C'est dans ce très beau local que nous fondâmes notre "groupe jeune" (comme je l'ai raconté ici) et nous le quittâmes, bien sûr, à regret, après n'y a voir passé finalement, que peu d'années...
Il nous fallait trouver autre chose mais, en attendant de "tomber" sur l'autre très beau local, lui aussi idéalement situé, du 35 rue Pavillon, nous prîmes, faute de mieux et comme solution provisoire, le triste et peu sympathique local du 7 rue Dieudé : c'est pourtant là, dans ce local tristounet et franchement "pas terrible" que nous passâmes la période de "Mai 68", marquée essentiellement par trois grands évènements pour notre groupe, dans la même année : la grande bagarre de la salle Mazenod, le 24 février 68 (voir les trois livraisons 14, 15 et 16), le premier Rassemblement royaliste (à Montmajour, le 8 juin 69) et, entre les deux, nous en parlons maintenant, le centenaire de la naissance de Maurras, le 25 octobre 68...
Pour l'occasion, nous voulions faire "quelque chose de bien", et nous demandâmes à Thibon et à Debray de venir, au Château des Fleurs (presque en face du Stade Vélodrome, aujourd'hui "Orange Vélodrome")
Ce 25 octobre 1968, pour évoquer Maurras, Thibon et Debray sont donc les deux orateurs phares de la journée. Ils viendront et se retrouveront par la suite aux Rassemblements royalistes (les premiers à Montmajour, puis un à Saint Martin de Crau et, enfin, tous les autres aux Baux de Provence, dans le Val d'Enfer, sur le terrain que nous prêtait gracieusement François Cornille, un membre de l'URP...
À l'époque, il y a trois quotidiens, à Marseille, tous les trois à côté : le communiste La Marseillaise (qui existe toujours, quasiment sans lecteurs mais riche de grasses subventions...); le journal "de droite" Le Méridional : les deux étaient mitoyens, sur le Cours d'Estienne d'Orves; et, à une trentaine de mètres à gauche, de l'autre côté de la rue Breteuil, le socialiste Le Provençal, rue Francis Davso.
Nous avions "nos entrées" au Méridional, où travaillaient notre ami Robert Oberdorf (ci-dessus, qui s'échappait de la politique et parlait de sport dès qu'il le pouvait) et son compère et ami Jean-Michel Renaud, qui n'était pas "AF" à proprement parler mais qui travaillait main dans la main avec Robert et nous. Lorsqu'eut lieu la malheureuse fusion/marché de dupes qui fit disparaître Le Méridional, Robert partit travailler à Nice Matin et Jean-Michel remonta dans son Nord d'origine, où il intégra La Voix du Nord...
C'est Robert qui publia et signa, dans Le Méridional le compte-rendu suivant :
(sur la photo d'en haut, on a Gustave Thibon, à gauche, Chauvet au centre et Debray à droite; photo d'en dessous : vue de l'assistance...)
Le texte étant illisible, en voici le scripte :
Gustave Thibon et Pierre Debray ont parlé de "Maurras toujours présent"
Il y avait grand monde au "Château des Fleurs" pour entendre Gustave Thibon et Pierre Debray parler de "Maurras toujours présent", à l’invitation de la section marseillaise de la Restauration nationale. placée, comme on le sait. dans la droite ligne de l’Action française.
Après l’entrée en matière de M. Pierre Chauvet, président de l’Union royaliste provençale, heureux de souligner la présence d’une nombreuse jeunesse enthousiaste, Gustave Thibon évoqua le Maurras religieux et poète, cet "éternel blessé du mystère et de la divinité", dont il eut le bonheur immérité d’être l’ami.
"Avant tout, Maurras était un poète et c’est en poète qu’il s’est jeté à la défense du rempart par amour de la cathédrale. On l’a dit insensible. Rien ne fut plus faux. N’est-ce pas Maurras qui a dit de l’insensibilité qu’elle était mère des déraisons ?" En fait, démontra Gustave Thibon, Maurras, "l’homme de la mesure, fut tout le contraire des utopistes idéalistes, des fanatiques de la raison". Et de conclure, au terme d’un propos constamment émaillé d’abondantes citations de mémoire : "L’œuvre de Maurras est un témoignage qui affecte l’homme éternel. Maurras reste un guide pour la jeunesse. Il apporte aux jeunes des valeurs qui ne meurent pas et un idéal transcendant leur permettant de rester jeunes toute la vie.
Les lois du réel
Apres le philosophe, volontiers humoriste, vint le doctrinaire royaliste en la personne de Pierre Debray, journaliste à l’hebdomadaire "Aspects de la France", qui traita du Maurras politique.
Gustave Thibon s’était élevé contre "un certain silence", Pierre Debray proteste contre "un certain mensonge"… On a défiguré totalement l’œuvre et la pensée de Maurras. On a voulu les figer. Rien n’est plus inexact. "Maurras n’a pas trouvé du premier coup sa foi et n’a pas attendu Marcuse ou Cohn-Bendit pour saisir toute la tragédie de la société de consommation"… "S’il a forgé une méthode, l’empirisme organisateur l’a mené au nationalisme intégral; s’il a construit une si vaste synthèse, c’est parce qu’il a retrouvé les lois du réel, abolit tout présupposé, tout préjugé et a su regarder les choses comme elles étaient."
!I a compris que "les peuples ne se ressemblaient pas". Et au bout de ce cheminement, lui qui un temps fut nihiliste, s’est découvert "fils d’un sol, fils d’un peuple", dont la monarchie lui a semblé être le système naturel. C’est pourquoi le génial fils de Martigues, né voici cent ans dans sa Provence bien-aimée, s’est fait royaliste, mais pas royaliste figé, car "les corps vivants se transformant sans cesse dans la continuité", il fut et s’en fit une gloire, "à la fois un homme de conservation et de progrès".
Robert OBERDORFF
"L’œuvre de Maurras est un témoignage qui affecte l’homme éternel. Maurras reste un guide pour la jeunesse. Il apporte aux jeunes des valeurs qui ne meurent pas et un idéal transcendant leur permettant de rester jeunes toute la vie." (Gustave Thibon)