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GRANDS TEXTES (47) : Préface du "Charles Maurras" (de Michel Mourre), par Pierre Dominique (extraits)

 

C'est en 1953 - un an après la mort de Maurras - que Michel Mourre fit paraître son excellent ouvrage, sobrement intitulé : Charles Maurras. 144 pages, au format 11/18 : il s'agit d'un "grand petit livre", pour reprendre la façon de parler de Pierre Boutang, présentant comme "un immense petit livre" L'Avenir de l'Intelligence de Maurras (ouvrage lui aussi très court).

Treize ans plus tard, Jean de Fabrègues fit à son tour paraître son excellent Charles Maurras et son Action française. Dans un article paru dans Le Monde, le 26 novembre 1971, et intitulé La doctrine de Maurras, Gilbert Comte ne s'y était pas trompé :

"Excepté deux biographies assez dissemblables, mais excellentes, écrites par Michel Mourre en 1953 et Jean de Fabrègues treize ans plus tard, les études approfondies consacrées depuis la guerre à Charles Maurras nous sont généralement venues de l'étranger, grâce aux travaux du critique américain Léon S. Roudiez, de son compatriote l'historien Eugen Weber, ou du philosophe allemand Ernst Nolte. Trop de rancunes laissées par les controverses de la IIIe République, les blessures plus graves encore de Vichy, décourageaient des recherches aussi sereines dans notre pays."

Lutte de titans, Héros... : voilà bien des mots familiers aux connaisseurs de la mythologie gréco-romaine. La Préface de Pierre Dominique est bien l'hommage qu'il méritait rendu à l'homme-Héros Maurras et une "restitution", au sens étymologique du terme, de la vérité du Martégal, de la vérité sur ce que fut l'homme et son action titanesque, entreprise à partir, en gros, de sa trentième année.

En prenant deux siècles de recul - et de hauteur - Pierre Dominique remonte aux sources lointaines du Mal contre lequel se dressa Maurras : aux années 1750  (il écrit, lui, en 1953) époque où la secte des Encyclopédistes a semé en plein Paris, dans cette France de la douceur de vivre dont parlait Talleyrand les germes et semences de cette affreuse idéologie qui allait ensanglanter non seulement la France (avec le Génocide vendéen, le premier des Temps modernes) mais toute l'Europe et se propager jusqu'aux extrémités de la terre : l'Extrême-Orient, avec les fleuves de sang des tyrannies sanglantes de Mao, Ho Chi Minh, Pol Pot...; l'Afrique, et ses féroces dictatures marxistes-léninistes...; l'Amérique, avec les horreurs d'un Castro, d'un Che Guevara, d'un prétendu "Sentier lumineux"...

Oui c'est bien une lutte titanesque contre une idéologie qui ne l'était pas moins que Maurras a livré, à partir du jour où, comme il l'a dit lui-même, il est "entré en politique comme on entre en religion"

Il annonçait, dans L'Avenir de l'Intelligence, "l'âge de fer" dans lequel nous nous trouvons. Son disciple fidèle, et commentateur zélé, Pierre Boutang, parlait, lui, de "l'âge héroïque" qui était celui qui attendait tous les Français qui lutteraient pour rétablir "l'ordre légitime et profond"...

Place au texte...

"...Voici, je crois, ce que dira l'Histoire. Au XVIIIème siècle, née pour une part de la Réforme, nourrie de nourritures anglaises et allemandes - et genevoises - une philosophie conquit la France. Cette philosophie, vivement soutenue par une Maçonnerie d'origine britannique, respectée par des rois que pénétrait dans leur Versailles un virus jusque là inconnu et qui trahirent ainsi leur mission, aboutit à la Révolution dite française et qui, de fait, avait un caractère universel.

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Ce fut alors que commença le grand bouleversement. Car la Révolution ne se termina pas en 1799, elle se poursuivit, visible ou souterraine, jusqu'au premier bruit des grandes guerres planétaires qui marquent notre âge. Durant tout ce temps, les Restaurations ne furent qu'apparentes. Par deux courants, le courant proprement républicain que traduisent les trois Républiques, et le courant consulaire, figuré par les deux Napoléon, la Démocratie, parlementaire ou dictatoriale, recouvrit le siècle. La France y trouva sa juste agonie, car elle était la principale porteuse de germes, l'institutrice d'erreurs. D'où ses mille malheurs, le sang versé, les troubles, les déchirements, les invasions, jusqu'au suprême désastre et au recul décisif dans l'ordre des Nations.

Rien n'y fit d'abord, et il semblait que la décadence fût fatale parce que personne ne voyait clair. Jusqu'au jour où un Provençal que sa surdité semblait séparer des hommes et qui, peut-être, trouva dans son infirmité le silence nécessaire à la concentration d'esprit que demandait une grande oeuvre, dénonça et nomma le Mal. Sa récompense fut la persécution, l'insulte et la prison. Il s'en fallut de peu qu'on ne lui donnât la mort.

Sans doute, il n'était point seul, mais il fut le Maître et le Chef; les plus puissants de son école après lui, Bainville le reconnurent. Il se plaça en travers du courant. Il se refusa à reconnaître la pseudo-fatalité dont se gargarisaient les lâches et les sots. Il crut que la France, qui avait déterminé la tendance du monde moderne à la mort, pouvait renverser le mouvement, déterminer sa tendance à la vie. Reconquérir la France, tel fut son but...

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Maurras nia donc les bases philosophiques de la Révolution : l'homme est naturellement bon, le progrès est indéfini; le paradis est sur terre. Il combattit l'individualisme romantique, romantisme et révolution étant tout un. Il s'acharna, dans tous les ordres de connaissance, à dissiper les nuées, surtout germaniques. Il opposa à l'anarchie qui qui s'étalait sur le beau corps de la Patrie la tradition française et l'ordre gréco-romain. Il s'affirma de tendance catholique, universelle si l'on préfère, et chanta la République chrétienne, ce qui lui permit de révérer et de faire révérer la Nation, habitat naturel de l'homme, et de combattre l'internationalisme créateur de ces troupeaux aveugles qui sont promis à l'abattoir. Il posa que ce qui comptait c'était l'ordre, l'arrangement, la qualité et non la quantité. Contre la volonté de puissance allemande, russe, américaine, il défendit le souci de la perfection.

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Cependant, la Révolution, apaisée en France, débordait notre Patrie, renaissait toute neuve en Russie et, là-bas, comme chez nous, s'appuya sur la philosophie qui détermina 89. Maurras constata le lien étroit qui unissait les deux révolutions, l'illogisme qui amenait à se dresser contre les Soviets, les démocrates bourgeois apeurés, ces serviteurs de l'argent pour qui les oripeaux parlementaires étaient un commode paravent. Il suivit d'un oeil aigu le déroulement, en présence d'une France exsangue, désarmée, abattue, des batailles de la dernière guerre et souligna que ce conflit revenait revenait à celui de deux erreurs fondamentales, l'erreur démocratique, parlementaire ou non, représentée par les démocraties anglo-saxonnes et par la Russie des Soviets, et l'erreur hitlérienne ou totalitaire, renouvelée des deux Napoléon, et qui n'est ni plus ni moins mortelle que l'autre. Aussi l'entendit-on crier sur les toits : "La France ! La France seule !".

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La mesure française ! L'ordre français ! La tradition française ! La France revenant à ses sources ! Tout l'essentiel de Maurras tient en ces formules simples et claires. Et ici, je crois retrouver le thème fondamental de Michel Mourre. Quelles sources ? Les sources chrétiennes. Car, que veut dire le christianisme quand il parle du péché originel, sinon qu'il est faux que l'homme soit naturellement bon ? Et ne sommes-nous pas obligés de souligner son refus de tenir le progrès pour indéfini, son refus d'admettre la grossière formule du Paradis sur la terre (et cet idéalisme est à définir, et suppose plusieurs définitions, mais, en tout cas, il s'oppose au matérialisme révolutionnaire et soviétique).

En ce temps-là, au bout de cinquante ans de luttes, Maurras fut vaincu (temporellement vaincu). Comment ne l'aurait-il pas été ? Il avait contre lui, au moment de son procès, les totalitaires de Moscou, les puritains anglo-saxons, les Allemands de tout poil, les "collaborateurs" de Paris pour l'heure réduits à tien et les dissidents de Londres, pour l'heure au pinacle. Toutes les anciennes valeurs étaient à bas, et partout. Toutes, sauf les valeurs chrétiennes et particulièrement catholiques, elles-mêmes cependant menacées, ébranlées, l'Église dans ce désordre, les lèvres encore scellées, attendant l'heure de parler. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que Maurras le Sourd ait, sur ses derniers moments, entendu, comme il l'a dit, "Quelqu'un" venir. Là-dessus, sans doute, le mieux est de se taire, mais il ne me déplaît pas, qu'au dernier moment, ce gréco-romain, ce catholique de la porte ait eu un mouvement d'amour pour une Rome, la seconde, si proche de la première, et qu'il avait toujours respectée.

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Je ne parle ici - on m'entend - que de l'Église dans son ampleur impériale. Je sais les méfiances que Maurras avait pour l'Orient, mais je sais aussi que la démarche qui poussa quelques juifs baptisés, mais encore marqués dans leur chair par les vieux rites d'Israël et à peine dégagé des synagogues, depuis Jérusalem jusqu'à Rome en passant par Antioche, suit bien, à travers la Grèce et l'Italie, les bornes militaires romaines. Je n'oublie pas que le Christ, pour parler enfin de Lui, fut, dès le règne d'Auguste, par un concours de circonstances qu'il est permis de trouver heureux, marqué du sceau romain...

...il convenait que ce grand combat d'un héros contre un torrent d'idées, d'oeuvres et de têtes pensantes, fût rappelé par un homme appartenant à une génération dont beaucoup de membres sont morts à la tâche, parfois tout ensanglantés, ou bien ont été refoulés dans l'ombre par l'injustice de leurs contemporains et la violence des évènements. 

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