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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • ”Anges et démons”: Où sont, qui sont les vrais illuminés ?... (2/2).

                  Et, puisque l’on a parlé de Galilée, faisons d'une pierre deux coups : profitons-en pour communiquer à ceux qui ne l'auraient pas lu l’excellente note qu’a proposée Patrice de Plunkett le 30 avril sur son blog (toujours aussi intéressant)

                  http://plunkett.hautetfort.com/            

                  Il s'agit d'une bonne et solide mise au point qui, à n'en pas douter, est à mettre entre toutes les mains, et à diffuser au maximum. Nous pensons donc qu'il ne nous en voudra pas si, une fois de plus, nous pillons son blog : c’est pour la bonne cause !... 

                 L’affaire Galilée (1633) fut sans aucun doute une lourde gaffe romaine.  Le savant fut « sacrifié » par l’érudit Urbain VIII, son ami et protecteur, pour des raisons politiques : le pape croyait ainsi donner le change à l’Espagne et à l’Empire, qui le menaçaient sous un prétexte religieux dans une Europe à feu et à sang. Calcul à court terme, avec de redoutables conséquences intellectuelles et morales à long terme ! Cette énorme bourde a gravement nui à l’Eglise, et lui nuit encore – bien que la mise à l’Index ait été levée en 1664, que Galilée lui-même ait été réhabilité en 1784 par Clément XII, que les papes modernes lui aient rendu hommage, et que le concile Vatican II ait fait écho à sa pensée sur les rapports entre science et religion.            

                -Néanmoins, si l’on étudie de près l’affaire, on constate qu’elle ne correspond pas à la légende noire fabriquée au XIXe siècle par les polémistes anticléricaux. Le procès de 1633 ne fut pas l’aboutissement logique de l’attitude d’une Eglise catholique « hostile à la science ».           

                Le procès fait à Galilée contredit l’attitude que l’Eglise avait manifestée jusque là. Rappelons que :           

                - le chanoine-astronome Copernic, mort en 1543, ne fut jamais inquiété ni même contredit par l’Eglise. Au contraire : le pape Paul III avait lu avec intérêt le De revolutionibus orbium coelestium, que le savant lui avait envoyé avec une dédicace affirmant nettement que la terre tournait autour du Soleil. (Les seuls à attaquer Copernic furent Luther, Calvin et Melanchton).            

                - Certains théologiens renâclaient devant la révolution copernicienne, mais ni plus ni moins que l’ensemble du microcosme intellectuel de l’époque : en effet cette révolution posait un sérieux problème à la pensée humaine, structurée autour du  système de Ptolémée (géocentriste) depuis quinze siècles. Renoncer à une fausse évidence  - la Terre centre du monde - allait être un processus lent et difficile. Certains intellectuels, rendus agressifs par ce qu’ils considéraient comme une menace pour leur pouvoir, allaient entreprendre de persuader les tribunaux d’Eglise que le système de Copernic contredisait la Bible.            

                - Pourtant, durant les soixante années qui suivirent la mort de Copernic, le Saint-Siège n’accepta d’ouvrir aucun procès théologique contre son œuvre. Mieux : en 1582, le pape Grégoire XIII utilisa des éléments coperniciens dans sa grande réforme du calendrier.            

                -  Le souci de Rome était d’empêcher les universitaires traditionnels, crispés sur Aristote et le géocentrisme, de déclencher une bataille supplémentaire dans le milieu intellectuel alors que l’Europe était ravagée par la guerre entre princes protestants et catholiques.            

               - En 1589, à Rome, le cardinal jésuite Bellarmin (un des meilleurs intellectuels de l’époque) proposa, pour protéger la pensée copernicienne, de ne la considérer que comme une hypothèse : on dirait aujourd’hui un « modèle ».           

               - Survient en 1590 Galilée, mathématicien et physicien, aussi catholique que l’était Copernic. C’est le protégé des scientifiques jésuites : Christophe Clavius, Paolo Valla. C'est aussi un polémiste enragé. Dès 1604 il se pose en ennemi d’Aristote, donc de l’establishment universitaire. En 1609, il se fait astronome grâce à la construction du premier télescope. Ses observations, qui réfutent l’astronomie antique et vont dans le sens du système copernicien, sont appuyées par les astronomes jésuites, tels Muzio Vitelleschi, et par les cardinaux romains qui président à la jeune académie scientifique et humaniste des Lincei. (Académie que Dan Brown, dans Anges & démons, a le front de présenter comme une société secrète anticatholique).            

               - Bientôt triomphant et adulé, Galilée suscite les jalousies universitaires. Il leur riposte par des pamphlets : brillants, drôles, d'une rare cruauté. Les jaloux blessés l’attaquent alors sur le terrain religieux. Deux dénonciations échouent en 1615 : l’Inquisition romaine les déboute, jugeant que Galilée n’a rien d’hérétique.            

              - En 1616, les ennemis de Galilée trouvent un biais : ils parviennent à faire  juger  « contraires à la Bible »  deux des idées coperniciennes. Le De revolutionibus de Copernic, quoiqu’apprécié par des papes et des cardinaux, est mis à l’Index « jusqu’à ce qu’il soit corrigé ».  Le véritable objectif des jaloux est de faire taire Galilée, notoirement partisan du système de Copernic…             

               - Mais le cardinal Bellarmin protège Galilée : il lui demande de considérer le système copernicien comme une simple hypothèse tant que ce système n’aura pas été prouvé. (C'est ni plus ni moins la méthode moderne en recherche scientifique !). Galilée s’y engage : la méthode Bellarmin lui permettra, s’il la suit, de continuer ses recherches à l’abri de la polémique. Le souci de Rome est toujours d’étouffer cette polémique, pour ne pas ajouter une crise intellectuelle aux convulsions politico-militaires qui ravagent l’Europe.            

               - Hélas Galilée a deux défauts : il ne peut se retenir de polémiquer, et il est impatient. Sur le plan scientifique, il affirme avec des preuves insuffisantes. Il lui arrive même (comme  à tous les chercheurs) de se tromper sur certains points : par exemple sur les comètes et les marées. Et il défend ces erreurs avec tant de férocité qu’il se fâche avec ses plus vieux amis : les scientifiques jésuites du Collège romain, tel l’astronome Orazio Grassi... alors que dans la querelle des comètes, c’est Grassi qui a raison contre Galilée.             

                Ces défauts de Galilée ouvrent un boulevard à ses ennemis.             

                - En 1623, un autre vieil ami de Galilée, le cardinal Barberini, ami des Lincei, devient le pape Urbain VIII. En 1624, Galilée lui fait part de son intention d’écrire un ouvrage comparant "les divers systèmes du monde" (Ptolémée, Copernic et Kepler). Le pape acquiesce, à condition que Galilée les traite tous comme des hypothèses. Galilée s’y engage.           

                -  En 1628, il soumet son texte au dominicain Riccardi (Inquisition romaine) qui est lui aussi un ami. Riccardi ne lui demande que des modifications de détail, et la promesse de faire imprimer le livre à Rome. Urbain VIII demande l’ajout d’une conclusion pieuse, simple habillage qui ne change rien au contenu scientifique. Galilée accepte.           

                - En 1631, Galilée montre la nouvelle version à Riccardi et obtient l’imprimatur. Urbain VIII le bénit.            

                -  Mais ensuite, Galilée fait le contraire de ce qu’il avait promis. Il imprime le livre à Florence, non à Rome. Ce qui lui permet d’y faire des ajouts contraires aux accords : 1. un nouveau titre, réduisant le sujet au duel Copernic-Ptolémée (ce qui rallume la polémique, contrairement à ce que Galilée avait juré au pape) ; 2. une façon injurieuse de présenter la conclusion demandée - dans  l'intérêt du livre - par Urbain VIII. Du coup, le livre (qui a eu l'imprimatur !) prend l'air d'une provocation. Il paraît en 1632.           

                -  Urbain VIII se fâche. Il juge que Galilée a trahi sa confiance. On en profite pour faire croire au pape que Galilée avait signé en 1616 l’engagement de ne plus parler du tout de Copernic… Urbain VIII crie alors à la double trahison. On en profite aussi pour relancer l’idée que Galilée est un crypto-hérétique, passible des tribunaux. La machine judiciaire va pouvoir se mettre en marche.           

                -  Mais la colère du pape est à moitié feinte. S’il décide de frapper Galilée, c’est surtout pour « l’effet d’annonce », comme on dirait aujourd’hui. Et c’est politique…           

                En effet, les deux superpuissances catholiques de l’époque, l’Espagne et l’Empire, sont en guerre contre les puissances protestantes : princes allemands et roi de Suède, soutenus en coulisses par la France de Richelieu. Urbain VIII, francophile, passe pour complice de Richelieu. L’Espagne et l’Empire menacent donc Rome. Puissances jouant sur le catholicisme, leur arme idéologique est la « défense de la foi ». Pour obliger le pape (politiquement) à rompre avec la France, elles l’accusent (religieusement) de mollesse envers l’hérésie protestante : prétexte qui pourrait mener à un nouveau sac de Rome par l’armée impériale, comme en 1527. Déjà les cardinaux pro-espagnols (Borgia, Ludovisi) demandent la déposition d’Urbain VIII. Il y a même des rumeurs de complot d’empoisonnement. Pour se défendre de cette menace, le pape veut réfuter l’accusation de mollesse en faisant un coup d’éclat : obliger une célébrité à se démarquer de toute hérésie, sous les yeux de l’Europe. Galilée tombe à pic, avec sa provocation gratuite envers ses vieux amis...            

                - Urbain VIII lance la procédure en 1633. Il cadre  l’opération de très près, pour lui faire produire l’effet politique attendu mais sans être trop dur envers le septuagénaire Galilée. L’instruction, confiée à un neveu du pape, limite le chef d’accusation : ainsi l’Inquisition ne pourra aller trop loin. Puis le procès est expédié en deux audiences. Il est purement formel. Aucun débat d’idées. Après une conversation off  avec le commissaire général Maculano, Galilée accepte de faire ce qu’Urbain VIII attend de lui. Le 22 juin, on lui inflige une assignation à résidence perpétuelle et il signe une abjuration. Cette repentance est censée réprouver tout ce qui, dans l’acharnement de Galilée en faveur du système de Copernic, pourrait, de près ou de loin, avoir des résonances hérétiques…            

                - Après quoi Urbain VIII envoie copie du document, non aux évêques de la chrétienté, mais… aux souverains et principaux ministres de toute l’Europe. Ce qui montre dans quel esprit a été menée l’affaire.            

                 -  Galilée vivra encore neuf ans, dans le confort de la villa Médicis, puis du palais archiépiscopal de Sienne, puis de sa propre villa florentine : recevant ses élèves, et écrivant ce qui sera en réalité son livre scientifique principal (un ouvrage de physique : Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles touchant la mécanique et les mouvements locaux).             

                Il faut rappeler tout cela, parce que ce n'est pas enseigné - et parce que notre époque imagine tout autre chose.  Ainsi à propos du film Galilée ou l’amour de Dieu,  diffusé le 7 janvier 2006 par FR3. Réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, ce film voulait « corriger les images d’Epinal que l’on peut avoir sur Galilée ». Le téléspectateur, s’il était vraiment attentif au dialogue, apprenait que Galilée ne fut pas le héros de "la Science contre la Foi",  qu’il était profondément catholique, que la haute Eglise l’avait longtemps soutenu, et que la politique fut la cause secrète du procès de 1633.           

                 Mais les journaux de télévision avaient préparé le public à comprendre l'inverse : selon Le Nouvel Obs télé-ciné-radio (7-13 janvier), par exemple, ce film  était « une formidable leçon d’histoire sur le pouvoir absolu que l’Eglise a fait peser pendant des siècles sur l’Etat et la science ».  Pourtant les faits historiques réels de l’affaire Galilée nous montrent le contraire : une Eglise très nuancée sur les questions scientifiques, et finissant par commettre la bourde de 1633… sous la pression politique des Etats !           

                Par ailleurs, le film (superbe) présentait le même défaut que  La Controverse de Valladolid : il remplaçait souvent les faits par du roman. Les vraies raisons de la brouille entre Galilée et les jésuites n'étaient pas indiquées. Les débats scientifiques et intellectuels que montrait le film n’eurent jamais eu lieu au procès, qui ne fut qu’un faux-semblant expéditif : une opération politique…  Et malgré le talent des auteurs, malgré la volonté de « corriger les images d’Epinal », le film donnait tout de même l’impression que la religion catholique était en soi l’ennemie de la science. Ce qui est historiquement faux, même si 1633 reste une tache politique sur le passé de l’Eglise

  • Périco Légasse : « La crise du lait révèle la violence féodale des multinationales »

     

    Par Alexandre Devecchio

    Un accord a été trouvé entre Lactalis et les producteurs de lait. Mais Périco Légasse démontre dans cet entretien que la situation n'est pas viable. Les éleveurs sont devenus les serfs d'un système agro-alimentaire devenu à la fois féodal et mondialisé [Figarovox 30.08]. De telles féodalités d'argent, mondialisées, concourent en effet à la destruction de nos mœurs et traditions et nous trouvons que Périco Légasse a bien raison. On peut en débattre ... LFAR  

     

    XVM9c1e5dd8-6ee0-11e6-9f91-caf284335945.jpgUn accord a été trouvé mardi sur le prix du lait entre les organisations de producteurs et le géant Lactalis. Il fixe le prix de la tonne de lait à « 290 euros en moyenne », a précisé Sébastien Amand, vice-président de l'Organisation de producteurs Normandie Centre. Cet accord résout-il la crise du lait ou est-il un pis-aller ?

    Ramenons les chiffres à des entités compréhensibles pour le grand public. 290€ la tonne, soit 1000 litres, cela correspond à 29 centimes d'euro du litre de lait. La négociation est partie de 25 centimes du litre, pour monter à 26 puis à 28 centimes. A ce prix là, ça bloquait encore. Un centime de plus ne compensera en rien le manque à gagner des éleveurs, dont le seuil à partir duquel ils commencent à «vivre» est de 39 centimes du litre. A 29, c'est un accord syndical lié à des enjeux politiques. A moins de 32 centimes le litre de lait, les éleveurs les plus en difficulté ne peuvent pas s'en sortir. Il faut dire aussi que la FNSEA a longtemps soutenu le système intensif en expliquant aux éleveurs que produire beaucoup à moindre prix leur ouvrirait le marché mondial. On déplore aujourd'hui plusieurs pendaisons par mois de producteurs ruinés ou désespérés. Il est clair que quelqu'un leur a menti. Espérons que cet accord soit le début d'une vraie harmonisation de la production laitière permettant à chacun de trouver son compte. Disons que c'est un premier pas.

    Comme vous l'expliquez dans votre dernier article publié dans Marianne, Lactalis payait le litre de lait 25 centimes d'euro aux éleveurs, soit 14 centimes au-dessous de son prix de revient. Comment en est-on arrivé là? Qui fixe les prix ?

    Toute la tragédie est dans le mécanisme économique d'un système où c'est le client qui fixe le prix à son fournisseur et ne le paye qu'après avoir vendu la marchandise. Il paraît que nous sommes en économie libérale… Une situation même pas imaginable aux pires périodes de l'Union Soviétique. Qui fixe les prix ? En réalité la grande distribution, qui exige des tarifs chaque jour plus bas pour conquérir des parts de marché sur ses concurrents. Que ce mécanisme engendre un chaos retentissant lui importe peu. Les industriels sont obligés de s'aligner pour conserver leur référencement et imposent eux mêmes une tarification intenable à leurs fournisseurs, en l'occurrence les producteurs laitiers. A chaque échelon la même formule : tu cèdes ou tu dégages. Pour ne pas perdre le marché, transformateurs et producteurs finissent par plier. Au détriment de quoi ? De la qualité, de l'environnement, de la santé du consommateur et du bien être de l'agriculteur. Jusqu'au jour où ils ne peuvent plus tenir et là, ça craque. Et puis il y a le sacro-saint prétexte de la mondialisation, et des parts de marché à conquérir dans des échanges globalisés, avec la bénédiction de Bruxelles, qui a réussi à transformer le principe de « préférence communautaire », base du Marché commun de 1956, en hérésie subversive et anti-libérale. Ici décide la part de marché globalisée ! On voit le résultat, et pas qu'en agriculture. Ainsi la messe est-elle dite. Donc, gentil producteur, ou tu t'alignes sur les tarifs que je t'impose et tu crèves ; ou je vais chercher mon lait en Nouvelle- Zélande et tu crèves quand même. Ceux qui ont vu leurs confrères pendus au bout d'une corde en laissant une famille et une exploitation dans le désastre ont de bonnes raisons de manifester leur indignation et de s'insurger.

    Le consommateur n'a t-il pas aussi un rôle à jouer dans son comportement alimentaire ?

    En effet, et c'est le troisième paramètre. On explique depuis 40 ans au consommateur qu'il doit consacrer le moins de temps et le moins d'argent possible à son alimentation en lui proposant, à grands renforts de campagnes publicitaires, du bas de gamme à moindre prix. La bouteille de lait frais qu'il faut aller chercher une fois par semaine a été évacuée du réfrigérateur au profit de la brique en carton de lait stérilisé UHT à longue conservation que l'on peut acheter par pacs de 12 et stocker sous l'escalier. C'est tellement fatiguant d'aller chercher son lait, et son pain. Donc, on prend tout en grande surface pour le mois. Quelle honte ! Et pour faire quoi de mieux ? Le pain et le lait sont sacrés, on peut quand même faire cet effort minimum. Il ne s'agit pas de prendre son bidon en aluminium et d'aller acheter son lait cru à la ferme, cette époque est révolue (même s'il subsiste ici et là quelques héros), il s'agit de préférer du lait frais vendu sous une marque industrielle que l'on trouve dans la grande distribution. Bien que frais, et non UHT (Ultra Haute température, terrifiant procédé thermique qui aseptise tout pour donner un liquide gris clair et insipide), ce lait n'en est pas moins pasteurisé et peut se conserver sans aucun risque une semaine au frigo. Il coûte entre 0,76€ et 1,20€ du litre selon son origine, c'est quand même pas la ruine ! Même si l'on interpelle à juste titre Emmanuel Besnier, Michel-Edouard Leclerc et Xavier Beulin (président de la Fnsea qui a été obligé de prendre le train de la révolte en marche sous la pression de sa base mais qui incarne le dogme agissant d'une agriculture industrielle) sur l'état dans lequel se trouve nos paysans, il convient aussi d'interpeller le citoyen consommateur sur les responsabilités qui sont les siennes au moment d'accomplir son acte d'achat. En France, il a le choix et l'information, donc, s'il le peut et le décide, les moyens d'agir dans le bon sens.

    Lactalis est le numéro 1 mondial du marché du lait. Ce type de multinationale est-il désormais incontournable dans le secteur agro-alimentaire ?

    Les anciens se souviennent d'André Besnier, qui parcourait les routes de la Mayenne en carriole pour ramasser les fromages. C'était dans les années 1930. Lui succédant en 1955, son fils Michel a donné sa nouvelle dimension à l'empire Besnier, en rachetant une à une des laiteries dans le grand Ouest. Michel Besnier était un tempérament, personnage sans concession, que l'on avait connu au début avec sa camionnette H Citroën et qui finira comme premier industriel du lait en Europe. Défenseur acharné des fromages au lait cru et des appellations d'origine, il en a sauvé quelques unes, notamment le roquefort. Jusqu'au jour ou tout a basculé. De producteurs de fromages et laitages, les Besnier sont devenus des financiers de la globalisation, conservant quelques racines pour la vitrine, comme les camemberts Jort et Moulin de Carel, au demeurant excellents, et consacrant le reste de leur énergie à transformer le lait en parts de marché. Président, Bridel, Lactel, les marques se sont misent à fleurir, Salakis, Galbani, elles sont 56 à travers le monde. En 1999, le groupe Besnier devient Lactalis (ça fait plus consortium), grosse multinationale qui ne va cesser de croître. Michel Besnier décède en 2000 et c'est son fils Emmanuel, né en 1970, qui prend les rennes. Avec un chiffre d'affaires de 17 milliards d'euros, assorti d'un résultat net de 10,5%, cela en fait le premier groupe mondial et la 13e fortune de France, avec un patrimoine familial de 8,6 milliards d'euros. Non, cette vision du monde n'est pas inéluctable, et ne constitue en aucun cas l'avenir de notre agriculture, car si, pour maintenir ses profits, on est contraint de payer 25 centimes du litre de lait aux éleveurs français pour préserver des parts de marché qui, au final, ne profitent pas à la France, alors Lactalis ne peut être considéré comme un partenaire mais comme un adversaire de notre économie. Je le dis avec un profond respect pour les 15 000 salariés français de cette société qui sont fiers pour beaucoup d'en faire partie. Mais ils ne sont pas seuls dans l'univers du lait. Et le jour où il n'y aura plus d'éleveurs, ce pays sera mort. En aucun cas la part de marché ne doit passer avant l'homme, surtout si cet homme est le garant d'une valeur, d'un patrimoine, d'un environnement et d'une façon de vivre.

    Existe-t-il un seuil d'acceptabilité ?

    Par principe, le gigantisme conduit aux excès, car la dimension humaine devient dérisoire et obsolète dans des mécanismes planétaires. La seule chose qui compte, c'est le résultat. Financier pour les uns, humain pour les autres. Cette économie d'échelle grandit-elle l'humanité et protège-t-elle la planète ? Il semble bien que non. Beaucoup de multinationales de l'agro-alimentaire commencent à le comprendre. Echapper à la logique satanique de la baisse des prix pour préserver la ressource planétaire et le potentiel humain, là est l'essentiel. Richard Girardot, PDG de Nestlé-France, et Georges Plassat, PDG de Carrefour, l'ont clairement et courageusement signifié lors d'entretiens accordés au Figaro en 2015. Pour moi le modèle d'avenir n'est pas celui de Lactalis, qui fabrique 250 000 camemberts Président par jour dans son usine de Villedieu les Poêles, avec deux salariés aux manettes, en payant 25 centimes du litre de lait, mais La Société Fromagère de la Brie, à Saint-Siméon, en Seine-et-Marne, qui emploie 70 salariés et paye 40 centimes du litre de lait aux éleveurs. Deux logiques divergentes, avec le même objectif, vendre du fromage. Ce qui les distingue ? L‘une est devenue une banque dont la seule finalité est le profit financier, l'autre est restée une fromagerie. L'une nous conduit à la saturation de la ressource, l'autre nous permet d'envisager un avenir durable et rationnel. Mais pour cela il faut absolument que les modes de consommation évoluent et cela relève d'une prise de conscience citoyenne.

    Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, a reconnu qu'il n'avait jamais rencontré Emmanuel Besnier, le PDG de Lactalis et qu'il n'avait même pas son portable. Est-ce le symptôme d'une mondialisation devenue folle qui laisse les politiques totalement impuissants ?

    Je me réjouis que Stéphane Le Foll, pour lequel j'ai la plus grande estime en ce sens qu'il est le meilleur ministre de l'Agriculture de l'histoire, et je pèse mes mots, n'ait pas le portable d'Emmanuel Besnier. D'ailleurs le ministre a un répertoire de numéros de portable beaucoup trop chargé et cela lui pourrit la vie. L'aveu du ministre disant qu'il ne peut rien faire est la réalité de notre système économique. C'est triste, mais c'est comme ça. En France, qu'on le déplore ou l'on s'en félicite, les prix ne sont plus fixés par le gouvernement et toutes les majorités parlementaires, avec le soutient actif de la FNSEA, ont accepté, dès 2003, la fin des quotas laitiers, la mesure la plus intelligente jamais prise dans l'Union Européenne. Produire en fonction de ce dont on a besoin pour réguler le marché et la demande tout en garantissant un revenu minimum aux éleveurs, c'était tout simplement génial. Un peu interventionniste, certes, mais tellement efficace. Mais l'école Barroso et la méthode Junker ont sévi. Rendons à Stéphane Le Foll ces outils-là et vous verrez qu'il nous fera des miracles. D'aucuns avaient annoncé le drame à partir de 2015. D'autres le démentait avec conviction: on allait ouvrir le monde aux producteurs de lait enfin libérés des contraintes étatistes d'une Europe enfermée sur elle même. Et vive le libre-échange globalisé, et vive la mondialisation heureuse! Pour l'heure, les seuls qui se soient enrichis sur ce secteur sont les exportateurs de lait en poudre industriel vers la Chine, les fabricants de yaourts néo-zélandais et les marchands de corde à nœuds …

    Peut-on aller jusqu'à parler d'une reféodalisation du monde ?

    Mais le monde est re-féodalisé. Et comme il faut ! Que sont Goldman Sachs et Lehman Brothers sinon des féodaux de la finance mondiale? Quand ils échouent au poker boursier après avoir fixé leurs conditions aux Etats, qui taille-t-on ? Mais le bon peuple, c'est-à-dire le contribuable. Que sont les cinq centrales de grande distribution en France qui se partagent 90% du marché de la consommation sinon des nouveaux féodaux qui imposent leurs tarifs ? Que se passe-t-il quand le serf, c'est à dire le fournisseur, se rebiffe ? Eh bien il est « déréférencé », c'est-à-dire exclu des rayonnages. Aujourd'hui le procédé est plus vicieux : « Désolé, à cause de vos anciens tarifs le système informatique vous a classé code 4 et les commandes ont été annulées. Nous réparerons cela à la prochaine négociation…». Que sont les firmes de la vente de l'eau, de l'électricité et du téléphone sinon les nouveaux féodaux du grand système de tuyauterie générale ? Allez dire au répondeur automatique que vous ne voulez taper ni 1, ni 2, ni 3 mais que vous refusez la énième augmentation directement prélevée sur votre compte bancaire. Eh bien on vous coupe le robinet sans préavis. Ne reste que l'application du droit de cuissage…

    Face à un tel rouleau compresseur, quelles solutions: boycott, circuits courts, protectionnisme ?

    Le boycott est une arme très efficace dans les cas extrêmes. Sans doute ce risque a-t-il pesé pour beaucoup dans la négociation de Laval. S'il y a la jacquerie du croquant, il peut aussi y avoir la révolte du consommateur. Pour ce qui est de la tragédie agricole que notre pays traverse avec sa dose de misères et de souffrances, il serait heureux que les décisions soient prises au niveau de chaque Etat par des gouvernants libérés de contraintes communautaires inadaptées. Il y en avait une de bonne et on l'a tuée. Les gouvernements doivent être garants de l'autosuffisance alimentaire du pays avec priorité à la production nationale, puis communautaire. L'initiative « Produire en France » lancée par Yves Jégo et Arnaud Montebourg est en ce sens exemplaire. Il faut évidemment une protection taxée contre les concurrences déloyales de produits importés qui ruinent notre économie et détruisent nos emplois. On nous dit, gare aux représailles ! Faisons le bilan chaque fois que le cas se présente et il y aura des surprises. Il faut une information parfaite sur les produits alimentaires, avec origine et mode de fabrication. Stéphane Le Foll, encore lui, a réussi une prouesse en imposant la traçabilité sur les plats et produits transformés après le scandale des lasagnes au cheval. Malgré l'hostilité de Bruxelles, le ministre a tenu tête et la mesure sera effective à partir du 1er janvier 2017. Comme quoi, quand un homme politique déterminé se dote des moyens adéquats il parvient à ses fins… Et puis, surtout, il faut éduquer le consommateur, cela a été dit cent fois, depuis l'école, et là nous allons interpeler tous les candidats à la présidentielle sur leur programme. Faire en sorte que le client de demain soit avisé et informé afin qu'il se nourrisse en toute connaissance de cause. Enfin, mobiliser les citoyens dans le sens d'une consommation durable et responsable favorisant les produits français. Le plus grand mensonge du jour est que bien se nourrir coûte cher. C'est faux. Archi faux. La malbouffe ruine et tue, tout le reste est hypothèse. En tout cas ce qui peuvent revoir leurs mœurs alimentaires en ce sens sont des millions en France. A eux d'agir, de dire stop. Payer 1,20 € un litre de lait pour sauver un paysan, protéger un patrimoine et préserver un environnement ce n'est pas cher. Manger c'est voter, alors à table citoyens ! 

    Alexandre Devecchio           

  • Mathieu Slama : « Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine »

     

    Dans un premier essai passionnant, La guerre des mondes, Mathieu Slama analyse les ressorts de l'affrontement entre la Russie et l'Occident. Pour le jeune essayiste, ce sont avant tout deux visions du monde qui s'opposent. Et qu'il expose dans cet entretien - un peu long mais où beaucoup de choses essentielles sont dites - donné à Figarovox [25.05]. Nous prévenons les lecteurs de Lafautearousseau : ces réflexions sont importantes. Il faudra être attentifs désormais aux publications de Mathieu Slama !  LFAR

     

    image1.jpgPour quelle raison l'affrontement entre Vladimir Poutine et l'Occident est-il essentiellement idéologique ?

    Ma thèse est que dans le conflit politique qui oppose l'Europe et les Etats-Unis à la Russie de Poutine, il y a un arrière-plan idéologique fondamental qui met en jeu deux grammaires du monde qui s'opposent en tout point. A cet égard, ce qui se joue dans cet affrontement est bien plus décisif qu'un simple conflit d'intérêts.

    Mais il suffit d'écouter Poutine pour comprendre qu'il se situe lui-même sur le terrain idéologique. Ce fut particulièrement frappant à partir de 2013, lorsque les crises ukrainiennes et syriennes ont réellement marqué une rupture entre les Russes et les Occidentaux.

    Dans plusieurs discours, Poutine s'en est pris à la « destruction des valeurs traditionnelles » et à « l'effacement des traditions nationales et des frontières entre les différentes ethnies et cultures », visant implicitement les pays occidentaux. A plusieurs reprises il a exalté « les valeurs spirituelles de l'humanité et de la diversité du monde », « les valeurs de la famille traditionnelle, de la vie humaine authentique, y compris de la vie religieuse des individus », faisant appel au grand philosophe conservateur russe Nicolas Berdiaev. Il y a aussi, dans le discours de Poutine, des attaques directes adressées aux pays occidentaux et notamment aux pays européens. « Les pays euro-atlantiques rejettent leurs racines », a-t-il expliqué dans un discours, « dont les valeurs chrétiennes qui constituent la base de la civilisation occidentale ». Utilisant des termes très violents comme « primitivisme », s'en prenant ouvertement aux légalisations en faveur du mariage homosexuel, Poutine accuse aussi régulièrement les pays occidentaux de vouloir exporter leur modèle libéral au monde entier, au mépris des particularités nationales.

    Poutine est donc porteur d'une vraie vision du monde. Il se fait le défenseur des particularités nationales et des valeurs traditionnelles face à un Occident libéral, amnésique de ses fondements spirituels. Et surtout, et c'est peut-être la plus grande force de son discours, il s'en prend à l'universalisme occidental, à cette prétention qu'a une partie du monde de modeler à son image l'autre partie de l'humanité. C'est une manière pour lui de s'en prendre aux ingérences occidentales, que ce soit en Ukraine ou au Moyen-Orient.

    Poutine dit ici quelque chose d'essentiel. L'Occident est persuadé que son modèle, la démocratie libérale, est le devenir inéluctable de l'humanité toute entière. Mais il y a dans le monde des nations qui tiennent à leurs traditions culturelles et qui n'ont absolument pas envie de s' « occidentaliser » ! Il y a là un enjeu majeur, que l'un des plus grands penseurs du XXème siècle, Claude Lévi-Strauss, avait vu avant tout le monde : comment préserver les particularités culturelles dans un contexte de mondialisation politique, culturelle et économique croissante ? « Les grandes déclarations des droits de l'homme », expliquait Lévi-Strauss, énoncent « un idéal trop souvent oublieux du fait que l'homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans des cultures traditionnelles ». Les démocraties occidentales n'ont de cesse d'exalter « l'Autre », mais ce n'est en réalité que pour annihiler son altérité et l'envisager comme un parfait semblable, c'est-à-dire un individu émancipé de tous ses déterminismes. L'Occident libéral est devenu incapable de penser et comprendre la différence culturelle. On le voit au Moyen-Orient aujourd'hui : nous ne célébrons l'Iran que parce qu'il s'occidentalise ; tout ce qui relève du traditionnel est perçu comme une barbarie amenée à disparaître. Il y a dans cette approche un mélange d'incompréhension et de mépris.

    Soljenitsyne est l'un des fils rouges de votre livre. En quoi est-il représentatif d'une partie de l'âme russe ?

    La figure d'Alexandre Soljenitsyne est intéressante à plusieurs égards. D'abord parce qu'il est étonnamment - et injustement - oublié aujourd'hui, alors qu'il est l'une des rares figures intellectuelles du XXème siècle à ne s'être jamais trompé dans ses combats politiques, ce qui est suffisamment rare pour le souligner.

    Ensuite parce qu'il a fait, en effet, l'objet d'un grand malentendu en Occident. Ses œuvres « Une journée d'Ivan Denissovitch » (1962), « Le Premier cercle » (1968) et surtout « L'Archipel du Goulag » (1973), révélant au monde entier les atrocités commises par les soviétiques dans les camps, ont fait de lui la principale figure de l'opposition intellectuelle et politique au régime soviétique. Accusé de trahison dans son propre pays, il est parti en exil en Suisse puis aux Etats-Unis. Mais voilà, et c'est le cœur du malentendu dont je parle dans mon livre : Soljenitsyne ne s'opposait pas au régime soviétique au nom des droits de l'homme ou au nom du « monde libre ». Il n'avait pas choisi le camp occidental contre le camp soviétique. Il s'opposait à l'URSS parce qu'il s'agissait pour lui d'un régime corrompu, matérialiste, violent, niant la dimension spirituelle propre à chaque homme. Il s'y opposait au nom de sa foi orthodoxe et au nom de la grande histoire nationale russe.

    Et c'est justement ce même attachement aux racines et à la dimension spirituelle de l'existence qui l'amena à s'opposer violemment au modèle libéral occidental à plusieurs occasions, notamment dans un célèbre discours devant les étudiants de Harvard en 1978 où il dénonça la dérive matérialiste de l'Occident, les ravages de son modèle capitaliste et surtout son obsession pour les droits individuels au détriment des valeurs traditionnelles comme l'honneur, la noblesse ou encore le sens du sacrifice. Soljenitsyne croyait à la possibilité d'une troisième voie entre le libéralisme occidental et les totalitarismes soviétiques ou fascistes, une troisième voie fondée sur l'enracinement et l'auto-restriction des hommes comme des nations. Il me semble qu'aujourd'hui, peut-être plus que jamais, ce message mérite d'être entendu.

    Je note dans mon livre la réaction de Jean Daniel qui voyait dans L'Archipel « un panslavisme illuminé, des idées étranges sur le Moyen-âge et sur la Sainte Russie » ou encore de Bernard-Henri Lévy qui accusa au début des années 90 Soljenitsyne de défendre des idées « obscurantistes », « populistes », de peindre « une Russie rustique et primitive ». Ces réactions sont absolument passionnantes car elles révèlent selon moi une opposition fondamentale entre deux mondes qui sont aux antipodes l'un de l'autre. Les pays occidentaux n'ont pas compris Soljenitsyne tout simplement parce qu'ils ne parlent pas le même langage : les premiers tiennent le langage de la liberté individuelle, le second celui de la tradition et de la mystique communautaire. Il me semble que cet affrontement renaît aujourd'hui à la faveur des conflits qui opposent la Russie de Vladimir Poutine et les pays occidentaux. Et je trouve dans le discours de Poutine beaucoup de rémanences du discours de Soljenitsyne. C'est pourquoi j'ai voulu faire de ce dernier le fil rouge de mon livre.

    La « révolution conservatrice » engagée par Poutine est-elle populaire en Russie ? Et ailleurs ?

    S'agissant de la Russie, personne ne conteste aujourd'hui que Poutine est soutenu par une immense majorité de la population. Emmanuel Carrère avait émis l'hypothèse, dans un de ses romans, que le succès de Poutine était dû au sentiment des Russes d'avoir été humiliés à la chute du régime soviétique. Et qu'en somme, on n'avait pas le droit de leur dire que toutes ces décennies passées sous le joug communiste, « c'était de la merde ». L'échec de l'expérience « libérale » avec Boris Eltsine est aussi un atout pour Poutine. Mais c'est oublier un peu vite l'attachement encore prégnant des Russes pour les valeurs traditionnelles, pour l'âme de leur pays. Hélène Carrère d'Encausse expliquait que « l'idée que les choses puissent être relatives heurte profondément les Russes ». Poutine est très certainement en adéquation avec l'état d'esprit d'une grande partie de l'opinion publique russe.

    Mais ce qui m'intéressait surtout dans mon livre, c'était de montrer que Poutine est devenu en quelque sorte le porte-voix de la cause conservatrice dans le monde, et notamment en Europe. Sa popularité auprès de beaucoup de partis conservateurs européens est le signe que Poutine a compris ce qui se jouait en Europe. Son génie est d'avoir permis la rencontre, au bon moment, entre ses idées et celles d'une partie de l'opinion européenne, de plus en plus hostile à la mondialisation et au multiculturalisme, de plus en plus attachée à ses racines et aux « protections naturelles » que sont les frontières nationales. De Viktor Orban en Hongrie à Marine Le Pen en France, en passant par Nigel Farage en Grande-Bretagne, ils sont tous animés d'une sympathie naturelle envers Poutine. Clairement, le « poutinisme » correspond à un certain esprit du temps, à une résistance de plus en forte des peuples vis-à-vis de la mondialisation.

    Vous écrivez que le sens du sacré est une clef de compréhension indispensable pour comprendre la Russie actuelle - qui avait bu le communisme comme le buvard absorbe l'encre, avait rappelé Philippe Séguin dans son discours du 5 mai 1992. Y a-t-il une opposition entre le « messianisme russe » et le « rationalisme libéral européen » ?

    J'essaie de comprendre la cassure idéologique fondamentale entre la Russie de Poutine et l'Occident, et il me semble que la question religieuse est un élément déterminant de cette incompréhension, du moins s'agissant de l'Europe. On le sait, Poutine dans ses discours lie très étroitement le destin de la nation russe avec celui de l'Eglise orthodoxe, et s'en prend à « l'approche vulgaire et primitive de la laïcité ». C'est une des armes essentielles de son combat idéologique, sans compter que cela lui permet d'asseoir son autorité dans son propre pays, où l'Eglise est depuis longtemps le constituant de la morale collective, comme l'a rappelé Hélène Carrère d'Encausse.

    Pour illustrer l'opposition entre la Russie et l'Europe sur ce terrain, j'évoque un exemple qui me semble particulièrement parlant, celui des Pussy Riot et des Femen. Quand en février 2012 les Pussy Riot, groupe de rock ultra-féministe russe, débarquent dans la cathédrale de Moscou en hurlant « Marie mère de Dieu, chasse Poutine ! », elles font l'objet d'une réprobation quasi-unanime, et sont condamnées quelques mois plus tard à deux ans de détention, provoquant d'ailleurs des réactions indignées de la part des dirigeants européens. Un an après cet épisode, en France quand des membres du groupe féministe Femen s'introduisent à Notre-Dame et vandalisent une cloche, l'expression « pope no more » inscrite sur le torse, elles sont toutes relaxées.

    En France, nous faisons du droit au blasphème un droit fondamental, un des piliers de la fameuse liberté d'expression, elle-même pilier des sacro-saintes libertés individuelles. On ne compte plus les défenseurs du blasphème sur le terrain médiatique. Il faut profaner, désacraliser absolument tout. Dieu est devenu une question dépassée, on le relègue à la sphère individuelle. On érige la profanation du sacré en droit fondamental sans même se poser la question de ce que peut bien nous apporter ce droit. En quoi moquer de manière vulgaire Jésus ou Mahomet est-il un progrès, une liberté nécessaire ? A force de libéralisme et d'individualisme, nous autres européens perdons de vue la dimension spirituelle de la vie humaine pour n'en retenir que la dimension proprement matérielle. Le phénomène djihadiste est venu nous rappeler que la question religieuse est encore loin, très loin d'être une question résolue.

    La souveraineté nationale est-elle davantage défendue par la Russie que par les Etats-Unis ou les pays européens ?

    La défense de la souveraineté nationale est en effet un aspect essentiel de la doctrine poutinienne. Voici ce qu'il disait en 2014 : « La notion de souveraineté nationale est devenue une valeur relative pour la plupart des pays » ; « les soi-disant vainqueurs de la Guerre froide avaient décidé de remodeler le monde afin de satisfaire leurs propres besoins et intérêts ». Et d'asséner cette attaque directe : « Si pour certains pays européens la fierté nationale est une notion oubliée et la souveraineté un luxe inabordable, pour la Russie la souveraineté nationale réelle est une condition sine qua non de son existence ». En ligne de mire : l'alignement quasi-systématique de l'Union européenne sur les positions américaines, comme récemment sur le dossier ukrainien. Poutine s'en prend également aux ingérences américaines et européennes au Moyen-Orient, qui ont conduit pour Poutine à une aggravation des conflits et à la propagation du chaos.

    Le discours américain est très différent. Barack Obama n'a de cesse de répéter que l'Amérique a un rôle à jouer dans la défense des libertés : « Nous soutiendrons la démocratie de l'Asie à l'Afrique, des Amériques au Moyen-Orient, parce que nos intérêts et notre conscience nous forcent à agir au nom de ceux qui aspirent à la liberté ». Il s'agit ici d'une conception fondamentalement universaliste des relations internationales, semblable à celle que défendaient les néo-conservateurs sous George W. Bush. La question de la souveraineté n'est jamais abordée par Obama.

    La Russie et les Etats-Unis défendent des conceptions géopolitiques qui servent leurs intérêts, écrivez-vous, souverainisme et multilatéralisme pour la première, universalisme pour les seconds. Quelle est la conception adoptée par les pays d'Europe ?

    Les pays européens sont dans l'alignement quasi-permanent avec les positions américaines. On l'a vu sur les dossiers syriens et ukrainiens. Cela pose quand même un problème car peut-on dire que les intérêts américains et européens sont parfaitement alignés ? Je n'en suis pas certain. Est-ce dans l'intérêt de l'Europe de se brouiller avec son voisin russe ou avec l'Iran ? N'y aurait-il pas un intérêt à jouer une carte intermédiaire, qui ne soit ni celle des Etats-Unis ni celle de la Russie ? Je laisse le soin aux géopolitologues de répondre à cette question.

    Comment la Russie de Poutine considère-t-elle l'exceptionnalisme américain ?

    Une des thèses de mon livre est de dire que les modèles américains et russes sont moins éloignés qu'on veut bien le croire, au moins du point de vue idéologique et culturel. Les deux pays partagent un même sentiment national très affirmé, avec un rôle politique du religieux encore très fort. Des deux côtés, les communautés nationales s'appuient sur des mythes fondateurs très puissants. Et en effet, les deux pays se fondent sur une certaine idée de l'exceptionnalisme, c'est à dire qu'ils ont la conviction qu'ils jouent un rôle qui dépasse le cadre purement national.

    Mais paradoxalement, Poutine a ouvertement attaqué l'exceptionnalisme américain

  • Sur le blog de Michel Onfray : le slip français.

    Un effort de guerre national

    Dans les grands moments de son Histoire, la France eut les taxis de la Marne; au vingtième siècle, ce fut l’arme atomique dont chacun a toujours en tête les terribles images du feu nucléaire de l’Etat français qui se protégeait des Etats-Unis et de l’Union soviétique qui parlaient guerre nucléaire chaque matin que le diable faisait.

    Nous pouvons dire dès à présent qu’au XXI° siècle, face à ce qu’un chef d’Etat (dont le nom sera aussi connu que celui des présidents du conseils de la IV° République aujourd’hui) avait appelé «une guerre», la France eut le slip français!

    En des temps d’avant coronavirus, une boite fabriquait en effet des slips français, c’était ce que la nation faisait de mieux, avec des marinières -on avait alors le Grand Siècle qu’on pouvait… Un soir de rigolade pas bien fine, deux membres de cette entreprise s’étaient grimés en noir -péché mortel dans notre civilisation loqueteuse… "Le Slip français" avait été sous les feux de la rampe pendant plusieurs jours, il avait défrayé la chronique et, à longueur de plateaux télé, sur les chaînes d’info continues, les questions étaient: Blâmable? Condamnable? Louable? Punissable? Déplorable? Attaquable? Contestable? Avant qu’une autre question chasse celle-ci et qu’on laisse les deux guignols et leur patron faire résipiscence… Le Tribunal révolutionnaire moral avait été généreux en évitant le goudron et les plumes, il avait écarté le pilori sur la place publique pendant trois jours, il avait décliné le gros plan sur un visage transpirant nous expliquant qu’il ne comprenait pas «pourquoi il s’était comporté d’une façon inappropriée…», etc.


    Cette fois-ci, "Le Slip français" s’est racheté une conduite!
     

    Je regarde en effet de temps en temps non pas tant l’information que le traitement de l’information de cette épidémie. Car, finalement, depuis le début, la stratégie était simple à mettre en place, encore eût-il fallu une volonté: il fallait tester et confiner pour protéger, distribuer massivement des masques, et ce toujours pour écarter le mal et protéger. Mais comme il n’y eut pas de chef, pas de stratégie ni de tactique, pas de ligne claire mais une longue série d’atermoiements portés par Sibeth Ndiaye, particulièrement douée pour le mensonge qu’elle revendique d’ailleurs sans vergogne, tout fut dit et le contraire de tout -mais surtout: tout fut fait et le contraire de tout.
     

    Le chef de l’Etat communique, le chef du gouvernement communique, la porte-parole du gouvernement communique, le directeur général de la santé publique communique tous les soirs –quand les chiffres sont trop mauvais dans les maisons de retraite, il dit qu’un bug a empêché de l’obtenir, jadis il affirmait que quand il les obtenait il ne pouvaient être comptabilisés, le but étant de jouer au bonneteau et de mentir comme en Chine sur les vrais chiffres afin de cacher la véritable étendue des vrais dégâts… Ils voyaient les choses mais il leur fallait dire qu’il n’y avait rien à voir de ce tsunami qu’on voyait pourtant arriver en ayant les pieds bien fichés dans la glaise du rivage… Pour quelles raisons? Si je puis filer la métaphore: le pouvoir est en slip il lui faut laisser croire au bon peuple qu’il porte de beaux habits chamarrés et damassés…
     

    C’est à cela que sont réduit les journalistes du système: cacher cette nudité et attester des jolis vêtements du pouvoir qui se trouve pourtant à poil! Sur le principe des désormais célèbres Martine, la série verte pour jeunes filles chlorotiques, nous disposons donc, chaque jour, d’un: Emmanuel à Mulhouse, Emmanuel dans le 93, Emmanuel à (sic) Pantin, Emmanuel à la Pitié-Salpêtrière, Emmanuel à l’hôtel Bicêtre, Emmanuel chez le professeur Raoult –mais quand travaille-t-il ce monsieur? Quand?


    Il a déjà passé une année de son quinquennat à faire un tour de France pour s’y montrer, se mettre en scène, parler sous prétexte de répondre à la souffrance des gilets-jaunes*: mais en vain! Que cesse cet exhibitionnisme narcissique! Il a été élu, on ne le sait que trop, or il ne cesse de se comporter comme s’il était en campagne. On se moque de ce qu’il prévoit de faire -dans ce fameux discours du lundi de Pâques qui s’avèrera aussi promotionnel de sa petite personne que les autres. Qu’il fasse,  qu’il agisse: il est le chef, oui ou non? La réponse est non…

    Après vingt-cinq jours de confinement, le traitement de l’information est simple: dans les chaînes à jets continus, on éclaircit les rangs des invités sous prétexte de respecter la distance de confinement, dont tout le monde se moque en salon de maquillage, dans les couloirs ou dans les loges! Mais il faut faire illusion sur scène… On accueille des invités sur écran en direct de chez eux: pourquoi diable ces convives cadrent-ils comme des pieds des images laides et mal éclairées de surcroit ? N’y a-t-il aucun technicien dans les studios parisiens pour leur expliquer qu’en variant l’angle d’inclinaison de leur ordinateur, tout simplement, ils éviteraient d’apparaître à l’écran avec des têtes de décavés et qu’ils nous priveraient en même temps d’une vue sur le haut de leur armoire, sur la partie supérieure de leur buffet, sur leur décoration qui témoigne de leur goût en matière d’architecture intérieure ou sur leur menton mal rasé ? Car tous n’ont pas retrouvé leur peigne, leur rasoir, leur brosse à cheveux, et probablement leur brosse à dents. A la guerre comme à la guerre, il suffit d’en regarder certains intervenants, on se dit qu’ils n’ont pas encore dû retrouver l’endroit où se cache leur salle de bains depuis trois semaines -elle doit se confiner elle-aussi…

    Le contenu est à l’avenant: ces éditocrates font l’opinion publique sans qu’on sache quelle est véritablement leur légitimité. Un travail en amont? Une compétence particulière? Un long cursus d’études en la matière? Un travail de documentation forcené tous les jours sur tous les sujets? Pas forcément… Ils ont été choisis par les chaînes comme un panel qui, neuf fois sur dix, défend la même vision du monde: une fois à droite, une fois à gauche, mais toujours dans le même sens du même vent politique… Un fois un jeune, une fois un vieux – Arlette Chabot et Alain Duhamel qui ont interrogé Pompidou sont toujours là, bien sûr, mais aussi Cohn-Bendit ou les inénarrables Szafran ou Joffrin, et puis ces derniers temps Benjamin Duhamel, fils de son père Patrice, ancien directeur général de France Télévisions et de sa mère Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2, neveu d’Alain Duhamel qu’on ne présente plus -tout ce qui faut pour rajeunir la pensée politique, donc… Gageons que ce jeune homme de vingt-cinq ans sera bien longtemps en activité!

    On comprend donc qu’avec ce personnel choisi, le commentaire politique sera haut-de-gamme, inédit, inattendu, avisé, surprenant! Disruptif comme on disait y a peu chez les macroniens qui disposent avec ce cheptel de tous leurs chiens de meute la queue en l’air.

    On comprend que cette bande dorée (comme on le dit d’un staphylocoque…) puisse donner sa pleine mesure avec les épisodes de la Vie et de l’Oeuvre à venir d’Emmanuel Macron: pour mémoire, Manu à Mulhouse, Manu dans le 93, Manu à (sic) Pantin, Manu à la Pitié-Salpêtrière, Manu à l’hôtel Bicêtre, Manuel chez le professeur Raoult! Et bientôt, en version colorisée et militarisée: le lundi de Pâques de Manu! Grand Discours révolutionnaire de Tournant de Quinquennat -je peux vous l’annoncer dès à présent sans trop risquer de me tromper!

    Quand les chaînes ne nous disent pas que Macron gère bien la crise, la preuve, sa cote remonterait dans les sondages, elles nous racontent qu’ailleurs dans le monde c’est pareil! En même temps, si l’on peut en passant dire que c’est pire avec Boris Johnson et Donald Trump, il ne faut pas s’en priver! Pendant l’épidémie, la politique continue!

    C’est sur TF1 que j’ai pu voir l’autre jour un quinquagénaire dont le nom importe peu qui a expliqué à des millions de téléspectateurs confinés comment on pouvait, dans une très grande maison donnant sur un très grand parc, chez lui, donc, jouer au ping-pong avec des poêles alimentaires, jouer au golf avec un balai, jouer au basket avec une poubelle et des balles de tennis, avant que Jean-Pierre Pernaut ne cloue le bec à ce jeunot en lui montrant qu’avec une poêle plus grande et un bouchon de papier, on pouvait aussi jouer au tennis! Roland-Garros avant l’heure quoi…

     

    Et mon slip me direz-vous?

    J’y arrive…

     

    Cette bande de bras cassés de journalistes nous laisse le choix entre des bavardages macroniens et maastrichiens (personne pour montrer le cadavre de cette Europe d’ailleurs sur toutes ces chaînes dans cette circonstance dramatique…) et les amusements de fin de soirée dans des salles polyvalentes.


    Mais elle met également en scène une France au détriment d’une autre. On ne montre pas la France qui se moque des confinements, celle des territoires perdus de la République qui n’ont que faire des injonctions de l’Etat, qui se moque de la police, qui ne sont pas interpelés, et se retrouvent même justifiés par d’aucuns dans leurs transgressions sous prétexte d’exiguïté de leurs lieux de confinement -et si nous parlions un peu de toutes les exiguïtés de tous les appartements, notamment celle des pauvres blancs des petites villes de province dont on ne parle qu’avec un sourire convenu ou le mépris à la bouche? Il y aurait là pourtant matière à informations  dignes de ce nom… Mais qui croira encore que, dans les journaux télé, on informe?


    On n’y parle pas non plus des cambriolages, des trafics de masques, de vêtements de travail dont certains sont en lambeaux dès qu’on les touche, des braquages de personnels soignants, de la police obligée d’en raccompagner certains chez eux le soir après le travail où ils risquent leur vie. On ne parlera pas des bris de pare-brises qui permettent de voler les caducées avec lesquels s’organise ensuite le trafic de matériel médical.


    Non, pas du tout, car il faut positiver…


    Le pouvoir étant débordé par tout, y compris par ceux qui se moquent de ses injonctions, il sifflote, il regarde en l’air, il parle, il bave, il promet -où sont ces masques invisibles? Ces tests introuvables? Ces vêtements de protections nécessaires aux soignants? Ils prennent leur temps: un peu de bateau chypriote, un brin d’avion chinois, un zeste de train turc, une pincée de camion slovaque, un petit tour par les banlieues -et on les cherche encore… A quand des sujets de journalistes pour dénoncer cette mafia qui fait fortune avec des gants et des liquides hydro alcooliques vendus sous le manteau? Plus facile de faire pleurer dans les chaumières.


    Car, pleurer dans les chaumières, nous y voilà…


    Les journaux télévision nous montrent des initiatives qui cachent le fait que: premièrement le pouvoir est perdu, il ne se sait que faire depuis le début et s’essaie à toutes les solutions après les avoir toutes critiquées -récemment un essai de mise en selle macronien du docteur Raoult; deuxièmement: les mafias se portent bien, et rien ne peut se mettre en travers de leur puissance active et florissante, ils conduisent le pays sans craindre quoi que ce soit de qui que ce soit; troisièmement: l’Etat n’existe plus, car ni l’armée, ni la police, ni la justice ne sont plus capables de se faire respecter…

    La télévision montre donc une image qui la réjouit, c’est le village Potemkine fabriqué pour cacher le réel, la réalité du réel, la cruelle réalité de ce réel cruel qui est que la France n’est pas capable de produire des masques autrement qu’en laissant des bénévoles les tailler dans des coupons destinés à des slips - et encore, c’est une initiative individuelle, même pas une décision d’Etat qui n’en est pas ou plus capable: voilà une énième variation sur le thème des bougies et des poupées, des petits cœurs et des dessins d’enfants, des peluches et des applaudissements du personnel médical à vingt-heure sur les balcons.


    Le porte-avion Charles-de-Gaulle fut plus connu pour avoir perdu son hélice dans l’eau que pour ses performances militaires; le voilà qui fait retour au port parce que l’Etat français n’a pas su médicalement préserver l’équipage de son navire de guerre -une métaphore adéquate pour dire qu’ici comme ailleurs le chef de l’Etat n’a pas su préserver les français en faisant les bons choix. Il les a exposés.


    Le Charles-de-Gaulle rentre à la maison avec un drapeau blanc déchiqueté sur la plus haute tour. Il crie grâce, il demande miséricorde, il revient épuisé.


    Pendant ce temps, au journal du soir, on nous montre comment transformer des slips en masques -des masques qui, nous disait-on il y a peu, ne servaient à rien…

    Michel Onfray

     

    *: J’ai de la sympathie pour la vie, l’homme et l’œuvre de Sylvain Tesson. C’est pourquoi je n’ai pas voulu consacrer un long texte à réfuter son: "Subitement on a moins envie d’aller brûler les ronds-points" (in Covid-19 : l’écrivain Philippe Tesson nargue les Gilets Jaunes, paru sur Russian Today, le 9 avril 2020). Les GJ n’ont jamais "voulu brûler les ronds-points", quelle drôle d’idée! Ils s’y étaient installés, et c’était très exactement pour qu’on ne ferme pas les services publics français, dont les hôpitaux qui ont soigné et guéri Sylvain Tesson après ses frasques et qui aujourd’hui l’accueilleraient s’il devait y être reçu (ce que je ne lui souhaite pas…) avec des moyens insuffisants. Tesson, BHL, Luc Ferry, Badiou, même combat: je n’y aurai jamais cru.

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (4), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

     

    Dans le même temps on a poussé les femmes à abandonner le soin de la direction du foyer et à acquérir une certaine autonomie financière en allant, mercenaires, travailler hors de chez elles. Si  l’attrait d’une nouvelle indépendance a été fort, la transition ne s’est pas faite sans heurts et on a fini par assister à une révolte des femmes.

     Il faut reconnaître que les mouvements féministes d’aujourd’hui révèlent une certaine prise de conscience des conséquences du péché originel : l’homme « domine » sur la femme. Et, ces mouvements ont pour but avoué d’en supprimer les effets ou, du moins de les atténuer… car la « galanterie » n’est plus considérée comme une valeur dans une civilisation qui a oublié ses racines. Mais, au lieu de lutter contre les effets du péché originel en essayant de revenir au dessein de Dieu, ces mouvements cherchent bien souvent à décider par eux-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal et ont ainsi été tentés de s’approprier le fruit de l’arbre de la vie.

    De plus, ces mouvements ont provoqué une certaine zizanie et divisé les femmes entre elles. On peut ainsi classer rapidement ces mouvements féministes en trois catégories dont deux sont mortifères. Il y a d’abord ceux qui, peu ou prou, consciemment ou inconsciemment, recherchent à revenir au plan de Dieu sur l’homme et sa compagne. Il y a ensuite ceux qui, séparant ce que Dieu a uni, cherchent à émanciper la femme en niant la complémentarité originelle du couple. Il y a enfin ceux qui nient la différence entre l’homme et la femme et qui considèrent donc, selon l’expression utilisée par Alain de Benoist dans Valeurs Actuelles du 8 août 2019, que « la femme est un homme comme un autre ». Seuls les mouvements féministes se rattachant à la première catégorie, pourraient, comme le souhaite Gabrielle Cluzel, « améliorer la condition féminine, [c’est-à-dire] donner à la femme un cadre de vie pour évoluer en sécurité et être respectée. Où elle ne sera ni harcelée, ni reléguée, ni bafouée, ni niée dans son identité » ; et ce dernier point est essentiel. 

    Dans la première catégorie de mouvements, les femmes révèlent alors aux hommes que cette domination est la conséquence du péché et leur demandent leur aide – leur amour – pour retrouver l’harmonie qui a été rompue. « Une alliance renouvelée entre l’homme et la femme est nécessaire » a ainsi expliqué le pape François dans sa catéchèse du 16 septembre 2015.

    On peut considérer comme relevant de cette catégorie plus que le mouvement le slogan « HeforShe » lancé par l’ambassadrice bénévole de la cause des femmes de l’ONU, la jeune actrice britannique Emma Watson. Ce slogan appelle l’homme à se mettre au service de la femme, lui révèle ce qu’il peut et doit faire pour elle. Or ce slogan vient, d’une certaine manière, couronner l’œuvre d’Anne Zelinsky qui, après avoir participé à la fondation du premier foyer-refuge pour femmes battues en 1978 en France, a ensuite participé à la création de l’association « SOS Hommes et Violences en Privé » car, comme elle l’a dit elle-même, le 4 janvier 2017, « on ne traite pas les victimes en ignorant les bourreaux ». En effet, pour Anne Zelinsky, « la violence est une partition qui se joue à plusieurs. Au-delà des deux solistes, il y a tout l’orchestre qui joue le tempo ancestral du « bats ta femme… ». Alors, désigner la victime est déjà un pas considérable que nous avons franchi dans les années 1970. Mais impossible de camper ad vitam aeternam là-dessus. Il fallait continuer sur cette lancée d’interpellation de la violence domestique en braquant le projecteur sur l’homme. Considérer les deux partis est une démarche véritablement féministe, s’en tenir à l’une d’elle relève de la seule victimisation ». Mais, si Anne Zelinsky s’est bien occupée des deux « solistes », comme elle les appelle, il fallait aussi s’intéresser à tout « l’orchestre ». Il est un autre mouvement qui s’occupe de l’orchestre aux Etats-Unis, c’est la New Wave Feminists qui est malheureusement en butte à tous les médias et à de nombreuses puissances financières parce qu’étant opposée à l’avortement.

    Ce slogan, « HeForShe » (Lui pour elle) remet ainsi à l’endroit la question du « féminisme », ce quelque chose qui doit rapprocher l’homme de la femme et les unir plus étroitement et non pas comme un combat de l’un contre l’autre ; quelque chose qui fonde leur solidarité et non qui favorise leur désunion. Ce doit être un engagement qui doit intéresser autant l’homme que la femme, qui doit être porté autant par l’un que par l’autre… ce qui ne signifie pas que l’un et l’autre doivent utiliser les mêmes arguments, que l’un et l’autre doivent se comporter mutuellement comme des clones l’un de l’autre. C’est même tout l’inverse ! Car, la différence est source d’enrichissement et de fécondité : « seul l’autre peut me donner ce que je n’ai pas, tandis que je puis lui donner ce qu’il n’a pas » (1). Comme l’a fort justement remarqué le philosophe français, François-Xavier Bellamy, « la différence n’implique pas une inégalité, une occasion de mépriser l’autre : elle est au contraire une condition pour s’émerveiller » (2).

    Toutefois, la position de l’ONU paraît manquer de cohérence car, malgré la beauté du slogan, l’organisation a promu le 8 mars comme « Journée internationale de la femme ». Or cette date est plus en phase avec la deuxième catégorie de mouvements féministes que nous avons identifiée car elle ne fête absolument pas une mise en avant de la dignité de la femme et de son égalité dans la complémentarité avec l’homme, mais commémore la révolte de la femme contre l’homme. Dans sa décision du 16 décembre 1977 qui faisait du 8 mars la journée internationale de la femme, l’ONU ne faisait que reprendre à son compte la décision de Lénine de 1921 qui avait instituée le 8 mars « Jour de rébellion des travailleuses contre l’esclavage de la cuisine » (3), en souvenir de la journée du 27 février (8 mars) 1917 où les femmes de Saint Petersbourg étaient descendues dans la rue pour réclamer du pain. Cette commémoration est donc plus en accord avec les deux autres catégories de mouvements féministes qu’avec la première.

    Naturellement, il ne s’agit pas ici de comparer la femme et l’homme en ce qui concerne la productivité, la quantité, la durée, les conditions de travail, etc. Ce qu’il faut, c’est que la femme ne soit plus opprimée par sa situation économique par rapport à l’homme. La femme a beau jouir de tous les droits, elle n’en reste pas moins opprimée en fait, parce que sur elle pèsent tous les soins du ménage. Le travail du ménage est généralement le moins productif, le plus barbare et le plus pénible de tous ; il est des plus mesquins et n’a rien qui puisse contribuer au développement de la femme ».

    Dans la troisième catégorie on trouve essentiellement des femmes qui veulent, en fait, être considérées comme des hommes – gagner autant d’argent qu’eux, accéder aux mêmes emplois, etc. –. Leur lutte, qui est aussi bien souvent ouvertement menée contre Dieu, a un côté désespéré et désespérant comme l’a révélé l’intrusion des Femens au Congrès des islamistes de Pontoise en septembre 2015. Elles portaient, inscrit sur leur poitrine dénudée : « Personne ne me soumet », phrase qui fait inéluctablement penser au « Je ne servirai pas ».

    On trouve en particulier dans cette catégorie la sociologue américaine Margaret Sanger pour qui la femme doit pouvoir être maîtresse de son corps et de sa sexualité. Elle veut que chaque femme puisse choisir librement d’être mère ou non. La femme doit pouvoir n’avoir que des enfants voulus, choisis et planifiés. Ayant ainsi supprimé Dieu et réduit son compagnon au rang de simple objet de plaisir, elle va plus loin qu’Eve s’accaparant Caïn puisqu’elle décide seule de la vie et de la mort de l’enfant conçu. C’est logiquement parmi les membres des mouvements appartenant à cette catégorie que l’on trouve le plus d’« individu.e.s » favorables à la PMA et à la GPA. Toutes celles qui s’en réclament portent atteinte à l’« arbre de la vie ». Comme le constate le cardinal Sarah, pour elles, « aucune morale religieuse, aucun dogme, aucune tradition culturelle ne peuvent empêcher la femme de réaliser ses objectifs. Personne ne doit mettre d’obstacle ou d’interdire à la femme d’avoir accès à la contraception et à l’avortement ».

    De plus, ce néoféminisme, en épousant les thèses de Judith Butler relatives à la théorie du genre et en s’alliant aux mouvements homosexuels, « en arrive à ne plus défendre la femme et à se nier lui-même, tant sa conception de l’humain efface les différences homme-femme, qui ne seraient que le fruit d’un conditionnement culturel et social, l’être se construisant lui-même et déterminant ainsi son genre (4) ». Dès lors, si la différence entre l’homme et la femme ne résulte plus de la nature mais d’une simple convention sociale, si cette distinction n’est plus extérieure à la volonté de l’être humain mais résulte d’un choix de vie, alors, contrairement au plan de Dieu tel que la Genèse l’a enseigné, l’homme demeure désespérément seul. Il n’a plus de « vis-à-vis » qui lui soit une aide. Ici aussi, c’est bien l’« arbre de la vie » que ce néoféminisme cherche à atteindre. C’est bien en ce sens que le pape François est intervenu le 5 octobre 2017 devant l’Académie pontificale pour la vie : « L’hypothèse avancée récemment de rouvrir la voie de la dignité de la personne en neutralisant radicalement la différence sexuelle, donc l’entente entre l’homme et la femme, n’est pas juste. Au lieu d’aller contre les interprétations négatives de la différence sexuelle qui mortifient sa valeur inaliénable pour la dignité humaine, on veut de fait effacer cette différence, proposant des techniques et des pratiques qui la rendent insignifiante pour le développement de la personne et pour les relations humaines. Mais l’utopie du « neutre » supprime à la fois la dignité humaine de la constitution sexuelle et la qualité personnelle de la transmission génératrice de la vie. La manipulation biologique et psychique de la différence sexuelle, que la technologie biomédicale laisse entrevoir comme entièrement disponible au choix de la liberté – alors qu’elle ne l’est pas ! –, risque ainsi de démanteler la source d’énergie qui alimente l’alliance entre l’homme et la femme. (…) Une société où tout cela ne peut être qu’acheté et vendu, réglé bureaucratiquement et techniquement établi, est une société qui a déjà perdu le sens de la vie ». 

    En fait, comme le remarque Gabrielle Cluzel, ce féminisme « n’aime pas les femmes. Il n’aime pas ses qualités propres et ce qui la caractérise. Il ne cherche qu’à la changer ». Du coup, « ce néoféminisme sombre dans l’incohérence en déclarant abolie la distinction des sexes tout en développant une haine viscérale de l’homme, éternel dominateur, violeur en puissance, le « patriarcat » étant une explication centrale du malheur des temps. Ce néoféminisme gauchiste amplifie la vision marxiste qui ne voit le monde que comme une lutte incessante entre dominés – les victimes : les femmes – et dominants – les coupables : les hommes » (5).

    Le contexte d’une société matérialiste et individualiste qui se veut efficiente est un terreau favorable au développement de cette idéologie. La culture mathématique – on devrait d’ailleurs plutôt dire arithmétique ou algébrique –, aggravée par la culture informatique – qui a envahi notre société sous prétexte d’efficacité (sic) y porte. En effet, en arithmétique comme en algèbre, les termes « égal » et « différent » sont antinomiques. On est soit « égal », soit « inférieur » ou « supérieur » ; mais on ne peut pas être à la fois « égal » et « différent ». L’arithmétique comme l’algèbre a pour fonction de hiérarchiser les individus;  elle ne peut pas connaître la notion de « personne » qui n’a aucun sens pour elle. Dès lors, en mathématique, le terme « égal » se rapproche du terme « identique ».

    Il faut ajouter que l’ONU a annoncé la promotion de la « théorie du genre » une première fois en 1985 lors de la conférence de Nairobi puis en 1995 lors de la conférence de Pékin. Cette théorie a ensuite fait l’objet en 2000, de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU « sur les femmes la paix et la sécurité » (6), puis d’une « Déclaration sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre », approuvée par 57 Etats en 2013. Cette déclaration, que Najat Vallaud-Belkacem a cherché à mettre en œuvre sous l’autorité de Manuel Valls et la présidence de François Hollande avait, en fait, été proposée à l’ONU par Rama Yade sous l’autorité de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. Depuis, le Conseil de l’Europe, l’OMS et l’UNESCO s’y sont ralliés. Dans une pure dialectique marxiste, l’ONU semble avoir voulu remplacer comme « moteur de l’histoire », la lutte du prolétariat contre le capital par la lutte des migrants contre les autochtones et la lutte des femmes contre les hommes; par la lutte des individus (masculins, féminins ou neutres) contre la famille.

    Il s’agit donc de s’attaquer à la famille, voulue par Dieu et fondement de la société. Cette résolution, qui substitue le concept de genre à celui de sexe comme « concept pertinent », explique : « le genre ou la sexospécificité doit être compris sous l’angle des rapports sociaux fondés sur le sexe. Il s’agit des rôles, responsabilités, aptitudes, comportements et perceptions, façonnés par la société et assignés aux hommes et aux femmes » .

    « Comprendre la sexospécificité sous un angle de construit socioculturel, donne l’opportunité de discuter sur les fondements éthiques et moraux, au nom desquels les femmes sont discriminées ».

    « Comprendre la sexospécificité sous un angle de construit socioculturel revient à admettre que les rapports sociaux construits culturellement ne sont pas figés dans le temps. Au contraire, qui dit construction, dit aussi refonte, rénovation et même déconstruction, dictées par les mutations provoquées aussi bien par les crises, les connaissances, l’évolution du droit que les avancées technologiques et économiques ».

     

     

    (1) : Denis Delobre S.J., « Accompagner, pilier de la pédagogie ignatienne », in Christus, « La pédagogie ignatienne », novembre 2014, p. 73.

    (2) : « Les déshérités », Plon, 2014, p. 173.

    (3) : Dans son discours du 23 septembre 1919, Lénine avait largement expliqué ce qu’il attendait des mouvements féministes. « Là où existe le capitalisme, là où subsiste la propriété privée de la terre, des fabriques et des usines, là où subsiste le pouvoir du capital, l’homme conserve ses privilèges » vis-à-vis de la femme. (…) Pour que la femme soit réellement émancipée, pour qu’elle soit vraiment l’égale de l’homme, il faut qu’elle participe au travail productif commun et que le ménage privé n’existe plus.

  • ”Les expulser, oui, mais pour où ?...”: Une défense des Croisades, par Chateaubriand...(6/6)

    "Ce qui fait la complexité de l'Histoire c'est que les évènement sortent sans fin les uns des autres". Cette remarque de Jacques Bainville peut s'appliquer aussi, de toute évidence, aux idées, et notre débat ouvert à partir de la question d'Ariane en est une nouvelle preuve. Elle a suscité une telle réflexion, laquelle a nécessité à son tour de telles mises au point, que nous en sommes maintenant à la sixième note sur ce sujet et ses extensions ! 

    Nous allons donc - temporairement...  - conclure cette première série de réflexions, la réunir en un Pdf pour la commodité de la consultation, et livrer le tout au(x) lecteur(s)...

    Nous le ferons en donnant la parole à Chateaubriand, pour un texte qui semble écrit aujourd'hui, à d'infimes détails près, ce qui montre bien que les problématiques actuelles ne sont pas nouvelles, et que le(s) problème(s) que nous avons aujourd'hui date(nt) de fort longtemps...

    Nous en étions, dans notre prise de recul, au rappel des deux agressions militaires de l'Islam contre l'Europe (la première à partir de 711 par l'Espagne, et la seconde à partir de 1353 par la Grèce).

    Entre ces deux assauts s'intercalent ce que l'on peut considérer comme une contre attaque des Européens.

    C'est du moins ainsi que le voit Chateaubriand. Encore une fois, on croirait le texte écrit d'hier. A vos réactions.....

    Dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, Chateaubriand propose cette défense des Croisades (La Pléiade, Oeuvres romanesques, tome II, pages 1052/1053/1054) :

    "...Les écrivains du XVIIIème siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai réclamé un des premiers contre  cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n'étaient point les agresseurs. Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur l'Espagne, sur la France même, où Charles Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier, sortis de la France, n'auraient-ils pas faits le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar jusque dans Jérusalem ?

    C'est un grand spectacle sans doute que ces deux armées de l'Europe et de l'Asie, marchant en sens contraire autour de la Méditerranée, et venant, chacune sous la bannière de sa religion, attaquer Mahomet et Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs.

     

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    N'apercevoir dans les Croisades que des pélerins armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte antiquité, et aboli la servitude ?
    Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux Barbares.
    L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête; l'Evangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir; ils tâchèrent seulement d'intéresser en leur faveur Charlemagne; mais ni les Espagne soumises, ni la Grèce et les deux Sicile ravagées, ni l'Afrique entière tombée dans les fers, ne purent déterminer, pendant près de huit siècles, les Chrétiens à prendre les armes. Si enfin les cris de tant de victimes égorgées en Orient, si les progrès des Barbares déjà aux portes de Constantinople, réveillèrent la Chrétienté, et la firent courir à sa propre défense, qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la Grèce, et l'on verra ce que devient un peuple sous le joug des  Musulmans.
    Ceux qui s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des Lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?
    Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes aux portes mêmes de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. Elles ont fait plus : elles nous ont sauvé de nos propres révolutions; elles ont suspendu, par la paix de Dieu, nos guerres intestines; elles ont ouvert une issue à cet excès de population qui, tôt ou tard, cause la ruine des Etas; remarque que le Père Maimbourg a faite, et que M. de Bonald a développée.

    Quant aux autres résultats des Croisades, on commence à convenir que ces entreprises guerrières ont été favorables aux progrès des lettres et de la civilisation. Robertson a parfaitement traité ce sujet dans son Histoire du Commerce des Anciens aux indes orientales. J'ajouterai qu'il ne faut pas, dans ces calculs, omettre la renommée que les armes européennes ont obtenue dans les expéditions d'outre-mer.

    Le temps de ces expéditions est le temps héroïque de notre histoire; c'est celui qui a donné naissance à notre poésie épique. Tout ce qui répand du merveilleux sur une nation, ne doit point être méprisé par cette nation même. On voudrait en vain se le dissimuler, il y a quelque chose dans notre coeur qui nous fait aimer la gloire; l'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c'est en entretenant les Romains de l'eternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un  nom éternel..."

  • Où est-on le plus révolutionnaire : à Pékin, à Moscou ou bien à Paris ?...

               On a parlé un peu partout de la cérémonie d’ouverture des Jeux. Nous nous en tiendrons ici à la leçon politique que l’on peut en tirer, car on peut en tirer une, à l’évidence, et elle ne sera pas peu surprenante pour certains…..

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               Car en fait, au-delà de l’esthétisme, de la magnificence, de l’impression de force et de maîtrise qui se sont dégagées de cette grandiose cérémonie, qu’est-ce qui était au final le plus frappant, le plus évident (on pourrait même dire « aveuglant »…) ? C’est très simple, et c’est énorme : dans ce pays officiellement marxiste-léniniste tout reste à l’évidence aux ordres du pouvoir communiste,  comme hier à Moscou et dans son empire européen ; la dictature est toujours là, et bien là, il ne faut pas rêver, ni prendre ses désirs pour des réalités. Il faudra encore un peu de temps pour que la monstrueuse et barbare tyrannie s’effondre, comme elle s’est effondrée ailleurs ; et, d’ici là, il ne fera pas tous les jours bon vivre au paradis des travailleurs, tout n’y sera pas rose tous les jours et, comme on le dit familièrement, on sera mieux chez nous…. 

              Bon, mais la leçon ?  La voici. Qu’a-t-on vu ce soir-là ? Une apologie de la révolution marxiste léniniste ? Une histoire officielle et idéalisée du Grand Timonier, celui que Giscard d’Estaing –perdant une bonne occasion de se taire- avait cru devoir comparer, le jour de la mort de Mao, à « un phare de l’humanité », ne craignant pour l’occasion  ni le ridicule ni l’odieux (il y a des jours,  comme cela, où certains feraient mieux, comme on dit, de tourner sept fois leur langue dans leur bouche avant de parler…) ? Une invasion de Gardes Rouges, brandissant chacun son « Petit livre rouge » et retraçant les étapes de cet effarant Grand Bond en Arrière que fut en réalité ce que l’encore omniprésente police politique essaye de présenter –contre toute les apparences- comme le « grand bond en avant » de l’histoire officielle, toujours officiellement en vigueur ?....

              Eh bien, non. Non seulement on n’a rien vu de tout cela (et c’est d’ailleurs, évidemment, tant mieux…) mais on a vu un Peuple. Un Peuple qui a cinq mille ans d’Histoire, qui a une conscience forte de ces cinq mille ans d’Histoire, et qui en est fier et heureux, et qui connaît et cultive ses Racines. Un Peuple qui, sans aucun complexe, est Patriote et Nationaliste. On est bien loin, là, on en conviendra, de tout ce qui est révolutionnaire ; de cette funeste et stupide théorie de « la table rase » qui règne chez nous, imposée –fort logiquement d’ailleurs, puisqu’elle est au pouvoir et qu’elle dirige…- par une république qui se veut l’héritière directe de la révolution idéologique de 1789/1793.

               Nous l’avons souvent dit et écrit : si la révolution-fait est évidemment terminée depuis bien longtemps chez nous, la révolution-idée est toujours au pouvoir à Paris, elle est toujours à l’œuvre, hélas,  chez nous. Par contre, on voit bien qu’en Russsie la page est tournée (on a canonisé la famille Impériale !.... chose grandiose mais aussi simplement normale, qu’il faudra bien, un jour, faire chez nous aussi….). Et on voit bien qu’en Chine ( et c’est la leçon dont nous parlions au début ) l'Empire du Milieu, la grande Chine éternelle, est en train de boire le marxisme, exactement comme le buvard boit l’encre

              Avec beaucoup de plaisir pour eux, mais avec un peu de tristesse et de lassitude pour nous, nous nous demandons quand viendra, enfin, notre tour. Et quand, après que la vague ait reflué à Moscou et dans son empire ; à Pékin (entraînant forcément les derniers satellites : Vietnam et autres…) ; quand la vague refluera-t-elle enfin chez nous aussi, libérant le cœur d’où tout est parti, libérant les esprits à Paris, et permettant à la France –comme le font la Russie et la Chine- de replonger dans son Passé millénaire et de continuer son Histoire (pour reprendre le titre d’un des derniers ouvrages d’Hubert  Védrine…)

             Et notre combat ne s’arrêtera donc que lorsque, à l’instar de la Russie –où c’est fait- et de la Chine –où c’est en cours, même s’il faut attendre encore un peu…- la Révolution aura été là aussi absorbée par le buvard…..

  • Sandrine Rousseau a perdu. Pour l’instant, par Didier Desrimais.

    Sandrine Rousseau, mars 2021

    © ISA HARSIN/SIPA Numéro de reportage : 01007976_000001

    Merci pour ce moment

    Ce serait « contraire à ses combats que d’être un obstacle à une candidature féministe […] quand on est féministe, on laisse sa place ». Ces propos, tenus par la géniale et inimitable Alice Coffin, n’ont pas été entendus par Yannick Jadot qui n’a pas cédé sa place et a remporté le second tour des primaires EELV. 

    2.jpegIl faut toutefois souligner que le score de Sandrine Rousseau laisse présager de jolies passes d’armes au sein d’EELV et dans sa périphérie.

    Les présentistes rouges et verts condamnent le passé à ne plus servir que de faire-valoir à un présent toujours plus progressiste et plus désirable que tous les temps qui l’ont précédé…

    Il existe dans ce pays des représentants politiques qui se vantent d’être de plus en plus radicaux. Ils espèrent mettre ainsi en relief leur irrépressible élan révolutionnaire. Et s’installer aux commandes. Le principe est vieux comme le monde : la prise de pouvoir (à la tête d’un pays ou d’un parti), quand elle ne peut pas se faire dans le calme démocratique et le combat des idées rationnelles, doit s’appuyer sur un discours simple, binaire, clivant, irrationnel, qu’on dira radical pour éviter les gros mots historiques (stalinien, maoïste, totalitaire) et qui sera comme le possible détonateur d’une révolution inévitable et salutaire inaugurant un progrès immuable après qu’auront été éliminés les inévitables ennemis d’un avenir pourtant annoncé toujours plus radieux.

     

    Prônant les nouvelles théories racialistes et décolonialistes et utilisant la novlangue à la mode dans la sociologie militante, Sandrine Rousseau n’a pas hésité à se montrer en public à la fête de l’Huma aux côtés de ses nouveaux amis « racisés » Assa Traoré et Taha Bouhafs.

    Elle remercie Rokhaya Diallo d’avoir attiré son attention sur les pansements médicaux trop blancs.

    Le nouveau clientélisme politique

    Elle partage quelques idées avec Jean-Luc Mélenchon sur la « créolisation » inéluctable de la France. Elle pense à juste titre que ses idées radicales sont largement partagées parmi les sympathisants de la sphère EELV-LFI, et que cela ira en s’amplifiant, lui permettant ainsi de croire en ses chances de succès lors d’une prochaine élection. Elle compte pour cela sur l’aide des plus radicales représentantes de la communauté LGBT. Elle dénonce les « hommes blancs à vélo » et attend un soutien des mouvements associatifs antiracistes les plus radicaux, c’est-à-dire les plus racistes. Elle présume que ses propos lénifiants sur le voile vont lui attirer quelques précieux votes musulmans.

    Bref, Sandrine Rousseau pioche dans les viviers les plus crapoteux de la vie publique, “sociétale” et wokiste, en espérant tirer les marrons des feux pseudo-révolutionnaires néo-féministes, racialistes et islamo-gauchistes. Elle n’est bien sûr pas la seule. D’autres pratiquent depuis un moment ce genre de pêche au gros en se fichant éperdument des conséquences pour la France. Ceux-là se révoltent localement en fermant les yeux sur l’islamisation de certains quartiers et en fantasmant sur une population en cours de “créolisation” dans le seul but de ne pas tomber de leur trône municipal ou parlementaire. Éric Coquerel twitte le soutien de LFI à Ali Rabeh pour l’élection municipale de Trappes ; le député récemment marseillais Mélenchon affirme sans sourire que pas un centimètre carré du territoire français n’échappe à la loi républicaine ; la féministe Clémentine Autain n’a jamais simplement et directement défendu Mila, et on sait pourquoi. Sandrine Rousseau ajoute la terreur écologique à la composition de ce brouet intersectionnellement islamo-gauchiste, à cette bouillie pleine de tous les ressentiments, à ce poison.

    Je veux voir aucune tête qui dépasse!

    L’argumentaire révolutionnaire, prémices de tous les totalitarismes, se vête toujours de mysticisme et de fanatisme extatique. Sans oublier l’incroyable niaiserie des slogans éternels simplement ajustés aux idéologies les plus récentes. La radicalité de Rousseau est « pure », son écologisme est « de gauche, radicale et sociale ». Les jeunes “éveillés” de toute obédience lisent sur Twitter les appels tonitruants de Sandrine Rousseau qui veut « déconstruire l’ensemble des dominations », et sont ravis d’apprendre que leur égérie vit elle-même avec « un homme déconstruit » (sic). Ils pensent que le danger le plus immédiat est le patriarcat occidental, l’hétéronormativité, et les hommes qui construisent des EPR. Surprotégés, profitant d’une éducation qui a laissé libre cours à leur petit moi accroché aux réseaux sociaux, rendus incultes par une école ne voulant plus qu’ils sachent leur langue ou l’histoire de leur pays, poursuivant des cursus universitaires tout acquis aux causes intersectionnelles et déconstructivistes, convaincus que « tout est politique », les jeunes électeurs de Sandrine Rousseau sont prêts à trancher avec elle tout ce qui dépasse de leur tableau idyllique : les “hommes toxiques”, quelques Blancs à vélo, les “réacs”, les féministes pas suffisamment radicales. Ces petits Gardes verts et rouges ignares sont à l’image de leur époque qui est celle du présentisme absolu et du politisme intégral.

    L’Histoire de notre pays, longue et tumultueuse, est complexe. Elle a façonné au fil du temps une langue, un pays et un peuple. Mais l’idéologue n’a que faire de cette histoire complexe, glorieuse et sombre à la fois. Simplifiée à l’extrême, toujours prise en défaut, retournée pour servir les idéologies, l’Histoire de France est devenue une « Histoire mondiale de la France » ouverte à tous les vents, comme ses frontières. Les présentistes rouges et verts condamnent le passé à ne plus servir que de faire-valoir à un présent toujours plus progressiste et plus désirable que tous les temps qui l’ont précédé. Ce présentisme préfigure un futur très proche dans lequel la vertu progressiste et le politisme intégral règneront de gré ou de force et rendront impossible le moindre écart ou le moindre regard en arrière. Dans cette époque qui ne laissera aucune place à « la vision littéraire du monde » (Alain Finkielkraut), au véritable travail historique « expurgé de ses passions » (Braudel), ou à la simple réflexion individuelle, « une politique frénétique, délirante, exorbitée puisqu’elle prétend supplanter la connaissance, la religion, la “sagesse”, en un mot les seules choses que leur substance rend propres à occuper le centre de l’esprit humain » (1), finira d’éloigner l’homme de sa vie intime pour le plonger définitivement dans la masse uniforme. Il faut des Rousseau et des Mélenchon pour mener à bien cette politique dévastatrice qui essorera ce qui reste d’humanité dans l’individu. Il faut des totalitaires. Comme Mélenchon, Sandrine Rousseau, fermée, tordue, abstraite, extatique, ne s’ouvrant à aucune instance supérieure, en représente un type abouti, risible pour le moment auprès du plus grand nombre, mais pour combien de temps encore. Mme Obono ne s’y trompe d’ailleurs pas : elle appelle les électeurs qui ont voté Rousseau à voter Mélenchon, ces deux faces de la même pièce totalitaire.

     

    (1) La révolte des masses, Ortega y Gasset.

     

    Amateur de livres et de musique. Auteur de Lettre sur les chauves (éditions Ovadia, juin 2021) et de Les Gobeurs (éditions Ovadia, juin 2021).
     
  • 39-45 « UNE NATION, UNE LANGUE » ou « UNE LANGUE, UNE NATION » (4e partie), (40), par Jeunesse si tu savais et Poussière

    En contact avec les mouvements Jeunesse si tu savais et Poussières d'étoiles; voici les liens de leur page FB, de leurs sites officiels et de leur chaîne youtube :

     

    JEUNESSE SI TU SAVAIS

    https://www.facebook.com/jeunessesitusavais/

    https://www.jeunesse-si-tu-savais.fr/

     

    POUSSIERES D'ETOILES

    https://www.poussieresdetoiles.fm/

    Ouvrez le lien du site à l'aide du moteur de recherche GOOGLE CHROME.

    https://www.youtube.com/channel/UCvYtt4Ws_Uc4Cj0LeLCoEJQ/videos

     

    Et voici le quarantième article (aussi en vidéo/audio) qu'ils nous ont adressé, en attendant la suite...

    ou « UNE LANGUE, UNE NATION » entre Nation et nationalités
    C’est toute l’histoire contemporaine de la Révolution aux deux guerres mondiales que nous allons ainsi survoler. Et à présent la 2e guerre mondiale et le XXIe siècle...

     

    https://www.poussieresdetoiles.fm/uploads/newscast/0/0/23/93323b76-8de1-4521-af9b-35739bf5b395.mp3

     

     

    Ce principe appliqué au XXème siècle : 39-45

    Suite logique de la 1ère guerre mondiale, voici déjà le temps de la 2ème guerre mondiale qui en est issue. Selon le célèbre historien français Jacques Bainville, le traité de Versailles était «une paix trop douce pour ce qu’elle a de dur et trop dure pour ce qu’elle a de doux». Il imposait des dommages de guerre à l’Allemagne qu’elle ne pouvait pas rembourser ce qui la précipita dans la crise économique à long terme. D’autre part rien n’était clairement prévu en cas de réarmement de l’Allemagne. On avait laissé l’Allemagne en l’état (à la différence de l’Autriche) avec toute son unité et toute sa puissance potentielle. Cette deuxième guerre mondiale était déjà en ligne de mire, selon Bainville. Cet historien a décrit (dans un livre* « les Conséquences politiques de la paix » paru en 1920, *« chef d’œuvre de l’analyse géopolitique») toutes les étapes qui de ce traité allait conduire l’Allemagne et le monde à la guerre (à savoir le pangermanisme : avec l'annexion de l'Autriche par le Reich, la crise des Sudètes avec la Tchécoslovaquie et un pacte germano-russe contre la Pologne). Ce que le Maréchal Foch confirmait lui-aussi en 1920 : « Ce n’est pas une paix, c’est un armistice de vingt ans ». Et pourtant Hitler à l’époque n’existait pas encore. Par contre, comme le découvre Bainville,

    un fil d’Ariane existe dans toute l’histoire

    : « les mêmes causes produisent les mêmes effets ».. Ce sont là les leçons de l’histoire qui nous conduisent d’une époque à l’autre, de la première guerre mondiale et du traité de Versailles à la deuxième guerre mondiale (selon toutes les étapes décrites par Bainville en 1920). Une fois encore « une langue, une Nation », et cette fois avec Hitler qui a enfourché le cheval de retour du pangermanisme. D’abord avec la question des Sudètes qu’il détache de la Tchécoslovaquie (1938) ; de l’Autriche (Etat où l’on parlait allemand et qui ne faisait pas encore partie de ce 3ème Reich fondé par Hitler) qui va connaître l’ « Anschluss » (1938) ; du couloir de Dantzig et des anciennes possessions prussiennes en Pologne, (où certaines populations parlent allemand) qui va lui donner prétexte pour envahir la Pologne et ainsi à nouveau, par le jeu des alliances (comme pour la 1ere guerre mondiale), déclencher cette nouvelle guerre mondiale (1939).** Cette deuxième guerre mondiale va faire 50 millions de victimes à travers le monde jusqu’en 1945.**

    A l’orée du XXIème siècle

    Après 1945 et la Conférence de Yalta, l’Europe sera coupée en deux. Avec à l’est, un bloc communiste créé et figé par Staline et l’Union soviétique jusqu’en 1989, où s’effondre le mur de Berlin. Après la fin de ce rideau de fer ce principe des nationalités reprendra vigueur avec les éclatements pacifiques de l’Union soviétique (1991 – qui a aussi pour raison d’en finir avec le communisme) et de la Tchécoslovaquie (1993). Et par la guerre en Yougoslavie (1991-1995). Puis à l’intérieur de ces différents nouveaux états avec les conflits en Tchétchénie, Kosovo, Crimée,…En Europe de l’Ouest aussi, plusieurs référendums d’indépendance sont envisagés pour les mêmes raisons (sous le nom cette fois d’ « Europe des régions » ou des ethnies, qui s’opposerait à l’Europe des nations) en Ecosse, Catalogne,… Quand on sait que rien que sur le continent européen, il y a près d’une centaine d’ethnies réparties en quelques dizaines d’états, on comprend que ces principes des nationalités ou des ethnicités pourraient déclencher encore bien des conflits au XXIème siècle.

    EN CONCLUSION

    Toujours à cause de ces principes révolutionnaires. Principes de Nation contraire au « creuset de la Nation » composée de plusieurs langues, de plusieurs peuples, mais rassemblée dans une histoire commune et une communauté de destin. Telle que la France et sa civilisation l’avait forgée en plus de dix siècles. Avant la tourmente révolutionnaire. Alors que l’idée de Nation qui permet de conquérir ou annexer des terres qui parlent la même langue ou de faire exploser d’autres Etats parce qu’ils sont multilingues est un principe destructeur qui a pour effet de semer guerres et révolutions. Exportée à travers l’Europe et le monde. De ce principe sont nées ces guerres de 1870, de 14-18, de 39-45.** Et leurs dizaines de millions de morts à travers le monde.** « Qui sème le vent, récolte la tempête ». On ne sème pas le vent des idées révolutionnaires, sans récolter la tempête des pleurs et des grincements de dents, et des morts par millions.

    C’était là un survol de cette histoire du monde, de 1789 à nos jours, dans l’application de ces principes de la Révolution : « une Nation, une langue » - « une langue, une Nation ».

  • Vérités parallèles, par Marc Obregon.

    Ainsi, le gouvernement français a envoyé ses petits pages évangéliser le peuple ingrat : Macron entend « lutter activement contre le complotisme », c’est même devenu un « enjeu majeur ».

    3.jpgC’est sûr que depuis que les réseaux mettent au même niveau un tweet de Micheline et un tweet du président de notre Belle France, la vérité n’est plus ce qu’elle était. Mais ne doit pas imputer ce glissement tectonique du Vrai aux politiques eux-mêmes qui se sont engouffrés dans les réseaux avec une joie pubère et décomplexée ? Un président, un ministre, un journaliste politique doit-il « tweeter » ?

    Je viens d’un temps où les réseaux sociaux étaient encore considérés comme des trucs d’ados, des jouets électroniques pour gosses en manque de visibilité. Aujourd’hui, dans notre réel « désiloté » comme disent les consultants en agilité – payés 80k par an pour mettre des post-it dans les entreprises – il va de soi que la Vérité, c’est-à-dire le consensus cognitif qui relie à peu près tous les hommes, se désagrège au prix d’un réel segmenté, tronçonné en cellules individuelles, domestiques. Autant de mythologies personnelles qui se chargent de déconstruire peu à peu la confiance dans la réalité du monde, et pas seulement dans nos instances administratives ou politiques.

    Autant de vérités parallèles qui sabordent peu à peu le substrat social, historique, sur lequel nous avons patiemment fondé notre civilisation. A qui la faute ? Si le combat contre le complotisme prend des allures de chasse aux sorcières, c’est bien parce que chaque complotiste est le golem de la modernité, cette modernité que nos tech-entreprises et nos administrations de plus en plus décomplexées ont contribué à mettre sur le devant de la scène. En nous isolant du monde, de l’histoire, en transférant nos existences dans un placard à balais aux dimensions cosmiques, le pouvoir a congédié l’homme occidental : subjugué par le spectacle de la dromomanie généralisée, il n’a eu d’autre choix que de créer sa propre réalité, une sorte de mythologie infantile hâtivement bricolée autour de vieux fantasmes, mais surtout, à partir d’une frustration inédite.

    Car le babillement incessant des réseaux, le brouhaha continu des chaines d’informations, cette prise de parole constante qu’est devenue la place publique virtualisée, ultra synchronisée, a non seulement réduit la surface du globe mais a également comprimé le temps de l’histoire : impossible d’introduire quoi que ce soit désormais dans ce bloc d’informant ultra-synchrone à lui-même, ultra-automatisé, ultra-fractalisé. Le moindre doute s’y transforme en parodie de doute. Le moindre oubli se transforme en loi mémorielle. La moindre insulte se transforme en horions de la foule en délire. Le complotiste souffre de paramnésie tout autant que le politique qui s’affranchit du legs de l’histoire pour parvenir à ses fins.

    Derrière chaque complotiste, il y en cause un haut-fonctionnaire fébrile qui manipule lui-même l’histoire pour la faire rentrer au forceps dans son cahier des charges de petit énarque avide. Les complotistes, les bisons pas futés qui hantent les capitoles, les réseaux Qanon et les babouches brusquement revenues à un temps mythique où elles pouvaient profiter sans problème de leurs harems de chèvres angora : tous sont vos créations, ô Archontes de la Très Sainte Démocratie Libérale. La Vérité, elle, n’a jamais été démocratique : ce qui l’est, c’est sa pulvérisation en une myriade de discours contigus, de palabres et de syncrétismes artificiels qui forcent le trait, dissolvent les nuances dans le grand bain amniotique des forclusions numériques.

    « Nous devons réarmer nos démocraties contre ceux qui essayent de les faire tomber », affirmer Stanislas Guérini avec morgue, avalisant que sa démocratie à lui, c’est une sorte de gros flingue en manque de cartouches…Et sans comprendre que les démocraties modernes sont précisément ce qui font tomber la Démocratie. La post-démocratie panoptique dans laquelle nous entrons est une béquille truquée qui fait chuter l’Histoire à chacun de ses pas dans ce Nouveau Siècle Barbare. Si nos édiles fermaient leurs propres réseaux et projetaient leur regard plus loin, plus haut, si elles avaient encore quelque idée du Bien Commun et du destin national, alors il y aurait fort à parier que les tentations complotistes s’éteindraient peu à peu. Si nos élites pouvaient, ne serait-ce qu’un instant, cesser de mentir, d’ajuster, de modifier la réalité dans les athanors puants du discours officiel, alors les complotistes reviendraient à leurs marottes d’avant, la pêche à la ligne ou les jeux vidéo (en ligne).

    Si Guérini dénonce avec autant d’aplomb la « post-vérité » et les « fake news », qui font si peur au gouvernement, c’est bien parce qu’ils en sont les premiers producteurs : la post-vérité, c’est précisément l’homoncule démocratique, la conséquence de ce que Virilio appelait « « l’illuminisme électronique » et qui a transformé les sociétés modernes en vastes terrains de jeux, en bacs à sable où la réalité s’effondre cycliquement sous les gros doigts potelés de gouvernants en culottes courtes. Una salus victis, nullam sperare salutem. *

    Par Marc Obregon

    * Le seul salut pour les vaincus, c’est de n’en plus espérer aucun.

     

    Sources :  https://lincorrect.org/

    https://artofuss.blog/

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  • Croisades et effacements, par Charles de Meyer.

    Penchez-vous sur le Proche-Orient sans renier ni votre catholicisme, ni l’héritage de vos Pères, et l’on vous brandira immédiatement le procès en nouvelle croisade.

    Nostalgiques, naïfs, esprits rétrogrades, les noms d’oiseau s’étaleront dans toute leur variété. Les fulminateurs ne s’embarrassent pas d’intelligence historique, ils ont pour eux la rumeur qui tient, depuis quelques décennies, l’épopée des croisades pour une démonstration de la barbarie du monde chrétien.

    4.jpgLe château de Beaufort, la forteresse de Kérak, les splendeurs du Krak des Chevaliers, dans leurs vestiges et leur superbe, sont pourtant bien éloignés de la bestialité. À l’inverse, l’abandon des sociétés européennes de leur attachement, si féroce fut-il, à Jérusalem n’a pas conduit la ville à l’apaisement espéré. Les récents évènements le démontrent avec éclat.

    Au temps du décolonialisme, la croisade jouit de moins d’attraits. Il est au Proche Orient des appropriations culturelles que chacun devrait révérer et des entreprises de préservation qui mériteraient un repentir assidu et permanent.

    Le livre de de Gabriel Martinez-Gros, De l’autre côté des Croisades, vient nous permettre d’y voir plus clair. Dès l’introduction il rappelle que « Pour les historiens arabes les plus lucides, ce que nous appelons les croisades entre dans le récit plus vaste de l’effondrement de l’Empire islamique. » Il rappelle à cet égard les passionnantes méditations de deux historiens arabes : Ibn al-Athir et Ibn-Khaldun. De la théorie complète de l’un à l’effroi devant la disparition d’un monde de l’autre, le chercheur tire plusieurs leçons qui offrent, pour l’Européen, l’occasion de décentrer son regard des culpabilités que certains voudraient lui faire porter pour en arriver à la compréhension du moment. Entre la vigueur anémiée des cartels dirigeants de certains royaumes musulmans et l’énergie trépidante et sanguinaire des chevauchées mongoles, c’est tout un déplacement du pouvoir qui s’opéra dans l’Empire islamique. La Perse, puis Bagdad, Damas enfin, virent leur superbe ravie par Le Caire. Jérusalem, à cet égard, ne détenait pas l’importance que les Latins lui conféraient. Rappelons ainsi que le Sultan Al-Kamil n’offrit pas pour rien à Frédéric II Barberousse la paix en Egypte contre la domination à Jérusalem en 1229 par l’accord de Jaffa. Saint Louis ne débarqua pas non plus pour rien au pays du Nil tant les Ayyoubides opinaient nettement de l’autre côté de la Mer Rouge pour asseoir leur puissance.

    L’auteur de fournir cette explication : « Ainsi considérée, l’histoire des croisades nous ôte beaucoup de notre culpabilité et beaucoup de notre importance. C’est ce qui la rend si difficile à admettre. Nous préférons être coupables, si c’est le prix à payer pour rester au centre de l’histoire. » Comme toujours, notre regard sur le passé informe notre implication dans le présent. Le rapport aux croisades dans les « élites » intellectuelles et dirigeantes frottées de Proche-Orient n’y déroge pas. Georges Corm place la chose sous le signe de l’émotion en écrivant, dans son Histoire du Moyen Orient[1] : « Les croisades constituent un moment émotionnel toujours présent aujourd’hui dans la conscience des Européens et des Moyens Orientaux ». C’est cependant une émotion qui ne vient plus de la même vibration : quelques orientaux en font un motif de revanche quand la plus grande partie des Occidentaux portent cet héritage comme une cliquette.

    Là ou Corm apporte un propos essentiel c’est plutôt quand il rappelle la « coupure si irrémédiable » entre le monde latin et le monde byzantin. Déjà, le soupçon aurait pu poindre quand l’Empereur Jean Tzimicès avait détourné ses troupes de Jérusalem pour sécuriser des ports levantins en 975. Voulait-il cependant autant que les Arabes et la chrétienté latine dominer la Méditerranée tant convoitée ; et dont la maîtrise continue d’orienter nos politiques internationales ? L’Europe d’aujourd’hui ne ressemble-t-elle pas d’ailleurs à l’Empire romain d’Orient d’alors dans cet atermoiement ? Elle est sans doute trop couarde pour embrasser l’énergie d’un Urbain II dont René Grousset nous rappelle l’impressionnant défi : « on ne soulève pas l’Europe, on ne bouleverse pas la face du monde sans entraîner des remous ».[2] Qui sont les catholiques européens qui ne craignent pas les remous ?

    Gabriel Martinez-Gros, De l’autre côté des croisades, 2021, Editions Passés Composés

    [1]  Georges Corm, Histoire du Moyen-Orient, La Découverte

    [2]  René Grousset, L’Épopée des croisades, nouvelle édition 2017, Tempus, Perrin

     

    Illustration : Histoire des Mongols (vers 1440) de Rashīd al-Dīn

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La gênante Slovénie au centre de l’Europe, par Jean-Baptiste Noé.

    La Slovénie vient de prendre la présidence tournante de l’Union européenne alors que ses cyclistes brillent sur le Tour de France. Son Premier ministre fait paniquer les membres de la Commission. Une position politique impossible à comprendre sans connaître l’histoire de ce pays construit dans la résistance au totalitarisme.

    5.jpgLe pays qui dirige l’Union européenne depuis le 1er juillet est une énigme. Deux millions d’habitants, soit autant que Paris, situé à la lisière des Alpes, frontalier de la Croatie et ancien membre de la Yougoslavie, la Slovénie est l’un des inconnus de l’UE. La position « illibérale » de son Premier ministre Janez Jansa inquiète Bruxelles et témoigne de la fracture grandissante entre l’Ouest et l’Est. Méconnue il y a encore quelques mois, la Slovénie est entrée dans l’Europe par la grande porte : un doublé au Tour de France en septembre 2020, emporté par le jeune prodige Tadej Pogačar et de nouvelles victoires d’étape pour l’édition 2021, témoignant que le cyclisme slovène ne se limite pas à une personne. Pour atteindre un si haut niveau sportif, il faut pouvoir disposer de nombreuses infrastructures nationales. Ces victoires placent la Slovénie dans la cour des grands.

     

    Mais son Premier ministre gêne. Il est présenté comme étant proche de Viktor Orban et populiste, ce qui permet certes de le discréditer, mais empêche de comprendre sa pensée et les raisons de son engagement politique. Né en Yougoslavie en 1958, il a connu le régime de Tito et la terreur communiste. Lui-même journaliste indépendant, il a payé cette liberté en prison. Comme les hommes politiques de sa génération, c’est une personne qui a été façonnée dans le combat contre le totalitarisme communiste et, cas particulier de la Yougoslavie, pour l’indépendance de son pays face à Belgrade. La répression communiste d’une part et la très violente guerre de Yougoslavie d’autre part ont façonné sa façon de sentir la politique et de comprendre la place de son pays en Europe. Comme de nombreux autres dirigeants d’Europe de l’Est, il ne supporte pas le mépris dont il estime être victime de la part de Bruxelles et de l’Ouest.  

     

    Dialogue impossible

    Compte tenu de la complexité de l’Union européenne, la présidence de l’UE est un poste honorifique sans réel pouvoir. Janez Jansa ne pourra donc rien y faire, d’autant plus que son influence face à l’Allemagne ou à la France est nulle. Pousser de hauts cris ou manifester à Bruxelles lors de sa prise de poste sert donc surtout à jouer à se faire peur. Mais cela témoigne d’un dialogue impossible et d’une incompréhension grave entre les deux parties de l’Europe, situation très bien mise à jour par Chantal Delsol dans son dictionnaire La Vie de l’esprit en Europe centrale et orientale (Le Cerf, 2021).

    L’Ouest ne comprend pas que l’Est a vécu près de cinquante ans de terreur communiste, que leur indépendance a été chèrement acquise.

    L’Ouest ne comprend pas que l’Est a vécu près de cinquante ans de terreur communiste, que leur indépendance a été chèrement acquise et que les peuples ont dû développer des anticorps culturels pour ne pas sombrer dans le marxisme triomphant. L’attachement à sa culture, à la nation, à la subsidiarité est devenu incompréhensible à l’Europe de l’Ouest, qui n’a toujours pas compris non plus pourquoi le Royaume-Uni a demandé à partir. À l’Est, l’incompréhension est aussi de mise à l’égard de l’Ouest. On ne comprend pas l’individualisme, le soutien aux minorités, le peu de cas accordé à l’histoire. Ce qui est désormais visible aux yeux de tous, c’est que s’il y a une même Union, un même Parlement et des institutions identiques, il y a deux visions complètement différentes et antinomiques de l’Union. Berlin et Paris l’ont construite pour éviter les drames des guerres mondiales et s’en prémunir en sortant de l’histoire. Les pays d’Europe de l’Est au contraire, refusent cette sortie et acceptent le tragique de l’histoire. Ils veulent bien les subsides de l’UE pour bâtir des infrastructures et pour se moderniser, mais ils ne veulent pas les idées de l’UE. 

     

    Divorce inéluctable ? 

    S’il est impossible de se comprendre et de se parler, le divorce est-il inéluctable ? Si l’UE exclut la Hongrie, puis la Pologne et pourquoi pas la Slovénie, ce sont toutes les promesses de la fin du communisme qui seront évaporées et l’impossibilité de construire une unité européenne qui sera actée. Pour l’instant, Bruxelles ne cherche pas tant à exclure qu’à réduire au silence et à faire émerger des oppositions à ces régimes illibéraux, pourtant arrivés au pouvoir de façon démocratique. La présidence de Janez Jansa ne servira pas à grand-chose pour l’UE, sauf à mettre une nouvelle fois à jour les failles intellectuelles du continent et la difficulté à concilier les histoires et les rapports au politique. Reste peut-être le Tour de France qui, dans la coloration des drapeaux nationaux agités le long des routes et la ferveur populaire suscitée par les coureurs cyclistes, témoigne qu’il est possible d’être uni dans la diversité. Un message pour Bruxelles ? 

    Source : https://fr.aleteia.org/

  • Éphéméride du 1er mars

    1974 : Le G.I.G.N. devient opérationnel

     

     

     

    487 : Vengeance de Clovis à Soissons 

     

     

    1er mars,clovis,vase de soissons,francs,eglise,guerres de religion,huguenots,henri iv,essais,montaigne,la quintinieAlors qu'il passe ses troupes en revue le roi des Francs reconnaît un soldat qui, un an auparavant, l'avait défié en abîmant d'un coup de hache un vase liturgique en argent qu'il voulait offrir, ou restituer, à l'évêque de Reims.

    Il reproche à l'homme sa tenue négligée et jette ses armes à terre. Le guerrier se penche pour les ramasser et Clovis en profite pour lui asséner un coup de sa propre hache sur la tête. "Ainsi as-tu fait, à Soissons, avec le vase" lui dit-il.

    L'épisode est largement plus symbolique que proprement historique. Si plusieurs sources et traditions le situent un premier mars, l'intérêt essentiel du fait n'est pas là. Ce qu'il est important de montrer, pour Clovis, c'est son attachement indéfectible et son alliance concrète avec l'Église. Dans un rapport d'aide, d'appui et d'intérêt mutuel et réciproque.     

    D'où l'importance de frapper les esprits par des symboles forts, comme l'histoire de ce soldat...

     

    "Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L'élément décisif pour moi, c'est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs"  (Charles de Gaulle).

    Sur Clovis, et l'importance capitale de son règne, voir : l'Éphéméride du 25 décembre (baptême de Clovis) ; l'Éphémeride du 27 novembre (sa mort) ; et, sur les batailles décisives de Tolbiac et Vouillé, l'Éphémeride du 10 novembre (bataille de Tolbiac), et l'Éphémeride du 25 mars (bataille de Vouillé).

     

    Quant au vase lui-même, il ne fut pas brisé, mais simplement cabossé :

    http://histoireenprimaire.free.fr/citations/soissons.htm 

     

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    600 : Mort de Saint Amant de Boixe

     

    C'est en son honneur, et sur les lieux où il vécut, que fut fondée l'Abbatiale de Saint Amant, à Boixe :

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    https://abbayesaintamantdeboixe.fr/labbaye/

     

     

     

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    Vers 890 : Décapitation de saint Léon à Bayonne, et, depuis, célébration de son martyre...

     

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     Dans la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne, le reliquaire contenant la mâchoire de Saint Léon

    http://nominis.cef.fr/contenus/SaintLeonBayonne.pdf

     

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    1562 : Premier massacre des Guerres de religion en France

     

    Dans le village de Wassy en Champagne, quatre-vingt protestants sont assassinés par les hommes du duc de Guise, alors qu'ils participaient à la célébration du culte.

    Ce massacre marque le début de la première guerre de religion. Le 10 mars, le chef des huguenots, Louis de Condé, appelle les protestants à prendre les armes et à venger les villageois de Wassy. Le conflit prendra fin, temporairement, en mars 1563 quand catholiques et protestants signeront la Paix d'Amboise.

    Mais ce n'est, en fait, qu'à l'accession au trône d'Henri IV ( 1594 ) que ce chapitre sombre de notre histoire sera définitivement tourné. Encore que l'assassinat d'Henri IV, en 1610, soit une lointaine et ultime conséquence de ces guerres... 

    MASSACRE DE WASSY.jpg
    Massacre de Wassy (1er mars 1562)
    Gravure de Hogenberg. - B.P.U. Genève
     
     
     
     

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    1580 : Première édition des "Essais"

     

    Elle est publiée à Bordeaux.

    Tout au long de sa vie Montaigne n'aura de cesse de travailler et de retravailler sur les "Essais" jusqu'à sa mort en 1592.

    Une dernière édition, posthume, paraîtra en 1595.

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    1626 : Naissance de Jean-Baptiste de La Quintinie

     

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    Sa statue dans le Potager du Roi, à Versailles...

     

    D’abord avocat, Jean-Baptiste de La Quintinie, après un voyage en Italie, changea de carrière et devint jardinier.

    En 1661, il fut chargé par Nicolas Fouquet des jardins de Vaux-le-Vicomte. Il fit ainsi partie de la remarquable équipe de créateurs réunis par le Surintendant, avec Le Nôtre, Le Vau, Le Brun…

    Après la chute de Fouquet, toute l’équipe qu’il avait réunie passa au service de Louis XIV, La Quintinie fut d’abord chargé de gérer le Potager créé par Louis XIV à Versailles et de fournir en fruits et légumes la table du roi, mais il s’occupa également des jardins de Chantilly (chez le prince de Condé), de Choisy-le-Roi (chez Mademoiselle de Montpensier), de Rambouillet (chez le duc de Montausier), et de Sceaux (chez Colbert).

    Le 17 mars 1670, Il fut présenté par Colbert à Louis XIV qui le nomma Directeur des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales . En 1678, il entreprit la création du nouveau Potager du roi, achevé cinq ans plus tard en 1683, et classé Monument historique en 1921.

    Il fut anobli en 1687 par Louis XIV, et mourut un an plus tard, le 11 novembre 1688 : Louis XIV déclara à sa veuve :

    "Madame, nous avons fait une grande perte que nous ne pourrons jamais réparer."

     

     http://jardin-secrets.com/jean-baptiste-de-la-quintinie-article-609,964,fr.html

    • http://www.potager-du-roi.fr/site/pot_histoire/jean_baptiste_la_quintinie.htm

     

     

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    1768 : Une ordonnance royale prescrit la numérotation des maisons, rue par rue, dans toutes les villes de France

     

    Voulue par Louis XV pour faciliter le logement des troupes, cette mesure s'inscrit, en réalité, dans le vaste mouvement de recensements statistiques, commencé dès la fin du XVIIème siècle; et dans lequel l'abbé Terray (ci dessous) prendra la mesure la plus originale, qui sera obéie jusqu'en 1790 !...

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  • Rod Dreher : « Si nous ne sommes pas prêts à souffrir, nous sommes perdus », par BENJAMIN BOIVIN pour le maga­zine : « L

    Rod Dre­her est par­mi les commen­ta­teurs chré­tiens de ten­dance conser­va­trice les plus connus en Occi­dent, du moins aux États-Unis. Il s’est sur­tout fait connaitre outre-mer avec son livre Le pari béné­dic­tin, qui pro­pose une réflexion sur l’avenir des chré­tiens en Occi­dent. Il a accep­té de répondre à nos ques­tions sur son der­nier ouvrage, Résis­ter au men­songe : vivre en chré­tiens dis­si­dents, paru chez Artège en avril dernier. 

    9.pngDepuis le début de la crise sani­taire les com­men­ta­teurs poli­tiques s’indignent dès que l’on parle de l’évolution de notre socié­té vers un sys­tème tota­li­taire, on nous rap­pelle inlas­sa­ble­ment que les lois sont votées au par­le­ment (crou­pion) et que le conseil consti­tu­tion­nel, tota­le­ment insoup­çon­nable d’une moindre allé­geance au pou­voir, valide les déci­sions, nous sommes donc en démo­cra­tie, fer­mez le ban. Rod Dre­her, d’outre Atlan­tique nous rap­pelle que le livre pro­phé­tique d’Aldous Hux­ley « le meilleur des mondes » nous explique que le par­fait tota­li­ta­risme est celui du condi­tion­ne­ment habile qui nous fait dési­rer nos fers. Dans ce docu­ment il n’est pas ques­tion de COVID, mais de cette notion à laquelle il fau­dra doré­na­vant nous habi­tuer : Le tota­li­ta­risme mou, qui s’applique ici à la révo­lu­tion socié­tale anti-chré­tienne et qui ins­tru­men­ta­lise l’être humain. (AF)

    L’un des traits dis­tinc­tifs de votre nou­veau livre est la place accor­dée aux témoi­gnages de chré­tiens dis­si­dents de l’ancien bloc sovié­tique. Pou­vez-vous com­men­cer par nous dire ce qui vous a ins­pi­ré l’écriture de ce livre ? S’agit-il en quelque sorte d’un pro­lon­ge­ment de votre « pari bénédictin » ? 

    Oui, c’est une conti­nua­tion du pari béné­dic­tin, même si je ne l’avais pas pré­vu ain­si. Le pari béné­dic­tin est un livre pour les chré­tiens qui vivent dans un monde où le chris­tia­nisme s’effondre. Un monde qui devient moins chré­tien. Il s’agit de savoir com­ment résis­ter à la déca­dence de l’Église. Résis­ter au men­songe est un livre sur la manière de résis­ter à l’hostilité venant de l’extérieur de l’Église, d’une socié­té qui nous per­sé­cute de plus en plus. C’est quelque chose qui pro­gresse à un rythme cho­quant, cer­tai­ne­ment aux États-Unis ; et je pense qu’au Cana­da, cela va encore plus vite et plus loin. 

    J’ai eu l’idée de ce livre, il y a envi­ron cinq ou six ans. Un jour, j’ai reçu un appel télé­pho­nique d’un méde­cin amé­ri­cain, un catho­lique, qui m’a dit : « Écou­tez, vous ne me connais­sez pas, mais je dois racon­ter cette his­toire à un jour­na­liste. Je pense que c’est important. » 

    Il m’a par­lé de sa mère, qui est assez âgée et qui vit avec lui et sa femme. Au début de sa vie, elle avait pas­sé plu­sieurs années dans un camp de pri­son­niers dans sa Tché­co­slo­va­quie natale, où elle était accu­sée d’être une espionne du Vati­can. Pour­quoi ? Parce qu’elle conti­nuait d’aller aux réunions de prière de sa paroisse catho­lique. Les com­mu­nistes l’ont donc mise en pri­son. Après sa sor­tie, elle a émi­gré en Amé­rique, a ren­con­tré son père et a pas­sé le reste de sa vie aux États-Unis. Mais ici, vers la fin de sa vie, la vieille femme a dit : « Mon fils, les choses que je vois se pas­ser en Amé­rique aujourd’hui me rap­pellent ce qui se pas­sait quand le com­mu­nisme est arri­vé dans mon pays ». 

    Quand le doc­teur m’a dit cela, j’ai pen­sé : « Ma mère est vieille, elle regarde beau­coup les infor­ma­tions à la télé­vi­sion, elle est très alar­mée par les choses qu’elle y voit. Peut-être que c’est ce qui se passe avec cette vieille femme. » Mais je me suis pro­mis que chaque fois que je ren­con­tre­rais quelqu’un du bloc sovié­tique, je lui deman­de­rais : « Alors, est-ce que les choses que vous voyez aujourd’hui vous rap­pellent ce que vous avez lais­sé der­rière vous ? » Cha­cun d’entre eux répon­dait : « Oui. » Si vous par­lez avec eux assez long­temps, vous décou­vri­rez qu’ils sont très en colère parce qu’aucun Amé­ri­cain ne les prend au sérieux, parce que nous, en Amé­rique du Nord, pen­sons que cela ne peut pas arri­ver ici. 

    Mais ces gens savent ce qu’ils voient et ils ont aus­si du mal à l’accepter, car cela ne res­semble pas exac­te­ment à ce qu’ils ont lais­sé der­rière eux. Dans la plu­part des cas, ils ont lais­sé der­rière eux des États poli­ciers, où les gens allaient en pri­son pour leurs convic­tions, où la police secrète les espion­nait en per­ma­nence, où l’on ne pou­vait faire confiance à per­sonne, etc. Ce n’est pas ce qui se passe ici. Du moins, pas encore. 

    Mais ce qu’ils constatent, c’est que les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent vrai­ment par crainte non pas d’aller en pri­son, mais par crainte de perdre leur emploi, de voir leur répu­ta­tion pro­fes­sion­nelle rui­née, de perdre des membres de leur famille et des amis. Ils voient cer­tains livres être trai­tés comme s’ils étaient toxiques, être effec­ti­ve­ment inter­dits, même si aucune loi n’a été adop­tée pour inter­dire des livres. Et ils voient des gens être sépa­rés sur la base de leur race, de leur iden­ti­té sexuelle, etc. 

    Cela leur rap­pelle ce qui se pas­sait dans le vieux pays : si le gou­ver­ne­ment qua­li­fiait quelqu’un de « bour­geois » ou d’un autre nom indi­quant qu’il était oppo­sé à la révo­lu­tion, alors vous ne deviez rien dire d’autre à son sujet, il était consi­dé­ré comme un enne­mi du peuple. On voit ce qui se passe aujourd’hui quand on traite les gens de racistes, d’homophobes ou de trans­phobes. C’est la même chose. Et c’est pour­quoi j’ai appe­lé ça du tota­li­ta­risme mou. Il n’est pas dur au sens de la per­sé­cu­tion, comme c’était le cas dans le bloc sovié­tique, mais c’est tout de même un tota­li­ta­risme parce qu’il insiste sur le fait qu’il n’y a qu’une seule façon de com­prendre le monde, et que les gens doivent être punis s’ils ne la par­tagent pas. 

    Vous par­lez sou­vent de tota­li­ta­risme mou. Com­ment le défi­nis­sez-vous ? Dans quelle mesure se dis­tingue-t-il du tota­li­ta­risme au sens clas­sique, notam­ment par rap­port à l’expérience sovié­tique ? Parle-t-on de tota­li­ta­risme au sens fort ou plu­tôt au sens analogique ?

    Je pense qu’il est plus proche de la réa­li­té, mais il y a plu­sieurs rai­sons pour les­quelles je le qua­li­fie de mou. 

    Tout d’abord, il n’y a pas de gou­lags, il n’y a pas de police secrète, donc on ne peut pas vrai­ment dire que ce soit proche du tota­li­ta­risme dur du bloc sovié­tique. Néan­moins, les gens ont tou­jours peur pour leur emploi, ils ont tou­jours peur de dire ce qu’ils pensent. Toutes ces carac­té­ris­tiques qui étaient pré­sentes dans la socié­té sovié­tique sont de plus en plus pré­sentes dans nos démo­cra­ties libérales. 

    Si vous regar­dez la défi­ni­tion du tota­li­ta­risme, il n’est pas stric­te­ment néces­saire qu’il y ait un gou­ver­ne­ment auto­ri­taire der­rière. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’une socié­té dans laquelle une seule idéo­lo­gie est auto­ri­sée, et où chaque aspect de la vie est idéo­lo­gique. C’est pour­quoi nous pou­vons l’avoir dans une démo­cra­tie libérale. 

    Le gou­ver­ne­ment des États-Unis — et le gou­ver­ne­ment du Cana­da, pour autant que je sache — ne vous pour­sui­vra pas pour avoir cru ou dit des choses cho­quantes, mais vous pou­vez quand même payer un lourd tri­but, parce que les grandes entre­prises vous pour­sui­vront, les uni­ver­si­tés vous pour­sui­vront, la foule de Twit­ter vous atta­que­ra, votre Église pour­rait vous atta­quer, etc. Vous n’avez pas besoin d’aller en pri­son pour perdre beau­coup en offen­sant l’idéologie domi­nante, que nous appe­lons « woke ».

    Un deuxième aspect de la mol­lesse est le fait que tout est fait au nom de la com­pas­sion. Nous n’avons pas le droit de dire quoi que ce soit qui puisse être consi­dé­ré comme une cri­tique des per­sonnes trans, par exemple, car si nous le fai­sons, nous pour­rions les pous­ser au sui­cide. C’est ce qu’on nous dit. Nous n’avons pas le droit de cri­ti­quer Black Lives Mat­ter parce que nous devons être com­pa­tis­sants envers les Afro-Amé­ri­cains qui ont souf­fert de discrimination. 

    Il défi­nit la com­pas­sion comme le fait d’être d’accord sans dévia­tion avec un pro­gramme idéo­lo­gique par­ti­cu­lier. Par consé­quent, les per­sonnes qui n’affirment pas l’idéologie du genre, par exemple, ne peuvent pas faire preuve de com­pas­sion, quelle que soit leur dou­ceur envers les per­sonnes trans. C’est une forme de contrôle poli­tique. Lorsque vous voyez à quel point les gens sont ter­ri­fiés au sein des uni­ver­si­tés, des entre­prises, de tant d’institutions de notre socié­té, que vous voyez à quel point ils sont ter­ri­fiés à l’idée de s’opposer à ce pro­gramme idéo­lo­gique, cela vous indique qu’il se passe quelque chose de totalitaire. 

    Il est beau­coup plus dif­fi­cile de résis­ter à ce type de tota­li­ta­risme, car si vous l’acceptez, vous vous sen­tez bien. 

    Notre idée du tota­li­ta­risme est for­te­ment ins­pi­rée de celle de 1984 de George Orwell. Ce à quoi nous avons affaire main­te­nant, ce tota­li­ta­risme mou, res­semble beau­coup plus au Meilleur des mondes d’Aldous Hux­ley. Dans Orwell, l’État oblige les gens à se confor­mer en leur fai­sant craindre de souf­frir. Dans la dys­to­pie d’Huxley, l’État oblige les gens à se confor­mer en contrô­lant leurs plai­sirs. Il leur donne des diver­tis­se­ments constants, des drogues constantes, du sexe. Tout ce que vous vou­lez pour vous rendre heu­reux, l’État vous le donnera. 

    Mus­ta­pha Menier, une figure majeure du roman, appelle cela le chris­tia­nisme sans larmes. C’est beau­coup plus ce à quoi nous sommes confron­tés aujourd’hui, l’idée que la pire chose à laquelle nous pou­vons faire face est l’anxiété, que la souf­france est la pire chose au monde. Tout ce qui sou­lage la souf­france est donc jus­ti­fié. Il est beau­coup plus dif­fi­cile de résis­ter à ce type de tota­li­ta­risme, car si vous l’acceptez, vous vous sen­tez bien. 

    Dans votre livre, vous expri­mez un cer­tain nombre d’inquiétudes à l’égard des grandes entre­prises. Est-elle au pro­gres­sisme contem­po­rain ce que l’État était aux tota­li­ta­rismes du pas­sé, notam­ment sovié­tique ? Com­ment cela fonctionne-t-il ?

    En par­tie, oui. Ce qui rend le tota­li­ta­risme mou si inté­res­sant pour moi en tant que phé­no­mène par rap­port au tota­li­ta­risme pas­sé, c’est que, pour l’instant du moins, il n’implique pas vrai­ment l’État. Il implique plu­tôt la plu­part des ins­ti­tu­tions de la socié­té civile. 

    Nous avons vu cette idéo­lo­gie tra­ver­ser les ins­ti­tu­tions de la socié­té civile en Amé­rique du Nord, les uni­ver­si­tés, les médias, le droit, la méde­cine et ain­si de suite, mais la plus grande chose qu’elle a conquise, ce sont les grandes entre­prises, parce que les entre­prises sont si puis­santes dans notre culture consu­mé­riste que si elles décident de pro­mou­voir une idéo­lo­gie, elles dis­posent d’immenses res­sources pour le faire. 

    Dans le tota­li­ta­risme mou, les entre­prises jouent le rôle joué par l’État dans le tota­li­ta­risme dur.

    Pen­dant la majeure par­tie de ma vie, le monde des affaires s’est tenu à l’écart de tout ce qui était contro­ver­sé parce qu’il sup­po­sait que c’était mau­vais pour les affaires. Mais vers 2010, les entre­prises ont com­men­cé à deve­nir vrai­ment progressistes. 

    En 2015, juste avant la déci­sion Ober­ge­fell — la déci­sion de la Cour suprême des États-Unis léga­li­sant le mariage homo­sexuel — l’État de l’Indiana a adop­té une loi qui aurait don­né aux per­sonnes reli­gieuses une cer­taine pro­tec­tion s’ils étaient pour­sui­vis pour dis­cri­mi­na­tion. Cela n’aurait pas garan­ti qu’ils gagnent, mais cela leur aurait don­né un argu­ment pour défendre leur liber­té reli­gieuse. Les grandes entre­prises ont atta­qué mas­si­ve­ment l’État de l’Indiana. Une coa­li­tion de socié­tés comme AppleSales­force — de grandes socié­tés — a dit à l’État de l’Indiana : « Si vous n’abrogez pas cette loi, vous serez sévè­re­ment sanc­tion­nés ». L’État a abro­gé la loi et aucun autre État n’a essayé d’adopter ce type de loi depuis lors, même si la loi de l’État était cal­quée sur une loi fédé­rale amé­ri­caine exis­tante qui avait été adop­tée en 1993. 

    Ce fut le Water­loo du conser­va­tisme social en Amé­rique, car pour la pre­mière fois, les entre­prises se sont oppo­sées de manière très dure à cet acte d’une légis­la­ture démo­cra­ti­que­ment élue, l’obligeant à se rétrac­ter pour des rai­sons socia­le­ment pro­gres­sistes. Depuis lors, le monde des affaires est deve­nu encore plus « woke », non seule­ment en ce qui concerne les per­sonnes LGBTQ+ mais aus­si, bien sûr, en ce qui concerne l’identité raciale. En ce sens, dans le tota­li­ta­risme mou, les entre­prises jouent le rôle joué par l’État dans le tota­li­ta­risme dur.

    Dans la pre­mière par­tie de votre livre, vous vou­lez infor­mer vos lec­teurs des dan­gers d’un tota­li­ta­risme mou. Dans la seconde par­tie, vous cher­chez à les y pré­pa­rer. Quels sont les prin­cipes à suivre pour se défendre contre la menace d’un tota­li­ta­risme mou tel que décrit dans votre livre ? 

    Comme vous le dites, la deuxième moi­tié du livre porte sur ce sujet. Il s’agit d’histoires racon­tées par des dis­si­dents catho­liques, pro­tes­tants et ortho­doxes qui l’ont vécu et qui ont des conseils à nous don­ner. La chose la plus impor­tante que nous puis­sions faire est de com­prendre que nous devons défendre la véri­té, quoi qu’il nous en coute. Si nous ne croyons pas que la véri­té est la chose la plus impor­tante, alors nous nous per­sua­de­rons de n’importe quoi, nous accep­te­rons de capi­tu­ler devant n’importe quoi. 

    Le titre du livre Résis­ter au men­songe pro­vient d’un essai que Sol­je­nit­syne a écrit à ses par­ti­sans en Rus­sie en 1974, juste avant que les Sovié­tiques ne l’expulsent. Il leur disait : « Écou­tez, nous n’avons pas le pou­voir de faire quoi que ce soit contre ce gou­ver­ne­ment tota­li­taire, mais la seule chose que nous pou­vons faire est de refu­ser de dire des choses aux­quelles nous ne croyons pas ». Et il leur a don­né

  • Vendée Résistance... (3/3) : Le discours d'Alexandre Soljénitsyne aux Lucs sur Boulogne

             Certes, on trouve ce document dans notre Catégorie "Grands Textes". C'est même le premier d'entre eux, celui avec lequel nous avons inauguré cette série. Il s'insère cependant à ce point dans notre réflexion engagée à partir de l'encart du Figaro que nous avons pensé utile de le présenter de nouveau, plutôt que de nous contenter d'indiquer au(x) lecteurs(s) qu'on pouvait le lire dans cette Catégorie.

             En lui redonnant, en quelque sorte, les honneurs de la Une, il nous semble que nous rendons plus cohérent cet ensemble de trois notes, centrées sur un essentiel qui ne passe pas, parce qu'il ne peut pas passer, et qu'il convient de correctement nommer, de correctement dater, car de là vient notre déclin. 

             Sur la réalité des révolutions, sur les horreurs qu'elles engendrent, la pensée de Soljénitsyne se "dédouble" dans une vision grandiose et universelle des maux que le monde a connus de leur fait, aux XIX° et XX° siècles. Il appelle de ses voeux le temps où seront érigés, en Russie, des monuments pour témoigner de cette barbarie et souhaite que les Français en fassent autant, non seulement comme objet de mémoire, mais aussi, mais surtout, comme condition d'une renaissance.

     

             Soljénitsyne ouvre à notre réflexion de multiples "pistes" avec, à l'instar du pape Jean-Paul II, la force et l'autorité d'un témoin, d'une victime, en définitive victorieuse....

     

     

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    Texte intégral du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, pour l'inauguration de l'Historial de Vendée .

     

     

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    « M. le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens,

    Il  y a deux tiers de siècle, l'enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n'aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j'aurais l'honneur d’naugurer le monument en l'honneur des héros des victimes de ce soulèvement.

    Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps.

    Longtemps, on a refusé d'entendre et d'accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l'on brûlait vifs, des paysans d'une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu'à la dernière extrémité.

    Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré - ou même seulement de le paraître - passait déjà pour un crime.

    C'est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l'humanité, l'auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIe. De demi¬-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu'elles ruinent le cours naturel de la vie, qu'elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d'une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d'une dégradation durable de la population.

    Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume.
    Désormais, nous comprenons toujours mieux que l'effet social que nous désirons si ardemment peut être obtenu par le biais d'un développement évolutif normal, avec infiniment moins de pertes, sans sauvagerie généralisée. II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd'hui. II serait bien vain d'espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C'est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré.

    La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre! La liberté détruit l'égalité sociale - c'est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel.

    Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIe siècle n'a pas entraîné la ruine de la France, c'est uniquement parce qu'eut lieu Thermidor.

    La révolution russe, elle, n'a pas connu de Thermidor qui ait su l'arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu'au bout, jusqu'au gouffre, jusqu'à l'abîme de la perdition. Je regrette qu'il n'y ait pas ici d'orateurs qui puissent ajouter ce que l'expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L'expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s'est déroulé d'une façon pire encore et à une échelle incomparable.

    De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d'organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n'avons pas eu de Thermidor, mais - et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience - nous avons eu notre Vendée. Et même plus d'une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J'évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s'est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d'assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d'utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l'Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide.

    En inaugurant aujourd'hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXe siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIe siècle. Aujourd'hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée ».

    Alexandre SOLJÉNITSYNE