Grandes "Une" de L'Action française : 10 Décembre 1919, Marcel Proust obtient le Prix Goncourt, grâce à la campagne de Léon Daudet en sa faveur...
(retrouvez notre sélection de "Une" dans notre Catégorie "Grandes "Une" de L'Action française")
Ce fut le 10 Décembre 1919 que l'Académie Goncourt attribua son Prix à Marcel Proust, en très grande partie grâce à la campagne vigoureuse de Léon Daudet en sa faveur.
• Dès le lendemain, dans le numéro du Jeudi 11, sous une signature dont la fin est illisible, Alain MELL... annonçait simplement la chose, en page deux du journal, dans la moitié inférieure de la première colonne :
• Et le vendredi onze - deux jours après, donc... - c'est Léon Daudet en personne qui annonça la nouvelle et la commenta ainsi, dans le
numéro du Vendredi 12 Décembre 1919 :
suite de la première colonne :
(ici, bien entendu, on remonte à la deuxième colonne de la première image...)
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Et maintenant, deux points d'histoire, pour prolonger cet article de Daudet...
1. La bataille du "Goncourt 1919"...
Ce sacre d'un génie de la littérature fut, pourtant, très critiqué à l'époque. Et la "bataille" du Goncourt 1919 - ainsi que l'action énergique de Léon Daudet en faveur de Proust - mérite qu'on y revienne quelques instants...
À l’ombre des jeunes filles en fleurs est le deuxième volume de À la Recherche du Temps perdu, ensemble magistral et sans précédent.
• D'abord, il ne s'agit nullement du couronnement d’une carrière, car, à cette époque, Marcel Proust - malgré ses 48 ans - n'a encore que très peu publié : c'est ce que dit Daudet dès les premières lignes de son article élogieux, lorsqu'il parle d' "une élite de lecteurs attentifs" et dit que "Par l'attribution du Prix Goncourt, le grand public va connaître le nom de Marcel Proust...". D'ailleurs, déjà candidat au Goncourt, en 1913, Proust n'avait obtenu aucune voix !
• C’est tout le mérite de l’Académie Goncourt - "travaillée" et "secouée" par Léon Daudet - que d’avoir décelé dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs l’oeuvre d’un écrivain au talent différent de tous ses compétiteurs, et qui est en train d’édifier un monument unique dans la littérature française.
• En cette fin de l’année 1919, la Première Guerre mondiale, ses tragédies et ses conséquences, occupent tous les esprits et le rival le mieux placé de Proust était Roland Dorgelès, romancier qui venait d’apporter son témoignage sur la guerre, intitulé Les Croix de bois, récit magnifique d’un homme qui s’était engagé dans l’infanterie dès le début des hostilités et avait combattu près de quatre ans dans les tranchées...
• Les critiques vont pleuvoir sur Proust dès qu’on apprend que ce n’est pas Dorgelès qui a le prix Goncourt; on va tout lui reprocher : son âge, sa fortune, de n’avoir pas fait la guerre (il avait été réformé), la vanité du milieu qu’il décrit, son style aux phrases si longues qu’il faut parfois s’y prendre à deux fois pour les lire, le trop grand nombre de pages de son livre...
• Si Proust se représente à l'Académie Goncourt, en 1919, c'est d'abord parce que, entre 1915 et 1918, l’Académie n’avait choisi que des œuvres patriotiques liées à la guerre, provoquant une certaine lassitude du public. Mais, surtout, parce qu'il sait qu'il peut compter, dès le départ, sur le soutien de Léon Daudet, frère de Lucien Daudet, grand ami de Marcel Proust.
• Mais Proust a aussi des ennemis, dont l'un des pires, Noël Garnier, n'hésite pas à écrire (dans Le Populaire) : "Nous, les anciens soldats, avons élu Dorgelès. Marcel Proust doit son prix à la reconnaissance de six hommes dont il a flatté l’estomac." Et les Anciens Combattants se déchaînent, reprochant à Proust de décrire un monde en décalage total avec les souffrances de la France héroïque et de l’après-guerre...
• Cependant, le reproche le plus grave fait à l’ Académie Goncourt est d’avoir élu le candidat de Léon Daudet. Le Journal du Peuple ne craint pas d'écrire cette insanité, aussi méchante qu'insensée :
"Il n’est pas inutile de signaler que Monsieur Marcel Proust est réactionnaire, comme tous les hommes de lettres, amateurs ou professionnels, qui, pour imposer leur oeuvre, comptent sur les relations mondaines et le suffrage des "salonnards" plus que sur leur travail et sur leur talent. M. Marcel Proust était, dit-on, le favori et le protégé de M. Léon Daudet. Et M. Daudet, depuis qu’il n’a plus en face Mirbeau, qui lui faisait peur, se flatte de mener l’ Académie Goncourt à la cravache. "
Raymond Lefebvre, lui, sombrera carrément dans le ridicule, lorsqu'il osera écrire, dans Clarté :
"L’homme bien élevé, bien habillé et bien pensant, l’homme qui ne s’est pas aperçu de la guerre, n’a pas entendu la guerre et qui continue son XIXème siècle en 1919... Parlons cru : M. Proust n’écrit pas. Son genre est à gifler.... Le Prix Goncourt 1919 marque un succès de plus pour le Bloc National. On vote bien en France cette année. En politique, tous les Rothschild triomphent. En littérature aussi. On pavoise "Du côté de chez Swann "...
• Encore ne parle-t-on ici que de quelques excités/enragés, et sans aucun goût littéraire. Ce goût littéraire si fort, justement, chez Léon Daudet, et si puissant qu'il lui permettait de s'extraire des vaines modes et querelles, et de s'en tenir au seul plaisir que procurent le talent et la littérature...
Léon Daudet, découvreur de talents : il était bien connu, à l'époque, que l'article littéraire de L'Action française était le seul qui fît vendre...
2. Comment le républicain Daudet, d'abord farouchement antisémite, se "détacha" (c'est son expression) peu à peu de l'antisémitisme, une fois qu'il fut devenu royaliste...
On le voit dans notre Feuilleton Qui n'a pas lutté n'a pas vécu : Léon Daudet : la vie de Daudet (issu d'une famille royaliste) se partage, en gros, en deux parties presqu'égales; il commence d'abord dans le camp républicain, où il est - comme une large part de la gauche, on l'oublie volontairement, aujourd'hui, dans "la vérité officielle"... - furieusement antisémite; puis, à la moitié de sa vie, environ, il rencontre Maurras, devient royaliste et entre à L'Action française.
À partir de ce moment-là, et très certainement, en partie, grâce à l'influence de Jacques Bainville, avec qui il partageait le même bureau et la même table de travail "en bois blanc", cet antisémite forcené se "détacha" (à nouveau, pour reprendre sa propre expression) lentement de l'antisémitisme...
Comment ? Dans notre Album "Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet", consultez les deux photos suivantes :
1. Daudet, détaché de l'antisémitisme
2. Daudet, détaché de l'antisémitisme : genèse d'un rejet...
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