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Actualité France - Page 372

  • NO PASARAN ! La loi est insuffisante ? Défendons notre culture et nos moeurs !

    Bravo à Causeur pour cette « Une » courageuse !

    Magazine CAUSEUR  Septembre 2016 – #38

  • Frédéric Rouvillois : « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [2e partie]

    « FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN - Sondage BVA : près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    3338857515.jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi, bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

     

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

     

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

     

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus]. Entretien que nous avons maintenant publié intégralement, en deux parties, hier et aujourd'hui. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR

      

    Entretien par Alexis Feertchak   

     

    Dans les monarchies qui existent en Europe, il y a une scission très forte entre la représentation du pouvoir qui incombe au Roi et son exercice qui est confié à un Premier ministre, responsable devant le Parlement. Le modèle de la monarchie parlementaire n'est-il pas un gage de stabilité ?

    Est-ce un gage suffisant de stabilité? Une monarchie parlementaire permettrait-elle de répondre non seulement aux attentes de la population manifestées par ce sondage, mais aussi aux défis impérieux auxquels doivent faire face les grands systèmes politiques? Pour répondre aux grandes crises qui frappent l'Europe et plus largement le monde, est-ce qu'une monarchie à la hollandaise, à la britannique ou à l'espagnole serait davantage pertinente? J'ai beaucoup travaillé ces derniers temps sur l'encyclique du pape consacrée à l'écologie intégrale. Le pape nous dit quelque chose d'essentiel: un problème fondamental comme l'écologie ne peut pas se résoudre à court, ni même à moyen terme. Seule une action pensée à long terme peut apporter des solutions viables. Et les rythmes de la démocratie représentative et du régime parlementaire, y compris de type monarchique, ne sont pas pertinents pour se projeter dans cet horizon du temps long. Les grandes décisions stratégiques ne peuvent se concevoir par rapport à des rythmes de quatre ou cinq ans, qui sont ordinairement ceux de tels régimes. Et ce qui est vrai pour l'écologie l'est aussi pour toutes les réformes fondamentales. Prenons l'immigration: cette crise ne sera pas résolue en quatre ans ou en cinq ans! Prenons encore l'agriculture: le monde paysan ne peut être sorti en un seul quinquennat du marasme terrifiant dans lequel il se trouve. Nous pourrions encore citer le cas de l'éducation. Bref, les grands sujets de notre époque -ceux qui intéressent vraiment les Français! - ne sont pas compatibles avec le rythme trop rapide de nos démocraties parlementaires.

    Je me tourne donc vers un autre modèle politique, qui est celui du Maroc contemporain. C'est un système dans lequel la monarchie et la démocratie se trouvent totalement combinées l'un à l'autre. Contrairement à la Reine d'Angleterre, le Roi du Maroc conserve un vrai pouvoir d'orientation stratégique. La figure du Roi permet ainsi d'inscrire les grandes réformes relatives au système social, aux droits des femmes, au modèle économique dans le temps long nécessaire à leur réalisation. C'est ce modèle à la fois monarchique et démocratique qui a permis au Maroc d'échapper aux tempêtes du Printemps arabe. Le royaume marocain a alors réussi à faire sa propre mutation, voire sa propre métamorphose au moment même où les républiques voisines, qu'il s'agisse de la Tunisie, de l'Égypte ou de la Libye, voyaient leur avenir tourner à la catastrophe.

    Notre monde se trouve confronté à des défis absolus qui engagent son existence même. Les démocraties parlementaires, qu'elles soient républicaines ou monarchiques, ne permettent pas de les résoudre. Il n'est pas impossible que l'on se retrouve assez vite dans une situation politique telle que ce problème deviendra crucial et manifeste. Le sondage de BVA atteste d'un courant en profondeur qui va dans cette direction: le bon sens des Français leur permet de percevoir ces signes d'une crise politique profonde. Les Français n'en peuvent plus de changer d'orientation politique tous les cinq ans. Pouvoir changer, c'est bien gentil, mais si l'alternance nous conduit à faire deux pas en avant, deux pas en arrière, alors on n'avance pas.

    Alors que seulement 20% des sympathisants de gauche estiment qu'un Roi aurait une influence positive sur l'unité nationale, ils sont 50% à droite et même 55% au FN. Le clivage gauche-droite d'aujourd'hui garde-t-il les traces de celui qui avait cours au 19e siècle entre les républicains et les monarchistes ?

    Ce qui est curieux, c'est qu'une partie importante des électeurs du Front national sont d'anciens électeurs de gauche! Autrement dit, ces anciens électeurs de gauche, en allant vers le Front national, s'aperçoivent qu'une forme monarchique du pouvoir pourrait s'avérer positive. Quant à la gauche, il y a effectivement des préjugés, des traditions et des survivances anti-monarchistes qui pèsent de façon lourde dans la position des uns et des autres. Il faut se souvenir que le clivage gauche/droite renvoie à un autre clivage, qui serait celui de l'ordre et du mouvement. L'ordre serait plutôt assumé par ce qu'on appelle la droite, le mouvement par ce qu'on appelle la gauche. À droite, il y a une conscience de l'importance de l'autorité et de la figure tutélaire du père ; et au fond, c'est un peu cela que le Roi incarne dans la tradition française.

    En 2015, dans un entretien accordé à Le 1 Hebdo, l'ancien ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, avait déclaré: «Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du roi (…) On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures: ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace ». Macron fait-il un bon monarchiste ?

    Je constate qu'à bien des égards, Emmanuel Macron adopte une position de type monarchiste. L'avantage du Roi est de permettre l'unité. Le Roi n'est ni à droite, ni à gauche. Il est celui de tous parce qu'il n'a été élu par personne et qu'il ne dépend de personne non plus. Il est là pour faire en sorte que les choses aillent le mieux possible et que le bien commun soit réalisé dans la mesure du possible. N'étant ni de droite, ni de gauche, il est en quelque sorte au-dessus de la mêlée. C'est précisément la posture qu'Emmanuel Macron semble vouloir adopter. Il a depuis créé En Marche, qui se veut un mouvement et non un parti. Là encore, ce n'est pas anodin. Un mouvement auquel ont d'ailleurs adhéré rapidement diverses personnalités connues, y compris dans les médias, pour leurs sympathies royalistes.

    Et que pensez-vous de sa phrase: « Je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort du Roi » ?

    Là encore, on pourrait parler de bon sens, mais surtout de simple connaissance de l'histoire. En 1793, juste avant l'exécution de Louis XVI, certains conventionnels ont exigé la tenue de ce que l'on nomme « l'appel au peuple », une sorte de référendum, visant à déterminer si les Français étaient favorables au jugement et à une éventuelle condamnation du Roi. Robespierre, Saint-Just et les Jacobins, a priori très favorables à ce processus référendaire, vont pourtant, cette fois-ci, le refuser farouchement. Ils savent en effet très bien que les Français auraient gracié Louis XVI ! Lorsque le Roi est exécuté, il l'est donc par la volonté d'une infime minorité. Par ses paroles, Emmanuel Macron jette un pavé politique dans la mare, mais sur un plan historique, il ne fait que relater des faits connus.

    Louis XVI a été guillotiné le 21 janvier 1793. Pour la première fois, on n'a pas pu dire: « Le Roi est mort, vive le Roi» comme si, ce jour-là, les «deux corps du Roi » avaient été exécutés. Est-il envisageable d'effacer cette rupture ?

    À l'époque, les choses ne se passent pas ainsi puisque les royalistes sont encore nombreux. Une très grande partie des Français considèrent que le Roi Louis XVI étant mort, c'est le Louis XVII qui le remplace. C'est alors un petit garçon emprisonné par les Républicains dans la prison du Temple, qui mourra ensuite des sévices qui lui sont infligés. Mais pour eux, les choses sont claires : Louis XVII succède à son père le soir du 21 janvier 1793.

    En outre, on peut rappeler qu'au XVIIe siècle, les Anglais avaient eux aussi décapité leur Roi - et cela n'a pas empêché la monarchie anglaise d'être restaurée et de subsister depuis vaille que vaille.

    Mais au Royaume-Uni, la dictature de Cromwell a duré dix ans, la monarchie n'a pas eu à attendre deux siècles …

    Il y a une chose qui est sûre en politique, c'est que rien n'est jamais sûr. On ne sait jamais au fond de quoi sera fait le lendemain. Lorsque l'on scrute l'histoire politique, on se rend compte que les systèmes qui paraissaient les plus solides et indéracinables peuvent s'effondrer en quelques jours, voire en quelques heures, sous le coup d'un événement parfois dérisoire ou de l'action de quelques personnes. On a un exemple français avec la chute de la monarchie de Louis-Philippe. En février 1848, le Roi a tout pour lui : son bilan est plutôt bon, il est soutenu par l'immense majorité des Français et par la bourgeoisie qui domine la vie économique, il a avec lui la police, l'armée, l'administration, la justice, etc. Or, il va suffire de trois heures pour renverser ce régime. Et ce pour une raison très simple : le régime ne croit plus en sa propre légitimité, en son droit à gouverner. Beaucoup plus proche de nous et de manière encore plus spectaculaire, le destin de l'Union soviétique en 1991 était absolument inimaginable quelques années voire quelques mois avant la chute finale. On pensait alors que l'URSS allait durer en s'adaptant certes quelque peu, sous le coup notamment de la pression qui pesait sur les frontières musulmanes de l'Empire dans le Caucase. Mais on ne pensait pas que l'URSS s'effondrerait ainsi. Or, il a suffi d'une « crise de foi » du système soviétique, qui ne croyait plus en lui-même. C'est aussi pour cette raison qu'un sondage comme celui de BVA sur la progression des idées monarchistes n'est pas inintéressant.

    Vous parliez de Louis-Philippe. Ce dernier n'était pas Roi de France, mais Roi des Français. Comment pourrait-on reprendre aujourd'hui le fil de la royauté ? Pourrait-on imaginer que le peuple choisisse un nouveau Roi des Français, à l'image des deux Empereurs, légitimés par un plébiscite ?

    Avec les deux empereurs que nous avons eus, les Français validaient le système par un plébiscite, mais une fois qu'il était validé, l'Empereur n'était pas élu régulièrement par les Français, sinon ça aurait été la Cinquième République! Un système dans lequel, à la suite d'une révolution ou plus modestement d'une évolution, les Français seraient amenés à se prononcer sur une éventuelle restauration de la monarchie est une chose qui n'est pas à exclure. En politique, rien n'est sûr, ni dans un sens, ni dans l'autre. La question, maintenant, serait celle de la forme de ce nouveau régime monarchique. De 1870 à 1875, la Troisième République est créée par des monarchistes qui sont majoritaires à l'Assemblée constituante et qui décident de créer un système qui, le jour venu, pourra redevenir une monarchie parlementaire du type «Louis-Philippe». Ils pensaient qu'il suffirait alors de remplacer le président de la République par le Roi. Trois quarts de siècle plus tard, le Général de Gaulle, quand il crée la Cinquième République, constitue un système dans lequel le président de la République peut facilement, le cas échéant, être remplacé par un monarque. Dans ce cas précis, le Roi incarnerait le pouvoir, prendrait certaines décisions stratégiques avec l'appui du peuple, mais ne se substituerait pas à un Premier ministre, à un gouvernement et à un parlement qui pourraient être élus démocratiquement et qui représenteraient une autre légitimité. On peut parfaitement imaginer cette double légitimité dans le prolongement de ce que le Général de Gaulle avait conçu.

    La légitimité de Napoléon Bonaparte ne s'inscrivait pas dans une lignée: c'est en tant que héros qu'il a été plébiscité par le peuple. Pourrait-on imaginer Roi des Français n'importe quel citoyen que l'histoire mettrait sur le devant de la scène ou, a contrario, pourrait-on imaginer un retour des vieilles familles, qu'il s'agisse d'un Bourbon, d'un Orléans ou d'un Bonaparte?

    N'étant ni devin, ni cartomancienne, je ne peux vous répondre que par un parallèle historique. L'histoire nous montre qu'à certaines époques, des familles anciennes ont pu revenir sur un trône qu'elles avaient quitté quelques décennies voire quelques siècles auparavant. D'autres épisodes historiques nous montrent qu'un grand homme - général vainqueur ou homme d'Etat habile - a pu devenir roi et créer une dynastie. La question « quelle famille ? » n'est donc pas essentielle. C'est le principe lui-même qui importe, et la possibilité de substituer un régime monarchique incarné et personnalisé à un régime républicain abstrait qui, à bien des égards, ne correspond plus ni aux besoins fondamentaux de la politique actuelle ni apparemment aux désirs d'une partie importante des Français.  

    « Un système dans lequel, à la suite d'une révolution, les Français seraient amenés à se prononcer sur une éventuelle restauration de la monarchie est une chose qui n'est pas à exclure. »

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, coll. Essais, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).

    Alexis Feertchak

    A Lire ....  

    « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [1ère partie]

  • Frédéric Rouvillois : « Pourquoi les Français sont nostalgiques de la monarchie » [1ère partie]

    « FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN - Sondage BVA : près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    3338857515.jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi, bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

     

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

     

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

     

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus]. Entretien que nous publions intégralement, en deux parties, aujourd'hui et demain. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR

     

     

    Entretien par Alexis Feertchak           

    BVA a réalisé un sondage sur l'éventualité d'une candidature monarchiste à l'élection présidentielle. Que pensez-vous de la pertinence d'un tel sondage ?

    Je vous dirai qu'il faut se méfier des sondages en général. Néanmoins, il y en a de différents types. Certains sont liés de manière réactive à l'actualité immédiate, à la mode du moment, à l'apparition soudaine d'un personnage dans les médias. Ces sondages sont très artificiels et, au fond, ne disent pas grand-chose de la réalité de l'opinion publique. Quand les questions sont superficielles, l'opinion oublie trois semaines après les réponses qu'elle y apporte. En revanche, quand ils portent sur des questions de fond et ne se rattachent à aucune forme d'immédiateté, certains sondages ont une vraie pertinence. Le sondage de BVA dont nous parlons aujourd'hui et qu'il faut mettre en parallèle avec un sondage analogue réalisé une dizaine d'années plus tôt appartient à cette catégorie. Dans la mesure où la question de la monarchie est justement d'une brûlante inactualité, ce sondage révèle comme des lames de fond ou des courants en profondeur qui agitent l'opinion publique. Il ne s'agit alors pas d'une mode, d'un coup de cœur ou d'un coup de sang.

    À lire les résultats du sondage, près de 40% des Français considéreraient que la présence d'un monarque à la tête de l'État aurait des conséquences positives pour l'unité nationale et la stabilité gouvernementale. Que vous inspirent ces chiffres ?

    Ces chiffres sont très impressionnants et ils le sont davantage encore si nous les comparons aux chiffres d'un sondage analogue paru en 2007. La proximité avec certaines idées monarchistes semble avoir progressé de moitié. Il faut se souvenir de Descartes expliquant que « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». En l'occurrence, l'opinion des Français sur le rapport entre monarchie, unité nationale et stabilité gouvernementale me semble être une manière de répondre à la situation difficile qu'ils perçoivent à juste titre : l'unité du pays n'est plus une évidence et le tissu social et culturel est gravement abîmé par rapport à ce qu'il était jadis et même naguère. Au fond, face à cette situation, les Français ne savent plus très bien répondre à la question de leur identité au sein d'une mondialisation soi-disant heureuse, mais vécue tragiquement par beaucoup d'entre eux. Plus la situation est difficile, plus cette identité est incertaine, plus le sentiment de faire corps avec les autres est abîmé, plus il est nécessaire d'avoir des repères stables, rassurants, qui fassent sens. C'est une lapalissade, mais c'est aussi l'illustration de ce bon sens cartésien. La monarchie apparaît de ce point de vue là comme le régime qui a constitué la France au cours des siècles et qui demeure une institution qui se rattache à une réalité naturelle, celle de la famille, de la paternité et de l'incarnation. Même deux siècles après la Révolution, la monarchie conserve une signification réelle pour les Français.

    En 2007, seulement 27% des Français souhaitaient un tel changement institutionnel. Les deux derniers quinquennats ont-ils porté un coup fatal à l'image de « monarque républicain » incarné depuis 1958 par le président de la République ?

    Je ne le crois pas ! Les deux précédents quinquennats ne portent pas atteinte à la crédibilité du monarque républicain en tant que tel, mais davantage à la crédibilité de la République. La dimension monarchique du chef de l'État n'est pas réellement remise en cause. Les Français ne souhaitent pas - contrairement à ce que demandait Arnaud Montebourg dans les années 2000 - que l'on supprime le président de la République ou son élection au suffrage universel direct. Les Français ne souhaitent pas que le premier d'entre eux soit moins fort. Il suffit d'observer que c'est aux élections présidentielles que la participation électorale est la plus élevée. Le chef de l'État demeure le référant fondamental. Ce n'est pas la dimension monarchique de ce dernier qui pose problème, mais davantage sa dimension républicaine. L'année dernière, j'ai publié un essai Être ou ne pas être républicain, pour montrer que tous les hommes politiques se servent absolument sans arrêt de ce mot de « République », sans se demander ce qu'il signifie vraiment. La raison est simple… Dès que l'on creuse vraiment la signification de ce qu'est la République, on s'aperçoit qu'elle n'a pas de sens véritable. S'il s'agit seulement de la « chose publique », le terme peut tout signifier. Est-ce davantage l'absence de monarchie ? Est-ce simplement l'expression de la souveraineté ? Autant la figure du monarque, incarnée, peut vouloir dire quelque chose et paraître équilibrante, rassurante, autant la simple étiquette de « républicain », dont tout le monde se targue de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, ne suffit plus à rassurer l'intégralité des Français.

    Dans sa tâche quotidienne d'exercice du pouvoir, le président de la République semble de plus en plus démuni. D'inspiration gaullienne, la figure du monarque républicain n'échoue-t-elle pas aujourd'hui à concilier l'incarnation et l'exercice du pouvoir ?

    Vous n'avez pas tort, mais ceci est moins dû à la structure même de cette monarchie républicaine telle que l'avait conçue de Gaulle qu'à ses dérives contemporaines. Le Général conçoit la Cinquième République comme une sorte d'ersatz de monarchie qu'il aurait d'ailleurs souhaitée à titre personnel. Il construit alors un système formé autour d'un président de la République et d'un Premier ministre. Comme chef de l'État, le premier est chargé des orientations stratégiques et de l'incarnation de l'État. À ses côtés, le second, en s'occupant du quotidien, est son subordonné. Le monarque républicain peut concilier incarnation et exercice du pouvoir parce qu'il se cantonne aux décisions fondamentales qui engagent l'avenir du pays. Il n'a pas les mains dans le cambouis comme le Premier ministre.

    La situation va se brouiller avec le passage du septennat au quinquennat. Le rythme et la fonction du président de la République vont être bouleversés. Le chef de l'État devient beaucoup plus interventionniste, monte sur le pont, en particulier sous Nicolas Sarkozy et la tendance continue avec François Hollande. Ceci abîme fondamentalement l'esprit de notre monarchie républicaine au point que, de nos jours, de la gauche au Front national, tout le monde souhaite revenir sur cette erreur magistrale du quinquennat, soit par un retour pur et simple au septennat, soit en le remplaçant par un septennat non renouvelable, ce qui est peut-être la solution la plus pertinente. Le rapport entre incarnation et exercice du pouvoir était clairement établi au départ, mais il a été brisé en 2000. [A suivre] 

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, coll. Essais, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).

    Alexis Feertchak

  • Le treizième travail d’Hercule

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    L’été aura confirmé l’importance dangereuse, démesurée et anxiogène que revêt la présence de l’islam en France. C’est bien au nom de l’islam, même si certains veulent voir là une sorte d’usurpation, qu’a été perpétré à Nice un assassinat de masse au camion puis qu’a fait polémique une grotesque et ostentatoire tenue de bain féminine. Du coup, voici M. Chevènement impatronisé à la tête d’une « Fondation pour l'islam de France ». Son premier mérite est de ne pas abuser de la langue de bois si chère aux politiciens : « c’est le communautarisme [musulman, bien entendu] qui pose problème » et son corrélat « le multiculturalisme » (Le Figaro, 30 août). Il entend donc prendre toute mesure visant à tarir les financements étrangers (exemple : la taxe « halal ») et à aider tout ce qui ne relève pas du culte proprement dit (exemple : « la formation civique, juridique, linguistique des imams »). 

    En conseillant « la discrétion » aux musulmans, M. Chevènement a peut-être compris le problème de fond que pose l’islam. Si le communautarisme musulman est inacceptable c’est d’abord parce que la communauté musulmane, en tant que telle, est une pièce rapportée. Certes, les Français de confession musulmane devraient pouvoir, c’est souhaitable à titre individuel, se sentir chez eux n’importe où en France, comme les autres, mais l’existence d’une communauté musulmane est proprement insupportable et tout à fait impossible dans le cadre national : partout où elle se manifeste, son caractère étranger est patent. On ne pourra jamais mettre sur le même plan le tintement des cloches de nos églises et les attroupements orientaux autour des mosquées de quartier. 

    On peut pourtant reprocher à M. Chevènement de se référer moins à la France qu’à « la République ». Or, si celle-ci est « une et indivisible », celle-là est riche de ses diversités provinciales, qui n’ont rien à voir avec les antagonismes inconciliables générés par la récente immigration de masse. Cette France-là, la vraie, celle qui se reconnaît dans son Histoire millénaire et dans ses territoires, n’est pas un tissu de prétendus bons sentiments à l’intention de la planète entière. C’est en s’assumant qu’elle pourra accueillir et intégrer une quantité raisonnable d’individus aux racines étrangères. 

    Raisonnable ? M. Chevènement a cru bon de reprendre le nombre de quatre millions de musulmans (INED, 2008) alors que les estimations sérieuses les plus récentes vont de six à neuf millions et que le ressenti des Français est très au-delà : peut-être a-t-il le souci de ne pas les inquiéter davantage. En effet, conjugué à l’ « étrangeté », le nombre favorise le communautarisme. Moins que la foi et/ou la fréquentation de la mosquée, c’est bien l’attachement à l'islam en tant que composante culturelle et historique d’une identité qui doit être retenu comme critère principal. Or cette identité n’est pas individuelle, elle est collective. D’où cette osmose, sur le territoire français, entre beaucoup de Français musulmans et de musulmans étrangers, tous se reconnaissant dans l’« ummat islamiyya », c’est-à-dire la « Nation Islamique ». Celle-ci correspond et correspondra toujours à un projet sociétal et civilisationnel incompatible avec la nation française : se pose bien un problème de double allégeance.

    M. Chevènement s’avoue « inquiet » et ne méconnaît pas les « risques de guerre civile ». Il veut croire cependant que l’émergence d’un islam de France est possible. Pour l’instant, on a plutôt de bonnes raisons d’être sceptique.  • 

  • A la « Une » de Figarovox, aujourd'hui, la question du régime de nouveau posée ...

    « FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Selon un sondage BVA, près de 40% des Français considèrent qu'un monarque serait bénéfique pour l'Unité nationale. Dans un entretien fleuve, le professeur Frédéric Rouvillois explique les raisons de cet attachement à la figure du Roi. »

     

    maxresdefault (1).jpgQuestion désormais récurrente, même si elle apparaît, pour l'heure, sans effet immédiat ; discussion de principe plutôt qu'efficiente, donc, mais question posée de plus en plus souvent et qui traverse tous les milieux, tous les médias ; évocation - voire invocation - de plus en plus fréquente de la figure du Roi,  bien au-delà des cercles royalistes traditionnels et qui surgit des profondeurs de l'opinion sans que les dits cercles royalistes y soient - apparemment - pour grand-chose. Le temps, la crise ouverte du Système politique et idéologique, le désamour des Français pour les politiques, les médias, la doxa dominante, travaillent pour leurs idées plus et mieux qu'ils ne savent eux-mêmes le faire ...

    L'incapacité croissante, de plus en plus patente, du régime à surmonter les défis assez terribles auxquels la France doit faire face aujourd'hui, peut transformer cette nostalgie en aspiration, et, en cas de crise, cette aspiration en demande d'un recours, d'une rupture, d'un régime nouveau, qui aurait forme royale - directement ou après une transition dont on ne voit pas encore les hommes ni les contours mais dont on devine qu'elle pourrait devenir nécessité. Impérieuse, évidente, déterminante nécessité. Une société ne tolère pas indéfiniment un régime devenu incapable d'assurer sa pérennité, sa sécurité, son intégrité.

    Ainsi va l'Histoire, passent les régimes en place, et s'opèrent les vrais changements.    

    C'est ce dont traite - avec la finesse et la pertinence qui lui sont coutumières - Frédéric Rouvillois dans le long entretien qu'il vient de donner au Figaro. [Figarovox, 2.09, dont illustration ci-dessus].

    Entretien que nous publierons intégralement, en deux parties, ce mardi et ce mercredi. Les lecteurs de Lafautearousseau pourront en débattre.  LFAR   

     

  • Tremblay-en-France et son restaurateur qui s'excuse devant le « politiquement correct »...

    Tremblay-en-France, dimanche 28 août. Des « jeunes » de la ville sont venus demander des explications au restaurateur qui a prié deux musulmanes voilées de quitter son établissement

     

    2504458051.3.jpgLe samedi 27 août, un restaurateur de Tremblay-en-France a refusé de recevoir dans son resto des femmes voilées : il a eu parfaitement raison; il a eu, par contre, parfaitement tort d'ajouter « tous les musulmans sont des terroristes ».  Tort aussi de dire ensuite aux médias qu'il regrettait son geste.

    Nous, nous disons : tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais, pour l'heure, tous les terroristes sont des musulmans. Et nous ne sommes pas prêts de retirer ce propos, et de plier le genou devant l'intelligentsia bobo-gaucho, devant le diktat du politiquement correct. 

    Et merde au « parti immigrationniste ! ». Comme Léo Ferré chantait « merde à Vauban ! » 

  • Société • Pourquoi Soumission de Michel Houellebecq devient de plus en plus plausible

     

    Par Philippe Bilger           

    L'actualité navigue entre islamisme meurtrier et islam provocateur. Philippe Bilger fait le constat d'une islamisation rampante du pays qui aboutit à une identité angoissée. [Figarovox, 2.09] Une réflexion intéressante, largement partagée.  LFAR

     

    492029969.jpgIl y a des billets dangereux mais à force de craindre même sur le plan intellectuel, on finit par oublier sa propre dignité.

    Les événements récents, les polémiques, les controverses, les débats politiques, les antagonismes sur le burkini, la gauche éclatée, le Premier ministre esseulé dans la résistance, la démission d'Emmanuel Macron, le langage qui devient de moins en moins hypocrite à droite, des personnalités affichant de plus en plus leurs forces et leurs éventuelles faiblesses, un président de la République offrant aux journalistes ce qu'il a dénié à ses ministres et surabondant de transparence sauf à l'égard des citoyens qui s'impatientent, une France inquiète, sans cap ni repères: triste tableau d'un pays dont le sentiment dominant est la peur.

    Et ce n'est pas un sentiment honteux.

    Il n'est pas nécessaire de célébrer Nicolas Sarkozy pour admettre que la future campagne présidentielle aura en effet pour axes principaux l'identité et la sécurité. Et ce ne sera pas méconnaître l'importance des problèmes économiques et sociaux ni laisser penser que nous aurions seulement besoin pour demain «d'un super ministre de l'Intérieur», ce qui serait absurdement restrictif.

    C'est constater seulement ce que la quotidienneté révèle.

    Il me semble que l'islamisme meurtrier, l'islam provocateur et l'islamisation, à supposer ces catégories valides, imposent une approche très différente.

    Le premier, quelles que soient les divergences sur l'adaptation ou non de l'état de droit, sur le sort à réserver aux fichés S, sur les sanctions à infliger à ceux qui veulent partir pour le djihad ou en reviennent et sur les modalités et l'exécution des peines pour les terroristes, suscite tout de même une adhésion quasi générale en ce qui concerne l'impitoyable répression qui doit lui être appliquée quand la Justice a encore des vivants à se mettre sous la sévérité.

    Le deuxième a trait à ces incidents qui se multiplient et qui opposent des musulmans donneurs de leçons, parfois sur le mode de l'injonction ou de la violence, à des Français attachés à leur liberté. Cela s'est passé en Corse ou ailleurs. Même quand la responsabilité incombe, pour le rejet, le refus ou la discrimination, à celui qui en est l'auteur, comme pour le restaurateur qui s'est d'ailleurs excusé, on sent de l'autre côté une volonté de pousser le malentendu jusqu'à ses extrêmes limites en constituant le musulman comme un martyr.

    « La discrétion » souhaitée par Jean-Pierre Chevénement est au contraire délibérément, avec une concordance qui ne laisse pas d'intriguer, mise au ban publiquement au profit d'une affirmation inutilement ostensible de l'islam et de certains de ses préceptes en rupture avec notre humus.

    Le burkini est l'exemple éclatant de ce dessein qui a fait surgir sur les plages, en un laps de temps restreint et comme par magie, ces tenues qu'on a voulu nous présenter comme un progrès pour les musulmanes alors qu'en même temps cette coexistence avec une multitude de femmes dénudées et d'hommes en maillot de bain était évidemment en totale contradiction avec la pureté de l'islam. Comment mieux signifier que, sauf à être naïf, le burkini ne peut être perçu que comme un instrument destiné à altérer notre vision du progrès et de l'égalité au bénéfice de l'intégrisme d'une religion menant sur le sable des luttes complémentaires avec celles qui ailleurs ont tué ou meurtri (Le Figaro) ?

    Il est dramatique que face à ces perverses et subtiles avancées, notre appareil juridique administratif se satisfasse d'une lucidité étriquée sans mesurer le poids politique de ce qu'il est appelé à interdire ou valider.

    Pour cet islam provocateur, le consensus a déjà volé en éclats puisque certains de nos concitoyens, pas les moindres ni les moins influents, nient la machine de guerre soyeuse qui se dissimule derrière ces coups de force qui révèlent un islam militant de moins en moins timide.

    La dernière est la plus délicate à appréhender. Elle se rapporte à cette impression diffuse, cette intuition majoritaire que quelque chose se déroule en France qui n'est pas loin d'une dépossession quantitative et qualitative, d'une islamisation progressive et rampante, d'un envahissement de notre vie collective, de notre culture et de nos moeurs par des habitudes qui nous sont étrangères au mieux, une religion dominatrice et conquérante au pire. Cette perception n'implique pas que nous ayons quoi que ce soit à condamner dans cette irrésistible pression. Celle-ci se caractérise par l'érosion, le délitement, la dénaturation de tout ce qui nous persuadait que nous étions accordés aux règles d'une société, à des principes humanistes incontestables et à l'heureuse indifférence des croyances de chacun à l'égard de notre vie civique.

    L'islam modéré, invoqué quand on est au bout du rouleau démocratique, existe. Nous l'entendons parfois sortir de la bouche et de l'intelligence de rares imams inspirant toute confiance. Mais il est impuissant, il ne changera rien. Tant l'islamisation, dans sa version conquérante, encore plus dans son intégrisme criminel, ne fait et ne fera qu'une bouchée, par cette inévitable supériorité du fort sur le faible et de l'excitation sur la raison, de la modération de l'islam.

    Il est permis d'avoir l'identité heureuse comme projet et ce concept n'est pas ridicule. Mais, aujourd'hui, nous avons l'identité angoissée. Parce que nous avons peur du terrorisme et de l'islam meurtrier et que nous sommes inquiets face à l'islam apparemment innocent et tranquille. Nous sommes cruellement cernés ici et insensiblement là.

    Personne n'a à se moquer de nous sur ce plan ni à tourner en dérision ce que nous éprouvons. Rien n'est pire que l'absence de compréhension de ceux pour qui le risque de l'amalgame et la plaie de la stigmatisation - encore l'ONU, récemment! - sont les péchés capitaux et qui qualifient d'hystérie l'expression de la moindre préoccupation singulière ou collective à l'égard de l'islam et de ses dérives.

    Je ne me fais aucune illusion. La tâche est à la fois immense d'un côté et quasiment impossible de l'autre.

    Immense pour tout ce que le nouveau pouvoir aura à accomplir contre la criminalité terroriste et la délinquance ordinaire, contre la zone grise emplie de menaces et de virtualités n'attendant qu'un signe pour partir et tuer.

    Impossible pour cette islamisation tranquille, progressive et redoutable parce que notre démocratie et notre civilisation sont tellement pétries de bons sentiments et de principes qu'elles sont plutôt prêtes à disparaître en les respectant que de se sauver en les relativisant. Un haut théologien égyptien des Frères musulmans n'a-t-il pas vendu la mèche: « Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons, avec nos lois coraniques nous vous dominerons » ?

    J'ai évoqué l'identité heureuse, formule chère à Alain Juppé. Face à qui ce qui est suspendu sur nos têtes et menace notre futur, une fois écarté le socialisme mou qui a démérité, il nous faudra une perle rare. A la fois un président de la République ferme, rigoureux, autoritaire, constant, lucide mais une personnalité sans agitation ni frénésie, réfléchissant avant l'action et non après, ne jetant pas du gros sel sur une société angoissée et à vif mais la protégeant en même temps que donc il la rassurera. On a compris qui j'excluais radicalement à droite (Le Monde).

    Un dernier mot qui n'est pas ironique. Soumission de Michel Houellebecq devient de plus en plus plausible.

    On a, un temps, discuté le choix et la légitimité de Jean-Pierre Chevènement à la tête de la Fondation pour l'Islam de France. Parce qu'il aurait fallu un musulman à sa place (Le Figaro).

    Demain, à la tête de l'Etat, conviendra-t-il d'élire un musulman sous le même prétexte fallacieux ? Un musulman pour régler les problèmes des musulmans, un président musulman pour prendre en charge la tragédie d'un pays ne sachant plus comment sauver son identité face à l'islamisation de la France ?

    C'est le pouvoir, et lui seul, qui doit s'occuper de ce qui le regarde: comment on doit se comporter et vivre en France. En la respectant.

    En étant aussi intransigeant, dans la réciprocité des obligations, que tel ou tel pays arabe, par exemple le Qatar qui énonce avant l'entrée, chez lui, pour les femmes surtout, les interdictions à ne pas transgresser, «dans le respect de l'ordre public et des bonnes mœurs, en observant les traditions nationales et les coutumes établies». Rien de mieux !

    Sinon, en s'effaçant, notre République favorisera le communautarisme.

    Qu'on soit musulman ou non. 

    « Nous avons l'identité angoissée. Parce que nous avons peur du terrorisme et de l'islam meurtrier et que nous sommes inquiets face à l'islam apparemment innocent et tranquille. »

    Philippe Bilger        

    Philippe Bilger prend la parole, en toute liberté, au FigaroVox. Il est magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole. Il tient le blog Justice au singulier et est l'auteur de Ordre et désordres paru aux éditions Le Passeur en avril 2015.    

  • Médias • Le dessin du scandale, en Italie ... Soyons fiers de n'avoir jamais été Charlie !

    Le dessin de Charlie Hebdo sur le séisme en Italie qui fait scandale chez nos voisins transalpins

     

    Simplifions : sous prétexte de liberté d'expression, ces gens-là se comportent comme des voyous. Sans grand risque, dans ce cas : ce ne sont pas les Italiens qui viendront les égorger... LFAR

     

    E-LOGO-LP-136x40.pngUne fois de plus, l'humour de Charlie Hebdo ne passe pas auprès de tout le monde. Cette fois, il ne s'agit pas d'une caricature sur l'islam mais sur le tremblement de terre en Italie qui provoque la polémique. En cause : un dessin du dessinateur Felix publié dans le numéro en kiosques cette semaine. Le dessin compare les victimes du séisme qui a fait 294 morts à un plat de lasagnes, le sang faisant office de sauce tomates et les cadavres de viande entre les décombres. 

    Ce croquis soulève « l'indignation collective », rapporte le quotidien romain « Il Messagero ». Aujourd'hui, « plus personne n'est Charlie », rapporte de son côté le Corriere Della Serra qui explique que de nombreux Italiens sur les réseaux sociaux estiment le dessin « choquant », « indécent » et réclament « du respect pour les victimes ». « Qu'il y-t-il de drôle dans ce dessin ? », s'interroge le journal.  

    2.09.2016

  • Livres • La nouvelle charge d'Éric Zemmour : « Un quinquennat pour rien »

     

    Par Vincent Trémolet de Villers

    51NfV+cckmL.jpgDans un ouvrage appelé à nourrir toutes les polémiques, l'auteur du Suicide français revient avec force sur la bataille civilisationnelle à mener contre l'islam, devenu l'un des pivots autour duquel s'articule la vie de la société française. De cet ouvrage, Vincent Tremolet de Villers donne ici [Figarovox, 02.09] une remarquable recension. Il l'ouvre sous le signe de Cassandre, dans la filiation de qui il situe Zemmour. Ce rôle fut longtemps attribué à Jacques Bainville. « Le grand Bainville » : ainsi le nomme Zemmour, qui l'a beaucoup lu. Par deux fois Bainville fut hanté par le sentiment tragique des deux guerres mondiales du siècle dernier dont il avait prévu avec exactitude quels mécanismes les déclencheraient. On peut accorder quelque crédit, aujourd'hui, aux analyses de notre situation, d'où Zemmour tire ses craintes et ses prévisions. Quant aux quelques motifs d'optimisme que Vincent Tremolet de Villers avance au terme de sa chronique, sans les rejeter, il nous semble qu'elles ne pourraient avoir quelque pertinence, elles aussi, que dans la mesure où la France aurait préalablement accompli cette révolution culturelle que Zemmour appelle de ses vœux.   Lafautearousseau  

     

    902697296.jpgCassandre ne s'était pas trompée. En voyant entrer le cheval dans Troie, pendant que la foule se réjouissait autour de l'animal de bois, elle s'alarmait, en vain, de l'entrée de l'ennemi dans la ville. Grâce à Apollon, elle avait le don de divination, mais pas celui de persuasion. Elle disait vrai, mais elle était maudite et personne ne l'écoutait. Eric Zemmour n'a pas reçu d'Apollon le don de divination, mais la nature l'a doté, par le verbe et l'écriture, de la passion de convaincre. Quand il n'est pas d'accord, Zemmour le fait savoir, quand il est d'accord, il arrive qu'il considère qu'il l'a déjà dit.

    Cassandre assumée, le chroniqueur du Figaro et du Figaro Magazine alerte la France depuis des années. Hier, il tempêtait sur sa souveraineté menacée, aujourd'hui il affirme que son identité est en péril de mort. Deux ans après Le Suicide français, son précis de décomposition au succès phénoménal, l'essayiste récidive.

    Un quinquennat pour rien* apparaît, au premier abord, comme un livre de chroniques. L'ouvrage réunit cinq ans d'humeurs éditoriales prononcées le matin au micro de RTL. La vie des Français sous le règne de François Hollande défile. De Manif pour tous en zlatanisation du football, de Leonarda en déroutes électorales, de Christiane Taubira en Anne Hidalgo, le bretteur tourne autour de ses cibles et, à la fin de l'envoi, les touche.

    Ce quinquennat, malheureusement, ne se réduit pas aux cravates mal nouées, aux frais de coiffure et à la langue disloquée - « La France, elle est… » - du chef de l'Etat. C'est aussi le mandat durant lequel la parenthèse enchantée s'est refermée. A Paris et à Vincennes, à Saint-Denis et au Bataclan, les balles assassines ont sifflé « la fin de la fin de l'histoire » (Finkielkraut): plus de 250 victimes, des blessés par centaines et le drapeau du Califat qui flotte dans les esprits et sur les téléphones portables de milliers de gamins de nos banlieues. De ces tragédies, Zemmour a tiré une longue méditation qui ouvre son livre. Un texte incisif et profond qui aurait pu, à lui seul, composer un petit ouvrage. Un texte violent aussi, tant il exprime la crainte qui étreint son auteur, le sentiment de vindicte qu'il éprouve envers ceux qui nous ont emmenés jusque-là, l'effrayante réalité d'un pays au bord du chaos.

    Le scandale, soyez-en sûr, aura lieu. Les vigies de Twitter s'allieront aux ligues de vertu pour tenter, une fois encore, de le faire taire. Elles se jetteront sur ses formules volontairement provocatrices : « Le cri de guerre révolutionnaire qui épouvantait à Valmy les lansquenets prussiens a été adouci en chanson sirupeuse pour adolescentes romantiques » ou encore « l'islam est incompatible avec la France ». Zemmour, viré d'i-Télé pour des propos qu'il n'a pas tenus (une traduction malheureuse et erronée d'un journal italien avait déclenché l'hallali), habitué des tribunaux et des poursuites, s'en moque. Il ne calcule plus. Son angoisse est d'un autre ordre : elle est existentielle. Ecoutons-le : « La sémantique est essentielle dans cette histoire. Un étranger qui arrive dans un autre pays sur la demande de celui-ci est un immigré. Un étranger qui vient dans l'illégalité est un clandestin. Des étrangers qui viennent par milliers, par centaines de milliers, demain par millions, sont des envahisseurs. Un migrant doit pouvoir se déplacer. Un réfugié doit être accueilli. Un envahisseur doit être repoussé. »

    On l'a compris : à l'entendre, la France n'est pas seulement en guerre contre l'Etat islamique ou le terrorisme, mais contre un islam conquérant qui voudrait que Paris soit Bagdad et que les minarets éteignent les cloches, que les voiles couvrent les visages, que les mécréants se cachent. Comme l'homme écrit droit avec des lignes courbes, il fait un détour (brillant et discutable) par Mme de Staël et la germanophilie du XIXe siècle, rappelle l'aveuglement pacifiste des années 1930, convoque Stendhal et la comtesse de Boigne. Les précautions n'ont jamais été son fort et cette fois, c'est l'islam que Zemmour interroge sans y ajouter le suffixe « isme », les adjectifs « radical » ou « fondamentaliste ». « Si demain il y avait 20, 30 millions de musulmans français bien décidés à voiler leur femme et à appliquer les lois de la charia, on ne pourrait préserver les lois de la laïcité que par la dictature. C'est ce qu'ont compris en leur temps Atatürk, Bourguiba ou même Nasser. »

    « Honte et dégoût », entendra-t-on. Certes. Mais que dire alors de Boualem Sansal ? L'auteur de 2084 (Gallimard) affirme, en effet, de livres en interviews que « l'ordre islamique tente progressivement de s'installer en France ». Et Hani Ramadan ? Le frère de Tariq, lui, ne cache pas son jeu. L'islam, explique-t-il, « est une organisation complète qui englobe tous les aspects de la vie. C'est à la fois un Etat et une nation, un gouvernement et une communauté. C'est également une morale et une force, ou encore le pardon et la justice. C'est également une culture et une juridiction, ou encore une science et une magistrature ».

    Une loi totalisante ? « Les Européens, du plus pieux des pratiquants au bouffeur de curés invétéré, pensent tous la religion sur le modèle inconscient du christianisme, précise Rémi Brague. Ils réduisent donc la religion à ce qu'ils observent dans les diverses confessions chrétiennes : des actes de culte, la prière, éventuellement des jeûnes et des pèlerinages. Ce qui n'en relève pas est censé être extérieur à la religion. Or, pour l'islam, la religion consiste essentiellement à appliquer la loi divine. » Et les musulmans modérés ? C'est qu'ils sont « modérément musulmans », répond Zemmour.

    Cette fois, l'auteur du Suicide français va au-delà du diagnostic. A le lire, il est encore temps pour réagir. Mais, plus encore que les solutions policières ou militaires, Zemmour appelle de ses vœux « un état d'urgence moral » qui ferait sortir nos élites du confort intellectuel. « Seule une révolution culturelle peut nous permettre de gagner la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. » Retour à la république assimilationniste, réduction des droits individuels, extraction volontaire du modèle multiculturel de l'Union européenne, arrêt de l'immigration. Eric Zemmour note avec justesse que l'élection de François Hollande s'est ouverte, à la Bastille, au milieu des drapeaux algériens, marocains ou turcs, et que son mandat s'achève sur les trois couleurs de notre drapeau national.

    Ce texte lui vaudra d'être traité de boutefeu et d'irresponsable. On lui reprochera de « faire le jeu » du Front national et de l'Etat islamique. On ressortira le lexique olfactif - rance, nauséabond… Certains voudront l'interdire, d'autres collationneront ses « dérapages » comme une contractuelle remplit soigneusement son amende. C'est tout l'inverse qu'il faudrait faire. La raison devrait l'emporter sur la passion. La démonstration sur les disqualifications. En toute liberté, nous devrions discuter cette terrible vision. Rappeler que les déterminismes culturels et religieux peuvent être surmontés. Qu'il est encore possible de restaurer une communauté de destin. Qu'une grande majorité de Français musulmans refuse le salafisme. Se souvenir de nos soldats de l'autre rive de la Méditerranée morts au champ d'honneur durant les deux guerres mondiales. Soutenir à bout de bras ceux pour qui la France primera toujours sur « l'Oumma ». Mettre en lumière les réformateurs qui, comme leur demandait le général al-Sissi, appellent l'islam à « une révolution religieuse contre sa violence »…

    Eric Zemmour n'est pas un « polémiste » comme on le qualifie paresseusement. Cet écrivain est le courageux porte-voix des angoisses collectives. Il trempe sa plume dans la plaie béante d'une France blessée et tétanisée : Albert Londres appelait cela un journaliste. 

    Zemmour appelle de ses vœux « un état d'urgence moral » qui ferait sortir nos élites du confort intellectuel. « Seule une révolution culturelle peut nous permettre de gagner la guerre de civilisation qui se déroule sur notre sol. »

    * Un quinquennat pour rien, d'Eric Zemmour, Albin Michel, 368 p., 22,90 €. En librairie le 7 septembre.

    Vincent Trémolet de Villers

  • Royalisme • Un visuel pour confirmer et faire savoir ce que l'Institut BVA nous a appris

     

    Sur cette excellente nouvelle pour l'avenir et la crédibilité de nos entreprises, on pourra tout d'abord se reporter à l'article que Lafautearousseau a publié mercredi 31 août : C'est l'Institut BVA relayé par LCI qui nous l'apprend ...

     

    Différents commentaires ont suivi, parmi lesquels celui-ci, excellent, signé de Gilbert CLARET

    « Ce sondage BVA est une bonne nouvelle car il démontre une tendance diffuse, certes modeste mais réelle, favorable à une restauration royale.

    Cette tendance découle sans doute du désir croissant de la population qui se sent française dans ses plus profondes racines (et ce sentiment existe aussi bien chez des personnes récemment immigrées), d'un retour aux sources bimillénaires du pays qui sent le besoin de retrouver des repères et des fondations grâce auxquels l'espoir en France pourrait renaître.

    La république semble vouée à conduire le pays vers une dissolution de l'idée qu'il a toujours eu de lui et qu'il a encore de lui. Elle laisse le pays quand elle ne l'encourage pas à sombrer dans un néant de culture et d'égalitarisme social théorique, forcené et forcé au niveau le plus bas, comme si la pauvreté pour tous était sa suprême référence, dans l'enfouissement des souvenirs du passé et de de son histoire même quand elle fut glorieuse, comme si elle cherchait à tout lui faire oublier au risque que le pays se perde en une entité abstraite de perfection imaginaire, idéologique, arbitraire et contrainte. » 

    Visuel : Action Française - Provence

  • C'est le moment de relire les publications de Lafautearousseau sur le cas Macron

    Entretien du 8 juillet 2015, dans l'hebdomadaire Le 1

     

    Retrouvez les publications de Lafautearousseau sur le cas Emmanuel Macron 

    Décidément, nous aurons tout lu, tout vu, tout entendu ! La voie est libre !  [9.07.2015]

    Le buzz s'est fait autour du remarquable entretien donné par E. Macron [10.07.2015]

    Quelle extraordinaire déclaration d'E. Macron, chers lecteurs de LFAR   [16.07.2015]

    Le réalisme commande le Roi par François Marcilhac [20.07.2015] 

    Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin [27.07.2015]

    Un royaliste dans le gouvernement français par Peroncel-Hugoz [10.08.2015]

    Emmanuel Macron, « en marche » vers l’Elysée ? par Olivier Pichon [13.04.2016]

    J. Leroy : Macron m’inquiète. Le prendre au sérieux avant qu’il ne soit trop tard [18.04.2016]

    Emmanuel Macron va présider les fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans ... Redira-t-il qu'il nous manque un roi ?  [LFAR - 28.04.2016]

    Emmanuel Macron fêtera Jeanne d’Arc ? Bonne nouvelle ! par Charlotte d'Ornellas [1.05.2016]

    Un ministre chez les Vendéens par Olivier Pichon [28.08.2016]

     

    3201650428.png

  • Au JT de France 2 • Les « espèces invasives et nuisibles » : Pas de mauvais esprit, SVP !

     

    2504458051.3.jpgLe soir de sa rentrée, en fin du JT de 20h, David Pujadas « envoie » un reportage sur, dit-il, quelque chose dont il faut se méfier, un fléau de notre temps, qui cause des ravages considérables et qui peut même se révéler désastreux. Effet anxiogène et ambiance cataclysmique garantis...

    La voix off nous apprend que ces espèces invasives, carrément appelées nuisibles, sont apparues vers la fin du XXe siècle chez nous, qu'elles ont d'ores et déjà colonisé des zones entières du pays et, qu'avec leur taux très élevé de fécondité, elles menacent les espèces indigènes. Elles modifient l'état des lieux, transforment les paysages, chassent les espèces autochtones : un vrai désastre...

    Mais, attention, qu'allez-vous imaginer ? Nous parlons bien de la même chose, au moins : les ragondins et les écrevisses rouges de Louisiane qui pullulent dans le marais poitevin. Pourquoi, vous pensiez à quoi ?  • 

  • Rentrée scolaire • Quand Jack Lang soulage sa conscience

     

    Par Eric Zemmour 

    Une critique acérée et argumentée de la politique éducative sous le quinquennat de Hollande signée Jack Lang. C'est une loi d'airain : les ex-hôtes de la Rue de Grenelle confient tous leurs remords au papier. Ce que fait ici Eric Zemmour, plus que d'un homme, c'est la critique du Système en soi-même. Qui détruit la France et ses enfants. Soi-disant ceux de la République. En quoi son analyse rejoint la nôtre, nous intéresse.  LFAR

     

    XVM46b79742-8908-11e5-8758-aadd64fa74f8.jpgC'est un classique de la vie politique française. Tout ministre de l'Éducation nationale, aussitôt qu'il a quitté les ors délavés de la Rue de Grenelle, devient le procureur le plus impitoyable de ses successeurs, avec une prédilection pour ceux de son camp. Jack Lang ne fera pas exception à cette règle d'airain. Il a été ministre de l'Éducation nationale il y a vingt-quatre ans. Lui au moins s'en souvient. Son livre est bref, mais la charge est lourde. Bien sûr, en vieux loup de mer, Lang prend soin d'éreinter le bilan des années Sarkozy, qu'il qualifie avec nuance de « vandalisme d'État ». Mais on sent vite que sa « colère » vise ailleurs. Plus tard, plus loin, plus haut. Vincent Peillon est déchiqueté sans ménagements ; brouillon et velléitaire ; sa loi de « refondation » est verbeuse, inutile ; sa réforme des rythmes scolaires calamiteuse ; ses cours de « morale laïque » ridicules : « La morale, tout court, est par définition laïque. »

    Avec Najat Vallaud-Belkacem, Lang se fait plus doucereux, mais c'est comme le loup avec le Petit Chaperon rouge, pour mieux la dévorer. Sa réforme du collège est louée dans son « architecture », mais dynamitée dans chacune de ses dispositions : suppression du latin, des classes bilangues (critiquée au nom de la défense de l'arabe !), des classes européennes, Lang condamne tout, de la langue pédantesque des pédagogistes aux tergiversations sur la chronologie dans les programmes d'histoire. Ne lui en déplaise, Jack Lang tient parfaitement son rang au milieu des « réactionnaires », « élitistes » et « pseudo-intellectuels » dénoncés par sa soi-disant protégée rue de Grenelle.

    Il fait pire. Ou mieux. Il n'hésite pas à reconnaître que « cette fois c'est établi : le niveau des élèves baisse. Trop d'études nationales et internationales convergent en ce sens pour que le doute soit permis ». Phrase qui lui aurait valu les foudres de tous les progressistes quand il était ministre.

    Mais pris par l'enthousiasme du pénitent, notre apostat ne s'arrête pas en si bon chemin. « Si l'on compare aux années 60, on a perdu l'équivalent d'une année scolaire entière entre l'entrée en CP et la fin de troisième. » Il s'appuie sur les travaux de Stanislas Dehaene en imagerie du cerveau, pour reconnaître l'incontestable supériorité de la méthode syllabique d'apprentissage de la lecture ; et sur un rapport de l'Inserm pour s'inquiéter que « les enfants des familles monoparentales multiplient les signes de moindre réussite scolaire ». Se souvenant avec nostalgie de sa jeunesse, Lang fait l'éloge de l'internat au cadre rigoureux qui a sauvé l'enfant chahuteur qu'il était, et n'hésite pas à critiquer Mai 68, et la gauche qui a « érodé sans le souhaiter la belle notion d'autorité ». En guise de révolution scolaire, il prône : « La langue d'abord. Belle écriture… Lecture à voix haute. » On se pince pour y croire. On regarde la couverture pour être sûr que le livre est signé Lang. On entend le tombereau de brocarts que Lang lui-même et ses habituels acolytes progressistes ont déversé (et continuent de déverser) sur tous ceux qui n'ont eu que le tort de dire la même chose que notre auteur mais avant lui : et pourquoi pas le retour de la plume Sergent-Major ? La nostalgie populiste digne du film Les Choristes ne fait pas une politique… Passéisme… Café du commerce…

    Mais il faut aller au-delà de cette légitime vindicte. La guérilla systématique menée par l'amicale des anciens ministres de l'Éducation nationale contre leurs successeurs contraste avec l'impression laissée à tous les observateurs d'une remarquable continuité depuis quarante ans. Les majorités changent, les réformes se succèdent, mais c'est toujours la même politique. Les ministres se succèdent, mais la rue de Grenelle reste. La rue de Grenelle et sa cohorte de technocrates et de spécialistes de sciences de l'éducation, pédagogistes zélés, dont Philippe Meirieu est la figure emblématique et tutélaire.

    Tous les ministres, qu'ils l'aient voulu de bonne ou de mauvaise grâce, ont été avant tout les porte-parole de leur administration. Tous ont mis en œuvre le programme « réformateur » voulu par les hiérarques de la Rue de Grenelle depuis les années 60, et même avant, depuis le rapport d'inspiration communisant de 1945, Langevin-Wallon. Tous les ministres ont été responsables sinon coupables de la dégradation continue de notre école, dénoncée à longueur de livres-témoignages par une cohorte de profs - à la suite du talentueux Jean-Paul Brighelli - ou de hauts fonctionnaires (rapport Obin) effarés par ce qu'ils voyaient et vivaient, jusqu'aux analystes les plus acérés, de Jean-Claude Michéa à Alain Finkielkraut. Tous les ministres, même ceux du général de Gaulle et de Georges Pomidou, Edgar Faure ou Joseph Fontanet, de droite ou de gauche, « républicains » ou « libéraux », ont été les complices, au moins passifs et impuissants, de cette machine éducative devenue folle, qui a confondu massification et démocratisation, a rejeté l'élitisme au nom de l'égalitarisme, a méprisé le mérite des meilleurs au nom du respect de tous, a dédaigné la transmission des savoirs au nom du « plaisir de l'enfant », a arraché tout sentiment d'amour de la France au nom de la repentance et du vivre-ensemble, et a transformé les classes en centres de propagande (théorie du genre, multiculturalisme, etc.) où sont surveillés, tancés et ostracisés les enfants qui pensent mal, que l'école s'est donné pour mission affichée d'arracher à leurs déterminismes et préjugés familiaux.

    Et tout cela au nom de la République, du progrès, de la Liberté, de l'égalité, de la fraternité !

    Une fois qu'on a refermé l'ouvrage de Lang, une dernière question se pose : pourquoi des ministres qui souvent ne manquaient ni de bonne volonté, ni de talent, ni même - ce qui devient fort rare - d'une grande culture - qu'ils s'appellent Chevènement, Bayrou, Jospin, Allègre, Ferry, Darcos ou Lang, etc. - ont-ils tous baissé pavillon face au tourbillon nihiliste charrié par leur administration ? Au lieu de dénigrer leurs derniers successeurs qui ne sont après tout que leurs médiocres héritiers, qui n'ont fait qu'achever le travail de destruction débuté sous leur magistère, ils devraient essayer de répondre à cette question. La réponse nous serait fort utile pour rebâtir sur ces ruines.   •

    « Cette fois c'est établi  : le niveau des élèves baisse. Trop d'études nationales et internationales convergent en ce sens pour que le doute soit permis »

    Jack Lang 

    « De Jack Lang », Éditions Kero, 120 p., 9,90 €.

    Eric Zemmour

    Article repris du Figaro du 01.09.2016    

  • C'est l'Institut BVA relayé par LCI qui nous l'apprend ...

     

    Texte intégral publié par LCI le 30 août ... Sans commentaires !  

     
    VIVE LE ROI – Selon un sondage, une partie non négligeable de l’opinion serait favorable à ce que la fonction de chef de l’Etat soit assumée par un roi, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens.

    Abolie en France il y a 168 ans, la monarchie conserve encore et toujours des adeptes. Un sondage réalisé par BVA et publié ce lundi, indique en effet que de nombreux Français pensent que la présence d’un roi au sommet de l’Etat serait bénéfique pour le pays. Près d’un Français sur quatre estime par exemple que cela aurait des conséquences positives sur l’unité nationale (39%) et la stabilité du gouvernement (37%).  Ils étaient à peine 23% en 2007, année où un sondage similaire avait été réalisé. 

    Pour 31% des Français, remplacer le président de la République par un monarque donnerait une meilleure image de la France dans le monde (24% en 2007). L’institut de sondage note cependant un important clivage en fonction de la proximité politique de personnes interrogées. Sans surprise, les sympathisants de droite et du FN sont beaucoup plus ouverts à cette perspective que ceux de gauche. Quand à peine 20% des sympathisants de gauche estiment qu’un roi à la tête de la France peut avoir des conséquences positives sur l’unité nationale, ils sont 50% à droite et 55% au FN.  

    « Le contexte actuel pousse les Français à s’ouvrir à cette possibilité »

    Néanmoins, le changement de régime n’est pas pour de suite car seulement 17% des Français se déclarent réellement favorables à l’idée de voir un roi prendre les rênes du pays. Un chiffre qui lui n’a pas progressé depuis 2007. S’ils ne sont que 4% à gauche à être favorables au remplacement du chef de l’Etat par un monarque, ils sont en revanche 22% à droite. Un chiffre qui monte jusqu’à 37% pour les sympathisants FN. 

    Paradoxalement, si un tel remplacement peut avoir des conséquences positives aux yeux de certains Français, ces derniers ne sont pas tous favorables à une telle extrémité. A noter tout de même que près de trois électeurs sur dix (29%) se disent prêts à voter pour un candidat royaliste au premier tour de la présidentielle. « La série d’attentats qui a touché la France en 2015 et 2016 a mis au cœur du débat la question de l’unité nationale, dans un contexte de défiance à l’égard de l’exécutif, voire de la classe politique dans son ensemble. C’est probablement cette lassitude corrélée à de fortes attentes qui peut expliquer le regain d’intérêt pour un mode alternatif de régime », explique BVA.

    « Il apparaît donc que la proportion des plus convaincus par la monarchie est restée très stable en une décennie, que ce soit sur l’idée qu’un roi exerce la fonction de chef de l’Etat ou sur le vote certain pour un candidat royaliste. Pour autant, le contexte actuel pousse les Français à s’ouvrir à cette possibilité, surtout à droite et à l’extrême droite », conclut l’institut.   

    Enquête auprès d’un échantillon de 1099 Français, représentatif de la population française, âgés de 18 ans et plus et recrutés par téléphone puis interrogés par Internet du 22 au 23 août 2016. 

  • Périco Légasse : « La crise du lait révèle la violence féodale des multinationales »

     

    Par Alexandre Devecchio

    Un accord a été trouvé entre Lactalis et les producteurs de lait. Mais Périco Légasse démontre dans cet entretien que la situation n'est pas viable. Les éleveurs sont devenus les serfs d'un système agro-alimentaire devenu à la fois féodal et mondialisé [Figarovox 30.08]. De telles féodalités d'argent, mondialisées, concourent en effet à la destruction de nos mœurs et traditions et nous trouvons que Périco Légasse a bien raison. On peut en débattre ... LFAR  

     

    XVM9c1e5dd8-6ee0-11e6-9f91-caf284335945.jpgUn accord a été trouvé mardi sur le prix du lait entre les organisations de producteurs et le géant Lactalis. Il fixe le prix de la tonne de lait à « 290 euros en moyenne », a précisé Sébastien Amand, vice-président de l'Organisation de producteurs Normandie Centre. Cet accord résout-il la crise du lait ou est-il un pis-aller ?

    Ramenons les chiffres à des entités compréhensibles pour le grand public. 290€ la tonne, soit 1000 litres, cela correspond à 29 centimes d'euro du litre de lait. La négociation est partie de 25 centimes du litre, pour monter à 26 puis à 28 centimes. A ce prix là, ça bloquait encore. Un centime de plus ne compensera en rien le manque à gagner des éleveurs, dont le seuil à partir duquel ils commencent à «vivre» est de 39 centimes du litre. A 29, c'est un accord syndical lié à des enjeux politiques. A moins de 32 centimes le litre de lait, les éleveurs les plus en difficulté ne peuvent pas s'en sortir. Il faut dire aussi que la FNSEA a longtemps soutenu le système intensif en expliquant aux éleveurs que produire beaucoup à moindre prix leur ouvrirait le marché mondial. On déplore aujourd'hui plusieurs pendaisons par mois de producteurs ruinés ou désespérés. Il est clair que quelqu'un leur a menti. Espérons que cet accord soit le début d'une vraie harmonisation de la production laitière permettant à chacun de trouver son compte. Disons que c'est un premier pas.

    Comme vous l'expliquez dans votre dernier article publié dans Marianne, Lactalis payait le litre de lait 25 centimes d'euro aux éleveurs, soit 14 centimes au-dessous de son prix de revient. Comment en est-on arrivé là? Qui fixe les prix ?

    Toute la tragédie est dans le mécanisme économique d'un système où c'est le client qui fixe le prix à son fournisseur et ne le paye qu'après avoir vendu la marchandise. Il paraît que nous sommes en économie libérale… Une situation même pas imaginable aux pires périodes de l'Union Soviétique. Qui fixe les prix ? En réalité la grande distribution, qui exige des tarifs chaque jour plus bas pour conquérir des parts de marché sur ses concurrents. Que ce mécanisme engendre un chaos retentissant lui importe peu. Les industriels sont obligés de s'aligner pour conserver leur référencement et imposent eux mêmes une tarification intenable à leurs fournisseurs, en l'occurrence les producteurs laitiers. A chaque échelon la même formule : tu cèdes ou tu dégages. Pour ne pas perdre le marché, transformateurs et producteurs finissent par plier. Au détriment de quoi ? De la qualité, de l'environnement, de la santé du consommateur et du bien être de l'agriculteur. Jusqu'au jour où ils ne peuvent plus tenir et là, ça craque. Et puis il y a le sacro-saint prétexte de la mondialisation, et des parts de marché à conquérir dans des échanges globalisés, avec la bénédiction de Bruxelles, qui a réussi à transformer le principe de « préférence communautaire », base du Marché commun de 1956, en hérésie subversive et anti-libérale. Ici décide la part de marché globalisée ! On voit le résultat, et pas qu'en agriculture. Ainsi la messe est-elle dite. Donc, gentil producteur, ou tu t'alignes sur les tarifs que je t'impose et tu crèves ; ou je vais chercher mon lait en Nouvelle- Zélande et tu crèves quand même. Ceux qui ont vu leurs confrères pendus au bout d'une corde en laissant une famille et une exploitation dans le désastre ont de bonnes raisons de manifester leur indignation et de s'insurger.

    Le consommateur n'a t-il pas aussi un rôle à jouer dans son comportement alimentaire ?

    En effet, et c'est le troisième paramètre. On explique depuis 40 ans au consommateur qu'il doit consacrer le moins de temps et le moins d'argent possible à son alimentation en lui proposant, à grands renforts de campagnes publicitaires, du bas de gamme à moindre prix. La bouteille de lait frais qu'il faut aller chercher une fois par semaine a été évacuée du réfrigérateur au profit de la brique en carton de lait stérilisé UHT à longue conservation que l'on peut acheter par pacs de 12 et stocker sous l'escalier. C'est tellement fatiguant d'aller chercher son lait, et son pain. Donc, on prend tout en grande surface pour le mois. Quelle honte ! Et pour faire quoi de mieux ? Le pain et le lait sont sacrés, on peut quand même faire cet effort minimum. Il ne s'agit pas de prendre son bidon en aluminium et d'aller acheter son lait cru à la ferme, cette époque est révolue (même s'il subsiste ici et là quelques héros), il s'agit de préférer du lait frais vendu sous une marque industrielle que l'on trouve dans la grande distribution. Bien que frais, et non UHT (Ultra Haute température, terrifiant procédé thermique qui aseptise tout pour donner un liquide gris clair et insipide), ce lait n'en est pas moins pasteurisé et peut se conserver sans aucun risque une semaine au frigo. Il coûte entre 0,76€ et 1,20€ du litre selon son origine, c'est quand même pas la ruine ! Même si l'on interpelle à juste titre Emmanuel Besnier, Michel-Edouard Leclerc et Xavier Beulin (président de la Fnsea qui a été obligé de prendre le train de la révolte en marche sous la pression de sa base mais qui incarne le dogme agissant d'une agriculture industrielle) sur l'état dans lequel se trouve nos paysans, il convient aussi d'interpeller le citoyen consommateur sur les responsabilités qui sont les siennes au moment d'accomplir son acte d'achat. En France, il a le choix et l'information, donc, s'il le peut et le décide, les moyens d'agir dans le bon sens.

    Lactalis est le numéro 1 mondial du marché du lait. Ce type de multinationale est-il désormais incontournable dans le secteur agro-alimentaire ?

    Les anciens se souviennent d'André Besnier, qui parcourait les routes de la Mayenne en carriole pour ramasser les fromages. C'était dans les années 1930. Lui succédant en 1955, son fils Michel a donné sa nouvelle dimension à l'empire Besnier, en rachetant une à une des laiteries dans le grand Ouest. Michel Besnier était un tempérament, personnage sans concession, que l'on avait connu au début avec sa camionnette H Citroën et qui finira comme premier industriel du lait en Europe. Défenseur acharné des fromages au lait cru et des appellations d'origine, il en a sauvé quelques unes, notamment le roquefort. Jusqu'au jour ou tout a basculé. De producteurs de fromages et laitages, les Besnier sont devenus des financiers de la globalisation, conservant quelques racines pour la vitrine, comme les camemberts Jort et Moulin de Carel, au demeurant excellents, et consacrant le reste de leur énergie à transformer le lait en parts de marché. Président, Bridel, Lactel, les marques se sont misent à fleurir, Salakis, Galbani, elles sont 56 à travers le monde. En 1999, le groupe Besnier devient Lactalis (ça fait plus consortium), grosse multinationale qui ne va cesser de croître. Michel Besnier décède en 2000 et c'est son fils Emmanuel, né en 1970, qui prend les rennes. Avec un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros, assorti d'un résultat net de 10,5%, cela en fait le premier groupe mondial et la 13e fortune de France, avec un patrimoine familial de 8,6 milliards d'euros. Non, cette vision du monde n'est pas inéluctable, et ne constitue en aucun cas l'avenir de notre agriculture, car si, pour maintenir ses profits, on est contraint de payer 25 centimes du litre de lait aux éleveurs français pour préserver des parts de marché qui, au final, ne profitent pas à la France, alors Lactalis ne peut être considéré comme un partenaire mais comme un adversaire de notre économie. Je le dis avec un profond respect pour les 15 000 salariés français de cette société qui sont fiers pour beaucoup d'en faire partie. Mais ils ne sont pas seuls dans l'univers du lait. Et le jour où il n'y aura plus d'éleveurs, ce pays sera mort. En aucun cas la part de marché ne doit passer avant l'homme, surtout si cet homme est le garant d'une valeur, d'un patrimoine, d'un environnement et d'une façon de vivre.

    Existe-t-il un seuil d'acceptabilité ?

    Par principe, le gigantisme conduit aux excès, car la dimension humaine devient dérisoire et obsolète dans des mécanismes planétaires. La seule chose qui compte, c'est le résultat. Financier pour les uns, humain pour les autres. Cette économie d'échelle grandit-elle l'humanité et protège-t-elle la planète ? Il semble bien que non. Beaucoup de multinationales de l'agro-alimentaire commencent à le comprendre. Echapper à la logique satanique de la baisse des prix pour préserver la ressource planétaire et le potentiel humain, là est l'essentiel. Richard Girardot, PDG de Nestlé-France, et Georges Plassat, PDG de Carrefour, l'ont clairement et courageusement signifié lors d'entretiens accordés au Figaro en 2015. Pour moi le modèle d'avenir n'est pas celui de Lactalis, qui fabrique 250 000 camemberts Président par jour dans son usine de Villedieu les Poêles, avec deux salariés aux manettes, en payant 25 centimes du litre de lait, mais La Société Fromagère de la Brie, à Saint-Siméon, en Seine-et-Marne, qui emploie 70 salariés et paye 40 centimes du litre de lait aux éleveurs. Deux logiques divergentes, avec le même objectif, vendre du fromage. Ce qui les distingue ? L‘une est devenue une banque dont la seule finalité est le profit financier, l'autre est restée une fromagerie. L'une nous conduit à la saturation de la ressource, l'autre nous permet d'envisager un avenir durable et rationnel. Mais pour cela il faut absolument que les modes de consommation évoluent et cela relève d'une prise de conscience citoyenne.

    Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, a reconnu qu'il n'avait jamais rencontré Emmanuel Besnier, le PDG de Lactalis et qu'il n'avait même pas son portable. Est-ce le symptôme d'une mondialisation devenue folle qui laisse les politiques totalement impuissants ?

    Je me réjouis que Stéphane Le Foll, pour lequel j'ai la plus grande estime en ce sens qu'il est le meilleur ministre de l'Agriculture de l'histoire, et je pèse mes mots, n'ait pas le portable d'Emmanuel Besnier. D'ailleurs le ministre a un répertoire de numéros de portable beaucoup trop chargé et cela lui pourrit la vie. L'aveu du ministre disant qu'il ne peut rien faire est la réalité de notre système économique. C'est triste, mais c'est comme ça. En France, qu'on le déplore ou l'on s'en félicite, les prix ne sont plus fixés par le gouvernement et toutes les majorités parlementaires, avec le soutient actif de la FNSEA, ont accepté, dès 2003, la fin des quotas laitiers, la mesure la plus intelligente jamais prise dans l'Union Européenne. Produire en fonction de ce dont on a besoin pour réguler le marché et la demande tout en garantissant un revenu minimum aux éleveurs, c'était tout simplement génial. Un peu interventionniste, certes, mais tellement efficace. Mais l'école Barroso et la méthode Junker ont sévi. Rendons à Stéphane Le Foll ces outils-là et vous verrez qu'il nous fera des miracles. D'aucuns avaient annoncé le drame à partir de 2015. D'autres le démentait avec conviction: on allait ouvrir le monde aux producteurs de lait enfin libérés des contraintes étatistes d'une Europe enfermée sur elle même. Et vive le libre-échange globalisé, et vive la mondialisation heureuse! Pour l'heure, les seuls qui se soient enrichis sur ce secteur sont les exportateurs de lait en poudre industriel vers la Chine, les fabricants de yaourts néo-zélandais et les marchands de corde à nœuds …

    Peut-on aller jusqu'à parler d'une reféodalisation du monde ?

    Mais le monde est re-féodalisé. Et comme il faut ! Que sont Goldman Sachs et Lehman Brothers sinon des féodaux de la finance mondiale? Quand ils échouent au poker boursier après avoir fixé leurs conditions aux Etats, qui taille-t-on ? Mais le bon peuple, c'est-à-dire le contribuable. Que sont les cinq centrales de grande distribution en France qui se partagent 90% du marché de la consommation sinon des nouveaux féodaux qui imposent leurs tarifs ? Que se passe-t-il quand le serf, c'est à dire le fournisseur, se rebiffe ? Eh bien il est « déréférencé », c'est-à-dire exclu des rayonnages. Aujourd'hui le procédé est plus vicieux : « Désolé, à cause de vos anciens tarifs le système informatique vous a classé code 4 et les commandes ont été annulées. Nous réparerons cela à la prochaine négociation…». Que sont les firmes de la vente de l'eau, de l'électricité et du téléphone sinon les nouveaux féodaux du grand système de tuyauterie générale ? Allez dire au répondeur automatique que vous ne voulez taper ni 1, ni 2, ni 3 mais que vous refusez la énième augmentation directement prélevée sur votre compte bancaire. Eh bien on vous coupe le robinet sans préavis. Ne reste que l'application du droit de cuissage…

    Face à un tel rouleau compresseur, quelles solutions: boycott, circuits courts, protectionnisme ?

    Le boycott est une arme très efficace dans les cas extrêmes. Sans doute ce risque a-t-il pesé pour beaucoup dans la négociation de Laval. S'il y a la jacquerie du croquant, il peut aussi y avoir la révolte du consommateur. Pour ce qui est de la tragédie agricole que notre pays traverse avec sa dose de misères et de souffrances, il serait heureux que les décisions soient prises au niveau de chaque Etat par des gouvernants libérés de contraintes communautaires inadaptées. Il y en avait une de bonne et on l'a tuée. Les gouvernements doivent être garants de l'autosuffisance alimentaire du pays avec priorité à la production nationale, puis communautaire. L'initiative « Produire en France » lancée par Yves Jégo et Arnaud Montebourg est en ce sens exemplaire. Il faut évidemment une protection taxée contre les concurrences déloyales de produits importés qui ruinent notre économie et détruisent nos emplois. On nous dit, gare aux représailles ! Faisons le bilan chaque fois que le cas se présente et il y aura des surprises. Il faut une information parfaite sur les produits alimentaires, avec origine et mode de fabrication. Stéphane Le Foll, encore lui, a réussi une prouesse en imposant la traçabilité sur les plats et produits transformés après le scandale des lasagnes au cheval. Malgré l'hostilité de Bruxelles, le ministre a tenu tête et la mesure sera effective à partir du 1er janvier 2017. Comme quoi, quand un homme politique déterminé se dote des moyens adéquats il parvient à ses fins… Et puis, surtout, il faut éduquer le consommateur, cela a été dit cent fois, depuis l'école, et là nous allons interpeler tous les candidats à la présidentielle sur leur programme. Faire en sorte que le client de demain soit avisé et informé afin qu'il se nourrisse en toute connaissance de cause. Enfin, mobiliser les citoyens dans le sens d'une consommation durable et responsable favorisant les produits français. Le plus grand mensonge du jour est que bien se nourrir coûte cher. C'est faux. Archi faux. La malbouffe ruine et tue, tout le reste est hypothèse. En tout cas ce qui peuvent revoir leurs mœurs alimentaires en ce sens sont des millions en France. A eux d'agir, de dire stop. Payer 1,20 € un litre de lait pour sauver un paysan, protéger un patrimoine et préserver un environnement ce n'est pas cher. Manger c'est voter, alors à table citoyens ! 

    Alexandre Devecchio