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Montréjeau : une commémoration pour les victimes de la révolution.

Curieux, royalistes, catholiques ou élus de la République se sont rassemblés à Montréjeau (Haute-Garonne), samedi 17 août 2019, pour se souvenir du massacre perpétré par les Républicains, en 1799.

Source : https://www.infos-toulouse.fr/

Après une première édition en 2019, le Comité du Souvenir des victimes de la Révolution en Midi toulousain se retrouvera à nouveau à Montréjeau (Haute-Garonne), le 22 août 2020 pour commémorer le massacre des insurgés catholiques et royalistes, perpétrés par les troupes révolutionnaires le 20 août 1799. 

Si la révolte des Vendéens et des Chouans est davantage connu parmi les amateurs d’histoire, l’insurrection du Midi, survenue à la fin des années 1790 a aussi eu son lot de martyrs. A Montréjeau, des milliers d’insurgés royalistes ont été massacrés, lors de l’été 1799. 

Une centaine de personnes attendue

Samedi 20 août, le Comité du Souvenir des victimes de la Révolution en Midi toulousain donne rendez-vous à 10 heures, sur le boulevard de Lassus pour une messe, selon le rite tridentin, suivie d’une allocution et d’un pique-nique convivial. Lors de l’édition inaugurale, en 2019, une centaine de personnes s’était rassemblée, avec notamment la présence de deux élus du conseil régional d’Occitanie. 

Le Comité est placé sous le Haut patronage de Mgr le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou et compte comme patrons Jean de Viguerie (+), Jean Raspail (+), Reynald Secher, Philippe Pichot-Bravard, le professeur Cyrille Dounot, le colonel Jacques Hogard, et bénéficie du soutien de l’association du Souvenir Vendéen, qui a souhaité accompagner une démarche analogue à celle menée en Vendée militaire depuis des décennies.

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Une initiative menée par Pierre-Emmanuel Dupont, juriste, chargé d’enseignement universitaire et secrétaire du Comité. En 2019, il répondait aux questions d’Infos-Toulouse.

Infos-Toulouse : Pourquoi avoir souhaité organiser une cérémonie pour cet événement en particulier ?


Pierre-Emmanuel Dupont : Nous considérons qu’il est de notre devoir de préserver de l’oubli, ou de faire ressortir de l’oubli, la mémoire de ceux, jusqu’aux plus humbles, qui ont péri en haine de la foi. Il n’y a pas eu dans le Midi toulousain jusqu’à présent d’initiatives coordonnées visant à préserver et à défendre la mémoire des victimes de la Révolution française. Dans d’autres provinces de France, la mémoire des victimes est préservée, des monuments sont érigés ou rénovés, des publications sont réalisées, et surtout des messes sont dites à leur intention. C’est le cas en particulier en Vendée, cette province qui a eu tant à souffrir de la Révolution, et a subi ce qu’il est permis d’appeler un génocide, au sens propre, au sens véritable, au sens que revêt ce terme dans la terminologie juridique moderne. Notre vœu est que les victimes de la Révolution soient enfin honorées dans le Midi toulousain, comme elles l’ont été et le sont en Vendée.

On oublie régulièrement que le Midi de la France a connu sa « chouannerie » dans la fin des années 1790. Que s’est-il passé ?

Dans la vallée de la Garonne, et de Toulouse à Bordeaux, les mesures prises par le pouvoir révolutionnaire à partir de 1789, et en particulier la persécution religieuse qui commence en 1791,[1] suscitent dès les débuts de la Révolution un rejet très net de la grande majorité de la population. Comme on l’a noté, « les royalistes dominent dans les villages et la plupart des petites villes du Sud-Ouest ».[2] Toulouse, aux mains des Révolutionnaires, fait exception,[3] ainsi que quelques villes moyennes comme Tarbes. C’est depuis ces villes qui font figure de places-fortes jacobines, où il a concentré ses troupes, que le pouvoir révolutionnaire mène des opérations ponctuelles de répression, de « ratissage » dans les campagnes et les villages.

Partout, les populations rurales du Midi toulousain résistent systématiquement aux mesures de déchristianisation, protègent les prêtres réfractaires. Des offices sont célébrés dans la clandestinité, ou même publiquement malgré l’opposition des représentants locaux des autorités révolutionnaires.[4] En de nombreux endroits, les paysans incendient les symboles révolutionnaires, détruisent les arbres de la Liberté.[5]

Au cours de l’été 1799, alors que la rigueur des réquisitions s’aggrave, que la perspective d’un regain de la politique de Terreur se précise avec la loi des otages, et compte tenu du rejet massif par les populations de la conscription pour les guerres incessantes menées par Napoléon et le Directoire,[6] ce sont des milliers d’hommes qui rejoignent l’armée royaliste insurrectionnelle. Malheureusement, la préparation de l’opération, menée en secret, a été insuffisante, et a fini par être éventée. Aussitôt alertées, « les autorités se saisissent de tout ce qui est suspect, provoquent sur le champ l’arrestation des otages, arment les patriotes et, par une proclamation, annoncent les dangers en déclarant que tous ceux qui ne se seraient point rendus à la générale sur la place d’armes seraient censés parmi les rebelles ».[7] Les insurgés parviennent cependant à prendre le contrôle d’un nombre important de localités.
 
« Cette insurrection avait été si bien ourdie qu’elle éclata, comme nous venons de le voir, le même jour et presque à la même heure dans les départements de la Haute-Garonne, du Gers, de l’Ariège, de l’Aude, du Tarn et de Lot-et-Garonne. Deux jours après, elle était maîtresse absolue de presque toutes les communes des cantons de Lanta, Caraman, Revel, Villefranche, Saint-Félix, Montgiscard, Montesquieu-sur-le-Canal, Baziège, Nailloux, Cintegabelle, Auterive, Mazères, Saverdun, Muret, Beaumont-sur-Lèze, Saint-Lys, Léguevin, Lévignac, Cadours, l’Isle-en-Jourdain, Lombez et Samatan ».[8]
 

[1] Pour une analyse d’ensemble de la politique antichrétienne de la Révolution, V. J. de Viguerie, « La persécution antireligieuse », in R. Escande (éd.), Le livre noir de la Révolution française, Paris, éd. du Cerf, 2008, pp. 213-225.
[2] Cf. Jolivet, récension de l’ouvrage de l’abbé Joseph Lacouture, Le mouvement royaliste dans le Sud-Ouest {1797-1800) (Hossegor, Chabas, 1932), in Revue d’histoire de l’Église de France, t. 23, n°98, 1937, p. 79.
[3] V. J. Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, éd. Privat, 1986, p. 225.
[4] Jean-Claude Meyer, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Presses de l’Université Toulouse-Le Mirail, 1982, spéc. p. 429.
[5] Jean-Claude Meyer, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Presses de l’Université Toulouse-Le Mirail, 1982.
[6] Rappelons que le décret de la Convention du 23 août 1793 ordonnait la levée en masse de tous les Français de 18 à 25 ans. Son article 1er dispose : « Dès ce moment, jusqu’à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes gens iront au combat; les hommes mariés forgeront des armes et transporteront des subsistances ; les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux ; les enfants mettront les vieux linges en charpie, les vieillards se feront porter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, la haine des rois et l’unité de la République ».
[7] Joseph Lacouture, Le mouvement royaliste dans le Sud-Ouest {1797-1800), Hossegor, Chabas, 1932, p. 207.
[8] B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887, p. 149.

L’un des événements les plus marquants est ce massacre à Montréjeau, le 20 août 1799. Pouvez-vous nous raconter ces événements ?

« Instruit par une ordonnance, dit le général Vicose dans son rapport sur la bataille de Montréjeau, que le général Barbot était à Lannemezan avec une force imposante et qu’il se proposait d’agir de concert avec moi pour la réduction des rebelles, je m’engageai dans ma réponse à faire une fausse attaque sur l’avenue de Montréjeau, pour faire diversion à l’attaque principale. L’affaire a eu lieu ce matin, 3 fructidor, comme nous nous l’étions proposé, et le succès a couronné l’entreprise. Le général Barbot, à la tête d’une colonne de quinze cents hommes, a attaqué l’ennemi, fort de quatre mille hommes, à huit heures du matin. Après avoir rangé mon armée en bataille, j’ai fait avancer les chasseurs à cheval pour opérer le mouvement convenu. Bientôt mes cavaliers arrivent en présence de l’ennemi et leur aspect hâte la défaite. Le carnage a été affreux. Deux mille hommes tués ou noyés et mille prisonniers sont le résultat de cette sanglante journée. Le fameux comte de Paulo n’est plus.. Il a été tué par les républicains, auxquels il offrait cent louis pour conserver sa vie. Cette bande royale, forte ce matin de quatre mille hommes, se trouve donc réduite à mille environ. Ces faibles débris se sont portés sur Saint-Bertrand, mais une colonne républicaine y était entrée sans coup férir ce matin, ce qui nous fait espérer que les brigands échappés à nos coups n’ont plus aucun espoir de salut ».[1] Ce témoignage concorde avec celui d’un autre acteur des événements, le général Chaussey, qui écrit dans son rapport adressé à l’administration centrale de l’Ariège :

« L’ennemi, ayant pris la débandade, fut vigoureusement chargé par la cavalerie. La route et la plaine furent jonchées de cadavres. La cavalerie ennemie fut poursuivie à deux lieues de là. De ces brigands, victimes de leur témérité et de leur scélératesse, il fut tué ou noyé au moins dix-huit cents et sept cents faits prisonniers ».[2]

La répression se poursuit avec férocité dans les jours et les semaines qui suivent. Bernadotte, qui a été nommé ministre de la Guerre en juillet, avait écrit aux autorités centrales de la Haute-Garonne, quelques jours avant l’écrasement de l’insurrection :

« La loi a prononcé que des rebelles pris les armes, à la main soient jugés de suite : les périls de votre situation ont justifié cette mesure terrible. Sans doute la victoire même est une calamité dans les discordes civiles ; mais il faut que la république et ses lois triomphent , et les larmes qu’elle peut coûter sont le crime des incorrigibles royalistes. N’ont-ils pas sans cesse réduit les républicains à la nécessité de repousser la force par la force ? Mais la puissance de la nation est assez grande pour être calme au milieu même du combat. Ainsi vous saurez faire la distinction du crime et de l’égarement. Traitez la faiblesse soumise , avec les égards qui peuvent la convaincre et la ramener. Placez les conspirateurs sous le joug inflexible de la loi ».[3]

[1] Rapport du général G. Vicose, A l’administration centrale de la Haute-Garonne, Arch. de la Hte-Gne, Insurr. de l’an VII, liasse 5, cité dans B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887, pp. 337-338.
[2] V. H. Duclos, Histoire des Ariégeois, tome II, p. 347, cité par Lavigne, op. cit., p. 342.
[3] Cité dans le Journal de Toulouse, L’Observateur Républicain, ou l’Anti-Royaliste, 7 fructidor an VII (24 août 1799), n°121.

Qui sont ceux ayant été massacrés ? 

Il s’agissait très majoritairement de paysans, de cultivateurs de la région, donc sans expérience militaire, très faiblement armés et entraînés. Ces hommes étaient emmenés par un jeune aristocrate de la région, le Comte Jules de Paulo et le général Antoine Rougé, passé de l’armée républicaine au camp royaliste. Ces deux hommes survivront à la répression de l’insurrection.
 
On ne connait que peu d’éléments sur cette période, quels sont les travaux phares sur ces événements dans le Midi ?

Les insurgés catholiques et royalistes du Toulousain d’août 1799 n’ont eu pour écrire leur histoire que leurs adversaires. Il ne s’est trouvé que des historiens partisans de la Révolution pour s’intéresser aux événements de 1799 dans le Midi, tels le professeur Jacques Godechot, auteur d’une étude intitulée La contre-Révolution dans le Midi toulousain [1]. Le drame de l’insurrection, et singulièrement le massacre de Montréjeau, n’a été conté en quelque détail que par les journaux révolutionnaires parus au lendemain de l’événement, en particulier le Journal de Toulouse, sous-titré L’Observateur Républicain, ou l’Anti-Royaliste. Les récits les plus détaillés, publiés au XIXe siècle, sont certainement ceux de B. Lavigne [2], ancien sous-préfet de Saint-Gaudens, et du baron de Lassus, de Montréjeau.[3] Tous ces récits sont empreints d’une hostilité systématique, véritablement caricaturale, vis-à-vis des insurgés.
 

[1] J. Godechot, « La contre-Révolution dans le Midi toulousain », in F. Lebrun et R. Dupuy (éd.), Les résistances à la révolution Paris, éd. Imago, 1987, pp. 119-125. Cet ouvrage constitue les Actes d’un colloque international « Les résistances à la Révolution » tenu à Rennes du 17 au 21 septembre 1985.
[2] B. Lavigne, Histoire de l’Insurrection royaliste de l’an VII, Paris, E. Dentu, 1887.
[3] Baron de Lassus, « Statuts et coutumes de Montréjeau (Montréal-de-Rivière) : I. Notice historique (1ère partie) », in Revue de Comminges, t. XI, 2e trimestre 1896, pp. 89-282.

Y a t-il une volonté de la part de la République d’effacer la mémoire de ses premiers « Gaulois réfractaires » ? 

Il est clair que la mémoire du soulèvement de 1799 a été très largement occultée par la suite, car le caractère nettement « populaire » et paysan de l’insurrection a de quoi déranger la vulgate républicaine. Le soulèvement est massif et traduit un mécontentement général des populations (en particulier rurales) à l’encontre de la Révolution. Cette réalité gêne : on s’efforce donc de la minimiser, et d’insister au contraire sur des facteurs tels que l’aide étrangère et l’influence de la noblesse. Ainsi, un article récent de La Dépêche évoque comme moteurs de l’insurrection de 1799 « l’union des nostalgiques et des émigrés »… c’est un peu court en termes d’explication.

Quelles leçons devons-nous tirer de cette époque ?


L’insurrection royaliste d’août 1799 dans la région de Toulouse est symptomatique à un double titre : d’abord elle témoigne de l’opposition résolue et très large des populations des villes et des campagnes du Languedoc à la Révolution, et de leur attachement à la royauté, et peut-être surtout à leur religion catholique que le nouveau pouvoir tente d’éradiquer par sa politique de persécution. Comme dans tant d’autres provinces de France, la Révolution impose son ordre nouveau, par l’intimidation, la violence et la Terreur, à un peuple qui très majoritairement n’en veut pas. Ensuite, la répression de l’insurrection catholique et royale du Toulousain, à l’instar des massacres commis à grande échelle par les troupes républicaines en Vendée, est une illustration de la cruauté du régime révolutionnaire, de son instrumentalisation de la Terreur, de son recours méthodique au massacre de masse perpétré au nom de l’idéologie révolutionnaire, pour imposer les idéaux des Lumières, dût-on pour cela exterminer les populations réfractaires.

Commentaires

  • En effet.

    Peut-être faut-il aussi (se)poser la question suivante (et je me la pose souvent) :
    Pourquoi (avant qu'il ne soit trop tard ...) la Monarchie Française n'a-t-elle pas su/ pu/ voulu/ évoluer vers une forme constitutionnelle (au lieu de rester sur celle de l'absolutisme) ... ?
    Dommage ....

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