sur 2.

    Les vantaux des portes, en bois rougeâtre, sont recouverts de volets de protection, ce qui explique leur étonnant état de conservation : on y voit, au milieu d'une décoration encore gothique et déjà Renaissance, les prophètes Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel, "vêtus à la judaïque", et les douze Sibylles, chacun surmonté d'un dais en grande saillie.

    Chaque vantail est encadré et coupé dans sa largeur par des guirlandes de fleurs et de fruits : les Prophètes et les Sibylles sont vêtus comme les contemporains de Louis XII. 

     

    http://monumentshistoriques.free.fr/cathedrales/aix/aix.html 

     

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    1667 : Visite de Louis XIV à la Manufacture des Gobelins

     

    "Les Gobelins" sont "des Ateliers de tapisserie, établis par Colbert en 1662, sous la direction de Charles Le Brun, dans l'hôtel d'une célèbre famille de teinturiers, les Gobelins, faubourgs Saint-Marcel, à Paris. La manufacture royale des meubles lui fut adjointe en 1662 et l'entreprise, qui a gardé son organisation et ses procédés en s'adjoignant plusieurs autres manufactures de tapisseries célèbres, travaille exclusivement pour l'État." (Michel Mourre).

     

    http://manufacturedesgobelins.fr/

     

    http://www.mobiliernational.culture.gouv.fr/fr/histoire/histoire 

     

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    Louis XIV visite la Manufacture, 15 octobre 1667. Tapisserie de la série "L'histoire du Roi", Musée national du Château de Versailles. Le ministre Colbert accompagne le Roi. Des esquisses très précises de Le Brun, qui s'est représenté lui-même à gauche, montrant un vase d'orfèvrerie, ont servi à peindre le carton d'après lequel cette tapisserie a été tissé, entre 1673 et 1678. 

     

    La tapisserie expliquée :

    http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=1267

     

     

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    1805 : Début de la bataille d'Ulm

     

    Pendant la campagne d'Allemagne les troupes françaises s'emparent du village bavarois de Michelsberg. Situé au dessus de la ville d'Ulm, ce village est un point stratégique car il permet de prendre la ville d'assaut.

    Les 40.000 soldats autrichiens du général Mack, retranchés dans la ville, devront se rendre et capituler le 20 octobre (ci dessous).

    Mais ce brillant succès occulte un désastre, annonciateur du désastre final...

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    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre XVII, Le Consulat et l'Empire:

    "...Le lendemain de la capitulation des Autrichiens à Ulm, Villeneuve tentait de sortir de Cadix, où Nelson le tenait bloqué. La flotte anglaise, bien qu'elle fût inférieure en nombre, détruisit la flotte franco-espagnole, après un terrible combat, en vue du cap Trafalgar (20 octobre 1805). Les appréhensions de Villeneuve n'étaient que trop justifiées. Après cette catastrophe, le projet d'une descente en Angleterre n'était plus réalisable, Napoléon l'effaça de son esprit, n'y pensa même plus. La défaite de Trafalgar eut le même effet que celle de La Hougue : la France se désintéressa de la mer, l'abandonna aux Anglais. Tout promettait à Napoléon un triomphe sur les puissances continentales, et il alla le chercher, comptant, après sa victoire, trouver l'Angleterre conciliante.

    Comme il l'avait dit, il avait battu les Autrichiens avant leur jonction avec les Russes. Les Russes étant venus offrir la bataille, il remporta encore sur eux et sur une autre armée autrichienne, la plus éblouissante de ses victoires, celle d'Austerlitz (2 décembre). En quelques semaines, la troisième coalition avait été écrasée. À la tête de la Grande Armée, Napoléon, maître de Vienne, pouvait imposer sa loi à l'Europe. Dirigées par une seule main, celle d'un génial capitaine qui était en même temps dictateur, les forces de la France semblaient invincibles.

    Il fallait seulement choisir le parti qu'on tirerait de ce triomphe militaire. Talleyrand conseillait une réconciliation avec l'Autriche. C'était un retour à l'idée de Louis XIV, de Choiseul, de Vergennes : l'Autriche pouvait servir de contrepoids. Étendue vers l'Orient, le long du Danube, elle serait un élément de conservation et d'équilibre, contiendrait la Russie et, par là, s'opposerait à elle.

    Napoléon avait d'autres idées. Il comprenait peut-être mieux que d'autres que ses victoires étaient fragiles, aussi fragiles que les conquêtes territoriales de la Révolution qu'il avait pour mission de défendre. Tant que l'Angleterre ne serait pas à sa merci, rien ne serait durable et il avait renoncé à la mer. Un autre projet s'était emparé de son esprit. Il revenait à la conception dont avait procédé l'expédition d'Égypte : atteindre la puissance anglaise et la faire capituler par l'Orient, peut-être par la prise de Constantinople.

    La paix de Presbourg, signée par l'Autriche accablée, marquait une extension considérable de l'Empire napoléonien vers l'Est. Napoléon avait déjà changé la présidence de la République italienne contre la couronne de la Lombardie. À la place des Bourbons de Naples, il installait son frère Joseph. Il reprenait Venise à l'Autriche et les anciennes possessions de la République vénitienne jusqu'à l'Albanie. L'Autriche assujettie, considérablement réduite, expulsée d'Allemagne, n'était plus qu'un chemin de communication vers Constantinople. C'était là que Napoléon voulait frapper les Anglais.

    Alors commençait la tâche impossible. Pour exécuter un si vaste projet, il fallait dominer toute l'Europe. Partie de la conquête de la Belgique, la Révolution était conduite à des entreprises démesurées. Ni le génie militaire de Napoléon ni ses combinaisons politiques ne devaient y suffire..."

     

     

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    1815 : Napoléon arrive à Sainte-Hélène

     

    Il vient d'effectuer une traversée de 72 jours à bord du Northumberland.

    Il mourra dans sa résidence de Longwood House le 5 mai 1821. 

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    C'est son imperfection en politique qui est la cause de ses échecs, selon Chateaubriand, qui l'explique ainsi, dans une page lumineuse :

    Jugement sur Bonaparte (Livre vingt-quatrième, chapitre cinq).

    Au moment où Bonaparte quitte l'Europe, où il abandonne sa vie pour aller chercher les destinées de sa mort, il convient d'examiner cet homme à deux existences, de peindre le faux et le vrai Napoléon : ils se confondent et forment un tout, du mélange de leur réalité et de leur mensonge...

    De la réunion de ces remarques, il résulte que Bonaparte était un poète en action, un génie immense dans la guerre, un esprit infatigable, habile et sensé dans l'administration, un législateur laborieux et raisonnable. C'est pourquoi il a tant de prise sur l'imagination des peuples, et tant d'autorité sur le jugement des hommes positifs.

    Mais comme politique ce sera toujours un homme défectueux aux yeux des hommes d'État. Cette observation échappée à la plupart de ses panégyristes, deviendra, j'en suis convaincu, l'opinion définitive qui restera de lui; elle expliquera le contraste de ses actions prodigieuses et de leurs misérable résultats. À Sainte-Hélène, il a condamné lui-même avec sévérité sa conduite politique sur deux points : la guerre d'Espagne et la guerre de Russie; il aurait pu étendre sa confession à d'autres coulpes. Ses enthousiastes ne soutiendront peut-être pas qu'en se blâmant il s'est trompé sur lui-même.

    Récapitulons :

    Bonaparte agit contre toute prudence, sans parler de nouveau de ce qu'il y eut d'odieux dans l'action, en tuant le duc d'Enghien : il attacha un poids à sa vie. Malgré les puérils apologistes, cette mort, ainsi que nous l'avons vu, fut le levain secret des discordes qui éclatèrent par la suite entre Alexandre et Napoléon, comme entre la Prusse et la France.

    L'entreprise sur l'Espagne fut complètement abusive : la péninsule était à l'empereur; il en pouvait tirer le parti le plus avantageux : au lieu de cela, il en fit une école pour les soldats anglais, et le principe de sa propre destruction par le soulèvement d'un peuple.

    La détention du pape et la réunion des États de l'Eglise à la France n'étaient que le caprice de la tyrannie par laquelle il perdit l'avantage de passer pour le restaurateur de la religion.

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    Sur l'îlot rocheux de Sainte-Hélène, la résidence de l'ex empereur, Longwood House...
     
     

    Bonaparte ne s'arrêta pas lorsqu'il eut épousé la fille des Césars, ainsi qu'il l'aurait dû faire : la Russie et l'Angleterre lui criaient merci.

    Il ne ressuscita pas la Pologne, quand du rétablissement de ce royaume dépendait le salut de l'Europe.

    Il se précipita sur la Russie malgré les représentations de ses généraux et de ses conseillers.

    La folie commencée, il dépassa Smolensk;  tout lui disait qu'il ne devait pas aller plus loin à son premier pas, que sa première campagne du nord était finie, et que la seconde (il le sentait lui même) le rendrait maître de l'empire des czars...

    ...Mais il perdit l'Europe avec autant de promptitude qu'il l'avait prise; il amena deux fois les alliés à Paris, malgré les miracles de son intelligence militaire. Il avait le monde sous ses pieds et il n'en a tiré qu'une prison pour lui, un exil pour sa famille, la perte de toutes ses conquêtes et d'une portion du vieux sol français.

    C'est là l'histoire prouvée par les faits et que personne ne saurait nier. D'où naissaient les fautes que je viens d'indiquer, suivies d'un denoûment si prompt et si funeste ? Elles naissaient de l'imperfection de Bonaparte en politique."

     (Mémoires d'Outre-tombe, la Pléiade, tome 1, pages 995/996/997).

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    Mort de Napoléon
     
  • Éphéméride du 28 mai

    Cathédrale de Beauvais : le vitrail du Miracle de Théophile dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-choseou bien pour lesquels les rares évènements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

     1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

     2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire (12 février)

     3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France (15 février)

     4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale (19 février)

     5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française (13 mars)

     6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France (11 avril)

     7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien (28 avril)

     8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! (4 mai)

     9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)

     10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650 (26 juillet)

     11. Le Mont Saint Michel (11 août)

     12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord (29 septembre)

     13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé (27 octobre) 

     

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     Aujourd'hui : Quand la cathédrale Saint Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du "Miracle de Théophile".

    Étude du vitrail avec, en parallèle, le texte du "Miracle de Théophile", de Ruteboeuf.  

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    I : Présentation du vitrail, dans son ensemble

     

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    Les 37 "cases" du vitrail, expliquée plus bas, tout au long de cet exposé...
     

    Le vitrail dit du Miracle de Théophile date du XIIIème siècle. Il est situé dans la chapelle axiale de l'abside, consacrée à la Vierge, où l'on trouve plusieurs vitraux dont l'iconographie exalte le rôle de Notre-Dame : arbre de Jessé, enfance du Christ, miracle de Théophile.

    Il s'inscrit dans deux "formes" (cadre de pierre d'une fenêtre, entre lequel se trouve le vitrail) ayant chacune 0,95 m de largeur sur 5,85 de hauteur. Il comprend huit médaillons (ensemble de quatre rectangles) disposés verticalement (quatre par baie).

    Des armatures de fer coupent en quatre chaque médaillon, le divisant en deux scènes, parfois trois. Chaque rectangle ainsi découpé a 65 cm de hauteur sur 46 de largeur. Les verres sont d'épaisseur variable.

    Les scènes se lisent de la droite vers la gauche, et de bas en haut.

    L'ensemble du vitrail présenté ci dessus a été divisé en 37 cases, qui vont être expliquées plus bas. Il suffira donc de se reporter des explications suivantes au schéma précédent pour suivre l'histoire sur le vitrail... On commencera donc par les rectangles 1 et 2, et ainsi de suite... en partant d'en bas à droite (le 1) et en s'arrêtant en haut à gauche (le 36).

    Et Ruteboeuf nous accompagnera, à chaque scène, par un extrait de son Mystère relatif à la scène.

    Le vitrail a dû être plusieurs fois restauré, notamment au XIXème. La rosace qui clôturait ce Mystère n'a malheureusement pas été conservée. Elle représentait la Glorification de la Vierge. Elle a été remplacée au XIXème par celle que l'on voit ci dessous, représentant Théophile en train de signer son pacte avec le Diable (ci dessus, tout en haut, n° 37)
     
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     Sur la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, dans son ensemble, voir notre Évocation du 4 mai :

    Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 ! 

     

     

    II : L'Histoire que nous raconte le vitrail : la Légende de Théophile

     

    L'histoire se passe au VIème siècle. Théophile est le vidame, c'est-à-dire l'intendant, de l'évêque d'Adana, en Cilicie (Asie Mineure). Clerc vertueux et juste, il refuse par modestie, à la mort de son évêque, de devenir, malgré les voeux des fidèles, le pasteur de son diocèse, et se contente de son poste d'économe. Mais le nouveau prélat le destitue injustement de sa charge. Révolté et ruiné, Théophile s'en va alors trouver un magicien, Salatin, en vue de recouvrir sa fortune et ses fonctions. Salatin, qui "parlait au diable quand il voulait", dit Ruteboeuf, accepte de l'aider. Théophile, en échange, signe de son sang un pacte par lequel il vend son âme à Satan. Dès ce moment, tout réussit à Théophile, qui récupère sa charge et reçoit, de nouveau, présents et honneurs.

    Cependant, les remords viennent bientôt l'assaillir. Il va prier la Vierge. Celle-ci lui apparaît alors et, touchée par son repentir, lui rapporte la charte qu'il avait signée. Théophile court se jeter aux pieds de son évêque. Il lui confesse son crime, et lui remet le pacte. Le prélat convoque aussitôt le peuple et raconte aux fidèles émerveillés l'histoire de la faute et du pardon. Peu de temps après, Théophile meurt saintement, après avoir fait pénitence.

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    Illustration d'Albrecht Dürer ("Vilains") pour le Miracle de Théophile, de Ruteboeuf : Théophile se rend chez le Diable...
     

    Ce thème de l'homme qui vend son âme au diable - dont Goethe s'inspirera six siècles plus tard dans son Faust - et de l'intercession de la Vierge en faveur du pêcheur repentant, a d'abord été rapporté en grec. Nous possédons plusieurs manuscrits (dont l'un, écrit par Eutychianos qui prétend être témoin visuel de ce qu'il raconte). Au IXème siècle, Paul Diacre a réalisé, en latin, la synthèse de tous les manuscrits disponibles (on en dénombre 25, en français, italien, espagnol, allemand, anglais, suédois, islandais...).

    Le Mystère (ou Miracle de Théophile) de Ruteboeuf est l'oeuvre la plus célèbre qui nous soit parvenue. Ruteboeuf y développe la symbolique du vitrail, qui clôt l'édifice tout en éclairant l'église (Suger comparait la lumière et la grâce...), en la protégeant des fureurs du siècle (matière mystérieuse que celle du verre, que la lumière traverse sans se briser...). 

    Il fut joué pour la première fois en public sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 8 septembre 1239, l'archevêque ayant commandé l'oeuvre au poète (voir l'Éphéméride du 8 septembre).

     

     

    III : Description du vitrail, scène par scène

     

    • 1 et 2 : Théophile chassé de sa charge d'économe par son évêque (ci dessous, les deux rectangles d'en bas; les deux du dessus sont les 5 et 6). A gauche, l'évêque est assis sur son trône; il renvoie Théophile du palais épiscopal

     

    Extrait du Miracle de Théophile de Ruteboeuf (tous les extraits, en gras, seront du même...):

    "Ahi ! Ahi ! Dieu, roi de gloire / Je vous ai tant eu en mémoire / Tant ai donné et dépendu (dépensé) / Et tant ai aux pauvres tendu / Ne m'est resté vaillant un sac / Bien m'a dit mon évêque : 'Echac" (échec) / Et il m'a fait mat en un angle."

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    • 3 et 4 : L'évêque d'Adana lit sur son trône (droite, 3); Théophile est tenté par le diable (gauche, 4)

     

    "Dieu ? Eh oui ! Qu'en a-t-il affaire ? / Car il me fait oreille sourde.../ Mais moi je lui ferai la moue : / Honni soit qui de lui se loue !.../ Je ne m'en puis pas à dieu prendre /On ne peut à lui parvenir / Ah ! si on pouvait le tenir / Et bien battre à la retournée (en retour) / On aurait fait bonne journée..."

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    • 5 et 6 : Conversation de Salatin et de Théophile (ci dessous, les deux rectangles d'en haut; les deux d'en bas ont été vus en 1 et 2)

     

    - Théophile : "Salatin, frère, c'est ainsi : / Si toi pouvais cela savoir / Par quoi je pusse les ravoir / Mes biens, mes charges et ma grâce / Il n'est chose que je ne fasse".

    - Salatin : "Voudriez-vous Dieu renier / Celui que tant aimiez prier ? / Tous ses saints et toutes ses saintes / Et en devenir, les mains jointes, Homme lige à qui ce ferait / Que votre honneur il vous rendrait ?..." 

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    Salatin est à gauche, habit rose et blanc; Théophile à droite, habit rouge et vert  

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    Détail : Théophile

     

    • 7 et 8 : Théophile remet de l'argent à Salatin (droite, 7); deux diables tentent à nouveau Théophile (gauche, 8)

     

    "Que faire hélas ? / Si renie Saint Nicolas / Et Saint Jehan et Saint Thomas / Et Notre-Dame / Que deviendra ma chétive âme ? / Elle brûlera dans la flamme / D'enfer le Noir ! / Si effrayé jamais fut-on / Que je suis, voir / Salatin me fera ravoir / Et ma richesse et mon avoir / Et nul n'en pourra rien savoir / Je le ferai."

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    • 9 et 10 : Salatin remet à Satan le pacte signé par Théophile (10, à gauche); effrayé par l'apparition du diable, Théophile se cache derrière le magicien. Théophile, agenouillé devant le diable, lui prête hommage (9, à droite)

     

    Cette scène est l'image exacte du rituel du serment féodal tel qu'il se pratique au Moyen-Âge :
     
    - Satan      : Tes mains joins; / Ainsi mon homme tu deviens / Et t'aiderai; en tout sois mien.

    - Théophile :  Voici que je vous fais hommage; / Pourvu que je raie mon dommage, / Mon beau sire; dorénavant.

    - Satan     : Et moi par contre je promets / Qu'aussi grand seigneur te ferai / Qu'on ne contempla jamais. / Et puisqu'ainsi donc il advient/ Sache vraiment qu'il te convient / Me donner des lettres scellées / Bien claires et bien rédigées..."           

    - Théophile : Les voici; je les ai écrites !"       theophile 9 10.jpg

     

    • 11 et 12 : Théophile, réintégré dans ses fonctions, distribue de l'argent qu'un diable lui prodigue

     

    Théophile a donc retrouvé honneur, charge et puissance. La même scène se retrouve sur le portail nord de Notre-Dame de Paris et sur un vitrail du XIIIème siècle de la cathédrale de Laon. Théophile, assis su

  • Éphéméride du 2 juin

    Lyon, aujourd'hui : vue sur Fourvière depuis les quais de Saône, pendant la Fête des Lumières

     

     

    177 : Martyre de Pothin, Blandine et des autres martyrs de Lyon 

     

    En cette année 177, on est à l'apogée de l'Empire Romain : c'est l'époque heureuse des Antonins, et l'Empereur est Marc-Aurèle.

    L'un des empereurs de cette lignée fut Antonin le Pieux, originaire de Nîmes (voir l'Éphéméride du 10 juillet), sous le règne duquel - fait rarissime - aucune guerre ne fut menée dans tout l'Empire, qui put alors jouir d'une paix et d'une prospérité sans précédent, d'où l'expression - qui a traversé les siècles - de Pax romana.

    Lyon - la Lugdunum celtique... - est déjà une ville importante : c'est là qu'est construit le plus important amphithéâtre de toute la Gaule, dit l'Amphithéâtre des trois Gaules. Tous les ans, au début du mois d'août, des délégations y viennent de la Gaule entière pour la grande fête de l'Empire romain.

    Cette année-là, le supplice d'un certain nombre de chrétiens fait partie du spectacle.

    Une Lettre des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d’ASIE et de PHRYGIE (à lire sur le lien ci-dessous, paragraphe III)) écrite une soixantaine d'années plus tôt, sous l'empereur Trajan, permet de comprendre comment et pourquoi des chrétiens mouraient, martyrs, à Lyon et ailleurs. 

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    Les restes de l'amphithéâtre des Trois Gaules, aujourd'hui
     
    Pothin, premier évêque de Lyon et des Gaules, eut pour successeur Irénée : l'un et l'autre étaient des disciples de Polycarpe, lui-même membre du groupe de Saint Jean l'Évangéliste; avec Pothin et Polycarpe, ce sont donc directement les membres de la toute première Église qui enracinent la nouvelle religion dans ce qui deviendra..."la France", donnant ainsi une partie de son sens à l'expression "les racines chrétiennes de la France" (voir l'Éphéméride du 28 juin
     
     
     
     

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    1665 : Le Bernin arrive à Paris

     

    2 juin,girondins,montagnards,enragés,robespierre,révolution,convention,louis xvi,waterloo,marat,le bernin,dantonL’un des plus grands artistes de son temps, Gian Lorenzo Bernini, dit le Bernin (autoportrait ci contre) , vient en France à la demande de Louis XIV pour achever le Palais du Louvre. Très bien reçu par le roi lui-même, à Saint-Germain-en-Laye, deux jours à peine après son arrivée, le Bernin verra cependant son projet finalement refusé, et Perrault lui être préféré (voir l'Éphéméride du 11 octobre).

    Le roi lui commandera à la place un buste de sa personne, qui nécessitera un travail de deux mois. Pour ce faire, le Bernin - que le roi tenait en grande estime - fut autorisé à assister a plusieurs audiences et conseils, et se permit même de recoiffer le roi, ou de lui demander de rester debout...

    Il faudra environ treize poses du roi pour venir à bout du buste. Le Bernin fit installer son atelier au Palais royal où le roi se rendait lui-même pour les poses, jusqu'au 5 octobre, jour où le buste fut officiellement remis au souverain : l'oeuvre lui plut énormément, ce qui, dit-on, émut beaucoup l'artiste, déjà âgé à l'époque (il avait 67 ans)...

    Le Bernin aura une autre occasion de travailler pour le roi de France, pour une statue équestre, mais, cette fois, les choses ne se passeront pas aussi bien, et le roi refusera la statue (voir l'Éphéméride du 14 novembre).

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    Louis XIV a vingt-sept ans : l'artiste a cherché à "transmettre la sensation de toute-puissance et de majesté qui émanait de la personne du roi"...

     

     

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    1793 : Les Montagnards, ou radicaux, de la Convention décrètent la mise hors la loi des Girondins

     

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    Arrestation des Girondins...

     

    Il est passionnant, parce que très instructif, de suivre l'histoire des Girondins, tout au long de la Révolution, jusqu'à leur chute finale devant les enragés. Les Girondins symbolisent parfaitement, en effet, les apprentis sorciers de tous les pays et de toutes les époques qui, une fois qu'ils ont lancé des forces qu'ils ne peuvent plus maîtriser, se retrouvent impitoyablement broyés par l'infernale logique mécanique du mouvement qu'ils ont eux-mêmes follement déclenché....

    Mais qui étaient les Girondins ? Quelle fut leur pensée, et quelle fut leur action ?...

    Ils s'imaginèrent qu'ils pourraient faire et contrôler, non pas "la" Révolution mais "une" révolution; ils sapèrent méthodiquement la vieille monarchie, pensant y substituer un régime nouveau dont ils prendraient la tête. Les montagnards restèrent dans l'ombre et les laissèrent faire, jusqu'au moment où, les Girondins ayant suffisamment avancé le travail, et lancé un mouvement irrésistible qu'ils ne contrôlaient plus et qui les débordait partout, les tenants de la vraie Révolution n'eurent plus qu'à éliminer les modérés qui avaient si bien travaillé... pour eux !

    Comme tous les Kerenski de la terre, toujours et partout...

    Une fois de plus, on aura avec Jacques Bainville l'explication lumineuse des choses, malgré leur complexité apparente - et réelle... - grâce au fil conducteur qu'il sait constamment maintenir évident au lecteur: "Pour se guider à travers ces événements confus, il faut s'en tenir à quelques idées simples et claires." Et d'abord cette règle :

    "Tout le monde sait que, jusqu'au 9 thermidor, les révolutionnaires les plus modérés, puis les moins violents furent éliminés par les plus violents. Le mécanisme de ces éliminations successives fut toujours le même. Il servit contre les Constitutionnels, contre les Girondins, contre Danton. Le système consistait à dominer la Commune de Paris, à s'en emparer, à tenir les parties turbulentes de la capitale dans une exaltation continuelle par l'action de la presse et des clubs et en jouant de sentiments puissants comme la peur de la trahison et la peur de la famine, par laquelle une grande ville s'émeut toujours, puis à intimider par l'insurrection des assemblées remplies d'hommes hésitants et faibles."

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    Voici un court extrait seulement (il faudrait, évidemment, tout lire...) du chapitre XVI, La Révolution, de L'Histoire de France de Jacques Bainville :

     

    "Dans la nouvelle Assemblée, composée surtout de médiocres, les hommes les plus brillants, groupés autour de quelques députés du département de la Gironde dont le nom resta à leur groupe, étaient républicains sans l'avouer encore. Parce qu'ils étaient éloquents, ils avaient une haute idée de leurs talents politiques. Ils croyaient le moment venu pour leur aristocratie bourgeoise de gouverner la France; l'obstacle, c'était la Constitution monarchique de 1791 dans laquelle les Feuillants pensaient bien s'être installés. La Gironde était l'équipe des remplaçants. Les Constitutionnels se figuraient qu'ayant détruit l'ancien régime avec l'aide des Jacobins, la Révolution était fixée. Les Girondins s'imaginèrent qu'ils pourraient recommencer à leur profit la même opération avec le même concours. Et pour abolir ce qu'il restait de la royauté, pour en "rompre le charme séculaire", selon le mot de Jean Jaurès, ils n'hésitèrent pas à mettre le feu à l'Europe... C'est à quoi la Gironde, sans s'apercevoir qu'elle travaillait pour les Jacobins et qu'elle conspirait sa propre perte, parvint avec une insidieuse habileté...

    Lorsqu'ils comprirent leur erreur, pour les Girondins, il était déjà trop tard : les vrais révolutionnaires tirèrent les marrons du feu, en envoyant au passage à la Guillotine ces Girondins inconscients qui leur avaient si bien ouvert la voie...

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    Jacques Brissot de Warville

    Dans notre Album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville., lire la note "Brissot la guerre".

     

    On lira donc avec profit l'ensemble du chapitre XVI de L'Histoire de France de Bainville, "la" Bible de toute personne qui veut comprendre l'histoire, mais on pourra, en attendant s'y préparer grâce à l'excellent résumé que propose Michel Mourre, à l'article Girondins de son incontournable Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire :    

     

    • GIRONDINS. Groupe politique qui, pendant la Révolution française, joua un rôle important à la Législative et à la Convention. On les nommait ainsi parce que plusieurs de leurs chefs étaient des députés de la Gironde, mais on leur donnait aussi les noms de Brissotins, Buzotains et Rolandais en les rattachant à Brissot, Buzot, Roland. Outre ces trois personnages, les membres les plus influents du groupe étaient Vergniaud, Isnard, Guadet, Gensonné et le savant Condorcet. Avocats et journalistes pour la plupart, les Girondins appartenaient socialement à la bourgeoisie aisée, aux milieux d'affaires, aux banquiers, aux armateurs des grands ports. Ils représentaient la classe qui avait profité le plus de 1789, qui par conséquent était décidée à empêcher tout retour à l'Ancien Régime, mais aussi toute évolution vers une démocratie sociale. Ils se méfiaient des penchants insurrectionnels du peuple parisien.

    À l'époque de la Législative (1791/92), les Girondins se retrouvaient avec Robespierre au Club des Jacobins, mais Brissot et Robespierre devinrent rapidement rivaux. Les orateurs de la Gironde, jeunes, ambitieux, enivrés de leur propre éloquence, se firent d'abord les champions d'une politique révolutionnaire et belliqueuse. Contre Robespierre, qui mesurait le péril d'une invasion ou d'un césarisme militaire, les Girondins voulurent éperdument la guerre afin de séparer Louis XVI des monarchies européennes et des émigrés, et de le compromettre avec la Révolution. En octobre/novembre 1791, ce furent eux qui imposèrent des mesures rigoureuses contre les émigrés et les prêtres réfractaires. Brissot et Vergniaud se dépensèrent à la tribune de la Législative pour réclamer "la croisade de la liberté universelle". Ainsi les Girondins faisaient, sans s'en rendre compte, le jeu des contre-révolutionnaires car, d'une guerre désastreuse pour la révolution, le roi pouvait espérer le rétablissement de l'autorité royale. Le 15 mars 1792, Louis XVI forma un ministère girondin avec Roland à l'Intérieur et Dumouriez aux Affaires étrangères; la belle, enthousiaste et ambitieuse Mme Roland (ci dessous) fut l'égérie de ce ministère qui, le 20 avril 1792, plongea la France dans une guerre qui devait s'achever, vingt-trois ans plus tard, à Waterloo.

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    La belle "Madame Roland"...
     

    Compromis aux yeux de l'opinion publique par les premiers revers des armées françaises, les Girondins s'efforcèrent de détourner la colère populaire contre le roi. Louis XVI ayant refusé deux décrets révolutionnaires et ayant renvoyé les ministres girondins (13 juin), la Gironde organisa contre lui la journée du 20 juin 1792; celle-ci fut un échec, mais déclencha des forces qui, échappèrent bientôt au contrôle des Girondins. L'élan patriotique contre l'étranger donnait une impulsion nouvelle vers l'extérieur. La journée du 10 Août puis les massacres de Septembre firent comprendre aux Girondins les dangers de la dictature populaire parisienne. Dès lors, ils s'appuyèrent de plus en plus sur la province, sur les administrations locales, ce qui permit aux Montagnards de les accuser de "fédéralisme". Dès le 17 septembre 1792, Vergniaud dénonça dans un discours la tyrannie de la Commune parisienne.

    À la Convention, les Girondins, qui comptaient environ 160 députés, constituèrent la droite de l'Assemblée. Ils commencèrent à quitter le club des Jacobins. Défenseurs de la bourgeoisie aisée et de la liberté économique, ils étaient opposés aux montagnards par des haines bientôt inexpiables. Dès les premières séances de la Convention, ils lancèrent de violentes attaques contre Marat. Le procès de Louis XVI (décembre 1792/janvier 1793) acheva de séparer la Gironde de la révolution : les Girondins tentèrent de sauver le roi en demandant l'appel au peuple, qui fut refusé. Ils s'élevèrent ensuite contre l'institution du Tribunal révolutionnaire, mais la défaite de Neerwinden (18 mars 1793) et la défection de Dumouriez, qui avait été l'un des leurs, les compromirent définitivement.

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    Marat 

               

    La lutte ultime entre la Gironde et la Montagne se déroula pendant les mois d'avril/mai 1793. La Gironde fit décréter par la Convention l'arrestation de Marat (ci dessus, 13 avril), mais celui-ci fut absous par le Tribunal révolutionnaire et ramené triomphalement à la Convention (24 avril). La Gironde tenta alors une dernière manoeuvre en faisant nommer, le 18 mai, la commission des Douze, chargée de veiller à la sûreté de l'Assemblée et d'enquêter sur les exactions de la Commune parisienne. Cette commission fit arrêter Hébert. Mais les Montagnards avaient l'appui de trente-six des quarante-huit sections de Paris. Après une première journée d'émeutes, le 31 mai, la Convention se vit, le 2 juin, cernée par 80.000 insurgés, et, sur les injonctions d'Hanriot, nouveau chef de la garde nationale, la majorité terrifiée vota l'arrestation de trente et un Girondins.

    Plusieu

  • Pour un budget militaire à 4% : d'accord avec Philippe Schneider, dans son éditorial de La Lorraine royaliste...

    4256901757.jpgLe numéro 301 de La Lorraine royaliste vient de paraître; outre un très bon article de Jean-Marie Cuny, dont nous reparlerons, sur La Lorraine et le nationalisme français, il contient l'éditorial de Philippe Schneider, que vous lirez ci-après, dans lequel il affirme, avec raison : "Il est évident qu'un pays comme le nôtre, pour être crédible et efficace, doit avoir une défense représentant un minimum de 4% du PIB..." :   

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    N'importe quelle personne sensée, tous clivages politiques abolis, ne peut en effet qu'admettre que le monde reste aussi dangereux qu'il l'a toujours été; que les dépenses militaires de certains pays - comme la Chine, Champsaur le rappelait récemment... - ont augmenté dans des proportions faramineuses; et que la puissance militaire - in fine - est, fondamentalement, ce qui créé la puissance tout court, même si, évidemment, elle n'est pas le seul critère à prendre en compte, et que, bien entendu, elle ne peut qu'aller de pair avec la "puissance économique"...

     On se reportera à ce sujet, et à titre d'exemple, à la note XXXVI de notre Catégorie Lire Jacques Bainville, intitulée "De la puissance des Etats-Unis : être libre c'est être fort...", dans laquelle Bainville montre bien que si le Président Coolidge hier, le président Obama aujourd'hui, peuvent parler (et être entendus) aussi fort, c'est avant tout grâce à leur très impressionnante puissance militaire; quelles que puissent être, par ailleurs, les problèmes et les faiblesses, parfois très graves, que connaissent les Etats-Unis...

    Or, à quoi assistons-nous, dans la France d'aujourd'hui, et avec les mesures qu'annonce le gouvernement ?  Tout simplement à ceci : notre effort de défense se ramènerait - se ramènera... - en dessous de celui de la Pologne !...

    "La France veut-elle sortir de l'Histoire ?", se demandait François d'Orcival (Le Figaro magazine, 22 mars 2003). La question serait plutôt, nous semble-t-il : le Système veut-il sortir la France de l'Histoire ?

    "Il y a danger de déclassement - explique François d'Orcival, dans son article - avertissent tous les groupes du Sénat , à l'exception des Verts, dans un appel lancé  par le président socialiste de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, Jean-Louis Carrère, sénateur depuis vingt ans. "Il est de l'intérêt supérieur de la nation de amintenir son effort de Défense". Seuil minimal : 1,5 du PIB, contre 1,56 l'an dernier et deux fois plus il y a trente ans..."

    De 32 milliards pour les Armées,  lorsque Chirac a imposé la fin de la conscription, on est passé à 30 milliards, et on se dirige vers 22, soit 1,1 du PIB : un niveau "à peine supérieur à celui de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne", et "très inférieur à celui de la Pologne", note encore François d'Orcival : la constatation se passe de commentaires...

    Rappelons simplement qu'en 1966 le budget des Armées représentait 4,6 du PIB; en 81 (Mitterand...) : 2,97; en 2002 (Chirac) : 1,6; et en 2012 (Sarkozy) : 1,56 !... "On touche à l'os - écrit Zemmour - Une baisse supplémentaire rendrait notre armée ridicule... Notre souveraineté n'existera plus quand on n'aura plus d'armée pour la défendre." : on retrouve le fond du texte de Bainville sur le président Coolidge cité plus haut.

    C'est donc à bon droit que l'on peut plaider pour un budget militaire à 4%, ce qui donnerait 1% à chaque Arme (Air, Terre, Mer) et 1% à la Force nucléaire.

    Et cet effort devrait être maintenu, pour remettre notre Armée en état, au moins pendant une décennie, pour commencer. Après, on avisera...