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  • GRANDS TEXTES (2) : L'inoxydable 24ème chapitre de ”Kiel et Tanger”, de Charles Maurras

    De "Kiel et Tanger", Boutang a dit qu'il était "un acquis pour la suite des temps"...

    Nous avons choisi d'en reproduire in extenso le fameux chapitre XXIV, intitulé "Que la France pourrait manoeuvrer et grandir". Son actualité laisse rêveur...

    De nombreuses personnalités de tout premier plan - Georges Pompidou, alors Président de la République en exercice, pour ne prendre qu'un seul exemple... - n'ont pas caché l'intérêt qu'elles portaient à cet ouvrage, ni l'influence que le livre en général, et ce chapitre XXIV en particulier, avaient exercé sur elles : on les comprend, quand on le (re)lit...

    Mais, d'abord, un petit rappel historique : 18 juin 1895, Gabriel Hanoteaux - Ministre des Affaires étrangères - se rapproche de l'Allemagne et cultive l'alliance russe : les escadres allemande, russe et française se rencontrent et paradent devant le canal de Kiel, en mer Baltique. Presque dix ans plus tard, les radicaux ayant pris le pouvoir en France, Delcassé inverse cette politique extérieure, et parvient à l'Entente cordiale avec l'Angleterre.

    En guise de représailles et d'avertissement à la France, Guillaume II débarque à Tanger, le 31 mars 1905, pour manifester sa puissance et contrecarrer les visées françaises dans la région...

    Maurras en tire la conclusion que la République française n'a pas de politique extérieure, entre autres choses parce que ses institutions ne le lui permettent pas...

     

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    Chapitre XXIV : Que la France pourrait manœuvrer et grandir.

     

    Alors, pour n'avoir pas à désespérer de la République, bien des républicains se sont résignés à un désespoir qui a dû leur être fort douloureux : ils se sont mis à désespérer de la France. Résistance, vigueur, avenir, ils nous contestent tout. Ce pays est peut-être absolument épuisé, disent-ils. Sa dégression militaire et maritime n'exprime-t-elle pas un état d'anémie et d'aboulie sociales profondes ? Sans parler des mutilations que nous avons souffertes, n'avons-nous pas diminué du seul fait des progrès de l'Univers ?

    La population de l'Europe s'est accrue. L'Amérique s'est colonisée et civilisée. Nos vingt-cinq millions d'habitants à la fin du XVIIIème siècle représentaient la plus forte agglomération politique du monde civilisé. Aujourd'hui, cinq ou six grands peuples prennent sur nous des avances qui iront bientôt au double et au triple. La terre tend à devenir anglo-saxonne pour une part, germaine pour une autre. Slaves du Nord, Slaves du Sud finiront par se donner la main. L'Islam renaît, le monde jaune s'éveille : à l'un l'Asie, l'Afrique à l'autre.

    Que pourra faire la petite France entre tous ces géants ? Barbares ou sauvages, à plus forte raison si elles sont civilisées, ces grandes unités ne paraissent-elles pas chargées de la dépecer ou de l'absorber par infiltrations graduelles ? Peut-elle avoir un autre sort que celui de la Grèce antique ?

     

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    D'immense Empire macédonien sous Alexandre (ci dessus),
    la Grèce antique est devenue par la suite
    une minuscule portion de l'immense Empire romain (ci dessous) :
     
    un sort de ce type attend-il la France ?...
     
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    Ceux qui font ce raisonnement oublient trop que, des grandes agglomérations nationales qui nous menacent, les unes, comme l'Italie et l'Allemagne, ne sont pas nées de leur simple élan naturel, mais très précisément de notre politique révolutionnaire, et les autres ne sont devenues possibles qu'en l'absence d'une action vigoureuse de Paris. En général, elles sont nées extérieurement à nous, des mouvements nationalistes que notre politique nationale n'a pas été en état de combattre ou même qu'elle a sottement servis et favorisés. Nous avons favorisé l'unification des peuples européens, nous avons laissé faire l'empire britannique.

    L'Amérique avait été séparée par Louis XVI de l'Angleterre, et son histoire ultérieure eût été un peu différente si Louis XVI avait eu quatre ou cinq successeurs réguliers, c'est-à-dire aussi versés dans l'art de pratiquer des sécessions chez les voisins que de maintenir entre les Français l'unité, la paix et l'union…louis xvi independance etats unis.jpg

    L'Amérique avait été séparée de l'Angleterre par Louis XVI...
    (Traité de Versailles, 1783)
     
     
     

    Notre natalité a baissé ? Mais il n'est pas prouvé que cette baisse soit indépendante de nos lois politiques, ces chefs-d'œuvre de volonté égalisante et destructive qui tendent à rompre l'unité des familles et à favoriser l'exode vers les villes des travailleurs des champs. Il n'est pas prouvé davantage qu'on ne puisse y remédier, directement et sûrement, par un certain ensemble de réformes profondes doublées d'exemples venus de haut. Une politique nationale eût changé bien des choses, du seul fait qu'elle eût existé. Elle en changerait d'autres, si elle profitait des réalités favorables qu'une diplomatie républicaine, condamnée à l'inexistence ou à la démence, ne peut que laisser échapper.

    Plus d'une circonstance très propice semble nous sourire aujourd'hui. Il suffirait de voir, de savoir, de prévoir. C'est nous qui manquons à la fortune, nous n'avons pas le droit de dire que l'occasion fera défaut. On se trompe beaucoup en affirmant que l'évolution du monde moderne ne peut tendre qu'à former de grands empires unitaires. Sans doute une partie de l'univers s'unifie, mais une autre tend à se diviser, et ces phénomènes de désintégration, comme dirait Herbert Spencer, sont très nombreux. Les virtualités de discorde, les causes éventuelles de morcellement, les principes de guerres de climats et de guerres de races existent, par exemple, aux États-Unis ; ils y sont moins visibles que l'impérialisme, mais le temps, les heurts du chemin et des brèches adroites pratiquées de main d'homme les feraient apparaître facilement un jour.

    Une foule de petites nations séparées se sont déjà formées au XIXe siècle en Europe, comme en peut témoigner la mosaïque des Balkans, dont nous n'avons su tirer aucun parti pour la France. La Norvège et la Suède ont divorcé. La Hongrie semble parfois vouloir rompre avec l'Autriche, qui elle-même est travaillée des revendications croates et roumaines. Cela fait entrevoir beaucoup de possibles nouveaux.

     
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    L'URSS : création, expansion..., disparition !
     
     
     
     

    Ce serait une erreur profonde que de penser que tout petit peuple récemment constitué doive fatalement se référer, en qualité de satellite, à l'attraction du grand État qui sera son plus proche parent, ou son plus proche voisin, ou le plus disposé à exercer sur lui, par exemple, la tutelle affectueuse de l'Empire britannique sur le Portugal.

    Les Slaves du Sud ne sont pas devenus aussi complètement vassaux de Saint-Pétersbourg que l'indiquaient leurs dispositions d'autrefois. Le tzar blanc les recherche ; il leur arrive d'accepter ses bienfaits comme vient de le faire le nouveau roi des Bulgares. Mais les Slaves sont repoussés par une crainte autant qu'attirés par un intérêt : la monarchie austro-hongroise peut les grouper. À supposer que Budapest devienne indépendante, de sérieux problèmes de vie et de liberté se posent pour les Magyars placés entre le Hohenzollern de Berlin et celui de Bucarest. On soutient que, dans cette hypothèse, le Habsbourg serait vivement dépouillé par le roi de Prusse. C'est bientôt dit. D'autres solutions sont possibles, qui seraient plus conformes au nationalisme farouche des États secondaires, celle-ci notamment : l'addition fédérale ou confédérale de tous ces États moyens tendant et même aboutissant à former un puissant contrepoids aux empires. Il n'y faudrait qu'une condition : cet ensemble ayant besoin d'être organisé, il resterait à trouver l'organisateur, ou, si l'on veut, le fédérateur, car rien ne se forme tout seul.

    Le choc des grands empires, remarquons-le, pourra multiplier le nombre de ces menues puissances qui aspireront ainsi à devenir des neutres. Chaque empire éprouvera une difficulté croissante à maintenir son influence et sa protection sans partage sur la clientèle des nationalités subalternes. La liberté de celles-ci finira par être partiellement défendue par le grave danger de guerre générale qui résultera de toute tentative d'asservir l'une d'elles ou d'en influencer une autre trop puissamment.

    Le monde aura donc chance de se présenter pour longtemps, non comme une aire plane et découverte, abandonnée à la dispute de trois ou quatre dominateurs, non davantage comme un damier de moyens et de petits États, mais plutôt comme le composé de ces deux systèmes : plusieurs empires, avec un certain nombre de nationalités, petites ou moyennes, dans les entre-deux.

     

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    Caricature américaine des années 50 sur l'équilibre de la terreur.

    Sur les missiles est inscrit : "Ne doivent en aucun cas être utilisé, l'ennemi pourrait répliquer."

     

               

    Un monde ainsi formé ne sera pas des plus tranquilles. Les faibles y seront trop faibles, les puissants trop puissants et la paix des uns et des autres ne reposera guère que sur la terreur qu'auront su s'inspirer réciproquement les colosses. Société d'épouvantement mutuel, compagnie d'intimidation alternante, cannibalisme organisé !

    Cette jeune Amérique et cette jeune Allemagne, sans oublier cette vieille Autriche et cette vieille Angleterre qui rajeunissent d'un quart de siècle tous les cent ans, auront des relations de moins en moins conciliantes et faciles. Peu d'alliances fermes, mais un plexus de traités et partant de litiges. La rivalité industrielle entre les empires est déjà très âpre ; il serait utopique de chercher de nos jours leur principe d'accord, ni comment cet accord pourra durer entre eux.

    Quantum ferrum ! On ne voit au loin que ce fer. La civilisation occidentale a fait la faute immense d'armer les barbares, l'Abyssinie contre l'Italie, le Japon contre la Russie. Erreurs qui ne peuvent manquer d'engendrer à la longue de nouvelles suites d'erreurs. On a salué dans Guillaume II le prince généreux qui voulut grouper l'Europe contre les Jaunes. Et c'est lui qui arme les multitudes sauvages de l'Asie blanche et de l'Afrique noire contre l'Angleterre et la France.

    Mais, s'il est le coadjuteur de la Porte et le protecteur de l'Islam, il ne lui serait pas facile de ne pas l'être : les empires contemporains subissent de plus en plus cette loi de travailler contre leur commune racine, la chrétienté et la civilisation. C'est un des résultats de leur progrès matériel. À ne regarder que les intérêts, l'intérêt de la seule métallurgie en Allemagne, en Angleterre et en Amérique suffit à rendre chimérique toute union des civilisés, tout pacte civilisateur. Concurrence : d'où tremblement universel.

     

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    Rivalités industrielles, guerres économiques...
     
     

               

    Eh bien ! dans cet état de choses, entre les éléments ainsi définis, ce tremblement et cette concurrence fourniraient justement le terrain favorable et le juste champ d'élection sur lequel une France pourrait manœuvrer, avec facilité et franchise, du seul fait qu'elle se trouverait, par sa taille et par sa structure, très heureusement établie à égale distance des empires géants et de la poussière des petites nations jalouses de leur indépendance.

    Les circonstances sont propices à l'interposition d'un État de grandeur moyenne, de constitution robuste et ferme comme la nôtre.

  • Maurras et le Fascisme [2]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Un individu ne peut rien de durable ...

    Maurras entendait corriger le fascisme, ou le contenir, par le contrepoids de la force française.

    Le 18 avril 1926, il écrivait prophétiquement de Mussolini : 

    « Tiendra-t-il par la paix ? Sera-t-il réduit aux aventures de guerre ? Les difficultés ne lui font pas peur. Mais très souvent, c’est en poussant droit à l’obstacle qu’on arrive à le supprimer. On ne supprime pas la guerre en la niant ni en évitant de s’y préparer. Si le malheur voulait que, de complications coloniales en complications métropolitaines, d’incurie navale en impuissance maritime, nous fussions acculés à quelque lutte sanglante avec nos amis et alliés de 1915–1918, tous les torts ne seraient peut-être pas à ceux-ci. L’absurde campagne de presse que Léon Daudet a signalée avec éloquence fait vraiment rire de honte et de pitié, car enfin il suffirait à la France de maintenir les conditions essentielles de sa force pour devenir à peu près automatiquement, une alliée inévitable, une collaboratrice essentielle au développement de n’importe quelle puissance méditerranéenne. Les malheureux qui se plaignent des excès déclarés de la force italienne ne comprennent-ils pas que cela est fait, exactement, uniquement, de leurs folles déficiences ! Soyons nous-mêmes ; la plus magnifique et la plus naturelle combinaison d’essor latin obéirait à des communautés d’intérêts plus encore qu’à des communautés historiques. Notre faiblesse volontaire, systématique, renverse tout. Elle a opéré hier, en Abyssinie, la conjonction anglo-italienne ! Elle opérera demain la conjonction italo-allemande ! Pendant ce temps, nous avons la douleur de voir distribuer à des centaines de mille lecteurs français des papiers d’après lesquels, face au guerrier Mussolini, l’Allemagne ferait partie d’une constellation pacifique ! – l’Allemagne ! l’Allemagne ! »

    Il n’importait donc, selon Maurras, ni de nous fier aveuglement à ces communautés d’intérêts ou de culture que l’histoire et la géographie nouaient entre la France et l’Italie, ni de dénigrer, par système, le régime fasciste, mais plutôt de comprendre que l’incontestable redressement dont Mussolini était l’auteur, risquait, si nous n’y prenions garde, de créer une situation qui ne se dénouerait que par la guerre. « L’incident Renaudel » lui donnera l’occasion d’exprimer son angoisse. Le 22 juillet 1932, à Genève, lors d’une réunion de « l’Union interparlementaire » un député socialiste nommé Renaudel s’avisa d’opposer à un député fasciste que « dans un pays où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de justice ». Les Italiens répliquèrent en criant : « À bas la France ». Dans L’Action française, du 24 juillet, Maurras entreprit de tirer la leçon de cet incident, « trois et quatre fois odieux : parce que le tort initial venait d’un homme officiellement inscrit dans la nation française et qui n’avait pas le droit de la figurer ; parce qu’il a été répliqué à sa sottise par d’inadmissibles outrages ; parce que ces outrages n’ont pas été relevés avec une pertinente énergie ; enfin, et surtout, parce qu’une preuve nouvelle est donnée du déséquilibre matériel qui existe en Europe : d’une part, des populations dont la masse et l’élite, l’être réel et les figures officielles, sont également animés d’un vif sentiment de leur communauté historique, et d’autres populations, les nôtres, chez lesquelles ce sentiment, cette conscience, ce lien moral apparaissent pratiquement annulés tout au moins dans les sphères de leur pays légal. Il est impossible qu’un déséquilibre pareil n’amène pas à bref délai des malentendus, des désordres et des ruptures comparables à de véritables révolutions. Mais ces révolutions ou ruptures internationales ont un nom. Ce sont des guerres. Il y a la guerre quand celui qui a et qui tient, réputé pour ne pas tenir assez fermement, passe pour pouvoir être dépouillé sans grand effort. Or, la misérable pauvreté de notre moral, la médiocrité de nos défenses matérielles tentent, tentent beaucoup, tentent de plus en plus. Avant de céder à la tentation, on nous tâte d’abord sur notre fer, et ensuite en direction de nos membres et de notre cœur. Depuis quelques saisons, il semble que ces petites épreuves de résistance ne se comptent plus. » 

    b261e4befddf5e157566b7d7b19dfa9f.jpgCes textes datent de 1926 et de 1932, une époque donc où Hitler n’avait pas encore conquis le pouvoir. Ainsi, Maurras, bien loin de céder à une impulsion idéologique en faveur du fascisme, tirait, de la considération de sa force, la nécessité plus urgente de la force française. Ce qui était la seule manière de maintenir la paix. Attitude toute empirique, qui s’exprime fort bien, à l’occasion du voyage qu’il fit à Palerme pour assister aux obsèques, en 1926, du duc Philippe d’Orléans (photo). « En Italie, écrivait-il alors, j’ai regardé tant que j’ai pu. Avec défiance. Avec soin. Sans doute avec passion. Mais c’est à la mise en garde que je me suis appliqué avant tout. Il est si facile de se tromper en voyant ce que l’on veut voir ! Et l’ardeur de conclure, la promptitude à déchiffrer sont des faiblesses si naturelles de l’esprit humain. » 

    p6226_1.jpgLa défiance de Maurras à l’égard des préjugés, fussent-ils favorables, le conduisait certes à condamner les idéologues tels que Renaudel, qui dénigraient Mussolini à partir de principes abstraits, mais aussi bien ceux, de l’espèce opposée, qui louaient démesurément le Duce, sans tenir compte du fait qu’un individu ne peut rien de durable s’il ne s’appuie sur des institutions qui lui préexistent. (Photo : Victor-Emmanuel III). Le 17 mai 1928, il constate que « la vérité toute simple et toute crue est que Mussolini est extrêmement admiré en France. On l’estime pour sa vigueur, on l’admire pour la clarté et le réalisme de sa pensée. Ah ! si nous avions son pareil ! C’est la naïve idée courante. Ceux qui la formulent et qui la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu’une action d’ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie seule fournit et qu’un certain degré d’aristocratie ou, si l’on veut, d’anti-démocratie doit encore la soutenir. » Réflexion que l’avenir vérifiera. Mussolini, par la fatalité de tout pouvoir totalitaire, s’abandonnera sans doute à la démesure, mais ce sera malgré la maison de Savoie. C’est elle qui interviendra au dernier instant pour le chasser, sauvant ainsi l’Italie d’un effondrement total. Grâce au souverain, qui en sera d’ailleurs bien mal récompensé, le maréchal Badoglio signera l’armistice et permettra la transition, empêchant, du même coup, les communistes de conquérir l’État. Dans les premiers temps, du reste, Mussolini avait été assez prudent pour respecter le pouvoir monarchique et l’autorité de l’Église. Les dernières années ne doivent pas faire méconnaître que l’Italie lui doit la signature des accords du Latran qui mettaient un terme heureux au conflit des deux Rome. Il était encore permis d’espérer, en 1928, que le Duce saurait se contenter du rôle de grand commis de la monarchie et que la gloire d’être le Richelieu de l’Italie lui suffirait.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire l'article précédent ...

    Maurras et le Fascisme [1]

  • Maurras et le Fascisme [4]

    « La conception fasciste de l’État rejoint étrangement la pratique stalinienne »

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Pourtant, c’était Mussolini et non point Maurras qui avait affirmé : « Nous qui détestons intimement tous les christianismes, aussi bien celui de Jésus que celui de Marx, nous gardons une extraordinaire sympathie pour cette reprise, dans la vie moderne, du culte païen de la force et de l’audace. » M. Gaston Rabeau n’ignorait certes pas cette déclaration de principe, puisqu’elle date du 1er décembre 1919. Pas davantage, il ne lui était possible d’ignorer que Mussolini, alors qu’il affichait des velléités littéraires, avait composé un roman pornographique, tout rempli d’injures pour la religion. Il est vrai que la démocratie-chrétienne devait éprouver plus de mansuétude pour le fascisme que pour l’Action française, pour cette bonne raison que l’Action française se voulait contre-révolutionnaire, tandis que le fascisme s’inscrivait dans le grand mouvement de l’action subversive. 

    Dans un essai beaucoup plus récent, puisque publié trente ans plus tard, un autre démocrate-chrétien, M. Henri Lemaître, distingue également fascisme et nationalisme. L’honnêteté commande de reconnaître qu’il le fait dans un esprit tout différent de celui de. Rabeau. Il remarque que le nationalisme « se présente comme un traditionalisme, comme un effort pour perpétuer un héritage historique, cet héritage étant le plus souvent légitimé par des références à des valeurs transcendantes, politiques, morales, religieuses... Le fascisme, au contraire, conçoit la nation non pas essentiellement comme un héritage de valeurs mais plutôt comme un devenir de puissance ... L’histoire n’est plus alors comme dans le nationalisme considérée comme une fidélité, mais comme une création continue, qui mérite de tout renverser sur son passage de ce qui peut lui résister, et comme une action délibérée du devenir humain. » 

    Le problème est posé dans ses justes termes. M. Henri Lemaître définit du reste le fascisme comme « un socialisme pur dans la mesure où il se charge de l’immédiate réalisation historique du dynamisme social...» M. Lemaître témoigne, en l’occurrence, d’une probité intellectuelle assez rare. Il est devenu en effet habituel de masquer la réalité idéologique du fascisme depuis que la gauche internationale, pour des raisons d’opportunité politique, est devenue résolument antifasciste, ce qu’elle n’était pas primitivement, du moins sans son ensemble, ainsi que le prouve l’exemple de M. Rabeau, qui d’ailleurs n’est pas isolé, car dans les premiers écrits du fondateur d’Esprit, Emmanuel Mounier, on trouverait de même une admiration mal dissimulée pour l’éthique mussolinienne. 

    mussolini.jpgQue le fascisme soit un socialisme pur, on en trouve la preuve dans le texte fondamental publié par Mussolini, après la prise de pouvoir, sous le titre Doctrine du fascisme. Mussolini affirme que « le fascisme ne fut pas le fruit d’une doctrine déjà élaborée ensemble : il naquit d’un besoin d’action et fut action ». (photo) Ce qui revient à transposer la célèbre maxime marxiste sur la priorité de la praxis. Mussolini ajoute aussitôt que toute « doctrine tend à diriger l’activité des hommes vers un objectif déterminé, mais l’activité des hommes réagit sur la doctrine, la transforme, l’adapte aux nécessités nouvelles ou la dépasse. La doctrine elle-même doit donc être non un exercice verbal, mais un acte de vie... » L’empirisme total dont M. Rabeau faisait gloire au dictateur italien ne constitue en fait que l’expression de la dialectique marxiste de la praxis (c’est-à-dire de l’activité des hommes) et de la theoria (c’est-à-dire de la doctrine). Ainsi, Mussolini, alors même qu’il rompait de la façon la plus spectaculaire avec le socialisme, continuait de penser au moyen des catégories intellectuelles forgées par Marx. 

    Il n’est donc pas surprenant que les deux valeurs auxquelles le fascisme accorde la primauté, le travail et la guerre, soient empruntées au marxisme.Marx, lui aussi, soutient que le progrès se fonde à la fois sur l’activité de l’homme en tant que producteur (c’est l’aspect matérialiste de la doctrine) et sur la lutte des contraires (ce qui est son aspect dialectique). Sans doute pourrait-on objecter que Mussolini se proclame « spiritualiste ». Il s’agit d’une simple habileté tactique, destinée à rassurer les masses catholiques. Le fascisme exalte non pas l’esprit, mais la vie qui n’est qu’une forme de la matière ou, en termes marxistes, que la matière devenue action. 

    Pas davantage, nous ne devons-nous laisser abuser par le fait que Mussolini répudie la lutte des classes. Il se contente de la situer à un autre plan, par l’opposition des « nations bourgeoises » et des « nations prolétariennes » Bien loin de se séparer du marxisme, il se borne à le « réviser », et sur ce point, il apparaît comme un précurseur. En effet, le léninisme, plus lentement sans doute, a évolué dans le même sens. Actuellement, c’est moins sur la lutte des classes que sur les luttes nationales entre États capitalistes et Pays sous-développés que le communisme compte afin d’assurer la domination mondiale de la Révolution. 

    800px-Italian_Empire.pngLa conception fasciste de l’État, « en tant que volonté éthique universelle » rejoint étrangement la pratique stalinienne, qui lui est contemporaine. Mussolini, à l’inverse de Maurras, soutient que l’État n’est pas au service de la nation, mais qu’au contraire, la nation représente un simple instrument de l’État car elle est créée par lui. C’est lui qui « donne au peuple conscience de sa propre unité morale, une volonté et par conséquent une existence effective ». L’État fasciste s’affirme impérialiste (carte), et Mussolini se plaît à exalter l’exemple de Rome. En réalité, c’est d’un impérialisme de type nouveau, d’un impérialisme beaucoup plus idéologique que territorial qu’il s’agit. « On peut concevoir, écrit-il, un empire, c’est-à-dire une nation qui, directement ou indirectement, guide d’autres nations, sans que la conquête d’un kilomètre carré de territoire soit nécessaire... » Il est donc en droit d’affirmer le 27 octobre 1930 dans le « Message pour l’An IX » que le fascisme italien dans ses institutions particulières est universel dans son esprit. Tout comme la nation russe pour Staline, la nation italienne constitue, pour Mussolini, le moyen d’imposer au reste du monde sa conception de la Révolution.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

    Lire les article précédents ...

    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]

  • Maurras et le Fascisme [5]

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Certes Mussolini laisse subsister le capitalisme. C’est uniquement pour des raisons d’opportunité. Le premier ministre de la justice de l’État fasciste, M. Rocco, constate qu’une certaine liberté économique n’est préservée que parce que « l’aiguillon de l’intérêt individuel est le plus efficace des moyens, pour obtenir le maximum de résultat, avec le minimum d’effort ». En réalité, l’initiative privée ne subsiste qu’autant qu’elle accepte la direction de l’État. Quand Mussolini écrit que « c’est l’État qui doit résoudre les contradictions dramatiques du capitalisme », il ne tient pas un autre langage que Lénine. Il s’autorise, d’ailleurs, de l’exemple du grand doctrinaire marxiste, qui lui aussi a rétabli, momentanément, une liberté économique relative. Qu’importe puisque le capitalisme subit une métamorphose radicale, en devenant, lenine_journal-600x445.jpgselon l’expression de Lénine (photo), « capitalisme d’État ». Dans le discours de Trieste du 20 septembre 1920, Mussolini reconnaît que la mise en place d’un État prolétarien serait prématurée. « Le prolétariat, explique-t-il, est capable de remplacer d’autres valeurs sociales ; mais nous lui disons : avant de t’étendre au gouvernement d’une nation, commence par te gouverner toi-même, commence par t’en rendre digne techniquement et auparavant moralement parce que gouverner est une chose terriblement complexe, difficile et compliquée » ... Ainsi tout comme Staline, Mussolini rejette l’État prolétarien à l’horizon de l’histoire, mais avec beaucoup plus de franchise. On pourrait dire du fascisme qu’il est, par quelques côtés, un stalinisme honnête, ou, selon l’optique, un stalinisme honteux.

    En attendant que le prolétariat soit en mesure d’assumer, en tant que classe, la direction des affaires publiques, il n’est d’autre recours pour le socialisme, qu’il soit de type stalinien ou de type fasciste, que dans le jacobinisme. M. Alfredo Rocco a montré, peut-être à son insu, que la conception fasciste de l’État se modèle sur celle de Jean-Jacques Rousseau, de Robespierre et de Saint-Just. « Le gouvernement », selon lui, « doit être entre les mains d’hommes capables de s’élever au-dessus de la considération de leurs propres intérêts et de réaliser les intérêts historiques et immanents de la collectivité sociale considérée comme unité qui résume l’ensemble des générations ». De même, selon Rousseau et les Jacobins, la volonté générale ne s’identifie pas à la majorité, mais aux citoyens vertueux, ne fussent-ils que quelques-uns, qui ont abdiqué toute volonté particulière ou si l’on préfère tout amour-propre, au sens qu’ont donné à ce mot les moralistes du siècle classique. 

    M. Rocco va jusqu’au bout de la dure logique jacobine lorsqu’il affirme que « tous les droits individuels sont des concessions de l’État faites dans l’intérêt de la société ». Le droit de propriété, l’initiative privée dans la production ne sont respectés que parce qu’ils apparaissent conformes à l’intérêt de la société. Du moment que les citoyens vertueux, en l’occurrence les membres du parti, estimeront que l’intérêt de la société a changé, ils nationaliseront l’ensemble de l’économie. M. Rocco est au demeurant parfaitement conscient de la filiation Marcel_Déat-1936.jpgjacobine de sa pensée car il célèbre le relèvement de l’État « dans la seconde phase de la Révolution (française) et pendant la période de l’empire napoléonien ». Néanmoins, les fascistes n’afficheront que du mépris pour Rousseau. C’est, de leur part, simple inconséquence. Pour l’avoir mal lu, ils le tiennent pour un individualiste. Sous l’Occupation, M. Marcel Déat (photo) leur en fera le reproche mérité. 

    Ainsi Mussolini était parfaitement justifié de proclamer, dans son discours de Milan du 5 février 1920 : « Le seul, l’unique socialiste peut-être qu’il y ait eu en Italie depuis cinq ans, c’est moi ». Drieu la 893403.jpgRochelle (photo) aura tout aussi raison d’intituler l’un de ses ouvrages Socialisme fasciste. D’ailleurs puisque le fascisme est action avant d’être doctrine, il est aisé de prouver que l’évolution qui transformera l’agitateur romagnol en dictateur s’est opérée sans solution de continuité. Sans doute l’histoire est-elle écrite par les vainqueurs, et ceux-ci, soucieux de déshonorer politiquement Mussolini, se sont-ils efforcés de le présenter comme un ambitieux qui, pour satisfaire ses appétits, a trahi la cause de sa jeunesse. Rien n’est plus contraire aux faits. 

    Le 7 juin 1914 fut sans doute la date décisive de l’existence politique de Mussolini. Ce jour-là, une bagarre éclata à Ancône. Trois ouvriers furent tués, ce qui provoqua une grève générale dans l’Italie tout entière. Elle se développa avec une brutalité extraordinaire. Des églises brûlèrent. À Ravenne, un général fut arrêté par les manifestants. Partout, des conseils ouvriers se constituèrent. Mussolini, alors rédacteur en chef de l’Avanti, le quotidien du parti socialiste, estimait qu’il fallait organiser révolutionnairement les masses en lutte. La majorité du parti décida contre lui d’empêcher la « démonstration » de se transformer en insurrection. 

    Faisceau_italien.jpgPersuadé qu’il n’y avait rien à espérer du Parti, Mussolini s’en sépara en octobre parce qu’il avait décidé de faire campagne en faveur de l’intervention de son pays aux côtés de la France. Le 15 novembre, il fondait le Popolo d’ltalia, « quotidien socialiste » et groupait ses partisans dans « les faisceaux d’action révolutionnaire » qui devaient être, selon leurs statuts, « les libres groupements des révolutionnaires de toutes les écoles, de toutes les croyances et doctrines politiques. » On a reproché à Mussolini d’avoir reçu des subsides de la France, ce qui est certain. On devait reprocher de même à Lénine d’avoir rejoint son pays en traversant l’Allemagne dans un wagon plombé. En fait, Mussolini n’était pas plus l’agent de Poincaré, que Lénine ne le sera de Guillaume II. S’il avait choisi de militer en faveur de l’intervention militaire de son pays, c’était exactement pour les mêmes raisons que Lénine lorsqu’il prêchait « le défaitisme révolutionnaire ». Les deux hommes adoptaient certes des attitudes opposées, mais contre un ennemi commun : la social-démocratie réformiste et opportuniste, qui défendait, en Italie comme en Russie, la politique « bourgeoise », ici l’égoïsme sacré, là la guerre.    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme  [1]  [2]  [3]  [4]

  • Maurras et le Fascisme [3]

    « Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco ...»

     

    Par Pierre Debray

    Nouveau Microsoft Publisher Document.jpgC'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

     

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    Maurras se gardait bien d’hypothéquer l’avenir. Il préférait conseiller la mesure, alors qu’il en était temps encore. « La solution, donnée par Mussolini, à la question scolaire a limité l’action de l’État aux groupes d’éducation civique et militaire. La liberté de l’école paraît devoir rester intacte tant au point de vue religieux qu’au point de vue moral. L’envoyé du Temps à Rome, M. Gentizon, semble croire que cette solution mesurée sera intenable et que le dictateur sera conduit à usurper de plus en plus l’autonomie des consciences et la liberté des âmes. Nous en sommes moins sûrs que lui. La logique formelle est une chose, la politique réaliste en est une autre. Un homme énergique sait marquer le point au-delà duquel il ne se laissera pas entraîner et sa volonté peut parfaitement suffire à le maintenir dans les confins qu’il s’est donnés. » 

    En fait, Mussolini ne s’abandonnera à la pente logique de son système intellectuel que sur le tard, quand les « démocraties », l’y contraindront, en liant son destin à celui d’Hitler. Le Führer saura profiter de leurs fautes. Se présentant modestement comme son disciple, il le conduira à l’imiter. Au départ cependant, le totalitarisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres du fascisme italien. Une possibilité cependant, Maurras là-dessus ne cessera de dénoncer l’erreur mortelle que portait, en germe, le fascisme. 

    Charles_Maurras_4.jpgC’est ainsi que le 12 juin 1932, il s’élevait contre une déclaration de Mussolini selon laquelle « en dehors de l’État, rien de ce qui est humain ou spirituel n’a une valeur quelconque ». Maurras appelait cela un délire. « Même en confondant État et Nation, État et Société, il y a dans la vie des personnes humaines quelque chose qui y échappe en soi. Quelque grande part que l’État ainsi compris puisse prendre à l’engendrer, à la défendre ou à la soutenir, cette valeur existe en fait, il est aussi vain de prétendre qu’elle n’est rien que d’y sacrifier tout le reste. » 

    Ce qui conduisait Maurras à définir très exactement par quoi le fascisme se rapprochait du nationalisme intégral et par quoi il s’en séparait. « Il est très important de fortifier l’État. On ne le fortifie bien qu’en le concentrant et en laissant les groupes sociaux intermédiaires faire des besognes qu’il ferait trop mal, quant à lui. C’est pourquoi nous ne sommes pas “ étatistes ” quelques imputations calomnieuses que l’on se soit permises à notre égard. Tels Français réfléchis qui admirent le plus l’effort et l’ordre fascistes font comme nous des réserves sur ce qu’il présente d’exagérément étatiste. Ils en font même un peu plus que nous. Nous avons dû expliquer parfois qu’un pays aussi récemment unifié que l’Italie est tenue de limiter certaines libertés locales et professionnelles. Mais cette condition ne joue pas dans le domaine religieux, puisque l’unité morale, l’unité mentale existent en Italie : le pays a été sauvé de la Réforme au XVIe siècle, et la prompte élimination des “ popolani  ” montre que ni le libéralisme, ni la démocratie n’y avaient poussé de fortes racines. » Ces pages sont d’autant plus fortes qu’elles furent écrites à un moment où l’Action française subissait les rigueurs d’une censure pontificale, depuis lors heureusement levée. 

    Maurras donc reconnaissait, comme un fait, que Mussolini, en abaissant le régime démocratique et en reconstruisant l’État, restituait à l’Italie sa force. 

    Il en tirait la conséquence que si la France persévérait dans ses mauvaises institutions, la force italienne se retournerait contre notre pays. Néanmoins, fidèle au vieux principe thomiste, qui veut que tout bien humain, lorsqu’il se prend pour l’unique nécessaire, se transforme en son contraire, Maurras avertissait Mussolini que la restauration de l’État, si elle n’était pas compensée au minimum par la liberté de l’Église, aboutirait à l’étatisme totalitaire. Ce qui conduirait l’Italie à l’aventure militaire, à la sclérose économique, au désordre spirituel. À terme, les bienfaits très réels apportés par le fascisme dans ses débuts, seraient gâchés, et l’Italie, un instant arrachée par Mussolini au chaos, serait jetée par lui dans un chaos pire. Ce qui est arrivé. 

    1447697259389.jpg--resistenza__morto_il_partigiano_lonati__sparo_lui_a_benito_mussolini_e_claretta_petacci.jpgLe nationaliste français qu’était Maurras savait trop qu’il y a autant de nationalismes que de nations pour porter d’emblée un jugement dogmatique sur les aspects de la doctrine fasciste qui lui répugnaient le plus. Le primat, par exemple, qu’elle donnait à l’action sur la pensée. Pour une part, le pragmatisme de Mussolini le rassurait plutôt. Il nourrissait l’espérance, nullement déraisonnable, qu’une France qui referait à temps sa force, équilibrerait l’Italie fasciste, l’empêchant de verser du côté de ses démons. Ce ne fut pas. Nous n’avons pas lieu de nous en réjouir. Imaginons que Mussolini ait eu la prudence de Franco. La menace communiste, qu’un moment le Duce avait su écarter de nos frontières, serait moins pressante aujourd’hui et l’avenir de l’Europe mieux assuré. 

    Mussolini a subi d’innombrables influences, mais pas celle de Maurras. Dans La Vie intellectuelle de mai 1929, M. Gaston Rabeau étudiant « La Philosophie du fascisme », le reconnaît avec une louable franchise. « Les Français, écrit-il, s’imaginent aisément que la politique mussolinienne ressemble à celle de M. Maurras. Question d’origine mise à part (elle ne vient sûrement pas d’Auguste Comte ou de Joseph de Maistre), elle nous paraît en différer absolument. » C’est qu’en effet il s’agit d’une « politique avant tout empiriste, d’un empirisme total, non pas de cet empirisme qui généralise des lois ». Le plus beau de l’histoire c’est que M. Rabeau, lumière de la démocratie-chrétienne, faisait un mérite à Mussolini de s’opposer ainsi à Maurras. Toute son étude est du reste imprégnée d’une surprenante sympathie à l’endroit du fascisme. Sur les points où celui-ci s’écartait trop manifestement de la doctrine sociale du catholicisme, le pieux exégète, pris de scrupule, affirmait son souci de ne pas « élargir un fossé qui est déjà trop profond ». À la même époque, La Vie catholique travaillait, rappelons-le, à élargir artificiellement le fossé qui séparait, ou paraissait séparer, l’Action française de l’Église !    (A suivre)

    Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]

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    Maurras et le Fascisme [1] - [2]

  • A la découverte de l'homme Maurras : Maurras et les premiers établissements phocéens sur la côte provençale...

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Aujourd'hui : Maurras et les premiers établissements phocéens sur la côte provençale...

    (extraits du texte Inscriptions sur nos ruines, texte du 26 décembre 1941, in Maurras.net)

     

    Cinq ou six semaines ont passé depuis une promenade poignante à ce tragique plateau de l'Avarage sur lequel reposent notre classique Mur Grec et ses vingt-cinq siècles chargés des mystères de la première Provence hellène, déterrés en 1934 par notre ami Henri Roland 1. Nous venions de longer les 800 mètres de belles pierres blondes, admirablement taillées, dignes sœurs de celles qui soutiennent encore l'Acropole d'Athènes. Par un admirable après-midi de soleil, la double solitude de la terre et de l'air étendait ses arceaux de lumière stratifiés sur les couches vert sombre de kermès et de genévriers alternant avec le rocher nu. Au bas de la falaise, reposaient dans leur pourpre et leur aigue-marine les quatre étangs salés, Lavalduc, Engrenier, Citis, plus loin la Stouma et, toute dorée, la grande mer latine dont nous séparait une langue de terre, sous le château de Fos ; vaste monde immobile où la végétation comptait peu, où l'homme était à peine discernable, et qui offrait, avec son cœur, la pure et simple image du repos que rien ne trouble, pacemsolitudinem, la paix, la solitude, comme dans Tacite 2

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    Car enfin, ce désert a été populeux. Pas une anfractuosité de cette côte, pas une embouchure de ces étangs, στοηαλίμναι 3, qui n'ait possédé ville, citadelle, entrepôt ou comptoirs. D'Arles à Marseille, l'Itinéraire d'Antonin compte toutes sortes de postes et d'habitats, et il faut bien que des échanges importants y fussent faits, puisque cette voie littorale était doublée d'une autre route, intérieure, également frayée par la jeune Rome, et qui suivait, entre Aix et l'Étang de Berre, à peu près le même tracé qu'aujourd'hui la grande ligne de Paris-Lyon-Méditerranée. Et c'était aussi l'époque où Gaulois, Ligures, Grecs, Romains, sans parler des anciens habitants des factoreries phéniciennes, vidaient leurs longues querelles séculaires, incorporant aux besoins de leur vie la verve inexorable de l'éternel combat. Sur l'horizon couchant, brille le seuil de Galéjon d'où partaient, jusqu'au pied des Alpilles, les canaux et les galères de Marius, qui s'y était retranché contre le premier flot germain.

    On ne peut regarder cette plane étendue des terres et des eaux sans évoquer le mouvement perpétuel des populations, descendant sur la rive quand les corsaires arrêtaient d'y promener la dévastation, remontant à la hâte vers les hauteurs et s'y fortifiant dès que les barques suspectes réapparaissaient à l'horizon. Voilà, au loin, le Fort de Bouc. Il a été construit par Vauban. C'est seulement au XVIIe siècle qu'une tour solide a mis nos étangs à l'abri des Barbaresques ; encore s'y remontrèrent-ils de temps à autre tant qu'Alger ne fut pas conquise. En 1830, c'est d'hier.

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    Ici, sur le plateau des ronces et des roches on peut faire le compte des constructions et des destructions. Aucun vestige punique n'y a été relevé sans doute. Peut-être un habitat ligure, dont le nom d'Avarage et, plus loin, Varège a gardé la trace. Ensuite, la grande ville grecque attestée par cette Acropole, derrière laquelle aucune fouille n'a percé jusqu'à présent ; ville innomée encore (si ce n'est la première Marseille), à laquelle succède une ville latine, probablement Maritima Avaticorum, dont Martigues, là-bas, dans la plaine, fut la « colonie ». Puis, un oppidum bas-latin ou du haut moyen âge, Castellium Vetus, avec ses rondes tours barbares, couronnant le Mur Grec de leur suite presque continue et qui se retrouve encore un peu au delà, sous le nom de Castel Veyre… Castel Veyre a été saccagé au XIVe siècle par les bandes du vicomte de Turenne 4.

    Mais la vie ne s'est pas éteinte, elle y subsiste dans un village appelé Saint-Blaise, couronné d'une chapelle du XIIe siècle, réparée en 1614, et qui se trouve dédiée, comme par hasard, à Notre-Dame de Vie ! Qu'en reste-t-il ? Un pèlerinage, tous les 8 septembre, une procession, avec des vêpres en plein air qu'on chante sous les pins… Voilà sur un territoire si bref ce qui florit durant deux mille ans, murs écroulés l'un sur l'autre, remparts renversés près de leurs merlons, et sous lesquels, au delà de longues nécropoles creusées dans la roche vive, il faut bien situer des guerriers sans lesquels on n'imagine point les places où se sont entassés tous ces monuments !

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    Dans le jardin de Maurras, devant le mur des Fastes, ce portrait/buste de Maurras, offert par une confrérie de pêcheurs, est l'oeuvre du sculpteur Henri Bernard, Grand prix de Rome; il a été placé sur un merlon grec, provenant de l'établissement Grec de Saint Blaise, et offert à Charles Maurras par Henri Rolland.

    Ce merlon remonte à l'arrivée des Grecs en Provence, il est contemporain des vestiges de Marseille, l'antique Massalia, et ramène donc vingt six siècles en arrière...

     

    1. Henri Rolland (1887–1970) et non Roland (contrairement au texte, que nous avons respecté), archéologue provençal, membre de diverses sociétés savantes et ami de Maurras. Il est notamment à l'origine de l'exhumation du « mur grec » de Saint Blaise.

    2. Allusion à un passage célèbre du discours de Galgacus, dans la Vie d'Agricola, XXX : « Auferre, trucidare, rapere, falsis nominibus, imperium, atque, ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.  » Soit : « Enlever, massacrer, piller, voilà avec des mots trompeurs ce qu'ils appellent l'empire, et là où ils font un désert, ils l'appellent la paix.  » 

    3. Littéralement : les bouches des étangs. 

    4. Raymond de Turenne (1352–1413), personnage considérable de l'époque de la Papauté d'Avignon. Suzerain d'un domaine couvrant une grande partie de l'actuel Sud-Ouest de la France, son orgueil et sa rigidité d'esprit l'amenèrent, par respect de la lettre du droit féodal, à ravager la Provence au cours de la dernière décennie du quatorzième siècle. 

    lafautearousseau

  • GRANDS TEXTES (47) : Préface du ”Charles Maurras” (de Michel Mourre), par Pierre Dominique (extraits)

     

    C'est en 1953 - un an après la mort de Maurras - que Michel Mourre fit paraître son excellent ouvrage, sobrement intitulé : Charles Maurras. 144 pages, au format 11/18 : il s'agit d'un "grand petit livre", pour reprendre la façon de parler de Pierre Boutang, présentant comme "un immense petit livre" L'Avenir de l'Intelligence de Maurras (ouvrage lui aussi très court).

    Treize ans plus tard, Jean de Fabrègues fit à son tour paraître son excellent Charles Maurras et son Action française. Dans un article paru dans Le Monde, le 26 novembre 1971, et intitulé La doctrine de Maurras, Gilbert Comte ne s'y était pas trompé :

    "Excepté deux biographies assez dissemblables, mais excellentes, écrites par Michel Mourre en 1953 et Jean de Fabrègues treize ans plus tard, les études approfondies consacrées depuis la guerre à Charles Maurras nous sont généralement venues de l'étranger, grâce aux travaux du critique américain Léon S. Roudiez, de son compatriote l'historien Eugen Weber, ou du philosophe allemand Ernst Nolte. Trop de rancunes laissées par les controverses de la IIIe République, les blessures plus graves encore de Vichy, décourageaient des recherches aussi sereines dans notre pays."

    Lutte de titans, Héros... : voilà bien des mots familiers aux connaisseurs de la mythologie gréco-romaine. La Préface de Pierre Dominique est bien l'hommage qu'il méritait rendu à l'homme-Héros Maurras et une "restitution", au sens étymologique du terme, de la vérité du Martégal, de la vérité sur ce que fut l'homme et son action titanesque, entreprise à partir, en gros, de sa trentième année.

    En prenant deux siècles de recul - et de hauteur - Pierre Dominique remonte aux sources lointaines du Mal contre lequel se dressa Maurras : aux années 1750  (il écrit, lui, en 1953) époque où la secte des Encyclopédistes a semé en plein Paris, dans cette France de la douceur de vivre dont parlait Talleyrand les germes et semences de cette affreuse idéologie qui allait ensanglanter non seulement la France (avec le Génocide vendéen, le premier des Temps modernes) mais toute l'Europe et se propager jusqu'aux extrémités de la terre : l'Extrême-Orient, avec les fleuves de sang des tyrannies sanglantes de Mao, Ho Chi Minh, Pol Pot...; l'Afrique, et ses féroces dictatures marxistes-léninistes...; l'Amérique, avec les horreurs d'un Castro, d'un Che Guevara, d'un prétendu "Sentier lumineux"...

    Oui c'est bien une lutte titanesque contre une idéologie qui ne l'était pas moins que Maurras a livré, à partir du jour où, comme il l'a dit lui-même, il est "entré en politique comme on entre en religion"

    Il annonçait, dans L'Avenir de l'Intelligence, "l'âge de fer" dans lequel nous nous trouvons. Son disciple fidèle, et commentateur zélé, Pierre Boutang, parlait, lui, de "l'âge héroïque" qui était celui qui attendait tous les Français qui lutteraient pour rétablir "l'ordre légitime et profond"...

    Place au texte...

    "...Voici, je crois, ce que dira l'Histoire. Au XVIIIème siècle, née pour une part de la Réforme, nourrie de nourritures anglaises et allemandes - et genevoises - une philosophie conquit la France. Cette philosophie, vivement soutenue par une Maçonnerie d'origine britannique, respectée par des rois que pénétrait dans leur Versailles un virus jusque là inconnu et qui trahirent ainsi leur mission, aboutit à la Révolution dite française et qui, de fait, avait un caractère universel.

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    Ce fut alors que commença le grand bouleversement. Car la Révolution ne se termina pas en 1799, elle se poursuivit, visible ou souterraine, jusqu'au premier bruit des grandes guerres planétaires qui marquent notre âge. Durant tout ce temps, les Restaurations ne furent qu'apparentes. Par deux courants, le courant proprement républicain que traduisent les trois Républiques, et le courant consulaire, figuré par les deux Napoléon, la Démocratie, parlementaire ou dictatoriale, recouvrit le siècle. La France y trouva sa juste agonie, car elle était la principale porteuse de germes, l'institutrice d'erreurs. D'où ses mille malheurs, le sang versé, les troubles, les déchirements, les invasions, jusqu'au suprême désastre et au recul décisif dans l'ordre des Nations.

    Rien n'y fit d'abord, et il semblait que la décadence fût fatale parce que personne ne voyait clair. Jusqu'au jour où un Provençal que sa surdité semblait séparer des hommes et qui, peut-être, trouva dans son infirmité le silence nécessaire à la concentration d'esprit que demandait une grande oeuvre, dénonça et nomma le Mal. Sa récompense fut la persécution, l'insulte et la prison. Il s'en fallut de peu qu'on ne lui donnât la mort.

    Sans doute, il n'était point seul, mais il fut le Maître et le Chef; les plus puissants de son école après lui, Bainville le reconnurent. Il se plaça en travers du courant. Il se refusa à reconnaître la pseudo-fatalité dont se gargarisaient les lâches et les sots. Il crut que la France, qui avait déterminé la tendance du monde moderne à la mort, pouvait renverser le mouvement, déterminer sa tendance à la vie. Reconquérir la France, tel fut son but...

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    Maurras nia donc les bases philosophiques de la Révolution : l'homme est naturellement bon, le progrès est indéfini; le paradis est sur terre. Il combattit l'individualisme romantique, romantisme et révolution étant tout un. Il s'acharna, dans tous les ordres de connaissance, à dissiper les nuées, surtout germaniques. Il opposa à l'anarchie qui qui s'étalait sur le beau corps de la Patrie la tradition française et l'ordre gréco-romain. Il s'affirma de tendance catholique, universelle si l'on préfère, et chanta la République chrétienne, ce qui lui permit de révérer et de faire révérer la Nation, habitat naturel de l'homme, et de combattre l'internationalisme créateur de ces troupeaux aveugles qui sont promis à l'abattoir. Il posa que ce qui comptait c'était l'ordre, l'arrangement, la qualité et non la quantité. Contre la volonté de puissance allemande, russe, américaine, il défendit le souci de la perfection.

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    Cependant, la Révolution, apaisée en France, débordait notre Patrie, renaissait toute neuve en Russie et, là-bas, comme chez nous, s'appuya sur la philosophie qui détermina 89. Maurras constata le lien étroit qui unissait les deux révolutions, l'illogisme qui amenait à se dresser contre les Soviets, les démocrates bourgeois apeurés, ces serviteurs de l'argent pour qui les oripeaux parlementaires étaient un commode paravent. Il suivit d'un oeil aigu le déroulement, en présence d'une France exsangue, désarmée, abattue, des batailles de la dernière guerre et souligna que ce conflit revenait revenait à celui de deux erreurs fondamentales, l'erreur démocratique, parlementaire ou non, représentée par les démocraties anglo-saxonnes et par la Russie des Soviets, et l'erreur hitlérienne ou totalitaire, renouvelée des deux Napoléon, et qui n'est ni plus ni moins mortelle que l'autre. Aussi l'entendit-on crier sur les toits : "La France ! La France seule !".

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    La mesure française ! L'ordre français ! La tradition française ! La France revenant à ses sources ! Tout l'essentiel de Maurras tient en ces formules simples et claires. Et ici, je crois retrouver le thème fondamental de Michel Mourre. Quelles sources ? Les sources chrétiennes. Car, que veut dire le christianisme quand il parle du péché originel, sinon qu'il est faux que l'homme soit naturellement bon ? Et ne sommes-nous pas obligés de souligner son refus de tenir le progrès pour indéfini, son refus d'admettre la grossière formule du Paradis sur la terre (et cet idéalisme est à définir, et suppose plusieurs définitions, mais, en tout cas, il s'oppose au matérialisme révolutionnaire et soviétique).

    En ce temps-là, au bout de cinquante ans de luttes, Maurras fut vaincu (temporellement vaincu). Comment ne l'aurait-il pas été ? Il avait contre lui, au moment de son procès, les totalitaires de Moscou, les puritains anglo-saxons, les Allemands de tout poil, les "collaborateurs" de Paris pour l'heure réduits à tien et les dissidents de Londres, pour l'heure au pinacle. Toutes les anciennes valeurs étaient à bas, et partout. Toutes, sauf les valeurs chrétiennes et particulièrement catholiques, elles-mêmes cependant menacées, ébranlées, l'Église dans ce désordre, les lèvres encore scellées, attendant l'heure de parler. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que Maurras le Sourd ait, sur ses derniers moments, entendu, comme il l'a dit, "Quelqu'un" venir. Là-dessus, sans doute, le mieux est de se taire, mais il ne me déplaît pas, qu'au dernier moment, ce gréco-romain, ce catholique de la porte ait eu un mouvement d'amour pour une Rome, la seconde, si proche de la première, et qu'il avait toujours respectée.

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    Je ne parle ici - on m'entend - que de l'Église dans son ampleur impériale. Je sais les méfiances que Maurras avait pour l'Orient, mais je sais aussi que la démarche qui poussa quelques juifs baptisés, mais encore marqués dans leur chair par les vieux rites d'Israël et à peine dégagé des synagogues, depuis Jérusalem jusqu'à Rome en passant par Antioche, suit bien, à travers la Grèce et l'Italie, les bornes militaires romaines. Je n'oublie pas que le Christ, pour parler enfin de Lui, fut, dès le règne d'Auguste, par un concours de circonstances qu'il est permis de trouver heureux, marqué du sceau romain...

    ...il convenait que ce grand combat d'un héros contre un torrent d'idées, d'oeuvres et de têtes pensantes, fût rappelé par un homme appartenant à une génération dont beaucoup de membres sont morts à la tâche, parfois tout ensanglantés, ou bien ont été refoulés dans l'ombre par l'injustice de leurs contemporains et la violence des évènements. 

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    Retrouvez l'intégralité des textes constituant cette collection dans notre Catégorie

    "GRANDS TEXTES"...

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  • Grandes ”Une” de L'Action française : Charles Maurras élu à l'Académie française...

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

    Voici le lien donnant accès au numéro du vendredi 10 juin 1938 :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k767090w

     

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    (tiré de notre Éphéméride du 8 juin)

     

     

    1939 : Charles Maurras est reçu à l'Académie Française par Henry Bordeaux
     
     
    Il y avait été élu le 9 juin 1938.
     
    Il occupa le 16ème fauteuil, celui de Richelieu qu'occuperont après lui le Duc de Lévis Mirepoix, Léopold Sédar Senghor et Valéry Giscard d'Estaing...
     
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    Ci dessus, Charles Maurras en costume d'Académicien (Archives de l'Académie) et, ci dessous, Charles Maurras prononçant son discours (du site Maurras.net)
     
     
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    et
     
     
    À Marseille, on a dignement fêté l'évènement :
     

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     Dans notre Catégorie Documents pour servir à une histoire de l'URP, le troisième document relate la visite effectuée chez Charles Maurras, dans sa bastide du Chemin de Paradis, à Martigues, lors d'un des deux Camps de Capty, en 1978 et 1979 :
     

                               3. Au Camp de Capty, en 78 et 79 (2/2)...

                                 (suite et fin de la semaine précédente : )

     

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    J'avais prévenu Veziano, alors le gardien de la Maison (qui avait succédé à "l'historique" Vázquez), et celui-ci nous avait sorti le costume d'Académicien : sur la photo ci-dessus, nous sommes dans la chambre de Maurras, vous voyez au mur le bicorne et l'habit, le pantalon était posé à plat sur le lit; et je montre au groupe l'épée d'Académicien de Maurras...

    Pour ma part, originaire de Martigues par mon père (c'est à Martigues que reposent mes parents, dans notre caveau familial du cimetière Saint Joseph, à deux pas de la Maison de Maurras), je m'étais déjà rendu un très grand nombre de fois "chez Charles", comme disait mon grand-père Émile, l'un des neuf fondateurs de la section d'Action française de Martigues, dans les années 1910; mais pour ceux qui n'y étaient jamais venu (comme plusieurs des Bretons) ce fut un vrai moment de grande émotion que de voir cet habit, même si, bien sûr, personne ne s'est permis le moindre geste déplacé : quelques mains ont juste effleuré le pantalon, sur le lit, ou l'habit et le bicorne, sur le mur, pour en apprécier la beauté et la finesse du tissus, et la remarque générale fut celle - mais c'était connu - de la taille modeste de Maurras (physiquement s'entend !...)

    Bien sûr, visite intégrale du Jardin "qui s'est souvenu", de la Maison et tout et tout... et même de l'essentiel de la ville ! Bon moment, belle journée...

     

    Quelques mots sur l'épée de Maurras...

    L'épée d'académicien (détail)

    L'épée d'académicien (détail)

    Elle a été fabriquée, comme celle de Bainville, par Mellerio dits Meller, le plus ancien joaillier du monde.
    Charles Maurras a été élu à l’Académie française le 9 juin 1938.
    Financée par une souscription nationale, son épée lui fut offerte le 4 mars 1939, salle Wagram, par Charles Trochu, président du conseil municipal de Paris.
    Conçue par Maxime Real del Sarte, sa poignée représente Sainte Geneviève protégeant de ses mains un écu fleur de lysé posé à la proue d’une nef d’où se détache le chapiteau de pierre dit « bucrâne » qui orne la terrasse de la maison du Chemin de Paradis.
    Les vagues évoquent la vocation de marin à laquelle Charles Maurras dut renoncer à cause de sa surdité ; elles battent contre un mur de pierres surmonté de « merlons », semblables à ceux du mur grec de Saint Blaise, site archéologique proche de Martigues qui inspira profondément Maurras.
    La bastide du Chemin de Paradis, maison de famille de Charles Maurras, gardée par deux cyprès d’émeraudes, est encadrée par les armes de Provence et de Martigues, et surmontée d’un ciel où brille une Grande Ourse de diamants.
    Sur le revers se trouve le château de Versailles, flanqué des armes de France et de Versailles, et surmonté du bouclier d’Orion.
    Le fourreau de l’épée se termine par une petite amphore grecque.

    Cette épée fut remise le mercredi 19 février 2020 à l'Institut, entre les mains d'Hélène Carrère d'Encausse, par Nicole Maurras :

    https://www.politiquemagazine.fr/culture/le-grand-rire-de-limmortel/

     

    François Davin, Blogmestre

     

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    Pour lire les articles...

    Cliquez sur le lien menant à la "Une" du vendredi 10 juin 1938. En bas de page, une courte "barre de tâches" vous permet d'utiliser le zoom (tout à gauche de la barre) et de changer de page (flèche tout à doite); une fois appuyé sur "zoom", vous aurez, cette fois tout en haut de la page, une autre "barre de tâches" : en cliquant sur le "+", il ne vous restera plus, avec votre souris, qu'à vous promener sur la page, puis passer à la deuxième pour lire la suite... :

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  • Grandes ”Une” de L'Action française : de Gaulle, l'AF, Maurras (Première partie, 3/3)... de Gaulle nommé général, Maurra

    (retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")

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    Voici la "Une" de L'Action française du  lundi 3 juin 1940 :

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7678110/f1.image

    Daudet est "absent" de cette "Une" : on en a donné la raison hier : c'est Delebecque qui le remplace, dans "sa" colonne (la première)...

    Maurras consacre de nouveau et en totalité à de Gaulle, dont il parlait deux jours avant, le deuxième paragraphe de sa "Politique" (sous le titre "La réforme militaire"). C'est-à-dire un bon tiers de cette "Politique" : le bas de la troisième colonne et toute la quatrième; elle se poursuit en page deux, mais le 3ème et 4ème paragraphe (en tout 180 lignes) sont "censurés", et le 5ème parle d' "Un prêtre, un militant", qui peut enfin, après la levée des sanctions vaticanes, relire l'Action française...

    Maurras explique la raison pour laquelle il revient, deux jours après, sur le même sujet et la même personne,  dévoilant le "pourquoi" de sa discrétion "d'avant-hier"...

    Cliquez sur les images pour les agrandir...

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    Et, si vous souhaitez jeter un oeil sur la page deux, et ses "180 lignes censurées" des paragraphes III et IV de "La Politique", c'est ici (vous pouvez cliquer sur l'image pour l'agrandir, puis utiliser le zoom...):

    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7678110/f2.item.zoom

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    Quelques réflexions, maintenant, en guise de conclusion  - provisoire... - à ces trois "livraisons" de "Grandes "Une" " de mardi, mercredi et aujourd'hui...

    Il est avéré que la famille de Gaulle - tout comme celle de son excellent camarade Officier Leclerc, le libérateur de Paris - était catholique et royaliste, l'une et l'autre abonnées à L'Action française. Les sanctions vaticanes de 1926 interrompirent peut-être les abonnements, mais pas les opinions fondamentales, qui restèrent les mêmes, dans les deux familles (1). On l'a vu, de Gaulle dédicaça son premier ouvrage à Maurras et L'Action française fut le seul journal d'opinion à faire écho - et un écho très favorable - au troisième livre de de Gaulle : Vers l'Armée de métier. 

    Au printemps 1934, sous l'égide du Cercle Fustel de Coulanges, émanation de l’Action française, de Gaulle prononça une série de conférences à la Sorbonne. Quand, le premier juin de cette année 34, l'AF fit l'éloge de son livre, Le Populaire et Léon Blum craignirent la possibilité d'un coup d’État. De Gaulle écrira à Hubert de Lagarde, le chroniqueur militaire de L'Action française qui avait rédigé la note de lecture très favorable : "Monsieur Charles Maurras apporte son puissant concours à l'Armée de métier. Au vrai, il y a longtemps qu'il le fait par le corps de ses doctrines. Voulez-vous me dire s'il a lu mon livre que j'ai eu l'honneur de lui adresser au mois de mai ?" . Ce même Maurras qui écrivait, dans l'AF, parlant de de Gaulle : "Quelle confirmation de nos idées les plus générales sur l'armée !...".

    Et en 1940, on l'a vu aussi, la nomination au grade de Général de Charles de Gaulle provoqua la jubilation de Charles Maurras dans L'Action française des 1er et 3 juin, dans lesquelles Maurras qualifiait de Gaulle de "pénétrant philosophe militaire"  et expliquant qu'il était resté discret à son sujet pour ne pas le gêner : "Sa thèse nous paraissait suffisamment contraire à la bêtise démocratique pour ne pas ajouter à ces tares intrinsèques, la tare extrinsèque de notre appui. Mieux valait ne pas compromettre quelqu'un que, déjà, ses idées compromettaient toutes seules...".

    On sait que, dès la fondation du mouvement et du quotidien, Maurras et l'AF cherchèrent un appui important au sein de l'Armée. Daudet crut l'avoir trouvé en la personne du Général Mangin, dont il fit les plus vifs éloges et avec lequel il ne craignait pas de s'afficher publiquement. Malheureusement, Mangin mourut empoisonné, après un repas durant lequel il avait consommé des champignons ! Bizarre, bizarre... (dans notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet), voir la photo "Mangin, qui avait conçu l'État rhénan"

    Nous disons à dessein "bizarre" car il faut bien admettre que :

    1. Il y a eu beaucoup de Généraux dans l'Armée française;

    2. Il y a eu beaucoup de Généraux qui ont mangé des champignons;

    3. Mais il n'y a eu qu'un seul Général qui en ait mangé et qui en soit mort. Et - comme par hasard... - ce fut Mangin...

     

    Ce Général tant recherché aurait-il donc pu être - après le "curieux" décès de Mangin... - le Général de Gaulle ? On vient de voir par les trois extraits que nous venons de donner que, jusqu'en 40, cela était parfaitement envisageable et possible.

    C'est juste après les articles des premier et trois juin que nous avons cités, lorsque "la drôle de guerre" eut pris fin, et à partir du 22 juin 40, après que Pétain eut demandé et signé l'armistice, que le contexte des rapports amicaux AF/de Gaulle, favorable à l'AF et, en tout cas, prometteurs, se retourna spectaculairement, et dramatiquement, pour évoluer de la façon que l'on sait...

    Bien longtemps après, le 13 mai 1958, encore, à Jean-Baptiste Biaggi - qui lui faisait l'éloge de Maurras - de Gaulle admit parfaitement cet éloge, regrettant cependant que Maurras l'eût "critiqué" (doux euphémisme !) : "Aussi bien, je n’ai jamais rien dit contre lui. Que ne m’a-t-il imité !"

    (1) : Les témoignages sont nombreux attestant de la permanence des idées traditionnalistes chez De Gaulle. Il a reconnu, devant Christian Pineau, qu’il avait été inscrit à l’Action française, et devant Claude Guy qu'il n'aimait pas la Révolution française : "À entendre les républicains, la France a commencé à retentir en 1789 ! Incroyable dérision : c'est au contraire depuis 1789 que nous n'avons cessé de décliner..."; devant Alain Peyrefitte son peu d'enthousiasme pour la république : "Je n'aime pas la république pour la république..." et qu'un roi pourrait être utile à la France : "Ce qu'il faudrait à la France, c'est un roi...". Et c'est Maurice Schumann, porte-parole de la France libre, qui prête à de Gaulle la formule : "Maurras est devenu fou à force d'avoir raison."...

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    Pour lire les articles...

    En bas de page, une courte "barre de tâches" vous permet d'utiliser le zoom (tout à gauche de la barre) et de changer de page (flèche tout à droite); une fois appuyé sur "zoom", vous aurez, cette fois tout en haut de la page, une autre "barre de tâches" : en cliquant sur le "+", il ne vous restera plus, avec votre souris, qu'à vous promener sur la page, puis passer à la deuxième pour lire la suite...

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  • En CD : quinze textes ou poèmes de Maurras, ou autour de Maurras...

    Bientôt les Fêtes ! Pensez-y dès maintenant : bien qu'on puisse évidemment faire plaisir toute l'année, pourquoi ne pas imaginer dès maintenant offrir (et s'offrir à soi-même...) un beau cadeau, un cadeau intelligent, propre à élever l'esprit et les sentiments....

    A commander, pour la modique somme de dix euros à l'Association des Amis de la Maison du Chemin de Paradis :

    l'A.A.M.C.D.P. - 97 Boulevard Malesherbes, 75008 Paris.

    (chèques à libeller au nom de "AAMCDP") 

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  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Maurras condamné...

    1945 : Maurras condamné...

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    Maurras, avec Bainville, Daudet et toute l'Action française, suivie par les patriotes français de tous bords et par les militaires, demandait la seule chose qui garantissait la paix : le démembrement de l'Allemagne, dont l'unité n'avait que... 48 ans.

    Mais le Système, et Clemenceau, haïssaient le catholicisme et étaient pénétré par la prussophilie qui remonte aux Encyclopédistes, pères de la Révolution. Ennemis contraints des Allemands du Kaiser, ces insensés pensèrent que la "démocratie" suffirait à calmer l'Allemagne de ses démons.

    Ils démembrèrent donc l'Empire catholique austro-hongrois, qui pouvait nous aider, être un allié précieux et un contre-poids aux velléités belliqueuses de la masse germanique; et ils laissèrent intacte l'Allemagne, humiliée et revancharde.

    C'est la guerre pour dans vingt ans, menée par un parti social-nationaliste, prévenait Bainville, dans les colonnes de L'Action française : il ne se trompait que d'un an (1939 au lieu de 1938) et que dans l'ordre des mots : Hitler fonda le parti national-socialiste (Nazionalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei) d'où vient l'abréviation "nazi"...

    Moyennant quoi, après nous avoir "donné" Hitler, Clemenceau mourut honoré par la République, laquelle nous "donna" le plus grand désastre de notre Histoire (après la Révolution), puis se permit de condamner celui qui avait alerté, qui avait tout prévu, tout annoncé !...

     

     

    Le 28 janvier 1945, la cour de justice de Lyon déclare Maurras coupable de haute trahison et d'intelligence avec l'ennemi et le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale.

    Pour "Intelligence avec l'ennemi" ! : or, c'est bien  "la seule forme d’intelligence que Maurras n’ait jamais eue", comme l'a si bien dit François Mauriac, qui n’était pourtant pas de ses amis politiques...

    Le Parti communiste étant la plus puissante et la plus structurée des forces constituant, alors, le courant révolutionnaire, c'est lui qui fut le principal meneur de cette "re-Terreur" (comme dirait Daudet) que fut la sinistre Épuration.

    Or, L'Action française a été la première à dénoncer "l'énergumène Hitler", "le monstre", "le Minotaure", alors que le Parti communiste s'est plié aux injonctions de Moscou à la signature du Pacte de non agression germano-soviétique (du 23 août 1939 au 22 juin 1941) : Maurice Thorez passa du reste, confortablement, la guerre à Moscou, du 8 novembre 39 à son retour en France, le 24 novembre 44. Ce fut la raison pour laquelle L'Humanité fut interdite en 1939, pendant près de deux ans (voir l'Éphéméride du 25 août et l'Éphéméride du 28 août)

    Le Parti communiste changea, évidemment, d'attitude après l'attaque de l'URSS par Hitler; mais - quand on connaît l'Histoire - on comprend mieux la violence, en 44, de ceux qui avaient des choses à faire oublier...

    Condamner Maurras pour "intelligence avec l'ennemi", c'était - et cela reste, tant que la condamnation n'est pas annulée... -  rien moins que faire condamner les premiers "résistants" par les premiers "collabos"...

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    Dans le jardin de sa maison de Martigues, directement apposée sur l'angle de la maison, côté ouest, une stèle "répond" "à l'infâme verdict du 27 Janvier 1945".

    On y lit "la lettre historique écrite, à l'automne de 1944, par le Président du Conseil de nos Prud'hommes Pêcheurs" :

     



    Communauté des Patrons-Pêcheurs de Martigues.

    Martigues, le 16 Octobre 1944.

    Nous, Conseil des Prud'hommes pêcheurs des quartiers maritimes de Martigues, représentant 700 pêcheurs, attestons que notre concitoyen Charles Maurras a, depuis toujours et jusqu'à son incarcération, faisant abstraction de toute opinion politique, fait entendre sa grande voix pour la défense des intérêts de notre corporation.
    Par la presse, il a attaqué les trusts et les autres grands profiteurs, ainsi que certaines administrations qui voulaient nous brimer.

    Pour le Conseil des Prud'hommes, le Président Dimille. 

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    Face au théâtre, la Prudhommie des Pêcheurs de Martigues

     

    Voir - publié sur Boulevard Voltaire - la mise au point éloquente de Laure Fouré, juriste et fonctionnaire au Ministère des finances et d'Eric Zemmour :

    Oui, l'Action française a toujours été anti nazi

     

    Mais c'était le temps de la sinistre Epuration, qui ne fut rien d'autre qu'une vulgaire - mais sanglante - "re-Terreur" (l'expression est de Léon Daudet), qui dénatura et souilla d'une tâche indélébile la libération du territoire national, et dont l'un des grands "maîtres" (!) fut le non moins sinistre Aragon (voir l'Éphéméride du 11 mai, sur la Dévolution des Biens de presse)...

     

     

    A cette inique condamnation, Maurras réagira en Sage, et composera son splendide poème :

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    Où suis-je ? (voir l'Éphéméride du 3 février)

  • GRANDS TEXTES (21) : Amis ou Ennemis ?, de Charles Maurras.

    (Texte paru pour la première fois le 23 septembre 1901 dans la Gazette de France, puis repris en 1931 dans le recueil Principes, en 1937 dans Mes idées politiques, et enfin dans les Œuvres capitales).

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    Les philosophes traditionnels refusent constamment de parler des hommes autrement que réunis en société. Il n'y a pas de solitaire. Un Robinson lui-même était poursuivi et soutenu dans son île par les résultats innombrables du travail immémorial de l'humanité. L'ermite en son désert, le stylite sur sa colonne ont beau s'isoler et se retrancher, ils bénéficient l'un et l'autre des richesses spirituelles accumulées par leurs prédécesseurs ; si réduit que soit leur aliment ou leur vêtement, c'est encore à l'activité des hommes qu'ils le doivent. Absolument seuls, ils mourraient sans laisser de trace. Ainsi l'exige une loi profonde, qui, si elle est encore assez mal connue et formulée, s'impose à notre espèce d'une façon aussi rigoureuse que la chute aux corps pesants quand ils perdent leur point d'appui, ou que l'ébullition à l'eau quand on l'échauffe de cent degrés.

     

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    Saint Siméon le stylite

               

     

    L'homme est un animal politique (c'est-à-dire, dans le mauvais langage moderne, un animal social), observait Aristote au quatrième siècle d'avant notre ère. L'homme est un animal qui forme des sociétés ou, comme il disait, des cités, et les cités qu'il forme sont établies sur l'amitié. Aristote croyait en effet que l'homme, d'une façon générale et quand toutes choses sont égales d'ailleurs, a toujours retiré un plaisir naturel de la vue et du commerce de son semblable. Tous les instincts de sympathie et de fréquentation, le goût du foyer et de la place publique, le langage, les raffinements séculaires de la conversation devaient sembler inexplicables si l'on n'admettait au point de départ l'amitié naturelle de l'homme pour l'homme.

     

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    Aristote: L'Homme est un animal social...

               

     

    — Voilà, devait se dire ce grand observateur de la nature entière, voilà des hommes qui mangent et qui boivent ensemble. Ils se sont recherchés, invités pour manger et boire, et il est manifeste que le plaisir de la compagnie décuple la joie de chacun. Cet enfant-ci s'amuse, mais il ne joue vraiment que si on lui permet des compagnons de jeux. Il faut une grande passion comme l'avarice ou l'amour pour arracher de l'homme le goût de la société. Encore son visage porte-t-il la trace des privations et des combats qu'il s'est infligés de la sorte. Les routes sont devenues sûres ; cependant les charretiers s'attendent les uns les autres pour cheminer de concert, et ce plaisir de tromper ensemble l'ennui est si vif que l'un en néglige le souci de son attelage, l'autre l'heure de son marché. La dernière activité des vieillards dont l'âge est révolu est d'aller s'asseoir en troupe au soleil pour se redire chaque jour les mêmes paroles oiseuses. Tels sont les hommes dans toutes les conditions. Mais que dire des femmes ? Leur exemple est cependant le plus merveilleux car toutes se détestent et passent leur vie entière à se rechercher. Ainsi le goût de vivre ensemble est chez elles plus fort que cet esprit de rivalité qui naît de l'amour.

    Les pessimistes de tous les temps ont souvent contesté à Aristote son principe. Mais tout ce qu'ils ont dit et pensé a été résumé, vingt siècles après Aristote, par l'ami et le maître de Charles II Stuart, l'auteur de Léviathan, le théoricien de la Monarchie absolue, cet illustre Hobbes auquel M. Jules Lemaître aime trop à faire remonter les idées de M. Paul Bourget et les miennes sur le caractère et l'essence de la royauté.

     

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    Thomas Hobbes

               

     

    Hobbes a devancé les modernes théoriciens de la concurrence vitale et de la prédominance du plus fort. Il a posé en principe que l'homme naît ennemi de l'homme, et cette inimitié est résumée par lui dans l'inoubliable formule : l'homme est à l'homme comme un loup. L'histoire universelle, l'observation contemporaine fournissent un si grand nombre de vérifications apparentes de ce principe qu'il est presque inutile de les montrer.

    — Mais, dit quelqu'un, Hobbes est un pessimiste bien modéré ! Il n'a point l'air de se douter qu'il charge d'une calomnie affreuse l'espèce des loups lorsqu'il ose la comparer à l'espèce des hommes. Ignore-t-il donc que les loups, comme dit le proverbe, ne se mangent jamais entre eux ? Et l'homme ne fait que cela. 

    L'homme mange l'homme sans cesse. Il ne mange que de l'homme. L'anthropophagie apparaît aux esprits superficiels un caractère particulier à quelques peuplades, aussi lointaines que sauvages, et qui décroît de jour en jour. Quel aveuglement ! L'anthropophagie ne décroît ni ne disparaît, mais se transforme.

    Nous ne mangeons plus de la chair humaine, nous mangeons du travail humain. À la réserve de l'air que nous respirons, y a-t-il un seul élément que nous empruntions à la nature et qui n'ait été arrosé au préalable de sueur humaine et de pleurs humains ? C'est seulement à la campagne que l'on peut s'approcher d'un ruisseau naturel ou d'une source naturelle et boire l'eau du ciel telle que notre terre l'a distillée dans ses antres et ses rochers. Le plus sobre des citadins, celui qui ne boit que de l'eau, commence à exiger d'une eau particulière, mise en bouteille, cachetée, transportée et ainsi témoignant du même effort humain que le plus précieux élixir. L'eau potable des villes y est d'ailleurs conduite à grands frais de captation et de canalisation. Retournez aux champs, cueillez-y une grappe ou un fruit ; non seulement l'arbre ou la souche a exigé de longues cultures, mais sa tige n'est point à l'état naturel, elle a été greffée, une longue suite de greffages indéfinis ont encore transformé, souvent amélioré, le bourgeon greffeur. La semence elle-même, par les sélections dont elle fut l'objet, porte dans son mystère un capital d'effort humain. En mordant la pulpe du fruit, vous mordez une fois encore au travail de l'homme.

     

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    "Existe-t-il une poésie des paysages lunaires ? - demande, ingénument, Jacques Bainville -. Si elle existe, elle est bien pauvre...".
    C'est, en effet, en grande partie, l'Homme qui fait et qui a fait la beauté de la Nature, de la Création qui lui fut confiée...

               

     

    Je n'ai pas à énumérer toutes les races d'animaux qui ont été apprivoisées, domestiquées, humanisées, pour fournir à la nourriture ou au vêtement des humains. Observez cependant que ces ressources qui ne sont pas naturelles doivent recevoir un second genre d'apprêt, un nouveau degré d'humanisation (pardon du barbarisme) pour obtenir l'honneur de nous être ingérées. Il ne suffit pas de tondre la laine des brebis, il faut que cette laine soit tissée de la main diligente de la ménagère ou de la servante. Il ne suffit pas d'abattre la viande, ou de la découper ; c'est une nécessité universelle de la soumettre au feu avant de la dévorer : travail humain, travail humain. On retrouve partout cet intermédiaire entre la nature et nos corps.

    Non, les loups ne se mangent pas de cette manière ! Et c'est parce que le loup ne mange pas le travail du loup qu'il est si rarement conduit à faire au loup cette guerre qui est de nécessité chez les hommes. Le loup trouve dans la nature environnante ce que l'homme est forcé de demander à l'homme. La nature est immense, ses ressources sont infinies ; le loup peut l'appeler sa mère et sa bonne nourrice. Mais les produits manufacturés, les produits humanisés, ceux que l'homme appelle ses biens, sont en nombre relativement très petit ; de là, entre hommes, une rivalité, une concurrence fatales. Le festin est étroit ; tout convive nouveau sera regardé de travers, comme il verra d'un mauvais œil les personnes déjà assises.

    Mais l'homme qui survient n'apparaît pas à l'homme qui possède déjà comme un simple consommateur dont l'appétit est redoutable ; c'est aussi un être de proie, un conquérant éventuel. Produire, fabriquer soi-même est sans doute un moyen de vivre, mais il est un autre moyen, c'est ravir les produits de la fabrication, soit par ruse, soit par violence. L'homme y a souvent intérêt, en voici un grand témoignage : la plupart de ceux qui ne sont ni voleurs ni brigands passent leur vie à craindre d'être brigandés ou volés. Preuve assurée que leur réflexion personnelle, leur expérience, la tradition et la mémoire héréditaire s'accordent à marquer l'énergie toujours subsistante des instincts de rapine et de fraude. Nous avons le génie de la conquête dans le sang.

     

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    Homo homini lupus 
    Proverbe latin populaire rapporté par Plaute (184 après JC) dans son Asinaria, et repris par Hobbes ("Man is a wolf to man")
     dans son "De cive, Epistola dedicatoria".
     
     
     
     
               
    L'homme ne peut voir l'homme sans l'imaginer aussitôt comme conquérant ou conquis, comme exploiteur ou exploité, comme victorieux ou vaincu, et, enfin, pour tout dire d'un mot, comme ennemi. Aristote a beau dire que l'homme est social ; il ne serait pas social s'il n'était industrieux, et les fruits de son industrie lui sont si nécessaires ou si beaux qu'il ne peut les montrer sans être maintes fois obligé de courir aux armes. La défense de ces biens ou leur pillerie, c'est toute l'histoire du monde.

    Il y a une grande part de vérité dans le discours des pessimistes qui enchérissent de la sorte sur Hobbes et sur les siens. Je voudrais qu'on se résignât à admettre comme certain tout ce qu'ils disent et qu'on ne craignît point d'enseigner qu'en effet l'homme pour l'homme est plus qu'un loup ; mais à la condition de corriger l'aphorisme en y ajoutant cet aphorisme nouveau, et de vérité tout aussi rigoureuse, que pour l'homme, l'homme est un dieu.

    Oui, l'industrie explique la concurrence et la rivalité féroces développées entre les hommes. Mais l'industrie explique également leurs concordances et leurs amitiés. Lorsque Robinson découvrit, pour la première fois, la trace d'un pied nu, imprimée sur le sable, il eut un sentiment d'effroi, en se disant selon la manière de Hobbes : « Voilà celui qui mangera tout mon bien, et qui me mangera… » Quand il eut découvert le faible Vendredi, pauvre sauvage inoffensif, il se dit : « Voilà mon collaborateur, mon client et mon protégé. Je n'ai rien à craindre de lui. Il peut tout attendre de moi. Je l'utiliserai.… »

    Et Vendredi devient utile à Robinson, qui le plie aux emplois et aux travaux les plus variés. En peu de temps, le nouvel habitant de l'île rend des services infiniment supérieurs à tous les frais matériels de son entretien. La richesse de l'ancien solitaire se multiplie par la coopération, et lui-même est sauvé des deux suggestions du désert, la frénésie mystique ou l'abrutissement. L'un par l'autre, ils s'élèvent donc et, si l'on peut ainsi dire, se civilisent.

     

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    Le cas de Robinson est trop particulier, trop privilégié, pour qu'on en fasse jamais le point de départ d'une théorie de la société. La grande faute des systèmes parus au dix-huitième siècle a été de raisonner sur des cas pareils. Nous savons que, pour nous rendre compte du mécanisme social, il le faut observer dans son élément primitif et qui a toujours été la famille. Mais c'est l'industrie, la nécessité de l'industrie qui a fixé la famille et qui l'a rendue permanente. En recevant les fils et les filles que lui donnait sa femme, l'homme sentait jouer en lui les mêmes instincts observés tout à l'heure dans le cœur de Robinson: « Voilà des collaborateurs, des clients et des protégés. Je n'ai rien à craindre d'eux. Ils peuvent tout attendre de moi. Et le bienfait me fera du bien à moi-même. » Au fur et à mesure que croissait sa famille, le père observait que sa puissance augmentait aussi, et sa force, et tous ses moyens de transformer autour de lui la riche, sauvage et redoutable Nature ou de défendre ses produits contre d'autres hommes.

    Observez, je vous prie, que c'est entre des êtres de condition inégale que paraît toujours se constituer la société primitive. Rousseau croyait que cette inégalité résultait des civilisations. C'est tout le contraire ! La société, la civilisation est née de l'inégalité. Aucune civilisation, aucune société ne serait sortie d'êtres égaux entre eux. Des égaux véritables placés dans des conditions égales ou même simplement analogues se seraient presque fatalement entre-tués. Mais qu'un homme donne la vie, ou la sécurité, ou la santé à un autre homme, voilà des relations sociales possibles, le premier utilisant et, pourquoi ne pas dire « exploitant » un capital qu'il a créé, sauvé ou reconstitué, le second entraîné par l'intérêt bien entendu, par l'amour filial, par la reconnaissance à trouver cette exploitation agréable, ou utile, ou tolérable.

     

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    La Civilisation créerait l'inégalité ? C'est tout le contraire:
  • A la découverte de l'homme Maurras : la quatrième stèle...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Aujourd'hui : La quatrième stèle...

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    (illustration : l'étoile "à sept rayons", choisie par Mistral comme enmblème du Félibrige).



    La quatrième stèle voulue par Muarras rappelle "une innocente soirée de poésie vécue le 9 septembre 1943" que Maurras raconte, sobrement, ainsi:


    "Dans la soirée du 9 Septembre 1943..... les rédacteurs de Latinité, félibres qui venaient de Maillane, Paris, Lyon, Orléans, les Charentes, le Vivarais, Avignon, Montpellier, Nîmes, Arles, Marseille et le Nizard ont rencontré leurs camarades de Martigues et répandu les vers éternels de Mistral sur une pierre neuve, au flanc de la vieille maison."



    Ce fut le dernier des 9 Septembre que Maurras devait passer en liberté !

    Ensuite, avec la sinistre épuration - vulgaire re-Terrreur qui dénatura et souilla la libération du sol national... - ce sera l'arrestation, l'inique et scandaleux procès, l'injuste condamnation - comme Socrate ! - et la mort, non pas en prison mais presque, loin de son "Martigues plus beau que tout"...


    "Quelles belles heures nocturnes !" écrit-il, évoquant d'une façon particulièrement émouvante la récitation de ces vers "où le meilleur de nous subsiste quand le matériel disparaît tout entier"...

    lafautearousseau

  • Hommage opportun de Jacques Bainville à Charles Maurras

     

    XVM6ccf6ac0-0414-11e8-b81b-18ee966ba3e1.jpgTimon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l'ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l'opinion et par les lois instituées au hasard.»

    Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui auront eu le privilège d'être de ses amis auront connu son coeur intrépide.

    Ils auront connu encore la lumière de son esprit. Comme Cicéron le disait de Carnéade : « Jamais il ne soutint une thèse sans la faire triompher. Jamais il n'attaqua une doctrine sans la détruire. » Ainsi Maurras aura paru pour enseigner son siècle. Ainsi de ses flèches rapides, il aura percé les « nuées ».

    Dur aux erreurs, ce dialecticien invincible est indulgent aux hommes. A tous, son génie prête quelque chose de ses richesses. Leibniz ne méprisait presque rien. Maurras ne méprise personne. Le plus humble s'en va, comme le plus orgueilleux, pénétré de son intelligence et de sa bonté, parce qu'il sait, chez tous, faire jaillir l'étincelle divine. Et par là, il est encore un très grand poète. 

    Quand j'aurai ajouté que nul moins que lui ne tient aux honneurs et aux biens de ce monde et qu'il ne place rien au-dessus des idées, on saura que nous avons parmi nous un sage de la Grèce.  

    J'ai lu beaucoup d'études sur Maurras. Aucune ne m'a satisfait complètement. J'indiquerai seulement aux chercheurs qu'ils n'entendront sa pensée, qu'ils ne la cerneront et ne la pénétreront que s'ils remontent jusqu'à Dante.

    Je ris beaucoup quand je vois traiter Maurras comme un monsieur ordinaire... On est prié de ne pas s'adresser au concierge mais à l'altissime

    Qu'on se rappelle aussi que le désintéressement de Maurras est absolu. C'est une de ses forces. Il ne recherche pas l'argent, pas même la gloire littéraire. Il aurait pu s'assurer une existence tranquille et agréable, et il ne craint pas de s'exposer à la prison. Quand on est un gouvernement, il est incommode d'avoir un homme pareil contre soi. Maurras ne vit que pour ses idées et on n'a aucune prise sur lui; Henri Vaugeois appelait Mauras le noûs, l'esprit pur. C'est sa définition la plus vraie.  

     

    Préface de l'ouvrage collectif Charles Maurras : Études, portraits, documents, biographies. Editions de la revue Le Capitole, Paris, 1925

  • ”Maurras: le chaos et l'ordre”, de Stéphane Giocanti.

                On nous demande d'où (et de qui...) vient l'expression Maurras est un "continent"....

                Il s'agit d'une expression -fort heureuse au demeurant- employée par Stéphane Giocanti, auteur du volumineux Maurras : le chaos et l'ordre (Flammarion, 575 pages, 26 euros).

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                En guise de réponse à votre question, nous vous avons préparé une sorte de mini dossier, contenant:
                - le résumé qu'en donne l'éditeur;
                - l'enregistrement des 27 minutes (consultable sur Dailymotion) pendant les quelles Stéphane Giocanti parle de Maurras et de son ouvrage, sur France inter;
                - une note de lecture, par Olivier Tort.

    1) Résumé de l'éditeur :

     

                      En 1932, Jean Paulhan écrit qu'un jeune homme désireux de s'engager politiquement n'a de véritable choix qu'entre Karl Marx et Charles Maurras : alternative inconcevable aujourd'hui, tant Maurras incarne à nos yeux une France du passé, haineuse et coupable. Comment, pourtant, occulter la vie et l'oeuvre de cet homme, sans lesquelles le XXe siècle demeure largement incompréhensible ? Il y a le Provençal monté tout jeune à Paris, dont les idées fédéralistes sont saluées à gauche comme à droite; il y a le héraut du royalisme, fondateur de l'Action française au tournant du siècle, défenseur du catholicisme, mais agnostique lui-même; il y a le journaliste polémiste antisémite et antidreyfusard, hostile au nazisme dès 1923; il y a le critique littéraire, qui salua en Proust, auteur inconnu des "Plaisirs et des Jours", un écrivain exceptionnel; il y a le poète et prosateur, que Gide, Colette, Valéry et tant d'autres mettaient au pinacle de la littérature française... Il y a aussi, bien moins connu, un Maurras bon vivant, épris des femmes et nourri de culture antique.

     

    2) Stéphane Giocanti sur France Inter (27 minutes):

                       http://www.dailymotion.com/video/xpeyh_charles-maurras_news

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    Stéphane Giocanti

     

    3) La note de lecture d'Olivier Tort :

    L’importance de Maurras dans la vie politique et intellectuelle du XXe siècle français n’est plus à démontrer, et l’abondante production qui continue à lui être consacrée un demi-siècle après sa mort en témoigne. À la suite de Pierre Boutang, Yves Chiron, Jean Madiran ou encore Bruno Goyet, Stéphane Giocanti livre à son tour sa vision de l’homme Maurras.

    L’auteur, de formation et de culture littéraire, avait déjà fait connaître au public en 1995 sa thèse sur l’implication de Charles Maurras dans le mouvement félibrige. Après une étude consacrée à l’écrivain T.S. Eliot, il revient ici à son premier objet et tente cette fois de livrer un portrait total du « Maître » provençal dans une biographie construite en sept parties, selon un plan chronologique qui retrace toutes les étapes de la vie maurrassienne. 

    L’approche littéraire confère à cette biographie des qualités propres : l’analyse de la production en prose et en vers de Maurras est finement exposée, de même que les relations tissées au fil des ans par le chef de l’Action française dans le monde des lettres et de la culture. L’ouvrage constitue de ce point de vue un hommage réussi à l’écrivain et au critique reconnu que fut Maurras, héraut de la culture provençale - participant aux célèbres félibrées de Sceaux -, puis défenseur d’un néo-classicisme éclairé et original, ayant exercé une influence décisive sur des personnalités aussi différentes que Philippe Ariès, Georges Dumézil ou Maurice Blanchot.

    S’agissant des idées de Maurras, l’influence primordiale du courant positiviste de Comte, Taine et Renan est évoquée en détail. En revanche, il apparaît au fil des pages que la filiation traditionaliste et contre-révolutionnaire héritée d’un Maistre et d’un Bonald n’est que seconde chez Maurras, tant chronologiquement que philosophiquement, étant en outre fortement infléchie par la médiation préalable de Le Play ; une telle interprétation, qui accentue la modernité du royalisme maurrassien, apparaît convaincante, même s’il aurait été bon de rappeler l’existence d’un débat historiographique toujours vivant sur cette question. Stéphane Giocanti note également au passage la grande méfiance qu’inspire Chateaubriand à Maurras, exprimée avec éclat dans son essai Trois idées politiques (1898).

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    À l’inverse, on peut relever tout au long de l’existence maurrassienne la fréquentation de personnalités issues de vieilles familles s’étant jadis illustrées au service de la Restauration, depuis l’écrivain provençal Joseph d’Arbaud jusqu’au maréchal de France Louis Franchet d’Esperey ; cette imprégnation légitimiste n’altère pas au demeurant la loyauté de Maurras à l’égard des prétendants orléanistes successifs, en dépit des tensions récurrentes, puis de la rupture du comte de Paris avec l’Action française, définitive à compter de 1937. La brouille antérieure entre le duc d’Orléans et Maurras en 1910-1911 apparaît quant à elle minimisée et interprétée de manière un peu étroite par l’auteur.

    Les positions diplomatiques de Maurras sont longuement évoquées. L’ouvrage rend notamment compte de la germanophobie compulsive de Maurras (héritée semble-t-il d’un traumatisme remontant à la petite enfance), de l’espoir longtemps entretenu de brouiller Hitler et Mussolini, ou encore de la fascination pleine d’illusions à l’égard de Franco. Le biographe rappelle également l’abandon du bellicisme va-t-en guerre à l’égard de l’Allemagne dans la seconde moitié des années 1930, motivé par le retard pris par la France dans son réarmement ; la réaction de Maurras aux accords de Munich n’est toutefois pas explicitement mentionnée.

    En ce qui concerne l’analyse de Maurras comme acteur de la vie politique intérieure, l’ouvrage s’avère plus décevant, se situant nettement en retrait par rapport aux études sur l’Action française d’Eugen Weber et de Victor Nguyen, ou à la biographie d’Yves Chiron, dont l’érudition factuelle n’est ici pas égalée. Les polémiques de Maurras vis-à-vis des protestants, des francs-maçons et des étrangers auraient pu faire l’objet de développements plus substantiels. Surtout, les polémiques maurrassiennes à l’encontre des partis et mouvements politiques républicains donnent lieu à des évocations qui apparaissent relativement floues, sommaires ou schématiques, le biographe se contentant ici de narrer les épisodes les plus fameux ; le tournant important de 1919, qui voit l’Action française se jeter dans la lutte électorale, est néanmoins correctement rappelé et interprété.

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    Léon Daudet, Député de Paris de 1919 à 1924

    Le point de vue adopté par Stéphane Giocanti à l’égard de son personnage constitue un autre élément pouvant être sujet à discussion. On doit reconnaître à l’auteur le mérite de présenter un portrait apparemment pondéré et équilibré de Maurras, ce qui est à coup sûr délicat, s’agissant d’une personnalité aussi polémique. De manière plus nette que les précédents biographes (parfois disciples directs du « Maître » comme Boutang ou Madiran), Stéphane Giocanti prend très ostensiblement ses distances avec les aspects les plus sulfureux de Maurras, déplorant à maintes reprises son antisémitisme virulent, puis aussi l’attitude anti-résistante adoptée pendant l’Occupation, qui voisine avec une hostilité tout aussi vive à l’égard des collaborationnistes de Paris.

    Mais aux yeux de l’auteur, ces dérives ne constituent qu’une facette sombre, en partie aggravée par la sénescence, venant en contrepoint d’une existence et d’une œuvre créatrice admirables l’une et l’autre; l’ouvrage prend du coup fréquemment la forme d’un plaidoyer, potentiellement agaçant pour qui ne partage pas l’admiration du biographe. À l’en croire, les maurrassiens engagés dans la Résistance, assez nombreux, incarneraient par leur choix une fidélité à l’idéal légué, dont s’éloignerait le Maître déclinant; interprétation possible et séduisante, mais que pourront contester aussi bien les « purs » maurrassiens que les divers adversaires du maurrassisme.

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    Si la fidélité à l’héritage maurrassien apparaît de ce fait complexe et problématique, l’ouvrage donne aussi à réfléchir inversement sur l’image noire de Maurras, en suggérant de manière incidente des liens troubles entre le discours républicain de dénonciation et les règlements de compte internes à l’extrême droite. Ainsi est-il rappelé que le poème provençal composé par Maurras le 6 février 1934, périodiquement mentionné par l’historiographie républicaine comme le symbole d’un ridicule manque de sens politique de l’intéressé, est une anecdote montée en épingle au départ par Rebatet, déçu par la passivité du Maître. Plus encore, la mise en exergue récurrente de la fameuse « divine surprise » exprimée par Maurras dans un article de 1941, apparaît tributaire de l’interprétation préalable et biaisée de Marcel Déat, désireux de discréditer en pleine Occupation un rival politique abhorré.

    En suggérant ainsi la complexité et les zones d’ombre de chaque camp, maurrassien et anti-maurrassien, cette biographie amène opportunément à dépasser les commodités des clivages manichéens, et à approfondir son jugement, favorable ou hostile, à l’égard de cette figure intellectuelle marquante. En dépit de ses limites précédemment évoquées, l’ouvrage pourra donc être lu avec profit par l’historien du politique.