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Rechercher : trois leçons d'économie du pape françois

  • Lorsque Bachar donne, hélas, une leçon à la France… par Christian Vanneste

    Le long entretien accordé par le Président syrien Bachar Al-Assad à Paris-Match produit un redoutable effet de miroir. Il n’apprend rien de vraiment nouveau sur la Syrie dès lors qu’on s’est intéressé sérieusement au sujet depuis le début de la crise. Une armée étrangère, appelée à l’aide, ne peut à elle seule, surtout lorsqu’elle est essentiellement aérienne, assurer la victoire d’un gouvernement rejeté par une large majorité de sa population, et confronté à un soulèvement armé. Depuis 2011, le « régime » baasiste a toujours bénéficié du soutien d’une large partie du peuple syrien. L’image tronquée donnée par les médias français de la bataille d’Alep était révélatrice. Dans cette grande ville syrienne proche de la Turquie, alors qu’on se battait dans la moitié la plus ancienne de la cité que des bandes armées avaient occupée, dans l’autre, la plus moderne et la plus peuplée, le gouvernement légal et son armée sont toujours restés maîtres de la situation, même lorsque leur encerclement était complet. Lorsque la partie orientale a été libérée, ce fut une vague de liesse à l’ouest.

    3309368304.jpgAussi, c’est beaucoup plus notre regard sur la Syrie qui est remis en question. Bachar Al-Assad invite les Français à se tourner vers la politique menée par leurs gouvernements successifs à l’égard de la Syrie, et à prendre conscience des fautes commises par ces derniers. Il y a un point capital : celui du droit international. La Syrie est un Etat souverain dont les limites territoriales sont reconnues. Or, aujourd’hui encore, des troupes étrangères, que le gouvernement légal n’a nullement invitées, occupent une partie du territoire. C’est la cas de l’armée turque qui s’est avancée au nord sur plusieurs bandes frontalières, mais aussi de troupes américaines, britanniques et françaises qui soutiennent une milice majoritairement kurde au-delà de l’Euphrate, où les Kurdes sont minoritaires mais où sont la plupart des puits de pétrole. Elles empêchent l’armée syrienne d’en reprendre le contrôle. De même, une base américaine près de la frontière jordanienne dessine une zone d’exclusion pour les troupes syriennes,sous peine de bombardement. Cette situation est totalement illégale. Elle se complète par l’existence d’une poche autour d’Idlib, au nord-ouest, abandonnée à l’opposition, elle-même divisée entre le dernier avatar local d’Al-Qaïda et des rebelles proches des Frères Musulmans et soutenus par la Turquie. Là encore, les Occidentaux n’ont pas les mains blanches : ils ont armé et soutenu ces rebelles, et le font peut-être encore, ne serait-ce qu’en menaçant les troupes syriennes de représailles en raison d’une prétendue utilisation d’armes chimiques par celles-ci.

    Ce mépris sélectif du droit international par les démocraties occidentales depuis l’effondrement du bloc soviétique a produit des résultats calamiteux. L’écrasement de la Serbie a soit fait naître de faux Etats artificiels, comme la Bosnie ou le Kosovo, soit renforcé des Etats mafieux, comme l’Albanie. L’invasion de l’Irak a plongé ce pays dans une guerre civile qui a duré pendant 15 ans. La destruction du régime du colonel Khadafi a fait éclater la Libye et est directement la cause de l’irruption des djihadistes sur l’ensemble du Sahel. Les 13 militaires français morts il y a trois jours sont les victimes indirectes de cette intervention malencontreuse. Lorsque notre président appelle les alliés à l’aide, il doit songer que certains jugent que c’est à la France d’assumer ses erreurs. Les Kouchner, les BHL qui ont inspiré nos dirigeants et justifié ces actions devraient se faire modestes. L’ingérence dite humanitaire est une remise en cause du droit international. Elle a été justifiée par la menace de massacres, voire de génocide que des gouvernements faisaient peser sur leurs peuples révoltés ou réclamant leur indépendance. La plupart du temps, ces risques ont été grossis, mais surtout, ils ont toujours été estimés de manière unilatérale au profit des mêmes : les musulmans de Bosnie ou du Kosovo, les islamistes soutenus par les Frères Musulmans, et donc le Qatar, parfois même Al-Qaïda, en Syrie ou en Libye. Les mauvais esprits auront tôt fait d’y voir le souci de nos gouvernants d’entretenir de bons rapports avec ce petit pays si riche et si généreux du Golfe.

    Les choses ne sont sans doute pas si simples. Les pays musulmans sont loin d’être unis. Entre l’Iran chiite et la Turquie sunnite, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats, les intérêts sont souvent divergents. Le Yémen ou la Libye en font la démonstration. Et il est fort probable que notre grand pays, notre chère patrie des droits de l’homme, navigue à vue dans cette mer agitée pour y satisfaire des intérêts et signer des contrats. Aussi, son gouvernement a-t-il substitué au droit d’ingérence la lutte contre une abstraction, le terrorisme, en limitant curieusement celui-ci à « Daech » pour éviter le mot « islamique ». Al-Qaïda ne serait plus terroriste ? Ferait-elle un boulot tellement bon qu’il faille la protéger dans son repaire d’Idlib ? Qu’on cesse cette mascarade qui consiste à couvrir nos turpitudes d’un voile de morale et d’humanisme ! Les sanctions contre la Syrie qui entravent la reconstruction d’un pays que nous avons contribué à détruire est une honte !

  • ”Non omnis moriar...” : Jean-François Mattéi vient de nous quitter...

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    "Eadem velle, eadem nolle, ea est vera amicitia" : entre Jean-François Mattéi et nous, c'était bien sûr l'amitié d'esprit qui régnait. Mais pas seulement, et beaucoup plus : pour certains, l'amitié personnelle remontait même aux premières années, à l'époque de l'enfance et de la jeunese dans cette ville d'Oran, dans cette Algérie où il était né...

    En ce moment pénible, on ne peut, simplement, que lui dire "A Dieu" et, aussi "Merci". Oui, "Merci" car, s'il fut un ami fidèle, qui jamais ne déçut ni ne fit défaut, il fut aussi un Maître, et il nous enseigna... 

    Avec ses leçons, c'est l'image de son sourire franc et chaleureux que nous voulons garder au moment où, nous associant à la douleur des siens, nous présentons à son épouse Anne, à ses trois enfants et à ses petits-enfants, nos condoléances les plus sincères.

    "Le meilleur d'entre nous subsiste, lorsque le matériel disparaît tout entier" (Charles Maurras).

  • SOCIETE • Après Hollande à Cuba, Raúl Castro chez le pape François ... Drôle de marxiste, ce Castro ! Lisez donc ...

     

    Nous avons peut-être tort, sinon d'être antimodernes, du moins d'être trop critiques envers notre époque. Elle a au moins une qualité : c'est que tout y devient possible ! Elle fait voler en éclats les vieux clivages, les blocs, les catégories toutes faites. On en voit, on en apprend de belles tous les jours ! Ainsi de ces déclarations - que nous rapporte le Figaro magazine - de Raúl Castro, militant révolutionnaire, chef d'un Etat officiellement marxiste-léniniste, président de l'un des derniers pays communistes de la planète. Voilà de quoi ajouter au trouble de l'aimable Raphaël Glucksmann qui ne cesse de se lamenter de ce que la gauche est en train de perdre l'hégémonie idéologique et culturelle ... Faudra-t-il un jour ranger Raúl Castro parmi les néo-réacs ?  • 

     

    François Hollande demeurera le premier chef d'Etat français à avoir posé le pied à Cuba depuis 1898. Mais c'est le pape François qui, à la surprise générale, vient d'être « cordialement » remercié par le président Raúl Castro. Reçu dimanche dernier au Vatican, le frère de Fidel a exprimé toute sa gratitude au Souverain Pontife pour sa « médiation », qui a permis le rétablissement des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Certes, le Vatican a bien précisé qu'il s'agissait d'un entretien privé et non d'une visite d'Etat, mais l'affaire ne passe pas inaperçue dans Ille communiste. D'autant plus que le dirigeant cubain s'est déclaré « très marqué » par sa rencontre avec le Saint-Père. assurant qu'il « (lisait) tous ses discours » et « (se rendrait) à toutes ses messes » quand ce dernier visitera Cuba en septembre. « J'ai eu une réunion très agréable avec le pape, qui est un jésuite comme vous le savez. Et moi, j'ai été dans des écoles de jésuites. Si le pape continue à parler ainsi, un jour je recommencerai à prier et je retournerai à l'Eglise catholique. Et je ne le dis pas pour plaisanter », a-t-il même ajouté. 

    CYRIL ROFSTEIN

    Figaro magazine du 15.05.2015

     

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  • Numéro d’été de Politique magazine : « Le pape François, intégralement politique »

     

    Découvrez le numéro de juillet-août !

    Dossier : Laudato si', intégralement politique

    A quelques mois de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris fin 2015, le pape a donc publié son encyclique tant attendue sur l'écologie. Laudato si' fait la part belle à l'écologie humaine qui prend en compte la nature dans son intégralité : l'homme et son environnement. Une vision anthropologique en totale opposition avec celle promue par nos sociétés occidentales où l'homme se prend pour son propre dieu. Politique magazine explore et interroge cette notion « d'écologie intégrale » à la lumière de la crise environnementale, morale, sociale et finalement politique qui caractérise ce que le philosophe Jean-François Mattéi a appelé « l'immonde moderne »..

    Plus de 20 pages de dossier !

    « C’est de toute référence transcendante que l’homme moderne souhaite se détacher…»,Rémi Brague, philosophe

    « Les événements du XXe siècle et les prémices du XXIe siècle amènent à reconsidérer les notions même de progrès, de science et d’intelligence », Gérard Leclerc, essayiste et éditorialiste

    « Au fond, l’idéologie progressiste du métissage, qui détruit les cultures du monde, est anti-écologique »,
    Gaultier Bès, initiateur du mouvement des Veilleurs

    « La technologie ne connaît que l’individualisme le plus sauvage que le pape dénonce comme le mal absolu »,
    Hilaire de crémiers, directeur de Politique magazine

    « Au-delà du climat, de l’environnement, la question de fond est bien en effet une question d’ordre éthique »,
    Pierre Chalvidan, professeur honoraire de droit public

    « Placé au sommet de la Création, l’homme n’en est pas moins une créature », François Reloujac, analyste

    « Contre le nihilisme contemporain, ce que la pape nous enseigne est une écologie proprement politique », Christian Tarente, éditorialiste 

    Et aussi dans ce numéro… 54 pages d’actualité, d’analyse et de culture !  

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  • Quand le Pape parle avec Poutine ... Le point de vue de François d'Orcival

    Le point de vue de François d'Orcival

    L'on n'est pas forcé d'être en tous points d'accord avec les interventions de l'Eglise dans les affaires politiques. Reconnaissons aussi que la diplomatie vaticane a souvent du bon ... C'est ce que suggère de façon claire cet article de François d'Orcival. LFAR  

    Le  pape multiplie les marques de bienveillance à l'égard de Vladimir Poutine. Il vient de le recevoir au Vatican. Pour la deuxième fois en deux ans. Il lui avait même adressé une lettre, le 5 septembre 2013, à l'occasion du sommet du G20 qu'il accueillait à Saint-Pétersbourg. Comment ne pas se poser la question : quand le pape fera-t-il le voyage de Moscou ?

    Les deux hommes ont besoin l'un de l'autre. Tout est lié : le dossier ukrainien, les relations avec les orthodoxes et le patriarcat de Moscou, la protection des minorités chrétiennes d'Orient et la mise hors d'état de nuire du « califat islamique ». Et toute solution passe par le Kremlin.

    « La situation dramatique du bien-aimé peuple syrien dure depuis bien trop longtemps,écrivait le pape à Poutine en septembre 2013. Elle risque d'apporter une plus grande souffrance à une région amèrement touchée par des conflits. » Il nese trompait pas. Depuis, Daech a surgi en Orient et la guerre civile, en Ukraine. Le 6 juin dernier, François dénonçait à Sarajevo le « climat de guerre qui domine le monde ».

    Les Occidentaux ont puni Poutine, accusé d'être le fauteur de guerre en Ukraine, en sanctionnant son économie et en l'excluant du G8 (redevenu le G7). Mais c'est lui qui a la clé de la situation en Orient, et donc du sort des chrétiens ; c'est aussi de lui que dépend la résolution des Nations unies dont les Occidentaux ont besoin pour démanteler les trafics de passeurs de migrants clandestins sur les côtes libyennes.

    C'est bien là que le pape a saisi l'opportunité de devenir le médiateur de la paix — en cherchant avec Poutine un compromis en Ukraine et une issue en Syrie. Perspective que Valéry Giscard d'Estaing est allé plaider lors d'une conférènce prononcée le 5 juin à New York; lui aussi souhaite que la question ukrainienne soit débloquée avant la fin de l'année, afin que la Russie puisse devenir ensuite un « partenaire privilégié » de l'Europe, ce qui devrait entraîner non seulement « des projets communs », mais aussi « une coopération militaire ». On imagine ce que serait la situation de l'Etat islamique si l'Occident et la Russie décidaient ensemble de le chasser... Le pape voit loin quand il parle avec Poutine

    Figaro magazine du 20 juin 2015

     

  • Sur TV Libertés, François : le pape de l'exclusion ? - Le Zoom - Jean-Pierre Maugendre.


    Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance Catholique, est avec Guillaume de Thieulloy, l'animateur de l'émission religieuse de TVLibertés "Terres de Mission". Par le motu proprio Tradionis Custodes, le pape François a aboli tous les efforts de son prédécesseur Benoît XVI pour permettre la célébration de la messe traditionnelle et l'usage du missel de 1962. Pourquoi une mesure d'une telle dureté de la part d'un pape dont le moins que l'on puisse dire est que les chantiers qui devraient mobiliser toute son énergie ne manquent pas ? Jean-Pierre Maugendre apporte des réponses précises et répond aux risques réels de division de l'Eglise. Au-delà de l'explication du motu proprio, un témoignage sans amertume, ni révolte, malgré le sentiment de trahison que vivent les prêtres et les laïcs, attachés à la liturgie traditionnelle qui ont fait confiance à la liberté promise par les autorités romaines. Ils n'imaginaient pas que cette liberté pourrait s'apparenter à celle de l'Indien dans sa réserve...

  • « Le pape François restreint la célébration de la messe traditionnelle, les prêtres devront demander l’autorisation », p

    Par le motu proprio Traditionis custodes, le réduit fortement l’usage de la selon la forme extraordinaire. Il rappelle que le seul rituel de la messe en usage dans l’Église latine est celui du Concile II et non le missel de 1962 (dit de saint Pie V).

    Réaction, au micro de Boulevard Voltaire, d’Odon de Cacqueray, qui estime que ce texte pourrait rompre le dialogue et provoquer le départ de catholiques « en dehors de l’Eglise ».

    https://soundcloud.com/bvoltaire/odon-de-cacqueray-1

     

    Emmanuel s’est rendu à Lourdes et a visité le sanctuaire. Certains catholiques se réjouissaient, d’autres se demandaient ce qu’il faisait et certains de ont rappelé que c’était le premier chef de l’État depuis le Maréchal Pétain à se rendre à Lourdes en faisant des liens que vous devinez. Comment interprétez-vous cette visite ?

     

    J’ai interprété cette visite comme une bonne nouvelle malgré les nombreux désaccords entre le chef de l’État et les catholiques. Je pense que la visite d’Emmanuel Macron à Lourdes est d’abord un signe d’apaisement et une volonté d’avoir des relations pacifiées avec l’Église catholique, même s’ il y a de la présidentielle derrière. Comme catholique et croyant, je suis mû par l’espérance que dans ce lieu de prière Emmanuel Macron puisse être touché par la grâce.

     

    L’autre nouvelle est la publication du Motu proprio du pape François intitulé « Traditionis custodes ». Le pape avait libéralisé un peu plus largement les messes en rite dit « extraordinaire » c’est-à-dire en latin.  Le pape François a restreint cette autorisation. Que contient cette lettre ?

     

    Cette lettre apostolique parue aujourd’hui que l’on pourrait traduire par « gardiens de la tradition » vient annuler la décision de Benoît XVI qu’il avait posée en 2007 suite à une première décision de Jean-Paul II dans les années 80 qui est la possibilité d’avoir recours plus facilement à la messe selon le missel de Saint-Pie V. En effet, elle est souvent assimilée à la messe en latin. La messe comme on la rencontre dans toutes les paroisses peut aussi être célébrée en latin. C’est pour cette raison que je fais la différence sur les missels. Il a autorisé plus largement l’utilisation du missel de Saint-Pie V. Pour une partie des catholiques qui étaient très attachés à cette tradition, c’est très important. Le pape François annule cette autorisation et apporte énormément de restrictions à la possibilité de la célébration de cette messe. Il rend l’évêque beaucoup plus puissant dans son diocèse avec la possibilité de restreindre la célébration de cette messe-là. Les prêtres devront demander l’autorisation. Ceux qui ont déjà cette autorisation vont devoir faire une nouvelle démarche d’autorisation pour célébrer la messe comme elle était célébrée avant le Concile Vatican II.

     

    Pour expliquer à nos auditeurs, le passage de la messe Saint-Pie V à la messe Paul VI avait provoqué un schisme, le départ de monseigneur Lefebvre qui a ordonné des évêques et qui a créé la Fraternité sacerdotale Saint Pie X.  Là encore, c’est extrêmement compliqué, on ne rentrera pas dans le détail. Ce schisme, cette séparation a eu lieu à cause de l’abandon de la messe Saint Pie V au profit de la messe Paul VI. Le pape François qui avait pourtant fait beaucoup d’efforts pour l’unité de l’Église ne risque-t-il pas d’attiser les divisions en mettant fin à cette expérience qui marchait plutôt bien ?

     

    C’est effectivement ce qui inquiète une bonne partie des prêtres et des fidèles catholiques attachés à la célébration la plus traditionnelle. Le Motu proprio est une forme particulière que le pape souhaite donner à un texte. Du plus profond de son cœur le pape pense qu’il y a un problème au niveau de l’unité de l’Église. Ce problème a été créé par l’existence de deux formes qui cohabitent au sein d’un même rite romain. En effet, on sait qu’il existe d’autres rites orientaux. Le pape casse un peu ce qui existait c’est-à-dire l’existence de deux formes au milieu d’un même rite. Et maintenant, il n’y a plus une forme ordinaire et une forme extraordinaire, mais un usage antique qui est la messe en latin, un rite ancien. Il y a donc un rite ancien en latin dont l’utilisation sera très restreinte et très compliquée et un rite actuel romain en forme ordinaire qui devient la norme. Le pape explique bien dans son texte que l’objectif est qu’à terme, les derniers réfractaires à la messe de Paul V y arrivent.

     

    Ce Motu proprio est une marche pour permettre une forme de transition et qu’à la fin tout rejoint la forme ordinaire. Peut-on interpréter cela comme un problème assez franco-français ?

    Il me semble que dans le reste du monde la messe Paul VI a été globalement bien acceptée. Il n’y a qu’en France et un peu sur le continent américain qu’une forte communauté de gens est attachée à la messe traditionnelle. Le pape a-t-il raisonné en tant que pape de toute l’Église catholique ?

     

    Je crois que la lecture est complètement différente. C’est au contraire parce qu’il y a de fortes tensions en partie aux États-Unis, mais aussi en France et bien sûr en Italie que plutôt de s’occuper de tout ce qui intéresse la majorité des catholiques, le pape vient trancher sur un point de détail qui n’était pas un point de foi. C’est incompréhensible pour la grande majorité des catholiques français, italiens et américains. L’objectif est vraiment de régler une épine dans le pied de beaucoup d’évêques. Comme le pape le dit dans sa lettre qui accompagne le Motu proprio destinée aux évêques, « j’ai bien entendu ce que vous m’avez dit et donc je viens répondre à votre aspiration qui est une limitation de la messe en forme extraordinaire puisque vous évêques, me dites qu’elle empêche l’unité dans le diocèse ».

    Ensuite, il liste une partie des problèmes qu’il constate, entre autres des abus liturgiques. Les abus liturgiques comme on les connaît dans l’Église catholique sont très rarement du côté de la célébration de la forme extraordinaire, mais communément admis dans la célébration de la forme ordinaire. Je ne manque pas pour autant, de respect à tous les prêtres qui s’attachent à la célébration de la messe en forme ordinaire de la façon la plus carrée possible, mais force est de constater que la puissance des abus liturgiques dans la forme ordinaire a fait qu’une bonne partie des ces abus sont aujourd’hui monnaie courante et même considérés comme étant de droit là où ils sont des aberrations.

     

    Les traditionalistes ne craignent-ils pas qu’en s’arc-boutant comme cela sur cette forme de la messe de devenir des épiciers qui gardent leur boutique et qui s’en fichent des évolutions de leur liturgie ?

     

    Bien souvent les personnes pensent que le missel de 1962, celui de la messe en latin s’est arrêté en 1962, mais c’est une erreur. Ce missel a connu de nombreuses évolutions. La tradition est quelque chose qui évolue et qui s’améliore perpétuellement. Le pape lui-même a enrichi le missel de 1962. Il n’y a pas une façon de faire d’une époque qui est gardée ou défendue. C’est une tradition donc c’est une évolution perpétuelle de la liturgie pour toujours mieux servir Dieu. C’est cela le missel de 1962 et c’est aussi cela le missel de Paul VI.

    Il y avait jusqu’ici une façon de faire qui me paraissait bonne et qui permettait aux deux formes du même rite d’évoluer positivement. Ce dialogue fonctionnait plutôt bien. J’ai peur avec ce texte du pape que le dialogue soit en partie rompu et que l’on assiste à des départs de l’Église catholique. Je pense que cela ira jusque là pour aller rejoindre des mouvements plus ou moins en dehors de l’Église.

     

    Odon de Cacqueray

    Journaliste à l'Homme Nouveau
     
  • Bravo, pape François ! Mais cette déclaration faite au Chili doit valoir pour la France et pour l'Europe !

    Publié le 19 janvier 2018 - Actualisé le 25 janvier 2018

     

  • Un point de vue de sociologue sur le motu proprio du pape François, par Michel Michel.

    Voi­ci une ana­lyse ori­gi­nale à pro­pos du nou­veau motu pro­prio du pape Fran­çois. Michel Michel est un acteur bien connu de la réflexion poli­tique à l’Action Fran­çaise, mais comme beau­coup de nos intel­lec­tuels il inter­roge aus­si depuis long­temps la ques­tion reli­gieuse et nous sommes heu­reux de lui don­ner la parole sur un sujet qui pour­rait avoir des inci­dences déter­mi­nantes sur la civi­li­sa­tion occi­den­tale. (NDLR)

    6.jpgLe motu pro­prio du Pape Fran­çois Tra­di­tio­nis cus­to­dis a jeté le trouble dans ce qu’il reste de la Chré­tien­té. Les théo­lo­giens ont fait de longues ana­lyses sur le sujet ; c’est en socio­logue des repré­sen­ta­tions que je vou­drais consa­crer les quelques pages suivantes.

    POUR RELATIVISER LA QUERELLE DES RITES

    Il me semble que le Motu Pro­prio du Pape Fran­çois s’inscrit dans la pas­sion homo­gé­néi­sante qui est une des com­po­santes du ratio­na­lisme et fina­le­ment a don­né le jaco­bi­nisme.
    L’unité n’est pas l’uniformité ; au contraire, la volon­té d’uniformiser se déve­loppe quand la cénes­thé­sie sociale (le sen­ti­ment de ne for­mer qu’un seul corps) est mena­cée.
    Le capo­ra­lisme clé­ri­cal de Fran­çois est aux anti­podes de la concep­tion de l’Eglise par saint Paul comme un corps com­po­sé d’organes divers et com­plé­men­taires.
    (Je sou­hai­te­rais que Eric Zem­mour, qui a par­tiel­le­ment com­pris la logique maur­ras­sienne, mais qui garde encore les réflexes jaco­bins de la bande à Pas­qua, sai­sisse que le recours à la dic­ta­ture cen­tra­li­sa­trice n’est pas un signe de bonne san­té. La chi­rur­gie est par­fois néces­saire, qui n’est jus­ti­fiée que si elle est indis­pen­sable).
    La réa­li­té sociale est diver­si­fiante, comme dans la vie dans la nature, les cultures eth­niques, pro­vin­ciales, fami­liales qui se mul­ti­plient au grand déses­poir des bureau­crates de France comme du Vatican.

    La sage stra­té­gie, me semble-t-il, serait de mettre l’accent sur la mul­ti­tude des rites plu­tôt que de vou­loir en impo­ser un seul (à la grande crainte des catho­liques orien­taux). En effet dès que le dilemme se réduit à deux élé­ments, inévi­ta­ble­ment l’esprit humain va en faire la com­pa­rai­son (l’ancien et le nou­veau, de droite ou de gauche, jeune ou vieux, le meilleur et le moins bon). Les Eglises d’Orient nous montrent que dans la mul­ti­pli­ci­té des formes la tolé­rance est pos­sible (pas tou­jours hélas).

    La réa­li­té de la diver­si­té des rites est don­née dans le tableau suivant :

    RITES DE L’EGLISE CATHOLIQUE

    Rite orien­tal  (Églises catho­liques orientales)

    Rite alexan­drin
    Rite copte
    Église catho­lique copte
    Rite guèze
    Église catho­lique éthio­pienne,  Église catho­lique éry­thréenne
    Rite armé­nien
    Église catho­lique armé­nienne
    Rite chal­déen
    Église catho­lique chal­déenne
    Rite syriaque orien­tal
    Église catho­lique syro-mala­bare
    Rite antio­chien
    Rite maro­nite
    Église maro­nite
    Rite syriaque occi­den­tal
    Église catho­lique syriaque · Église catho­lique syro-malan­kare
    Rite byzan­tin
    mel­kite · ukrai­nienne · rou­maine · ruthène · slo­vaque · hon­groise · bul­gare · croate · macé­do­nienne · croate · russe · bié­lo­russe · alba­naise · ita­lo-alba­naise · hel­lène · ser­bo-mon­té­né­grine · tchèque · géorgienne

    Rite latin (Église catho­lique latine)

    Rite romain
    Messe de Vati­can II (forme ordi­naire)
    Messe tri­den­tine (forme extra­or­di­naire)
    Variantes du rite romain
    Rite zaï­rois · Rite béné­dic­tin · Usage angli­can
    Autres rites latins
    Rite moza­rabe · Rite ambro­sien · Rite de Bra­ga · Rite domi­ni­cain · Rite car­tu­sien · Rite cis­ter­cien
    Rites litur­giques his­to­riques
    Rite gal­li­can · Rite cel­tique · Rite lyon­nais · Rite pré­mon­tré · Rite de Sarum · Rite carmélite

    Tou­cher à la litur­gie exige beau­coup de pré­cau­tions sous peine de man­quer gra­ve­ment à la Cha­ri­té. La men­ta­li­té nomi­na­liste nous fait croire que les formes du culte sont « neutres » et peuvent aisé­ment être sub­sti­tuées l’une à l’autre. L’arbitraire de l’autorité peut-il s’exercer sans déli­ca­tesse ?  Chan­ger de litur­gie est aus­si trau­ma­ti­sant que de décré­ter (comme Atatürk et au fond tous les révo­lu­tion­naires) le chan­ge­ment d’une langue, celle de la parole comme celle des mœurs.

    Le rite, c’est le Bien Com­mun à toute l’Eglise, on ne change pas comme ça de façon capo­ra­liste. Le fait de dépo­ser le saint Sacre­ment dans le bas-côté de la Nef a pro­vo­qué la déso­rien­ta­tion des fidèles qui ne savent plus de quel côté s’agenouiller et du coup, ils ne s’agenouillent plus (d’autant plus qu’on a reti­ré les age­nouilloirs). On prie aus­si avec son corps remar­quait Pas­cal. Des géné­ra­tions de pay­sans spé­cu­laient sur le temps à venir avec les « Saints de glace », les saints Mamet, Pan­crace et Ser­vais ; les intel­lec­tuels du Vati­can les ont mis à la trappe, contri­buant à la déchris­tia­ni­sa­tion de la société.

    On sait com­bien de schismes ont été sus­ci­tés par les réformes litur­giques comme celle de Pierre le Grand dans l’orthodoxie russe.

    Le Pape est au ser­vice de l’Eglise corps mys­tique du Christ comme l’Etat est au ser­vice du corps social. Comme les lois ne sont pas faite pour « construire » la socié­té civile telle quelle devrait être pour l’idéologue, la litur­gie n’est pas faite d’abord pour chan­ger auto­ri­tai­re­ment la men­ta­li­té des fidèles, mais pour offrir un culte à Dieu. La litur­gie est « signi­fiante » et non « instrumentale ».

    Il faut donc dans ce domaine être très prudent.

    On aurait pu dans quelques ban­lieues déshé­ri­tées expé­ri­men­ter de « nou­velles messes » pour s’adapter à l’indigence cultu­relle des popu­la­tions les plus frustes ; après tout on a bien fait des tra­duc­tions de la Bible en fran­çais basique, tra­duc­tions si plates… Peut-être dans cette mul­ti­pli­ci­té d’expériences dont la plu­part n’auraient été que tran­si­toires (les messes pour les enfants ne peuvent durer quand l’enfant gran­dit ; c’est mépri­ser les gens de pen­ser qu’ils ne sont pas capables d’intelligence). On aurait pro­ba­ble­ment sus­ci­té un grand nombre d’échecs mais peut-être quelques réussites.

    On a vou­lu au contraire tout chan­ger en une seule fois, trau­ma­ti­sant ce qu’il res­tait de Chré­tien­té. Il fal­lait mettre à mort l’ancien rite de la messe sous peine de voir se consti­tuer deux Eglises comme dans l’anglicanisme où la « Haute Eglise » (ou « Eglise catho­lique d’Angleterre ») n’a plus grand-chose à voir avec le culte de la « Basse Eglise » où les formes sont emprun­tées aux pro­tes­tan­tismes. C’est inévi­table, la diver­si­té des cultes sus­cite des men­ta­li­tés dif­fé­rentes (et vice versa).

    Or le « coup d’Etat », je veux dire l’opération auto­ri­taire, hié­rar­chique et clé­ri­cale, un demi-siècle après, a échoué.

    D’une part parce que l’ancien rite s’est main­te­nu et mal­gré la sourde per­sé­cu­tion de la hié­rar­chie clé­ri­cale, il s’est fort bien main­te­nu (20 % des voca­tions, pro­viennent des dif­fé­rentes com­mu­nau­tés « tradis »).

    D’autre part parce que la plus grande par­tie des fidèles (envi­ron 9 sur 10) ont comme on dit « voté avec leurs pieds », c’est-à-dire qu’ils ne se sont pas ral­liés aux rites que leur pro­po­saient les paroisses. Déser­tant les églises, mal ins­truits de la doc­trine par une caté­chèses indi­gente ils ne trans­mettent plus la Foi si bien que leurs petits enfants ne sont même plus baptisés.

    Certes, il reste encore un petit trou­peau com­po­sé de per­sonnes qui par­viennent à trou­ver la messe à tra­vers cette nou­velle messe ; ou de per­sonnes qui n’ont pas trou­vé étant don­né la fai­blesse (et la dis­tance) de « l’offre » des cultes tra­dis et cha­ris­ma­tiques d’autres formes pour célé­brer. Dans la plu­part des dio­cèses, c’est la limi­ta­tion arti­fi­cielle des paroisses « tra­dis » qui empêchent les 17 % de fidèles qui le sou­haitent de fré­quen­ter les lieux de culte où est pra­ti­quée la messe « extraordinaire ».

    Enfin il reste sur­tout dans la vieille géné­ra­tion des gens qui ont cru à la « nou­velle pen­te­côte » qui devait suc­cé­der au Concile Vati­can II. Mal­gré les dés­illu­sions, cer­tains ont le plus grand mal à se déju­ger, et par­fois héroï­que­ment, c’est sou­vent eux qui font vivre les struc­tures de ce qu’il reste aux paroisses.

    Le grand Pape Benoit XVI a vou­lu, en affir­mant qu’il n’y a qu’un seul rite sous la forme ordi­naire ou extra­or­di­naire, réta­blir la paix litur­gique. Le Pape Fran­çois cet ancien péro­niste auto­ri­taire (dit-on) casse l’œuvre de son pré­dé­ces­seur encore vivant. Com­ment l’Eglise pour­rait-elle pré­tendre à l’œcuménisme ou au dia­logue des reli­gions si elle ne tolère même pas les moda­li­tés d’une messe qui a tra­ver­sé une grande par­tie de son histoire ?

    UNE « NOUVELLE » MESSE ?

    Com­ment ai-je res­sen­ti la sub­sti­tu­tion du nou­vel Ordo Mis­sae de Paul VI à la messe de Pie V ?  Tout d’a­bord je veux affir­mer que tout peut être sacra­li­sé et que le pro­fane n’est qu’un point de vue illu­soire sur les choses qui sont réel­le­ment sacrées. D’ailleurs le mot même de pro­fane relève du voca­bu­laire sacré, puisque pro­fa­num veut dire « devant le temple ».

    Cela dit, dans la mesure où nous vivons dans un état de conscience déchu, nous avons besoin de média­tions. Puisque nous ne vivons pas la tota­li­té de notre exis­tence avec une pleine conscience de la réa­li­té sacrée, nous avons besoin de mettre à part cer­tains espaces, (« déchausse-toi car ceci est une terre sacrée »), cer­tains temps, (le dimanche, les fêtes, le Carême), cer­taines per­sonnes (« consa­crées »), pour qu’à par­tir des liens qu’elle tisse avec ces par­celles sacra­li­sées, notre vie bana­li­sée puisse retrou­ver un sens.

    Aus­si n’est-ce pas sans rai­son que dans la plu­part des socié­tés, la langue sacrée ne coïn­cide pas avec le lan­gage ordi­naire. L’a­ra­méen du temps du Christ n’é­tait pas l’hé­breu de la Bible, les Russes célèbrent la litur­gie en vieux sla­von, et le sans­crit des grands textes hin­dous n’est cer­tai­ne­ment pas la langue ver­na­cu­laire. Le latin, ancienne langue véhi­cu­laire était deve­nue la langue litur­gique, qua­si-sacrée (la « révé­la­tion » de INRI « Jésus de Naza­reth Roi des Juifs » n’a­vait-elle pas été ins­crite en latin en même temps qu’en Grec et en Hébreu sur l’ins­crip­tion que Pilate avait fait appo­ser sur la Croix ?) Est-ce pour cela, parce que les mots latins expri­maient dans nos consciences un autre niveau de réa­li­té, qu’on a cher­ché à les sup­pri­mer de la liturgie ?

    Pour­tant rien n’est plus insup­por­table dans les dis­cus­sions concer­nant les rites de la messe que cet oubli de l’es­sen­tiel. Jean Ous­set disait : « Est-ce que le Christ vient à la consé­cra­tion ? Si c’est le cas, pour­quoi ne vien­drais-je pas ? » Je sup­pose que la crèche où Jésus est né devait sen­tir le purin…

    La messe n’est pas d’abord, une péda­go­gie pour la « conscien­ti­sa­tion » des fidèles.

    Qu’est-ce qui est néces­saire à la messe ?

    • Que soit res­pec­té un mini­mum de formes rituelles afin que le sacre­ment trans­mis par les pou­voirs don­nés aux apôtres soit effec­tué et actua­lise pour nous le seul sacri­fice du cal­vaire, sans bri­co­lage litur­gique qui rende l’ac­tion douteuse.

    Sous cet angle-là, il n’est pas dou­teux que la nou­velle messe – celle qui a été amen­dée par l’intervention pro­vi­den­tielle des car­di­naux Siri et Otta­via­ni –, au moins quand on en res­pecte les formes, soit la messe.

    • Acces­soi­re­ment, il faut sou­hai­ter que le rite soit « priant » ; et là, les cri­tères sont bien relatifs.

    Pour en reve­nir à la messe de Paul VI, ce qui me paraît scan­da­leux, ce n’est pas la créa­tion d’un nou­veau rite. Les mots « créa­tion »

  • « Traditionis Custodes » : pourquoi le pape François veut-il l’extinction de la messe en latin ?, par Christophe Dickès.

    © DR

    Publié ce vendredi 16 juillet, le motu proprio « Traditionis Custodes » du pape François restreint la célébration des messes en forme extraordinaire. Historien du catholicisme, spécialiste du Saint-Siège et auteur de Vatican, vérités et légendes (Perrin), Christophe Dickès considère ce texte comme injustifié, et y voit la main d'une minorité proche de François et très active depuis le début du pontificat. Tribune.

    5.jpgAmertume, incompréhension, désarroi voire colère… Depuis la sortie du motu proprio Traditionis Custodes sur l’abrogation progressive de la forme extraordinaire du rite romain, les réactions se multiplient et vont dans le même sens. Elles révèlent le côté surprenant pour ne pas dire inopportun d’un texte, dont on se demande s’il reflète vraiment la réalité du terrain.

    Comment ne pas même voir de l’idéologie dans les exigences démesurées à l’égard du monde traditionnaliste quand, de l’autre côté du Rhin, les évêques allemands sont littéralement en roue libre sur de nombreux aspects du dogme et défient ouvertement Rome depuis plusieurs années ? Comment ceux qui travaillent en grande majorité à l’unité depuis quinze ans, portent des vocations sacerdotales, font vivre leur foi à des familles entières, comment donc, ces catholiques peuvent être au centre d’une telle défiance au point de ne pas susciter un seul mot pastoral de la part du pape lui-même, ni dans le motu proprio, ni dans la lettre aux évêques accompagnant le texte ? Pourquoi l’œuvre pacificatrice du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI visant à libéraliser l’ancien rite est-elle effacée d’un trait de plume ? Comment, selon les propres termes de Benoît XVI, « ce qui était sacré pour les générations précédentes [et qui] reste grand et sacré pour nous » pourra se retrouver à terme interdit ? Pourquoi finalement programmer l’extinction de la forme extraordinaire du rite romain ?

    Avant de publier le motu proprio Traditionis Custodes, la Congrégation pour la doctrine de la Foi a réalisé une enquête auprès des évêques du monde entier afin de les sonder sur le sujet. La chose est habituelle, surtout dans la perspective de la synodalité qui vise à faire participer le pouvoir épiscopal aux grandes décisions du pontificat. Or, dans la lettre du pape aux évêques qui accompagne le motu proprio, on peut notamment lire : « Les réponses parvenues ont révélé une situation douloureuse qui m’inquiète, me confirmant la nécessité d’intervenir. »  Mais est-ce vraiment le cas ? Dit autrement : est-ce qu’aujourd’hui une majorité d’évêques se plaignent du comportement de ceux qui sont attachés à l’ancien rite ?

    À la lecture du cas français, on peut sérieusement en douter. Certes le document de la Conférence des évêques de France (CEF, avril 2020) souligne des aspects négatifs de l’application du motu proprio de Benoît XVI, mais la synthèse de chaque question posée par la Congrégation révèle malgré tout le chemin de pacification entrepris : « Dans la plupart des cas, la situation semble apaisée. On perçoit, dans les réponses, le désir des évêques d’associer le plus possible des prêtres diocésains aux célébrations de forme extraordinaire, mais cela s’avère difficile en raison du faible nombre de prêtre » (question 1). La question 2 souligne « le souci de communion où l’évêque agit par délicatesse pastorale ». La question 3 sur les aspects positifs et négatifs révèle qu’à l’exception de deux évêques, « tous s’accordent sur l’apaisement qui résulte de l’application du motu proprio ».

    En arrivant au pouvoir porté par une minorité active décidée à mettre fin à l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, le pape François s’est entouré d’une véritable cour voulant imposer sa propre feuille de route à l’ensemble de l’Église catholique

    Naturellement, des interrogations demeurent, des points de friction aussi : les aspects négatifs de la forme extraordinaire sont plus nombreux que les aspects positifs. Il n’empêche, se dégage une forme de neutralité dans ce document et une double attitude des évêques : celle d’être des artisans de paix (Mathieu 5, 9), réalisant un « inlassable travail d’unité ». De fait, même si le besoin d’approfondir le dialogue est prégnant dans ce document, même s’il demande que les fidèles de la forme extraordinaire participent davantage à la vie diocésaine, nous sommes bien loin de la guerre des années 1970 et 1980 ! La note de la CEF nous dit à cet égard que seule « une petite minorité » a été confortée dans ses travers et la culture de leurs particularismes en réclamant davantage de droits. Dont acte.

    Alors, d’où vient le problème ? Certains évoquent le fait que le motu proprio ait été traduit en anglais (et non en français) afin précisément de marquer sa cible : les néo-conservateurs américains qui, depuis l’élection du pape François, ne cessent de le critiquer. Dans ce dernier cas, pourquoi sanctionner l’ensemble d’une communauté ? Dans les faits, il est difficile de répondre à cette question sans un accès à l’ensemble des études. Or, si l’on en croit la vaticaniste Diane Montagna, 30% des évêques dans le monde ont répondu à l’enquête du Vatican sur le rite extraordinaire. Sur ces 30%, la moitié s’est révélé « neutre et favorable » à la forme extraordinaire du rite. La question est donc : est-ce que 15% d’évêques mécontents peuvent justifier l’abrogation d’une pratique ? Peut-on aussi considérer une minorité de pratiquants comme un réel danger pour l’unité, quand une écrasante majorité des évêques dans le monde n’a strictement aucun avis sur la question ?

    Si bien qu’il est légitime de se poser la question d’une disproportion incompréhensible entre la brutalité du texte pontifical et la réalité du terrain. Si les données de Diane Montagna sont justes, cela poserait une dernière question : d’où vient la charge et la décision, si elle ne vient pas des évêques ?

    En arrivant au pouvoir porté par une minorité active décidée à mettre fin à l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, le pape François s’est entouré d’une véritable cour voulant imposer sa propre feuille de route à l’ensemble de l’Église catholique : communion des divorcés remariés, reconnaissance de l’homosexualité, ordination des hommes mariés, diaconat des femmes… et abrogation de la messe en latin. N’importe quel vaticaniste aujourd’hui vous expliquera que Rome est devenu le terrain de jeu de cette minorité très active qui souhaite imposer sa partition à l’ensemble de l’Église. Elle l’a tenté au moment du synode sur la famille mais aussi au cours du synode sur l’Amazonie. Par deux fois, elle a échoué en rencontrant des oppositions, dont celle du pape émérite, rappelant avec le cardinal Sarah l’importance du célibat sacerdotal. Naturellement, sur ce terrain, le pape joue un rôle de tampon, bien conscient qu’il ne peut porter la responsabilité de l’ensemble de ces changements. La forme extraordinaire du rite romain, elle, n’a pas eu cette chance. Alors que Rome avait une capacité d’absorber les contraires, faisant à la fois cohabiter l’ensemble des sensibilités de l’Église, elle est désormais aux mains de quelques-uns qui ne reculent devant rien dans le but d’imposer leurs propres conceptions.

    Comment expliquer ainsi sa bienveillance œcuménique ou son sens du dialogue inter-religieux, tout en se montrant intransigeant ad intra, c’est-à-dire à l’égard de ses propres ouailles ?

    Finalement se pose aussi l’image que ce texte va laisser du pape François. Une image somme toute assez contradictoire : considéré comme libéral, il décide de mettre fin à la libéralisation de l’ancien rite. Comment expliquer ainsi sa bienveillance œcuménique ou son sens du dialogue inter-religieux, tout en se montrant intransigeant ad intra, c’est-à-dire à l’égard de ses propres ouailles ? Comment passer aussi pour le pape de la miséricorde alors que pas un seul mot n’a été prononcé à l’égard des fidèles attachés à l’ancien rite et qui font désormais figure de catholiques de seconde zone ? 

    Par ailleurs, les médias opposent souvent les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI en reprochant à ces derniers leur centralisation. Or, le motu proprio confirme que le pontificat de François est bien plus centralisateur que ses prédécesseurs. La lettre apostolique Authenticum charismatis publiée au mois de novembre dernier sur les communautés nouvelles l’a encore montré récemment. Le plus étonnant est peut-être que, fin politique et surtout jésuite, le pape François ne prend jamais de face les problèmes, tant dans sa façon de communiquer que d’agir. Il les contourne : refusant d’aborder la question de la communion des divorcés remariés, il la traite dans une note de bas de page de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia. À la question du diaconat féminin, il exprime ses doutes tout en demandant à une commission de continuer d’étudier la chose. Or, dans le cas présent, il adopte une politique frontale, révélant l’aspect autoritaire de sa personnalité, moins connu médiatiquement et pourtant bien réel. Au risque du cléricalisme qu’il condamne lui-même.

  • François Bayrou récupéré par le Système...

              Il était sympathique au début de la campagne, François Bayrou: sa posture et sa position représentaient en effet l'espoir de quelque chose de nouveau, dans un monde politique très conformiste, voire sclérosé dans son opposition répétitive, lassante et finalement assez stérile entre deux blocs antagonistes, toujours les mêmes; chacun répétant presqu'inlassablement les mêmes choses, excluant à priori tout ce qui n'était pas lui, rejetant d'avance dans les ténèbres extérieures toute personne ou toute idée proposée par "les autres"...: de ce "jeu" politique là, François Bayrou s'est démarqué nettement et, en le critiquant vertement, il a trouvé un écho véritable dans l'opinion; il s'est attiré la sympathie de bon nombre de nos concitoyens; il a porté pendant quelques semaines un projet qui semblait à même de dépasser ce clivage stérile des partis et de proposer à un plus grand nombre de citoyens des objectifs fédérateurs en dehors du sempiternel affrontement "bloc conte bloc"....

              Ce faisant, il rencontrait, en même temps qu'il lui donnait des arguments, une part non négligeable de l'opinion qui, depuis quelque temps, se méfiait et se détournait de la classe politique. Oui mais voilà: nous sommes dans un système donné et, comme nous l'avons dit souvent, ce ne sont pas (ou pas forcément...) les hommes ou les femmes qui sont sont mauvais, c'est le système qui les empêche de donner leur pleine mesure et qui les stérilise. Ainsi en fut-il de François Bayrou: son parcours, commença dans le sillage et le souvenir volontiers évoqué d'Henri IV, autre béarnais, autre rassembleur fameux; Bayrou souhaitait lui aussi rassembler, et guider vers les sommets. Noble ambition, et fort sympathique; mais n'est pas Henri IV qui veut; il ne suffit pas de vouloir, il faut aussi pouvoir; et c'est là que les chaînes politiques du système auquel appartient Bayrou -et qu'il n'a pas remis en cause-  le retinrent et le ramenèrent violemment au sol, d'où il avait tenté de s'extraire; autour des maisons qu'ils protègent, on voit ainsi parfois de grands chiens de garde, attachés à des chaînes assez longues, qui semblent prendre leur envol et se ruer sur quelqu'un qui passe à proximité; à peine ont-ils fait quelques mètres, la chaine brise net leur élan...!

              Ainsi en fut-il pour François Bayrou, qui commença sous les auspices d'Henri IV, mais finit assez piteusement comme Iznogoud, le héros de bande dessinée qui "voulait être calife à la place du calife": ce qui au début représentait vraiment quelque chose de positif fut peu à peu absorbé et comme recouvert par les intérêts de groupe et de parti, puis par les intérêts personnels tout courts; on passa des grandes visions et des grands projets aux querelles personnelles de préséance, les rancoeurs et les inimitiés refirent surface: bref, très vite le système récupéra et "recycla" (qu'on nous pardonne l'image...) celui qui avait eu l'audace de vouloir faire autre chose, de vouloir être différent, et qui finit tellement semblable à ce qu'il dénonçait la veille, tellement conforme à la pratique habituelle de l'intérêt partisan avant l'intérêt général. Sic transit...mais quelle tristesse tout de même, quelle dérision ! c'est une leçon à méditer....

  • François le mal-aimé

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Dans un an, en principe, nouvelle élection présidentielle. On ne sait s’il faut se réjouir ou se lamenter au vu des piteux résultats obtenus par M. Hollande à ce jour et au peu de crédit que l’on peut raisonnablement accorder à ses concurrents. La responsabilité de M. Hollande reste entière d’avoir tout donc trop promis : on se rappelle la fameuse anaphore (« c’est maintenant ») de son discours du Bourget le 22 janvier 2012. En promettant le paradis socialiste hic et nunc, il s’inscrivait comme il se doit dans la pure tradition de la démocratie élective par nature démagogique. Rien d’étonnant donc si son quinquennat est, pour l’essentiel, une succession d’échecs - d’une diplomatie guidée par une imbécile hostilité à M. Poutine à une incapacité évidente à inverser la courbe du chômage. Même sa tentative de récupération politicienne des attentats de 2015 a vite fait long feu et, la semaine dernière encore, on a eu droit à sa renonciation à la déchéance de nationalité tandis que la rue manifestait son hostilité au projet de loi de Mme El Khomri.  

    Reconnaissons deux exceptions, mais de taille et d’une certaine façon exemplaires - pour des raisons opposées. La première concerne l’intervention française au Mali : M. Hollande, transfiguré par son aura de chef des Armées, fit un temps illusion et consensus; mais, s’il put adopter une telle attitude, cela tient à des institutions qui lui confèrent un pouvoir quasi monarchique en matière de Défense nationale. La seconde concerne la loi sur le « mariage pour tous » : elle restera son « grand oeuvre », imprégnée qu’elle est de toutes les dérives idéologiques et sociétales de l’intelligentsia gaucharde. 

    En 2012, M. Hollande a donné à tous une leçon d’opportunisme : le petit Premier secrétaire du P.S. est venu à bout du président sortant en sachant profiter au mieux d’un certain rejet vis-à-vis de M. Sarkozy. Mais, remporter une élection est une chose, être chef de l’Etat en est une autre. Dans cette fonction, M. Hollande aura déçu jusqu’à ses plus chauds partisans : le dernier sondage Odoxa fait ainsi état d’une cote de popularité au plus bas en France (moins de 20%). Son problème est au fond d’être ce qu’il est : un chef de parti d’abord soucieux de l’échéance de 2017 et, pis sans doute, un chef d’Etat sans charisme, manifestement incapable d’être au niveau de sa fonction.  

    Il est vrai qu’avant lui M. Sarkozy n’a pas davantage réussi. Mais, au fond, le pouvaient-ils, politiquement parlant, l’un et l’autre ? La Ve République, taillée sur mesure pour un De Gaulle, est affaiblie de fait par le quinquennat et en proie à la résurgence de velléités parlementaristes (certains rêvent même d’une VIe République qu’ils parent de toutes les vertus « démocratiques »). Dans le même temps, l’Etat voit ses fonctions régaliennes plus ou moins remises en cause par les concessions faites à l’européisme (dont la conséquence ultime sera de le réduire à un état croupion). Si rien n’interdit, bien sûr, d’espérer en l’homme (la femme) providentiel(le), il est évident que la solution politique, c’est-à-dire s’inscrivant dans la durée, reste d’ordre institutionnel. 

     

  • François le mal-aimé

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 4 avril 2015 et réactualisé le 22 août 2016

    A neuf mois de l'élection présidentielle, alors que paraît « Conversations privées avec le président » où François Hollande confirme les incertitudes et les conditions - non réunies - de son éventuelle candidature, qu'Arnaud Montebourg vient de lancer la sienne à grand tapage, que le parti au pouvoir est en miettes et que la primaire socialiste se prépare et s'annonce sous les pires auspices, la France n'est plus guère gouvernée alors que pèse sur elle de graves menaces et que son déclin se poursuit. Le principal obstacle à ce que se produise un sursaut - prélude à un redressement - national apparaît de plus en plus clairement : c'est la République, le Système lui-même, l'idéologie dominante qui l'empêchent.  LFAR  

     

    Dans un an, en principe, nouvelle élection présidentielle. On ne sait s’il faut se réjouir ou se lamenter au vu des piteux résultats obtenus par M. Hollande à ce jour et au peu de crédit que l’on peut raisonnablement accorder à ses concurrents. La responsabilité de M. Hollande reste entière d’avoir tout donc trop promis : on se rappelle la fameuse anaphore (« c’est maintenant ») de son discours du Bourget le 22 janvier 2012. En promettant le paradis socialiste hic et nunc, il s’inscrivait comme il se doit dans la pure tradition de la démocratie élective par nature démagogique. Rien d’étonnant donc si son quinquennat est, pour l’essentiel, une succession d’échecs - d’une diplomatie guidée par une imbécile hostilité à M. Poutine à une incapacité évidente à inverser la courbe du chômage. Même sa tentative de récupération politicienne des attentats de 2015 a vite fait long feu et, la semaine dernière encore, on a eu droit à sa renonciation à la déchéance de nationalité tandis que la rue manifestait son hostilité au projet de loi de Mme El Khomri.  

    Reconnaissons deux exceptions, mais de taille et d’une certaine façon exemplaires - pour des raisons opposées. La première concerne l’intervention française au Mali : M. Hollande, transfiguré par son aura de chef des Armées, fit un temps illusion et consensus; mais, s’il put adopter une telle attitude, cela tient à des institutions qui lui confèrent un pouvoir quasi monarchique en matière de Défense nationale. La seconde concerne la loi sur le « mariage pour tous » : elle restera son « grand oeuvre », imprégnée qu’elle est de toutes les dérives idéologiques et sociétales de l’intelligentsia gaucharde. 

    En 2012, M. Hollande a donné à tous une leçon d’opportunisme : le petit Premier secrétaire du P.S. est venu à bout du président sortant en sachant profiter au mieux d’un certain rejet vis-à-vis de M. Sarkozy. Mais, remporter une élection est une chose, être chef de l’Etat en est une autre. Dans cette fonction, M. Hollande aura déçu jusqu’à ses plus chauds partisans : le dernier sondage Odoxa fait ainsi état d’une cote de popularité au plus bas en France (moins de 20%). Son problème est au fond d’être ce qu’il est : un chef de parti d’abord soucieux de l’échéance de 2017 et, pis sans doute, un chef d’Etat sans charisme, manifestement incapable d’être au niveau de sa fonction.  

    Il est vrai qu’avant lui M. Sarkozy n’a pas davantage réussi. Mais, au fond, le pouvaient-ils, politiquement parlant, l’un et l’autre ? La Ve République, taillée sur mesure pour un De Gaulle, est affaiblie de fait par le quinquennat et en proie à la résurgence de velléités parlementaristes (certains rêvent même d’une VIe République qu’ils parent de toutes les vertus « démocratiques »). Dans le même temps, l’Etat voit ses fonctions régaliennes plus ou moins remises en cause par les concessions faites à l’européisme (dont la conséquence ultime sera de le réduire à un état croupion). Si rien n’interdit, bien sûr, d’espérer en l’homme (la femme) providentiel(le), il est évident que la solution politique, c’est-à-dire s’inscrivant dans la durée, reste d’ordre institutionnel. 

    A lire dans Lafautearousseau ...

    « Lettre à mon président qu'a pas d'bol »

  • Vincent, François, Paul... et les autres

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Les mêmes qui crient à la xénophobie, voire au racisme, dès qu’il est question de l’identité de la nation française, approuvent et favorisent tout ce qui permet à la plus importante des « communautés » d’origine étrangère de cultiver sa différence et son identité. Les mêmes qui pensent que la liberté individuelle, existentielle, de l’être humain n’aurait d’autre limite que son bon vouloir trouvent impensable que l’immigré lambda puisse envisager de choisir librement un prénom « français » au lieu de se crisper sur ses propres racines. 

    Bien entendu, il y a des cas particuliers, des effets de mode et des traditions familiales. Ainsi, Giulia (Sarkozy) n’est pas tout à fait Julie mais peu importe car tout le monde voit bien la quasi similitude et la proximité des deux formes : il arrivera même que certains confondent Julie et Giulia; en revanche, Zohra (Dati) restera encore longtemps perçu comme étranger, voire « stigmatisant » : il ne viendra à l’esprit de personne d’appeler Vénus la petite Zohra. C’est ainsi et les professionnels de l’antiracisme n’y peuvent rien changer. M. Domenach non plus. Il a sans aucun doute raison de faire remarquer (R.T.L., lundi 30 mai) que la plupart des prénoms réputés « français » ont une origine « étrangère ». Et les exemples qu’il donne - Robert, François ou Eric - sont tout à fait probants. Il aurait pu, aussi bien, à côté de ces prénoms d’origine germanique ou scandinave, en citer d’autres, d’origine grecque (Sophie, Stéphane, Théophile, etc.) ou hébraïque (Benjamin, Jacques, Pascal, etc.). 

    Si son argumentation (« Nos prénoms sont souvent des immigrés qui ont commencé par être traités en métèques avant d’être certifiés franco-français, voire sanctifiés. ») reste vicieuse, c’est qu’elle ne prend en compte ni la dimension historique et géographique : la France s’est construite peu à peu, en faisant sienne des apports le plus souvent proches, dans un multi-culturalisme géo-ethnique, les fameuses et si différentes « provinces » de l’Ancien Régime - et on ne sache pas qu’existe une province arabe en France; ni la dimension culturelle et religieuse : le double héritage judéo-chrétien et gréco-romain a toujours été revendiqué et assumé tout au long de l’Histoire par le pouvoir et les « élites » du royaume de France et même de la République.  

    Domenach aurait donc dû rajouter que tous ces prénoms, même les plus méconnus et les plus bizarres, ont reçu la double onction nationale et religieuse au point que les autorités républicaines elles-mêmes les ont validés, jusqu’à très récemment : à preuve le bon vieux calendrier du facteur. Cela lui aurait évité de penser que des prénoms manifestement arabes pourront, sans une véritable révolution culturelle, passer un jour pour ce qu’ils ne sont pas - c’est-à-dire français. Il aurait aussi évité la leçon de M. Zemmour qui lui a répondu avec pertinence (R.T.L., mardi 31 mai) que si le nom de famille inscrit de façon quasi irrévocable l’individu dans une lignée, le choix du prénom permet de mesurer la volonté d’intégrer la nation : ainsi Zemmour signifie-t-il « olivier » en berbère, tandis qu’Eric est un prénom français d’origine scandinave. 
  • A qui profite le crime ? par François Reloujac

    (Voici l'analyse économique de François Reloujac, publiée dans le numéro de juin de Politique magazine. On a appris hier, en soirée, que Christine Lagrde était nommée Directrice générale du FMI, première femme à occuper ce poste...)

    Le scandale provoqué par Dominique Strauss-Kahn semble avoir donné de nombreuses arrière-pensées à diverses personnalités : 

    Nicolas Sarkozy, Martine Aubry, François Hollande, Marine Le Pen ou Christine Lagarde en France, ou les banquiers et économistes, John Lipsky, Grigori Martchenko, Augustin Carstens, Trevor Manuel, Kemal Dervis ailleurs dans le monde. Il paraît cependant plus important ici d’ouvrir des pistes de réflexion sur les conséquences économiques et politiques, directes et indirectes, de la démission de l’ancien directeur général du FMI. 

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     "...Une semaine à peine après la démission de DSK, Christine Lagarde était la favorite de l’ensemble des gouvernements européens. Ministre français de l’économie et des finances, ayant accompli une grande partie de sa carrière aux États-Unis, cette femme de caractère semblait avoir tous les atouts… sauf celui d’être une économiste !..."

            Force est de reconnaître que l’image de la France en a été ternie. Et même si, comme d’aucuns l’espèrent, c’était une Française qui lui succédait à la tête de cette organisation internationale, il lui faudrait beaucoup d’efforts pour restaurer cette image écornée. En fait, ce scandale pourrait mettre un terme, du moins aujourd’hui dans les esprits et demain dans les faits, au partage des pouvoirs au sein du FMI et de la Banque mondiale entre les États-Unis et l’Europe. Il ne paraît plus invraisemblable que dans un avenir proche l’une des deux organisations soit présidée par un représentant des pays émergents ou que les États-Unis ne revendiquent les deux postes. Cependant, même si les Américains pourraient avoir une telle prétention, il leur faudra convaincre leurs partenaires et tenir compte du rééquilibrage des sources de financement du FMI, réalisé par DSK, et qui a conduit la Chine à en devenir le deuxième contributeur. De plus, les États-Unis ont un deuxième handicap qui est en fait aussi un aiguillon : le jour même où le scandale a éclaté, ils étaient en état virtuel de cessation des paiements. Car c’est aussi en ce milieu du mois de Mai que le déficit américain a dépassé le seuil de 14 290 milliards de dollars fixé par le Congrès comme limite ultime d’endettement à ne pas dépasser. Si le gouvernement Obama n’arrive pas à obtenir du Congrès qu’il accepte de repousser cette limite, il ne pourra plus payer ses fonctionnaires à partir du mois d’août prochain. 

            Et, si le Congrès donne cette autorisation, à qui le gouvernement américain empruntera-t-il à un taux raisonnable ? Les agences de notation commencent en effet à envisager de leur ôter leur fameux « triple A ». Devront-ils se tourner vers le FMI ? Il faut désormais constater que l’institution prête aujourd’hui presque exclusivement aux pays européens qui ont vécu au-delà de leurs moyens depuis des décennies : Grèce, Irlande, Islande, Portugal, Hongrie, Lettonie, Roumanie… Si les États-Unis doivent demain être concurrents de l’Europe pour aller chercher des fonds à des taux acceptables, mieux vaut que ce ne soit pas un Européen qui soit à la tête du FMI. Et si c’en est un, mieux vaut qu’il soit en situation de faiblesse relative ou que cet Européen soit très américanisé. Une semaine à peine après la démission de DSK, Christine Lagarde était la favorite de l’ensemble des gouvernements européens. Ministre français de l’économie et des finances, ayant accompli une grande partie de sa carrière aux États-Unis, cette femme de caractère semblait avoir tous les atouts… sauf celui d’être une économiste ! Il faut surtout espérer maintenant, pour le FMI bien sûr, mais pour la France surtout, que le procureur général de la Cour de justice de la République ne sera pas suivi et que cette brillante avocate internationale ne sera pas mise en examen pour « abus d’autorité » dans l’affaire Tapie. De même, il faut espérer qu’elle ne sera pas mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » dans l’affaire Applicatour… La crédibilité de la France y aurait plus à perdre que celle du FMI.

     Les solutions keynésiennes de DSK

            Mais il y a un autre aspect de la question. Dans un monde où le mot « libéralisme » sert souvent d’étendard et où les penseurs économiques poussent à des politiques monétaristes, Dominique Strauss-Kahn faisait entendre une voix différente et avait, depuis le début de la crise, poussé à des solutions keynésiennes. Faisant voler en éclat le consensus monétariste, il a poussé les États à adopter des plans de relance massifs qui ont permis de gagner du temps à défaut de constituer de véritables solutions. Ces plans de relance, le Directeur général du FMI a pesé de tout son poids pour qu’ils soient généralisés dans tous les pays du monde et qu’ils soient concomitants. En effet, la théorie keynésienne s’inscrit dans un espace économique fermé… qu’en bon « mondialiste », DSK étend aux limites de la planète ! Hélas, ces plans de relance massifs ont, faut-il le rappeler, accru de façon considérable l’endettement des États. Peu à peu on entend dire que, comme pour Athènes, « retarder sans cesse le jour où l’on reconnaîtra ces difficultés n’améliorera en rien la situation de la Grèce : au contraire, cela ne fera que rendre plus douloureuse encore l’inéluctable restructuration de la dette » (Martin Wolf, Le Monde,17 mai 2011). Plus la bulle des dettes d’État sera grosse, plus son explosion sera douloureuse. Car nulle autre voie ne semble ouverte, ni celle de l’inflation interdite par la Banque centrale européenne de Jean-Claude Trichet, ni la relance géographiquement circonscrite à cause du dogme du libre échange. Or, pas plus l’Europe que les États-Unis, nul ne peut plus « se permettre de continuer à jeter l’argent par les fenêtres en priant pour que la croissance revienne miraculeusement » (D. Roubini et S. Mihm, Les Échos, 23 mai 2011).

     En cause, la survie de l’union monétaire européenne

            D’un point de vue plus politique et, en revenant uniquement sur le terrain européen, Dominique Strauss-Kahn est celui qui avait réussi à convaincre les Allemands de soutenir la Grèce en échange d’un plan d’austérité drastique. Si les conséquences du plan d’austérité sont de plus en plus mal supportées par les Grecs, le Premier ministre athénien lui doit cependant sa survie actuelle. 

     

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            D’ailleurs, depuis le départ du patron du FMI, les dissensions qui existaient depuis longtemps parmi les ministres grecs, s’étalent désormais au grand jour. Du côté de Berlin, le départ de DSK donne de nouvelles forces à tous ceux qui sont hostiles à un effort supplémentaire de solidarité. « L’ Allemagne semble désormais convaincue – comme le sont depuis longtemps les marchés – de l’inéluctabilité d’un rééchelonnement ordonné et préventif de la dette grecque », confiait aux Échos Laurent Cohen-Tanugi. Or, au-delà de la situation grecque, ce qui est en cause c’est bien la survie même de l’union monétaire européenne dans sa forme actuelle. Dans sa réflexion du 18 mai, l’avocat de l’euro poursuivait : « L’idée d’un découplage durable entre les économies les plus solides de la zone – Allemagne, France, Autriche, Pays-Bas – et celles de sa périphérie sud s’installe peu à peu, conduisant soit à l’implosion de l’Union économique et monétaire, soit à la mise sous tutelle financière de fait des secondes par les premières, politiquement inacceptable et contraire à l’esprit européen ». Quel que soit le successeur de Dominique Strauss-Kahn, il ne faudra rien en attendre sur ce point. 

            Aujourd’hui, la Chine est le deuxième pourvoyeur de fonds du FMI ; or, comme tous les Asiatiques, ils pensent que le FMI en a trop fait pour les Européens. Surtout, ils constatent qu’il a été beaucoup plus sévère avec eux lorsqu’il était venu à leur secours à la fin des années 1990.

            Lorsque, par référendum, les Islandais ont refusé de venir au secours des créanciers britanniques et hollandais de leurs trois banques nationales – qui avaient voulu se faire aussi grosses que le bœuf – malgré la pression inouïe des spéculateurs, de la Commission européenne et du FMI, les gouvernements du Vieux Continent ont été frappés de stupeur. Pour la première fois, un peuple entier se rebellait contre la politique d’austérité imposée par un gouvernement qui avait cédé à la pression extérieure alors qu’il n’avait pas été élu pour cela. Dans le même registre, la Grèce cristallise toutes les solutions imaginables pour sortir de la crise et la pression s’y fait de plus en plus forte pour que l’État cède des biens publics. Mais qui a aujourd’hui les moyens d’acheter l’aéroport d’Athènes après avoir acheté le port du Pirée si ce n’est la Chine ! Certains vont même jusqu’à imaginer que, comme l’Église orthodoxe n’est pas séparée de l’État, le gouvernement grec pourrait envisager de céder les biens de l’Église ; ils sont évalués à plus de 700 milliards d’euros. Après avoir poussé les populations à emprunter « pour soutenir la croissance », après avoir financé les investissements publics à crédit, les hommes politiques qui ne respectent plus rien, en dehors de la pêche aux voix, sont acculés à imaginer porter atteinte à ce qui constitue l’âme même des peuples qu’ils sont censés servir. Il y a longtemps qu’ils avaient oublié que leur mission principale, leur raison d’être, est la défense du bien public ; ils ne cherchent plus désormais qu’à trouver les moyens de financer leurs prébendes. ■