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  • ”Flic dans le 9.3” : ”Les délinquants ne veulent qu’une chose: tuer du flic”

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                               A l'heure où les médias se focalisent sur l'insécurité, où l'accent est mis sur les violences urbaines, en particulier en banlieue, un policier raconte et témoigne. L'ex-commandant de police Patrick Trotignon a passé 30 ans dans la police, dont 25 dans le 9.3. D'Aulnay-sous-Bois à Bobigny, il a assisté à la métamorphose de la banlieue, au passage d'une petite délinquance traditionnelle à une véritable criminalité organisée autour de l'économie souterraine de la drogue. Maintenant reconverti dans la formation et l’accompagnement d’officiers au syndicat Synergie-Officiers, il publie "Flic dans le 9.3" (1) et s'explique sur le Post.


              Pourquoi avez-vous arrêté?
              "J’étais écoeuré. J’avais l’impression d’être un ventilateur qui ne faisait que brasser de l’air. J’en pouvais plus d’être inutile. Il fallait faire du chiffre, compter les points, les 'bâtons' comme on dit, c’était la 'bâtonnite aiguë.' J’interpellais les gens, je lançais la procédure, et ceux que je venais d’interpeller étaient aussitôt remis en liberté. Je me demandais : 'Mais je sers à quoi ?'"

              Qu’est-ce qui vous pesait le plus?
              "L’impunité des jeunes délinquants dans les zones où la criminalité est présente, et le manque de respect. La police est de moins en moins respectée, et ça va crescendo. A Villiers-le-Bel ou Grigny, les jeunes tirent sur la police avec des fusils de chasse. Ils utilisent des balles Breneck pour sangliers ! C’est pas pour nous chatouiller…"

              Quelle est la délinquance actuelle dans le 93?
              "Elle a beaucoup changé et augmenté. On est passés d’une petite délinquance traditionnelle à une criminalité organisée, avec une économie souterraine et d’importants trafics de drogue. Au début de ma carrière, on était trois pour une interpellation dans la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois. Maintenant, c’est BAC, CRS,…sinon on se fait démolir. Aujourd’hui, les jeunes délinquants ne veulent plus seulement en découdre avec la police, ils veulent tuer du flic. Jusqu’où ça va aller? C’est ça qui me fait très peur. Jusqu’ici, les policiers maintiennent un sang-froid hors du commun, ils font un travail admirable."

              Les trafics de drogue ont réellement augmenté?
              "Oui. La délinquance a intégré la vie publique normale. Comment voulez-vous qu’un jeune qui gagne 2 ou 3 fois le SMIC en trafiquant accepte ensuite un boulot au SMIC? D’autant plus qu’il ne craint rien. C’est bien organisé. Sous les ordres des caïds, certains jeunes touchent par exemple 150 euros pour surveiller pendant une heure ou deux si la police arrive. Mais les délinquants des cités restent une minorité, c’est une poignée d’individus qui pollue la cité."

              Quel est le quotidien des policiers?
              "La pression augmente, et les conditions de travail sont beaucoup plus difficiles. On a des horaires de fous. Exemple : il est 18h30 et je finis mon service à 19h. Une affaire tombe, on m’amène un interpellé qui avait de la cocaïne dans sa voiture : garde à vue, scellé du véhicule, de la drogue, perquisition à préparer. Je rentre chez moi à minuit et je me lève à 5h pour être à 6h à la perquisition. La journée est longue, le midi je mange pas, pas le temps, et je veux respecter le délai de la garde à vue. Au final, j’ai bossé deux jours non-stop, et, une heure après, la personne est remise en liberté! C’est frustrant."

              D’où vient le problème de l’impunité?
              "Dans le 93, il y a un énorme problème : le tribunal de grande instance de Bobigny est le 2è de France, et le 1er pour le tribunal pour mineurs. En fin de procédure, quand j’appelle le substitut du procureur qui prend la suite du dossier, je peux attendre 2h30 au téléphone pour l’avoir! C’est pas possible. Il y a sûrement un manque d’effectif, une évolution des mentalités, et un fort dogmatisme de certains hauts placés."

    (1): Patrick Trotignon, "Flic dans le 93", éditions du Rocher, 154 pages, 17 euros.

  • Le regard vide: extraits n° 14/15/16

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    Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI, avons-nous dit, d’avoir écrit « Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne ». Et, en effet, il faut lire et relire ce livre, le méditer, en faire un objet de réflexion et de discussions entre nous. Il dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.  

     Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.

     C’est pourquoi nous publierons, ici, régulièrement, à compter d’aujourd’hui, et pendant un certain temps, différents extraits significatifs de cet ouvrage, dont, on l’aura compris, fût-ce pour le discuter, nous recommandons vivement la lecture.  

     

    -extrait n° 14 : pages 143/144.

                Qu’est-ce qui a permis à Montaigne de mettre en accusation « l’horreur barbaresque » des conquistadores espagnols qui avaient exterminé des peuplades entières et soumis les indiens à l’esclavage ? C’est la culture européenne, pénétrée chez l’auteur des Essais de lectures grecques, latines et chrétiennes, et non de mythes indigènes, qui l’a conduit à jeter un regard critique sur les violences de la colonisation. Si le terme de « barbarie » ne convient pas aux indiens quand nous les comparons aux européens, car ceux-ci  les surpassent, nous l’avons vu plus haut, en toute sorte de barbarie, nous pouvons cependant qualifier les uns et les autres de barbares « eu esgard aux règles de la raison ». C’est précisément parce que ces règles de la raison sont universelles, même si elles ont été exposées pour la première fois par la pensée européenne, qu’elles jugent de leur hauteur les injustices des hommes. Et cette raison parvient à assurer la défense de l’âme contre les séductions et les vertiges du mal. « Elle en est l’âme, et partie ou effect d’icelle : car la vraye raison est essentielle, de qui nous desrobons le nom a fauces enseignes, elle loge dans le sein de Dieu ; c’est là son giste et sa retraite, c’est de là qu’elle part quand il plaist a Dieu nous en faire voir quelque rayon, comme Pallas saillit de la teste de son père pour se communiquer au monde ».

    -extrait n° 15 : page 164.

                Le refus de l’Europe

                On comprend que Valéry, dans ses Regards sur le monde actuel ,ait fustigé « les misérables européens » dont la guerre fratricide avait précipité « le mouvement de décadence de l’Europe » (1). Après la seconde Guerre mondiale, Camus se montrera encore plus sévère envers « l’ignoble Europe » qui s’est enfoncée aveuglément dans « la nuit européenne » (2). La conclusion de L’Homme révolté sera sans appel : « Le secret de l’Europe, c’est qu’elle n’aime plus la vie ». Et si elle n’aime plus la vie, en stérilisant ses forces de création, c’est parce qu’elle a détourné son regard de l’Idée et de l’intuition des principes qui avaient fécondé sa culture.

    (1)     : P. Valéry, Regards sur le monde actuel (1931), Œuvres, tome II, pages 927 et 930.

    (2)     : A. Camus, L’Homme révolté, Essais, page 703. Actuelles, page 726.

     

    -extrait n° 16 : pages 167/168.

                Dénonçant avec vigueur «l’héritage fantasmatique de l’Europe », ce qui revient à abolir, avec cet héritage, l’ensemble des héritiers, Marc Crépon utilise un raisonnement qui associe systématiquement la tautologie à la contradiction. La tautologie, d’un côté, nous informe que « l’altérité c’est alors l’altération de l’identité » ; la contradiction, de l’autre, nous assure que « l’Europe se fait l’autre d’elle-même, ou encore devient étrangère à elle-même » (1). Sous ce brouillage altéritaire de l’identité se dissimule une constatation triviale : chaque culture est faite de rencontres avec d’autres cultures sous la forme d’emprunts, d’imitations et de traductions, ce que nul n’ignorait depuis Hérodote. Mais on nous impose en retour un brouillage identitaire de l’altérité. On ne peut en effet reconnaître des altérités à partir du déni d’une identité initiale qu’à la condition d’admettre que ces altérités possèdent elles-mêmes leur identité. Il faut bien qu’il y ait dans la vie des cultures comme dans la vie des hommes, sauf à se perdre dans une totale confusion, des identités vécues qui prennent conscience de ce qu’elles sont et par rapport auxquelles des altérités se définissent. Si je mets en doute l’identité de l’Europe chrétienne en la ramenant à son altérité musulmane à cause du rôle des Arabes dans la traduction des textes grecs et de leurs commentaires à l’époque médiévale, je reconnais par là même l’identité de la culture musulmane. A son tour, celle-ci tire son identité de son altérité avec la philosophie grecque dont elle a reçu les textes par l’intermédiaire des traductions syriaques. Nul ne saurait échapper, dans la culture concrète comme dans la logique abstraite, à la dualité constitutive du Même et de l’Autre. On aura beau exalter l’Altérité aux dépens de l’Identité, on ne réussira qu’à renforcer, en inversant les rôles, l’identité de la première au détriment de l’altérité de la seconde.

    (1)     : M. Crépon, Altérités de l’Europe, Paris, Galilée, 2006, page 117. Souligné par l’auteur.

     

     

    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

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  • En réponse à une question : ”Maurras a-t-il parlé de l'immigration ?”.... Non, bien sûr !....

               La réponse à votre question est, en effet, facile: non, cher lecteur (lectrice ?...), Maurras n'a jamais parlé de l'immigration durant sa longue carrière, et pour une raison bien simple: c'est que le phénomène nouveau -et absolument inédit dans notre histoire millénaire- que nous entendons aujourd'hui par immigration n'existait pas, à l'époque de Maurras; la question ne se posait pas: du moins, elle ne se posait pas dans les termes où elle se pose aujourd'hui....

                Une irruption de quinze millions d'étrangers en trente ans; deux habitants sur trois de la Seine-Saint-Denis d'origine étrangère; une bonne trentaine de villes françaises dans lesquelles l'immigration représente le tiers -et plus...- de la démographie; sans parler de la sur-délinquance qui va avec: voilà bien des réalités que Maurras n'a évidemment pas connues, et dont, forcément, il n'a pas pu parler (1)....

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    Il en a vu, des choses, dans sa vie, Maurras, mais "ça", au coeur de Paris, jamais....

                Les fameuses vagues migratoires qu'a connues notre pays au XXème siècle, auxquelles Maurras a assisté, et que manient mensongèrement les tenants du parti immigrationniste, n'avaient rien à voir, ni dans leur nombre, ni dans leur composition, avec la déferlante de populations africaines -maghrébines ou subsahariennes- que le Pays légal a organisée depuis les funestes décrets Chirac de 1975 (regroupement familial).

                Il s'agissait, avant la Première Guerre et entre les deux guerres, de populations européennes avec lesquelles nous avions -on nous pardonnera le néologisme, c'est pour faire court- les mêmes fondamentaux civilisationnels. Trop nombreuses d'un coup, et trop différentes par leurs moeurs et leur religion, les populations africaines d'aujourd'hui ne sont en effet en rien comparables aux populations européennes d'hier, venues en nombre bien inférieur, et avec des moeurs et coutumes compatibles.

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                L'assimilation de ces populations fut rapide, il n'y avait rien à redire à cela, et c'est la raison pour laquelle Maurras n'a rien dit...

                Il s'est, pourtant, montré plus fin et plus perspicace que bien d'autres.

                Voici un extrait d'un article de lui, dans l'Action française du 13 juillet 1926, à l'occasion de l'inauguration de la grande mosquée de Paris, lors de la visite du sultan du Maroc Moulay-Youssef (2). On y découvre un Maurras perspicace (il avait anticipé le réveil de l'Islam: "je ne crois pas que l'on puisse en douter..."); un Maurras respectueux -comme cet autre grand royaliste que fut Liautey- vis à vis des peuples musulmans (ces "nobles races...": on dirait, aujourd'hui, qu'il était non-raciste !...); un Maurras lucide et reconnaissant ("...auxquelles nous avons du un concours si précieux..."). Et qui jette sur ces populations un regard amical, voire admiratif, lorqu'il évoque "les très belles robes de nos visiteurs marocains", de "ces majestueux enfants du désert"...

                Mais aussi, et malgré tout, un Maurras inquiet parce que, justement, perspicace, et bien plus fûté que bien d'autres, qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Ne sollicitons pas trop les textes, en cherchant à leur faire dire ceci ou cela. Mais, pourtant, n'y a-t-il pas un solide avertissement, qui ressemble à s'y méprendre à de la prémonition, dans les lignes qui suivent ? Et Maurras n'y apparaît-il pas visionnaire ? : 

                "Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon.... s'il y a un réveil de l'Islam, et je ne crois pas que l'on puisse en douter, un trophée de la foi coranique sur cette colline Sainte Geneviève où tous les plus grands docteurs de la chrétienté enseignèrent contre l'Islam représente plus qu'une offense à notre passé: une menace pour notre avenir... la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, expriment quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés....

                 Nous venons de transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l'amitié. Nous venons de commettre le crime d'excès. Fasse le ciel que nous n'ayons pas à le payer avant peu."

                 Mesuré, reconnaissant, mais bien plus lucide que beaucoup, il exprimait le souhait que "...les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse..."

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    (1) : interrogé le jeudi 17 décembre sur Radio Notre-Dame, le spécialiste reconnu qu'est Jean-Paul Gourevitch avançait le chiffre de 7 millions de musulmans en france (de préférence à celui de 5 millions qu'on évoquait devant lui) ; et il chiffrait le coût de l'immigration à 25 milliards d'euros par an pour la collectivité !.... 
    (2) : cet article a été proposé par le toujours excellent et indispensable site Maurras. net ( http://maurras.net/ ), le 15 décembre 2009. En cliquant sur le lien ci-après, vous accéderez aux commentaires du site sur cet article et, surtout, en cliquant sur la photo de ce numéro 194 de la dix-neuvième année du journal (daté du mardi 13 juillet 1926), vous pourrez lire la totalité de l'article de Maurras. Le texte sur la Mosquée constitue le second paragraphe de son article quotidien, La Politique, qui en comporte quatre ce jour-là.
  • Définition de la France: Besson s'enfonce encore un peu plus.....dans le grand n'importe quoi.....

                La Nation française, c'est "un seul peuple, une langue, un territoire, des valeurs et une organisation institutionnelle : la République".

                Lors d'un débat à la cité sensible des "4.000" le 5 janvier à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), M. Besson avait déclaré, selon l'AFP, que "la France n'est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion" mais "un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble". En fait, et parlant de "raccourci schématique", le ministre a tenté de rectifier le tir: "j'ai évoqué la France d'avant la France, celle des tribus éparses décrites par Jules César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules.

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    Eric Besson semble ignorer que, si l'Histoire commence bien dans le Croissant fertile, l'actuelle France est l'une des zones au monde dans lesquelles on suit le plus continûment l'apparition de l'Homme; depuis la Dame de Brassempouy (25.000 ans tout de même, bien avant l'Islam !) il y a belle lurette que "cette terre-ci est appropriée..."; n'en déplaise aux ignares et aux idéologues....

                "Ayant à l'esprit la formule de Mirabeau sur ce qui n'était pas encore la France, "un agrégat de peuples désunis" (la formule exacte est "un agrégat inconstitué de peuples désunis", ndlr), j'ai parlé d'un "conglomérat de peuples", a-t-il encore précisé.

                Affirmant vouloir "dissiper tout malentendu", M. Besson invite "celles et ceux qui douteraient de ces explications à se reporter au petit livre Pour la Nation qu'il vient de publier et qui, selon lui, "défend la thèse d'une Nation créée par un Etat fort, fondée sur le dépassement des origines et liée depuis 1539 par la langue française".

                Ce pauvre Besson, après avoir scandalisé, maintenant il fait pitié: il avait déjà perdu une bonne occasion de se taire, voilà qu'il en rajoute une couche, et que, aggravant son cas, il récidive !

                Tenons-nous en seulement à deux enormités, qui vous auraient valu, il n'y a pas si longtemps, un zéro pointé à n'importe quel épreuve d'histoire de n'importe quel concours pour n'importe quel poste.

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    On n'a eu besoin ni des "jeunes" ni de l'Islam pour que, dans le pays qui était en train de devenir la France,
    ait lieu un brassage des cultures celtes, romaines et grecques (ici, l'extra-ordinaire Cratère de Vix).
    Fusion heureuse, qui vient bien de quelque part, et qui est le vrai fondement de la France...
    n'en déplaise aux ignares, aux sots... et aux trotskos !

    1: la France d'avant la France, ces tribus éparses décrites par César ? Mais ce sont les Gaulois, nos ancêtres directs, la base, le socle, le fondement de la population française ! Ceux qui ont accueilli -même involontairement- et en tout cas assimilé les Barbares, à la chute de l'Empire Romain. Bien sûr, on peut jouer sur les mots, mais les Celtes c'est la Gaule, ce sont les Gaulois, et la Gaule et les Gaulois c'est l'origine et la première apparition de ce qui sera la France dans l'Histoire. Qu'est-ce que c'est que cette sorte de dychotomie bizarroïde qu'établit Eric Besson entre les Gaulois et la France, comme s'il s'agissait de deux choses différentes, alors qu'il y a continuum entre les deux ? Alors que la France sort de la Gaule comme la fleur sort de l'arbre, et comme -à son tour- de la fleur sort le fruit....?

    2: Déjà, en outre, Besson admet que la France est unie par la langue "depuis 1539". Première entorse/contradictio, donc, avec son propos selon lequel la France ce serait une "organisation institutionnelle: la République". Il y avait donc de la France avant la République ? Mais seulement à partir de 1539 ? Mais alors, qu'il nous dise: Bouvines, en 1214, c'est quoi, c'est qui ? Et sous Louis XI, qui mène la lutte de qui contre la Maison de Bourgogne ? Et Jeanne d'Arc défend quel pays et quel Roi face aux Anglais ? etc... etc... On le voit, les idéologues ne s'en sortent pas. Et plus ils s'agitent, comme dans des sables mouvants, plus ils s'enfoncent, plus ils s'enferrent....

                En fait, Besson devrait lire Maurras: « Non notre France ne commence pas en 1789. Nous ne sommes pas la génération spontanée de l’esprit révolutionnaire » (L'Ordre et le Désordre).... Nous lui préparons, à Eric Besson, pour incessamment sous peu, une rapide réponse/mise au point sur la constitution de la Nation française. Ce sera court (l'équivalent de quatre notes habituelles tout de même), ce devrait être prêt dans trois/quatre jours, et nous le réunirons en un PDF, pour plus de commodité. Comme nous en sommes aux comptes-rendus de la visite du prince en Provence, nous publierons tout cela à partir de lundi prochain, le 1er février, et les 2, 3 et 4 février.... 

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    La Dame de Brassempouy,
    25.000 ans, le premier visage humain connu...
  • Le dogme intangible, par Hilaire de Crémiers

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    H D C - Copie.jpgCe à quoi le peuple français assiste est tellement inepte et sordide que la seule espérance est de voir venir d’ailleurs que du milieu médiatico-politique une solution qui sera celle de l’honneur. 

    Quel retournement ! La République agressée triomphe ; elle suscite, elle reconstitue « l’unité nationale » derrière son président et son gouvernement. « Ouf » de soulagement, délire de joie dans la classe politico-médiatique : tout est sauvé. Tel est le récit épique qui, repris à longueur de journée, doit à la fois enthousiasmer et rassurer le peuple, ce peuple enfin revenu – pense-t-on – dans le giron de la démocratie idéale à la française que seuls savent diriger comme il convient les partis républicains, ceux qui sont en place et qui tiennent encore et, espèrent-ils, tiendront toujours l’appareil d’État et donc le pouvoir. 

    Des morts utiles 

    Au fond, c’est pour eux une victoire. Ils l’ont annoncée comme telle. Aux intonations émues de leurs voix, à leur air satisfait, presque rieur quand l’instant ne requiert pas la gravité d’usage, il n’est pas douteux que les hiérarques de la République n’en reviennent pas d’un tel coup du destin, à croire que la Providence est républicaine. N’a-t-il pas été possible d’organiser une grande « marche républicaine » et mondiale qui a relégué dans l’oubli « la Manif pour tous », et là pas de querelle de chiffres, les Français amis de l’ordre se rangeant de bon gré sous la bannière de l’unité. 

    Ainsi les morts de Charlie Hebdo ne sont pas morts pour rien. Leur sang a été fécond ; il a redonné vie aux politiciens moribonds des partis aux abois. La cote de popularité d’Hollande s’effondrait au-dessous du ridicule ; la voilà ragaillardie, au moins pour un temps. L’événement s’est fêté comme si l’homme était ressuscité après sa descente aux enfers. 

    Aussi les morts de Charlie sont-ils élevés au rang de « témoins », en bon grec de « martyrs », sur l’autel de la République. Ces mots ont été employés et par le président lui-même avec toute la dévotion obligée, et les phrases qui les enveloppaient comme de linceuls sacrés, s’enroulaient en plis d’une solennelle piété. Là est le modèle, le type exemplaire, le cœur sacré de la République. Tout le monde n’a plus qu’à être Charlie, la France est Charlie, le moindre des Français doit être Charlie. Les morts d’à côté de l’affaire, les policiers de simple service, les braves gardes du corps, les malheureux Juifs du marché casher de Vincennes ne sont, eux, que des dégâts collatéraux. Ils n’ont pas rang de martyrs parce qu’ils ne sont pas morts pour leur foi républicaine. Comme ceux de Charlie. Nos hommes de pouvoir qui sont tous sortis de bons collèges et d’excellentes familles connaissent le sens et la nuance des mots. Certes, sur la mémoire des pauvres gens, Hollande a versé une larme et quand on sait la sobriété de ses sentiments, on ne peut que constater qu’il a fait son devoir. 

    C’est d’ailleurs, un cri unanime : l’homme a été à la hauteur, et quelle hauteur ! La presse en a entonné un « felix culpa » d’un nouveau style, cette « heureuse faute » qui a permis la révélation insoupçonnée : Hollande, oui Hollande, salué comme le chef charismatique, le souverain prêtre de la seule religion autorisée et proclamée en France, la religion de la République, les autres n’étant que tolérées, et encore si elles font allégeance, surtout la chrétienne. Le mot « laïcité » recouvrira ce sens religieux qui lui est consubstantiel, c’est ainsi qu’il sera entendu désormais : la République est la religion au-dessus de toutes les religions, celle que tous doivent d’abord révérer. Là est le salut. C’est ainsi qu’est détourné le sens des mots les plus clairs. 

    Mais des morts sans cause 

    Les discours gouvernementaux, d’ailleurs, ont voulu indiquer aux Français qui auraient pu s’y tromper, où résidait la faute. Il a été spécifié que l’erreur ne saurait se chercher dans une immigration incontrôlable et incontrôlée, dans un islam et un islamisme non surveillé, dans le désastre social des banlieues. L’énergique lucidité, selon les communiqués officiels, de l’autre grand-prêtre, Valls, est capable, sans doute, de dénoncer « l’apartheid » des quartiers, mais cette situation, il l’a précisé, ne peut tenir à des causes bassement pratiques de nature politique (voir notre dossier). Non, la vue des hiérarques vise plus haut. Point n’est besoin de s’attarder sur ce qui n’est qualifié que de « failles » par le même Premier ministre : des tueurs, multirécidivistes connus de la justice et des services de police, arrêtés, toujours relâchés selon les  prescriptions mêmes du ministre de la Justice, armés par l’islamisme radical au su et au vu de tous dans le cadre d’une délinquance organisée et, pour ainsi dire, couverte, tout ce qui fait le quotidien des cités, de notre société, telle que l’ont voulue, programmée nos hommes politiques et qui donc pourraient être considérés comme responsables. Que nenni ! Erreur : c’est tout l’inverse. 

    Entendez bien leur langage : l’unique cause des événements malheureux se résume en ce que la République n’est pas assez prêchée. Oui, prêchée et imposée. D’où des décisions vigoureuses : un millier de commissaires seront chargés de cette tâche d’endoctrinement auprès de la jeunesse ; et toute personne dotée d’autorité, tout professeur devra passer un examen catéchétique d’authentification de sa foi en la République. Tous les Français, quelle que soit leur origine, devront être marqués de son signe, avouer sa domination, reconnaître son incontestable supériorité, adorer son irréfragable puissance comme d’une divinité. Après sa représentation en « femen », sans doute ne reste-t-il plus qu’à la figurer assise sur la fameuse Bête écarlate aux titres blasphématoires et enivrant le monde de sa coupe de prostitution. Telle elle est, en effet. 

    Car quelle est donc la religion de la République, s’il vous plaît ? Eh bien, celle de Charlie ! Elle tient toute en un dogme qui est aussi un droit, absolu en lui-même : le droit de blasphémer, de conchier toutes les religions, toutes les croyances, mais d’abord et fondamentalement la chrétienne, tous les êtres quels qu’ils soient sans aucune acception de personne, le droit de s’amuser à sodomiser – en dessins mais indéfiniment répétitifs d’une insondable vulgarité, c’est le suprême de leur éthique et le sublime de leur esthétique – tout ce qu’il y a de plus sacré sur terre et dans le ciel. 

    Avec ce corollaire, aussi absolu que le principe : qu’il est interdit de les blasphémer et de les conchier, eux, parce qu’ils sont, dans leur conchiement, infaillibles et impeccables et que c’est ça la liberté républicaine. Tel est le nouveau dogme. Et l’on veut forcer les peuples à y adhérer ? Et ce serait le plus grand titre de gloire de la France ? 

    Il paraît que c’est la condition de la paix sociale. Ça reste à voir car, dès maintenant, des foules musulmanes fanatisées en Afrique et en Orient, à cause de Charlie, tuent les chrétiens, brûlent les églises… Demain en France ? Mais nos responsables politiques s’en moquent comme d’une guigne ; leur dogme à eux, c’est leur réélection. Le dogme républicain ne leur sert que de prétexte.

    Politique magazine

  • Nord-Pas-de-Calais : le quidam des trente-cinq heures

     

    La question que pose Dominique Jamet

    Dominique Jamet est homme d'esprit de culture et d'intelligence politique. Nous parierions qu'écrire le billet qui suit, pour Boulevard Voltaire, a dû, par surcroît, l'amuser. En matière de tripatouillages médiatiques et électoraux, ici, nous sommes, si l'on peut dire, blindés. Mais les politiciens ont des ressources sans limites. Et renouvellent sans cesse le répertoire. Jamet nous gratifie, en plus, pour illustrer son propos, d'une chanson de circonstance du regretté Guy Béart. Merci à lui !  LFAR

    3312863504.jpgQuestion : qui est M. Pierre de Saintignon ? Réponse : M. Pierre de Saintignon est le parfait inconnu à qui est échue la lourde charge de défendre les couleurs du Parti socialiste lors des prochaines élections régionales face à Marine Le Pen et Xavier Bertrand.

    Simple quidam comme dans la chanson de Guy Béart, M. de Saintignon s’est retrouvé à deux doigts de sortir enfin de l’anonymat jeudi dernier lorsque ses deux parrains du jour, Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Cambadélis, ont exigé qu’il participât à l’émission Des paroles et des actes dont la présidente du Front national était l’invitée. L’occasion pour ce personnage de l’ombre de prendre enfin un peu de lumière. Occasion ratée comme on sait : M. de Saintignon est toujours simple quidam.

    C’est pourtant Martine Aubry en personne, dame des trente-cinq heures, qui a efficacement œuvré pour propulser ce modeste falotcrate à la tête de la liste socialiste du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Courageuse, mais pas téméraire, socialiste peut-être, mais d’abord aubryste, l’élue lilloise a fait coup double en imposant à ses petits camarades le choix de son premier adjoint. En s’effaçant devant un hologramme inconsistant, celle qui était toute désignée pour être la candidate naturelle du P.S. échappait à l’humiliation retentissante d’une défaite personnelle et évitait de faire la courte échelle à d’éventuels rivaux. Bien joué, Martine, tu auras joué un rôle non négligeable dans le désastre qui attend les tiens !

    Car tous les indices concordent à ce jour. Non seulement les socialistes, si longtemps et si anciennement hégémoniques dans le Nord, sont assurés d’en perdre le contrôle, mais le malheureux M. de Saintignon – hâtez-vous de ne pas retenir ce nom ! – devrait être très largement devancé le 6 décembre et par Marine Le Pen, désormais donnée gagnante, et même par Xavier Bertrand. Certes, placé, mais placé troisième…

    Dans ces conditions, il est permis de s’étonner de l’engagement solennellement pris par M. de Saintignon – dont le nom n’aura jamais été et ne sera plus jamais autant cité – lundi dernier au micro de RMC : « Quoi qu’il arrive », a déclaré l’homme-sandwich de la débâcle socialiste, « je maintiendrai ma liste au second tour. » Quoi qu’il arrive ? Peste ! Mais on le sait pertinemment ce qui va arriver dans ce cas de figure qui garantit une élection de maréchal(e) à Marine Le Pen.

    Certes, ces mâles propos sont peut-être de circonstance et n’ont pour but que de mettre un peu de baume au petit cœur meurtri des colistiers de M. de S. dont on peut comprendre qu’ils n’envisagent pas sans effroi la traversée du désert régional qui leur est promise.
    Mais qu’est-ce à dire s’il s’agit bien de la tactique adoptée au sommet du PS et de l’Etat et si la position prise par M. de Saintignon ne vaut pas seulement pour le Nord-Pas-de-Calais et si le P.S. se maintient partout où il arrivera en troisième position, au risque d’abandonner au moins deux et peut-être trois régions au Front national ? Si c’est le cas, de deux choses l’une : ou bien le Front national n’était décidément pas le diable et ceux qui sont prêts à lui faciliter l’accès aux responsabilités reconnaissent implicitement que leur discours était un pur mensonge de propagande. Ou bien le Front national est en effet la bête immonde dont on nous dénonce le retour depuis des décennies et le laisser mettre la main demain sur la région, après-demain sur le pays, c’est faire la politique du pire, c’est se comporter en irresponsable, pour ne pas dire en criminel.

    Autre hypothèse : M. de Saintignon a dit n’importe quoi, ce qui peut arriver à n’importe qui, donc au premier et même au troisième quidam venu. •                                                

      
    Journaliste et écrivain
    Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais. Co-fondateur de Boulevard Voltaire, il en est le Directeur de la Publication
        
     
               
  • BD & SOCIETE • Y’a bon Astérix ! Nos ancêtres les racistes

     

    Un commentaire de Jean-Paul Brighelli  en tous points remarquable par son humour et par sa pertinence

    Disons le tout net : nous avons un sujet de désaccord avec Jean-Paul Brighelli. Essentiellement, c'est sur son attachement en quelque sorte intégral aux Lumières que nous divergeons. Nous croyons plutôt comme Houellebecq que les Lumières sont aujourd'hui éteintes ou en voie de l'être et qu'il convient de sauver d'elles seulement ce qui peut l'être. C'est à dire, pour être très brefs, ce qui ressort encore dans les Lumières - souvent avec éclat - de l'ordre, du goût et de la tradition française à l'exclusion de ce qui y inaugure la déconstruction. de cet ordre et de cette tradition. A cette divergence près qu'il est sans doute honnête de signaler, nous partageons le plus souvent les analyses de Jean-Paul Brighelli. En l'occurrence, sa satire de l'antiracisme nous paraît en tous points justifiée et rondement menée ! Lafautearousseau    

     

    985859-1169345.jpgNous avons donc appris cette semaine, grâce à l’Express qui a relayé des critiques éparses dans le Camp du Bien, que le dernier Astérix était raciste.

    Et que d’ailleurs tous les Astérix étaient racistes. Le grand philosophe Liliam Thuram (né en 1972 après J.C.) explique dans une vidéo qu’enfant, il s’identifiait à Astérix, et ne parvenait pas à se voir en noir — c’est le principe du héros, hé, banane ! Surtout les Noirs d’Astérix : dans le dernier opus, qui est un pur « à la manière d’Uderzo », ils ont encore de grosses lèvres et un nez épaté. Et les « scribes numides », les auteurs précisent en Note qu’on les appelle aujourd’hui « nègres littéraires ».

    « Ghostwriters », en anglais. Rappelez-vous ce roman de Philip Roth, la Tache, où le héros, prof de fac, se fait virer de son université pour avoir traité de « spooks » — zombies, mais aussi « nègres » en argot — deux étudiants-fantômes, jamais vus en cours — mais qui se trouvent être noirs, ce qu’il ignorait. Insensibilité, protestations de la NAACP, il est viré, détruit — alors qu’il est lui-même d’origine noire ; c’est le final twist du roman. Finkielkraut en a fait une très belle analyse dans Un cœur intelligent (2009). Roth, qui sait un peu ce qu’est le racisme, a écrit là son plus beau livre.

    Retour à Astérix. Le Noi’ vigie du bateau pi’ate ne p’ononce pas les R, et de su’c’oît il avoue dans ce de’nier opus qu’il ne sait pas lir’e — pas grand monde savait lire au Ier siècle av. J.C.. Cela émeut les antiracistes proclamés, les mêmes qui exigent, comme Louis-Georges Tin, qui a fait de la revendication antiraciste son fonds de commerce, que Tintin au Congo comporte en Europe comme aux Etats-Unis un insert expliquant qu’il s’agit d’une (vilaine) vision coloniale.

    Il est vrai que Tintin au Congo envoyait la dose, surtout dans la première édition — ce qui amène les blogueurs de l’Obs à se demander s’il ne faudrait pas tout bonnement l’interdire. Et les corrections de l’édition couleur sont touchantes, mais tout aussi révélatrices de la pensée coloniale.

    Tout comme les corrections de Tintin au pays de l’or noir, où Hergé a transformé les stéréotypes du racisme anti-juif en stérétotypes du racisme anti-musulman (en vingt ans, entre la première et la seconde édition, les Arabes ont désappris à lire — un comble !). Et alors ? Tout cela, c’est l’histoire des idées. Bombarder les livres d’avertissements en tous genres ne pourrait que contribuer à l’invention d’un racisme à l’envers, dont on ne voit que trop les manifestations immondes — j’en ai parlé ici même il y a quelques mois.

    Quant à savoir ce que vaut ce Papyrus de César, vous trouverez une analyse modérée et compétente ici — et un refus d’affubler un album de BD d’étiquettes qui sont autant de poncifs elles-mêmes, voire les manifestations d’un racisme à rebours. Le Corse que je suis ne s’est jamais offusqué des clichés véhiculés par Astérix en Corse, d’autant qu’ils étaient soulignés comme clichés. Le Corse paresseux, ce n’est jamais qu’un rappel du fait que d’après les Romains, maîtres du langage et de l’idéologie à l’époque, les Corses refusaient d’être esclaves et préféraient mourir que de servir un maître qu’ils ne s’étaient pas choisis. Il en est d’autres, dans d’autres civilisations, qui acceptaient le fait d’autant plus aisément qu’ils avaient été mis en esclavage par leurs frères de couleur ou de religion — but that’s another story. 

    Jean-Paul Brighelli (Causeur)

  • Ivan Rioufol : Le réveil des peuples bouscule la politique

     

    L'analyse d'Ivan Rioufol - Éditorialiste au Figaro 

    L'union gauche-droite qui se dessine en France contre le FN oblige les ligueurs à diaboliser un sentiment national qui partout se réveille. En France et en Europe. On vient de le voir en Suisse, puis en Pologne, au sein même de l'Union. Union devant laquelle s'accumulent les difficultés et les facteurs de dislocation. Il lui sera désormais bien difficile d'imposer à tous ses membres l'accueil invasif et en nombre indéterminé des migrants; et il lui deviendra presque impossible de maintenir sa cohésion s'il s'agit de construire une Europe postnationale et multiculturaliste. LFAR   

    rioufol (1).jpgQue cherchent-ils, ceux qui se mobilisent contre la montée du « populisme » en Europe ? Oh ! Très simple : ils veulent faire taire les peuples en colère. Or ces derniers semblent décidés à résister aux grands prêtres de la mondialisation qui, à commencer par les technocrates de Bruxelles, les ont conduits de force là où ils refusaient d'aller : vers des sociétés postnationales, déracinées, amnésiques, sans frontières, aux identités floues. Nombreux sont les citoyens européens qui craignent une subversion islamiste, si rien ne vient stopper la braderie de leur civilisation au profit d'une autre, dépourvue d'états d'âme. C'est ce que les Suisses, porte-parole du regain souverainiste, ont confirmé dimanche en votant majoritairement pour l'UDC, parti anti-immigration. L'union gauche-droite qui se dessine en France contre le FN oblige les ligueurs à diaboliser un sentiment national qui partout se réveille. L'angélisme merkelien, qui a enclenché en septembre l'énorme mouvement migratoire en ouvrant étourdiment les portes de l'Allemagne à l'exode du monde musulman, a semé partout les germes de conflits et d'affrontements. Le pays se fracture déjà : ceux qui veulent aller au bout de leur expiation du racisme hitlérien en imposant son exact contraire s'opposent à des compatriotes qui alertent devant la survenue d'une culture islamique, historiquement perméable au totalitarisme et à l'antisémitisme. Lundi, à Dresde, les 20.000 manifestants de Pegida (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident) ont été contestés par une contre-manifestation presque aussi massive. Un sympathisant Pegida y a été grièvement blessé. Deux jours auparavant, Henriette Reker, candidate pro-Merkel à la mairie de Cologne, avait été agressée au couteau par un illuminé d'extrême droite. Merci, « Mère Angela ».
     
    La chancelière paniquée se dit prête aujourd'hui à appuyer l'entrée de la Turquie en Europe, en échange de son aide pour maîtriser les flux moyen-orientaux ; ce qui revient à vouloir éteindre un feu avec de l'essence. C'est cette politique absurde qu'est venue confirmer Merkel à Recep Tayyip Erdogan, dimanche à Istanbul, en dépit des soupçons de complicité qui pèsent sur l'« islamiste modéré » après l'attentat antikurdes à Diyarbakir, dans le sud-est du pays. Non contente de déstabiliser le Vieux Continent et d'accuser ses opposants d'avoir « de la haine dans le cœur », Merkel, autoproclamée porte-voix de l'Union européenne (UE), s'est à nouveau inclinée devant le calife, qui réclame des visas pour ses 78 millions de sujets, et l'entrée de son pays dans une UE dont il méprise la culture. Ces courbettes ne peuvent que raidir davantage l'opinion. Les électrochocs à répétitions, que représentent les violences conquérantes du totalitarisme islamiste et les invasions soutenues de « réfugiés » revendicatifs, dévoilent la folle légèreté de ceux qui ont laissé venir ces désastres annoncés, au nom du respect de l'Autre et des droits de l'homme. Or l'agressivité que déploient ces belles âmes contre leurs contradicteurs les oblige à cautionner un type de société - celle du vivre ensemble obligatoire - qui porte en elle de multiples fractures et autant de ressentiments. Il est trop tôt pour mesurer l'ampleur de la vague « populiste » qui prend forme. Mais le sens de l'histoire a déjà tourné: il a quitté ceux qui croyaient pouvoir enterrer les nations et les peuples européens afin de permettre à l'islam d'y prendre plus facilement ses aises. L'UE, qui a voulu cette politique cautionnée par l'Allemagne et la France, va devoir rendre des comptes.

    Adversaires de la démocratie

    Tout devient absurde dans les comportements de ceux qui s'affolent des rébellions du peuple. Tandis qu'Angela Merkel s'ouvre aux Turcs pour avoir moins de Syriens, François Hollande sème ses discours d'appels à « l'apaisement », tout en désignant le FN comme l'ennemi à abattre, dans une rhétorique de guerre civile. Il fustige le « bloc réactionnaire », censé englober toutes les droites, mais suggère parallèlement un front commun rassemblant implicitement le PS et les Républicains pour faire échec au parti de Marine Le Pen aux régionales. Va comprendre ! Le plus désolant est de voir l'opposition, décidément la plus bête du monde, tomber à pieds joints dans le piège socialiste qui l'oblige à harceler le FN en lui offrant, avec le parti de Nicolas Dupont-Aignan, le monopole d'une défense souverainiste attendue de ceux qui réclament un retour aux frontières et aux socles des identités. Les adversaires du « populisme » se révèlent être des opposants à l'expression du peuple, c'est-à-dire à la démocratie. Ils n'ont plus de cartes en main, hormis le gourdin des sermons. Le gouvernement a promis, lundi, de préserver le « modèle social », ce panier percé, tout en se disant défavorable aux référendums d'entreprise qui pourraient pourtant débloquer les immobilismes syndicaux. Mais l'urgence est de reconstruire un modèle sociétal avant que le pays n'explose. Seules des consultations populaires pourront trancher des questions taboues liées à l'islam ou l'immigration. En visite à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), mardi, le chef de l'État a assuré : « Il n'y a pas de quartiers perdus de la République », et aussi: « Il n'y a pas de France périphérique » ; deux récusations non argumentées de livres importants (Les territoires perdus de la République, La France périphérique) fruits d'enquêtes de terrain. Ce déni officiel occulte la montée de l'islam radical dans les cités et la fuite des « petits Blancs » devant le multiculturalisme qui s'installe. C'est ce modèle multiculturel, jamais débattu, qui devrait être soumis au vote des citoyens. Son probable rejet lancerait la mobilisation contre le totalitarisme islamiste qui se profile.

    France ubuesque

    En attendant, c'est une France ubuesque que la gauche « humaniste » met en scène. Mardi, la Cour des comptes a confirmé que 96 % des déboutés du droit d'asile restaient en France. Mercredi, le chef de l'État lui-même a promis des « sanctions » - qui ne semblent donc plus aller de soi - contre des gens du voyage ayant mis à sac la gare de Moirans (Isère) pour protester contre une décision de justice. On apprenait également qu'un jet privé a été affrété par la république pour évacuer, cinq par cinq, quelques-uns des 6000 migrants de Calais vers la province (15.000 euros par individu), d'où ils sont relâchés pour revenir généralement à leur point de départ ! À Lille, mardi, la police a violemment chargé, mais contre des avocats en grève.  

    Le bloc-note d'van Rioufol            

  • Cinéma • Les Filles au Moyen Âge : « C'est toi l'obscurantiste ! »

     

    Eugénie Bastié donne ici une excellente critique des Filles au Moyen-âge, et tout un ensemble de sérieuses raisons d'aller voir le film. La principale est que ce film - comme l'article d'Eugénie Bastié [Figarovox, 8.02] - tend à restaurer l'image du Moyen-Âge français dans toute sa vérité. LFAR

     

    picture-2563491-5ueuang.jpgLe film d'Hubert Viel, avec Michael Lonsdale, est un chef-d'œuvre de douceur et de poésie. Il vient rétablir une vérité historique: l'époque médiévale était douce pour les femmes.

    Depuis Les Visiteurs, l'image moyenne et vague que nous avons du Moyen Âge est celle d'une vaste fosse à purin, où surnagent des mages noirs, des gueux édentés et des seigneurs très méchants. Quant aux femmes, les pauvres, elles étaient soit des sorcières vouées au bûcher par des curés sales et malveillants, soit des princesses godiches prisonnières dans leurs tours, attendant désespérément un valeureux chevalier. C'est après, bien plus tard qu'est arrivé la Libération, avec Simone de Beauvoir, qui d'un coup de baguette magique a libéré la femme de l'esclavage, passée «de l'ombre à la lumière» grâce à la pilule, au chéquier et à l'IVG. Tel est, en substance, le conte qu'on nous raconte.

    Le film, Les Filles au Moyen Âge, vient sonner le glas de ces idées reçues. Dans un petit pavillon de la France périphérique, entre une rocade encombrée et une zone industrielle, trois petites filles exaspérées parce que les garçons préfèrent jouer à la console qu‘avec elles, vont voir leur grand-père. Celui-ci, incarné par l'immense Michael Lonsdale, commence à leur raconter une histoire: celle des filles au Moyen-âge. Les petites saynètes, tournées en noir et blanc dans des paysages bucoliques, des décors et des déguisements extrêmement simples s'enchaînent, ponctuées par la voix douce de Lonsdale.

    L'historienne Régine Pernoud au cinéma

    XVM2bec849c-cda3-11e5-85f1-b52fa717e71f-300x300.jpgC'est le livre de Régine Pernoud, La Femme au temps des cathédrales, joué par des enfants. Comme l'historienne l'a démontré, le Moyen-Âge était une période bénie pour les femmes. Courtisées, adulées, vénérées comme images de la Vierge Marie, elles y avaient autant de droits que les hommes. Et c'est à partir de la «Renaissance»- qui porte mal son nom- que celles-ci ont commencé à voir leur pouvoir décliner à mesure que grandissait la société bourgeoise. Le film, rythmé par des chants magnifiques, rend merveilleusement l'idée, développée par Pernoud, que c'est le christianisme qui a libéré la femme et lui a donné un statut d'égale de l'homme, alors qu'auparavant elle n'était, notamment sous l'Antiquité, considérée que comme un objet. «C'est un événement décisif qui se produit dans le destin des femmes avec la prédication de l'Évangile. Les paroles du Christ, prêchées par les apôtres à Rome et dans les différentes parties de l'Église, ne comportaient pour la femme aucune mesure de «protection», mais énonçaient de la façon la plus simple et la plus bouleversante l'égalité foncière entre l'homme et la femme», écrit Pernoud.

    Sans tomber dans le travers de l'esprit de sérieux qui définit notre époque, le réalisateur brosse avec humour et tendresse le portrait de ces héroïnes qui étaient des piliers de la société médiévale, et ce, sans les secours de la parité. Dans Les filles au Moyen-Âge, on croise ainsi Clotilde, qui convertit son mari Clovis et la France au christianisme, Hildegarde de Bingen, femme de lettres et de sciences qui découvrit la gravité, des siècles avant Newton, ou encore Jeanne, la Pucelle, la femme la plus connue du monde, qui fit plier le veule et changeant Charles VII, et bouta les Anglais hors de France.

    Humour et tendresse

    À la fin du film, une scène charmante montre deux enfants, le petit garçon en business man agitant sa cigarette électronique et Mélisande, jeune princesse échouée dans notre temps. «Je sais coudre, chanter, je parle hébreu, grec et latin», lui dit la petite princesse sur le parking d'un supermarché. «Je peux t'offrir un CDD en service après-vente chez Darty» lui répond le gamin, après avoir mûrement réfléchi. On mesure alors avec un sourire amer tout ce que le «progrès» a fait gagner aux femmes et aux hommes de notre temps. Les moissonneuses-batteuses et les autoroutes, les caissières et les 35h ont remplacé le rythme des saisons et l'accord avec la nature qui régnait aux temps médiévaux.

    «L'esprit d'enfance va juger le monde», écrivait Bernanos. Par ce film exquis, Hubert Viel ne fait pas que rétablir une vérité historique, il juge aussi notre époque. Par la voix de l'enfance. L'enfance des jeunes acteurs, touchants de spontanéité. L'enfance de notre histoire, le Moyen-Âge, berceau tendre et radieux noirci par une civilisation qui a pris en goût la haine des origines.

    On se souvient des mots que met André Frossard dans la bouche de Lucifer dans Les trente-six preuves de l'existence du diable: «Qualifier d'obscur ce carrousel permanent de couleurs et d'extravagances empanachées était un peu gros, mais avec vous la subtilité ne paie pas. Des générations de cornichons macérés dans vos établissements scolaires se sont représentés le Moyen-Âge sous l'aspect d'un tunnel rempli de chauve-souris…». Que ceux qui croient que la subtilité paie se ruent dans les quelques salles qui passent encore ce film charmant. Ils en auront pour leur argent. 

    Eugénie Bastié

     

    Bande annonce

     

  • Médias • TV : BHL chez Ruquier

     

    par Nicolas Julhiet

     

    Il faut toujours garder une certaine distance quand on regarde une émission avec Bernard-Henri Lévy… Dans On n’est pas couché, ce samedi soir, cette précaution fut encore nécessaire.

    L’esprit du judaïsme. Tel est le titre de son dernier livre. BHL est venu en assurer la promotion sur le plateau de Ruquier. Sans sa chemise blanche, pour une fois, comme il en plaisante lui-même, faisant preuve d’un minimum d’auto-dérision… Il en est donc capable, se dit-on ! Au moins une fois. Car, durant toute l’émission, BHL a affiché sa mine la plus grave, la plus sérieuse, celle qu’il arborait sur les théâtres d’opérations à travers le monde, dans des conditions certes parfois surprenantes, entre un char éventré et une caméra.

    Quoi qu’il en soit, la première partie de l’émission est intéressante, bien que peu originale. Il est question de l’antisémitisme en France et de son évolution à travers les siècles. De Philippe Le Bel à Alain Soral et Dieudonné en passant par Bernanos et Céline. Le grand écart historique et intellectuel. S’il s’incline devant le génie littéraire des deux écrivains, il ne montre une grande estime pour le fondateur d’Egalité & réconciliation et l’humoriste franco-camerounais. «Des crânes rasés de la pensée », dit BHL dans une formule qui fait mouche ! De bonne guerre, tant la rivalité est forte entre les trois hommes. Mais contrairement à d’autres, BHL n’invite pas les juifs de France à quitter le pays pour Israël. Il dit clairement que l’antisémitisme est moins prégnant qu’avant. Soulagement général : ce soir, pas d’excès de langage, ni de procès général, ni d’inquisition. Pour l’instant, du moins.

    La discussion glisse ensuite sur l’auteur lui-même. Il est question de son identité juive – qu’il ne juge pas malheureuse, à l’inverse d’un Finkielkraut -, et de son rapport au judaïsme. Un judaïsme qu’’il peine à définir, d’abord parce qu’il se définit comme un juif laïc pour qui « Dieu n’est pas la question de (son) livre, ni de (sa) vie ». On sent l’émission prendre une tournure prometteuse. Qu’est-ce qu’être juif ? Dans L’esprit du judaïsme, rappelle Yann Moix, BHL évoque longuement le livre de Jonas. Ce prophète, qui a pour mission d’alerter la ville de Ninive de sa destruction par Dieu, accomplit sa tâche après moult péripéties.

    On y est : BHL se considère comme le Jonas moderne. D’où son interventionnisme, d’où sa volonté de se rendre dans les pays en guerre, d’où ce besoin quasi-frénétique d’action. Sauf, qu’il n’y a plus « une » mais « des » Ninive. Et qu’il n’y a qu’un seul Jonas-BHL. Le philosophe ne dispose pas parmi ses nombreux talents de celui d’ubiquité…

    C’est là qu’intervient Léa Salamé. Après avoir doctement expliqué que Descartes a été excommunié (ah bon ?), elle rappelle à notre philosophe, avec un peu plus d’à-propos, les conséquences funestes de son rôle auprès de Sarkozy et de l’intervention militaire en Libye. Nul besoin de rappeler le chaos en Libye et au Proche-Orient après la chute de Kadhafi.

    BHL se défend comme il peut, de manière plus ou moins adroite, arguant qu’on ne peut pas le tenir responsable des conséquences de l’intervention, une intervention motivée par les meilleures intentions. Doit-on refuser d’agir au prétexte que les événements peuvent prendre une mauvaise tournure, demande le philosophe ? Doit-on refuser aux peuples l’accès à la démocratie ? Eternelles rengaines universalistes. Au moins, réfute-t-il le dogme du « sens de l’histoire ».

    L’émission continue avec la réhabilitation de l’apport des juifs dans l’histoire de l’humanité. BHL laisse échapper cette phrase hallucinante : « Les juifs sont une escorte discrète et silencieuse pour les autres nations ». Toute critique pouvant être mal interprétée… Prudence, donc.

    Non content de son petit effet, BHL, en quelques mots, réussit à provoquer l’incrédulité de Laurent Ruquier. Des propos repris par tous les sites d’informations et qui suscitent une vive polémique. Alors qu’il explique que le traitement de Laurent Fabius, dans l’affaire du sang contaminé, a des relents antisémites, il enfonce le clou à propos de l’affaire DSK : ce n’est « certainement pas un complot mais la façon dont une partie de la presse s’est emparée de cette histoire, en a fait une espèce de monstre où toutes les frustrations, les désirs inavoués… Moi je me rappelle certains hommes politiques devenant littéralement fous face à cette affaire DSK. (…) Je ne me suis jamais posé la question de s’il y entrait de l’antisémite… mais puisque vous me posez la question, il y entrait probablement une part d’antisémitisme. »

    Impossible de lui donner raison, même avec les meilleures intentions philosémites du monde. Dommage pour lui et la crédibilité de ses propos. Il est si rare d’entendre les noms de Péguy, de Chateaubriand ou de Bernanos à une heure de grande écoute. Pour BHL, qui avait jusqu’ici réussi à sortir de son rôle de bretteur à la faconde un tantinet pénible, la chute est terrible. De son passage, il ne restera que la polémique. 

      

  • Le libéralisme est-il « une valeur de gauche » ?

     

    François-Xavier Bellamy analyse les propos d'Emmanuel Macron sur le libéralisme, « une valeur de gauche », selon le ministre de l'Économie. Il y voit une preuve supplémentaire des bouleversements idéologiques qui recomposent l'échiquier politique. Mais aussi « une occasion historique de clarifier les termes du débat politique ». Lesquels s'enracinent, comme on le verra, dans un débat métapolitique, anthropologique et culturel. Où les notions de transmission, d'héritage et, en définitive, de tradition retrouvent toute leur place. François-Xavier Bellamy va à l'essentiel. Bien au delà du souci électoraliste.  LFAR

     

    LE FIGARO - Emmanuel Macron affirme que « le libéralisme est de gauche ». S'agit-il d'une captation idéologique ?

    François-Xavier BELLAMY* - Ce n'est clairement pas une captation idéologique, puisqu'il y a une vraie tradition libérale de gauche ; mais c'est une mise au point, en ce sens qu'Emmanuel Macron valide par là le déplacement des plaques tectoniques du débat intellectuel et politique entamé avec la chute du mur de Berlin. Dans un monde bipolaire, le libéralisme était anticommuniste, et donc de droite. Aujourd'hui, après avoir porté des réformes de société très libérales sans les assumer comme telles, la gauche au gouvernement accepte enfin de revendiquer un libéralisme cohérent.

    Qu'est-ce que ce libéralisme de gauche ?

    On pourrait définir ce libéralisme de gauche par la volonté de déconstruire tout ce qui précède le choix des individus. Dans un entretien au Nouvel Obs, Manuel Valls présentait comme l'objectif final d'une politique de gauche «l'émancipation de l'individu». Emmanuel Macron le rejoint, par exemple, lorsqu'il critique le concept de «tabou». Sous ce nom, la gauche dénonce tous les interdits qu'elle veut briser ; il s'agit donc de défaire les héritages culturels, familiaux, spirituels, et même naturels, dans lesquels elle ne voit, selon les mots de Vincent Peillon à l'Assemblée nationale, que des déterminismes auxquels il convient d'arracher l'individu.

    Une part de la droite semble partager cette vision…

    De ce fait cette conception de la liberté a largement irrigué le paysage politique, et la droite s'est longtemps soumise à cette entreprise de déconstruction qui se présentait comme un progrès.

    La mandature Hollande peut-elle être qualifiée de libérale ?

    On peut dire qu'elle aura été marquée par la contradiction qui a longtemps marqué la gauche française, cette tension entre un libéralisme sociétal affirmé et la multiplication des freins à l'initiative individuelle en matière économique. Avec 57 % du PIB consacré à la dépense publique, la France est aujourd'hui encore très loin du libéralisme global qu'Emmanuel Macron appelle de ses vœux…

    Si la gauche est libérale, que peut être la droite ?

    Le piège serait pour la droite de se crisper maintenant dans un conservatisme étroit, au motif que la gauche revendique la liberté. La situation actuelle offre une chance historique de clarifier les termes mêmes du débat public. Ce que la gauche nous propose, quand elle nous parle de liberté, c'est, dans tous les domaines, l'atomisation individualiste ; et derrière la revendication de «droits» nouveaux, l'égoïsme décomplexé. Pour Emmanuel Macron, « tous les jeunes doivent rêver d'être milliardaires » ; proposons d'autres rêves à la génération qui vient, des rêves qui donnent toute sa consistance à l'idée de liberté ! La droite doit se saisir de ce travail et, au lieu de la solitude du consommateur, proposer une société d'acteurs libres, engagés et responsables.

    Le libéralisme est-il forcément révolutionnaire ? Existe-t-il une perspective « libérale conservatrice » ?

    La vraie révolution aujourd'hui consiste sans aucun doute à reconnaître, dans la crise d'adolescence collective que nous semblons traverser, que notre liberté n'est pas immédiate, et qu'elle suppose l'humilité qui reconnaît et reçoit l'enracinement qui la fait croître. La liberté se nourrit d'un héritage, d'une langue, d'une éthique, dont la déconstruction - qui a pourtant été opérée depuis cinquante ans au nom de l'émancipation individuelle - ne peut mener qu'à une aliénation définitive.

    La liberté de penser, d'agir, de juger ne sont pas des productions spontanées ; elles sont le résultat du travail patient de la culture. Dans la folie de ce déni où nous croyons trouver notre affranchissement, nous ne faisons que permettre la standardisation à grande échelle des comportements, des opinions, et des personnes. Inspirée par ce libéralisme individualiste, une mondialisation débridée rejoint les idéologies les plus coercitives pour produire de l'uniformité, de l'indifférenciation et de l'indifférence à grande échelle.

    Le clivage droite/gauche est-il encore pertinent ?

    La cohérence retrouvée de la gauche redonne à la droite sa pleine nécessité. La liberté au nom de laquelle une grande partie de la gauche revendique aujourd'hui la PMA, la GPA, l'euthanasie ou le suicide assisté se veut totale et irresponsable. La droite doit maintenant, en renouant avec son héritage intellectuel, montrer combien il est nécessaire de préserver les conditions éthiques d'une société authentiquement humaine, et pour cela de recevoir et de transmettre l'héritage culturel qui peut seul fonder notre avenir. Ainsi sera refondée pour les individus la perspective de relations réelles, par lesquelles ils puissent échapper à la solitude de l'intérêt pour vivre l'expérience d'une liberté totale, parce que responsable.

    Il y a aussi une gauche non libérale, celle de Michel Onfray…

    Dans cette recomposition idéologique, au-delà de toutes les étiquettes, il faut évidemment s'attendre à des convergences nouvelles.

    Le but ultime du libéralisme est-il la disparation de la politique ?

    Le libéralisme, en effet, a été dans l'histoire ce que Schmitt appelait «le mouvement ultime de dépolitisation et de neutralisation» de la société. En ce sens, les réformes sociétales de la gauche libérale, tout comme la vision économique défendue par Emmanuel Macron, tendent en même temps à la dérégulation, et à la déconstruction de l'État ramené au rôle de gestionnaire technique des interactions sociales. Mais il est clair, là encore, qu'il ne peut y avoir de liberté véritable sans qu'elle soit sous-tendue par une loi commune, dont l'ordre protège, éclaire et consolide les choix individuels. Quand la politique fait défaut - et c'est l'honneur d'une partie de la gauche de n'avoir cessé de le rappeler -, c'est toujours le plus faible et le plus fragile dans la société qui en paie le prix. 

    *Auteur des Déshérités (Plon, 2014).

    Entretien réalisé par Vincent Tremolet de Villers

                

  • Communiqué truffé de fautes : sait-on parler français à l'Elysée ?

     

    Par Christian Combaz*  

    Christian Combaz a déjà signalé que les talents d'improvisation verbale de François Hollande sont assez douteux. Cette fois, il s'insurge contre la pauvreté et l'incorrection des écrits élyséens même (et surtout) après transcription par son équipe. Et il se livre à une analyse de texte qui fait apparaître l'effarante nullité des services de l'Elysée. Une telle désinvolture à l'égard de notre langue est impardonnable et honteux. Pour nous, ce n'est pas du tout anodin. C'est le symptôme d'un naufrage. LFAR

    COMBAZ.jpgFrançois Hollande ne nous a pas habitués jusqu'ici à une expression particulièrement déliée ni toujours très correcte, mais le communiqué de presse écrit, envoyé à tous les journaux, relatif aux réfugiés de Syrie entrera certainement dans l'histoire. En tout cas je me flatte d'y contribuer. Morceaux choisis et commentés (en italique).

    Palais de l'Elysée

    Mesdames, messieurs (sic, sans majuscule), j'ai reçu - et c'était la troisième fois - le Premier ministre d'Irlande Enda Kenny, avec lequel j'ai noué des relations d'amitié, avec des participations au Conseil européen qui nous ont rapprochés sur les grandes questions. Nos deux pays sont liés par l'histoire, et à chaque fois qu'il y a eu des épreuves, l'Irlande et la France ce sont toujours retrouvés. Irlande et France au féminin, donc retrouvées.

    [...]

    Aujourd'hui il y a une épreuve, celle du drame des réfugiés. Une image fait le tour du monde. Elle suscite une émotion, elle est partagée. Un enfant qui est retrouvé noyé sur une plage en Turquie parce que sa famille voulait rejoindre la Grèce et donc l'Europe. C'est une tragédie, mais c'est aussi une interpellation à l'égard de la conscience européenne. (Ou le Président vient de lire Christine Angot, ou il essaie d'imiter le relâchement général pour se rapprocher du peuple, ce qui est un mauvais calcul parce que même le plus obscur conseiller municipal d'un village de cent habitants aurait écrit « nous sommes témoins d'une situation qui nous serre le cœur » et non « il y a une épreuve ». Quant à une « interpellation à l'égard de », c'est une autre langue que le français.)

    [...]

    Certaines [familles] ont été accueillies dans les pays voisins qui souffrent eux même.(Sic)

    [...]

    J'ai également appelé le Président turc ERDOGAN puisque c'est là que c'est passé le drame. (Sic) Ce drame, c'est aussi celui qui peut se produire, encore au moment où je parle, où des familles cherchent à traverser. (Traverser quoi? Où? « Qui peut se produire » n'appelle donc aucun complément ?)

    [...]

    Et j'ai eu avec la chancelière MERKEL depuis déjà plusieurs jours, la volonté de prendre une initiative. (Observons que le président n'a pas pris une initiative, il en a eu la volonté, et depuis plusieurs jours, donc c'est du sérieux). Cette initiative consiste à saisir le Président de la Commission Européenne, le Président du Conseil européen, tous nos partenaires, pour que nous puissions mettre en œuvre une politique d'immigration et d'accueil qui soit digne de ce que nous représentons lorsqu'il s'agit de personnes qui n'ont pas vocation à venir ici et qui soit humaine pour que les réfugiés puissent être, dans la mesure du possible, lorsqu'il n'ont pas d'autre issue, accueillis en Europe. (Voilà une phrase qui restera dans les annales de la vie publique française et servira sans doute à illustrer la confusion d'esprit qui règne en ce moment à l'Elysée, et qui répond à la terreur de devoir dire quelque chose de ferme et de précis devant une situation qui vous dépasse totalement.)

    [...]

    Je ne voudrais pas que l'on en reste simplement au registre de l'émotion que nous avons d'un enfant de trois ans, son frère à peine plus âgé et puis d'autres familles, celles que nous ne voyons pas. (Au registre de l'émotion que nous avons ? Encore bravo. La France de nos pères nous regarde mais, Dieu merci ! elle ne nous entend pas.)

    [...]

    L'Irlande a montré qu'en quelques années elle était capable, alors qu'elle était ce qu'on appelait « sous programme » de connaitre maintenant une croissance et une stabilité. (Pas de tiret, pas d'explication sur ce qu'est le « sous-programme », pas d'accent à « connaître »)

    [...]

    Nous avons aussi nos deux pays, sur le plan culturel, une volonté commune d'échanger des étudiants (Belle marquise, d'amour vos yeux mourir me font).

    [...]

    Enfin nous avons abordé trois sujets, je ne serais pas plus long. (Serai, au futur et non au conditionnel)

    [...]

    J'aurais (idem) l'occasion de m'en entretenir d'ailleurs avec David Cameron.

    [...]

    Il est donc tout à fait nécessaire d'avoir un mécanisme qui puisse prendre la situation de chaque pays européen et de voir ce qu'il est possible de réserver comme accueil dans ce pays-là, en fonction de ses caractéristiques. (Le président veut sans doute dire « analyser » la situation et non la « prendre », mais que vaut un discours où il est nécessaire d'imaginer, sans cesse, ce que l'orateur veut dire ?)

    [...]

    Enfin, nous avons la responsabilité de régler la question syrienne, et je peux le dire d'autant plus facilement que la France a été toujours à l'initiative. Nous avons la responsabilité de faire en sorte qu'une solution politique puisse être trouvée (Outre la présomption qui consiste à vouloir régler la question syrienne, toujours le style passif de la Présidence, qui consiste à réunir les conditions de l'action sans s'y mêler vraiment. Le lecteur observera qu'il y a dans cette phrase un empilement de trois passivités façon grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf : on jouit d'abord d'un état de responsabilité, en somme on est content d'être aux affaires, mais pour faire quoi ? Pour « faire en sorte » qu'une solution « puisse » être trouvée.)

    [...]

    Nous n'avons pas simplement à tenir des discours, nous avons à prendre des décisions, etc.

    (Surtout, pour être franc, des discours comme ceux-là. Le Président nous dit en somme que rien ne vaut les actes, ce qui est sage quand on s'exprime comme cela, mais en politique la parole est un acte aussi, et là, il s'agit en permanence d'un acte manqué.)

    En conclusion on peut s'interroger sur la qualité (ou l'intention) de ceux qui ont à relire ce genre de prose avant de l'envoyer. Ou ils sont carrément nuls, ce qui est une éventualité, ou ils font exprès de laisser passer des bourdes pareilles sans la moindre remise en forme pour accabler leur patron. En ce sens on pourrait parler de véritable coup d'état linguistique, ce qui serait une première. 

    Christian Combaz

    Christian Combaz est écrivain et essayiste, auteur des Gens de Campagnol (Flammarion). Son prochain livre, Les Ames douces, paraît ces jours-ci aux éditions Télémaque. Lire également ses chroniques sur son blog. 

  • HISTOIRE • Jean-François Solnon : « Le goût, un miroir du pouvoir » Par Raphaël de Gislain

    Et si l’exercice d’un goût personnel ou d’une passion aidait à l’exercice du pouvoir ? Avec Le Goût des rois, Jean-François Solnon, agrégé d’histoire et docteur ès-lettres, nous emmène dans les jardins secrets des souverains, pour tenter de comprendre les hommes derrière les monarques.

    Un roi se doit-il d’avoir du goût pour exercer son métier ?

    On a vu des chefs d’État à travers le monde avoir le goût des arts et être des tyrans ! Le goût n’est pas indispensable à l’exercice du métier de roi. Mais on peut penser comme Pompidou qu’en se nourrissant intellectuellement, on devient plus à même de traiter les problèmes d’un pays. Le goût est à la fois une ouverture sur le monde et une façon de saluer l’héritage du passé, en tentant de l’égaler, de le surpasser. Obsédée par l’Antiquité, la Renaissance a été guidée par cet esprit d’imitation et de dépassement, dans un mouvement d’élan de la civilisation. Les souverains qui ont, à des degrés divers, manifesté un goût pour les arts ou les sciences, sans posséder forcément la clé pour gouverner au mieux, ont pu bénéficier d’une envergure, d’une ampleur bénéfique à leur politique.

    Vous montrez un Henri III fou de danse, un Louis XIII mélomane, un Louis XIV guitariste, un Napoléon III historien… Ces visages sont parfois à l’opposé des masques que nous leur connaissons. Le pouvoir a-t-il contrarié la nature des souverains ?

    En se tenant au plus près de certains souverains, on découvre en eux des richesses insoupçonnées. Prenons l’exemple de Louis XIII, roi ombrageux et discret, dominé par la figure de Richelieu. On s’aperçoit que sa vie était vouée à la musique et qu’il composait… De même pour Louis XVI, que l’on présente comme un roi immobile, presque paralysé ; il aimait par-dessus tout la géographie et les grands voyages !

    Ainsi, lors d’un déplacement à Cherbourg, fait-il montre d’une connaissance de la mer et des navires qui épate les officiers de marine. Que l’on se souvienne de ses dernières paroles sur l’échafaud, qui laissent entendre toute sa passion pour les lointaines expéditions : « Avez-vous des nouvelles de monsieur de La Pérouse ? » Le roi exprime là sa nature profonde, celle d’un homme ouvert et cultivé, que l’on prend pourtant pour un aimable benêt… Le cas de Napoléon III est peut-être encore plus flagrant. Malgré sa réhabilitation depuis déjà presque un siècle et le fait que tous les historiens soulignent l’importance de son règne, son image demeure modelée par les pamphlets de Victor Hugo ; on ne reconnaît rien de son rôle fondamental en matière de culture, de lecture, de sciences, d’archéologie. Ces exemples nous enseignent que l’exercice du pouvoir ne contrarie pas les natures. Au contraire, il met à la disposition du souverain tous les moyens nécessaires pour pratiquer une passion, pour la magnifier, ce qui profite à son règne.

    Les rois donnent le ton, leurs goûts sont suivis… Peut-on dire que leurs choix souvent personnels ont forgé, sinon le bon goût, le goût français ?

    Qui pourrait juger du bon ou du mauvais goût rétrospectivement ? Qu’est-ce que le bon goût à l’époque de Louis XIII ou de François Ier ? L’idée que nous pouvons nous en faire ne peut être que faussée par les temps. Ainsi, l’ouverture à l’art italien apparaît-elle aujourd’hui comme la marque du bon goût vers 1500. Mais à l’époque, personne n’en a conscience. On reste attaché à des formes familières, médiévales et gothiques… Lorsque les hommes de Charles VIII ou de Louis XII découvrent l’Italie, c’est la chartreuse de Pavie qu’ils admirent, dont la luxuriante façade leur rappelle le style flamboyant. Ils n’ont rien vu de l’art épuré de Brunelleschi, que nous considérons pourtant comme le point de départ de la Renaissance et l’expression du goût a posteriori… D’un point de vue historique, la question du bon goût n’a donc pas vraiment sa place.

    En revanche, on peut dire que la succession des souverains a permis l’édification d’un goût français. Nombre d’entre eux ont favorisé ou même imposé le développement d’activités artistiques ou scientifiques. Prenons l’exemple de Louis XIV. Malgré une formation intellectuelle peu théorique, il a été capable de protéger Racine, Boileau et surtout Molière contre l’avis de la Cour et de sa mère. En ce sens, il a participé incontestablement à la formation du goût français. Il est d’ailleurs, avec Napoléon, celui qui s’est passionné pour le plus grand nombre de disciplines. Ce qui est remarquable, c’est que chaque souverain a contribué à l’élaboration de cet esprit, selon ses centres d’intérêt, qu’il se soit agi de musique, de peinture ou de tout autre domaine.

    Le goût se révèle-t-il une arme politique ?

    Oui, il peut l’être. Le goût est un moyen politique quand il s’exprime par la voie d’un mécénat officiel. C’est la dimension que l’on connaît le mieux et c’est précisément celle que j’ai voulu éviter. La tâche n’est pas aisée : lorsqu’un souverain crée des bâtiments, on ne sait jamais s’il agit pour son image de marque, pour la postérité ou bien si c’est véritablement une passion à laquelle il s’adonne. Il existe tout de même des critères : un Henri IV, un Louis XIV ou un Louis XV sont capables de lire des plans, de les dessiner. Ils se rendent sur les chantiers pour voir comment s’élabore une œuvre, pour débattre avec les architectes… Ils se tiennent au plus près de la création. Ce sont des hommes de l’art. On touche-là au goût personnel, même si un doute peut toujours subsister…

    Votre ouvrage s’arrête au second Empire… Le goût est-il incompatible avec les républiques qui suivent?

    La réponse est non, même si j’avoue que j’espérais pouvoir remonter jusqu’à la Ve République et que l’exercice s’est avéré compliqué… Jusqu’à ces dernières années, les hommes politiques ont été en général bien formés, le plus souvent par les Jésuites, les Oratoriens ou l’enseignement public. Ils ont appris le grec et le latin et pouvaient encore être de grande culture. Que l’on pense à Pompidou, qui citait Paul Eluard dans ses conférences de presse… On sent bien qu’un Sarkozy ou un Hollande n’ont pas suivi un tel cursus. Tout ceci semble s’être évanoui parce que la formation de nos hommes politiques n’est plus fondée sur les humanités. Aujourd’hui, il y a l’ENA… à la différence des souverains d’hier, les hommes politiques passent et cultivent des jardins qu’ils veulent le plus souvent garder secrets. J’ai un peu l’impression que dans l’expression d’un goût aujourd’hui, on veut sacrifier d’une manière systématique aux avant-gardes et à une modernité impérieuse voire impérialiste. Ce terrorisme intellectuel fait que des hommes, mêmes cultivés, n’osent plus donner leur sentiment. Il faut avoir à l’esprit que la simplicité, la pauvreté des discours actuels est peut être voulue, à des fins politiques…

    Dernier livre paru : Le Goût des Rois, de Jean-François Solnon, Perrin, 348 p., 22 euros.

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  • Entretien avec le père Jean-Marie Benjamin, dans Boulevard Voltaire

    La politique des pays dits occidentaux dans le monde arabe, au moins depuis la première guerre du Golfe, justifie pleinement la critique du connaisseur qu'est le père Jean-Marie Benjamin. C'est des erreurs tragiques de cette politique que nous supportons aujourd'hui les conséquences.

    Jean-Marie Benjamin, de son vrai nom Guillaud-Benjamin, né le 11 avril 1946 à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), frère de l’actrice Joëlle Guillaud, est un compositeur de musique, chef d’orchestre, écrivain, réalisateur et producteur de films français. Fonctionnaire des Nations unies auprès de l’UNICEF de 1983 à 1988, il devient prêtre catholique en 1991 et milite contre la guerre d’Irak depuis 1998. Il réside en Italie depuis 1975.

    Durant vos nombreux voyages en Irak, entre 1997 et 2003, vous avez maintes fois rencontré le vice-Premier ministre chrétien de Saddam Hussein, Tarek Aziz et vous lui avez organisé une rencontre avec le pape Jean-Paul II, le 14 février 2003. Vous dites dans votre livre qu’il y a eu des pressions au Vatican pour empêcher cette rencontre. Lesquelles ?

    La visite de Tarek Aziz au Saint-Père s’est en effet heurtée à de forts obstacles de la part du gouvernement de Silvio Berlusconi et de Washington. Plusieurs monsignori de la Secrétairerie d’État bénéficiaient alors des « faveurs » de Washington et ne voulaient surtout pas les perdre. Mais le pape n’en a pas tenu compte et l’audience a eu lieu. D’autres pressions ont été exercées : quand Tarek Aziz est arrivé à Rome, il devait participer à une importante émission télévisée sur la RAI. Non seulement sa participation a été annulée, mais les directeurs de toutes les chaînes publique ont reçu des instructions formelles pour lui interdire l’accès aux plateaux.

    Aujourd’hui, Tarek Aziz est emprisonné sous le coup d’une peine capitale. La DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure, vous a contacté en 2003 pour proposer l’asile politique à Tarek Aziz. Pourquoi celui-ci a-t-il refusé ?

    Tarek Aziz m’a répondu : « Veuillez remercier le président Chirac, mais je ne peux pas laisser mon peuple mourir sous les bombes et me réfugier tranquillement à l’étranger. J’ai le devoir de rester aux côtés du peuple irakien et de ma famille. » Aujourd’hui, Tarek Aziz est emprisonné depuis douze ans. Transféré depuis le mois d’août dernier dans le sud de l’Irak, il est malade, sans assistance médicale. Il a subi plusieurs ictus, parle difficilement et a perdu 35 kg. En fait, il est mourant, sous le regard indifférent de la Communauté internationale. Vous verrez que lorsqu’il décédera, l’on entendra les hommes d’État déclarer qu’Aziz était un « homme modéré, un grand diplomate » et que le traitement qu’il lui a été infligé « était injuste ». Ce sera le chœur larmoyant des défenseurs des droits de l’homme et autres exportateurs de démocratie !

    Devant le chaos qui règne aujourd’hui en Irak, en Syrie, au Yémen, l’impression domine que les gouvernements occidentaux ne savent plus comment gérer la situation ? Mais qui se trouve derrière l’État islamique ?

    La grande presse nous dit que l’État islamique et les groupes djihadistes sont financés par les monarchies du Golfe. Curieusement, les noms de ces pays ne sont jamais mentionnés. Or, tous sont des alliés de l’Occident et tous y investissent par dizaines de milliards de dollars. Au-delà des hypocrisies sémantiques, chacun sait qu’Al-Qaïda, Al-Nosra et l’État islamique sont soutenus, armés et financés par de riches Saoudiens. Que les takifiristes qui opèrent en Syrie et sur d’autres fronts anti-chiites sont soutenus par Riyad. Bref, ceux qui financent le terrorisme islamique dans le monde et aussi en Europe sont principalement des Saoudiens et le Koweït. Tous les gouvernements le savent pertinemment. Le grave problème des hommes politiques occidentaux, malgré leurs myriades d’experts, est qu’ils ne comprennent quasiment rien au monde arabe. Tous demeurent radicalement étrangers aux mentalités, aux traditions et aux aspirations de ces populations, sans parler d’une profonde méconnaissance de l’islam. Leurs conseillers sont restés des années les fesses collées sur les bancs des universités pour accumuler des titres. Diplômés jusqu’aux oreilles, ils n’ont en réalité aucune connaissance réelle de l’Orient arabe.

    La France ne fait évidemment pas exception ?

    Le Président français se rend à Riyad pour y recevoir l’accolade du roi… et un beau chèque ! Après quoi l’on nous raconte que la France lutte contre l’État islamique terroriste, mais elle fait la guerre à Bachar el-Assad, qui est pourtant en guerre contre Al-Nosra, Al-Qaïda et Daech. Cela fait désordre. A contrario, les États-Unis se démarquent de plus en plus de Riyad et traitent avec Téhéran alors que les chiites sont en passe de prendre le contrôle du Yémen. À telle enseigne que l’Arabie saoudite se retrouve maintenant encerclée par l’Irak, l’Iran et le Yémen chiites. On imagine quel vent de panique commence à souffler à Riyad… Pendant mes années passées en Irak, j’ai connu nombre de hauts gradés de la Garde républicaine de Saddam Hussein, des dirigeants du parti Baas. Beaucoup ont aujourd’hui rejoint l’État islamique, même s’ils en désapprouvent l’extrême brutalité, l’exécution de civils ou la persécution des chrétiens… Pourtant, au lendemain de la pendaison de Saddam Hussein, George Bush déclarait : « Le monde sans Saddam Hussein est maintenant plus sûr. » Certes, nettement plus sûr !  • 

    Propos recueillis par J.-M. Vernochet

  • Aymeric Patricot : « Le communautarisme est inéluctable » par Grégoire Arnould

     

    1943113734.jpgAymeric Patricot a été professeur dans une banlieue dite « difficile ». Dans Les petits Blancs (éd. Plein jour, 2013), il mène l’enquête dans cette « France d’en-bas » où le fait d’être désigné ou de se ressentir comme blanc est une réalité plus ou moins bien vécue. Un sujet tabou à la mesure de la fracture identitaire qui ne cesse de s’élargir dans notre pays.

    Qu’est-ce qu’un « petit Blanc » ?

    à l’instar du « white trash », son épigone américain, le « petit Blanc » se caractérise socialement par sa pauvreté et ethniquement par la blancheur de sa peau. Il habite généralement un quartier défavorisé où il est minoritaire en tant que Blanc. Ce sont les autres qui le renvoient à sa condition. Une condition – il faudrait dire une différence –, qu’il vit plus ou moins bien car il a conscience de faire partie d’une minorité au sein d’une majorité multiethnique. Racisme ou haine de soi et du monde sont des tentations auxquelles il peut s’abandonner. Sans horizon, il lui faut en plus apprendre à vivre avec l’image méprisable que lui renvoie la société médiatique pour qui le « petit Blanc », c’est Dupont-Lajoie : un « beauf » inculte et xénophobe.

    N’est-ce pas alors une condition lourde à porter ?

    J’ai rencontré beaucoup de « petits Blancs », homme ou femme, pour écrire mon livre. S’il y a une chose dont je me suis aperçu c’est que l’éventail des sentiments, quant à la façon dont on se perçoit soi-même en tant que « petit Blanc », est très large. Je pense, par exemple, à cette ancienne femme battue qui a conscience d’être une « petite Blanche ». Mais cela ne lui pose aucun problème, car sa vie de « cabossée », dit-elle, l’a rendue plus proche de « l’autre ».
    à l’inverse, j’ai rencontré un professeur vacataire d’anglais qui m’a raconté les difficultés de sa vie en HLM où, je cite, « les Arabes nous insultent, nous crachent au visage [...] nous traitent de porcs… ». Cette jeune femme a nourri une véritable rancœur contre ceux qui la renvoyait ainsi violemment à sa condition de « petite Blanche » minoritaire. Elle a fini par rejoindre des groupuscules d’extrême-droite, avant de s’en éloigner. Aujourd’hui, elle ne rêve que d’une chose : quitter le pays.

    Du coup, peut-on parler de fracture identitaire ?

    Une « question blanche » se pose indéniablement dans notre pays mais, au prétexte de ne pas faire le jeu du racisme, elle est mise sous le boisseau par nos élites politiques et médiatiques. Pour elles, l’expression « Français de souche » serait ainsi une injure faite à nos compatriotes d’origine étrangère. Les mêmes qui nient l’altérité, expliquent pourtant à quel point il est formidable de vivre dans une société multiethnique ! Nier la réalité n’a jamais été la meilleure façon de résoudre les problèmes. Ces gens devraient aller faire un tour dans ces « territoires perdus de la République » où ils ne vont jamais : ils verraient combien la question ethnique y est prégnante et problématique.

    En fait, personne ne semble se soucier du sort du « petit Blanc »…

    C’est bien le problème ! Le « petit Blanc » n’intéresse en effet personne. Il est trop blanc pour la gauche et trop pauvre pour la droite. On sait que le PS a délibérément abandonné son ancien électorat ouvrier pour celui des minorités ethniques. Quant à l’UMP, elle n’a rien à lui proposer. La nature ayant horreur du vide, c’est désormais le FN qui s’adresse le mieux à cette catégorie de la population. Le programme protectionniste du parti de Marine Le Pen la vise directement.

    La stratégie du PS semble risquée, non ?

    Un des grands paradoxes auquel doit faire face le Parti socialiste, est le comportement électoral des musulmans. à 90 %, ces derniers votent pour le PS en raison de son discours traditionnellement favorable à l’immigration. Mais la communauté musulmane est fondamentalement conservatrice, par exemple sur les sujets du mariage homosexuel ou du voile. à terme, et c’est le coup de génie de Houellebecq dans son dernier roman (Soumission), le PS peut tout perdre ! Si on se laisse aller à la politique-fiction, il pourrait y avoir, d’ici quelques années, un vote ethnique, en tout cas chez les minorités, pour des candidats qui en seront issus. Les Blancs, eux, seront partagés. Ceux qui veulent garder « bonne conscience » voteront à gauche, les autres à droite.

    La société française est-elle destinée à la communautarisation ?

    C’est déjà le cas dans de nombreux quartiers de villes françaises ! Pour une raison qui relève de la simple logique : plus des personnes d’appartenances ethniques différentes cohabitent sur un même territoire, plus les individus se regroupent en fonction de cette appartenance. Il faut se garder des préjugés : qu’on le veuille ou non, les couleurs de peau existent et les ressentiments qui y sont liés également.

    Est-ce le grand sujet de société de demain en France ?

    Tout dépend des territoires. En Normandie, par exemple, où la population est homogène, les gens ne sont pas encore sensibles à cette question. En revanche, la fracture identitaire et/ou ethnique est béante à Marseille ou dans certains quartiers d’une ville comme Grenoble. En somme, là où le communautarisme existe déjà. L’histoire nous enseigne que chaque génération doit affronter une question sociétale d’envergure. Nos grands-parents ont affronté la guerre et ses conséquences. Nos parents ont vécu la décolonisation. La fracture identitaire est celle de notre génération : il faudra bien arriver, d’une façon ou d’une autre, à la surmonter… 

    A lire : Les petits blancs, éditions Plein jour, 168 p., 17 euros.

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