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  • Culture & Littérature • Alain Finkielkraut : un néo-réac sous la coupole

     

    Par Henri BEC

     

    2015-03-20_155205_bec-village.jpgAlain Finkielkraut a prononcé son discours de réception à l’Académie française (on dit son « remerciement »), où il avait été élu en avril 2014. On se souvient que cette élection avait été accompagnée des cris d’orfraie du petit monde médiatico-bobo, scandalisé de l’élection d’un pareil réactionnaire.

    D’une part elle nous a donné le plaisir d’assister à l’effondrement d’une pensée, et peut-être même d’un système qui ne séduit plus les esprits. Les mouvements de l’histoire sont toujours lents nous a appris Jacques Bainville, ceux de la pensée également. Mais l’Académie s’est une fois de plus honorée de résister au mauvais air du temps.

    D’autre part, le discours prononcé sous la coupole n’en fut pas moins éminent : « Le nationalisme, voilà l’ennemi : telle est la leçon que le nouvel esprit du temps a tirée de l’histoire, et me voici, pour ma part, accusé d’avoir trahi mon glorieux patronyme diasporique en rejoignant les rangs des gardes-frontières et des chantres de l’autochtonie. Mais tout se paie : ma trahison, murmure maintenant la rumeur, trouve à la fois son apothéose et son châtiment dans mon élection au fauteuil de Félicien Marceau. Les moins mal intentionnés eux-mêmes m’attendent au tournant et j’aggraverais mon cas si je décevais maintenant leur attente » .

    Alors il a répondu à leur attente mais il les a déçus.

    La France s’oublie elle-même

    Dans de nombreux ouvrages dont le très controversé L’identité malheureuse, Alain Finkielkraut n’a cessé de déplorer la disparition progressive de notre culture, notre langue, notre littérature, notre religion, nos traditions et tout simplement notre art de vivre, pour en arriver à l’être désincarné dont rêve tout dictateur, notamment le dictateur consumériste américain. Et de regretter que la France « semble glisser doucement dans l’oubli d’elle-même ».

    « Notre héritage, qui ne fait certes pas de nous des êtres supérieurs, mérite d’être préservé, entretenu et transmis aussi bien aux autochtones qu’aux nouveaux arrivants. Reste à savoir, dans un monde qui remplace l’art de lire par l’interconnexion permanente et qui proscrit l’élitisme culturel au nom de l’égalité, s’il est encore possible d’hériter et de transmettre » .

    Fils d’un juif déporté, son remerciement, au terme duquel il devait, selon une belle tradition, faire l’éloge de son prédécesseur, Félicien Marceau, homme de lettres belge, condamné par contumace à 15 ans de travaux forcés pour collaboration avec l’ennemi, condamnation qu’Alain Finkielkraut juge « exorbitante » , était très attendu. « Il n’y a pas de hasard, pensent nos vigilants, et ils se frottent les mains, ils se lèchent les babines, ils se régalent à l’avance de cet édifiant spectacle ».

    Mais il eut été étonnant que Finkielkraut s’abaissât à un jeu malsain.

    Rappelant Richelieu, fondateur de l’Académie, il cite Pierre Gaxotte, l’historien de l’Action française, évoquant Blum : « Comme il nous hait ! Il nous en veut de tout et de rien, de notre ciel qui est bleu, de notre air qui est caressant, il en veut au paysan de marcher en sabots sur la terre française et de ne pas avoir eu d’ancêtres chameliers, errant dans le désert syriaque avec ses copains de Palestine ». Il reprend Simone Weil (la philosophe, pas l’autre) et affirme, comme elle l’avait écrit dans L’enracinement, avoir été étreint par le « patriotisme de compassion » … « non pas donc l’amour de la grandeur ou la fierté du pacte séculaire que la France aurait noué avec la liberté du monde, mais la tendresse pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable. J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai pris conscience qu’elle aussi était mortelle, et que son « après » n’avait rien d’attrayant » .

    L’hommage à Félicien Marceau

    Puis c’est tout en nuances qu’il analyse l’évolution intellectuelle de Louis Carette, le véritable nom de Félicien Marceau.

    Celui-ci occupait le poste de chef de section des actualités au sein de Radio-Bruxelles, placé sous le contrôle direct de l’occupant. Lorsque la connaissance des mesures prises contre les juifs commence à se répandre, il écrit  « Je puis concevoir la dureté. Je suis fermé à la démence. Je résolus de donner ma démission » .

    « Ce geste ne lui est pas facile » commente Finkielkraut. « Deux hontes se disputent alors son âme : la honte en restant de collaborer avec un pouvoir criminel ; la honte, en prenant congé de laisser tomber ses collègues et de manquer ainsi aux lois non écrites de la camaraderie » . Il explique longuement sa démarche, « révulsé par la guerre immonde qui suscite tout ce qu’il y a d’immonde dans le cœur déjà immonde des braillards » et rappelle que De Gaulle lui a accordé la nationalité française en 1959 et que Maurice Schumann a parrainé sa candidature à l’Académie française.

    Son discours stigmatise tous ceux qui, sans nuance mélangent les époques et les hommes pour ne juger qu’à l’aune d’un moment : « Aux ravages de l’analogie, s’ajoutent les méfaits de la simplification. Plus le temps passe, plus ce que cette époque avait d’incertain et de quotidien devient inintelligible. Rien ne reste de la zone grise, la mémoire dissipe le brouillard dans lequel vivaient les hommes, le roman national qui aime la clarté en toutes choses ne retient que les héros et les salauds, les chevaliers blancs et les âmes noires » …

    … « Car les hommes prennent pour l’être vrai le système formé par la rumeur, les préjugés, les lieux communs, les expressions toutes faites qui composent l’esprit du temps. Cartésiens et fiers de l’être, ils ont le cogito pour credo. « Je pense, donc je suis » disent-ils alors que, le plus souvent, au lieu de penser, ils suivent « Les démocrates, les modernes que nous sommes, prétendent n’obéir qu’au commandement de leur propre raison, mais ils se soumettent en réalité aux décrets de l’opinion commune ».

    Et de déclarer solennellement sous cette coupole, devant les représentants de l’intelligence et de la culture française, protecteurs de la langue : « Je ne me sens pas représenté mais trahi et même menacé par les justiciers présomptueux qui peuplent la scène intellectuelle » …

    Il analyse enfin longuement l’œuvre littéraire de Félicien Marceau : « Félicien Marceau appartient à cette période bénie de notre histoire littéraire, où les frontières entre les genres n’étaient pas encore étanches. Les auteurs les plus doués circulaient librement d’une forme à l’autre et savaient être, avec un égal bonheur, romanciers, essayistes, dramaturges« .

    Contre le prêt-à-penser

    Sa conclusion résume, dans un magnifique raccourci, les pensées distillées quotidiennement par les penseurs-censeurs enfermés dans leurs certitudes, leurs caricatures et finalement leurs erreurs, grands prêtres satisfaits du penser correct :

    « C’est la mémoire devenue doxa, c’est la mémoire moutonnière, c’est la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, c’est la mémoire de l’estrade, c’est la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes si nombreux et si bruyants ne méditent pas la catastrophe, ils récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient » .

    La place manque ici pour évoquer la magnifique réponse de Pierre Nora. Le directeur des Débats a rendu un hommage appuyé à Alain Finkielkraut après le départ de quelques grincheux. Dans Marianne (oui, oui Marianne !) Laurent Nunez se demande si ces « idiots » (sic) ont bien tout compris.

    Il entretient avec le nouvel académicien, dit-il, « une amitié distante » faite de « tout ce qui nous rapproche et nous réunit : une sensibilité attentive au contemporain, un judaïsme de génération et d’enracinement décalé, un souci de l’école et de la transmission, un rapport intense à la France, à sa culture, à sa langue, à son histoire. »

    Il formule le même constat sur « la désintégration de l’ensemble national, historique et social et même sur le naufrage d’une culture dans laquelle nous avons tous les deux grandi » .

    Mais : « À mon sens, le mal vient de plus loin, de la transformation douloureuse d’un type de nation à un autre que tout mon travail d’historien a cherché à analyser. Ses causes sont multiples et l’immigration me paraît avoir joué surtout un rôle d’accélérateur, de révélateur et de bouc émissaire. En un sens, je suis, en historien, encore plus pessimiste que vous. L’identité nationale, vous disais-je, serait peut-être aussi malheureuse s’il n’y avait pas un seul immigré, car le problème principal de la France ne me paraissait pas la puissance de l’Islam, mais la faiblesse de la République » .

    Et pour finir : « L’Académie française représente, sachez-le, le conservatoire et le condensé de tout ce qui vous tient le plus à cœur : une tradition historique vieille de près de quatre siècles, la défense de la langue dans son bon usage, le respect de la diversité des personnes dans l’unité d’un esprit de famille et le maintien, par-delà l’abîme de nos différences, d’une éternelle courtoisie. La Compagnie vous a ouvert les bras, vous allez connaître avec elle ce que c’est qu’une identité heureuse » .

    Déception bien sûr de ceux qui attendaient une condamnation sans appel, sinon une exécution, de Félicien Marceau d’abord, d’Alain Finkielkraut ensuite. Aussitôt les écrans et les radios se sont fermés, les patrons de la pensée manipulée sont partis pratiquer leur terrorisme intellectuel sur une autre victime, la discrétion s’est abattue sur cette brillante entrée à l’Académie où, faut-il le rappeler, la famille d’Orléans a son siège attitré sous la coupole. Ce fut, pour l’occasion, une fille de feu le comte de Paris qu’une limousine noire aux vitres teintées a amenée jusqu’à la cour intérieure pour respecter cette règle multiséculaire. Il est plaisant de constater que l’Académie n’entend pas rompre le fil de l’histoire. 

    Politique magazine

  • 28 février 2007/28 février 2020 : lafautearousseau a treize ans; treize ans, nous l'espérons, de bons et loyaux services

    « Tout ça pour ça ! »

     

    lfar flamme.jpg28 février 2007 - 28 février 2020

    Lafautearousseau a treize ans...

     

    C'est en effet le 28 février 2007 que fut mise en ligne la première note de ce qui allait devenir notre quotidien royaliste sur le net. 

    Avec Lafautearousseau, l'Action française disposait ainsi, à nouveau, d'un moyen d’expression quotidien, et ce, pour la première fois depuis 1944, année où une période de « Terreur » dénatura et souilla la libération du territoire national et permit aussi aux « révolutionnaires » d’alors de dépouiller l’Action française de ses biens (notamment son imprimerie) et d’interdire purement et simplement la parution du quotidien fondé en 1908, qui avait été l’une des gloires de la presse française.

    Bien sûr, notre quotidien ne prétend pas lui être comparé.

    Mais, en premier lieu, à l'exemple de l'Action française, il propose tous les jours de l’année, une ligne politique claire sur tous les sujets touchant aux grands intérêts de la France, sur le double plan intérieur et international (immigration, terrorisme, économie, culture, justice, institutions, grands enjeux géopolitiques...). Cette ligne politique d’Action française nous la proposons soit directement, à travers nos propres analyses, soit en les confrontant aux articles et réflexions de différentes autres publications, en y adjoignant nos commentaires. Ainsi, nos positions se dégagent souvent de riches débats…   

    Et nous le faisons dans l’esprit de L'Action française – un esprit « réellement d'opposition, c'est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du régime » (Léon Daudet). Une subversion du régime ou du Système non pour elle-même, non par esprit révolutionnaire, mais pour « restaurer (au sens de Pierre Boutang) l’ordre légitime et profond ».

    Quels sont nos autres objectifs ? A quoi servons-nous encore ? Voici :

    Contribuer à faire connaître le Prince, et notre Famille royale, rendre compte de ses activités, de sa pensée, de sa vie familiale et publique, de sa présence sur le sol français, de sa participation à la vie nationale. Pour susciter envers le Prince un courant de sympathie, d'estime et d'affection, et préparer cet appel, ce recours au Prince qui ne manqueraient pas d’apparaître nécessaires aux Français si des circonstances graves l’exigeaient. Circonstances graves dont, de toute évidence, nous ne sommes pas très éloignés.
     
    Servir de caisse de résonance aux activités royalistes partout en France. L'on s'aperçoit alors qu'il y en a beaucoup ... Lafautearousseau (ainsi que ses pages Facebook et son compte tweeter) annonce et rend compte de toute activité importante (colloque, réunion, manifestation, actions militantes, etc.) organisée par ceux que nous considérons comme des amis, c'est à dire aux deux seules conditions que les dites activités se fassent dans la fidélité à la tradition, à la pensée, à la doctrine de l'Action française, et dans la fidélité au Prince et à la Famille de France.
     
    Servir - on nous passera l'expression – de « boîte à outils » ou, pour mieux dire, de riches et précieuses archives, à tous ceux qui veulent travailler à penser clair et marcher droit, et qui peuvent piocher à volonté dans cette véritable malle au trésor, où se trouve stockée, pour aujourd’hui et pour demain, une partie importante de la mémoire, de l’héritage, de l’Action française. Et ce, sous diverses formes (Grands textes, Albums, vidéos anciennes et récentes, dossiers et Pdf à télécharger librement, sans compter plus de 15.000 articles, des milliers de commentaires...
     
    • "Servir" en proposant les Ephémérides pour chaque jour de l'année, parce que nous avons décidé, dès la création du quotidien, de donner une large part à la Culture; parce que nous n'imaginons pas que des militants royalistes ignorent, ou connaissent mal, ou trop peu, leur Histoire; et parce que nous n'imaginons pas de proposer aux Français un régime politique - la Royauté - sans faire référence explicite à l'authentique politique de civilisation qu'a menée, dès ses origines, cette royauté : on verra par là que, ce que nous voulons, est bien plus que la ré-instauration d'un type, d'un mode de gouvernement et de gestion des choses et des gens, mais une Royauté au service de ce que Pierre Boutang appelait « l'ordre légitime et profond »; une Royauté qui n'ampute pas l'homme de sa dimension verticale et transcendante mais qui, bien au contraire, le place dans les meilleures conditions pour accomplir son devoir, ses devoirs. 
     
    Servir, enfin, à maintenir une liaison, une cohésion, et donc une unité, entre membres – anciens ou nouveaux car nombreux sont ceux qui arrivent – d’une même famille d’esprit. Cet ultime service que nous tentons de rendre – avec quelque succès ! – n’est sans-doute pas le moindre.

    Au compteur, donc, pour l'instant, treize ans de militantisme au quotidien.

    Et maintenant ?

    La réponse est claire : aussi longtemps que nécessaire, on progresse et on continue !

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    Rapide petite histoire de lafautearousseau...
     
    C'est en effet le 28 février 2007 qu'a été "envoyée" notre première note, et qu'a débuté l'aventure de lafautearousseau. Intitulée "La question de fond", il s'agissait - dans cette première note - de dresser une sorte de bilan, à grands traits, de l'état dans lequel se trouve la France deux cent quinze ans après la rupture imposée par la Révolution.
     
    Et de poser cette simple question: Tout ça, pour ....ça ?

    Irrégulier d'abord, le rythme de publication des notes est devenu "quotidien" à partir du 30 juillet 2007, puis il est passé à deux notes par jour à partir du 8 février 2008 (avec une note brève, "Ainsi va le monde", signalant une tendance, un fait, un propos intéressant ou significatif, tiré de l'actualité immédiate...; suivie d'une note plus étoffée, traitant plus à fond d'un sujet important, de nature très variée...

    Ensuite sont venues les Ephémérides, puis plusieurs autres rubriques, notamment celle recensant les Activités partout en France, et la publication d'Albums, de Grands Textes, de Documents au format PDF, de Vidéos etc...

    Sans oublier, bien sûr, l'ouverture de notre Page Facebook Lafautearousseau Royaliste, puis de notre Compte Twiter A.F. Royaliste...

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    Voici, à titre de document d'archive en quelque sorte, l'intégralité de notre première note : 

     

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    Mercredi, 28 février 2007

    "LA" question de fond...

    Comment en sommes-nous arrivés là ? La République a pris une France en bon état, elle nous laisse une France au plus mal... nous étions le pays le plus peuplé d'Europe sous Louis XV et Louis XVI, nous avons été rattrapés puis dépassés par les autres. Notre vitalité démographique a été brisée par les saignées effroyables directement liées à la Révolution et à la République : 800.000 morts (Révolution); 1.500.000 morts (folles guerres napoléoniennes); 500.000 habitants perdus en 1815 à cause des Cent jours, dernier mauvais coup porté à la France par l'orgueil délirant de Napoléon; I.5OO.000 morts en 14/18 et 600.000 en 39/45; total: 4.900.000 français "évaporés", disparus, sortis de l'Histoire par les conséquences directes ou indirectes de l'irruption des idées révolutionnaires et des politiques aberrantes des différentes républiques. Quel pays pourrait-il supporter de tels traumatismes à répétition ? La France y a perdu une part importante de sa substance, au sens fort du terme (physique, pourrait-on dire)...

    Et que dire du rayonnement de la France, de l'attrait universel que sa culture, ses Arts, sa civilisation exerçaient sur l'Europe entière, et bien au delà: tout le monde nous enviait et nous imitait sous Louis XV et Louis XVI : le Roi de Prusse commandait ses armées en français; Mozart commençait ses lettres à son père par "Mon cher père"; les écrivains russes parsemaient leurs ouvrages de mots français, et parfois de phrases entières; on construisait Washington (symbole d'un pays nouveau) en s'inspirant ouvertement du classicisme architectural français; presque tous les dirigeants européens se sont fait construire leur petit Versailles; dans tous les domaines, c'était la France qui donnait le ton, c'était vers Paris que convergeaient tous les regards: la France royale avait su amener la société à son plus haut degré de raffinement, et nous connaissions alors ce qu'était "la douceur de vivre"... : la France en est-elle toujours là aujourd'hui ? Séduit-elle toujours autant ? Tient-elle la même place, ou d'autres que nous donnent-ils le ton...?

    Comment ne pas être frappé par la dégradation effarante du moral des français, de leur "mental" ? Nous étions optimistes sous Louis XV et Louis XVI, car avec nos 29 millions d'habitants nous étions le mastodonte démographique de l'Europe, dont nous étions également, et de très loin, le pays le plus étendu: cette double sécurité nous rendait foncièrement optimistes, et c'est de cette époque que date ce dicton selon lequel "en France, tout finit par des chansons": aujourd'hui nous sommes un peuple frileux, qui doute, et qui est le champion d'Europe incontesté de la consommation d'anti-dépresseurs; et que dire de notre situation économique et de notre richesse: entre le quart et le tiers de notre patrimoine artistique a été détruit par la Révolution; notre pays ne cesse de reculer au classement mondial des performances, cependant que l'appauvrissement et la précarité ne cessent de s'étendre parmi nos concitoyens; la violence et l'insécurité (dans tous les domaines) ont littéralement explosé et sont devenus des réalités tristement quotidiennes; la classe politique est très largement discréditée - même si un grand nombre d'élus ne méritent pas de reproches particuliers - et l'opinion publique se détache de plus en plus de la "chose publique", n'ayant plus d'espoir en l'avenir et se laissant aller à un pessimisme nouveau dans notre Histoire...

    Comment se fait-il donc, qu'en partant du pays le plus riche et le plus puissant d'Europe on en soit arrivé à un résultat aussi catastrophique et aussi désolant ? Puisqu'on a appliqué à ce pays la plus merveilleuse des constructions intellectuelles qui soient, puisqu'on l'a régi en fonction des meilleurs principes qui aient jamais été inventés, en toute logique ce pays n'a pu que passer du stade de super puissance qui était le sien à celui de super puissance démultiplié ! Nous devons donc nager dans le bonheur... sinon: cherchez l'erreur ! Il est vrai qu'avec le conformisme que fait régner la république, un conformisme qui n'a jamais été aussi fort chez nous et qui confine à l'étouffement de la pensée, nos concitoyens ont du souci à se faire: dire que nous vivons sous le règne du politiquement correct, de la police de la pensée, du conformatage de l'opinion ne relève même plus du constat mais de la banalité. Qu'on se souvienne de la grande liberté de ton, de parole, d'action dont nous jouissions sous Louis XV et Louis XVI, et une seule question vient à l'esprit: tout ça, pour... ça ?

    Avec, si rien n'est fait, l'effacement continu, la disparition progressive de la France, sa sortie prochaine de l'histoire, du moins en tant que grande puissance, voire puissance tout court...

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    lafautearousseau

  • Quand Arte apporte sa pierre à l’escroquerie historique de la « légende noire » de la colonisation par Bernard Lugan

    La chaîne Arte vient de se surpasser dans le commerce de l’insupportable escroquerie historique qu’est la « légende noire » de la colonisation. Or, le bilan colonial ne pourra jamais être fait avec des invectives, des raccourcis, des manipulations et des mensonges.

     

    Regardons la réalité bien en face : la colonisation ne fut qu’une brève parenthèse dans la longue histoire de l’Afrique. Jusque dans les années 1880, et cela à l’exception de l’Algérie, du Cap de Bonne Espérance et de quelques comptoirs littoraux, les Européens s’étaient en effet tenus à l’écart du continent africain. Le mouvement des indépendances ayant débuté durant la décennie 1950, le XXe siècle a donc connu à la fois la colonisation et la décolonisation.

    AVT_Bernard-Lugan_2614.jpgQuel bilan honnête est-il possible de faire de cette brève période qui ne fut qu’un éclair dans la longue histoire de l’Afrique ? Mes arguments sont connus car je les expose depuis plusieurs décennies dans mes livres, notamment dans Osons dire la vérité à l’Afrique. J’en résume une partie dans ce communiqué.

     

    1) Les aspects positifs de la colonisation pour les Africains

     

    La colonisation apporta la paix

     

    Durant un demi-siècle, les Africains apprirent à ne plus avoir peur du village voisin ou des razzias esclavagistes. Pour les peuples dominés ou menacés, ce fut une véritable libération.

    Dans toute l’Afrique australe, les peuples furent libérés de l’expansionnisme des Zulu, dans tout le Sahel, les sédentaires furent libérés de la tenaille prédatrice Touareg-Peul, dans la région tchadienne, les sédentaires furent débarrassés des razzias arabo-musulmanes, dans l’immense Nigeria, la prédation nordiste ne s’exerça plus aux dépens des Ibo et des Yoruba, cependant que dans l’actuelle Centrafrique, les raids à esclaves venus du Soudan cessèrent etc.

    A l’évidence, et à moins d’être d’une totale mauvaise foi, les malheureuses populations de ces régions furent clairement plus en sécurité à l’époque coloniale qu’aujourd’hui…

     

    La colonisation n’a pas pillé l’Afrique

     

    Durant ses quelques décennies d’existence la colonisation n’a pas pillé l’Afrique. La France s’y est même épuisée en y construisant 50.000 km de routes bitumées, 215.000 km de pistes toutes saisons, 18.000 km de voies ferrées, 63 ports équipés, 196 aérodromes, 2000 dispensaires équipés, 600 maternités, 220 hôpitaux dans lesquels les soins et les médicaments étaient gratuits. En 1960, 3,8 millions d’enfants étaient scolarisés et dans la seule Afrique noire, 16.000 écoles primaires et 350 écoles secondaires collèges ou lycées fonctionnaient. En 1960 toujours 28.000 enseignants français, soit le huitième de tout le corps enseignant français exerçaient sur le continent africain.

     

    Pour la seule décennie 1946 à 1956, la France a, en dépenses d’infrastructures, dépensé dans son Empire, donc en pure perte pour elle, 1400 milliards de l’époque. Cette somme considérable n’aurait-elle pas été plus utile si elle avait été investie en métropole ? En 1956, l’éditorialiste Raymond Cartier avait d’ailleurs écrit à ce sujet : 

     

    « La Hollande a perdu ses Indes orientales dans les pires conditions et il a suffi de quelques années pour qu'elle connaisse plus d'activité et de bien-être qu’autrefois. Elle ne serait peut-être pas dans la même situation si, au lieu d’assécher son Zuyderzee et de moderniser ses usines, elle avait dû construire des chemins de fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, subventionner les clous de girofle des Moluques et payer des allocations familiales aux polygames de Bornéo. »

     

    Et Raymond Cartier de se demander s’il n’aurait pas mieux valu « construire à Nevers l’hôpital de Lomé et à Tarbes le lycée de Bobo-Dioulasso ».

     

    Jacques Marseille[1] a quant à lui définitivement démontré quant à lui que l’Empire fut une ruine pour la France. L’Etat français dût en effet se substituer au capitalisme qui s’en était détourné et s’épuisa à y construire ponts, routes, ports, écoles, hôpitaux et à y subventionner des cultures dont les productions lui étaient vendues en moyenne 25% au-dessus des cours mondiaux. Ainsi, entre 1954 et 1956, sur un total de 360 milliards de ff d’importations coloniales, le surcoût pour la France fut de plus de 50 milliards.

    Plus encore, à l’exception des phosphates du Maroc, des charbonnages du Tonkin et de quelques productions sectorielles, l’Empire ne fournissait rien de rare à la France. C’est ainsi qu’en 1958, 22% de toutes les importations coloniales françaises étaient constituées par le vin algérien qui était d’ailleurs payé 35 ff le litre alors qu’à qualité égale le vin espagnol ou portugais était à19 ff.

    Quant au seul soutien des cours des productions coloniales, il coûta à la France 60 milliards par an de 1956 à 1960.

     

    Durant la période coloniale, les Africains vivaient en paix

     

    Dans la décennie 1950, à la veille des indépendances, à l’exception de quelques foyers localisés (Madagascar, Mau-Mau, Cameroun) l’Afrique sud-saharienne était un havre de paix.

    Le monde en perdition était alors l’Asie qui paraissait condamnée par de terrifiantes famines et de sanglants conflits : guerre civile chinoise, guerres de Corée, guerres d’Indochine et guerres indo-pakistanaises.

    En comparaison, durant la décennie 1950-1960, les habitants de l'Afrique mangeaient à leur faim, étaient gratuitement soignés et pouvaient se déplacer le long de routes ou de pistes entretenues sans risquer de se faire attaquer et rançonner.

     

    Soixante-dix ans plus tard, le contraste est saisissant: du nord au sud et de l'est à l'ouest, le continent africain est meurtri :

     

    - Dans le cône austral, ce qui fut la puissante Afrique du Sud sombre lentement dans un chaos social duquel émergent encore quelques secteurs ultra-performants cependant que la criminalité réduit peu à peu à néant la fiction du "vivre ensemble".

    - De l'atlantique à l'océan indien, toute la bande sahélienne est enflammée par un mouvement à la fois fondamentaliste et mafieux dont les ancrages se situent au Mali, dans le nord du Nigeria et en Somalie.

    - Plus au sud, la Centrafrique a explosé cependant que l'immense RDC voit ses provinces orientales mises en coupe réglée par les supplétifs de Kigali ou de Kampala.

     

    Si nous évacuons les clichés véhiculés par les butors de la sous-culture journalistique, la réalité est que l’Afrique n’a fait que renouer avec sa longue durée historique précoloniale. En effet, au XIX° siècle, avant la colonisation, le continent était déjà confronté à des guerres d’extermination à l’est, au sud, au centre, à l’ouest. Et, redisons-le en dépit des anathèmes, ce fut la colonisation qui y mit un terme.

     

    Aujourd’hui, humainement, le désastre est total avec des dizaines de milliers de boat people qui se livrent au bon vouloir de gangs qui les lancent dans de mortelles traversées en direction de la "terre promise" européenne. Les crises alimentaires sont permanentes, les infrastructures de santé ont disparu comme l'a montré la tragédie d'Ebola en Afrique de l'Ouest ou la flambée de peste à Madagascar, l'insécurité est généralisée et la pauvreté atteint des niveaux sidérants.

     

    Economiquement, et à l’exception d’enclaves dévolues à l’exportation de ressources minières confiées à des sociétés transnationales sans lien avec l’économie locale, l’Afrique est aujourd’hui largement en dehors du commerce, donc de l’économie mondiale, à telle enseigne que sur 52 pays africains, 40 ne vivent aujourd’hui que de la charité internationale

     

    2) Les conséquences négatives de la colonisation

     

    La colonisation a déstabilisé les équilibres démographiques africains

     

    La colonisation a mis un terme aux famines et aux grandes endémies. Résultat du dévouement de la médecine coloniale, la population africaine a été multipliée par 8, une catastrophe dont l’Afrique aura du mal à se relever.

    En effet, le continent africain qui était un monde de basses pressions démographiques n’a pas su « digérer » la nouveauté historique qu’est la surpopulation avec toutes ses conséquences : destruction du milieu donc changements climatiques, accentuation des oppositions entre pasteurs et sédentaires, exode rural et développement de villes aussi artificielles que tentaculaires, etc.


    La colonisation a donné le pouvoir aux vaincus de l’histoire africaine

     

    En sauvant les dominés et en abaissant les dominants, la colonisation a bouleversé les rapports ethno-politiques africains. Pour établir la paix, il lui a en effet fallu casser les résistances des peuples moteurs ou acteurs de l’histoire africaine.

    Ce faisant, la colonisation s’est essentiellement faite au profit des vaincus de la « longue durée » africaine venus aux colonisateurs, trop heureux d’échapper à leurs maîtres noirs. Ils furent soignés, nourris, éduqués et évangélisés. Mais, pour les sauver, la colonisation bouleversa les équilibres séculaires africains car il lui fallut casser des empires et des royaumes qui étaient peut-être des « Prusse potentielles ».

     

    La décolonisation s’est faite trop vite

     

    Ne craignons pas de le dire, la décolonisation qui fut imposée par le tandem Etats-Unis-Union Soviétique, s’est faite dans la précipitation et alors que les puissances coloniales n'avaient pas achevé leur entreprise de « modernisation ».

    Résultat, des Etats artificiels et sans tradition politique ont été offerts à des « nomenklatura » prédatrices qui ont détourné avec régularité tant les ressources nationales que les aides internationale. Appuyées sur l’ethno-mathématique électorale qui donne automatiquement le pouvoir aux peuples dont les femmes ont eu les ventres les plus féconds, elles ont succédé aux colonisateurs, mais sans le philanthropisme de ces derniers…

     

    Les vraies victimes de la colonisation sont les Européens

    Les anciens colonisateurs n’en finissent plus de devenir « la colonie de leurs colonies » comme le disait si justement Edouard Herriot. L’Europe qui a eu une remarquable stabilité ethnique depuis plus de 20.000 ans est en effet actuellement confrontée à une exceptionnelle migration qui y a déjà changé la nature de tous les problèmes politiques, sociaux et religieux qui s’y posaient traditionnellement.

     

    Or, l’actuelle politique de repeuplement de l’Europe est justifiée par ses concepteurs sur le mythe historique de la culpabilité coloniale. A cet égard, la chaîne Arte vient donc d’apporter sa pierre à cette gigantesque entreprise de destruction des racines ethniques de l’Europe qui porte en elle des événements qui seront telluriques.

    Bernard Lugan

    [1] Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce. Paris, 1984. Dans ce livre Marseille évalue le vrai coût de l’Empire pour la France.

  • Sur le blog de Michel Onfray, la méthode insurrectionnelle.

    Sous le signe de La Boétie

    Pendant longtemps, la politique s’est appuyée sur la théocratie – le pouvoir de Dieu. Le compagnonnage entre les rois et les prêtres est vieux comme le monde. Quand les dieux parlaient c’était bien évidemment le clergé qui prétendait avoir l’oreille pour entendre ces voix réductibles à leurs chuchotements. Quand Dieu a remplacé les dieux, le schéma n’a pas changé: on est passé de plusieurs donneurs d’ordres à un seul, mais le clergé associé aux rois pour constituer la classe dominante a continué d’imposer sa loi au peuple. La classe intermédiaire des guerriers veillait à ce qu’il ne vienne pas à l’idée des gouvernés de vouloir décider par eux mêmes, pour eux-mêmes… Le peuple? Voilà l’ennemi de tous les gouvernants.

    Le schéma trifonctionnel (roi et clergé / soldats et militaires / producteurs et peuple) a été analysé dans l’Histoire par Georges Dumézil. Il est bien évident que ce schéma perdure mais que la caste des prêtres, en temps de nihilisme religieux, a été remplacée par celle des journalistes qui constitue la caste sacerdotale pour une grande part.

    L’éviction des dieux commence avec les philosophes matérialistes de l’antiquité. Il reste hélas peu de choses de la politique d’Epicure, les textes ont été détruits par le judéo-christianisme. Mais il demeure l’essentiel: une philosophie du contrat social. La politique est pour le philosophe des atomes une affaire entre les hommes sans que les dieux n’aient à s’en soucier. Dans l’une des Maximes capitales, Epicure parle d’un «contrat sur le point de ne pas se faire tort mais de n’en pas subir non plus» (XXXII). Il ne s’agit plus d’une contrat théocratique qui déciderait des relations des hommes entre eux via le divin, mais d’un contrat laïc qui concerne les hommes et rien qu’eux.

    Il existe peu de textes de philosophie politique qui donnent le mode d’emploi insurrectionnel.

    Dans la courte liste de ceux-ci, on trouve les inévitables bibles marxistes-léninistes qui font la part belle à la violence, au sang, à la terreur – le Manifeste du parti communiste de Marx, Que faire? de Lénine, Leur morale et la nôtre de Trotski, le Petit Livre rouge de Mao. L’Histoire nous a appris vers quels enfers conduisent ces prétendues voies d’accès au Paradis social!

    Si l’on veut écrire une histoire de l’insurrection non-violente, bien qu’efficace, elle s’avérera bien courte. Et les quelques titres qui s’imposeront (De la désobéissance civile de Thoreau, les textes de Gandhi et de Luther-King) procèdent tous d’une même référence: le Discours de la servitude volontaire de La Boétie.

    Ce texte, comme son auteur, est un météore dans le ciel philosophique occidental. Montaigne l’a dévalorisé et présenté comme étant d’extrême jeunesse, écrit à l’âge de seize puis dix-huit ans, un genre d’exercice de rhétorique effectué par son ami sans qu’il faille y voir autre chose. Il avait annoncé que les Essais seraient la poursuite de sa conversation avec son ami mort et qu’au coeur même de son livre à venir il placerait celui de son compagnon – avant de n’en rien faire et, pour se donner bonne conscience, de placer, à la place manquante, d’honorables sonnets de facture très classique…

    Pour quelles raisons?

    Le Discours de la servitude volontaire était devenu une arme de guerre protestante contre l’autoritarisme catholique du régime monarchique pendant les guerres de Religion – ce que, Montaigne qui était un légitimiste catholique qui y mettait les formes, ne pouvait accepter, voire cautionner…

    Ce texte est peut-être un écrit d’extrême jeunesse. Et alors? Il est sans doute un exercice de rhétorique. Et après? On peut être jeune et doué pour l’exposé sans que la vérité ni le fond ne s’en trouvent affectés! A l’époque, l’Ecole normale supérieure n’existait pas encore… La Boétie démonte le pouvoir, tout pouvoir, comme s’il s’agissait d’un automate. Pièce après pièce, le jeune philosophe nous explique comment il fonctionne, pourquoi et comment. Autrement dit, ce faisant, il nous donne également les outils pour enrayer la machine…

    Que dit ce bref Discours de la servitude volontaire?

    Qu’il est funeste de se retrouver aux mains d’un maître qui peut à tout moment devenir un tyran; que beaucoup craignent ce genre d’homme alors qu’il ne tient son pouvoir que des assujettis qui le lui donnent ; qu’un seul tient son pouvoir de la multitude; qu’il ne faut pas agresser le tyran et le combattre positivement mais ne plus lui donner ce qui le constitue comme tel; qu’il faut cesser de nourrir le monstre et que c’en sera fini de lui; que «c’est le peuple qui s’asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d’être sujet ou d’être libre, quitte sa franchise, et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse»; qu’il ne faut pas vouloir éteindre le feu avec de l’eau mais cesser de l’alimenter en bois; que la liberté est le plus grand bien et que, sans elle, le reste est catastrophe; que les hommes ne veulent pas la liberté car il leur suffirait de la vouloir pour l’obtenir; que, s’ils ne l’ont pas, c’est qu’ils ne l’ont pas désirée; que les hommes sont complices des maux qui les frappent; que la première soumission s’effectue après le triomphe de la force, mais que cette situation se perpétue parce qu’on l’imagine naturelle; que certains ne sont pas dupes de ces mécanismes de sujétion mais que les tyrans les empêchent de s’exprimer; que l’assujettissement constitue un peuple serf; que cette servitude empêche les sujets de faire de grandes choses; que les tyrans abêtissent leurs sujets; que le tyran maintient sa puissance et assure la servitude avec du pain et des jeux; qu’il se présente sous le signe du sacré afin d’empêcher qu’on le critique; qu’il n’aime, ni n’est aimé et ne vit qu’avec sa cour qui le flatte et lui ment; que les principes de la sujétion ne sont pas la force armée, mais l’organisation pyramidale du pouvoir, chacun tyrannisant l’autre jusqu’à la base, et ce sur le principe édicté par le premier tyran – et puis cette fameuse phrase, sublime parce qu’elle est programmatique: «Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres»! Celle-ci également qu’il faut entendre comme la maxime d’un idéal: «Jamais à bon vouloir ne défaut la fortune» - autrement dit: chaque fois qu’un révolté a voulu détruire ce mécanisme de la sujétion, il a eu l’Histoire avec lui, voire: il a fait l’Histoire…

    Ce bref texte dense et génial s’inscrit dans un courant de la philosophie politique dont on parle assez peu (pour ne pas dire : pas du tout…) celui des monarchomaques.

    Qui sont-ils ?

    Des penseurs politiques pour lesquels les sujets ne sont pas aux ordres du souverain mais l’inverse. En plein XVI° siècle, après les massacres de la Saint-Barthélemy, ils proposent une politique singulière. Ces calvinistes, pour la plupart, ne sont pas Républicains, ce qui n’aurait guère de sens à cette époque, mais ils veulent une monarchie constitutionnelle à même d’en finir avec la monarchie absolue qu’ils appellent tyrannie. Ils proposent le contrôle du roi par ses sujets. L’un d’entre eux, François Hotman, écrit en effet ceci: «Entre un gouvernement et ses sujets, il y a un lien, ou contrat, et les gens peuvent se soulever contre la tyrannie d'un gouvernement lorsque celui-ci viole ce pacte».

    Qu’en cas de viol du contrat social, le peuple recouvre sa liberté d’agir contre celui qui se nomme un tyran, voilà une fois de plus qui fonde philosophiquement le droit d’insurrection.

    Le nom de Jean-Jacques Rousseau, et l’ombre de Robespierre, écrasent en France la pensée de Thomas Hobbes, un philosophe atomiste et matérialiste du contrat qui les précède d’un siècle. L’auteur du Léviathan ne part pas d’une fiction après avoir écarté les faits, selon la méthode rousseauiste, mais il part du réel: les hommes ne sont pas naturellement bons et pervertis par la société, comme le pense Rousseau qui estime de ce fait qu’en instaurant une société bonne on restaurera l’homme dans son bonté, mais ils sont naturellement méchants et mauvais. Reprenant la phrase célèbre de Térence, Hobbes affirme que «L’homme est un loup pour l’homme». Il n’a pas tort…

    Le philosophe anglais pense que, dans la nature, règnent la peur, la crainte, l’angoisse que les plus forts ou les plus rusés imposent leur loi aux plus faibles ou au plus désarmés. Chacun craint de tout le monde qu’il lui nuise – et cet état n’est pas désirable longtemps.

    Le contrat social est l’art politique majeur puisqu’il repose sur le renoncement de chacun à nuire afin que le souverain, investi de la force de ce renoncement, garantisse la sécurité, la sûreté et la liberté à tous. Ce souverain peut-être aussi bien un homme, dans le cas de la monarchie, qu’une assemblée, dans celui de la république. En renonçant à leur liberté de nuire à leur prochain les hommes constituent un souverain dont l’obligation consiste à les protéger; si le souverain s’en montre incapable alors le peuple dispose du droit de recouvrer à sa liberté première. Lisons: «L’obligation qu’ont les sujet envers le souverain est réputée durer aussi longtemps, et pas plus, que le pouvoir par lequel celui-ci est apte à les protéger. En effet, le droit qu’ont les hommes, par nature, de se protéger, lorsque personne d’autre ne peut le faire, est un droit qu’on ne peut abandonner par aucune convention. La souveraineté est l’âme de la république: une fois séparée du corps, cette âme cesse d’imprimer son mouvement aux membres. La fin que vise la soumission, c’est la protection : cette protection, quelque que soit l’endroit où les hommes la voient résider, que ce soit leur propre épée ou dans celle d’autrui, c’est vers elle que la nature conduit leur soumission, c’est elle que par nature ils s’efforcent de faire durer » (Léviathan, ch. XXI, De la liberté des sujets).

    Hobbes examine plusieurs cas dans lesquels le Peuple se trouve libéré de sa sujétion au Souverain qu’il a lui-même constituée. Nomment quand «le souverain s’assujettit à un autre souverain» (idem.) – qui dira que, dans la configuration maastrichtienne, le souverain français ne s’est pas assujetti à un autre souverain, et que, de ce fait, le peuple dispose du droit à recouvrer sa liberté.

    Ce droit est très clairement le droit à l’insurrection contre le souverain qui ne protège plus son peuple.

    Dans les premières pages de L’Archipel du Goulag, Soljenitsyne ne cite pas La Boétie, mais on découvre qu’il connaît ses thèses et l’a probablement lu. Il n’accable pas Marx, Lénine ou Staline, mais il explique que, sans le consentement des Soviétiques au pouvoir marxiste-léniniste, il n’y aurait pas eu de dictature – «la maudite machine se serait arrêtée» (I.17).

    Le Discours sur la servitude volontaire n’est rien d’autre qu’un manuel d’insurrection – mais quel manuel! Il explique qu’il ne sert à rien d’accabler le tyran, le dictateur, le despote, car il n’y a de tyrannie, de dictature et de despotisme que parce que les assujettis à ces autocrates le veulent bien. Il leur suffirait de ne plus vouloir pour que le pouvoir de cet homme disparaisse en fumée.

    Chacun conviendra que l’analyse effectuée par La Boétie au XVI° siècle se trouve confirmé par l’actualité.

    En Occident, la tyrannie a pris la forme d’une Europe libérale que j’ai nommée l’Etat maastrichtien, qui vise l’Etat universel et un gouvernement mondial populicide. La leçon de La Boétie est qu’il suffit au peuple de ne pas le vouloir pour qu’il n’ait pas lieu.

    La revue Front Populaire se propose d’être le parlement perpétuel des idées de ce que veulent les peuples contre les populicides qui souhaitent leur mort.

    Michel Onfray

  • Littérature & Société • Relire Soljenitsyne pour retrouver une source de vérité et de courage

      

    Par   

    soleil.jpgTRIBUNE - À l'occasion du dixième anniversaire de la mort d'Alexandre Soljenitsyne et du quarantième anniversaire de son discours d'Harvard, Laurent Ottavi revient sur les maux occidentaux que pointait le dissident russe. Il y voit une dimension prophétique. [Figarovox 3.08]. « Ne pas vivre dans le mensonge » où, de fait, nous vivons de tant de manières.  Soljenitsyne peut aider notre monde à le détruire.    

     

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    Ce 3 août 2018 [était] le dixième anniversaire de la mort d'Alexandre Soljenitsyne. Le dissident russe, auteur d'Une journée d'Ivan Denissovitch et de L'Archipel du Goulag, fût une figure controversée, souvent qualifiée de « réactionnaire ». Le ressentiment de l'élite libérale américaine à son égard remonte à un discours retentissant, Le déclin du courage, dont c'est le 40ème anniversaire cette année. Le texte de ce discours prononcé à Harvard a été réédité en 2017 aux éditions des Belles lettres. 

    Il faut le resituer dans son contexte et dans la biographie de son auteur, pour en saisir toute la portée.

    Du Goulag à Harvard

    À la veille de la victoire des Alliés, Alexandre Soljenitsyne écrit dans une correspondance que Staline est un chef de guerre incompétent, qui a affaibli l'Armée rouge par les purges et s'est imprudemment allié à Adolf Hitler. Cette critique le conduit pendant huit années dans l'enfer du Goulag, « où ce fut, écrit-il, mon sort de survivre, tandis que d'autres - peut être plus doués et plus forts que moi - périssaient ». Il révèle l'existence des camps de travaux forcés au monde dans Une journée d'Ivan Denissovitch. Staline, depuis, est mort. Ce texte est publié dans une revue littéraire avec l'autorisation de Nikita Khrouchtchev. Il donne à son auteur une renommée en Russie mais aussi dans le monde.

    Alexandre Soljenitsyne est récompensé du prix Nobel de littérature en 1970. Après d'autres écrits et sa demande de supprimer toute censure sur l'art, il fait paraître en 1973, à Paris, son livre le plus connu, L'Archipel du Goulag. Le dissident est déchu de sa nationalité et exilé. Il vit d'abord à Zurich puis s'installe aux États-Unis. Il y réside depuis deux ans, dans la plus grande discrétion, quand il est invité par l'université d'Harvard à prononcer un discours lors de la séance solennelle de fin d'année, le 8 juin 1978.

    La parole du dissident, dans le contexte de guerre froide, est très attendue. Alexandre Soljenitsyne, pensent les Occidentaux, est venu faire l'éloge du monde libre. Quelle ne fût pas leur surprise ! Le dissident ne fait pas le procès du communisme ; il fait un portrait à charge de l'Occident.

    L'amère vérité

    Il le fait « en ami », mais avec l'exigence, presque toujours amère, de la vérité, qui est la devise (Veritas) d'Harvard. Le texte qu'il prononce ce jour-là a traversé le temps de la guerre froide pour nous renseigner, encore aujourd'hui, sur ce que nous sommes. C'est pourquoi il mérite encore toute notre attention. Il n'est pas, comme a pu le penser l'élite américaine, celui d'un réactionnaire ou d'un homme ingrat à l'égard du pays qui l'a accueilli. Alexandre Soljenitsyne reste fidèle dans ce discours à sa ligne de conduite passée, à l'honneur, à la Vérité.

    « Ne pas vivre dans le mensonge » était le nom de son dernier samizdat paru en URSS. Qu'est-ce que le totalitarisme, en effet, sinon essentiellement un mensonge en ce qu'il cherche à dénaturer l'homme en faisant fi de sa condition et à transfigurer le monde ? Alexandre Soljenitsyne parle d'autant plus librement pendant son discours d'Harvard qu'il se trouve dans une démocratie. La réception si controversée de ce discours l'amènera à faire cette réflexion dans ses mémoires : « Jusqu'au discours d'Harvard, écrit-il, je m'étais naïvement figuré vivre dans un pays où l'on pouvait dire ce qu'on voulait, sans flatter la société environnante. Mais la démocratie, elle aussi, attend qu'on la flatte ».

    Le discours d'Alexandre Soljenitsyne, à la fois méditatif et audacieux, est une alerte, une mise en garde, un avertissement. Comme la vigie, son auteur envoie des signaux. Ce qu'il pointe n'a fait que s'aggraver depuis. A posteriori, le discours d'Harvard s'est donc avéré, en grande partie, prophétique. Soljenitsyne voit suffisamment bien ce qui est, pour anticiper ce qui sera. « En ami », il a le courage de le dire.

    Le déclin du courage

    Dès le début de son texte, il remet l'orgueil du « monde libre » à sa place, en affirmant qu'il ne recommanderait pas la société occidentale comme «idéal pour la transformation» de la sienne : « Étant donné la richesse de développement spirituel acquise dans la douleur par notre pays en ce siècle, le système occidental dans son état actuel d'épuisement spirituel ne présente aucun attrait ». Le caractère de l'homme s'est affermi à l'Est et affaibli à l'Ouest. Il vise ici, à la fois la prétention des Occidentaux à se croire la pointe avancée du Progrès dans ses multiples dimensions et à vouloir imposer leur modèle - les autres pays étant jugés « selon leur degré d'avancement dans cette voie » - mais aussi la décadence de l'Occident. Il souligne sa débilité, c'est-à-dire sa faiblesse, liée à ce qu'il nomme le déclin du courage, « qui semble, dit-il, aller ici ou là jusqu'à la perte de toute trace de virilité » et qui « a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ». Pour lui, l'esprit de Munich continue à dominer le XXe siècle.

    Alexandre Soljenitsyne cible plus particulièrement la couche dirigeante et la couche intellectuelle dominante, c'est-à-dire ceux qui donnent « sa direction à la vie de la société ». Il parle notamment des mass-médias qui (dés)informent avec hâte et superficialité. La presse, alors qu'elle n'est pas élue, est d'après lui la première force des États occidentaux et encombre l'âme de futilités au nom du « droit de tout savoir ». Elle est marquée par l'esprit grégaire, comme le milieu universitaire, empêchant aux esprits fins et originaux de s'exprimer.

    La lâcheté, l'indisposition au sacrifice des classes les plus socialement élevées trouvent évidemment un écho dans notre monde contemporain marqué par la révolte des élites des pays occidentaux et l'expansion de l'islamisme, qui a su habilement tirer parti de nos lâchetés. Aujourd'hui comme hier, le défaut de courage et le refoulement du tragique de l'Histoire se paient par le grossissement du monstre. Que l'on songe à l'après-Bataclan et aux injonctions au «tous en terrasse ! » qui l'ont accompagné en lisant ces lignes : « un monde civilisé et timide n'a rien trouvé d'autre à opposer à la renaissance brutale et à visage découvert de la barbarie que des sourires et des concessions (…) vos écrans, vos publications sont emplis de sourires de commande et de verres levés. Cette liesse, c'est pourquoi ? ».

    Juridisme sans âme 

    L'Occident, nous dit Soljenitsyne, s'est perdu en atteignant son but. Dans la société d'abondance déchristianisée, l'homme est amolli. Son confort sans précédent dans l'histoire lui fait rechigner au sacrifice et perdre sa volonté, ce qui est un problème bien plus grave que l'armement : « quand on est affaibli spirituellement, dit-il, cet armement devient lui-même un fardeau pour le capitulard ». Il a l'illusion d'une liberté sans borne (« la liberté de faire quoi ? ») mais il ne fait que se vautrer dans l'insignifiance. Comme l'homme-masse décrit par le philosophe espagnol Ortega y Gasset, il réclame sans cesse des droits et délaisse ses devoirs. Les grands hommes, dans ce contexte, ne surgissent plus.

    Cette société d'abondance déchristianisée est le fruit d'une conception du monde née avec la Renaissance et qui « est coulée dans les moules politiques à partir de l'ère des Lumières ». C'est le projet d'autonomie : l'homme est sa propre loi. De l'Esprit (Moyen Âge), le curseur a été excessivement déplacé vers la Matière (à partir de la modernité), au risque de la démesure. L'érosion de ce qu'il restait des siècles chrétiens a ensuite amené, selon Soljenitsyne, à la situation contemporaine.

    Corollaire de la société de l'abondance où le marché est roi, le droit est omniprésent en Occident. Ne permet-il pas de compenser la dégradation des mœurs ? Autant l'URSS est un État sans lois, autant l'Occident est aujourd'hui, selon Soljenitsyne, un juridisme sans âme. Il est dévitalisé par un droit « trop froid, trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique ». Il encourage la médiocrité, plutôt que l'élan. Il ne peut suffire à mettre les hommes debout, comme l'exigent pourtant les épreuves de l'Histoire.

    Pour se hisser, l'homme a besoin de plus. Chez le chrétien orthodoxe qu'est Soljenitsyne, le remède est spirituel. En conclusion de son discours, il juge que « nous n'avons d'autre choix que de monter toujours plus haut », vers ce qui élève l'âme, plutôt que vers les basses futilités. Ce plus-haut est un frein aux pulsions, aux passions, à l'irresponsabilité. Il donne du sens. Il donne des raisons de se sacrifier, de donner sa vie. Le propos de Soljenitsyne est condensé dans la célèbre phrase de Bernanos : « on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Cette vie intérieure, chez le dissident passé par l'enfer du Goulag, est ce qui nous est le plus précieux. À l'Est, elle est piétinée par la foire du Parti, à l'Ouest ; elle est encombrée par la foire du commerce.

    « Ne soutenir en rien consciemment le mensonge »

    La philosophe Chantal Delsol, en s'appuyant en grande partie sur les dissidents de l'est (dont Soljenitsyne), a démontré dans La Haine du monde que la postmodernité poursuivait les mêmes finalités que les totalitarismes. Celles de transfigurer le monde et de renaturer l'homme. Seulement, elle le fait sans la terreur mais par la dérision.

    La postmodernité, comme le communisme, engendre des démiurges qui font le choix du mensonge. Le démiurge se désintéresse de sa vie intérieure. Il veut, non pas se parfaire, mais être perfection. Il veut, non pas parfaire le monde, mais un monde parfait. Les apôtres de la gouvernance mondiale jettent les nations aux poubelles de l'Histoire. Les idéologues du gender font fi des différences sexuelles. Les transhumanistes promettent « l'homme augmenté » débarrassé de sa condition de mortel et capable de s'autocréer.

    Comme Chantal Delsol, Alexandre Soljenitsyne explique l'attraction longtemps exercée par le communisme sur les intellectuels occidentaux par le lien avec les Lumières françaises, et leur idéal d'émancipation perverti, excessif, qui est toujours celui de la postmodernité. Dans ce cadre, l'enracinement est l'ennemi à abattre. Le matérialisme, qu'il soit communiste ou postmoderne, se déploie sur la destruction de ce qui ancre l'individu à un lieu et à une histoire et de ce qui le relie à un Plus-haut que lui-même.

    Dans un autre discours, celui relatif à son prix Nobel qu'il n'a jamais prononcé, Alexandre Soljenitsyne écrit que seul l'art a le pouvoir de détruire le mensonge. L'homme simple, cependant, peut et doit le refuser: « par moi, ne soutenir en rien consciemment le mensonge ». Relire le discours du dissident russe, c'est retrouver la source de vérité et de courage. Sans elle, l'Occident ne se remettra pas debout face à ceux qui ne lui laissent le « choix » qu'entre deux options : la soumission ou la mort.    

    Laurent Ottavi est journaliste à la Revue des Deux Mondes et à Polony TV.

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Grands textes [I] • Discours intégral d'Alexandre Soljenitsyne en Vendée.

    Soljenitsyne, le Vendéen ... Retrouvez le superbe récit de Dominique Souchet

  • Jean Raspail, par Hilaire de Crémiers.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Quelle erreur ce serait de ne consentir à Jean Raspail que le royaume du rêve ! Là où les brumes incertaines ne laisseraient plus rien à distinguer, où s’effacerait toute vision claire et décidée de l’histoire. Il est certain que l’honneur et le panache, règles françaises par excellence, n’ont plus cours dans notre société démocratique. Quand ils surgissent, c’est toujours à l’improviste et en raison seulement des circonstances de l’actualité qui dictent l’action héroïque du moment.

    hilaire de crémiers.jpgComme encore récemment. Sans-doute suscitent-ils, sur le coup, quelque émoi, excitent-ils, un instant, l’admiration des foules, provoquent-ils l’éloquence ampoulée de l’autorité constituée en vue d’innommables récupérations politiciennes ; mais, à peine l’hommage rendu, comme à nos soldats, les voilà, l’honneur à la française, le panache à la gauloise, promptement renvoyés au néant ontologique où nos institutions politiques, nos habitudes sociales et la morale ordinaire qui prévaut dans notre république comme ligne de conduite pour la réussite de la vie, les assignent prudemment à résidence. On ne sait jamais quelles envies leur prendraient, s’ils en sortaient, de renverser l’ordre bourgeois qui nous écrase. Donc interdiction d’exister ! Jean Raspail avait le sentiment plus que quiconque de cette situation atroce pour toute âme bien née ; et, très jeune, il n’en a jamais pris son parti. Un rejet profond et violent soulevait son âme, noble par nature, de toute cette chienlit institutionnalisée qui, sous prétexte d’on ne sait quelle modernité, tue dans l’homme, singulièrement dans l’homme français, toutes les forces spirituelles qui pourraient l’élever.

    Spes contra spem

    Il fallait l’écouter en conversation privée. Difficile d’imaginer à quel point il détestait, avec la plus extrême rigueur de l’esprit et du cœur, la bassesse, la veulerie, la compromission fondamentale, la bêtise substantielle, la laideur essentielle de ce monde qu’avait façonné plus de deux cents ans de sottise constitutionnelle déguisée par des procédés sophistiques en progrès de l’humanité. Et la République réussissait à faire répéter continûment son insane et perverse leçon aux Français de France, et dès leur plus jeune âge, et jusque dans les grandes écoles, et jusque chez les curés, et jusque dans les familles où, plus qu’ailleurs, il eût été normal de rejeter tant de balivernes ! Il en était dégoûté. Où était la loyauté à l’égard de la vieille France, vilipendée ? L’honneur à l’égard de notre histoire, falsifiée ? La fidélité à l’égard de nos ancêtres bafoués ? La justice à l’égard de l’œuvre nationale et royale, fruit d’une race, d’un sang, d’un esprit, au sens le plus noble de ces termes, que l’ennemi, trônant chez nous dans l’État en lieu et place de nos princes, a entrepris de détruire méthodiquement ?

    Voilà ce qui rendait Raspail terriblement pessimiste. Mais, précisément, il ne voulut pas s’enfermer dans une haine sans issue. Il lui fallait aimer et donner à aimer. C’est ainsi qu’il sortit tout naturellement par le haut de cet univers où tout réalisme ne pouvait que conduire au plus noir désespoir. Ce serait se tromper sur le caractère de l’homme que de penser que son imagination était un moyen de fuir le réel et d’échapper au combat du jour. Au contraire.

    Monsieur l’Abbé Thierry Laurent, curé de Saint-Roch, lors de la messe d’obsèques célébrée dans le cérémonial le plus traditionnel qui plaisait à Jean Raspail, l’a magistralement souligné tout au long de l’oraison funèbre qu’il prononça du haut de la chaire en l’honneur du défunt. Jean Raspail était d’abord un homme d’espérance et, conséquemment, un homme de foi dont la charité ne pouvait se mesurer comme toute vraie charité. Il aimait les petites gens, les peuples abandonnés et trahis, les hommes perdus du bout de la terre et, tout aussi bien, les victimes innombrables des régimes ignobles qui ont foisonné sur terre au motif de la révolution. Sa vie, son œuvre en témoignent ; et tous les ricanements des beaux esprits qui n’ont rien compris à son œuvre et qui la jugent avec superbe comme le jeu illusoire d’un éternel perdant, ne sauraient changer le sens de son parcours.

    Oui, il partait ; oui, il allait ; c’était son destin ; il cherchait ailleurs. Comme en 1949 il descendit, jeune homme, en canot léger sur « les chemins d’eau du Roi », pour commémorer l’épopée française en Amérique du Nord sous la double enseigne de la croix et du lys. Ça, c’était déjà Jean Raspail.

    Le Roi qui ne peut que venir

    Ne fallait-il pas qu’il trouvât un espace où la liberté d’être, de sentir et de penser lui permettrait de trouver des perspectives. Elles seraient siennes ; elles seraient nobles ; c’est pourquoi il les voulait délibérément irréelles. Tout simplement pour forcer la réalité ! Il y mettait de l’obstination et une généreuse ironie, ce qui constitue le fond de toutes ses histoires ; et même pour le lecteur ami qui entrait en symbiose avec lui, une volonté d’espièglerie qui se cachait sous le plus malicieux des sérieux. La Patagonie après tout vaut bien un royaume. Jusque dans le symbole, il dissimulait son intention. C’est qu’au bout du bout l’impossible deviendrait enfin possible !

    La situation n’étant plus qu’une impasse, il faudra bien qu’elle se retourne. L’histoire a le devoir de s’inverser, contrairement à tout ce qu’on proclame. Ne serait-ce que pour la satisfaction de l’esprit et le contentement de la gloire. Il n’y aura plus à jouer au chevalier errant. L’honneur sera de nouveau à l’honneur et le panache regagnera son panache. S’il y a encore des hommes et des Français ! Et le Roi sera chez lui chez nous, comme il convient, selon la loi de l’histoire de France, avec tout ce qui s’ensuit, le sacré en premier lieu qui n’est que le sens même de la vie.

    Pour avoir déjeuné avec lui, il y a un an, au moment où il décidait la réédition de ses livres et, en particulier, Le Roi au-delà de la mer sous le titre nouveau Le Roi est mort, vive le Roi, je sais combien cette préoccupation du Roi le taraudait. C’est pourquoi il fit à son livre une préface nouvelle qu’il écrivit sous la forme d’une adresse au Prince, à sa manière à lui, comme Jacques Trémolet de Villers, lui aussi, s’était adressé, il y a quelques années, au Prince qui vient. L’un et l’autre avaient hâte d’une telle survenue. Que dans la France d’aujourd’hui deux hommes de cette qualité et de ce talent tendissent leur cœur vers cette même espérance, c’est déjà dire beaucoup. Combien d’autres en secret ? Je leur avais demandé à tous les deux dans une soirée mémorable de s’exprimer devant nos amis sur leur attente du Roi.

    Le comte de Paris, que Raspail connaissait depuis longtemps, était au premier rang lors de la messe des funérailles, comme il se doit ; Raspail lui-même était présent en uniforme de marine au mariage du Prince, alors duc de Vendôme.

    Ce qui avait tenu le plus à cœur à Jean Raspail, ce fut de célébrer dignement le bicentenaire de la mort de Louis XVI, le 21 janvier 1993, à l’emplacement même où le roi fut guillotiné. Pour lui, cette pseudo-exécution était le crime des crimes dont la France porte toujours la souillure indélébile, tant qu’elle n’aura pas fait, sur ce point d’abord, la plus juste des repentances.

    À sa demande, François Mitterrand qui ne pouvait pas ne pas se souvenir de sa jeunesse catholique et royaliste – Mitterrand était un homme intelligent et instruit –, ordonna au préfet de police de laisser se dérouler la manifestation pacifique sur la place de la Concorde où l’Ambassadeur des États-Unis se rendit, portant lui-même, avec l’accord de son gouvernement, sa gerbe de fleurs en souvenir du Roi de France à qui les États-Unis devaient leur indépendance et les mers, leur liberté. Je me souviens du contentement de Raspail qui ne se désolait que du refus catégorique du cardinal Lustiger d’ouvrir sa cathédrale pour la célébration de la messe. Niaiserie et vilenie, non pas de l’archevêque qui remit de l’ordre dans le diocèse de Paris, mais de ce ralliement à la République qui est devenu la règle suprême du clergé français, erreur pastorale et dévoiement doctrinal, qui obligent l’Église à mettre au-dessus de sa foi et de son Christ, Seigneur et Roi, l’ectoplasme de la divinité républicaine qui se veut un absolu, et plus absolu que tous les autres, et qui, pourtant, comme dit le psaume, n’a d’oreille que pour ne pas entendre, n’a d’yeux que pour ne pas voir, n’a de bouche que pour ne pas parler : une inhumaine déité devant qui il faudrait ployer les genoux !

    Le Camp des saints, Les sept cavaliers, L’Anneau du pêcheur, Sire imprimeront longtemps leurs fortes images dans l’esprit romanesque français. Au-delà de nos décrépitudes, elles projettent vers l’avenir la leçon de leurs paraboles inversées qui donnent à comprendre, mieux à sentir, ce que doivent être nos chemins de renaissance. Son dernier ouvrage La Miséricorde, merveilleux roman inachevé, parce que sans fin, nous incite à ne jamais désespérer de Dieu : là où le péché a abondé, la grâce peut et doit surabonder. Non, rien n’est fini. Raspail peut partir sans regret, tête haute et cœur léger.

    Illustration : Photo reproduite avec l’aimable autorisation de la chancellerie de Patagonie.

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  • Pédophilie : prudentes leçons, par Aristide Renou.

    Illustration : Christine Ockrent et son fils Alexandre Kouchner. Hommage à la comédienne Marie-France Pisier lors d’une cérémonie en l’église Saint-Roch. Paris, 05/05/2011. © LE FLOCH/NIKO/SIPA

    Les cris d’effroi accompagnent rituellement les dénonciations médiatiques de mœurs corrompus. On peut douter que la puissance publique aille véritablement à la racine du mal.

    Nous avons eu, en moins d’un an, deux affaires d’abus sexuel sur mineurs extrêmement médiatiques, avec la parution des livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner.

    Ces deux affaires présentent de nombreux points de ressemblance et pourraient nous apprendre – ou nous rappeler – bien des choses intéressantes sur un sujet censé nous tenir très à cœur : la lutte contre la pédophilie.

    Mais allons-nous tirer les bonnes leçons de ces deux sordides histoires, emblématiques à plus d’un égard ? On peut en douter. Car certaines des conclusions évidentes qui découlent des récits de Vanessa Springora et Camille Kouchner (et de beaucoup d’autres, bien moins médiatiques) ne vont pas exactement dans le sens du politiquement correct.Commençons par énoncer les faits avant d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

    Le caractère pathogène des familles décomposées

    La première évidence est que les abus sexuels sur mineurs prolongés, et non ponctuels – comme dans les deux cas qui nous occupent –, ne sont pas une histoire qui se réduit aux deux protagonistes principaux, l’adulte et l’enfant ou l’adolescent. Ce sont des histoires de famille. Pour le dire simplement et brutalement : ce genre de crime se produit beaucoup plus souvent dans des familles recomposées ou décomposées que dans des familles intactes. Les statistiques sont impitoyables. Je vous en donne juste deux, venue des États-Unis, parce que je les ai sous la main : d’une part le taux d’infanticide augmente de 6000 %, et les abus sexuels augmentent d’un facteur de huit dans les familles recomposées par rapport aux familles traditionnelles. D’autre part, les jeunes filles ont plus de deux fois plus de chance (ou de risque) d’être sexuellement actives et de tomber enceinte avant l’âge de seize ans lorsque leur père a quitté le foyer avant leur sixième année. Le premier cas correspond à l’histoire des jumeaux Kouchner. Le second cas correspond à l’histoire de Vanessa Springora (ses parents se sont séparés l’année de ses six ans).

    Le rôle des femmes

    La seconde évidence, étroitement liée à la première est que si, presque toujours, les prédateurs sexuels sont des hommes, les femmes de l’entourage des victimes ne sont pas nécessairement innocentes pour autant, et plus particulièrement les mères. Lorsque son fils s’est ouvert à elle des agissements de son beau-père, Evelyne Pisier a pris la défense d’Olivier Duhamel et, semble-t-il, l’a défendu jusqu’à sa mort. Camille Kouchner lui prête les propos suivants : « Il regrette, tu sais, il n’arrête pas de se torturer… il a réfléchi, tu devais avoir déjà plus de 15 ans. Et puis, il n’y a pas eu sodomie. Des fellations, c’est quand même très différent. » Et on peut bien sûr se demander si Evelyne Pisier ignorait vraiment tout avant que son fils lui en parle. Cela semble très difficile à croire, surtout si l’on ajoute foi à cette autre déclaration rapportée par sa fille : « J’ai vu que vous l’aimiez, mon mec. J’ai tout de suite su que vous essayeriez de me le voler. C’est moi la victime. »

    D’ailleurs Camille Kouchner n’a aucun doute : « Ma mère, ce n’est pas qu’elle n’a pas compris, elle a très bien compris. Ce n’est pas qu’elle a refusé, elle a tout à fait admis. C’est encore pire. Elle a minimisé. Elle s’est mise à le protéger lui, qui n’a même pas nié. » (Le Figaro).

    À propos de sa mère, Vanessa Springora écrit : « ma mère a donc fini par s’accommoder de la présence de G. dans nos vies. Nous donner son absolution est une folie. Je crois qu’elle le sait au fond d’elle-même. (…) Parfois elle l’invite à dîner dans notre petit appartement sous les combles. À table, tous les trois, autour d’un gigot haricot-verts, on dirait presque une gentille petite famille, papa-maman enfin réunis, avec moi, au milieu, radieuse, la sainte trinité, ensemble, à nouveau. » Mais, bien sûr, la mère de Vanessa Springora sait que le monsieur qu’elle invite à partager le gigot dominical couche avec sa fille mineure, comme il a couché avec beaucoup d’autres avant elle et couchera avec beaucoup d’autres après. Et elle sait, en effet, au fond d’elle-même, que cela n’est ni normal ni bien. « Tes grands-parents ne doivent jamais savoir, ma chérie. Ils ne pourraient pas comprendre. »

    Libération des déviances

    Troisièmement, aucune famille n’est une île. Les lois, les mœurs et les opinions dominantes de la société dans laquelle se situent les familles ont toujours une grande importance sur le comportement de leurs membres, y compris, bien sûr, sur leur comportement sexuel. Dans le cas des deux affaires qui nous occupent, il est clair comme de l’eau de roche que ces abus sexuels ont été grandement facilités par ce que l’on peut appeler l’idéologie de la libération sexuelle. Ce sont ces opinions dominantes, au moins dans le milieu social où opéraient Duhamel et Matzneff, qui les ont aidés à se persuader qu’ils ne faisaient rien de mal et surtout à persuader leurs victimes qu’il ne leur arrivait rien de mal. Ce sont également ces opinions acceptées qui ont contribué à ce que, pendant si longtemps, tant de gens aient pu comprendre ce qui se passait sans s’en offusquer. Bref, l’idéologie de la libération sexuelle a grandement contribué à la bonne conscience des prédateurs, à la confusion des victimes et au silence de l’entourage.

    « Est-ce mal » ? ce que fait leur beau-père, se demandaient les jumeaux Kouchner : « Ben non, puisque c’est lui. Il nous apprend, c’est tout. On n’est pas des coincés ! » Être « coincé », c’est considérer la sexualité comme une affaire morale, c’est affirmer qu’il existe en la matière des interdits et aussi des conduites plus ou moins honorables. Mais les désirs sexuels ne sont-ils pas essentiellement innocents et tous les plaisirs ne sont-ils pas également respectables ?

    « Dans les années 70 », explique Vanessa Springora, « au nom de la libération des mœurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la libre jouissance de tous les corps. Empêcher la sexualité juvénile relève donc de l’oppression sociale et cloisonner la sexualité entre individus de même classe d’âge» Or « dans le courant des années quatre-vingt, le milieu dans lequel je grandis est encore empreint de cette vision du monde. Pour sa mère, ajoute-t-elle, “il est interdit d’interdire” est sans doute resté pour elle un mantra. »

    Le bouclier d’une famille intacte

    Tirons maintenant les conclusions qui s’imposent de ces faits. Tout d’abord, la meilleure protection contre les abus sexuels de ce genre, c’est une famille intacte, raisonnablement aimante et qui professe des opinions « conservatrices » en matière de sexualité, c’est-à-dire des parents qui apprennent à leurs enfants que, certes, la sexualité peut être une chose merveilleuse mais seulement si elle est vécue dans un cadre approprié, en ayant pleinement conscience de ses implications morales et sociales. Bref, idéalement, au sein du mariage, ou à défaut dans une relation qui s’en rapproche autant que possible.

    Ensuite, les abus sexuels sur mineurs, ce n’est pas le grand méchant patriarcat ou la prétendue « culture du viol » si chers à nos féministes, c’est, plus banalement, la nature humaine dans toutes ses imperfections, imperfections auxquelles les femmes participent pleinement. Et le remède à une enfance ou une adolescence abimée par des agissements de cette nature, ce n’est pas de fuir loin des hommes et de la famille. Bien au contraire. Nombreuses sont celles à témoigner que c’est l’amour, et la maternité, qui les a sauvées des abus subis durant l’enfance.

    Camille Kouchner : « Mes enfants m’ont donné le droit d’exister, ce qui est déjà beaucoup. Mais pour moi la réparation vient avant tout de l’intérieur. Le père de mes enfants m’a sauvé la vie […] »

    Vanessa Springora : « Après tant d’échecs sentimentaux, tant de difficultés à accueillir l’amour sans réticences, l’homme qui m’accompagne dans la vie a su réparer beaucoup des blessures que je porte. Nous avons maintenant un fils qui rentre dans l’adolescence. Un fils qui m’aide à grandir. »

    Ajoutons aussi le témoignage de la réalisatrice Andréa Bescons, qui a écrit et réalisé Les Chatouilles, violée dès l’âge de neuf ans par un ami très proche de ses parents : « De 26 à 28 ans, j’ai enchaîné les comportements à risque, les drogues, l’alcool… Si je ne rencontre pas mon compagnon Éric Métayer à 28 ans, je me jette sous un métro […] Dans les yeux d’Éric, j’ai trouvé quelqu’un qui enfin ne jugeait pas mes failles. »

    Libération ou poison ?

    Enfin, l’idéologie de la libération sexuelle est un poison, aussi bien pour les individus que pour le corps social. Un poison qui a abimé ou même détruit d’innombrables existences et qui a puissamment contribué à faire de la France ce corps politique débile qu’elle est devenue.

    Je pourrais amplifier et ramifier ces considérations mais je m’arrêterais là, puisqu’aussi bien il suffit d’énoncer ce qui précède pour comprendre qu’aucune action sérieuse n’est à attendre pour diminuer ce qui est pourtant présenté comme un « fléau ».

    En lieu et place de quoi, puisqu’il est impossible de rester sans rien faire face à un « fléau », nous devrions avoir une augmentation des lynchages médiatiques, dont certains, c’est fatal, toucheront des innocents, et des attaques répétées – et peut-être finalement victorieuses – contre des dispositions juridiques essentielles pour garantir la sureté de tous, comme le principe de la prescription ou celui de la présomption d’innocence. Nul besoin d’être grand clerc pour le prévoir : c’est déjà ce qu’on peut observer à propos des « féminicides », et pour des raisons très semblables.

    Dieu étant par définition bon, je ne pense pas qu’il se gausse de nous voir chérir les causes des maux dont nous nous plaignons. Si la divinité est capable d’avoir des sentiments (ce qui, certes, peut se discuter), le plus approprié serait sans doute la pitié. Et peut-être, également, un peu de mépris.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Macron, notre Orphée national

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Emmanuel Macron poursuit sa quête et n’arrête pas son chant. L’univers en est témoin. 

    Emmanuel Macron, dès le début de sa présidence, s’est situé là où, dans sa pensée sûrement réfléchie, il devait se situer, c’est-à-dire au plus haut niveau international : entre Vladimir Poutine et Donald Trump, en chef naturel de l’Europe et en « penseur » du monde de demain. Le nouveau président français n’avait parlé de réformer et de redynamiser la France que pour pouvoir s’adresser avec plus de liberté et plus d’autorité au monde. Car, le monde, comme l’Europe et la France, a un grand et urgent besoin de se réformer, lui aussi, et d’abord en esprit, tant les risques encourus qui accompagnent la mondialisation heureuse, s’accumulent à l’horizon.

    Il fallait, il faut un lanceur d’alerte. Le voici : c’est lui. Il a tout vu, tout jugé, tout soupesé, des immenses possibilités de progrès pour l’humanité tout entière si les peuples qui la constituent, font les bons choix, comme des dangers non moins immenses qui la menacent dans le cas inverse.

    La France idéale de Macron

    La France s’est administré la leçon à elle-même et par sa voix à lui, légitimée, sacralisée dans la verticalité par son élection à lui, bien à lui, et qui a tranché heureusement un débat crucial où la France – il est catégorique sur ce point, il l’a dit et redit – s’est retrouvée elle-même dans un choix fondamental entre ce qu’il appelle lui-même le recroquevillement nationaliste, le pire de tous les maux, et l’ouverture audacieuse où brille le champ du possible pour parler comme le lyrique grec.

    La France peut donc à son tour administrer sa leçon au monde et, toujours et encore, par sa voix à lui ; car sa voix à lui est dorénavant la voix de la France. C’est le moment, le fameux « kairos » grec où tout se joue du passé, du présent et de l’avenir, où le sens des destins se dessine à coup sûr. Il n’est pas permis de manquer une telle « occasion ».

    Et donc voici que, par, avec et en Macron, la France est de retour – c’est ce qu’il pense et affirme – : à la fois monarchique et révolutionnaire, impériale et républicaine, humaniste et résolument moderne. Elle peut et doit se faire entendre : enfin intelligente, audible, cohérente en ses multiples facettes et ses composantes aussi indéfiniment variées qu’indéfiniment accueillantes, elle s’inscrit avec la dignité qui s’impose et dont il s’est totalement investi, dans la grande tradition qui la caractérise, une et multiple, qui est, comme il l’a expliqué, beaucoup plus qu’une culture particulière et qui la place à cette hauteur de certitude et de compréhension où s’épanouit son magistère aussi ferme que bienveillant que personne au monde ne peut lui contester. Là, amour et justice, comme dans l’antique psaume, s’embrassent ; philosophie et politique se retrouvent et s’épaulent ; technologie de la modernité et littérature du cœur et de l’esprit frayent le même chemin de l’antique tragédie humaine enfin comprise et sentie ; poésie et histoire recommencent à célébrer leurs noces éternelles. Qui pourrait ne pas être sensible à une telle voix ? La nature elle-même y répond, car elle s’adresse aussi et d’abord à elle. Les animaux s’enchantent à ce sort meilleur qu’elle promet ; alors, comment l’homme se montrerait-il plus sauvage ? Les arbres et toute la végétation du monde s’apprêtent à l’écouter religieusement comme dans le tableau de Poussin ; le ciel, la terre, le climat, oui, le climat si perturbé par l’homme, vont lui obéir : c’est qu’une telle voix sait leur parler. Le nouvel Orphée conquiert le monde par le charme irrésistible de sa pensée et de son discours. Ah ! que seulement sa douce et belle chimère, son Eurydice, cette « justice » aussi vaste que lointaine qui devrait être la raison même du monde, cette Eurydice qu’il chérit, ne s’éloigne point de la voix et de la lyre de son Orphée de peur qu’en s’égarant, poursuivie par quelque méchant Aristée, jaloux et impie, elle ne se fasse piquer au talon par le serpent captieux.

    Un langage mythologique

    Mythe, direz-vous, Ami lecteur ? Non point, c’est le réel de notre président qui refaçonne le monde à son idée. Il en est le centre ; il le dit en toute simplicité. Il n’est que de prendre connaissance de l’entretien qu’il a donné récemment à La Nouvelle Revue française.

    « Les Français sont malheureux, dit-il, quand la politique se réduit au technique, voire devient politicarde. Ils aiment qu’il y ait une histoire. J’en suis la preuve vivante. Je suis très lucide sur le fait que ce sont les Français et eux seuls qui m’ont fait et non un parti politique. »

    Et encore :

    « Je suis une aberration dans le système politique traditionnel… En réalité, je ne suis que l’émanation du goût du peuple français pour le romanesque. Cela ne se résume pas en formules, mais c’est bien cela le cœur de l’aventure politique. En somme, on est toujours l’instrument de quelque chose qui vous dépasse …»

    À propos de l’Europe qui incontestablement, après tant d’espoirs grandiosement exprimés, lui inflige depuis six mois une série de déceptions, il se revanche en lui annonçant des temps tragiques que lui, plus qu’aucun autre, saurait et sait assumer :

    « Ce vieux continent de petits-bourgeois – ce n’était pas ce qu’il disait sur la Pnyx à Athènes ni à la Sorbonne ! – se sentant à l’abri dans le confort matériel, entre dans une nouvelle aventure où le tragique s’invite. Notre paysage familier est en train de changer profondément sous l’effet de phénomènes multiples, implacables, radicaux. Il y a beaucoup à réinventer… Paradoxalement ce qui me rend optimiste, c’est que l’histoire en Europe redevient tragique

    Et de conclure :

    « Dans cette aventure, nous pouvons renouer avec un souffle plus profond dont la littérature ne saurait être absente. »

    Ah bon ! Colette et Giono, Gide et Camus, Proust et Céline sont les auteurs qu’il cite comme l’ayant structuré. Qu’est-ce à dire, au juste ? On ne sache pas que Gide soit structurant ! Et ce n’était certes pas les intentions d’un Proust ni d’un Céline.

    Et voilà qui rend compte et de l’homme et de ses décisions et de ses prétentions. Rappelons-nous : Poutine reçu à Versailles ; Trump invité le 14 juillet ; sa longue mélopée prophétique sur la Pnyx où l’histoire se récapitule ; son cours magistériel et initiatique à la Sorbonne ; sa leçon sympathique, d’allure aussi réaliste qu’impertinente, faite en Afrique et à l’Afrique ; ses mises en garde adressées à l’Europe ; son intervention en Syrie, à ce qu’il dit, à la fois médicinale, philosophique, exemplaire ; sa récente visite d’État à Washington, ses entretiens tout en souplesse, en compréhension, en incitation, en subtil aménagement des compromis internationaux avec un Trump aussi brutal qu’amical, les embrassades réciproques à tous moments qui n’empêchèrent point son discours solennel, de conviction historique, prononcé en anglais au Congrès et salué par des applaudissements unanimes, où il n’omit aucun des articles de son credo, y compris sur le climat ; son voyage en Australie où il redit sa vision du monde ; son court passage en Nouvelle-Calédonie où il se garde de prendre parti sur la question pendante pour laisser s’exprimer la seule liberté ; son prochain voyage à Moscou en ce mois de mai où il se propose de dire tout ce qu’il doit dire… Si cette voix était entendue, il n’est pas de problème qui ne trouverait sa solution, n’est-ce pas ?

    Il y a du Hugo chez Macron – plus que du Camus ou du Proust ! –, cet art de faire des synthèses qui se veulent poétiques, en cascades successives, où la France, c’est l’Europe, l’Europe, c’est le monde, le monde, c’est l’univers, l’univers, c’est Dieu, et Dieu, c’est tout, le grand Tout que l’Esprit domine. Quel Esprit ?

    Une conception surannée

    05fe6f673edb12c50532f31ec1805c65.jpgNotre Orphée réussira-t-il à conquérir et reconquérir son Eurydice ? De sourds grondements se font entendre. Que se passera-t-il le 12 mai quand Trump prendra sa décision au sujet de l’Iran ? Le conflit israélo-palestinien prend des proportions dont nul ne peut prédire les conséquences ; le Moyen-Orient explose littéralement et de tous les côtés. L’Europe n’est plus qu’une superstructure sans cohésion interne. Tout ce qui était annoncé dans ces colonnes, il y a six mois, se réalise ; ce n’est plus nous qui écrivons que le rêve européen de Macron s’évanouit : tous les commentateurs s’y mettent ! La Russie sera de plus en plus russe et la Chine – de nouveau impériale – de plus en plus chinoise. La Corée du Nord et la Corée du Sud se rapprochent… Les tensions commerciales et monétaires qui ne font que commencer, exaspèrent les enjeux nationaux. Rien ne se passe comme prévu selon le plan idéal du songe macronien ; l’initiation orphique risque de se perdre dans le sombre néant des jours.

    Et, cependant, Orphée chante… Il continue de chanter. Et Eurydice va disparaître. Qui ne sait d’avance qu’il échouera ?… Trop amoureux d’elle ! Sa tête arrachée quelque jour par les Ménades vengeresses et roulant dans les flots impétueux de l’histoire, de sa langue glacée réclamera aux échos indéfiniment son Eurydice.

    Eurydicem vox ipsa et frigida lingua

    Ah ! miseram Eurydicen, anima fugiente, vocabat ;

    Eurydicen toto referebant flumine ripae.     

    Hilaire de Crémiers

  • Éphéméride du 30 Juillet

    Arles, de nos jours

     

    1178 : Frédéric 1er Barberousse est couronné en Arles Empereur du Saint Empire Romain Germanique   

     

    La cérémonie est présidée par l'archevêque d'Arles, Raimon de Bollène.

    À cette époque, la Provence ne faisait pas encore partie du Royaume de France, mais était une province du Saint Empire, lequel avait le Rhône pour frontière. Et la ville d'Arles jouissait d'un prestige certain : favorisée par Jules César, puis par Constantin le Grand, elle accueillit plusieurs conciles, dont celui qui, en présence de l'Empereur Constantin lui-même, condamna le Donatisme.

    À partir de la chute de l'Empire romain, l'histoire de la région fut marquée par les diverses invasions (wisigoths, ostrogoths, sarrasins...), puis l'intégration à l'Empire de Charlemagne et, à la dislocation de celui-ci, une certaine indépendance, plus ou moins maintenue, jusqu'à l'absorption, en 1032, dans le Saint Empire. 

    En 1365, le 4 juin, un autre empereur germanique, Charles IV, se fera couronner comme son prédécesseur Frédéric Barberousse, roi d'Arles, à la cathédrale Saint-Trophime.

    arles,saint empire,barberousse,mistral,coupo santo,balaguer,éelibrigeEn ce temps-là, les bateliers qui descendaient le Rhône ne disaient pas "à droite/à gauche", ni "babord/tribord" mais, s'ils voulaient aller à droite, "Reiaume" (parce qu'il fallait aller du côté du Royaume de France); ou, s'ils voulaient aller à gauche, "Empèri" (parce qu'il fallait aller du côté du Saint Empire : on trouve là l'origine du nom du Château de l'Empèri, à Salon (ci contre).

    Malgré un premier rapprochement, esquissé par le mariage de Louis IX avec Marguerite de Provence, il faudra attendre plusieurs siècles pour que la France atteigne sa "frontière naturelle" du côté des Alpes. La première réunion fut celle du Dauphiné, en 1349, réunion à partir de laquelle l'héritier du royaume devait porter le titre de "Dauphin".

    Il faudra attendre Louis XI, en 1481, pour que la Provence devienne française à son tour.

    Enfin, il faudra attendre Napoléon III et les plébiscites de 1860 pour que Nice - détachée de la Provence en 1388 - et la Savoie (le Val d'Aoste ayant été malencontreusement "oublié" par les négociateurs français) intègrent à leur tour la communauté nationale. 

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    1589 : Les deux Henri III, de France et de Navarre, mettent le siège devant Paris

     

    Nous sommes à la huitième et dernière des Guerres de religion qui, de 1562 à 1598, ont déchiré la France.

    Les deux rois - tous deux "Henri III" - ont réuni une armée de plus de 30.000 hommes. Le duc d'Épernon les rejoint avec un renfort de 15.000 hommes principalement composés de Suisses. Paris est alors défendue par 45.000 hommes de la milice bourgeoise, armée par le roi d'Espagne Philippe II.

    arles,saint empire,barberousse,mistral,coupo santo,balaguer,éelibrigeParis est alors en proie à une véritable hystérie "religieuse", et La Sorbonne vient de relever tous les Français - et pas seulement les Parisiens... - de leur devoir de fidélité au roi légitime, sacré à Reims, Henri III de Valois (ci contre). Le roi d'Espagne, Philippe II, se fait un plaisir d'intervenir dans nos affaires et soutient la Ligue catholique, opposée à Henri III de France, catholique mais allié à Henri III de Navarre, réformé, qu'il a reconnu comme son successeur, puisqu'il n'a pas d'enfant.

    À 261 ans de distance, l'histoire, en effet, se répète : en 1328 mourait - sans enfant - le troisième et dernier héritier de Philippe le Bel, Charles IV le Bel. Avec lui s'éteignait la lignée des Capétiens directs (voir nos Éphémérides des 1er février et 2 février) et il fallut trouver un remplaçant : ce fut Philippe VI de Valois qui fut choisi, ce qui fut l'un des prétextes de la Guerre de Cent ans.

    En 1589, il se passa exactement la même chose qu'en 1328 :

    en 1328, après un règne brillant (Philippe le Bel) les trois fils du roi régnèrent successivement, mais aucun n'eut d'héritier mâle (seul Louis X eut un fils, qui mourut à l'âge d'un an);

    en 1589, après le règne brillant d'Henri II, fils de François premier, ses trois enfants régnèrent eux aussi, l'un après l'autre, mais sans avoir d'héritiers mâles non plus : François II, Charles IX et Henri III.

    arles,saint empire,barberousse,mistral,coupo santo,balaguer,éelibrigeLa logique dynastique, déjà suivie en 1328, voulait que l'on choisît le plus proche cousin d'Henri III de France - fût-il très lointain... - c'est-à-dire Henri III de Navarre. Mais Henri III de Navarre était réformé, et donc rejeté par la grande majorité des Français, partout en France et surtout à Paris, la ville-capitale, totalement acquise à la Ligue catholique. On fit même sacrer, sous le nom de Charles X, un autre Bourbon, qui était cardinal, mais qui mourut sur ces entrefaites...

    C'est le grand mérite d'Henri III - dont Bainville a bien souligné le dévouement - que d'avoir eu une vision politique des choses : "...la France avait failli se dissoudre et tomber aux mains de l'étranger. Henri III avait tout sauvé en exposant sa vie pour le respect du principe héréditaire, fondement de la monarchie et de l'indépendance nationale..."

    En effet, le siège de Paris ne sera pas long pour Henri III, dernier représentant de la dynastie des Valois : arrivé le 30 juillet, il sera frappé par le poignard de Jacques Clément deux jours après, le 1er août, et décédera dans la nuit du 2 au 3...

    Henri III de Navarre, du coup, devient Henri IV, premier "Roi de France et de Navarre", cette province n'ayant plus, désormais, de roi particulier, son souverain étant désormais confondu avec le roi de France...

    Il réussira à ramener la paix dans un royaume qui se déchirait atrocement depuis près de quarante ans : il mourra pourtant, lui aussi (le 14 mai 1610) assassiné par le poignard d'un fanatique, après un règne bienfaisant et réparateur d'un peu plus de vingt années.

     

    arles,saint empire,barberousse,mistral,coupo santo,balaguer,éelibrigeLes deux "Henri III" sont les deux seuls rois de France assassinés, exception faite, bien sûr de Louis XVI et Louis XVII, ainsi que de la reine Marie-Antoinette, dont l'essence même de l'assassinat était radicalement différente :

    • en tuant Henri III, puis Henri IV les forcenés fanatiques ne voulaient pas détruire la religion chrétienne, ils pensaient au contraire - à tort, évidemment... - en préserver la pureté;

    • et ils ne remettaient pas en cause le principe monarchique, ils pensaient au contraire le confier à un roi, selon eux, plus digne.

    Les terroristes révolutionnaires de 89/93, eux, avec l'assassinat du roi sacré - continué par le martyre de l'enfant-roi - jetèrent à la tête de la France et du monde le défi que représentait "l'acte le plus terriblement religieux de notre Histoire" (selon le mot si juste de Prosper de Barante); ils voulaient éradiquer - du point de vue spirituel - la religion traditionnelle de la France, chrétienne depuis Clovis (c'est-à-dire depuis avant même que "la France" ne fût "la France"; et ils voulaient éradiquer  - du point de vue temporel - la royauté traditionnelle, pour remplacer l'une et l'autre par leur nouvelle religion républicaine, abstraction idéologique dont l'Histoire a amplement montré la nocivité mortifère...

     

     Morts à l'étranger, faits prisonnier sur le champ de bataille, préférant quitter Paris révolté afin d'y revenir après avoir dompté les rebelles, assassinés : plusieurs rois de France ont eu un destin hors du commun, que recensent quatre de nos Éphémérides :

    pour les rois morts à l'étranger, voir l'Éphéméride du 8 avril;

    pour les rois faits prisonniers sur le champ de bataille, voir l'Éphéméride du 11 février;

    pour les rois ayant préféré quitter Paris révolté afin d'y revenir après avoir dompté les rebelles, voir l'Éphéméride du 21 mars;

    pour les rois assassinés, voir l'Éphéméride du 30 juillet...

     

     

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    1867 : la Coupo santo      

     

    Voici un sujet qui, s'il concerne bien sûr, au premier chef, les Provençaux, revêt une importance symbolique et politique pour l'ensemble des cultures françaises, et européennes.

    En effet, il montre bien que, si l'amour de la "petite patrie" est le meilleur moyen d'aimer "la grande", le nationalisme bien compris n'est nullement un repli sur soi mais, bien au contraire, une ouverture aux autres. On le voit ici, à travers l'amitié et la solidarité trans-frontalières entre Catalans et Provençaux : il s'agit, en l'occurrence, de solidarité historique, culturelle et linguistique, mais ces solidarités peuvent s'étendre à tous les autres domaines...

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      Les abstractions ne font rêver personne : c'est parce qu'il est enraciné dans une culture particulière - la provençale - que Mistral est universel, et qu'il chante, à travers la provençale, toutes les cultures soeurs et solidaires de l'Europe...      

     

    Lorsque Mistral compose l'Ôde à la Race latine (qu'il récite pour la première fois, en public, à Montpellier, voir l'Éphéméride du 25 mai), il est bien évident qu'il ne le fait pas dans un esprit d'exclusion des autres cultures qui composent l'Europe, mais qu'au contraire, en en exaltant une, il les exalte toutes, et les appelle toutes à se fédérer autour de leurs héritages communs, spirituels, religieux, historiques etc... : à travers l'Idéal que Mistral fixe À la Race latine, c'est toute l'Europe, chrétienne et gréco-latine qui, malgré ses déchirements, est appelée à rester greffée sur ses fondamentaux civilisationnels, qui sont les mêmes pour tous les Européens...

    Voici donc, rapidement rappelées, l'histoire - et le sens - de la Coupo santo...

    L'amitié de coeur et d'esprit entre les Catalans et les Provençaux est une constante chez ces deux peuples frères, qui sont deux des sept branches de la même raço latino.

    En 1867 en Catalogne un puissant mouvement fédéraliste se dresse contre l'État espagnol : il est conduit par Victor Balaguer, Jacinto Verdaguer et Milos y Fontals. Pendant quelques temps ces derniers sont déclarés indésirables en Espagne et la reine Isabelle II les exile. Jean Brunet, lié à certains des exilés catalans, leur offre l'hospitalité, avec les Félibres provençaux. Les Catalans passent quelques mois en terre provençale puis regagnent leur pays.

    Le 30 juillet 1867, les Catalans sont invités par les Félibres : un grand banquet se déroule à Font-Ségugne. C’est à ce moment là que les catalans, en remerciement de l'accueil fait par les félibres lors de leur exil, leur offrent la coupe en argent.

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    La Coupo, offerte par les Catalans 

    Dans notre Album Maîtres et témoins...(I) : Frédéric Mistral. voir la photo "La Coupo (I)" et la suivante

     

    Il s'agit d'une conque de forme antique, supportée par un palmier :

    debout contre le tronc du palmier deux figurines se regardent : ce sont les deux sœurs, la Catalogne et la Provence;

    la Provence a posé son bras droit autour du cou de la Catalogne, pour lui marquer son amitié; la Catalogne a mis sa main droite sur son cœur, comme pour remercier;

    aux pieds de chacune des deux  figurines, vêtues d'une toge latine  et le sein nu, se trouve un écusson avec les armoiries de sa province;

    autour de la conque  et  au dehors, écrit sur une bande tressée avec du laurier, on lit l'inscription suivante :

    "Souvenir offert par les patriotes catalans aux félibres provençaux pour l'hospitalité donnée au poète catalan Victor Balaguer. 1867"

    Sur le piédestal sont finement gravées les inscriptions suivantes :

    "Elle est morte, disent-ils, mais je crois qu'elle est vivante" (Balaguer) - "Ah ! s'ils savaient m'entendre ! Ah ! s'ils voulaient me suivre !" (F.Mistral)

     

    Cette coupe a été ciselée par le sculpteur Fulconis d'Avignon, lequel refusa d'être payé pour son travail, lorsqu'il apprit la destination et le sens de cette Coupo, beau symbole de l'amitié entre deux peuples, auquel il a ainsi grandement contribué.....

  • Classées par thèmes, nos 140 ”Grandes ”Une” de L'Action française”...

    Une histoire de l'Action française... en lisant L'Action française !...

    Cette Catégorie des "Grandes "Une" a débuté à l'occasion de notre quinzième anniversaire, le 28 Février 2022; nous souhaitions célébrer d'une façon un peu originale cet anniversaire, et nous eûmes l'idée, puisque nous proposions une chronique quotidienne sur l'actualité (Revue de Presse et d'Actualité...) de nous plonger dans le riche fond d'archive qu'offrait, d'évidence, la simple lecture des numéros du quotidien consacrés aux faits marquants et aux personnages incontournables qui y ont été étudiés, pendant les trente-six années d'existence du journal...

    Nous aurions ainsi un pied dans l'actualité la plus immédiate, et un autre dans nos racines intellectuelles et militantes; ce qui nous permettrait, de plus, de rétablir des vérités, à rebours de bien des mensonges et calomnies trop souvent répétées, à l'envi, par la "vérité officielle" du Système...

    Cette Catégorie a vite grandi, et grandira encore.

    Elle ne se veut pas une nouvelle histoire de l'Action française : il  en existe déjà plusieurs, très bonnes. Mais elle veut présenter cette histoire d'une façon différente, "à sauts et à gambades", comme le disait Montaigne, à qui nous avons emprunté l'idée : '"Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins.". Nous cherchons simplement à montrer le quotidien tel qu'il fut- et, à travers lui, le mouvement et ceux qui le composaient - lors d'évènements marquants de notre Histoire...

    Voici, classées en deux grandes parties, les "Une" qui la composent :

    1. 11 SUJETS REGROUPANT UN GRAND NOMBRE DE "UNE" :

    Autour de Bainville; de Daudet; de Maurras; de Maurras et de Gaulle; autour de la Victoire perdue de 18 et du mauvais Traité de Versailles; autour de Jeanne d'Arc et de ses Cortèges; autour des Rassemblements royalistes; autour de l'Union Royaliste Provençale; autour de la terrible inondation de 1910 à Paris; autour de la Croisière du Campana, en 34; autour des rapports entre l'AF et le Vatican; autour de la Guerre d'Espagne...

    2. DES SUJETS DIVERS ET VARIÉS, APPORTANT PARFOIS DES SURPRISES DE TAILLE AU LECTEUR NON AVERTI OU DÉSINFORMÉ :

    Le premier et le dernier numéro du quotidien, et celui "des vingt ans", en 1928;  la première grande Réunion publique de l'Action française, à Paris, Salle Wagram...sur des délires d'aujourd'hui, déjà dénoncés dans l'AF en 1911; sur le naufrage du Titanic; sur "Les dieux ont soif", d'Anatole France, commentés par Jacques Bainville; sur Rousseau; sur Frédéric Mistral; sur l'assassinat de Jaurès; sur Charles Péguy; sur Augustin Cochin; sur Jehan Macquart de Terline, premier kamikaze de l'histoire, membre de la section  d'Action française de Saint-Omer...; sur la courte "amitié" entre Maurras et Gide; sur le Caporal Pierre David, "héros juif d'Action française"; sur Marcel Proust, Prix Goncourt en 1919, grâce à Léon Daudet; sur la mort de Philippe VIII en exil (1926)/le service funèbre à Notre-Dame de Paris/sur le mort de Jean III en exil (1940); sur Bernanos (deux critiques élogieuses de Léon Daudet); sur la grande mosquée de Paris; sur Clemenceau; sur le "Napoléon" de Jacques Bainville; sur "Mes idées politiques"; sur "Munich"...; sur Gustave Thibon; sur le Nazisme et le Communisme, à égalité dans l'horreur, et faits pour s'entendre...; sur la mort de Freud...

    BONNE(S) LECTURE(S) !

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    1. Autour de Bainville...

    • numéro du Mercredi 22 Septembre 1920 : 

    Grandes "Une" de L'Action française : 20 septembre 1920, Bainville, Chevalier de la Légion d'honneur

    • numéro du Vendredi 29 Mars 1935 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Jacques Bainville élu à l'Académie française...

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    Photo, par Pierre Ligey, avec dédicace : "À Léon Daudet, en souvenir de trente ans d'amitié, de l'Immortel et de la petite rampe de la rue de Bellechasse"

    • La semaine tragique : mort  de Bainville...

    • numéro du Lundi 10 Février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (1/8) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Mardi 11 Février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (2/8) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du mercredi 12 Février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (3/8) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Jeudi 13 Février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (4/8) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Vendredi 14 février 1936 (1/2) :

    Grandes "Une" de L'Action française (5/8 - 1/2) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Vendredi 14 février 1936 (2/2) :

    Grandes "Une" de L'Action française (5/8 - 2/2) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Samedi 15 février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (6/8) : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Dimanche 16 février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique (7/8) : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

    • numéro du Lundi 17 février 1936 :

    Grandes "Une" de L'Action française (8/8): Du 10 au 17 février 36, la semaine tragique : mort de Bainville, misérable machination de Blum, dissolution de la Ligue d'Action française...

     

    2. Autour de Daudet...

    • numéro du Mercredi 28 Juin 1922 : 

    Grandes "Une" de L'Action française : À l'Assemblée, le discours de Léon Daudet, Député de Paris, en défense des "Humanités"...

    • L'évasion de Léon Daudet de la Prison de la Santé...

    • numéro du Dimanche 26 Juin 1927 :

    Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (1/4)...

    • numéro du Lundi 22 Août 1927 :

    Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (2/4)...

    • numéro du Jeudi 22 Mars 1928 :

    Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (3/4)...

    • numéro du Vendredi 3 Juillet 1930 :

    Grandes "Une" de L'Action française : sur l'évasion de Léon Daudet, puis son exil volontaire en Belgique (4/4)...

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    • numéro du 1et Février 1933 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Léon Daudet annonce la guerre, au lendemain de l'arrivée au pouvoir (démocratiquement !) d'Hitler...

    • la mort de Léon Daudet...

    • numéro du Vendredi 3 Juillet 1942 :

    Grandes "Une" de L'Action française : 1er juillet 1942, mort de Léon Daudet (1/3)...

    • numéro du Samedi 4/Dimanche 5 Juillet 1942 :

    Grandes "Une" de L'Action française : 1er juillet 1942, mort de Léon Daudet (2/3)...

    • numéro du Lundi 6 Juillet 1942 :

    Grandes "Une" de L'Action française : 1er juillet 1942, mort de Léon Daudet (3/3)...

     

    3. Autour de Maurras...

    • numéro du Vendredi 10 Juin 1938 :

    Grandes "Une" de L'Action française : Charles Maurras élu à l'Académie française...

     du 26 Novembre au 10 Décembre 38, la tournée triomphale en Algérie :

    • numéro du 25 Novembre 1938 :

    Grandes "Une" de L'Action française : (1/2) Novembre/Décembre 1938, Charles Maurras est en tournée en Algérie...

    • numéro du 12 Décembre 1938 :

    Grandes "Une" de L'Action française : (2/2) Novembre/Décembre 1938, Charles Maurras est en tournée en Algérie...

     

    3 Bis. Maurras et de Gaulle...

    • numéro du Vendredi 1er Juin 1934 :

    Grandes "Une" de L'Action française : de Gaulle, l'AF, Maurras (Première partie, 1/3)... 1934 : Présentation élogieuse du livre "Vers l'Armée de métier"...

    • numéro du Samedi 1er Juin 1940 :

    Grandes "Une" de L'Action française : de Gaulle, l'AF, Maurras (2/3)... de Gaulle promu Général, Maurras jubile...

    • numéro du Lundi 3 Juin 1940 :

    Grandes "Une" de L'Action française : de Gaulle, l'AF, Maurras (Première partie, 3/3)... de Gaulle nommé général, Maurras "persiste et signe" dans sa grande satisfaction...

     

    4. Autour de la Victoire perdu en 1918 et du mauvais Traité de Versailles...

    • numéro du 12 Novembre 1918 : 

    Grandes "Une" de L'Action française : 11 Novembre 1918, l'Armistice est signé !...

    • numéro du 14 Novembre 1918 :

    Grandes "Une" de L'Action française : "Demain ?", article prophétique de Bainville, le 14 Novembre 1918...

    • numéro du 30 Juin 1919  : 

  • Éphéméride du 11 Avril

    Marseille, aujourd'hui

     

     

    13 mars,germain pilon,renaissance,francois premier,henri ii,saint denis,jean goujonIl y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-choseou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d'autres dates, sous une autre "entrée".

    Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel  à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.

    Ces jours creux seront donc prétexte à autant d'Évocations :  

     1. Essai de bilan des Capétiens, par Michel Mourre (2 février)

     2. Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne... Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Histoire. (12 février)

     3. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. I : La cathédrale de Reims et la cérémonie du sacre du roi de France. (15 février)

     4. Les deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. II : La basilique de Saint-Denis, nécropole royale. (19 février)

     5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française. (13 mars)

     6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France. (11 avril)

     7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien. (28 avril)

     8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 !... (4 mai)

     9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile. (28 mai)

     10.  Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650. (26 juillet)

     11. Le Mont Saint Michel. (11 août)

     12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord. (29 septembre)

     13. Quand Léonard de Vinci s'est installé au Clos Lucé. (27 octobre)  

     

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    Aujourd'hui :  Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France. 

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                I : Bref rappel historico-géographique... :

     

    Les premiers occupants connus de la Provence sont des tribus Ligures.

    Au IVème siècle avant J-C, les Celtes envahissent le territoire de l'actuelle Provence. Ils sont peu nombreux mais, plus guerriers que les Ligures, ils prennent le pouvoir et constituent une civilisation Celto-Ligure qui va subsister jusqu'à l'invasion Romaine. :

    - les Salyens (ou Salluviens) sont installés en Basse Provence,

    - les Cavares dans le Comtat-Venaissin,

    - les Voconces dans la Drôme,

    - les Oxybiens dans le Var

    - et les Déciates dans les Alpes-Maritimes.

    Ils sont entourés au nord et à l'ouest par des tribus Celtes : les Allobroges en Dauphiné et les Arvernes dans le Massif Central.

    MARSEILLE 2.jpg    

    Maquette de Marseille grecque au Musée d'histoire du Centre bourse.

     

    La ville est enserrée par un rempart : au premier plan, la "corne du port", aujourd'hui comblée, dans le Jardin de la Bourse. L'entrée principale de la ville est juste devant. Derrière, la rue principale (aujourd'hui Grand rue et rue Caisserie) qui sépare en deux parties la ville. À droite la ville haute, et à gauche la ville basse. Sur la colline on distingue les deux temples d'Apollon et d'Artémis.

     

    On comprend, en regardant cette maquette, pourquoi César a écrit, dans son De Bello Gallico, que Marseille était "entourée d'eau sur trois de ses côtés"...

     

     

    Autour de 600 avant J-C, des navigateurs grecs, originaires de Phocée (Phokea, en grec, la ville du phoque), une cité grecque d'Ionie, en Asie Mineure (près de l'actuelle Izmir, sur la côte ouest de la Turquie), pénètrent dans la calanque du Lacydon (Lakaydon, en grec), aujourd'hui occupée par le Vieux-Port (maquette ci dessus).

    Le chef de l'expédition, Protis, s'unit à Gyptis, la fille du chef de la population locale celto-ligure, et fonde Massalia (on dira plus tard, en latin, Massilia). Cette légende a sans doute une part de vérité historique. Ci dessous, les limites de la cité au VIème siècle : douze hectares, entourés d'eau sur presque trois côtés, dira César (l'eau recouvrait toute la partie hachurée, où se trouve la corne du port antique, visible aujourd'hui dans le Jardin des Vestiges).

    MASSALIA 2.JPG
     Autre plan de la Marseille grecque au Musée d'histoire du Centre bourse.
     
    Ce qui frapperait le plus les Grecs d'il y a vingt-six siècles, s'ils revenaient aujourd'hui, ce serait... l'étroitesse du plan d'eau (dont on voit en vert hachuré, sur cette maquette, la partie comblée) !
    Une étroitesse malgré tout assez relative : s'il prenait fantaisie aux pouvoir publics de combler l'intégralité du port, pour en faire une place piétonne, cette idée saugrenue reviendrait à créer la plus grande place d'Europe !...
     

     

    Au début, les Celto-Ligures n'interviennent pas contre les établissements grecs qui se sont implantés sur la côte, ils font même du commerce avec ceux-ci.

    Les relations changeront au milieu du IIème siècle av J-C, quand les Celto-Ligures deviendront agressifs, ce qui conduira la population Grecque à demander l'aide de Rome...

    C'est par Massalia que va se développer l'influence grecque dans la région, car Massalia crée de nombreux comptoirs, surtout le long de la côte méditerranéenne :

    Nikaïa (la victoire) : Nice;

    Antipolis (la ville d'en face) : Antibes;

    Monoïkos (Hercule Monoecos, le solitaire) : Monaco;

    Athénopolis (la ville d'Athéna) : Saint Tropez;

    Olbia (l'heureuse) : Hyères;

    Kitharistés (le rocher, du rocher du Bec de l'Aigle) : La Ciotat et Ceyreste;

    Tauroeïs (l'un des bateaux de la flotte était "taureauphore", c'est-à-dire qu'il portait comme emblème, sur sa proue, une statue de taureau...) : Le Brusc;

    Agathé Tychée (la bonne fortune) : Agde...

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     La Massalie...
     
    Marseille est, au départ, une colonie de Phocée (la ville du phoque), dans le golfe de Cumes, en Asie mineure; fait, sinon unique, du moins rarissime dans l'Histoire, la totalité de la population de la ville-mère s'embarqua pour se réfugier dans sa colonie, afin de fuir l'avancée des Perses. Et, comme on le voit, devenue florissante, la colonie fonda, à son tour ses propres colonies, devenant un véritable Empire commercial.
     
    Mais jamais Massalia n'oublia ses racines grecques, et, comme toutes les villes grecques, elle entretenait pieusement son "Trésor" à Delphes, lieu sacré pour tous les Grecs, où Apollon avait terrassé le serpent Python. Construit entre 535 et 530, ce Trésor des Marseillais (ci dessous) "abritait les offrandes que la jeune colonie phocéenne - fondée vers 600 - envoyait au dieu tutélaire de tous les grecs" (Michel Mourre) et se trouvait tout à côté du splendide Tholos de Marmaria, temple circulaire de vingt colonnes, mais construit beaucoup plus tard, vers 380... 

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    Accolés au Tholos, les restes encore "parlants" du temple rectangulaire dit "Trésor des Marseillais... :

     
     

    Massalia étend son commerce très loin : en Égypte, vers la Bretagne et la Baltique (voyage de Pythéas) mais aussi l'Afrique (voyage d'Euthymènes)... et constitue un véritable Empire dont l'influence s'étend sur toute la ôte, y compris vers l'Espagne actuelle. 

    Massalia y fondera de nombreux comptoirs :

    Emporion (le marché), l'actuelle Ampurias;

    Rhodé (Rosas);

    Alonis (au nord d'Alicante);

    Hemeropolis (à côté de l'actuelle Valence);

    Hemeroscopeion (entre Denia et le Peñon de Ifach);

    Moenacé (dont le nom rappelle celui de Monoekos -  - à l'est de Malaga). 

    Et même un établissement près de l'actuelle Barcelone...

    Mais ces fondations en Espagne seront vite submergées et absorbées par les Carthaginois, à qui la Massalie se trouve bientôt confrontée (ainsi qu'aux Étrusques, également opposés aux Romains). Massalia s'allie alors avec la République de Rome et après une lutte à rebondissements les deux alliés sortent victorieux du conflit connu sous le nom de Guerres Puniques.

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    Le consul Caius Marius, vainqueur des Cimbres et des Teutons (voir l'Éphéméride du 17 janvier)...
     

              

    L'écrasement des Cimbres et des Teutons par Caius Marius rapproche encore plus Rome et Massalia : mêmes ennemis, même danger, en face desquels se noue une solidarité et une collaboration sans failles. Défendre Massalia, c'était défendre Rome, et réciproquement...

    Devant la recrudescence d'incursions des tribus Celtes (Salyens), Marseille demande à Rome d'intervenir en Gaule. Rome y est d'autant plus intéressée qu'elle vient de conquérir l'Espagne. Le consul Sextius Calvinus s'empare d'Entremont, la capitale des Salyens, qu'il détruit; il édifie en remplacement une nouvelle ville qui prend le nom d'Aquae Sextiae (Aix-en-Provence).

    Mais, en 49 av J-C, Massalia, amie et alliée de Rome,&nbs

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : Qui a ”préparé” la Révolution ? La secte des Encyclopédistes. Qui l'a ”lancée”, avant

    1793 : Les Montagnards, ou radicaux, de la Convention décrètent la mise hors la loi des Girondins

     

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    Arrestation des Girondins...

     

    Il est passionnant, parce que très instructif, de suivre l'histoire des Girondins, tout au long de la Révolution, jusqu'à leur chute finale devant les enragés. Les Girondins symbolisent parfaitement, en effet, les apprentis sorciers de tous les pays et de toutes les époques qui, une fois qu'ils ont lancé des forces qu'ils ne peuvent plus maîtriser, se retrouvent impitoyablement broyés par l'infernale logique mécanique du mouvement qu'ils ont eux-mêmes follement déclenché....

    Mais qui étaient les Girondins ? Quelle fut leur pensée, et quelle fut leur action ?...

    Ils s'imaginèrent qu'ils pourraient faire et contrôler, non pas "la" Révolution mais "une" révolution; ils sapèrent méthodiquement la vieille monarchie, pensant y substituer un régime nouveau dont ils prendraient la tête. Les montagnards restèrent dans l'ombre et les laissèrent faire, jusqu'au moment où, les Girondins ayant suffisamment avancé le travail, et lancé un mouvement irrésistible qu'ils ne contrôlaient plus et qui les débordait partout, les tenants de la vraie Révolution n'eurent plus qu'à éliminer les modérés qui avaient si bien travaillé... pour eux !

    Comme tous les Kerenski de la terre, toujours et partout...

    Une fois de plus, on aura avec Jacques Bainville l'explication lumineuse des choses, malgré leur complexité apparente - et réelle... - grâce au fil conducteur qu'il sait constamment maintenir évident au lecteur: "Pour se guider à travers ces événements confus, il faut s'en tenir à quelques idées simples et claires." Et d'abord cette règle :

    "Tout le monde sait que, jusqu'au 9 thermidor, les révolutionnaires les plus modérés, puis les moins violents furent éliminés par les plus violents. Le mécanisme de ces éliminations successives fut toujours le même. Il servit contre les Constitutionnels, contre les Girondins, contre Danton. Le système consistait à dominer la Commune de Paris, à s'en emparer, à tenir les parties turbulentes de la capitale dans une exaltation continuelle par l'action de la presse et des clubs et en jouant de sentiments puissants comme la peur de la trahison et la peur de la famine, par laquelle une grande ville s'émeut toujours, puis à intimider par l'insurrection des assemblées remplies d'hommes hésitants et faibles."

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    Voici un court extrait seulement (il faudrait, évidemment, tout lire...) du chapitre XVI, La Révolution, de L'Histoire de France de Jacques Bainville :

     

    "Dans la nouvelle Assemblée, composée surtout de médiocres, les hommes les plus brillants, groupés autour de quelques députés du département de la Gironde dont le nom resta à leur groupe, étaient républicains sans l'avouer encore. Parce qu'ils étaient éloquents, ils avaient une haute idée de leurs talents politiques. Ils croyaient le moment venu pour leur aristocratie bourgeoise de gouverner la France; l'obstacle, c'était la Constitution monarchique de 1791 dans laquelle les Feuillants pensaient bien s'être installés. La Gironde était l'équipe des remplaçants. Les Constitutionnels se figuraient qu'ayant détruit l'ancien régime avec l'aide des Jacobins, la Révolution était fixée. Les Girondins s'imaginèrent qu'ils pourraient recommencer à leur profit la même opération avec le même concours. Et pour abolir ce qu'il restait de la royauté, pour en "rompre le charme séculaire", selon le mot de Jean Jaurès, ils n'hésitèrent pas à mettre le feu à l'Europe... C'est à quoi la Gironde, sans s'apercevoir qu'elle travaillait pour les Jacobins et qu'elle conspirait sa propre perte, parvint avec une insidieuse habileté...

    Lorsqu'ils comprirent leur erreur, pour les Girondins, il était déjà trop tard : les vrais révolutionnaires tirèrent les marrons du feu, en envoyant au passage à la Guillotine ces Girondins inconscients qui leur avaient si bien ouvert la voie...

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    Jacques Brissot de Warville

    Dans notre Album Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville., lire la note "Brissot la guerre".

     

    On lira donc avec profit l'ensemble du chapitre XVI de L'Histoire de France de Bainville, "la" Bible de toute personne qui veut comprendre l'histoire, mais on pourra, en attendant s'y préparer grâce à l'excellent résumé que propose Michel Mourre, à l'article Girondins de son incontournable Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire :    

     

    • GIRONDINS. Groupe politique qui, pendant la Révolution française, joua un rôle important à la Législative et à la Convention. On les nommait ainsi parce que plusieurs de leurs chefs étaient des députés de la Gironde, mais on leur donnait aussi les noms de Brissotins, Buzotains et Rolandais en les rattachant à Brissot, Buzot, Roland. Outre ces trois personnages, les membres les plus influents du groupe étaient Vergniaud, Isnard, Guadet, Gensonné et le savant Condorcet. Avocats et journalistes pour la plupart, les Girondins appartenaient socialement à la bourgeoisie aisée, aux milieux d'affaires, aux banquiers, aux armateurs des grands ports. Ils représentaient la classe qui avait profité le plus de 1789, qui par conséquent était décidée à empêcher tout retour à l'Ancien Régime, mais aussi toute évolution vers une démocratie sociale. Ils se méfiaient des penchants insurrectionnels du peuple parisien.

    À l'époque de la Législative (1791/92), les Girondins se retrouvaient avec Robespierre au Club des Jacobins, mais Brissot et Robespierre devinrent rapidement rivaux. Les orateurs de la Gironde, jeunes, ambitieux, enivrés de leur propre éloquence, se firent d'abord les champions d'une politique révolutionnaire et belliqueuse. Contre Robespierre, qui mesurait le péril d'une invasion ou d'un césarisme militaire, les Girondins voulurent éperdument la guerre afin de séparer Louis XVI des monarchies européennes et des émigrés, et de le compromettre avec la Révolution. En octobre/novembre 1791, ce furent eux qui imposèrent des mesures rigoureuses contre les émigrés et les prêtres réfractaires. Brissot et Vergniaud se dépensèrent à la tribune de la Législative pour réclamer "la croisade de la liberté universelle". Ainsi les Girondins faisaient, sans s'en rendre compte, le jeu des contre-révolutionnaires car, d'une guerre désastreuse pour la révolution, le roi pouvait espérer le rétablissement de l'autorité royale. Le 15 mars 1792, Louis XVI forma un ministère girondin avec Roland à l'Intérieur et Dumouriez aux Affaires étrangères; la belle, enthousiaste et ambitieuse Mme Roland (ci dessous) fut l'égérie de ce ministère qui, le 20 avril 1792, plongea la France dans une guerre qui devait s'achever, vingt-trois ans plus tard, à Waterloo.

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    La belle "Madame Roland"...
     

    Compromis aux yeux de l'opinion publique par les premiers revers des armées françaises, les Girondins s'efforcèrent de détourner la colère populaire contre le roi. Louis XVI ayant refusé deux décrets révolutionnaires et ayant renvoyé les ministres girondins (13 juin), la Gironde organisa contre lui la journée du 20 juin 1792; celle-ci fut un échec, mais déclencha des forces qui, échappèrent bientôt au contrôle des Girondins. L'élan patriotique contre l'étranger donnait une impulsion nouvelle vers l'extérieur. La journée du 10 Août puis les massacres de Septembre firent comprendre aux Girondins les dangers de la dictature populaire parisienne. Dès lors, ils s'appuyèrent de plus en plus sur la province, sur les administrations locales, ce qui permit aux Montagnards de les accuser de "fédéralisme". Dès le 17 septembre 1792, Vergniaud dénonça dans un discours la tyrannie de la Commune parisienne.

    À la Convention, les Girondins, qui comptaient environ 160 députés, constituèrent la droite de l'Assemblée. Ils commencèrent à quitter le club des Jacobins. Défenseurs de la bourgeoisie aisée et de la liberté économique, ils étaient opposés aux montagnards par des haines bientôt inexpiables. Dès les premières séances de la Convention, ils lancèrent de violentes attaques contre Marat. Le procès de Louis XVI (décembre 1792/janvier 1793) acheva de séparer la Gironde de la révolution : les Girondins tentèrent de sauver le roi en demandant l'appel au peuple, qui fut refusé. Ils s'élevèrent ensuite contre l'institution du Tribunal révolutionnaire, mais la défaite de Neerwinden (18 mars 1793) et la défection de Dumouriez, qui avait été l'un des leurs, les compromirent définitivement.

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    Marat 

               

    La lutte ultime entre la Gironde et la Montagne se déroula pendant les mois d'avril/mai 1793. La Gironde fit décréter par la Convention l'arrestation de Marat (ci dessus, 13 avril), mais celui-ci fut absous par le Tribunal révolutionnaire et ramené triomphalement à la Convention (24 avril). La Gironde tenta alors une dernière manoeuvre en faisant nommer, le 18 mai, la commission des Douze, chargée de veiller à la sûreté de l'Assemblée et d'enquêter sur les exactions de la Commune parisienne. Cette commission fit arrêter Hébert. Mais les Montagnards avaient l'appui de trente-six des quarante-huit sections de Paris. Après une première journée d'émeutes, le 31 mai, la Convention se vit, le 2 juin, cernée par 80.000 insurgés, et, sur les injonctions d'Hanriot, nouveau chef de la garde nationale, la majorité terrifiée vota l'arrestation de trente et un Girondins.

    Plusieurs d'entre eux réussirent à s'échapper et à gagner la province, où ils organisèrent des insurrections fédéralistes. Roland, Pétion, Buzot, Clavière furent acculés au suicide. Brisson, Vergniaud, Gensonné et des dizaines de leurs camarades furent exécutés à Paris le 31 octobre 1793. Huit jours plus tard, Mme Roland périt à son tour sur l'échafaud. Quelques Girondins comme Louvet de Couvray, Isnard,  Lanjuinais, revinrent à la Convention après Thermidor.

     

     Jean-Marie Roland, qui avait réussi à s'enfuir à Rouen, se suicida de désespoir, le 8 novembre, en apprenant la mort de sa femme, dont il était fou amoureux : sur la mort de Manon Roland, dite "madame Roland", voir l'Éphéméride du 8 novembre...

    Eh, oui, il faut le savoir : la Révolution mange toujours les révolutionnaires...

     

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  • Les deux discours du Ministre de la Culture devant la statue d'Henri IV, le 14 mai 2010...

                Pour répondre d'avance aux mauvais coucheurs de tous bords -et de tout ordre- qui s'étonnent de ceci ou cela, rappelons juste que le simple fait que le Pays légal organise la célébration de tel ou tel acte, ou de tel ou tel souverain -en l'occurrence, avec l'Année Henri IV...- revient à porter condamnation des mensonges officiels passés, et aussi des horreurs révolutionnaires (profanation de Saint Denis etc...).

                Voilà pourquoi l'on ne peut que se réjouir de voir les Autorités d'aujourd'hui donner tort aux furieux d'hier....

                Ce qui ne veut bien sûr pas dire que l'on gobe tout: quand le Ministre évoque (deuxième discours) "une Europe dont toutes les étoiles et toutes les identités dialoguent harmonieusement, dans le respect mutuel...", on ne peut que rester dubitatif (!), en rappelant à certaines de ces "identités" (!) qu'elles doivent elles-même, d'abord, respecter le cadre dans lequel elles sont venues vivre; en se souvenant que leur présence -en France et en Europe- n'a jamais été ratifiée par un peuple pourtant réputé souverain, mais à qui on n'a jamais demandé son avis sur le sujet... 

                Il suffit de lire lafautearousseau au quotidien pour bien voir que nous ne sommes pas dupes des propos officiels, du moins de certains....

                Nous nous réjouissons simplement quand les choses prennent une tournure et suivent une évolution qui, pour l'essentiel et dans l'ensemble, va dans le bon sens....

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    L'Année Henri IV est placée "sous le parrainage officiel du Chef de l'Etat".
    Célebrer, officiellement, ce "grand roi", cet "immense souverain", cette "figure fondatrice de notre histoire nationale"etc...etc... c'est donc, toujours officiellement, et explicitement, donner tort à tous ceux qui ont deversé, des décennies durant, des tombereaux de mensonges et d'insanités sur notre passé: celui d'Henri IV en particulier, mais plus largement, l'ensemble de notre Histoire....
    C'est cela qui est nouveau, et dont il faut se réjouir....

    I : Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion du lancement du site internet « Henri IV, le règne interrompu » www.henriIV.culture.fr, dans le cadre du 400e anniversaire de la mort d'Henri IV

         site multimédia de référence sur Henri IV 

         la collection multimédia Célébrations nationales 

         Société Henri IV

    PRINCE JEAN HENRI IV 2010.jpg

    Madame la Présidente du Centre des Monuments Nationaux, chère Isabelle
    LEMESLE,
    M. le directeur des Archives, cher Hervé LEMOINE,
    M. le président de la Société Henri IV, cher Jacques PEROT
    M. le délégué aux Célébrations nationales ,
    Cher Grégory CHAMPEAU
    Chers tous qui avez collaboré à ce petit joyau informatique,
    Mesdames et Messieurs,
    Chers amis,

                « Vous ne me connaissez pas maintenant, vous autres ; mais je mourrai un de ces jours, et quand vous m’aurez perdu, vous connaîtrez lors ce que je valais, et la différence qu’il y a de moi aux autres hommes ». Parmi les légendes qui entourent la figure d’Henri IV, et en particulier son assassinat, cette sorte de prédiction rapportée par BASSOMPIERE est, en raison de son caractère prophétique, particulièrement mystérieuse. La référence christique y est probablement pour quelque chose… Et, par ailleurs, les circonstances de ce 14 mai 1610 étaient en effet, comme le savent les historiens, propices à l’effervescence avec la proximité d’une guerre avec l’Espagne, ce qui explique en partie l’événement. Mais une part de mystère demeure face à cette forme de prescience d’une disparition prochaine… Un mystère qui reste indissociable, parmi tant d’autres traits, de la légende du « bon roi » qui fut aussi un grand roi, un immense souverain.

                Pour lancer le premier acte de cette journée d’hommage national au Bon Roi Henri, l’Hôtel de Sully s’imposait comme une évidence, puisque SULLY, l’auteur de la célèbre maxime faisant de « labourage et pâturages les deux mamelles de la France », fut, comme chacun sait, le ministre fidèle et efficace d’Henri, et son compagnon de route jusqu’au jour de l’assassinat. Merci donc à Isabelle LEMESLE et à ses équipes pour leur hospitalité ainsi que pour leur diligence. Je constate d’ailleurs que la tête de réseau de nos monuments nationaux est en pleine
    restauration et je m’en félicite. Derrière nous, les appartements de la Duchesse en pleine réfection (les appartements, car pour la duchesse il est sans doute un peu tard…) nous tendent les bras et je suis sûr que le « vert-galant » aurait été tenté, lui aussi, de pousser cette porte...

                Bref, figure à la fois historique et mythique, mais toujours figure fondatrice de notre histoire nationale, Henri IV est avant tout un symbole d’une intensité particulière, qu’il était essentiel, à mes yeux, de commémorer dignement. Car le bon roi symbolise des valeurs qui sont encore et toujours les nôtres : Un symbole de paix et de tolérance ; Un symbole de renouveau urbain, mais aussi rural, et de prospérité;
    Un symbole de l’essor des arts, entre la Renaissance et la nouvelle esthétique baroque. Nous entendrons tout à l’heure les musiciens du Centre de Musique Baroque de Versailles nous offrir un échantillon de cette musique oubliée, en train d’être redécouverte, notamment grâce à ce merveilleux site Internet.

                L’acte I de cette commémoration « à cent actes divers » tout au long de l’année, c’est, pour nous, la présentation de ce site. Il y a bien sûr, et c’est légitime, une célébration religieuse ce matin à Saint-Denis – Henri vaut bien une messe… – à laquelle nous nous associons de tout coeur et en pensée. Mais le ministère de la Culture et de la Communication a voulu insister aujourd’hui sur la modernité de cet
    immense souverain.

                Et c’est pourquoi nous avons choisi de lancer un site Internet qui viendra alimenter notre collection multimédia consacrée aux « Célébrations nationales » dont mon ministère a la charge. Ce formidable outil mettra dès aujourd’hui à la disposition de chacun une somme considérable de connaissances, de documents, de musiques rares, de textes importants ou inédits, de peintures qui composent une iconographie d’une beauté exceptionnelle…

                Je voudrais bien sûr remercier chacune des personnes et des institutions – l’ex-Mission de la Recherche et de la Technologie, la délégation aux Célébrations nationales et la Société Henri IV – qui ont contribué à la réalisation de ce site particulièrement soigné, à la fois érudit et abordable, qui vulgarise au sens noble du terme, c’est-à-dire qui met à la disposition de tous les publics, quels que soient ses horizons de départ. En cela, il participe pleinement de cette « culture pour chacun » dont j’ai fait mon idéal à la tête du ministère. Ce site démontre avec éclat que la culture d’écran ne fait pas écran à la culture, et que les nouveaux supports peuvent être un formidable levier de notre mémoire collective et partagée. Aujourd’hui donc en quelque sorte, navigation et célébration sont les deuxmamelles de la culture pour chacun…! Sa vocation culturelle et pédagogique, sur un mode interactif et même ludique l’inscrit dans le programme d’éducation culturelle et artistique que nous mettons en place avec le ministère de l’Education nationale. J’y ajoute, je dirais, une vocation citoyenne. Car il contribue à tisser plus étroitement notre lien social, en nous restituant une part essentielle de notre mémoire et de notre identité commune, faite d’histoire, de légendes et de symboles mobilisateurs.

                Je vous invite donc à consulter cette réalisation exemplaire qui met l’outil numérique au service de la culture pour chacun, et je vous donne rendezvous dans les jardins (ou plutôt l’Orangerie peut-être, vu la météo) pour un moment musical et une collation façon « poule au pot », avant de vous retrouver peut-être ce soir sur le Pont-Neuf. Jean-Charles de CASTELBAJAC y a revisité la statue équestre d’Henri IV et il nous prépare bien des surprises et bien des émotions, qui constituent aussi, comme ce site Internet, une bien belle manière de donner vie à notre mémoire…

                Je vous remercie.

     

     

    II : Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l’occasion de la célébration du 400e anniversaire de la mort d'Henri IV autour de la statue équestre d'Henri IV sur le Pont-neuf (Paris, île de la Cité) et de l'oeuvre de Jean-Charles de Castelbajac.

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                Maintenant que les tambours ont laissé la place au silence, et le silence à la parole, nous pouvons nous recueillir ensemble à la mémoire de celui qui est resté pour chacun le modèle des souverains.

                La République n’est pas née de rien. Elle sait rendre hommage à tout ce qui, dans l’histoire de la France, l’a précédée et parfois aussi préparée. Elle salue aujourd’hui, à l’occasion du quatre-centième anniversaire de sa disparition tragique, celui qui, dit-on, est « le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire ». Elle rend hommage en lui à une anticipation de ses propres valeurs, tout autant d’ailleurs qu’elle salue un
    panache auquel elle emprunte l’une de ses trois couleurs – ce fameux « panache blanc » demeuré l’une des nuances qui, unies avec les couleurs de Paris, composent son drapeau. C’est pourquoi chacun des élus, quelle que soit leur couleur, la mairie de Paris, les mairies du 1er et du 6e arrondissements, la « Société Henri IV » et, par ma voix, le Président de la République et le gouvernement tout entier, se sont fidèlement associés pour donner quelque éclat à cette grande célébration nationale.

                Si nous célébrons un triste événement, c’est pour marquer notre attachement constant, par-delà les siècles écoulés, à ce grand souverain victime du fanatisme, dont il ne pouvait qu’être la cible pour en avoir été l’adversaire parfait dans toute son action de roi comme d’ailleurs dans toute sa vie. C’est aussi pour dire que, par-delà cette mort, les valeurs de ce monarque exemplaire ont triomphé. Elles ont fait de sa figure une inspiration qui dépasse son temps, qui n’a pas cessé de nourrir le meilleur de notre histoire et qui, nous voulons aujourd’hui en faire le pari, sera l’une des sources de l’avenir. Ces valeurs, chacun les connaît, ce sont celles de la tolérance et de la liberté, indissociables d’une leçon de joie de vivre, d’énergie et de solidarité humaine. Ce sont aussi les valeurs de la culture et de la foi dans l’humanisme des arts. Cet avenir, c’est celui d’une France et d’une Europe dont toutes les étoiles et toutes les identités dialoguent harmonieusement, dans le respect mutuel. C’est le voeu henricien de la concorde civile et de la paix religieuse élargi aux dimensions de notre planète.


                Déjà VOLTAIRE, dans La Henriade, avait montré le lien très fort qui unit la tolérance avec l’ordre cosmique du monde. Il chantait une première apothéose d’Henri IV emporté dans le ciel par Saint-Louis, qui contemple l’ordre céleste et qui saisit que la diversité est inscrite dans les desseins divins et que la tolérance est la seule réponse à l’efflorescence des confessions particulières. La Henriade a donc en quelque sorte précédé la vision de l’artiste d’aujourd’hui, cher Jean-Charles de CASTELBAJAC. C’est pourquoi je cède, moi aussi, au plaisir d’apparier le moderne et le contemporain et de vous livrer quelques bribes de ce voyage céleste qui semble préfigurer votre propre rêve d’un Henri IV « roi des étoiles » et souverain du futur :


    « Au delà de leur cours, et loin dans cet espace
    Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse,
    Sont des soleils sans nombre, et des mondes sans fin.
    Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin.
    Par delà tous ces cieux, le Dieu des cieux réside.
    C'est là que le héros [Henri IV] suit son céleste guide ;
    C'est là que sont formés tous ces esprits divers
    Qui remplissent les corps et peuplent l'univers.
    Là sont, après la mort, nos âmes replongées,
    De leur prison grossière à jamais dégagées.
    Un juge incorruptible y rassemble à ses pieds
    Ces immortels esprits que son souffle a créés.
    C'est cet être infini qu'on sert et qu'on ignore :
    Sous des noms différents le monde entier l'adore :
    Du haut de l'empyrée il entend nos clameurs ;
    Il regarde en pitié ce long amas d'erreurs,
    Ces portraits insensés que l'humaine ignorance
    Fait avec pi-été de sa sagesse immense ».
    (La Henriade, chant VII)

                C’est bien un roi paradoxal auquel nous rendons hommage aujourd’hui – à la fois celui qui sut contempler de Sirius les vaines querelles des hommes et s’en placer à bonne distance, et celui qui sut être en même temps le roi le plus chaleureux et le plus proche de chacun. C’est par ces deux chemins qu’HENRI IV restera à jamais un roi universel. Le parer ainsi d’une épée lumineuse, c’est rappeler aussi que la paix repose sur le courage, que la justice ne va pas sans l’appui de la force, et c’est montrer que sans les lumières de l’esprit et du coeur pour nous guider, la force et le courage – toutes les vertus – ne sont rien.

                Après quelques évocations pyrotechniques retraçant sa gloire, nous pourrons voir s’illuminer l’architecture souple et légère qui encadre cette statue familière. Nul doute que le roi s’y prêtera à ces jeux de lumière avec sa tendresse et son sourire légendaires. Il se présentera ainsi, deux mois durant, jusqu’à notre fête nationale du 14 juillet, dans ce « simple apparat », aux yeux des passants arrivés de tous horizons dans la capitale. Il leur apparaîtra dans tout l’éclat dont il brille déjà dans nos mémoires, au sein de ce quartier qui porte son empreinte et qui est un peu déjà comme son écrin. Ce soir donc, après nous êtres recueillis avec gratitude, nous voulons dire, par les quelques instants d’une fête fidèle à son esprit qui savait être léger, notre joie d’être tous, par la grâce de l’histoire, les héritiers d’une
    générosité qui, la première, a lancé la France dans l’aventure de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

                Je vous remercie.

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  • Elisabeth Lévy : « Le peuple, voilà l'ennemi ! »

     

    Par Vincent Tremolet de Villers  

    A l'occasion de la parution du dernier numéro de Causeur, Elisabeth Lévy a donné un long entretien à FigaroVox [24.07]. Exceptionnellement, vous le lirez en entier en cliquant sur Lire la suite. Elle y décrypte les ravages de l'opposition entre le peuple et les élites sur fond de Brexit et d'attentats. En beaucoup de points, nous partageons ses analyses, évidemment pertinentes. Y-a--t-il des sujets de désaccord ? Sans doute. Nous laissons au lecteur le soin de les déceler. Mais sur l'essentiel, quel talent ! Quelle lucidité et quel bon sens ! LFAR

     

    627969587.jpgDans votre (savoureux) éditorial vous reprochez à Anne Hidalgo d'avoir rétabli les octrois. Quelques pages plus loin, vous félicitez le prolo anglais d'avoir voté contre « les élites » London-bruxelloises. Vous virez populiste ?

    Merci pour savoureux ! Vous avez raison, l'interdiction des vieilles voitures à Paris et le fanatisme européiste sont deux expressions du mépris prononcé des élites pour le populo qui pense mal, vote mal, vit mal et qui, en prime, sent mauvais. Au mieux des grands enfants qui ne savent pas ce qui est bon pour eux, au pire des barbares qui, avec leurs tas de ferraille pourris, menacent les bronches délicates de nos chérubins élevés bio. Je précise que je suis contre les maladies respiratoires et pour la paix entre les peuples, mais dans les deux cas, Brexit et pseudo mesures anti-pollution, c'est une idéologie qui est à l'œuvre, et cette idéologie s'emploie à détruire tout résidu du passé, qu'il s'agisse des nations ou des bagnoles ! Alors vous qualifiez ma critique ironique de « populiste », dernière insulte à la mode. C'est marrant, autrefois, défendre les intérêts du populo (alors appelé classe ouvrière), c'était le comble du progressisme. Aujourd'hui, cela signe votre appartenance à la réaction, allez comprendre. En réalité, « populisme » est le nom que la gauche donne au peuple quand le peuple lui déplait. Dans notre émission « L'Esprit de l'Escalier » sur RCJ, Alain Finkielkraut a eu la bonne idée d'exhumer le fameux poème de Brecht qu'on cite sans le connaître. Brecht, qui est pourtant communiste, l'écrit pendant la répression de la grève ouvrière de 1953 à Berlin-Est. Il trouve un tract du Parti qui déclare que « le peuple a perdu la confiance du Gouvernement ». Et Brecht conseille ironiquement à ce dernier de « dissoudre le peuple et d'en élire un nouveau ». Et c'est exactement ce que la gauche essaie de faire depuis trente ans. Le peuple vote mal ? Changeons de peuple ! Le peuple ne veut pas la poursuite de l'immigration massive ? Changeons de peuple ! Le peuple a peur de l'islam ? Changeons de peuple ! Le peuple veut rester un peuple ? Changeons de peuple ! Autrement dit, la gauche, représentante autoproclamée du peuple, ne se demande jamais comment répondre à ses aspirations ou inquiétudes mais comment lui faire entendre raison, enfin c'est une façon de parler, car elle utilise plutôt le prêchi-prêcha, l'invective et le chantage. Dans le cas du Brexit on aura tout eu : si vous votez « oui » vous irez en enfer ; puis, ce sont les vieux, les bouseux alcooliques (et les consanguins, non?) qui ont voté Brexit ; et enfin, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient, la preuve ils ont changé d'avis. Quand un peuple dit « non », c'est « oui », on connaît la musique….

    « Le peuple n'a pas toujours raison » a dit Daniel Cohn-Bendit au sujet du Brexit…

    Quel aveu ! Désolée, mais si, en démocratie, le moins pire des systèmes comme on le sait, le peuple a par principe raison. Voilà pourquoi la destruction de l'école, sous de fallacieux prétextes égalitaires, est dangereuse : si le peuple a raison, il vaut mieux qu'il soit éclairé et capable de se forger une opinion autonome, on sait ça depuis Condorcet. Au passage, puisque c'est toujours cet exemple que Cohn-Bendit et les autres sont prêts à abattre sur la tête de l'électeur récalcitrant, si le peuple décide démocratiquement d'amener Hitler au pouvoir, il est déjà trop tard. Du reste, ce n'est pas ce qui s'est passé en 1933, d'abord parce qu'Hitler n'a pas obtenu la majorité, ensuite parce que l'atmosphère pré-terroriste de la campagne était tout sauf démocratique. Rappelons cependant que le peuple britannique n'a pas voté pour l'arrivée de Hitler au pouvoir, ni même pour « sortir de l'Europe » comme l'a annoncé Le Monde, mais pour quitter l'Union européenne. Alors revenons sur terre. Il me semble à moi que ce que l'histoire a fait, l'histoire doit pouvoir le défaire et qu'il ne faut peut-être pas en faire un tel plat. Du reste, avez-vous remarqué comme depuis l'attentat de Nice, le Brexit apparaît comme beaucoup moins cataclysmique ? Seulement, pour Cohn-Bendit et pour un certain nombre de mes confrères, la construction européenne n'est pas un fait historique, c'est une religion. Le vote britannique aura au moins eu le mérite de leur faire avouer qu'ils ne sont pas démocrates. C'est leur droit. Mais quand on se rappelle que les mêmes, quelques semaines plus tôt, rivalisaient dans l‘attendrissement et l'admiration pour Nuit debout et ses merveilleuses logorrhées citoyennes, on peut au moins exploser de rire. Leurs contorsions pour expliquer que, finalement, la démocratie participative c'est chouette mais qu'il ne faut pas en abuser, m'ont fait passer quelques bons moments.

     

    La dichotomie peuple/élites vous parait-elle pertinente ?

    Elle n'est pas l'alpha et l'oméga de tout mais dans une démocratie représentative, il y a par définition des gouvernés et des gouvernants. Et puis, il existe ce qu'on appelle une classe dirigeante, constituée d'élites économiques, intellectuelles et surtout médiatiques. L'une des caractéristiques de la période contemporaine est sans doute que les journalistes et autres médiacrates ont pris la place des écrivains et de penseurs, en termes de pouvoir et de statut social - et ce n'est pas une bonne nouvelle. Par ailleurs, si on repense à La trahison des clercs de Benda et surtout à L'étrange défaite, le magnifique livre de Marc Bloch sur l'origine de la défaite de 1940, il apparaît que les grands désastres historiques plongent souvent leur racine dans la faillite des élites. Cela ne signifie certes pas que le peuple est toujours bon et le pouvoir toujours mauvais. N'empêche, quand vous avez étudié dans les meilleures écoles, qu'on vous a confié des charges publiques ou privées, bref que l'on vous a fait confiance, cela devrait obliger. Or, je le répète, ce qu'on voit de plus en plus, ce sont des élites hors sol, qui méprisent ou ignorent ceux qu'elles prétendent diriger. Alors quand, au matin du 23 juin, j'ai vu la tête effarée de certains confrères, comme l'inénarrable Jean Quatremer, représentant de la Commission à Libération, découvrant que plus personne ne les écoutait plus et que leurs procès en sorcellerie faisaient rigoler tout le monde, j'ai immédiatement pensé: Ich bin ein Brexiter! Ce doit être mon côté populiste. Nos élites ne comprennent rien ? Changeons-en ! D'ailleurs, une bonne partie du peuple n'a pas demandé la permission pour préférer Polony ou Zemmour aux gauchistes qui pullulent dans nos universités et les colonnes de nos journaux….

    « Danse-t-on sur les ruines ? » écrivez-vous justement. Doit-on se réjouir du désordre et des incertitudes politiques ? Ce n'est pas un jeu !

    D'abord, je le répète, après l'attentat de Nice et le vrai-faux coup d'Etat turc, le Brexit semble un peu moins cataclysmique que le 24 juin. Et puis, où sont les ruines ? L'Angleterre n'a pas coulé, la City n'a pas disparu, les traders français n'ont pas été boutés hors de Londres. En supposant même que demain, les Britanniques aient à montrer leurs passeports en entrant dans l'Union ou que les étudiants aient à voyager sans le cocon Erasmus (ce qui n'arrivera sans doute pas), cela serait-il si terrible qu'on l'a dit ? On ne doit sans doute pas se réjouir du désordre, mais parfois un peu d'incertitude ne nuit pas. Nous l'a-t-on assez répété, en matière européenne, que l'Histoire était écrite dans le marbre et qu'on ne pourrait jamais faire marche arrière, l'Union était aussi intangible que la loi de la gravité. Alors oui, je préfère l'incertitude parce que l'Histoire écrite d'avance c'est la fin de l'Histoire. Bien sûr, Philippe Muray vous dirait que ce n'est pas un petit vote de rien du tout qui peut annoncer le retour de l'Histoire. N'empêche, il se passe quelque chose, et en prime quelque chose dont on nous disait que ça ne se passerait jamais. Appelez ça histoire ou politique, comme vous voulez, mais vous ne m'empêcherez pas de le savourer….

    A vous lire, vous semblez pourtant modérément souverainiste. Quel est votre rapport à l'Europe ?

    Je ne suis pas souverainiste, c'est la réalité qui est souverainiste. D'un point de vue anthropologique l'existence de nos vieilles nations me semble plus avérée que celle de cet artefact appelé Union européenne qui a une existence légale, administrative, technique, mais certainement pas culturelle, politique, ou même humaine. Un Européen ça existe, pas un Unioneuropéen ! Croyant au réel, si on peut dire, je crois aux nations comme cadres légitimes de la démocratie. Pour autant, il existe bel et bien une civilisation européenne et aussi un espace qui a des intérêts communs. En conséquence, je ne suis nullement opposée à une forme d'union et de coopération entre peuples européens mais je refuse qu'on singe la démocratie à une échelle où elle n'a pas de sens. Tant qu'il n'y aura pas un peuple européen au sein duquel les habitants de Hambourg seront d'accord pour payer pour ceux de Brindisi, les différents peuples d'Europe seront les seuls dépositaires légitimes de la souveraineté. Vous voyez, finalement, si ça se trouve, je suis souverainiste….

    Comment l'UE est-elle parvenue à se montrer si terne, sans relief et sans saveur ?

    Permettez-moi de renvoyer les lecteurs du Figaro à un auteur qu'ils connaissent bien, en l'occurrence Alain Finkielkraut et à son analyse limpide sur le sujet. C'est l'injonction du « Plus jamais ça » devenu le seul programme politique de l'UE qui a abouti à faire de l'Europe un réceptacle vide, ou plus exactement un contenant prié de se vider lui-même de tout contenu pour faire place à l'Autre. Pour accueillir, l'Europe doit renoncer à être elle-même. Si je voulais caresser le lecteur du Figaro dans le sens du poil, je dirais que l'idéologie européiste est une nouvelle version d'une certaine niaiserie de gauche. Ah, si tous les peuples du monde se donnaient la main… L'ennui, c'est que ce galimatias pour ados attardés ne s'intéresse absolument pas aux cultures qui font l'Europe.

    Cameron, Johnson, Farage ont démissionné. L'art britannique de la démission a-t-il quelque chose à nous apprendre ?

    Quand Jospin a démissionné après avoir échoué tout le monde a hurlé - moi je trouvais ça assez logique. Aujourd'hui, on voit des leaders qui démissionnent après avoir gagné et tout le monde s'extasie. Apparemment, rien n'est plus moderne qu'un leader qui renonce au pouvoir, rappelez-vous comment Benoît XVI est devenu populaire en une heure… Cependant, je ne partage pas votre admiration. Si Johnson et Farage ne voulaient pas gagner, ils n'auraient pas dû jouer. Il n'y a aucune grandeur dans leur attitude, seulement du cynisme. Comme dans celle de Pasqua et Séguin qui ont sablé le champagne après avoir perdu d'un cheveu le référendum sur Maastricht. Tous ont fait semblant de vouloir renverser la table pour obtenir les bénéfices symboliques de la subversion, mais aucun n'avait suffisamment d'estomac pour aller au bout. À cela il faut ajouter que Johnson et Farage n'ont reculé devant aucun mensonge durant la campagne. Certes, le camp du « remain » a aussi fait très fort dans le chantage à l'apocalypse. Et contrairement à ce qu'on raconte ici, il y a eu, à côté des outrances, un débat de bon niveau en Angleterre. J'ai donc tendance à penser que, dans ce cas, les électeurs valent mieux que ceux qui les ont amenés là. N'empêche, la victoire du « leave » a un drôle de goût, d'où notre titre « L'étrange victoire »….

    En Europe, les votes se suivent et se ressemblent. Jusqu'où ira, selon vous, cette révolte des peuples ? Faut-il s'en inquiéter ? Et en France, est-ce le FN qui bénéficiera de cette envie d'insurrection civique ?

    D'abord, je ne suis pas sûre que tous les votes se ressemblent tant que ça. Certes, il existe des ressorts communs aux partis dits populistes - immigration, mondialisation, dépossession…-, mais ce courant est beaucoup plus libéral en Angleterre ou en Hollande qu'en France par exemple, où le FN est très étatiste. D'autre part, certains de ces partis, en Pologne, en Hongrie et dans toute cette Europe qui n'a guère connu d'expérience démocratique, me paraissent plus inquiétants que d'autres. Il n'est pas douteux que les difficultés engendrées par le multiculturalisme qui est tout sauf heureux, la montée de l'islam radical et l'installation du terrorisme font progresser les affects mauvais, à l'égard de nos compatriotes musulmans. Il faudrait être inconscient pour ne pas s'en inquiéter. Mais une chose est sûre. On ne calmera pas plus ces affects qu'on n'a fait reculer le vote protestataire par l'injonction morale, et encore moins par le déni de réalité. Si on veut libérer les musulmans européens de l'atroce risque d'amalgame qui pèse sur eux, il faut non pas taire les critiques de l'islam mais les encourager. Plus on empêchera les gens de dire qu'ils ne veulent pas d'un certain islam, sécessionniste et régressif, qui en France est minoritaire mais pas insignifiant, plus ils se tourneront vers les adeptes des solutions folles. Cependant, sur ce terrain, les gens du FN ne me semblent pas vouloir jeter de l'huile sur le feu et c'est tant mieux. Après tout, on finira peut-être par découvrir qu'ils sont un rempart contre les fachos…

    Justement, une semaine après Nice, quel regard portez-vous sur notre pays ?

    C'est la première fois, me semble-t-il, qu'un journal de la gauche raisonnable comme Le Monde se demande ouvertement s'il y a un risque de guerre civile - pour y répondre par la négative, mais tout de même. Au-delà de la sidération, de la peur, on sent effectivement monter une colère, en partie dirigée contre les gouvernants, mais pas seulement. Les Français ne sont pas en colère à cause des ratés de la sécurité, ils sont en colère parce qu'on leur raconte des bobards. On pensait que le déni avait fini par se fracasser sur le réel. Las ! Dès le 15 juillet, nombre de médias s'employaient à effacer tout lien entre le crime et l'islam, fût-il radical. Bien sûr, leurs gros sabots se voyaient et au moins, on a pu souffler et rire parce que, sur France Inter, 95 % des témoins et des proches de victimes interrogés avaient des prénoms maghrébins. De même, on nous a rebattu les oreilles avec les frasques du terroriste : il buvait de l'alcool, il mangeait du porc et il draguait les filles, et même les garçons, il ne pouvait pas être musulman ce gars là. Pour un peu, nous avions vécu un drame de l'alcool ou de la sexualité débridée. Ce dénégationnisme médiatique n'apaise pas au contraire, il rend les gens dingues. Bien sûr, nombre de victimes étaient musulmanes et ils sont des millions, qui font la fête le 14 juillet, ou d'ailleurs ne la font pas, à appartenir sans restriction à la communauté nationale. Mais d'autres, concitoyens ou pas, sont nos ennemis et il doit être permis de le dire. Voilà des mois qu'on dit aux Français qu'ils sont en guerre, aujourd'hui, ils attendent qu'on la fasse. Si on ne veut pas que cette guerre soit celle de tous contre tous, c'est à l'Etat de la mener. A l'extérieur de nos frontières, mais aussi et peut-être surtout, à l'intérieur. 

    Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction de Causeur. Dans son numéro de juillet « Brexit, l'étrange victoire », le magazine revient sur le Brexit, la stupeur des élites, le retour du peuple et l'apocalypse qui n'a pas eu lieu.

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    Vincent Tremolet de Villers      

    Rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et de Figarovox.         

  • Montréjeau : une commémoration pour les victimes de la révolution.

    Curieux, royalistes, catholiques ou élus de la République se sont rassemblés à Montréjeau (Haute-Garonne), samedi 17 août 2019, pour se souvenir du massacre perpétré par les Républicains, en 1799.

    Source : https://www.infos-toulouse.fr/

    Après une première édition en 2019, le Comité du Souvenir des victimes de la Révolution en Midi toulousain se retrouvera à nouveau à Montréjeau (Haute-Garonne), le 22 août 2020 pour commémorer le massacre des insurgés catholiques et royalistes, perpétrés par les troupes révolutionnaires le 20 août 1799. 

    Si la révolte des Vendéens et des Chouans est davantage connu parmi les amateurs d’histoire, l’insurrection du Midi, survenue à la fin des années 1790 a aussi eu son lot de martyrs. A Montréjeau, des milliers d’insurgés royalistes ont été massacrés, lors de l’été 1799. 

    Une centaine de personnes attendue

    Samedi 20 août, le Comité du Souvenir des victimes de la Révolution en Midi toulousain donne rendez-vous à 10 heures, sur le boulevard de Lassus pour une messe, selon le rite tridentin, suivie d’une allocution et d’un pique-nique convivial. Lors de l’édition inaugurale, en 2019, une centaine de personnes s’était rassemblée, avec notamment la présence de deux élus du conseil régional d’Occitanie. 

    Le Comité est placé sous le Haut patronage de Mgr le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou et compte comme patrons Jean de Viguerie (+), Jean Raspail (+), Reynald Secher, Philippe Pichot-Bravard, le professeur Cyrille Dounot, le colonel Jacques Hogard, et bénéficie du soutien de l’association du Souvenir Vendéen, qui a souhaité accompagner une démarche analogue à celle menée en Vendée militaire depuis des décennies.

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    Une initiative menée par Pierre-Emmanuel Dupont, juriste, chargé d’enseignement universitaire et secrétaire du Comité. En 2019, il répondait aux questions d’Infos-Toulouse.

    Infos-Toulouse : Pourquoi avoir souhaité organiser une cérémonie pour cet événement en particulier ?


    Pierre-Emmanuel Dupont : Nous considérons qu’il est de notre devoir de préserver de l’oubli, ou de faire ressortir de l’oubli, la mémoire de ceux, jusqu’aux plus humbles, qui ont péri en haine de la foi. Il n’y a pas eu dans le Midi toulousain jusqu’à présent d’initiatives coordonnées visant à préserver et à défendre la mémoire des victimes de la Révolution française. Dans d’autres provinces de France, la mémoire des victimes est préservée, des monuments sont érigés ou rénovés, des publications sont réalisées, et surtout des messes sont dites à leur intention. C’est le cas en particulier en Vendée, cette province qui a eu tant à souffrir de la Révolution, et a subi ce qu’il est permis d’appeler un génocide, au sens propre, au sens véritable, au sens que revêt ce terme dans la terminologie juridique moderne. Notre vœu est que les victimes de la Révolution soient enfin honorées dans le Midi toulousain, comme elles l’ont été et le sont en Vendée.

    On oublie régulièrement que le Midi de la France a connu sa « chouannerie » dans la fin des années 1790. Que s’est-il passé ?

    Dans la vallée de la Garonne, et de Toulouse à Bordeaux, les mesures prises par le pouvoir révolutionnaire à partir de 1789, et en particulier la persécution religieuse qui commence en 1791,[1] suscitent dès les débuts de la Révolution un rejet très net de la grande majorité de la population. Comme on l’a noté, « les royalistes dominent dans les villages et la plupart des petites villes du Sud-Ouest ».[2] Toulouse, aux mains des Révolutionnaires, fait exception,[3] ainsi que quelques villes moyennes comme Tarbes. C’est depuis ces villes qui font figure de places-fortes jacobines, où il a concentré ses troupes, que le pouvoir révolutionnaire mène des opérations ponctuelles de répression, de « ratissage » dans les campagnes et les villages.

    Partout, les populations rurales du Midi toulousain résistent systématiquement aux mesures de déchristianisation, protègent les prêtres réfractaires. Des offices sont célébrés dans la clandestinité, ou même publiquement malgré l’opposition des représentants locaux des autorités révolutionnaires.[4] En de nombreux endroits, les paysans incendient les symboles révolutionnaires, détruisent les arbres de la Liberté.[5]

    Au cours de l’été 1799, alors que la rigueur des réquisitions s’aggrave, que la perspective d’un regain de la politique de Terreur se précise avec la loi des otages, et compte tenu du rejet massif par les populations de la conscription pour les guerres incessantes menées par Napoléon et le Directoire,[6] ce sont des milliers d’hommes qui rejoignent l’armée royaliste insurrectionnelle. Malheureusement, la préparation de l’opération, menée en secret, a été insuffisante, et a fini par être éventée. Aussitôt alertées, « les autorités se saisissent de tout ce qui est suspect, provoquent sur le champ l’arrestation des otages, arment les patriotes et, par une proclamation, annoncent les dangers en déclarant que tous ceux qui ne se seraient point rendus à la générale sur la place d’armes seraient censés parmi les rebelles ».[7] Les insurgés parviennent cependant à prendre le contrôle d’un nombre important de localités.
     
    « Cette insurrection avait été si bien ourdie qu’elle éclata, comme nous venons de le voir, le même jour et presque à la même heure dans les départements de la Haute-Garonne, du Gers, de l’Ariège, de l’Aude, du Tarn et de Lot-et-Garonne. Deux jours après, elle était maîtresse absolue de presque toutes les communes des cantons de Lanta, Caraman, Revel, Villefranche, Saint-Félix, Montgiscard, Montesquieu-sur-le-Canal, Baziège, Nailloux, Cintegabelle, Auterive, Mazères, Saverdun, Muret, Beaumont-sur-Lèze, Saint-Lys, Léguevin, Lévignac, Cadours, l’Isle-en-Jourdain, Lombez et Samatan ».[8]
     

    [1] Pour une analyse d’ensemble de la politique antichrétienne de la Révolution, V. J. de Viguerie, « La persécution antireligieuse », in R. Escande (éd.), Le livre noir de la Révolution française, Paris, éd. du Cerf, 2008, pp. 213-225.
    [2] Cf. Jolivet, récension de l’ouvrage de l’abbé Joseph Lacouture, Le mouvement royaliste dans le Sud-Ouest {1797-1800) (Hossegor, Chabas, 1932), in Revue d’histoire de l’Église de France, t. 23, n°98, 1937, p. 79.
    [3] V. J. Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, éd. Privat, 1986, p. 225.
    [4] Jean-Claude Meyer, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Presses de l’Université Toulouse-Le Mirail, 1982, spéc. p. 429.
    [5] Jean-Claude Meyer, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Presses de l’Université Toulouse-Le Mirail, 1982.
    [6] Rappelons que le décret de la Convention du 23 août 1793 ordonnait la levée en masse de tous les Français de 18 à 25 ans. Son article 1er dispose : « Dès ce moment, jusqu’à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes gens iront au combat; les hommes mariés forgeront des armes et transporteront des subsistances ; les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux ; les enfants mettront les vieux linges en charpie, les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, la haine des rois et l’unité de la République ».
    [7] Joseph Lacouture, Le mouvement royaliste dans le Sud-Ouest {1797-1800), Hossegor, Chabas, 1932, p. 207.
    [8] B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887, p. 149.

    L’un des événements les plus marquants est ce massacre à Montréjeau, le 20 août 1799. Pouvez-vous nous raconter ces événements ?

    « Instruit par une ordonnance, dit le général Vicose dans son rapport sur la bataille de Montréjeau, que le général Barbot était à Lannemezan avec une force imposante et qu’il se proposait d’agir de concert avec moi pour la réduction des rebelles, je m’engageai dans ma réponse à faire une fausse attaque sur l’avenue de Montréjeau, pour faire diversion à l’attaque principale. L’affaire a eu lieu ce matin, 3 fructidor, comme nous nous l’étions proposé, et le succès a couronné l’entreprise. Le général Barbot, à la tête d’une colonne de quinze cents hommes, a attaqué l’ennemi, fort de quatre mille hommes, à huit heures du matin. Après avoir rangé mon armée en bataille, j’ai fait avancer les chasseurs à cheval pour opérer le mouvement convenu. Bientôt mes cavaliers arrivent en présence de l’ennemi et leur aspect hâte la défaite. Le carnage a été affreux. Deux mille hommes tués ou noyés et mille prisonniers sont le résultat de cette sanglante journée. Le fameux comte de Paulo n’est plus.. Il a été tué par les républicains, auxquels il offrait cent louis pour conserver sa vie. Cette bande royale, forte ce matin de quatre mille hommes, se trouve donc réduite à mille environ. Ces faibles débris se sont portés sur Saint-Bertrand, mais une colonne républicaine y était entrée sans coup férir ce matin, ce qui nous fait espérer que les brigands échappés à nos coups n’ont plus aucun espoir de salut ».[1] Ce témoignage concorde avec celui d’un autre acteur des événements, le général Chaussey, qui écrit dans son rapport adressé à l’administration centrale de l’Ariège :

    « L’ennemi, ayant pris la débandade, fut vigoureusement chargé par la cavalerie. La route et la plaine furent jonchées de cadavres. La cavalerie ennemie fut poursuivie à deux lieues de là. De ces brigands, victimes de leur témérité et de leur scélératesse, il fut tué ou noyé au moins dix-huit cents et sept cents faits prisonniers ».[2]

    La répression se poursuit avec férocité dans les jours et les semaines qui suivent. Bernadotte, qui a été nommé ministre de la Guerre en juillet, avait écrit aux autorités centrales de la Haute-Garonne, quelques jours avant l’écrasement de l’insurrection :

    « La loi a prononcé que des rebelles pris les armes, à la main soient jugés de suite : les périls de votre situation ont justifié cette mesure terrible. Sans doute la victoire même est une calamité dans les discordes civiles ; mais il faut que la république et ses lois triomphent , et les larmes qu’elle peut coûter sont le crime des incorrigibles royalistes. N’ont-ils pas sans cesse réduit les républicains à la nécessité de repousser la force par la force ? Mais la puissance de la nation est assez grande pour être calme au milieu même du combat. Ainsi vous saurez faire la distinction du crime et de l’égarement. Traitez la faiblesse soumise , avec les égards qui peuvent la convaincre et la ramener. Placez les conspirateurs sous le joug inflexible de la loi ».[3]

    [1] Rapport du général G. Vicose, A l’administration centrale de la Haute-Garonne, Arch. de la Hte-Gne, Insurr. de l’an VII, liasse 5, cité dans B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887, pp. 337-338.
    [2] V. H. Duclos, Histoire des Ariégeois, tome II, p. 347, cité par Lavigne, op. cit., p. 342.
    [3] Cité dans le Journal de Toulouse, L’Observateur Républicain, ou l’Anti-Royaliste, 7 fructidor an VII (24 août 1799), n°121.

    Qui sont ceux ayant été massacrés ? 

    Il s’agissait très majoritairement de paysans, de cultivateurs de la région, donc sans expérience militaire, très faiblement armés et entraînés. Ces hommes étaient emmenés par un jeune aristocrate de la région, le Comte Jules de Paulo et le général Antoine Rougé, passé de l’armée républicaine au camp royaliste. Ces deux hommes survivront à la répression de l’insurrection.
     
    On ne connait que peu d’éléments sur cette période, quels sont les travaux phares sur ces événements dans le Midi ?

    Les insurgés catholiques et royalistes du Toulousain d’août 1799 n’ont eu pour écrire leur histoire que leurs adversaires. Il ne s’est trouvé que des historiens partisans de la Révolution pour s’intéresser aux événements de 1799 dans le Midi, tels le professeur Jacques Godechot, auteur d’une étude intitulée La contre-Révolution dans le Midi toulousain [1]. Le drame de l’insurrection, et singulièrement le massacre de Montréjeau, n’a été conté en quelque détail que par les journaux révolutionnaires parus au lendemain de l’événement, en particulier le Journal de Toulouse, sous-titré L’Observateur Républicain, ou l’Anti-Royaliste. Les récits les plus détaillés, publiés au XIXe siècle, sont certainement ceux de B. Lavigne [2], ancien sous-préfet de Saint-Gaudens, et du baron de Lassus, de Montréjeau.[3] Tous ces récits sont empreints d’une hostilité systématique, véritablement caricaturale, vis-à-vis des insurgés.
     

    [1] J. Godechot, « La contre-Révolution dans le Midi toulousain », in F. Lebrun et R. Dupuy (éd.), Les résistances à la révolution Paris, éd. Imago, 1987, pp. 119-125. Cet ouvrage constitue les Actes d’un colloque international « Les résistances à la Révolution » tenu à Rennes du 17 au 21 septembre 1985.
    [2] B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887.
    [3] Baron de Lassus, « Statuts et coutumes de Montréjeau (Montréal-de-Rivière) : I. Notice historique (1ère partie) », in Revue de Comminges, t. XI, 2e trimestre 1896, pp. 89-282.

    Y a t-il une volonté de la part de la République d’effacer la mémoire de ses premiers « Gaulois réfractaires » ? 

    Il est clair que la mémoire du soulèvement de 1799 a été très largement occultée par la suite, car le caractère nettement « populaire » et paysan de l’insurrection a de quoi déranger la vulgate républicaine. Le soulèvement est massif et traduit un mécontentement général des populations (en particulier rurales) à l’encontre de la Révolution. Cette réalité gêne : on s’efforce donc de la minimiser, et d’insister au contraire sur des facteurs tels que l’aide étrangère et l’influence de la noblesse. Ainsi, un article récent de La Dépêche évoque comme moteurs de l’insurrection de 1799 « l’union des nostalgiques et des émigrés »… c’est un peu court en termes d’explication.

    Quelles leçons devons-nous tirer de cette époque ?


    L’insurrection royaliste d’août 1799 dans la région de Toulouse est symptomatique à un double titre : d’abord elle témoigne de l’opposition résolue et très large des populations des villes et des campagnes du Languedoc à la Révolution, et de leur attachement à la royauté, et peut-être surtout à leur religion catholique que le nouveau pouvoir tente d’éradiquer par sa politique de persécution. Comme dans tant d’autres provinces de France, la Révolution impose son ordre nouveau, par l’intimidation, la violence et la Terreur, à un peuple qui très majoritairement n’en veut pas. Ensuite, la répression de l’insurrection catholique et royale du Toulousain, à l’instar des massacres commis à grande échelle par les troupes républicaines en Vendée, est une illustration de la cruauté du régime révolutionnaire, de son instrumentalisation de la Terreur,