UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : trois leçons d'économie du pape françois

  • France Relance, par François Schwerer.

    Le plan de relance, baptisé « France Relance », a officiellement pour but de redonner à tous les acteurs économiques confiance en l’avenir, pour que les uns investissent et embauchent et que les autres consomment. Mais ce plan annoncé solennellement par le chef du gouvernement est-il vraiment adapté aux besoins réels ? Son objectif est-il d'ailleurs conforme à la mission de l’État ?

    Pour qu’un plan de relance réponde à son objectif, il faut qu’il permette de remettre en route les secteurs de l’activité économique qui sont en panne ou, du moins, qui ne répondent pas à ce que l’on attend d’eux. Il faut donc que le diagnostic soit exact et que les moyens mis en œuvre, non seulement soient intrinsèquement efficaces, mais qu’en plus ils soient correctement ordonnés les uns par rapport aux autres pour se renforcer mutuellement et non se télescoper.

    La crise sanitaire que nous traversons, et le confinement imposé par les Pouvoirs publics, ont pesé sur l’économie, tant du côté de l’offre que du côté de la demande. Mais pas de la même façon. En effet, au plus fort de la crise, le gouvernement a mis en œuvre des mesures « sociales » en indemnisant le chômage partiel dans le but de soutenir la consommation et donc la demande. En ce qui concerne la production (c’est-à-dire l’offre), on a promu le télétravail, autrement dit le travail tertiaire. Mais rien n’a été fait véritablement, ni pour soutenir la production agricole ni pour aider la production industrielle. Il en est résulté que la consommation, artificiellement soutenue, n’a pu se porter principalement que sur des services ou sur des biens importés. Dès lors, toute relance de la consommation qui serait décrétée aujourd’hui, sans être précédée d’une relance de la production nationale de biens matériels serait inadaptée, voire contre-productive.

    Le gouvernement communique régulièrement sur le fait que, pendant la période de confinement, les Français ont épargné au lieu de consommer. Il les invite donc à inverser leurs habitudes, comme s’ils étaient coupables du ralentissement économique actuel. Mais le surcroît d’épargne enregistré a deux causes principales. Certains Français n’ont pas pu utiliser leur argent pour des dépenses ayant trait aux voyages, aux spectacles, aux sorties entre amis et si, demain, ils sont à nouveau libres de leurs loisirs, ils n’ont pas besoin d’incitation pour recommencer à dépenser. Il suffit qu’on les autorise à ne plus vivre masqués. Les autres ont épargné par peur de l’avenir, parce que le secteur d’activité qui constituait leur gagne-pain est sinistré ; parce qu’ils risquent demain de se trouver sans travail. Ceux-là n’écouteront pas non plus les sirènes gouvernementales car ils ne veulent pas risquer de se fracasser sur le rocher de Charybde, la misère, ou de se perdre sur celui de Scylla, le chômage de très longue durée.

    De plus, quand on parle de relance, il faut bien garder en tête que l’État n’a pas à être directement producteur de richesses. Il peut se montrer soit consommateur en lançant une politique de grands travaux, soit  investisseur en apportant des capitaux aux entreprises qu’il veut soutenir, soit enfin redistributeur en prélevant des sommes sur les activités les moins utiles pour les affecter à de plus efficientes. Dans son dernier rôle, l’État agit en modifiant les règles fiscales en vigueur ; dans les deux premiers, il doit mobiliser des fonds. Pour cela, si son budget n’est pas habituellement excédentaire et s’il n’a pas la maîtrise de sa monnaie, il doit impérativement accroître les prélèvements soit immédiatement par une augmentation des impôts, soit à terme par l’emprunt qu’il faudra bien, un jour, rembourser.

    Un plan de 100 milliards, vraiment ?

    Le plan promet 7 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments (dont 600 millions figuraient déjà dans le budget pour 2020), à condition que les entreprises s’engagent à « utiliser le moins possible de travailleurs détachés » (sic), ce qui est le moins que l’on puisse demander. Un vrai plan de relance serait allé jusqu’à exiger que le bénéficiaire de l’aide étatique produise en France en employant quasi exclusivement une main-d’œuvre française et en se fournissant essentiellement en France… ce qui n’est pas tenable au regard des engagements européens.

    Il prévoit encore un encouragement à la relocalisation par une promesse de baisse des impôts de production[1] de 10 milliards en 2021 et autant en 2022. En échange les collectivités locales qui bénéficient normalement de ces ressources, seront « intégralement compensées » par une dotation prélevée sur le revenu de la TVA. En contrepartie, les entreprises s’engagent à promouvoir l’égalité homme-femme, défendre l’environnement et « partager la valeur ». Parmi les mesures qui mêlent ainsi le souci de relocalisation et celui de « verdissement » de la production, le gouvernement envisage de faire produire en France, dans les deux ans, des batteries pour véhicules électriques… lesquelles avaient été externalisées parce que polluantes ! Dans le même esprit le gouvernement entend lutter contre « l’artificialisation des sols »… en autorisant des dépassements du seuil de densité. Comme l’explique la présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, il s’agit de « mettre plus de ménages à l’hectare »[2].

    6,7 milliards seront consacrés à l’insertion des jeunes, « via des parcours d’insertion aux métiers d’avenir, en lien avec les régions, soit des formations qualifiantes ». 7,6 milliards seront consacrés à la création d’un « bouclier anti-chômage », autrement dit à l’indemnisation du chômage partiel – qui s’appelle désormais le « régime d’activité partielle de longue durée » ! Hélas, ce plan précise qu’il vise à promouvoir 160 000 embauches en deux ans alors que ceux qui ont été mis au chômage par la crise sont infiniment plus nombreux (500 000 selon le Premier ministre).

    Jean Castex a avoué que ce plan de 100 milliards ne serait à la charge de l’État que pour 80 milliards, le reste étant financé par les partenaires de l’État… déjà en déficit ! Et sur les 80 milliards à la charge de l’État, 40 proviendront des subventions européennes (déjà actées dans le cadre du plan européen de relance de 750 milliards). Le seul problème est qu’au moment où France Relance est annoncé, le Parlement européen ne s’est pas encore prononcé sur le projet, que celui-ci n’est donc pas encore ratifiable (et la Hongrie ne semble pas prête à ratifier un texte que les Parlementaires auraient assortis de conditions spéciales) et que l’on ne sait pas encore comment et dans quel délai les 750 milliards qui vont être empruntés seront remboursables car la nouvelle taxe sur les plastiques à usage unique sera bien insuffisante pour y faire face.

    Le plan est-il crédible ?

    La troisième loi de finances rectificative pour 2020, votée en juillet faisait état d’un déficit annuel de 25 milliards d’euros. Un mois plus tard, alors qu’on nous annonçait que la reprise était là, le ministre des comptes publics expliquaient que « le manque à gagner fiscal pour l’État, du fait de la crise, s’élève à 70 milliards d’euros, soit 15 % des recettes prévues ». Or le budget d’origine était déjà envisagé en déficit de 129 milliards. Ces évaluations ne tiennent pas compte du trou de la Sécurité sociale, fortement creusé par les mesures de soutien social. À ce rythme, la France devrait terminer l’année 2020 avec un déficit supplémentaire de près de 300 milliards (soit environ 15 % du PIB).

    Deux conséquences : le plan total, avec 100 milliards sur deux ans (dont moins de 40 nouveaux) ne représente rien au regard des 300 milliards de déficit prévu pour l’année. Plus grave : si le Gouvernement a annoncé au Parlement courant juillet un manque à gagner de 25 milliards alors que courant août il avoue qu’il est de plus de 70 milliards, cela signifie soit qu’il s’appuie sur des chiffres totalement incontrôlés, soit qu’il ne dit pas la vérité aux représentants du peuple au moment de lui faire avaliser ses décisions.

    Pour financer ce plan, le gouvernement compte sur la « croissance » ! Comme l’a expliqué Jean Castex en présentant le plan : « Je le redis et je veux que les Français en soient convaincus : il n’y aura pas d’augmentation d’impôts ». Certes, il n’est pas prévu d’augmentation des impôts pour les particuliers, mais, « en même temps », il y aura une nouvelle taxe (« la taxe Covid ») sur les contrats d’assurance santé et sur les mutuelles, ce qui sera automatiquement et obligatoirement répercuté dans le coût des contrats… dont la taxation devrait augmenter de 18 %. Il n’y aura pas d’augmentation des impôts pour financer le plan de relance mais, « en même temps » il y aura une augmentation des taxes sur les revenus des retraités pour financer le trou de la Sécurité sociale.

    La Caisse des Dépôts et Consignations prétend vouloir utiliser le surcroît d’épargne figurant sur les « livrets A » pour financer certaines mesures inscrites dans le plan. Mais « en même temps », le ministre de l’Économie incite les Français à consommer rapidement l’argent épargné pendant la période de confinement. On aura donc du mal à utiliser cet argent deux fois. Quant aux 40 milliards qui doivent être obtenus auprès de l’Union européenne, leur usage sera en fait contrôlé par la Commission et il n’est pas assuré qu’elle accepte l’usage précis qu’entend en faire le gouvernement français.

    À l’inverse, on s’étonne du fait que le gouvernement ne semble pas envisager, pour trouver l’argent nécessaire au financement de ce plan, de différer des dépenses non prioritaires et d’annuler des projets de dépenses externes (à l’étranger), voire simplement de commencer à recenser les dépenses improductives

    Plan de relance ou opération de communication ?

    Pour répondre à un souci apparu pendant la crise sanitaire, le plan dit prévoir de privilégier les secteurs stratégiques : produits de santé, « intrants » critiques pour l’industrie, électronique, agroalimentaire et télécommunications (5G). Si les secteurs sont ainsi bien identifiés, ils le sont en termes assez généraux pour que personne ne sache qui sera vraiment concerné. On peut donc penser que cette allusion aux secteurs prioritaires ne constitue pas en soi un objectif économique mais traduise simplement l’expression d’un critère d’attribution des subventions et crédits annoncés par ailleurs. Il ne s’agirait donc pas d’un nouveau chapitre du plan de relance mais d’une autre présentation de l’affectation de ce plan.

    Au total, ce plan est un catalogue de soixante-dix mesures qui n’ont rien de commun entre elles, sauf d’avoir été annoncées au même moment, et qui ne constituent pas un plan de relance mais une opération de communication ratissant le plus large possible. Il ne sert à rien que ces mesures constituent un tout cohérent ni que l’on sache comment les financer, seul compte la possibilité de faire des promesses à un nombre importants d’électeurs et à une échéance suffisamment éloignée puisque comme chacun sait, les promesses n’intéressent que ceux qui y croient.

    Un montant symbolique : 100 milliards. Un recyclage de mesures qui avaient déjà été annoncées à maintes reprises et de travaux d’entretien qui n’avaient jamais été faits (comme 250 millions pour la réfection des ponts menaçant ruine). Trois secteurs médiatiquement porteurs : le verdissement de l’économie, la compétitivité des entreprises et la cohésion sociale ! Un plan de dépense non financé qui ne présente aucune échéance réelle.

    Or un plan de relance, surtout en sortie de crise, se doit de porter rapidement quelques fruits pour faire renaître la confiance. Ce qui aurait pu être rendu possible, par exemple, par des investissements publics dans des projets d’infrastructure, permettant à la fois de redonner du travail aux chômeurs et de relancer la consommation. Mais, à quoi bon se fatiguer ? L’opposition ne ferait pas mieux. Ainsi, Eric Woerth annonce qu’il votera ce plan alors même qu’il craint « qu’il se transforme en bombe financière à retardement ». Que lui importe ? Ce n’est pas lui qui assumera la responsabilité de ce « plan de com ».

    Ceci étant, faut-il un « plan de relance » ? Ce que les citoyens attendent de l’État, ce n’est pas un plan de relance mais la mise en œuvre des conditions de la relance. La relance doit être le fait des agents privés ; l’État doit leur donner les moyens d’agir et les encourager. Il doit aussi donner l’exemple par une politique d’aménagement du territoire qui permette à chacun de travailler et vivre au pays, en protégeant les entreprises nationales et n’encourageant pas la vente des entreprises stratégiques à des intérêts financiers étrangers, en veillant à un niveau d’éducation convenable, etc. Cela signifie aussi clairement que l’État doit abandonner l’administration des choses qu’il ne pourra jamais faire correctement et renouer avec son rôle fondamental qui est de gouverner les hommes.

     

    Illustration : Le plan de relance générale a déjà permis de relancer les fermetures d’usine. Une efficacité redoutable.

    [1]   Il s’agit de la contribution économique territoriale (CET), de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui sera aussi réduite de moitié, mais uniquement pour les établissements industriels.

    [2]   On peut lire dans l’arrêté du préfet de l’Hérault 2020-01-959 que, face à la pandémie, « les métropoles sont des territoires plus critiques du fait de leur densité ».

    2.jpg

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Notre ami Jean-François Mattéi, présent ! : 5. Aujourd'hui, la première des trois vidéos enregistrées lors des Cafés pol

    MATTEI 1.jpgA partir de ce mardi, 24 mars, lafautearousseau rendra hommage à son ami, Jean-François Mattéi, disparu trop tôt, et brutalement, ce triste 24 mars 2014. 

    Au moyen de textes et de vidéos, nous remettrons en première place, en cette triste période anniversaire de son décès, ce que nous proposons en permanence sur notre quotidien qu'il aimait et qu'il lisait, et pour lequel il avait accepté de tenir une chronique, promesse que la maladie seule l'empêcha de tenir...

    Nous remettrons donc "en avant" la magistrale vidéo de sa dernière prise de parole en public (ainsi que deux autres vidéos, enregistrements des Cafés politiques de lafautearousseau auxquels il participait chaque année); et des extraits significatifs de son non moins magistral Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, dont trois constituent autant de nos Grands Textes...

    En ces temps de confinement, la remise "en première place" de ces documents en stock dans le magasin, si l'on nous passe l'expression, nous permettra d'abord de marquer la fidélité à nos amis, dont - la formule est de Maurras - "le meilleur... subsiste lorsque le matériel disparaît tout entier" et de montrer que nous n'oublions, pas, que nous n'oublions personne...

    Mais aussi, le lectorat de lafautearousseau ayant fortement augmenté depuis septembre dernier, nous pensons que ce sera là une bonne occasion pour les jeunes - qui n'ont pas eu la possibilité de connaître Jean-François Mattéi - de parfaire et d'approfondir leur formation doctrinale, en écoutant un Maître, tout simplement. Et, ainsi, nous pensons faire oeuvre utile...

    Aujourd'hui, la première des trois vidéos enregistrées lors des Cafés politiques de lafautearousseau... : L'avènement de la sous-culture...

    Demain : le deuxième des trois Grands Textes tires de Le Regard vide - Essai sur l'épuisement de la Culture européenne...

     

    Café politique de Lafautearousseau -Jean-François MATTEI - 6 avril 2013 from U.R.P. on Vimeo.

    lafautearousseau

  • De Nicolas Sarkozy à François Hollande, la Ve République sur la sellette

     

    Par Frédéric Rouvillois           

    L'autorité de François Hollande est remise en cause. C'est une litote. Cependant, Frédéric Rouvillois entend démontrer ici [Figarovox - 31.10] qu'au-delà des personnes, ce sont les fondements de la « république gaullienne » qui vacillent (autre litote ?) ce que le livre de Patrick Buisson décrit minutieusement. Frédéric Rouvillois dégage de cette lente évolution une analyse critique originale et profonde. Mais pourquoi cette érosion s'est-elle produite, conduit-elle à l'inexorable déclin de ce régime bâti pour rendre à l'Etat puissance et légitimité ? Etait-il réellement possible de concilier les institutions républicaines à la française, leur esprit profond, et l'intention d'une rupture « avec cette volonté d'abstraction qui remonte à la révolution de 1789 », et de renouer « avec une tradition plus longue, plus ancienne et plus profondément enracinée, selon laquelle en France, pays latin de culture chrétienne, le pouvoir suprême s'exerce non par délégation, mais par incarnation » ?  Pouvait-on marier l'eau et le feu, accorder deux traditions aussi historiquement et idéologiquement opposées, marier durablement ces contraires ? N'était-ce pas tout bêtement mission impossible ? L'expérience des trente ou quarante dernières années répond par l'affirmative. Les monarchistes que nous sommes, aussi.  Lafautearousseau  

     

    778806829.jpgComparaison n'est pas raison, nous dit la sagesse des peuples. Ce qui n'empêche pas certains rapprochements troublants. Au printemps 1958, l'agonie piteuse de la IVe République avait été marquée par des manifestations de policiers ulcérés par l'impuissance de l'État, par des dissensions amères au sein du gouvernement et de la classe politique, par la perte de légitimité du système et par son incapacité visible à trouver des réponses aux questions les plus urgentes. Et même, par l'électrochoc suscité par la parution d'un livre événement, Les princes qui nous gouvernent, dans lequel un « homme de l'ombre », Michel Debré, consignait lucidement les indices de la phase terminale du régime. Soixante ans plus tard, c'est la Ve République, ou plutôt, ce qu'en ont fait les gouvernants depuis une trentaine d'années, qui se trouve sur la sellette. Et c'est un autre grand livre, La cause du peuple, de Patrick Buisson, qui se charge de dresser le constat, en confrontant le régime tel qu'il avait été conçu à l'origine, à l'ombre caricaturale et falote de ce qu'il est devenu.

    Au début de De l'Esprit des lois, Montesquieu expliquait que chaque gouvernement a son principe, qui est « ce qui le fait agir ». En historien et en politiste avisé, Patrick Buisson rappelle quel était celui de la République singulière établie par De Gaulle en 1958, et parachevée en 1962 avec l'élection du président au suffrage universel direct.

    Au sommet de ce que le Général n'hésitait pas à qualifier de « monarchie populaire », le président incarne « de façon indivisible » l'autorité de l'État, et en dispose seul lorsque la nation est confrontée à un péril grave et immédiat. C'est d'ailleurs, souligne Buisson, la grandeur de la république gaullienne, que d'avoir osé rompre « avec cette volonté d'abstraction qui remonte à la révolution de 1789 », et renouer « avec une tradition plus longue, plus ancienne et plus profondément enracinée, selon laquelle en France, pays latin de culture chrétienne, le pouvoir suprême s'exerce non par délégation, et par incarnation ». À la base, le peuple en majesté : un peuple qui n'est plus le « souverain captif » dénoncé sous la IIIe République par André Tardieu, le mentor du Colonel de Gaulle, mais le souverain tout court, qui choisit au suffrage universel celui qu'il entend faire chef de l'État. Entre les deux, enfin, entre la base et le sommet, le « principe » de cette république singulière : un « courant de confiance » sur lequel se fonde l'autorité du président, mais qui implique en retour sa responsabilité politique devant le peuple. La légitimité du président résulte à la fois de cette confiance, et de la poursuite du bien commun - ce qui suppose qu'il se comporte comme le président de tous les Français, et non comme représentant, à l'Élysée, de son parti ou des soi-disant élites qui l'environnent.

    Or, démontre impitoyablement Buisson, ce « principe » s'est évaporé depuis une trentaine d'années.

    Au lieu d'un pouvoir incarné combinant «présence et distance, proximité et verticalité», on « oscille entre ces deux pôles de la désacralisation que sont l'exhibition de la personne et la vulgarisation de la fonction». Dérive dont « le narcissisme de Nicolas Sarkozy (…) et le bonhommisme de François Hollande (…) auront été l'aboutissement », l'un comme l'autre n'hésitant pas à se réclamer d'une même « logique de l'abaissement ». Voilà pourquoi, entre l'homme à la Rolex et l'homme au scooter, entre le président du Fouquet's et le président normal, ce sont surtout les similitudes qui frappent. Le Chef de l'État renonce à sa singularité, à sa hauteur, à cette distance qui fonde l'autorité, pour se présenter comme un « hypoprésident », un citoyen ordinaire, très ordinaire même, jetant ostensiblement aux orties le frac présidentiel pour endosser son survêtement et ses charentaises. Sauf que ce président « normalisé » oublie à quel point il en devient anormal au regard du principe d'un régime où l'autorité présidentielle est conditionnée par la responsabilité et la légitimité de son titulaire. Le président ne dispose en effet des pouvoirs qui lui sont attribués, qu'aussi longtemps qu'il bénéficie de la confiance du peuple. Lorsqu'il l'a perdue, il n'y a plus aucun titre, et son pouvoir n'est plus qu'une forme de despotisme. Un despotisme mou et inefficace, certes, mais un despotisme tout de même, et dont on comprend, jusqu'au cœur de l'État, qu'il n'a plus droit au respect ni à l'obéissance.

    Mais la conséquence de cette désincarnation, c'est également l'érosion du caractère démocratique du système, la responsabilité, qui en théorie fonde l'autorité du président, étant aussi le moyen, pour le peuple, de faire entendre sa voix. De là, pointe Patrick Buisson, « un Kratos sans Démos »: un pouvoir retiré au peuple au nom de la démocratie elle-même, sans que le subterfuge suscite autre chose qu'un sentiment de malaise - et une abstention de plus en plus massive chez les jeunes et dans les catégories les moins favorisées.

    Et c'est ainsi que la Ve République, Monarchie populaire, voit ses deux piliers vaciller en même temps. Alors que le monarque l'est de moins en moins, hésitant entre le lampiste et le despote mais refusant d'un même mouvement incarnation et responsabilité, le peuple voit s'évanouir sa souveraineté, réduite en miettes puis répartie entre d'innombrables intervenants, représentants qui ne représentent pas même la moitié des électeurs, juges, experts européens, technocrates bruxellois, instances partisanes sélectionnant les candidats à la présidentielle, etc. Le tout fabriquant une manière de « postdémocratie » qui n'est jamais qu'une antidémocratie. Une démocratie dépassée, remplacée par un Kratos désincarné, lointain, inaccessible, situé dans quelque introuvable cloud politique. 

    Frédéric Rouvillois      

    Frédéric Rouvillois est écrivain et professeur agrégé de Droit public à l'Université Paris-Descartes, spécialiste du droit de l'État et d'histoire politique. Auteur de nombreux ouvrages, il a notamment publié Crime et Utopie, une nouvelle enquête sur le nazisme (éd. Flammarion, 2014) ; Être (ou ne pas être) républicain (éd. Cerf, 2015) et dernièrement La Clameur de la Terre. Les leçons politiques du Pape François (éd. Jean-Cyrille Godefroy, 2016).      

  • Covid-19 : la valse des milliards (la suite), par François Schwerer.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Les milliards pleuvent comme les printemps s’épanouissent. Mais quand il faudra rembourser, la France sera-t-elle capable de faire face aux échéances ? Impôts, spoliation ou inflation, le gouvernement aura besoin de la confiance des Français…

    Depuis le début de la crise sanitaire, l’unité de mesure est devenue la centaine de milliards. Personne ne réussit véritablement à saisir la grandeur que cela représente ; c’est simplement énorme… à la mesure de ce que le Gouvernement fait pour la population ! Sauf, qu’en fin de compte ce sera à la population de payer. À ce moment-là, les successeurs de ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui se poseront la question de savoir comment.

    françois schwerer.jpgLe montant annoncé le 15 avril par le Premier ministre, Edouard Philippe, s’élevait à 110 milliards. Depuis ce chiffre a été revu à la hausse : le 15 juin, le président Macron évoquait 500 milliards. Un effort « d’une ampleur exceptionnelle », sans équivalent ! Et le 21 avril Gérald Darmanin nous a prévenu : « il n’y a pas de plafond à la dette ». De son côté la BCE a annoncé un plan de 750 milliards et laissé entendre qu’un autre de 600 milliards devrait être mis en place en octobre. Quand on aime, on ne compte pas, c’est bien connu.

    Qui va payer ?

    Hélas, contrairement à l’Allemagne, le pays ne dispose pas de réserves financières pour faire face à ce surcroît de dépenses, et comme le dit le prix Nobel d’économie, Jean Tirole[1], il n’existe pas « de monnaie magique » – c’était d’ailleurs pour cela que le Gouvernement avait promu une « politique d’austérité ». La France est déjà endettée au-delà du montant total de son PIB (qui fait à peine plus de 2 000 milliards) ; elle va donc devoir emprunter cette somme qui va venir s’ajouter à ses dettes structurelles qu’il faudra bien, un jour, soit annuler soit rembourser.

    Annuler les dettes paraît difficile tant que celles-ci sont détenues par des banques privées, des fonds de pension ou des compagnies d’assurance, tant français qu’étrangers. Il faudrait, auparavant, que ces « investisseurs » aient cédé leurs créances à la Banque centrale, en contravention avec les traités européens dont la Cour de Karlsruhe vient de rappeler à l’Allemagne qu’elle doit les respecter ou en sortir. De plus on voit mal que la France puisse prendre une telle décision alors que tous les autres pays développés (les États-Unis comme la Chine) sont dans le même cas, et que les monnaies sont toutes définies les unes par rapport aux autres, sans aucune référence à une valeur externe objective. Qu’un pays annule ses dettes sans se coordonner avec tous les autres et c’est un véritable château de cartes qui s’écroule.

    Comment, dès lors, honorer de telles dettes ? Jusqu’à présent, nos hommes politiques expliquaient que cela se ferait sans douleur le jour où la croissance repartirait. Ils omettaient de dire que malgré la croissance économique que l’on avait connue jusque-là, la France avait eu recours à un endettement de plus en plus massif. Si, malgré tout, la France peut encore emprunter « dans des conditions satisfaisantes », c’est parce que les « investisseurs » pensent qu’il est moins risqué pour eux de prêter de l’argent à la France qu’à l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Ils tablent sur le fait que le Gouvernement a encore le pouvoir d’augmenter les impôts ! Mais jusqu’à quand attendront-ils pour récupérer leur mise ? Et, s’ils considèrent un jour que cette récupération devient problématique, que risquent-ils de demander en échange ? Aujourd’hui, les taux sont bas. Mais les emprunts contractés ne sont que de courte durée. À leur échéance, si la France ne peut pas les rembourser, elle sera contrainte d’en demander la reconduction ; à quel taux ? C’est donc bien une épée de Damoclès qui menace les budgets futurs et l’équilibre économique du pays avec.

    Si la croissance ne permet pas de mettre de côté les sommes nécessaires à l’amortissement de la dette, il faudra bien trouver une autre solution. Comme de nombreux emprunts contractés par la France l’ont été auprès d’investisseurs étrangers, on pourrait être tenté de procéder à une dévaluation. Mais la France n’est plus maîtresse de sa monnaie ni de son droit : elle n’a pas contracté tous ses emprunts selon le droit français et les sommes empruntées ne sont pas toutes remboursables en euros. Dès lors une dévaluation n’aurait qu’un effet limité – voire même pervers – sur le plan économique et serait désastreux au regard des relations internationales.

    Comment répartir la charge du remboursement ?

    En fait, quelle que soit la solution qui sera retenue ce sont bien les citoyens qui supporteront la charge du remboursement. Et pour cela le Gouvernement semble avoir le choix entre trois méthodes qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

    La première à laquelle chacun pense, malgré ce qu’en a dit le président Macron, est l’accroissement de la charge fiscale pesant sur les nationaux, c’est-à-dire sur les ménages et les petites entreprises – car les grandes entreprises multinationales pourront toujours délocaliser le siège de constatation de leurs bénéfices. Cette charge fiscale peut être accrue de deux façons, soit en augmentant les taux d’imposition (un point de plus sur la TVA, une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu, un alourdissement des taxes foncières, la suppression des abattements sur les droits de succession…) soit en élargissant la base imposable (diminution du seuil en-dessous duquel un ménage est non imposable, suppression des niches fiscales, nationalisation des sols sur lesquels sont bâties les maisons assortie du paiement d’un « loyer » à l’État pour l’occupation du sol, rétablissement de l’impôt sur la fortune…).

    La deuxième a été préconisée par l’Union européenne, dans le cadre d’un « plan de sauvetage des banques » au cours de la crise précédente. Il s’agit de la spoliation de tout ou partie de l’épargne. Cette solution est d’autant plus dans l’idée des hommes politiques que, depuis plusieurs années, on répète aux Français qu’ils sont les champions de l’épargne et que l’économie nationale pâtit du fait qu’ils ne consomment pas assez. Aujourd’hui, sans qu’il soit besoin de changer un texte, l’État peut décider de ponctionner les comptes en banque au-delà de 100 000 euros. Au moment de la mise en place de ce mécanisme, les Grecs et les Chypriotes ont eu à en connaître. Ce procédé est d’autant plus facile à mettre en œuvre que les paiements ne se font plus en espèces mais par cartes, virements ou prélèvements, obligeant ainsi chaque citoyen à laisser tous ses avoirs financiers à la discrétion des pouvoirs publics.

    Reste la troisième solution, qui est l’inflation. Pour nombre d’économistes, cette solution serait la moins douloureuse car elle pourrait être étalée dans le temps. Mais, en réalité, cette solution est probablement celle qui est la plus difficile à contrôler car son rythme dépend plus du désir de consommation des citoyens et des limites à l’accroissement de la production (qu’elle soit nationale ou internationale) que des décisions des pouvoirs publics. Si les pouvoirs publics fournissent les moyens de l’inflation (masse monétaire en circulation), ils n’en fournissent pas les causes (augmentation du désir de consommation au-delà de la production disponible). On constate d’ailleurs que, tout au long de ces dernières années, les banques centrales ont visé un taux d’inflation considéré comme idéal (2 %) sans jamais l’atteindre. Plus elles ont augmenté la masse monétaire en circulation, plus celle-ci est passée dans une « trappe financière ». L’inflation n’a pas été au rendez-vous mais des « bulles » se sont développées dont certaines ont fini par exploser. Car l’inflation n’est pas qu’un phénomène monétaire purement mathématique. Elle dépend de la psychologie des ménages et de leur désir de consommer. Dans une société d’abondance, lorsque les besoins primaires et même secondaires semblent comblés, un surcroît de pouvoir d’achat ne suscite pas obligatoirement une demande supplémentaire des mêmes biens mais se retrouve en partie dans la spéculation financière. Dès lors, au lieu d’alimenter l’inflation, il vient faire grossir des « bulles ».

    Quel sera le choix du Gouvernement ? Quel qu’il soit, il communiquera exclusivement sur la solidarité et la justice sociale. Il est normal que les plus riches supportent la charge la plus élevée. Mais comme ces arguments ont été utilisés sans retenue pour accroître l’omnipotence de l’État, ils sont devenus des slogans auxquels beaucoup ne croient plus. De plus dans un monde terriblement individualiste, chacun regarde désormais, non pas comment est réparti le fardeau entre tous, mais quel poids lui-même supporte. La réussite de la sortie de crise – qui aura un coût élevé – va donc essentiellement reposer sur le degré de confiance que le Gouvernement va savoir susciter et sur le degré de cohésion nationale qu’il va être capable de maintenir.

    [1] Il a été nommé président de la commission d’économistes mise en place par le président Macron pour proposer un « changement de logiciel économique » (sic).

    1.jpg

  • Le Père Goriot et la Mère Vauquer par Jean-François Mattéi

    Copie de mattei detouré 1 copie.jpgLa littérature est décidément prémonitoire. Dans Le Père Goriot, Balzac décrit une pension parisienne, rue Neuve-Sainte-Geneviève, avec son allée bordée de lauriers roses. On y pénètre par une porte surmontée d’un écriteau sur lequel on lit : MAISON-VAUQUER, et dessous : Pension bourgeoise des deux sexes et autres.

    L’auteur de La Comédie humaine est enfin exaucé. Sous la pression des associations Homosexuels, Bisexuels, Queer et Transgenres, les alternatives à la sexualité traditionnelle, qui avait pourtant fait ses preuves, permettent à la maison de Madame Vauquer de recevoir de nouveaux pensionnaires. On les traitera comme les habitués des deux sexes, plus même, on imposera à ces derniers de se mettre à l’école des nouveaux venus. Le terme d’« école » est justifié puisque cette institution a trop longtemps reconnu le primat des sexes masculin et féminin au détriment des sexes « autres ».  

    Ne voit-on pas encore parfois, sur de vieux linteaux, les inscriptions outrageantes « École de garçons » ou « École de filles » ? Comment concilier cela, même dans les écoles mixtes, avec l’obligation d’égalité entre les êtres ? On lit ainsi, sur le portail du Ministère de l’Éducation nationale (education.gouv.fr) : « Si les écoles et les établissements sont devenus mixtes dans les années 70, trop de disparités subsistent dans les parcours scolaires des filles et des garçons. L’éducation à l’égalité est nécessaire à l’évolution des mentalités ».

    suede neutralite sexuelle.jpg

    Les poupées pédagogiques de la garderie éducative Égalia, en Suède.

    À l’évidence, elles évoluent très vite. On apprend ainsi que certaines crèches scandinaves ont supprimé les termes « fille » et « garçon » pour les remplacer par « enfant », un mot qui neutralise selon le vœu des gender studies, les distinctions héritées de la grammaire plus que de la biologie. Mais ce n’est qu’un début. Un établissement secondaire sélectif de Stockholm, le Södra Latins Gymnasium, a proposé de réaliser un vestiaire spécifique, ni masculin ni féminin, pour les élèves qui ne s’identifieraient ni comme hommes ni comme femmes. Il doit être inauguré le 6 mai à la demande de l’association HBQT du lycée. Les leçons de morale commenceront donc moins dans les salles de classe que dans les trois vestiaires destinées aux « deux sexes et autres ».

    On a également appris, ces derniers temps et en divers lieux, que telle école ou telle famille n’habillait plus les enfants en fille ou en garçon, mais alternativement, tantôt en fille, tantôt en garçon, pour les dissuader d’avoir une identité sexuée. Mais le vêtement ne fait pas tout. Certains parents ont décidé de donner des prénoms qui n’auraient pas de coloration féminine ou masculine pour ne pas inciter leurs enfants à supporter une sexualité imposée par la langue. Ou alors ils ont donné des pronoms masculins, comme Jack ou Joe, à des filles, et des prénoms féminins, comme Élisa ou Joanne, à des garçons. L’État civil suédois reconnaît en outre officiellement 170 prénoms neutres.

    gender.jpg

    Du prénom, on passe allègrement au pronom. Toujours en Suède, les adeptes de la neutralité sexuelle, non contents d’égaliser les comportements des filles et des garçons, en attendant d’en finir avec ces termes infâmants, ont demandé de supprimer les pronoms masculins et féminins. L’Encyclopédie nationale suédoise a donc remplacé récemment il (han en suédois) et elle (hon) par hen, intraduisible en français sinon par çà. Ni lui ni elle : on reconnaît la double dénégation des déconstructeurs des années 60, le ni ... ni, qui, pour Jacques Derrida, définissait la dissémination de la langue. Car, au fond, ce n’est pas au sexe que l’on en veut, bien qu’il soit, horreur, naturel, alors que nous savons que tout est culturel. C’est à la langue, ni la meilleure ni la pire des choses, mais la matrice du phallocentrisme qui fonde toute notre tradition.

    Pourquoi s’arrêter aux vestiaires de l’école et de la langue quand on peut aller aux toilettes ? La région du Södermanland, toujours en Suède, va débattre au Parlement d’une loi obligeant les hommes à uriner assis, comme les femmes, et non debout, ce qui souligne trop leur hauteur de vue. On ne demandera pas, notons-le, aux femmes de se lever et d’uriner debout ; on contraindra les hommes à s’asseoir et à faire pipi assis. La défécation ne fait pas encore objet d’une loi, comme la miction, car les deux sexes, et autres, semblent assis à la même enseigne. Il reste que la future loi conserve comme un relent de sexisme puisqu’elle laisse entendre que si les hommes peuvent uriner assis, les femmes ne peuvent uriner debout, ce qui, on en conviendra, est non seulement fâcheux, mais discriminatoire.

    Les mauvais esprits se demanderont jusqu’où peut aller la folie de l’égalité quand elle se niche, non plus dans l’engagement républicain, mais dans la neutralité sexuelle. Elle revient à confondre, dans une même exigence d’indifférence, la Père Vauquer et la mère Goriot. Balzac en avait conscience : « La bêtise a deux manières d'être : elle se tait ou elle parle. » Doit-on alors lui laisser la parole ? 

  • Le langage du pape en Irak, par Gérard Leclerc.

    © Antoine Mekary / Godong

    Ce qui est remarquable dans le langage du pape lors de son voyage en Irak c’est son originalité qui le distingue du politique et même de l’universitaire. C’est le mode pédagogique d’un homme de Dieu qui veut guérir et réconcilier.

    gerard leclerc.jpgDu voyage de François en Irak, il y a lieu de retenir notamment la nature de son langage. Langage ciblé, bien sûr, en raison d’une situation donnée, mais aussi formulée en raison des critères propres à sa mission de chef de l’Église catholique. La situation, nous le savons, est celle d’un pays qui sort de décennies de convulsions et qui a subi l’agression d’une formation se réclamant de l’extrémisme islamiste. Face à cette réalité, le pape n’a pas exactement le langage d’un politique. Et lorsqu’il aborde la question proprement religieuse, il se situe comme réconciliateur, pacificateur, jamais comme participant d’un conflit politico-religieux. Ainsi ne désigne-t-il pas nommément le fondamentalisme ou le terrorisme islamistes. Ce n’est nullement dérobade de sa part, mais volonté explicite de tirer les choses vers le haut. Vers les étoiles, dit-il.

    Je le cite : « Celui qui a le courage de regarder les étoiles, celui qui croit en Dieu, n’a pas d’ennemis à combattre. Il a un seul ennemi à affronter, qui se tient à la porte du cœur et frappe pour entrer : c’est l’inimitié. » Au politique, on reprocherait sans doute de ne pas désigner directement l’adversaire qu’il lui faut combattre, souvent les armes à la main. Le pape, lui, tient à préserver la dénomination de musulman, qu’il veut distinguer de la dérive extrémiste. Ce n’est pas qu’il l’ignore ou la cache. Non, il veut la traiter sous l’angle d’une pathologie spirituelle qui trahit l’essence du religieux : « Hostilité, extrémisme et violence ne naissent pas d’une âme religieuse : ce sont des trahisons de la religion. Et nous croyants, nous ne pouvons pas nous taire lorsque le terrorisme abuse de la religion. Au contraire, c’est à nous de désigner avec clarté les malentendus. » Il ne saurait s’agir de guerres de religion, mais de l’exigence religieuse de pacification des cœurs.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 mars 2021.

    Sources : https://www.france-catholique.fr/

    https://radionotredame.net/

  • Au cinéma : Les trois mousquetaires, par Guilhem de Tarlé

    Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan » au cinéma Francis Veber – Ville du  Pradet

     

    A l’affiche : Les Trois mousquetaires : Milady, un film français de Martin Bourboulon, avec Eva Green (dans le rôle-titre), François Civil (d’Artagnan), Vincent Cassel (Athos), Pio Marmaï (Porthos), Romain Duris (Aramis), Louis Garrel (Louis XIII), Vicky Krieps (la Reine Anne d’Autriche), Lyna Khoudry (Constance Bonacieux), Eric Ruf (le Cardinal de Richelieu), Marc Barbé (le Capitaine de Tréville), Patrick Mille (le Comte de Chalais), Julien Frison (Gaston de France) et Jacon Fortune-Lioyd (le Duc de Buckingham).

    Les Trois mousquetaires : Milady, et les autres… ils sont (re)venus, ils sont tous là, après le bon premier volet sur d’Artagnan, mais bis repetita non placent…

    Une succession d’images sombres, de chevauchées, de duels et de bagarres entre des individus que l’on distingue mal les uns des autres , cachés sous leurs feutres et « grands manteaux qui (les) calfeutrent ». Il a été trop long le temps qui nous sépare du film d’Artagnan, celui qui nous sépare de la lecture d’Alexandre Dumas, et enfin et, peut-être surtout, celui de nos cours d’Histoire. Ne faudrait-il pas, pour entrer véritablement dans l’action, réapprendre Henri IV et l’Edit de Nantes avec ses garanties territoriales qui ont imposé à Richelieu le siège de La Rochelle contre les Protestants et un Gaston d’Orléans, frère et héritier présomptif (jusqu’à Dieudonné) de Louis XIII ?

    Je ne suis pas sûr d’aller voir le troisième volet que suggère la fin de ce long-métrage.

    guilhem de tarlé.jpg

     

  • Au Cinéma : Les trois mousquetaires, par Guilhem de Tarlé

    Les Trois Mousquetaires - Le roman du film-D'Artagnan Tome 1 - Les Trois  Mousquetaires - Christine Féret-Fleury, Alexandre Dumas Père - broché -  Achat Livre ou ebook | fnac

     

    A l’affiche : Les Trois mousquetaires : D’Artagnan,  un fil français de Martin Bourboulon,  avec Louis Garrel et Vicky Krieps (Louis XIII et la Reine, Anne d’Autriche), Lyna Khoudry (Constance Bonacieux),  Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï et François Civil ( les 3 mousquetaires : Athos, Aramis, Porthos et d’Artagnan – comme les Goguettes, « en trio, mais à quatre »),
    d’après le roman éponyme d’Alexandre Dumas (1844).


    Vive les Mousquetaires du Roi !


    Ne me dénoncez pas pour ce propos séditieux. Nous venons en effet de commettre un crime de lèse-démocratie et évidemment porter atteinte aux « Valeurs de la République » ! Nous sommes allés applaudir les mousquetaires du Roi, alors que Darmanin voulait interdire un colloque de l’Action Française et, le jour de la fête nationale de Jeanne d’Arc (loi du 10 juillet 1920), interdire une manifestation en hommage à la ci-devant !

    J’en demande Pardon à la Sainte Macronie et aux autorités morales de la Gauche, du Centre et de la Droite « libérale », et j’accepte d’écrire en pénitence : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Oui, je copierai 100 fois que la France a été conçue le 14 juillet 1789, et qu’elle est née le 21 septembre 1792 avec la proclamation de la République (heureusement qu’à l’époque l’avortement n’était pas un droit).


    Vérité en-deçà de la Manche, erreur au-delà, et je ne comprends pas que les télévisons aient osé diffuser à longueur d’antennes le couronnement du nouveau roi, Charles III ! Réflexion qui me ramène aux mousquetaires, c’est-à-dire précisément à l’époque de Charles Ier d’Angleterre, lorsque l’Europe était une affaire de famille puisque celui-ci avait épousé Henriette de France, sœur de louis XIII, tandis que l’épouse de ce dernier, Anne d’Autriche, était la sœur du roi d’Espagne, Philippe IV…. Et c’est d’ailleurs l’un des défauts du film, l’accent anglais de la Reine qui devrait plutôt être espagnol.

    Inutile sans doute d’en dire beaucoup plus sur cette histoire que chacun connaît, où les amours s’entrecroisent comme les épées des mousquetaires et celles de la Garde du cardinal. Quelle est la part de légende dans les sentiments du Duc de Buckingham, ministre de Charles Ier, pour la reine de France ? je me mettrais en tout cas bien volontiers à la place de d’Artagnan devant la charmante Constance Bonacieux… C’est en rêvant à elle que j’attendrai la fin de l’année et la seconde partie sur l’horrible Milady.

    guilhem de tarlé.jpg

  • Maurras, entre Shakespeare, Baudelaire et Edgar Poe par Jean-François Mattéi

    mattei en attente.jpg

    Jean-François Mattéi a bien voulu nous transmettre - et nous l'en remercions - une rédaction de son intervention lors du colloque "Maurras 60 ans après", organisé, le samedi 27 octobre, à Paris, par le Cercle de Flore. Nous publions, ici, ce remarquable article.  

    Baudelaire écrivait dans son recueil de Fusées : « De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner » (aphorisme 27). Pour suivre le principe d’analogie, on pourrait dire aussi bien de Maurras : « Shakespeare et Edgar Poe m’ont appris à raisonner ». Ces cinq auteurs, Shakespeare, De Maistre, Baudelaire, Poe et Maurras envisagent en effet la réalité de l’homme et de la politique à partir de ce que Baudelaire nommait « l’universelle analogie », et Mallarmé « le démon de l’analogie ».

    Remarquons au passage que la formule de Mallarmé relève elle-même de l’analogie puisque le poète compare l’« analogie », qui est une ressemblance entre deux éléments, à un « démon », au sens grec, qui est une ressemblance avec un dieu et une ressemblance avec la figure rhétorique en question. On pourrait plus simplement parler de « correspondance », dans le sens baudelairien, pour définir le principe qui met en relation deux mondes, le monde matériel et le monde spirituel, ou le monde humain et le monde divin. Disons plus simplement la terre et le ciel. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le mot grec d’analogia qui implique un mouvement ascensionnel de pensée, logos, de bas en haut, ana. Pour qu’il y ait analogie, ou correspondance, il faut que le monde et les êtres qui l’habitent soient disposés selon une hiérarchie naturelle, comme l’échelle de Jacob ou la relation du microcosme au macrocosme. L’analogie est verticale et, à ce titre, inégalitaire.

    Or, cette analogie est la clef de la pensée hiérarchique de Charles Maurras qui s’est inspiré, dans ses vues politiques, des correspondances qu’il a trouvées chez Shakespeare et Edgar Poe, moins chez Baudelaire qu’il appelait, après l’avoir goûté très tôt, « notre mauvais enchanteur ». Il faut comprendre, en effet, qu’un choix intellectuel, qu’il soit religieux, philosophique ou politique s’exprime toujours à travers un jeu d’images qui ressortit de l’analogie. Pour prendre un exemple célèbre, la condition humaine chez Platon se définit à travers le réseau d’analogies qu’incarne l’image de la caverne, présente, sous une forme ou une autre, dans toute la tradition de pensée occidentale.

    Ce qui distingue donc les choix religieux, philosophiques ou politiques, c’est le style des métaphores adaptées à ces choix. Chez les partisans d’une hiérarchie entre les hommes, c’est-à-dire les partisans d’un gouvernement aristocratique, c’est l’analogie d’une échelle hiérarchique qui s’impose, ou d’une montée vers les hauteurs. C’est le cas chez Platon où le prisonnier libéré sort de la caverne et monte vers le soleil pour accroître ses connaissances par un mouvement d’anabase, qui est exprimé par une analogie, « un discours vers le haut ». La symétrie de retour dans la caverne n’est pas exacte, car la katabase du prisonnier, sa redescente vers ses compagnons, conserve le souvenir premier de l’anabase, et donc de l’analogie. En clair, le philosophe vient apprendre aux prisonniers, tout en bas, à prendre de la hauteur.

    Les partisans d’une égalité parmi les hommes, c’est-à-dire les démocrates, renversent l’analogie d’une ascension intellectuelle vers le haut, même lorsqu’ils parlent aujourd’hui d’« ascenseur social » pour tous ; ils utilisent plutôt la katalogie d’un discours qui abaisse tous les hommes au même niveau. Un ascenseur ne se contente pas de monter, il descend également pour satisfaire tous les usagers. Ce même mot, cette fois en français, le catalogue, est une liste complète de tous les objets qui sont mis sur le même plan, quels que soient leur diversité et leur prix. Une conception aristocratique de l’existence utilise alors toutes les ressources de l’analogie, parce qu’elle implique une hiérarchie de niveaux, alors qu’une conception démocratique inverse l’analogie en une katalogie, parce qu’elle recherche une suppression des hiérarchies au profit d’une égalité des conditions.

    Voyons-le, non pas chez Platon, sans doute l’antidémocrate le plus radical, tant dans le mythe de la caverne que dans le livre VIII de La République, mais chez Shakespeare dans la tragédie Troïlus et Cressida. L’action se passe pendant la guerre de Troie. C’est Ulysse, un héros mythique de Maurras, qui s’adresse aux Grecs pour justifier l’ordre de la cité qui reproduit l’ordre du monde :

    « Les cieux mêmes, les planètes et ce centre où nous sommes [la Terre]

    Observent avec le rang, la place, et le degré,

    Position, direction, saison, mesure et forme,

    Coutumes et fonctions, en tout ordre donné » (I, 3, v. 85-88).

    Shakespeare reprend ici la thèse aristocratique qui domine la pensée grecque, chez les poètes épiques, les poètes lyriques ou les poètes tragiques, et chez les philosophes. La formule la plus nette se trouve chez Homère, quand il fait dire par Hippoloque à son fils Glaucos dans l’Iliade (Chant VI, vers 208) : « il faut être partout le meilleur (aristeuein) et surpasser tous les autres ». Le « vrai Shakespeare », comme l’écrit Maurras dans La Musique intérieure, est peut-être celui des « fééries » parce que les contes, comme les mythes, ont une structure analogique et hiérarchique : il n’y a pas d’égalité entre les bonnes fées et les mauvaises fées, entre les ogres et les hommes, entre Blanche Neige et les sept nains, entre le Chaperon rouge et le loup, etc.

    Maurras reconnaît sa dette envers Shakespeare et Homère, mais surtout envers Edgar Poe, quand il écrit, dans Entre Bainville et Baudelaire : « Il a fallu que [l’idée de hiérarchie] leur revint d’Amérique [les peuples européens], dans la belle prose de son traducteur parisien, et telle que Poe l’avait recueillie, déjà presque telle quelle, dans le Troïlus et Cressida de Shakespeare, telle que Shakespeare l’avait tirée de ce beau chant de l’Iliade où Homère montre son cher Ulysse argumentant à coups de bâton sur l’échine d'un anarcho-démocrate, le nommé Thersite, ennemi des peuples et des rois ». Maurras nomme alors l’idée de hiérarchie une « chaîne sacrée » qui a été rétablie au XIXe siècle par Baudelaire et Poe après avoir été défaite par la démocratie moderne.

    Voyons donc Poe, dans la traduction de Baudelaire. Les références à Poe et à ses Histoires extraordinaires qui jouent toutes, selon le mot de l’auteur dans La Lettre volée, sur « le monde matériel [qui] est plein d’analogies exactes avec l’immatériel », sont nombreuses chez Maurras. Entre Bainville et Baudelaire, déjà cité, fait allusion à deux nouvelles de Poe, Colloque entre Monos et Una et Mellonta Tauta. C’est surtout dans la nouvelle du Chemin du Paradis, « Les Serviteurs », que Maurras, en 1891, préconise pour la première fois d’instaurer la société sur une hiérarchie qui fait explicitement appel à Poe. « S’il me fallait invoquer ici d’autres modèles que ceux que j’ai reçus de mes maîtres français ou grecs et latins, je me référerais à ces lignes si belles de l’auteur du Colloque entre Monos et Una ». Et Maurras de citer alors Poe dans la traduction de Baudelaire : « En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle… » J’ajoute le passage précédent que Maurras n’a pas repris et qui renforce l’idée d’analogie et la hiérarchie qu’elle commande : « Entre autres idées bizarres, celle de l’égalité universelle avait gagné du terrain ; et à la face de l’Analogie et de Dieu, en dépit de la voix haute et salutaire, etc. » 

    EdgarAllanPoeGrave.jpg

    Cette citation a souvent été reprise par Maurras. Dans ses Trois Idées politiques, consacré à Chateaubriand, Michelet et Sainte-Beuve, l’épigraphe de tout l’ouvrage est cette même phrase d’Edgar Poe sur « les lois de gradation » opposées à la « Démocratie universelle ». De nouveau, la déclaration de Monos à Una se trouve en épigraphe de la deuxième partie sur « Michelet ou la démocratie » pour dénoncer l’illusion de cette forme de gouvernement. Il est à noter que les deux personnages de Poe, Monos et Una, l’homme et la femme, parlent d’entre les morts comme si la « démocratie universelle », dont parle l’auteur, les avait conduit au trépas comme elle détruira la civilisation. L’homo democraticus, qu’Edgar Poe découvre avec stupeur en 1841 aux États-Unis avec ce Colloque entre Monos et Una, mais aussi L’Homme des foules, un peu après Tocqueville qui publie De la démocratie en Amérique en 1835 et 1840, est l’homme qui impose une démocratisation des conditions en tous domaines et refuse la hiérarchie naturelle des êtres.

    Albert Thibaudet avait déjà noté l’influence d’Edgar Poe dans Les Idées de Charles Maurras en 1920. Maurras cite encore Poe dans L’Observateur français, en mai 1891, à propos d’André Walter, le double d’André Gide, en le rapprochant de Dante et de Baudelaire. Dans « De la volonté politique pure », où l’on trouve les deux remarques : « La démocratie accourt, les yeux bandés, au cimetière. Mais elle y mène, et c’est moins gai », Maurras renchérit encore, avec l’aide de Poe, sur la critique de la démocratie. De cette dernière, il écrit ceci : « Nos aïeux, même les moins sages, ne s’étaient rien figuré de tel. Nos neveux, s’ils en réchappent, n’y voudront pas croire. C’était déjà l’avis d’Edgar Poe, il y a cent ans, lorsqu’il écrivait l’admirable “ Parabole des chiens de prairie ” ».

    Cette parabole se trouve dans la nouvelle Mellonta tauta, c’est-à-dire « Des choses dans l’avenir ». Je cite le passage sur la démocratie de Poe que Maurras reprend presque entièrement. Le narrateur parle d’un homme qu’il a rencontré récemment :

    «Il a passé toute la journée à essayer de me convaincre que les anciens Américains se gouvernaient eux-mêmes ! - a-t-on jamais entendu pareille absurdité – qu’ils vivaient en une sorte de confédération du chacun pour soi, à la manière de ces “chiens de prairie” dont la fable nous parle. Ils disaient qu’ils partaient de l’idée la plus bizarre qui se puisse imaginer, à savoir que tous les hommes sont nés libres et égaux ” ; et ce, en dépit des lois de la gradation qui marque si visiblement toutes choses dans l’univers moral comme dans l’univers physique ».

    On retrouve, chez Poe comme chez Maurras, le même enseignement que dans le Colloque entre Monos et Una. Maurras parle d’une admirable parabole dont il ne donne pas la fin chez Poe. Car le poète américain termine son texte en montrant qu’un américain, nommé Mob, la « Plèbe » ou la « Canaille », prit le pouvoir démocratique et instaura un despotisme qui finit par le tuer. Et Poe de commenter, ce que ne fait pas Maurras : « Il ne faut jamais aller complètement à rebours des analogies naturelles », comme le montre « le cas des “chiens de prairie”, exception qui semble prouver que la démocratie est une très admirable forme de gouvernement pour les chiens ».

    Maurras a continué par la suite à se référer à Poe, et, à travers lui, à la tradition aristocratique de l’analogie entre le monde matériel et le monde spirituel, ou entre la réalité physique et la transcendance métaphysique. Dans le recueil d’articles de 1919 Les trois aspects du président Wilson, il revient une nouvelle fois sur la gradation de Poe et cite le même passage : « Un grand Américain dont la leçon est à la base d’un grand nombre de nos études disait : “En dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”. Le génie d’Edgar Poe donnait à ces paroles un accent de commisération et de plainte qui ne s’éteindra qu'avec les suprêmes résonances de l’esprit humain. » (10 avril 1917). Quelques mois plus tard, le 5 septembre 1917, on lit ces lignes dans le même ouvrage : « Une telle démocratie selon le cœur de Platon, d’Aristote et de ce prodigieux aristocrate virginien Edgar Poe, est certainement conciliable avec tous les régimes qui sont, qui furent ou qui seront en vigueur dans notre Europe entre l’an 1200 et l'an 2000 ».

    À la fin de sa vie, alors que Charles Maurras est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu de Troyes, il répond le 20 août 1951 par une longue lettre au professeur Jean F. David, de l’université de Washington, qui l’avait interviewé sur les lettres françaises. Voici ce texte qui condense toutes les idées métaphysiques et politiques de Maurras sur l’analogie qui gouverne le monde et les hommes :

    « Pour sortir du chaos moral, il faut rétablir l’ordre moral ; à plus forte raison, sans l’intelligence, ne peut-on débrouiller le chaos social. Ni la bonne volonté ne suffit, ni les bons sentiments ; il est un ordre supérieur qu’il faut connaître et observer si l’on veut penser et agir. C’est l’ordre dont parle votre Edgar Poe dans le Colloque entre Monos et Una : “en dépit de la voix haute et salutaire de lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle”

    Stéphane Giocanti avait donc raison, dans sa biographie, de qualifier Edgar Poe de « maître américain de Maurras »[1]. L’auteur du Colloque entre Monos et Una, les bien nommés puisqu’ils illustrent l’unité de l’homme et du monde soumis à la loi de gradation continue des choses et des êtres, restait fidèle à une tradition aristocratique dont le premier modèle, avant Shakespeare et Baudelaire, furent les penseurs grecs.

  • François, leader politique ?, par Gérard Leclerc.

    Visite du pape François au Parlement européen de Strasbourg.

    © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons -

    cc-by-sa-3.0

    Décidément, je ne pourrai échapper cette semaine à l’encyclique papale, tant elle est devenue en quelques heures un objet de discussion et de dispute, avec même des contestations véhémentes. Malicieusement, ce peut être la preuve que le pape a réussi son travail de communication. Au moins, il ne laisse pas indifférent, et c’est probablement parce qu’il a touché, aurait dit Charles Péguy, là où ça fait mal.

    gerard leclerc.jpgOn lui reproche de faire de la politique, ce qui est exact, mais il est difficile d’éviter la politique, à moins de s’exprimer sur un mode hors-sol. Sans doute, dira-t-on, que même sur ce terrain-là il ne doit pas s’exprimer exactement comme les autres, parce que son autorité est sui generis. Et de ce point e vue, il n’est pas outrecuidant de s’interroger sur le style de Fratelli tutti. Certaines références sont pour le moins inhabituelles. Martin Luther King, Gandhi, Desmond Tutu, auxquels il faut ajouter le Grand Imam Amhad Al-Tayyeb de l’université égyptienne d’Al-Azhar.

    Il ne s’agit pas de Pères de l’Église ! Est-ce à dire que François se considère comme une sorte de leader prophétique, capable d’énoncer un grand rêve de transformation de l’humanité ? On pourra alléguer l’exemple de Jean-Paul II, qui endossa aussi un rôle politique, au point de changer la face du monde. J’ai quelques souvenirs là-dessus, lorsque le pape polonais haranguait des foules immenses, alors que la milice du régime entourait l’aérodrome où se tenait cette liturgie géante. Mais Jean-Paul II ne tenait pas un discours politique à proprement parler. Il prêchait l’Évangile avec ses retombées concrètes, sans même nommer l’idéologie communiste qu’il mettait à mal.

    Le cas du pape François est un peu différent, notamment lorsqu’il aborde des sujets qui créent le désaccord, vu leur difficulté. Mais pourquoi ne ferait-on pas preuve à son égard d’une franchise analogue ? À condition, bien sûr, d’adhérer à l’esprit fraternel dont il se veut l’apôtre.

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 octobre 2020.

    Source : https://www.france-catholique.fr/

  • Politique & Religion • 1939 : Il y a 30 ans, élection du pape Pie XII. L'Église de François est-elle la même ?

     

    C’est le 2 mars 1939 que le cardinal Eugenio Pacelli devint le Pape Pie XII.

    De sa première encyclique Summi Pontificatus, l’on peut extraire les lignes suivantes, lumineuses du simple point de vue de la science politique. Elles tranchent singulièrement avec le discours public de l’Église catholique d’aujourd’hui. Celle du pape François. Est-ce bien la même Église ?

    50689067.jpg« L’Église du Christ, fidèle dépositaire de la divine sagesse éducatrice, ne peut penser ni ne pense à attaquer ou à mésestimer les caractéristiques particulières que chaque peuple, avec une piété jalouse et une compréhensible fierté, conserve et considère comme un précieux patrimoine. Son but est l'unité surnaturelle dans l'amour universel senti et pratiqué, et non l’uniformité exclusivement extérieure, superficielle et par la débilitante. (…)  Et il n'est pas à craindre que la conscience de la fraternité universelle, inculquée par la doctrine chrétienne, et le sentiment qu'elle inspire, soient en opposition avec l'amour que chacun porte aux traditions et aux gloires de sa propre patrie, et empêchent d'en promouvoir la prospérité et les intérêts légitimes; car cette même doctrine enseigne que dans l'exercice de la charité il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l'on est uni par des liens spéciaux. Le Divin Maître lui-même donna l'exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l'imminente destruction de la Cité sainte. » 

  • Des ex-musulmans devenus catholiques écrivent au pape François au sujet de son attitude vis-à-vis de l’islam

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgVoici le texte d’une Lettre ouverte au Pape François que des ex-musulmans devenus catholiques, et leurs amis, lui ont adressée le 25 décembre 2017 au sujet de son attitude vis-à-vis de l’islam. Les lecteurs de Lafautearousseau en prendront connaissance avec intérêt et sympathie, y compris si l'on s'en tient au terrain politique et social.  LFAR 

     

    Très Saint Père,

    Plusieurs d’entre nous, à maintes reprises, et depuis plusieurs années, avons cherché à vous contacter, et nous n’avons jamais reçu le moindre accusé de réception de nos lettres ou demandes de rencontre. Vous n’aimez pas les mondanités, et nous non plus, aussi permettez-nous de vous dire très franchement que nous ne comprenons pas votre enseignement au sujet de l’islam, tel que nous le lisons par exemple dans les paragraphes 252 et 253 de Evangelii gaudium, parce qu’il ne rend pas compte du fait que l’islam venant APRÈS le Christ, est, et ne peut être qu’un Antichrist (Cf. 1 Jn 2.22), et l’un des plus dangereux qui soient du fait qu’il se présente comme l’accomplissement de la Révélation (dont Jésus n’aurait été qu’un prophète). Si l’islam est en lui-même une bonne religion, comme vous semblez l’enseigner, pourquoi sommes-nous devenus catholiques ? Vos propos ne remettent-ils pas en cause le bien-fondé du choix que nous avons fait… au péril de notre vie ? L’islam prescrit le meurtre des apostats (Coran 4.89 ; 8.7-11), l’ignorez-vous ? Comment est-il possible de comparer la violence islamique et la prétendue violence chrétienne ? ! « Quel rapport entre le Christ et Satan ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? (2 Co 6.14-17) » Conformément à Son enseignement (Lc 14.26), nous L’avons préféré, Lui, le Christ, à notre propre vie. Ne sommes-nous pas bien placés pour vous parler de l’islam ?

    En réalité, du moment que l’islam veut que nous soyons son ennemi, nous le sommes, et toutes nos protestations d’amitié n’y pourront rien changer. En bon Antichrist, l’islam n’existe qu’en étant l’ennemi de tous : « Entre nous et vous, c’est l’inimitié et la haine à jamais jusqu’à ce que vous croyez en Allah, seul ! (Coran 60.4) ». Pour le Coran, les chrétiens « ne sont qu’impureté (Coran 9.28) », « les pires de la Création (Coran 98.6) », tous condamnés à l’Enfer (Coran 4.48), aussi Allah doit-il les exterminer (Coran 9.30). Il ne faut pas se laisser abuser par les versets coraniques réputés tolérants, car ils ont tous été abrogés par le verset du Sabre (Coran 9.5). Alors que l’Évangile annonce la bonne nouvelle de Jésus mort et ressuscité pour le salut de tous, accomplissement de l’Alliance initiée dans le peuple hébreu, Allah n’a rien d’autre à proposer que la guerre et le meurtre des « infidèles » en échange de son paradis : « Ils combattent dans le chemin d’Allah, ils tuent et se font tuer. (Coran 9.111) ». Nous ne faisons pas d’amalgame entre islam et musulmans, mais si pour vous le « dialogue » est la voie de la paix, pour l’islam il est une autre façon de faire la guerre. Aussi, comme il l’a été face au nazisme et au communisme, l’angélisme face à l’islam est suicidaire et très dangereux. Comment parler de paix et cautionner l’islam, ainsi que vous semblez le faire : « Arracher de nos cœurs la maladie qui empoisonne nos vies (…) Que ceux qui sont chrétiens le fassent avec la Bible et que ceux qui sont musulmans le fassent avec le Coran. (Rome, 20 janvier 2014) » ? Que le Pape semble proposer le Coran comme voie de salut, n’est-ce pas inquiétant ? Devrions-nous retourner à l’islam ?

    Nous vous supplions de ne pas chercher en l’islam un allié dans le combat que vous menez contre les puissances qui veulent dominer et asservir le monde, car ils sont tous en réalité dans une même logique totalitaire, fondée sur le rejet de la royauté du Christ (Lc 4.7). Nous savons que la Bête de l’Apocalypse cherchant à dévorer la Femme et son Enfant, a plusieurs têtes… Allah défend d’ailleurs de telles alliances (Coran 5.51) ! Et surtout, les prophètes ont toujours reproché à Israël sa volonté d’alliance avec les puissances étrangères, au détriment de la confiance absolue qu’il faut avoir en Dieu. Certes, la tentation est forte de penser que tenir un discours islamophile épargnera un surcroît de souffrances aux chrétiens en pays devenus musulmans, mais outre que Jésus ne nous a jamais indiqué d’autre chemin que celui de la Croix, en sorte que nous devons y trouver notre joie, et non la fuir avec tous les damnés, nous ne doutons pas que seule la proclamation de la Vérité apporte avec le salut, la liberté (Jn 8.32). Notre devoir est de rendre témoignage à la vérité « à temps et à contretemps (2 Tm 4.2) », et notre gloire est de pouvoir dire avec saint Paul : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. (1 Co 2.2) ».

    Corrélativement au discours de Votre Sainteté sur l’islam, et alors même que le Président Erdogan, entre autres, demande à ses compatriotes de ne pas s’intégrer dans leurs pays hôtes, que l’Arabie Saoudite et toutes les pétromonarchies n’accueillent aucun réfugié, expressions parmi d’autres du projet de conquête et d’islamisation de l’Europe, officiellement proclamé par l’OCI et d’autres organisations islamiques depuis des décennies, Très saint Père, vous prêchez l’accueil des migrants sans tenir compte du fait qu’ils sont musulmans, alors que le commandement apostolique l’interdit : « Si quelqu’un vient à vous en refusant l’Évangile, ne le recevez pas chez vous. Quiconque le salue participe à ses œuvres mauvaises. (2 Jn 10-11) » ; « Si quelqu’un vous annonce un évangile différent, qu’il soit maudit ! (Ga 1.8-9) ».

    De même que « J’ai eu faim et vous ne M’avez pas donné à manger. (Mt 25.42) » ne peut pas signifier que Jésus aurait aimé avoir été un parasite, de même « J’étais un étranger et vous M’avez accueilli. » ne peut pas signifier « J’étais un envahisseur et vous M’avez accueilli. », mais « J’ai eu besoin de votre hospitalité, pour un temps, et vous Me l’avez accordée ». Le mot ξένος (Xénos) dans le Nouveau Testament ne renvoie pas seulement au sens d’étranger mais à celui d’hôte (Rm 16.23 ; 1 Co 16.5-6 ; Col 4.10 ; 3 Jn 1.5). Et lorsque YHWH dans l’Ancien Testament commande de bien traiter les étrangers parce que les Hébreux ont eux-mêmes été étrangers en Égypte, c’est à la condition que l’étranger s’assimile si bien au peuple élu qu’il en prenne la religion et en pratique le culte… Jamais il n’est question d’accueillir un étranger qui garderait sa religion et ses coutumes ! Aussi, nous ne comprenons pas que vous plaidiez pour que les musulmans pratiquent leur culte en Europe. Le sens de l’Écriture ne doit pas être donné par les tenants du mondialisme, mais dans la fidélité à la Tradition. Le Bon Berger chasse le loup, il ne le fait pas entrer dans la bergerie.

    Le discours pro-islam de Votre Sainteté nous conduit à déplorer que les musulmans ne soient pas invités à quitter l’islam, que nombre d’ex-musulmans, tel Magdi Allam, quittent l’Église, écœurés par sa lâcheté, blessés par des gestes équivoques, confondus du manque d’évangélisation, scandalisés par l’éloge fait à l’islam… Ainsi les âmes ignorantes sont-elles égarées, et les chrétiens ne se préparent pas à la confrontation avec l’islam, à laquelle les a appelés saint Jean Paul II (Ecclesia in Europa, n°57). N’avez-vous jamais entendu votre confrère Mgr Emile Nona, archevêque catholique chaldéen, exilé, de Mossoul, nous crier : « Nos souffrances actuelles sont le prélude de celles que vous, Européens et chrétiens occidentaux, allez souffrir dans un proche avenir. J’ai perdu mon diocèse. Le siège de mon archevêché et de mon apostolat a été occupé par des islamistes radicaux qui veulent que nous nous convertissions ou que nous mourrions. (…) Vous accueillez dans votre pays un nombre toujours croissant de musulmans. Vous êtes aussi en danger. Vous devez prendre des décisions fortes et courageuses (…). Vous pensez que tous les hommes sont égaux, mais l’Islam ne dit pas que tous les hommes sont égaux. (…) Si vous ne comprenez pas ceci très vite, vous allez devenir les victimes de l’ennemi que vous avez accueilli chez vous. (9 août 2014) ». C’est une question de vie ou de mort, et toute complaisance face à l’islam est une trahison. Nous ne voulons pas que l’Occident continue à s’islamiser, ni que votre action y contribue. Où irions-nous à nouveau chercher refuge ?

    Permettez-nous de demander à Votre Sainteté de convoquer rapidement un synode sur les dangers de l’islam. Que reste-t-il en effet de l’Église là où l’islam s’est installé ? Si elle y a encore droit de cité, c’est en dhimmitude, à condition qu’elle n’évangélise pas, qu’elle doive donc se renier elle-même… Dans un souci de justice et de vérité, l’Église doit montrer au grand jour pourquoi les arguments avancés par l’islam pour blasphémer la foi chrétienne sont faux. Si l’Église a le courage de faire cela, nous ne doutons pas que par millions, des musulmans, et d’autres hommes et femmes cherchant le vrai Dieu, se convertiront. Comme vous l’avez rappelé : « Celui qui ne prie pas le Christ, prie le Diable. (14.03.13) ». Si les gens savaient qu’ils vont en Enfer, ils donneraient leur vie au Christ (Cf. Coran 3.55).

    Avec le plus profond amour pour le Christ qui, par vous, conduit Son Église, nous, chrétiens venus de l’islam, soutenus par nombre de nos frères dans la foi, notamment les chrétiens d’Orient, et par nos amis, nous demandons à Votre Sainteté de confirmer notre conversion à Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, seul Sauveur, par un discours franc et droit sur l’islam, et, Vous assurant de nos prières dans le cœur de l’Immaculée, nous sollicitons votre bénédiction apostolique.  •

    Des ex-musulmans devenus chrétiens, et leurs amis, à Sa Sainteté le pape François, au sujet de son attitude vis-à-vis de l’islam

  • La démocratie est morte en Grèce, par François Reloujac

     Depuis le début du mois de février, les événements grecs ont pris une nouvelle tournure. Au-delà des faits en eux-mêmes et quelle que soit la situation qui en résultera à court terme, il est bon de réfléchir sur leur portée et sur leurs conséquences. 

    evangelos venizelos.jpg

    Evangelos Venizelos, ministre des Finances grec, à la croisée des chemins....

            Les derniers événements grecs ont été déclenchés par la nouvelle visite des envoyés de la « troïka » (Union européenne, FMI et BCE) et des exigences qu’ils ont présentés à un gouvernement fantoche qui n’a pas su les refuser. Cette visite était elle-même dictée par le fait que la Grèce doit rembourser avant le 20 mars prochain 14,5 milliards d’euros et qu’elle ne pourra pas le faire « sans une nouvelle aide ». Traduit en français courant : la Grèce est insolvable ! Or, elle a deux types de créanciers : les créanciers publics, représentés par la « troïka », et les créanciers prétendus « privés » que sont les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance. D’un côté, le Gouvernement grec se voit obligé de passer sous les fourches caudines des créanciers publics, de l’autre, il négocie avec un unique représentant des créanciers privés pour que ceux-ci renoncent « volontairement » à se faire rembourser sans que cela n’apparaisse officiellement comme un « défaut de paiement ». En effet, comme ces crédits sont assurés, si la Grèce fait défaut, les compagnies d’assurance devront payer à sa place. Normalement, il ne devrait donc pas y avoir de difficultés pour les créanciers… mais les compagnies d’assurance ont assuré contre le risque de défaut de la Grèce des agents économiques qui n’en sont pas créanciers et personne ne sait jusqu’où le respect des contrats pourrait entraîner l’ensemble du système économique. Du coup, on exige que toutes les banques abandonnent leurs créances, y compris les banques grecques qui n’ont pas les moyens de le faire et qui devront donc être nationalisées avec des capitaux que le gouvernement grec devra encore emprunter. La Grèce est surendettée, mais les financiers internationaux ont spéculé sur sa faillite et aucun homme politique ne veut prendre la responsabilité de leur donner raison. Ce n’est pas le côté immoral de la chose qui retient les hommes politiques, c’est l’absence totale de vision des conséquences de l’opération. Résultat, on sacrifie l’intérêt des Grecs sur l’autel de la finance internationale.

     Abandon « volontaire » de créances

            Ce n’est pas la seule leçon que l’on peut tirer de ces événements. À la suite des hommes politiques, les médias font une distinction entre les créanciers publics et les créanciers privés. 

            En y regardant d’un peu plus près, il faut faire deux constatations. La première est que l’organisme chargé de négocier pour le compte de tous les « investisseurs » privés – on appelle ainsi aujourd’hui les créanciers – est une simple association à laquelle adhèrent divers établissements qui ne sont pas créanciers de la Grèce et dont tous les créanciers de la Grèce ne sont pas adhérents. On comprend pourquoi l’Élysée convoque régulièrement tous les créanciers français pour leur rappeler qu’ils doivent « volontairement » abandonner une partie, de plus en plus importante, de leurs créances.

            La deuxième observation concerne le caractère « privé » de ces créanciers. Si leur statut est bien de droit privé, encore faut-il constater qu’ils n’ont pratiquement plus aucun actionnaire privé direct et qu’ils sont dans l’immense majorité des cas dirigés – surtout en France – par des hauts fonctionnaires sortis des mêmes cénacles que ceux qui dirigent les ministères et les entreprises publiques. Depuis plusieurs années, les investissements en Bourse ne sont plus le fait de quelques particuliers fortunés mais quasiment uniquement de fonds communs de placement, fonds de pension, compagnies d’assurance ou autres investisseurs institutionnels. Peut- on véritablement qualifier de « privées » ces entités anonymes dont l’objet essentiel est de dégager des plus-values à court terme ?

            Le cas des créances sur la Grèce révèle bien qu’elles n’ont plus de « privé » que le nom : si elles étaient vraiment privées, elles auraient normalement assuré (sans plus) leurs créances et elles n’auraient rien à craindre d’un défaut de paiement de la Grèce. À l’inverse même, un abandon « volontaire » d’une partie de leurs créances, qui les priverait ainsi du bénéfice de l’assurance souscrite, constituerait au minimum un acte anormal de gestion si ce n’est un abus de biens sociaux !

            Une troisième leçon mérite encore d’être tirée. Les représentants de la « troïka » sont arrivés avec la ferme intention d’imposer un nouveau plan d’austérité. Le taux de chômage dépasse pourtant les 20 %, les salaires des fonctionnaires ont déjà été très largement amputés, les pensions de retraite diminuées, le salaire minimum garanti fortement rogné… Du coup, non seulement la Grèce n’a pas retrouvé de marge de manœuvre supplémentaire pour lui permettre de payer ses dettes, mais elle a même été bien incapable de financer totalement le coût des dites dettes (les intérêts). Vouloir imposer un tour de vis supplémentaire ne permettra pas d’en sortir, bien au contraire. 

            Cela permettra de maintenir la Grèce dans un état de sujétion jusqu’à ce qu’elle se décide enfin à vendre ses infrastructures, puis ses îles et ses monuments. Qu’un gouvernement et un Parlement se soient prêtés à ce forfait en dit long sur l’aptitude de la démocratie à défendre le Bien commun.

     Pour une relance de la production

            Ce qu’il faudrait à la Grèce c’est un plan de relance de la production (pas forcément de la consommation) qui mette les Grecs au travail, leur permettent de vendre et donc de vivre ; un plan qui surtout leur redonne espoir ! Mais cela est incompatible avec une monnaie européenne unique forte, avec la libre circulation mondiale des marchandises – qui est si favorable aux Allemands – et avec les dogmes officiels prônés par toutes les institutions internationales. Pour tout potage, les experts de la « troïka » proposent de libéraliser les pharmacies - tout en proposant de diminuer encore le remboursement des médicaments -, les taxis, les notaires… Ce n’est pas cela qui relancera l’économie grecque ni qui permettra au pays de rembourser – si cela est encore possible – une partie de ses dettes. Mais, dans le jargon des experts libéraux, « libéraliser » signifie aussi faire payer par chèque, par virement ou par carte bancaire (et non pas en espèces) de façon à obtenir une « traçabilité » des flux financiers… et à mieux faire rentrer les impôts. C’est bien pourquoi, s’il est proposé de diminuer le nombre de fonctionnaires et d’en mettre d’autres en « réserve de main d’œuvre », ce qui permettra de ne leur verser que 60 % de leur salaire, il est aussi prévu d’augmenter le nombre des contrôles fiscaux. Car il ne faut pas se tromper : ce que l’on demande aujourd’hui aux Grecs surendettés, c’est de payer plus d’impôts !

            Le plus grave dans toute cette affaire c’est que l’on présente ces mesures comme relevant d’un exercice de solidarité ayant pour but de « sauver » la Grèce. Cette Grèce qui a triché pour entrer dans l’euro, dont les enfants les plus fortunés ont délocalisés leur patrimoine, dont les élites dissimulent leurs revenus… Comme si, dans notre monde vertueux, la Grèce faisait figure d’exception ! Comment peut-on oser appeler solidarité un système qui accroît la misère de ceux qui n’ont déjà plus rien ? On ne sauvera pas la Grèce, ni demain l’Europe, si l’on ne veut mettre en place que des mesures invisibles, inodores et indolores pour ceux qui viennent en aide… surtout pour les « financiers » internationaux qui ont mis leurs biens à l’abri dans des paradis fiscaux et administratifs avec la complicité d’hommes politiques stipendiés. ■

     (Analyse économique de François Reloujac, dans Politique magazine de mars 2012, numéro 105) 

  • Paris, 11 et 12 mai (I/III) : l'hommage à Jeanne d'Arc, en ”deux temps, trois mouvements”...

    Jeanne d'Arc 2013 295.jpgDimanche matin, 12 mai, à 10 heures, Place de l'Opéra, à Paris, le Cortège traditionnel - d'un ordonnancement imposant - s'est mis en route pour aller fleurir la statue de la Place des Pyramides. On était venu d'un peu partout, pour se joindre aux membres du Centre Royaliste d'Action française, de La Restauration nationale et de L'Alliance Royale : on était venu de Picardie, du Dauphiné, du Maine, de l'Anjou, de Provence, d'Aquitaine, de Bourgogne, de Champagne...

    Le trajet a changé, plusieurs fois, depuis 1920, date à laquelle, grâce à la persévérance de l'Action française, la Fête de Jeanne d'Arc fut instituée "Fête nationale", par la loi du 19 juillet 1920.

    Le trajet, mais pas l'esprit, ni la nécessité de cette Fête : car nous sommes bien (et ô combien !) à l'une de ces "heures critiques de notre Histoire", et pourtant nous ne devons malgré tout pas douter de la France, car, "croire en elle et en ses forces de résurrection, c’est déjà se mettre en mesure de la sauver", comme le rappelle notre XXXIVème Grand Texte (écrit par un Président de la République, s'il vous plaît...) : "...Jeanne ne sera jamais trop aimée de la France... c’est à notre pays tout  entier qu’elle appartient. Elle a commencé à délivrer la France de l’invasion, elle l’a soustraite à la suprématie étrangère, elle l’a guidée sur le chemin de l’Honneur et de la Liberté. Par quels moyens ? Par la droiture et la simplicité, par la bravoure et la persévérance, par la conviction que chez nous, rien n’est jamais perdu, pourvu qu’on chasse les mauvais conseils du découragement et du laisser-aller. A toutes les heures critiques de notre Histoire, Jeanne nous fournit le meilleur exemple dont nous puissions nous inspirer. Elle nous enseigne que, douter de la France, c’est risquer de l’assassiner et que, même devant les pires dangers, croire en elle et en ses forces de résurrection, c’est déjà se mettre en mesure de la sauver." 

    Arrivés au pied de la statue, et une fois les gerbes déposées, les participants écoutèrent Bernard Pascaud (1) : "...Nous en sommes à l’heure où ce qui est illégitime est légal, où ce qui est antisocial est à la tête de la société, où les ennemis de l’ordre public commandent à la force publique, où les pervers et les monomanes se dévorent entre eux, et dévorent la France par leurs convulsions...

    ...C’est face à cela qu’il faut faire retentir l’antique protestation de la jeune Antigone. Et comme Antigone, mes chers amis, nous entendons rendre à nos frères morts les devoirs légitimes, ceux qui consistent à assurer l’héritage français, à défendre les principes d’une communauté d’ordre où l’homme a toute sa place, où la loi écrite n’injurie point la loi non écrite, où la rumeur humaine n’injurie point la musique des sphères éternelles, où la famille française réconciliée s’épanouisse sous la garde de la famille-chef.

    C’est à cette tâche de reconstruction qu’il nous faut être actif et inviter tous les Français. Le printemps français auquel rêvent certains sera capétien ou ne sera pas. C’est la leçon de Jeanne. C’est le devoir d’aujourd’hui." 

    Jeanne d'Arc 2013 293.jpg

    Ceux qui ne nous connaissent pas encore, ou viennent de nous découvrir, et ignoreraient le sens, le "pourquoi" de cette Fête, pourront se reporter à notre Album Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet, et y consulter les deux photos "10 mai 1920 : Barrès et le Cortège de Jeanne d'Arc" "La Fête de Jeanne d'Arc" : ils auront là une première source d'information...

    Cette année, il avait été prévu que ce Cortège traditionnel serait précédé, la veille, de ce que l'on appelle volontiers, aujourd'hui, deux "temps forts" : d'abord, le samedi 11 mai après-midi, deux tables rondes, réunissant quatre intervenants chacune; puis, en soirée, un banquet amical, dans le quartier du Panthéon, à deux pas de cette croix immense restée en place, qui - l'Histoire a de ces ironies... - surmonte les tombes de Voltaire, Rousseau, Carnot, Gambetta, Jaurès, Zola et tant d'autres, qui, certainement, n'en demandaient pas tant !

    Tables rondes et Banquet furent deux moments qui, à n'en pas douter, tinrent leurs promesses.

    On put ainsi entendre, à la Maison des Mines, lors de la première Table ronde - animée par François Marcilhac - Jacques Trémolet de Villers, très profond et en même temps très drôle, et surtout visant très juste, parler du "Printemps français"; Bernard Pascaud (président de La Restauration nationale) parler, lui aussi avec beaucoup de justesse de ce "printemps" et de ce qu'il représente, et peut représenter demain; Olivier Perceval avait au préalable "ouvert" le débat, en resituant les choses dans leur contexte et leur globalité, et Antoine Desonay, responsables des étudiants, clôtura ce premier temps de parole en racontant comment se passaient les manifestations, quel rôle y jouaient les jeunes royalistes, et donnant force détails tirés de cette expérience "sur le terrain"...

    Après une pause, la deuxième Table ronde - toujours animée par François Marcilhac - réunit Christian Franchet d'Espèrey, rédacteur en chef de La Nouvelle Revue Universelle, qui évoqua la grande figure de Jeanne d'Arc, Stéphane Blanchonnet, Alain Soral, président d’Egalité et Réconciliation, défendant "la gauche du travail et la droite des valeurs" : un même combat contre le mondialisme et le libéralisme...

    La banquet, qui devait suivre cet après-midi, était donc prévu rue Montagne Sainte Geneviève, dans les superbes caves voûtées d'un restaurant qui, devant accueillir au départ environ cent dix convives, en reçut finalement près de cent cinquante, malheureusement trop nombreux pour être tous ensemble, et donc répartis dans trois salles : c'est peu de dire que "l'ambiance y était" et que ce fut un bon moment; "la bonne humeur a toujours régné parmi nous", disait Léon Daudet; aux chants des étudiants répondaient ceux des autres salles, et le répertoire traditionnel et joyeux des chants militants fut repris en chœur et de bon cœur par tous ceux qui se retrouvaient, de tous les coins de France, ne s'étant plus vus, parfois, depuis longtemps, mais unis comme toujours, unis comme jamais, heureux de se retrouver ensemble, et d'approfondir encore plus, toujours plus, les liens d'amitié indissoluble qui nous unissent : "eadem velle, eadem nolle, ea est vera amicitia"...

    (1) : le texte intégral du discours de Bernard Pascaud sera publié très prochainement sur lafautearousseau, ainsi qu'une vidéo retraçant les principaux moments des interventions du samedi après-midi et du Cortège de dimanche ...

  • 2O août 1914 ... Le Pape est mort cette nuit à 1h2O

     8-pieX.jpg

     Le Pape est mort cette nuit à 1h2O.

    - C'est une victime de la guerre, me dit Camille Bellaigue, qui est peut-être un des hommes auxquels Pie X aura le mieux aimé confier sa pensée, - un des Français, en tout cas, qui auront le plus approché ce pontife plébéien et réformateur.

    Déjà, il y a trois mois, au consistoire où il avait nommé une informata des cardinaux qui éliront son successeur, le Pape, en des paroles vraiment prophétiques, avait dit le souci amer que lui causait l'antagonisme des peuples. Quand la guerre eût éclaté, il disait à Camille Bellaigue, en reprenant le mot du cardinal Antonelli : "C'est maintenant qu'il faut dire plus que jamais qu'il n'y a plus d'Europe." On me raconte encore que, l'ambassadeur de l'empereur François-Joseph au Vatican ayant demandé à Pie X de bénir les armées de l'Autriche, le Pape aurait répondu : "Je ne bénis que la paix."

    La presse de gauche est très gênée pour parler de ce Pape dont l' "entêtement" n'a pas du tout entraîné pour l'Eglise les catastrophes qu'on avait annoncées. Cette gêne devient un embarras extraordinaire pour les journaux socialistes, qui ne peuvent expliquer à leur clientèle comment "Sarto", enfant du peuple, prolétaire, fils d'une couturière et frère d'un facteur, a été profondément réactionnaire, tandis que Léon XIII, des comtes Pecci, grand seigneur jusqu'au bout des ongles, a pu passer pour libéral...   

     

    1914-le-destin-du-monde-de-max-gallo-927903138_ML copie.jpg