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Rechercher : trois leçons d'économie du pape françois

  • Pédophilie : prudentes leçons, par Aristide Renou.

    Illustration : Christine Ockrent et son fils Alexandre Kouchner. Hommage à la comédienne Marie-France Pisier lors d’une cérémonie en l’église Saint-Roch. Paris, 05/05/2011. © LE FLOCH/NIKO/SIPA

    Les cris d’effroi accompagnent rituellement les dénonciations médiatiques de mœurs corrompus. On peut douter que la puissance publique aille véritablement à la racine du mal.

    Nous avons eu, en moins d’un an, deux affaires d’abus sexuel sur mineurs extrêmement médiatiques, avec la parution des livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner.

    Ces deux affaires présentent de nombreux points de ressemblance et pourraient nous apprendre – ou nous rappeler – bien des choses intéressantes sur un sujet censé nous tenir très à cœur : la lutte contre la pédophilie.

    Mais allons-nous tirer les bonnes leçons de ces deux sordides histoires, emblématiques à plus d’un égard ? On peut en douter. Car certaines des conclusions évidentes qui découlent des récits de Vanessa Springora et Camille Kouchner (et de beaucoup d’autres, bien moins médiatiques) ne vont pas exactement dans le sens du politiquement correct.Commençons par énoncer les faits avant d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

    Le caractère pathogène des familles décomposées

    La première évidence est que les abus sexuels sur mineurs prolongés, et non ponctuels – comme dans les deux cas qui nous occupent –, ne sont pas une histoire qui se réduit aux deux protagonistes principaux, l’adulte et l’enfant ou l’adolescent. Ce sont des histoires de famille. Pour le dire simplement et brutalement : ce genre de crime se produit beaucoup plus souvent dans des familles recomposées ou décomposées que dans des familles intactes. Les statistiques sont impitoyables. Je vous en donne juste deux, venue des États-Unis, parce que je les ai sous la main : d’une part le taux d’infanticide augmente de 6000 %, et les abus sexuels augmentent d’un facteur de huit dans les familles recomposées par rapport aux familles traditionnelles. D’autre part, les jeunes filles ont plus de deux fois plus de chance (ou de risque) d’être sexuellement actives et de tomber enceinte avant l’âge de seize ans lorsque leur père a quitté le foyer avant leur sixième année. Le premier cas correspond à l’histoire des jumeaux Kouchner. Le second cas correspond à l’histoire de Vanessa Springora (ses parents se sont séparés l’année de ses six ans).

    Le rôle des femmes

    La seconde évidence, étroitement liée à la première est que si, presque toujours, les prédateurs sexuels sont des hommes, les femmes de l’entourage des victimes ne sont pas nécessairement innocentes pour autant, et plus particulièrement les mères. Lorsque son fils s’est ouvert à elle des agissements de son beau-père, Evelyne Pisier a pris la défense d’Olivier Duhamel et, semble-t-il, l’a défendu jusqu’à sa mort. Camille Kouchner lui prête les propos suivants : « Il regrette, tu sais, il n’arrête pas de se torturer… il a réfléchi, tu devais avoir déjà plus de 15 ans. Et puis, il n’y a pas eu sodomie. Des fellations, c’est quand même très différent. » Et on peut bien sûr se demander si Evelyne Pisier ignorait vraiment tout avant que son fils lui en parle. Cela semble très difficile à croire, surtout si l’on ajoute foi à cette autre déclaration rapportée par sa fille : « J’ai vu que vous l’aimiez, mon mec. J’ai tout de suite su que vous essayeriez de me le voler. C’est moi la victime. »

    D’ailleurs Camille Kouchner n’a aucun doute : « Ma mère, ce n’est pas qu’elle n’a pas compris, elle a très bien compris. Ce n’est pas qu’elle a refusé, elle a tout à fait admis. C’est encore pire. Elle a minimisé. Elle s’est mise à le protéger lui, qui n’a même pas nié. » (Le Figaro).

    À propos de sa mère, Vanessa Springora écrit : « ma mère a donc fini par s’accommoder de la présence de G. dans nos vies. Nous donner son absolution est une folie. Je crois qu’elle le sait au fond d’elle-même. (…) Parfois elle l’invite à dîner dans notre petit appartement sous les combles. À table, tous les trois, autour d’un gigot haricot-verts, on dirait presque une gentille petite famille, papa-maman enfin réunis, avec moi, au milieu, radieuse, la sainte trinité, ensemble, à nouveau. » Mais, bien sûr, la mère de Vanessa Springora sait que le monsieur qu’elle invite à partager le gigot dominical couche avec sa fille mineure, comme il a couché avec beaucoup d’autres avant elle et couchera avec beaucoup d’autres après. Et elle sait, en effet, au fond d’elle-même, que cela n’est ni normal ni bien. « Tes grands-parents ne doivent jamais savoir, ma chérie. Ils ne pourraient pas comprendre. »

    Libération des déviances

    Troisièmement, aucune famille n’est une île. Les lois, les mœurs et les opinions dominantes de la société dans laquelle se situent les familles ont toujours une grande importance sur le comportement de leurs membres, y compris, bien sûr, sur leur comportement sexuel. Dans le cas des deux affaires qui nous occupent, il est clair comme de l’eau de roche que ces abus sexuels ont été grandement facilités par ce que l’on peut appeler l’idéologie de la libération sexuelle. Ce sont ces opinions dominantes, au moins dans le milieu social où opéraient Duhamel et Matzneff, qui les ont aidés à se persuader qu’ils ne faisaient rien de mal et surtout à persuader leurs victimes qu’il ne leur arrivait rien de mal. Ce sont également ces opinions acceptées qui ont contribué à ce que, pendant si longtemps, tant de gens aient pu comprendre ce qui se passait sans s’en offusquer. Bref, l’idéologie de la libération sexuelle a grandement contribué à la bonne conscience des prédateurs, à la confusion des victimes et au silence de l’entourage.

    « Est-ce mal » ? ce que fait leur beau-père, se demandaient les jumeaux Kouchner : « Ben non, puisque c’est lui. Il nous apprend, c’est tout. On n’est pas des coincés ! » Être « coincé », c’est considérer la sexualité comme une affaire morale, c’est affirmer qu’il existe en la matière des interdits et aussi des conduites plus ou moins honorables. Mais les désirs sexuels ne sont-ils pas essentiellement innocents et tous les plaisirs ne sont-ils pas également respectables ?

    « Dans les années 70 », explique Vanessa Springora, « au nom de la libération des mœurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la libre jouissance de tous les corps. Empêcher la sexualité juvénile relève donc de l’oppression sociale et cloisonner la sexualité entre individus de même classe d’âge» Or « dans le courant des années quatre-vingt, le milieu dans lequel je grandis est encore empreint de cette vision du monde. Pour sa mère, ajoute-t-elle, “il est interdit d’interdire” est sans doute resté pour elle un mantra. »

    Le bouclier d’une famille intacte

    Tirons maintenant les conclusions qui s’imposent de ces faits. Tout d’abord, la meilleure protection contre les abus sexuels de ce genre, c’est une famille intacte, raisonnablement aimante et qui professe des opinions « conservatrices » en matière de sexualité, c’est-à-dire des parents qui apprennent à leurs enfants que, certes, la sexualité peut être une chose merveilleuse mais seulement si elle est vécue dans un cadre approprié, en ayant pleinement conscience de ses implications morales et sociales. Bref, idéalement, au sein du mariage, ou à défaut dans une relation qui s’en rapproche autant que possible.

    Ensuite, les abus sexuels sur mineurs, ce n’est pas le grand méchant patriarcat ou la prétendue « culture du viol » si chers à nos féministes, c’est, plus banalement, la nature humaine dans toutes ses imperfections, imperfections auxquelles les femmes participent pleinement. Et le remède à une enfance ou une adolescence abimée par des agissements de cette nature, ce n’est pas de fuir loin des hommes et de la famille. Bien au contraire. Nombreuses sont celles à témoigner que c’est l’amour, et la maternité, qui les a sauvées des abus subis durant l’enfance.

    Camille Kouchner : « Mes enfants m’ont donné le droit d’exister, ce qui est déjà beaucoup. Mais pour moi la réparation vient avant tout de l’intérieur. Le père de mes enfants m’a sauvé la vie […] »

    Vanessa Springora : « Après tant d’échecs sentimentaux, tant de difficultés à accueillir l’amour sans réticences, l’homme qui m’accompagne dans la vie a su réparer beaucoup des blessures que je porte. Nous avons maintenant un fils qui rentre dans l’adolescence. Un fils qui m’aide à grandir. »

    Ajoutons aussi le témoignage de la réalisatrice Andréa Bescons, qui a écrit et réalisé Les Chatouilles, violée dès l’âge de neuf ans par un ami très proche de ses parents : « De 26 à 28 ans, j’ai enchaîné les comportements à risque, les drogues, l’alcool… Si je ne rencontre pas mon compagnon Éric Métayer à 28 ans, je me jette sous un métro […] Dans les yeux d’Éric, j’ai trouvé quelqu’un qui enfin ne jugeait pas mes failles. »

    Libération ou poison ?

    Enfin, l’idéologie de la libération sexuelle est un poison, aussi bien pour les individus que pour le corps social. Un poison qui a abimé ou même détruit d’innombrables existences et qui a puissamment contribué à faire de la France ce corps politique débile qu’elle est devenue.

    Je pourrais amplifier et ramifier ces considérations mais je m’arrêterais là, puisqu’aussi bien il suffit d’énoncer ce qui précède pour comprendre qu’aucune action sérieuse n’est à attendre pour diminuer ce qui est pourtant présenté comme un « fléau ».

    En lieu et place de quoi, puisqu’il est impossible de rester sans rien faire face à un « fléau », nous devrions avoir une augmentation des lynchages médiatiques, dont certains, c’est fatal, toucheront des innocents, et des attaques répétées – et peut-être finalement victorieuses – contre des dispositions juridiques essentielles pour garantir la sureté de tous, comme le principe de la prescription ou celui de la présomption d’innocence. Nul besoin d’être grand clerc pour le prévoir : c’est déjà ce qu’on peut observer à propos des « féminicides », et pour des raisons très semblables.

    Dieu étant par définition bon, je ne pense pas qu’il se gausse de nous voir chérir les causes des maux dont nous nous plaignons. Si la divinité est capable d’avoir des sentiments (ce qui, certes, peut se discuter), le plus approprié serait sans doute la pitié. Et peut-être, également, un peu de mépris.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • François (”les galipettes”) se souviendra longtemps de ce jour de la saint François où il a rendu visite à François (le

    pape-francois-time-magazine.jpgGrossier comme un plouc ? Aussi finaud qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine ? Ou, plus prosaïquement, les deux à la fois, et utilisant le langage d'un porteur de boite à outils, dont il a lui-même employé l'image ? François Hollande a cru bon de déclarer (texto) : "Le Pape peut être utile sur plusieurs sujets". On appréciera le style, qui n'est évidemment pas du Chateaubriand, mais on ne peut pas trop lui en demander, semble-t-il : il doit être comme cela, notre "François normal", plus doué en gallipettes qu'en style élégant...

    Que se sont dit les deux hommes, dont l'un - François-le-Pape - est "l'homme de l'année" pour le magazine Time, et dont l'autre - François-les -galipettes - est en un sens lui aussi (mais dans un autre genre et un autre registre, bien sûr !) l'homme de l'année ? Evidemment, nul n'en sait rien, et il faut se contenter soit des vaticinations des correspondants spéciaux - souvent ignares - soit des images vues à la télé.

    Eh, bien, justement, parlons-en de ces images vues à la télé (le soir même, aux deux JT de TF1 et de France 2, et donc les mêmes pour toutes les autres chaînes). Un Pape François visiblement peu chaleureux en début d'entretien, plus souriant au sortir dudit entretien : au moment de l'échange des cadeaux, on vit notre François normal offrir au Pape une vie de saint François d'Assise. Voulait-il, par là, se racheter une conduite, se présenter comme bien "lisse", comme un gentil petit garçon bien élevé ? Toujours est-il que l'on a très distinctement entendu le Pape, voyant le cadeau, lui dire, en souriant cette fois de bon coeur : "C'est votre saint Patron..."

    Tout le monde connaît la célébrissime Mule du Pape, d'Alphonse Daudet, et sa non moins inoubliable dernière phrase : "Je ne connais pas de plus bel exemple de rancune écclesiastique !"

    En l'occurence, tout était dans le non-dit, mais insinué suffisamment pour qu'il ne soit pas nécessaire de le dire carrément, ce que l'usage et les bonnes manières interdisaient de toutes façons;  on nous permettra de penser que, grand sourire à l'appui, la réflexion de François à François sonne comme un conseil à prendre modèle sur la vie de ce François, offerte en cadeau, et apparaît ainsi, non comme un exemple de "rancune écclesiastique", mais comme une magistrale leçon de "vacherie diplomatico/éclesiastique"...

  • La réflexion économique de François Reloujac....

            Un premier PDF de 38 pages, consultable en permanence dans notre Catégorie "PDF A TELECHARGER", regroupe déjà 8 articles de François Reloujac, parus dans Politique Magazine entre mai et décembre 2010 et - pour l'un d'entre eux - dans la Lettre de Gens de France.

            Dans un domaine où nous n'excellons pas toujours, Politique Magazine et François Reloujac, qui poursuit en 2011 sa réflexion d'ensemble entamée depuis de nombreux mois, continuent donc à rendre un service signalé, apportant une utile contribution à l'ensemble des royalistes français. 

            Lafautearousseau continuera, pour sa part, à donner à cette suite économique la plus large diffusion possible. En attendant de regrouper dans un second PDF un nombre de textes conséquents, nous plaçons d'ores et déjà dans nos Pages ce premier texte de janvier, et nous lui adjoindrons ceux qui suivront, afin d'en rendre la consultation plus aisée...

            Voici donc Zone euro - Les boussoles s'affolent, de François Reloujac (tiré de Politique Magazine de janvier 2011, numéro 92) :

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    Zone euro   Les boussoles s’affolent

     

    En ce début d’année 2011, les faiblesses congénitales de l’euro apparaissent au grand jour. Ses promoteurs et ses thuriféraires sont désormais contraints de faire profil bas. « Les grands européens à l’origine de l’euro espéraient que la solidarité créée entre les peuples par le partage d’une monnaie commune donnerait progressivement naissance à une Europe politique. Il est toutefois peu probable qu’ils aient imaginé un scénario aussi périlleux que celui qui secoue la zone euro depuis bientôt un an », écrit ainsi L. Cohen-Tanugi dans Les Échos (7 décembre 2010).

     

            Et malgré tout ils voulaient toujours y croire ! Pour soutenir leur rêve, ils n’avaient plus qu’un seul argument et un seul moyen. 

            L’argument : un éclatement de la zone euro coûterait trop cher. Un moyen : puisque ce qui a conduit à ces difficultés, c’est la trop grande liberté laissée aux États de conduire individuellement leur politique économique et sociale, imposons à tous les Européens une unique politique budgétaire dirigée par la Commission européenne. 

    Toujours le même processus de fuite en avant.

            Force est de constater que, depuis la deuxième moitié du mois de novembre 2010, cette hypothèse d’un éclatement de la zone euro est de plus en plus souvent évoquée. Comme pour exorciser l’erreur congénitale, on parle d’un éclatement en deux zones : une zone « Neuro » (ou euro du Nord) autour de l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas et une zone « Zeuro » (ou euro du Sud) autour de la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce ! Ce qui a fait dire à Nouriel Roubini : « Je ne vois pas quelle serait la logique d’une union monétaire entre pays faibles ». En fait, pour lui la zone euro n’a le choix qu’entre trois scénarios. « Le premier, idéal, serait que l’aide apportée par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) parvienne à résoudre les problèmes et à calmer les marchés. C’est possible, même si à mon sens il faudra sans doute remettre encore de l’argent sur la table. Le second scénario est celui d’une intégration fiscale plus approfondie au sein de la zone afin de résoudre structurellement les problèmes. Mais cela nécessiterait que certains pays abandonnent une partie de leur souveraineté, ce qui semble délicat notamment pour l’Irlande ou l’Allemagne. Enfin, la troisième option est celle d’une restructuration des dettes souveraines des pays en difficulté. Ces réductions peuvent être ordonnées ou désordonnées. Dans le second cas, cela obligerait certains pays à quitter l’euro et conduirait à l’éclatement de la zone » (Le Monde, 14 décembre 2010).

     

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    l’erreur congénitale

     

            Le 13 décembre 2010 Alain Madelin avait présenté dans La Tribune une autre approche… tout aussi pessimiste : « Dans le cadre des monnaies nationales, les différences de compétitivité ou les chocs extérieurs sont amortis par des taux de change. Avec l’euro, cet ajustement par les changes devenant impossible, il faut lui substituer un ajustement par la variation des prix. Si un pays décroche, le prix de ses actifs, ses salaires, ses pensions et ses allocations doivent baisser, sinon en valeur absolue, du moins en valeur relative par rapport à des pays en plein essor ». Mais ni l’Allemagne n’est prête à augmenter unilatéralement ses salaires, les prix de ses actifs etc., ni la France n’est prête à infliger une purge comme celles qui ont été exigées des gouvernements grecs ou irlandais. D’autant que ce n’est pas la solution : « Plus la croissance sera faible et le taux d’intérêt élevé (en décembre 2010, le taux imposé à la Grèce s’élevait à 10 %... quand il était de 1,8 % pour la Suisse !), et plus l’excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts) devra être élevé – et donc plus lourd le coût politique à payer pour y parvenir. Plus ce coût est élevé, moins les investisseurs seront confiants et plus haut vont grimper les taux d’intérêt. On est alors entraîné dans une spirale infernale » (Martin Wolf, Le Monde, 14 décembre 2010). D’autant que, fin 2010, le montant cumulé des dettes publiques des seize pays de la zone euro s’élevait à plus de 7 000 milliards d’euros, soit plus de 78,7 % de leur PIB… bien loin des critères de Maestricht.

     

    exit l’économie réelle

     

            Pour ces européistes, ce que les États n’ont pas voulu faire et qu’ils n’ont donc pas fait parce qu’ils jouissent encore d’une parcelle de souveraineté, il faut le leur imposer. Et ils vont y être contraints « par les marchés » ! Le système international auquel on a abouti n’est pas celui d’un abandon de souveraineté au profit d’une administration irresponsable – la Commission européenne – mais au profit exclusif des « marchés », c’est-à- dire des spéculateurs internationaux anonymes. Car ces spéculateurs ne sont plus des personnes physiques individuelles ni même des entreprises fabriquant quelques biens concrets utiles à l’économie, ce sont des fonds de pension et autres organismes de placement collectif qui gèrent des fonds au profit des compagnies d’assurance ou des caisses de retraite. Leur but exclusif étant de faire croître, par quelque moyen que ce soit, la valeur nominale des actifs financiers qu’ils sont chargés de gérer. La marche de l’économie réelle n’entre pas dans le champ de leurs préoccupations. Celle-ci reste encore du ressort des États qui peuvent emprunter autant qu’ils le veulent (ou le peuvent) puisque les marchés financiers sont profonds et liquides. Il suffit simplement qu’ils continuent à leur inspirer confiance, c’est-à- dire à leur garantir qu’ils seront capables de payer les intérêts et de rembourser le moment venu. C’est bien parce qu’elles ont fait cette analyse que les autorités monétaires se sont lancées, qui dans un « assouplissement quantitatif », qui dans un rachat des dettes souveraines. En fait, « les banques centrales injectent de la liquidité ayant un rendement très bas dans les bilans des investisseurs ; ceux-ci réoptimisent alors la structure de leurs bilans, qui contiennent trop de liquidités, en accroissant à nouveau leur détention des actifs aux rendements les plus élevés, c’est- à-dire des titres des pays émergents » (Patrick Artus)… propageant ainsi la crise vers l’extérieur, mais sous une autre forme : à la déflation dans les pays dits riches on ajoute désormais l’inflation dans les pays émergents.

     

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            Un tel processus a ses limites. Un État donné ne peut emprunter indéfiniment, sa population ne pouvant, à terme, supporter la charge des intérêts de la dette. Dans une zone monétaire unique, la zone euro, si un des membres fait défaut, ou la valeur de la monnaie est attaquée ou les autres membres doivent venir en aide à l’État défaillant. C’est ce qu’ont tenté les partenaires européens tout au long de l’année 2010. Mais le nombre des États qui n’inspirent plus confiance « aux marchés » est devenu trop important et les États qui paraissent encore solides se sont montrés de plus en plus réticents. D’où l’idée reprise de Jacques Delors et à nouveau agitée par le président de l’Eurogroupe, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, de lancer un « euro-emprunt », des « euro-obligations ». Cette idée a aussitôt été combattue par les Allemands qui ont craint que ce nouveau subterfuge ne fasse rapidement monter les taux d’intérêts sur les marchés, ce qui, à terme, aurait pour conséquence de peser sur le refinancement de ses banques et de son industrie.

     

    la peur des marchés

     

            En cette fin de l’année 2010 la tension ne pouvait que monter entre les partenaires européens. Car, comme le résumait Justin Knight, personne ne voyait d’autre solution que d’abroger l’article 125 du Traité de Lisbonne. Il ne pourra en résulter que des décisions dont aucun pays ne veut : « Les nordiques (Allemagne, Pays-Bas,

    Autriche) devront accepter de signer des chèques pour les pays les moins vertueux. Les pays de l’ouest du continent (Espagne,

    France…) devront se résoudre à perdre une partie de leur souveraineté, capitulant sur une partie de leur liberté budgétaire » (Le Figaro, 8 décembre 2010). Personne ne s’y est trompé, c’est le régime social de ces pays, notamment le régime français, qui se trouve menacé. Et, de façon très claire. Ivan Best a constaté que le Premier ministre français y songeait : « Ce n’est pas pour rien que François Fillon a annoncé sa volonté de revoir le périmètre de l’assurance-maladie, sans aucun doute pour la réviser à la baisse. Car c’est dans ce domaine, celui de la protection sociale (30 % du PIB), que les remises en cause peuvent être source d’économie à l’avenir » (La Tribune, 8 décembre 2010). Comme pour illustrer le bien fondé de ce propos, le même jour, les sénateurs supprimaient les avantages fiscaux accordés aux personnes âgées ou malades qui emploient des aides à domicile. La peur « des marchés » et l’impossibilité, à terme d’honorer toutes les dettes, conduit les gouvernements, les uns après les autres, à supprimer les mesures sociales les plus utiles et les plus essentielles. Plus d’aides à domicile, imposition maximale des jeunes l’année de leur mariage, diminution des allocations familiales, etc. mais personne ne touchait encore ni à la couverture médicale universelle pour les étrangers en situation irrégulière ni aux avantages fiscaux accordés à l’industrie cinématographique ! ■

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  • Sur le site officiel de l'Action française, Europe : la leçon Capétienne, l’éditorial de François Marcilhac.

    «  L’Europe, comme civilisation, comme Histoire, est bien vivante, a tweeté le Prince le 12 février. Mais au lendemain du Brexit, l’Union Européenne doit s’interroger sur sa capacité à fédérer autour de seuls principes économiques ou supranationaux.  »

    La parole princière se fait de moins en moins rare, et nous ne pouvons que nous en féliciter ! Non que le comte de Paris soit amené à s’exprimer sur l’actualité pour s’exprimer : il n’est pas un commentateur politique, mais sa fonction est bien d’éclairer les Français sur les grands enjeux et les grands principes de la politique française.

    françois marcilhac.jpgComme il le soulignait en conclusion d’un texte remarqué, publié à la fin de janvier, sur son blog et intitulé  : «  Il nous faut retrouver le temps du politique  » : «  Il est urgent de ne plus attendre. La France a de nombreux atouts. Son existence millénaire lui donne une intelligence exceptionnelle des relations internationales et le fait qu’elle soit une grande nation sans volonté de puissance impériale devrait lui permettre de jouer un rôle décisif dans l’équilibre et la composition des États en vue des actions communes imposées par les impératifs sociaux et écologiques », alors que, «  tenue par une Union européenne frappée d’inertie, [elle] ne sait pas comment jouer son rôle spécifique dans le concert des nations  » [1].

    Malheureusement, l’actualité nous donne un nouvel exemple de cette inertie liée à l’aveuglement de dirigeants français, obéissant aux «  seuls principes économiques et supranationaux  ». Le samedi 15 février, Macron, à la cinquante-sixième Conférence de Munich sur la sécurité, y est encore allé de son couplet sur «  l’aventure européenne  » et ses regrets sur le fait que le prétendu «  couple franco-allemand  » — on sait que l’expression est franco-française, les Allemands préférant parler du «  moteur franco-allemand  » (der deutsch-französische Motor) — ne produise pas davantage de fruits, en matière militaire comme en matière économique et financière. «  Je n’ai pas de frustrations, j’ai des impatiences  », a-t-il déclaré, appelant Berlin à «  des réponses claires  » afin de «  donner une nouvelle dynamique à l’aventure européenne  ». On comprend que les Allemands, gens raisonnables, n’aient pas envie de se voir entraîner par Macron dans une quelconque aventure, surtout en matière financière et militaire — nous passerons sur ce que peut avoir de symptomatique l’expression «  avoir des impatiences  » utilisée par le fondateur des Marcheurs, puisqu’elle vise au sens propre un trouble neurologique causant un besoin irrépressible de bouger les jambes.

    Dans notre précédent éditorial, nous citions ces propos du Prince tenus dans L’Incorrect  : «  La difficulté de la France, souvent   » — il parle de ses dirigeants — «  c’est de chercher l’intérêt de l’Europe avant ses propres intérêts   ». Or «   il faut que le gouvernement regarde l’intérêt de notre nation avant tout. C’est sa première responsabilité pour moi.  » Macron nous livre tous les jours un exemple catastrophique pour notre pays de cette «  difficulté  » de nos dirigeants à concevoir l’intérêt français avant un hypothétique intérêt européen : lui seul croit en l’existence d’un projet européen partagé par nos vingt-six partenaires, alors que ces derniers voient, avant tout, dans l’ «  Europe  » une organisation dont ils cherchent à retirer pour eux le maximum de profit, en matière économique et …militaire, justement, puisque qui dit Europe, dit OTAN, à savoir les États-Unis.

    Macron, qui est si fier d’avoir fait succéder le traité d’Aix-la-Chapelle à celui de l’Élysée, s’étonnerait moins du refus des Allemands de s’embarquer dans une quelconque «  aventure  » européenne si ses connaissances historiques remontaient, justement, jusqu’à 1963 : le Parlement allemand, en ratifiant le traité de l’Élysée, le fait alors précéder d’un préambule, qui rendit furieux De Gaulle, visant à affirmer que le partenariat franco-allemand s’inscrivait dans «  le renforcement de l’Alliance des peuples libres et, en particulier, une étroite association entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique  », et concevant «  la défense commune dans le cadre de l’Alliance de l’Atlantique nord et l’intégration des forces armées des États membres du pacte  ».

    De même, le président français s’est félicité des propos tenus la veille par son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, acceptant sa proposition de «  dialogue stratégique sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans [la] sécurité collective  » de l’Europe — un dialogue qui, à lui seul, s’il était effectif, remettrait en cause notre souveraineté atomique par l’extension à l’Union européenne de la défense du pré carré. Or son homologue allemand a aussitôt ajouté :  « Il ne suffit pas de renforcer l’Union européenne dans le domaine militaire, nous devons aussi continuer à investir dans le lien transatlantique », ajoutant : « La sécurité de l’Europe est basée sur une alliance forte avec les États-Unis.  » On comprend pourquoi certains parlementaires conservateurs allemands proposent déjà de placer l’arsenal nucléaire français sous commandement commun de l’OTAN ou de l’Union européenne… Macron a ouvert la boîte de Pandore. Et, parce qu’il est européen avant tout — «  Je ne suis pas prorusse, je ne suis pas antirusse, je suis pro-européen !  », a-t-il martelé. —, on peut se demander, en effet, s’il n’est pas prêt à livrer notre arsenal nucléaire au commandement de l’OTAN. Le fait qu’il invite nos «  alliés de l’OTAN  » dans le saint des saints nucléaire, la base de l’île Longue, à Brest, est-il la première étape de ce renoncement à notre souveraineté atomique ? En tout cas, à la différence de 1963, où le Bundestag réclamait déjà cette intégration, la question se pose pour l’actuel locataire de l’Élysée. Bientôt suivrait évidemment notre siège permanent au Conseil de sécurité. Macron est prêt à tout pour donner des gages «  européens  ».  

    La situation actuelle a une histoire. Elle commence non pas tant avec Giscard, qu’avec Mitterrand et le traité de Maastricht, qui, faut-il l’oublier, en transformant la Communauté européenne en Union européenne, fut le premier acte de notre perte de souveraineté politique et monétaire — c’est le traité de Maastricht qui fonda aussi l’euro. Le Prince, dans sa tribune publiée sur Marianne le 13 mai dernier, à l’occasion des élections européennes, rappelait que son grand-père déplorait « le “déficit démocratique” […] après le traité de Maastricht ». Or, de fait, le comte de Paris n’avait pas attendu les effets de Maastricht pour dénoncer le traité : il les avait prévus. Il avait publié, le 2 septembre 1992, dix-huit jours avant le référendum, une déclaration appelant les Français à « sauver la France » en votant massivement contre le traité. « Le “oui“ proposé par l’élite politique en faveur de Maëstricht, notait-il, est la “fuite en avant” que nos hommes politiques ont presque toujours préférée au courage de mettre en place les urgentes et indispensables réformes pour assurer la rénovation du destin de la France. Votre “non” massif sauvera la France. Libérée, elle sera en mesure de négocier, à nouveau, comme l’avait fait préalablement la Grande-Bretagne, les clauses du traité de Maëstricht qui entravent notre souveraineté nationale. »

    Aujourd’hui, le Royaume-Uni a recouvré son indépendance. La France, si elle avait refusé Maastricht, serait peut-être encore au sein de la CCE, mais celle-ci serait différente de ce qu’elle est devenue, avec l’euro, puis le carcan supplémentaire du traité de Lisbonne. Ceux qui, à l’époque, préférèrent suivre, plutôt que le capétien, le politicien, plutôt que le comte de Paris, Mitterrand, portent une lourde responsabilité morale. Mitterrand, dans un de ses sophismes qu’il chérissait, déclarait alors : « La France est notre patrie  ; l’Europe est notre avenir.  » Le disciple dépasse le maître  : pour Macron, qui n’obéit qu’à des «  principes supranationaux  », pour reprendre les mots du Prince, non seulement l’Europe est toujours «  notre  » avenir, mais elle est aussi devenue «  notre  » patrie. La lutte est plus rude qu’en 1992 et qu’en 2005. Cette fois, que les Français écoutent le Prince : qu’ils se ressaisissent en ne se laissant plus duper par les sirènes du renoncement.

    [1] https://comtedeparis.com/le-temps-du-politique/

  • Famillle de France • Le prince Jean de France en audience avec le Pape François

     

    Les 20 ans de la FAFCE à Rome

     

    « Du 30 mai au 1er Juin avaient lieu à Rome les 20 ans de la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe (FAFCE). Cette organisation européenne, membre de la Plateforme de l’Union Européenne pour les Droits Fondamentaux, fédère un certain nombre d’associations familiales catholiques dans plusieurs pays européens. Elle agit essentiellement auprès du Conseil de l’Europe dans le cadre de la Charte Sociale Européenne.

    A l’occasion de cet anniversaire deux rendez-vous majeurs avaient été prévus dans la ville éternelle. Une après midi d’interventions à l’Ambassade de France auprès du Saint Siège pour présenter aux ambassadeurs accrédités par le Vatican les différentes actions menées par la FAFCE et une rencontre avec Sa Sainteté le Pape François. A chaque fois ont été soulignés de part et d’autre l’importance des familles, leur rôle bénéfique pour la société et la nécessité pour les Etats de les défendre afin qu’elles puissent encore continuer à être des instruments de vrai développement et de paix. »   

     
    Rome, le 2 juin 2016
    Jean de France, Duc de Vendôme 
     
  • Laurent Dandrieu : « Ce motu proprio du pape François est absurde et devra être abrogé ».

    Laurent Dandrieu analyse le du restreignant de façon drastique le culte catholique selon la forme extraordinaire. Il pointe les conséquences désastreuses du texte sur la vie des paroisses et le entre les différentes sensibilités catholiques.


     

    Laurent Dandrieu

    Journaliste, critique de cinéma
  • Société • Comment Depardieu a donné une leçon d'histoire à Hollande et Valls

     

    Par Bruno Roger-Petit

    A la suite d'un entretien donné au Figaro par Gérard Depardieu - où il dénonce une élite politique, médiatique et culturelle sans « distinction » ni ambition - Bruno Roger-Petit a donné dans Challenge un article qu'un lecteur - et ami - nous a transmis. L'article date du 19.06.2015 mais n'a rien perdu de son actualité ni de son intérêt. Nous laissons à l'auteur la responsabilité de son coup de griffe assez inutile et d'ailleurs injustifié à Eric Zemmour. Quant à Depardieu, malgré ses folies récurrentes, il a joué les grands rôles, s'est frotté à la haute littérature, s'est passionné pour les meilleurs textes et pour les auteurs essentiels; il a, par lui-même, le goût de la grandeur, du panache et du style. Son mépris pour les élites d'aujourd'hui en découle naturellement. Dédié au président normalLFAR 

     

    2561423477402.jpgLes chemins de la désespérance mènent droit à la lucidité. Gérard Depardieu en administre un éclairant exemple, ce mardi 16 juin, dans un entretien publié par le Figaro. Depardieu n’est pas qu’un acteur énorme qui profite de son immense popularité pour multiplier les provocations. Il est bien plus que cela, pour qui veut bien aller au-delà des sentences que les médias qui le sollicitent s’empressent de populariser pour les besoins de leur renommée.

    Si ce que dit Depardieu pèse aux yeux de ses contemporains, c’est bien parce qu’il fait écho avec les préoccupations du temps. Depardieu n’est pas Guillaume Canet, consensuel et émollient, bien dans l’air du temps, surfant jusqu’à l’indécence sur la vague des bons sentiments et les Petits mouchoirs de l'époque en veillant bien à ne déranger personne. Depardieu est authentiquement français à raison de ce qu’il n’est pas gros, mais énorme. Depardieu est là pour déranger, bousculer, casser.

    On serait François Hollande et Manuel Valls, seuls et abandonnés par les forces vives d’un pays saisi par le déclinisme, gouvernants sans boussole en quête des moyens de raviver l’optimisme et l’espérance parmi les Français, on lirait et relirait Depardieu dans le Figaro. On y trouve en effet un diagnostic sur l’état de la société française à travers la représentation de ses élites, dans tous les domaines, d’une acuité exceptionnelle.

    « Le verbe était de haute volée »

    Depardieu éclaire le présent par le passé : « J’étais ami avec Michel Audiard, comme avec Jean Carmet, Jean Gabin… Le verbe était de haute volée. Ils avaient tout ce qui nous manque aujourd’hui. Pas de la distance, mais de la distinction. Maintenant, personne ne se distingue de rien, à commencer par les hommes politiques. Journalistes, acteurs pareil. On ne vit pas dans un monde où l’on peut se distinguer ».

    « La France s’ennuie », dit en substance Depardieu. Elle s’ennuie parce que dans tous les secteurs de la vie publique, politique, médiatique, artistique, elle ne produit plus rien qui ait pour ambition de se distinguer. Qu’on ne s’y trompe pas, Depardieu ne fait pas dans le « C’était mieux avant » à la Zemmour. Il n’est pas question pour lui de tomber dans l’engourdissement d’une nostalgie identitaire qui précède le tombeau. Non. Si Depardieu évoque ce que fut le cinéma d’avant, celui des Audiard, Gabin ou Carmet (il a oublié son copain Blier - ce génie - au passage) c’est pour regretter que de tels monstres aient disparu, et que ce phénomène est aussi, à travers le cinéma, le révélateur d’une France qui s’ennuie à l’image d’un cinéma où rien en distingue.

    Depardieu a raison. Le cinéma français a toujours été le reflet de la vitalité française. On a les films que l’époque mérite. Et les stars qui vont avec. Songeons à ce qu’est devenu, par exemple, le spectacle de la cérémonie des César. Les Morgan, Gabin, Noiret, Deneuve, Rochefort, Marielle, Léotard, Ventura, Coluche ou Depardieu des années 70/80 ont été remplacés par Manu Payet, Kev Adams et les anciennes Miss météos de Canal Plus. Le cinéma français n’est plus qu’une suite de téléfilms à sketchs, produits dérivés des amuseurs de Canal Plus, dont le dernier avatar, le film « Connasse » est l’emblème parfait. Jacques Audiard est un arbre qui cache la forêt du vide. Qui oserait aujourd’hui, produire un film comme le Corbeau de Clouzot, sur l’état de la société française ?

    Une France tout à la fois pépère et mémère

    Depardieu voit juste. Le cinéma français est le reflet d’une France sans héros à distinguer. Une France tout à la fois pépère et mémère. Une France normale. Une France désespérément normale. Or une France normale est une France qui s’endort. Une France de Bidochon. Sans ambition et sans dessein. De ce point de vue, François Hollande, qui a été élu en promettant de renoncer à toute distinction, en proclamant qu’il serait un « président normal », est bel et bien le pendant politique de ce qu’est le cinéma d’aujourd’hui. Depardieu a tout bon. Tout se tient. La France 2015 panthéonise les grandes figures du passé parce que ses contemporains ne se distinguent en rien. Et quand elle tient un Prix Nobel de littérature, la ministre de la Culture en charge avoue qu’elle ne l’a pas lu. Même ceux qui devraient être distingués ne le sont pas. Quel vertige...

    Sous Mitterrand, le cinéma célébrait Noiret, Rochefort et Marielle, Signoret, Deneuve et Baye. Sous Hollande, on célèbre Kev Adams, Manu Payet et Guillaume Canet, les Miss météo et la « Connasse » de Canal Plus.

    Sous Mitterrand, les ministres s’appelaient Mauroy, Joxe, Badinter, Defferre. Même un simple Secrétaire d’Etat pouvait se nommer Max Gallo. Sous Hollande, à trois ou quatre exceptions près, on ne connaît même plus les noms des ministres. Qui sait aujourd’hui le patronyme du Secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international ?

    Une partie de l’élite française moque Depardieu. Depardieu, le monstre. Depardieu, le copain de Poutine. Depardieu, l’autodestructeur. Depardieu, Chronos dévorant ses enfants. Depardieu qui se vend à n’importe qui, n’importe où. On même vu, en son temps, un Premier ministre, empreint de la « normalité » de l’époque, accuser Depardieu de trahison. « Minable » avait dit le premier chef de gouvernement de l’ère Hollande lorsque Depardieu avait annoncé son exil volontaire pour la Belgique, avant de choisir, in fine, la Russie. Surtout condamner Depardieu et refuser de la comprendre. Casser le miroir qu’il nous tend, à l’insupportable reflet.

    Peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie ?

    Une sphère non négligeable de l’élite politique, médiatique et artistique de l’époque se refuse à comprendre que Depardieu se donne à Poutine parce que la France le désespère. Poutine n’est pas un président normal. Poutine se distingue parce qu’il a de l’ambition pour son pays et son peuple. Depardieu choisit Poutine comme on lance un ultime appel au secours. Paradoxalement, c’est par patriotisme que Depardieu brandit l’étendard de Poutine. Pour réveiller un peuple en proie au déclinisme sur fond de mésestime de lui-même. Quand Depardieu proclame que « Les Français sont plus malheureux que les Russes », il constate une évidence que l'élite française persiste à nier.

    Depardieu pose la bonne question : peut-on réveiller un peuple qui s’ennuie, doute, avec une élite anesthésiante et conformiste ? Peut-on plaider pour le retour de l’optimisme et de l’ambition quand on se prétend président normal ? Ou se poser en Premier ministre avocat d’une réforme du collège qui promeut un enseignement de l’histoire qui ne distingue pas la France dans ce qu’elle emporte de plus exaltant auprès de jeunes consciences ?

    Depardieu sera-t-il enfin entendu ? Ecouté ? Lui-même en doute. On lui laissera le mot de la fin, tout en souhaitant qu’il se trompe : « Moi, je suis au-delà de la révolte. C’est fini ça. J’adorerais donner des coups à condition que j’en prenne. Je parle de vrais coups, qui font saigner. Pas de petites polémiques sur le fait que je ne veuille pas payer mes impôts. La masse est bête. Et ceux qui font la masse, c’est-à-dire les journalistes, encore plus bêtes ».  

  • SOCIETE • Questions sur le prix Nobel d’économie

     

    par Ph. Delelis

    Le Prix de la Banque de Suède en Sciences Economiques, plus connu sous le nom de Prix Nobel d’Economie, vient d’être attribué à Angus Deaton, professeur à Princeton, pour ses travaux sur la consommation, la pauvreté et le bien-être. Chaque année à la même époque, on peut s’interroger sur l’utilité des études menées par ces brillants esprits pour les politiques économiques, en tout cas en France. La logique conduit à se poser deux questions : est-ce que, en France, quelqu’un les lit et en tire des conclusions opérationnelles ? ou, si c’est le cas, compte tenu des résultats, est-ce que l’on attribue ce prix à des imposteurs ?

    Première question, donc : en dehors de la petite communauté des professeurs d’économie, quelqu’un, en charge à un titre ou à un autre, de la politique économique française, a-t-il lu les travaux des Nobel d’économie ? Pas sûr. D’abord, ils ne sont pas tous traduits et on connaît le niveau des Français en anglais. Ensuite, l’inertie de l’enseignement est telle que les résultats de la recherche y sont introduits avec retard. Ceci explique par exemple que les vieilles recettes de Papa Keynes continuent à être appliquées à la lettre par des décideurs qui n’ont guère entendu parler que de lui, de ses bons mots (« A long terme nous serons tous morts ») et de ses équations de niveau CM2 sur les bancs de Sciences Po. Enfin, quand les plus doués d’entre eux se rendent intelligibles – tels Jean Tirole l’année dernière – ils disent des horreurs sur la nécessaire déréglementation du marché du travail, les ravages de la politique du logement et les bienfaits de la concurrence. Bref, en France au moins, les Prix Nobel d’Economie ne servent à rien.

    D’où la seconde question, fort légitime dans un pays fier de sa rationalité depuis Descartes : n’a-t-on pas affaire à des imposteurs ? Une réponse positive à cette question justifierait bien sûr que l’on ignore superbement leurs travaux. Déjà M. Tirole avait dû faire face à un procès en orgueil et sorcellerie après s’en être pris à la création d’une deuxième section d’économie dans les universités, fondée sur les sciences sociales et politiques, autrement dit de la littérature engagée. Aujourd’hui, on ne manquera pas de souligner que M. Deaton est parvenu à démontrer que la malnutrition était la conséquence de la pauvreté et non l’inverse, ce qui pouvait sans doute être déduit sans y passer trop de temps par un élève de CM2 (qu’est-ce qu’on apprend après, franchement ?). On relèvera aussi qu’il a établi que le bien être individuel ne s’accroissait pas significativement au-delà de 75 000 dollars de revenus annuels, théorie qui serait vilipendée par les propriétaires d’une Ferrari s’ils la connaissaient. Mais on oubliera sans doute aussi vite qu’il est l’auteur de modèles de consommation très utilisés par les départements marketing des entreprises et les institutions financières internationales pour leurs politiques de développement. En effet, il n’échappera à personne que, dans ce pays, les procès en imposture sont toujours intentés par de vrais spécialistes du genre. Comme le disait plus simplement ce grand économiste qu’était Michel Audiard, injustement ignoré en son temps par la Banque de Suède : « On est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis ». 

  • Natacha Polony : Tirer les leçons de 2015… ou pas

     

    « Après les carnages, après l'horreur, l'année qui se referme nous a fait basculer dans un monde nouveau », qui doit pousser la France à « reprendre en main son destin », écrit Natacha Polony dans une chronique du Figaro, parue le jour de Noël. Sans-doute faudra-t-il aller plus loin qu'elle ne le fait dans la remise en cause des idées, des pratiques et des hommes qui nous ont conduits à la situation présente qu'elle dénonce avec le talent que l'on sait. Il n'empêche : les lignes bougent et, selon toute apparence, leur mouvement ne fait que commencer.  LFAR

    Bien sûr, il y a les familles rassemblées, les enfants ravis, les festins, même modestes. Une fin d'année comme les autres, avec ses images de père Noël et son ambiance de plus en plus écœurante de grande fête de la consommation. À peine a-t-on ressenti les tensions de plus en plus grandes autour de ces crèches que certains maires veulent absolument au cœur de leur mairie comme un nouvel argument électoral. Mais cette fin d'année 2015 a comme un goût étrange.

    L'an dernier, à la même période, les chaînes d'information continue ressassaient en boucle des commentaires vides sur trois fous armés de couteaux ou d'une voiture bélier qui avaient tenté de semer la panique au cri de « Allah Akbar ! ». Et l'on nous expliquait que, bien entendu, ces hommes étaient des cas isolés de déséquilibre psychiatrique. On brassait un discours officiel lénifiant à souhait, destiné à ne fâcher personne, et surtout pas les autoproclamés représentants de la générosité et de « l'ouverture à l'autre ». L'an dernier, la France poursuivait tranquillement son invisible transformation. Le résultat de trente ans de déni. Trente ans à décréter que la France n'avait pas à se perpétuer, que l'idée même d'une identité française était fasciste, que nous devrions expier jusqu'à la dissolution ces « heures les plus sombres…». Aux oubliettes, l'humanisme, les Lumières… La France n'était comptable que du pire, de ce racisme latent qui justifiait la frustration et la rancœur que l'on instillait au cœur de ses enfants nouveaux venus.

    Après les carnages, après l'horreur, l'année qui se referme nous a fait basculer dans un monde nouveau.Un monde dans lequel chacun de nous doit avoir au fond de lui cette infime inquiétude, ce sentiment diffus qu'il peut « arriver quelque chose » à ceux qu'il aime. Un monde dans lequel nous ne serons plus en paix.

    Oh, certes, elle va résister en nous, cette paix. Il y a si longtemps qu'elle s'est installée qu'elle va tenter de nous faire oublier novembre comme elle nous a fait oublier janvier. Mieux, on se paye le luxe d'un pas de deux sur les promesses solennelles lancées par le chef de l'État au lendemain du 13 novembre. Ces annonces censées rassurer les Français, leur montrer qu'enfin on allait agir, ces annonces sont donc contredites par rien de moins que le secrétaire général du Parti socialiste, et, mieux encore, la ministre de la Justice elle-même. « Pas une idée de gauche », la déchéance de nationalité, pourtant mise en place il y a soixante-dix-sept ans par Édouard Daladier en 1938. La pantalonnade d'une ministre de la Justice décrédibilisant un peu plus encore la politique de son propre gouvernement achève de démontrer que cette gauche-là a une conception bien étrange des valeurs autrefois portées par Jaurès ou Blum. Elle nous prouve surtout que les forces qui nous ont conduits au bord de l'abîme sont toujours à l'œuvre.

    Cette déchéance de nationalité serait inutile parce qu'elle ne concerne qu'un nombre infime de cas ? C'était le même argument pour expliquer que 2000 femmes portant le voile intégral, ça ne vaut pas une loi. Et quelques jeunes filles (même poussées par des associations pilotées de l'étranger) qui refusaient d'ôter leur foulard pour entrer au collège, on n'allait pas non plus en faire toute une histoire. Et quelques imams prêchant l'enfermement des femmes ou l'enfer pour les mécréants (sur un mode quiétiste, donc totalement inoffensif, comme persistent à le prétendre certains sociologues), mais voyons, c'est anecdotique ! Tout ce qui remettait en cause la laïcité et le pacte social en découlant, tout ce qui attaquait l'intégration et la possibilité pour des jeunes gens aux origines diverses de se sentir français, tout ce qui aurait pu atténuer les effets délétères d'une crise brutale et d'un chômage ravageur, tout cela a été cultivé avec la plus parfaite bonne conscience. Défendre la France contre des assaillants extérieurs qui instrumentalisent nos faiblesses, punir, même symboliquement, ceux qui renient notre pays et clament leur haine de nous, ce n'est « pas une idée de gauche ». Et si l'on daigne maintenant parler de « patrie », c'est en insistant bien : rien à voir avec celle qu'évoquaient les Cassandre qui ont eu le tort d'avoir raison trop tôt…

    Et cette année 2015 se referme sur des atermoiements qui nous laissent craindre que tout cela n'ait pas suffi. Elle nous enseigne pourtant qu'il est plus que temps de reprendre en main notre destin et de comprendre que dans un monde devenu violent nous devrons notre survie non pas seulement à la qualité de nos services de renseignements ou au déploiement de nos armées (même si leur préservation eût pu intervenir un peu plus tôt) mais à notre capacité à nous repenser comme une nation, une collectivité appuyant son avenir sur un passé et des valeurs transmis à tous, qui donneraient sens à l'idée de nationalité française, comme à l'idée de sa perte. 

    Natacha Polony

     

  • Sur le site officiel de l'Action française : une leçon d’unité nationale, l’éditorial de François Marcilhac.

    Le comte et la com­tesse de Paris ont hono­ré de leur pré­sence les céré­mo­nies du bicen­te­naire de la mort de Napo­léon, le 5 mai, en assis­tant à la messe à Saint-Louis des Inva­lides, en sa mémoire et en celle des sol­dats de la Grande Armée. 

    françois marcilhac.jpgDans sa tri­bune du 28 avril der­nier au Figa­ro, le pré­ten­dant au trône de France avait dit le prin­ci­pal en décla­rant : « Quoi qu’on pense de lui, il est une des grandes figures de notre his­toire. […] Napo­léon, c’est aus­si l’un des noms fran­çais les plus connus dans le monde avec celui de Vic­tor Hugo ou de Jeanne d’Arc, un nom dont la puis­sance nous aide encore à rayon­ner mal­gré notre déclin rela­tif. C’est aus­si un nom admi­ré par les peuples même qui l’ont vain­cu. Le com­mé­mo­rer, c’est s’unir. Lui rendre hon­neur, c’est rendre hon­neur au peuple fran­çais, se rendre hon­neur à soi-même. » Les pro­pos du Prince tran­chaient avec la médio­cri­té du débat qui a entou­ré les com­mé­mo­ra­tions de ce bicentenaire.

    Ce même 28 avril, cette fois sur Cau­seur [1], inter­ro­gé par Fré­dé­ric de Natal, il avait encore décla­ré : « Il faut accep­ter le fait que nous sommes les héri­tiers d’une his­toire com­plexe, héri­tiers de la Gaule romaine, de nos 40 rois de France, mais aus­si de la Révo­lu­tion fran­çaise ou des cinq répu­bliques. L’épopée napo­léo­nienne fait par­tie de notre his­toire et a contri­bué à for­ger notre conscience natio­nale, quelles que soient ses zones d’ombres. » Ajou­tant, à pro­pos de Louis-Phi­lippe, qui avait fait rame­ner par son fils Join­ville les cendres de Napo­léon de Sainte-Hélène, en 1840 : « La volon­té poli­tique du roi Louis-Phi­lippe a tou­jours été moti­vée par l’unité natio­nale et la néces­si­té d’une syn­thèse entre deux modèles, pré-révo­lu­tion­naire et post-révo­lu­tion­naire. Je pense que ce retour des cendres pro­cède du même état d’esprit. […] N’oublions pas que Louis-Phi­lippe a fait entiè­re­ment res­tau­rer Ver­sailles, qu’il en a fait le châ­teau que l’on connaît aujourd’hui et qu’il l’a doté d’une gale­rie des batailles qui est dédiée à toutes les gloires de la France y com­pris celles de Napoléon. »

    Oui, c’est bien dans les traces de son aïeul que se situe le comte de Paris, comme, du reste, éga­le­ment dans celles de Louis XVIII qui, en 1815, se fit trans­por­ter sur le pont d’Iéna que les « Alliés » vou­laient faire sau­ter comme évo­ca­tion d’un mau­vais sou­ve­nir. On sait avec quel cou­rage il sau­va le pont face au géné­ral Blü­cher. Aver­ti par Decazes, qui raconte la scène, Louis XVIII lui répon­dit : « Vous, mon­sieur le pré­fet, faites savoir aux sou­ve­rains que dans peu d’instants je serai sur le pont qu’on veut détruire, et qu’il sau­te­ra, moi des­sus, si cette odieuse vio­la­tion du droit des gens et des trai­tés n’est pas arrê­tée à temps. » Et Decazes de pré­ci­ser : « Le roi ren­tra aux Tui­le­ries aux accla­ma­tions d’un foule immense que son héroïsme avait élec­tri­sée. » C’est que, avant d’être une vic­toire napo­léo­nienne, Iéna était aux yeux de Louis XVIII une vic­toire française.

    On ne sera pas éton­né non plus que le petit-fils de Louis-Phi­lippe, Phi­lippe VIII, fasse la syn­thèse de ce XIXe siècle de troubles en décla­rant, à la Jeu­nesse roya­liste de Paris, le 9 juin 1897, qui lui avait appor­té un dra­peau : « Ce dra­peau mar­qua au siècle der­nier l’union de la Mai­son de France et de la ville de Paris. Il est entre mes mains le sym­bole de l’apaisement social et de la concorde civique ; nous nous incli­nons tous devant lui. […] toutes les vic­toires fran­çaises me sont éga­le­ment chères, dra­pées aux cou­leurs de Rocroi, ou à celles de Val­my, ou à celles d’Iéna. » Rocroi, vic­toire de la monar­chie ; Val­my, vic­toire pré­cé­dant de peu l’instauration de la Ière Répu­blique, vic­toire, aus­si, à laquelle par­ti­ci­pa le jeune Louis-Phi­lippe d’Orléans, futur roi des Fran­çais (comme il par­ti­ci­pe­ra à Jem­mapes) ; Iéna, enfin, vic­toire impé­riale. Phi­lippe VIII ne pou­vait pas mieux mon­trer sa volon­té d’incarner l’histoire de France dans son ensemble, à la suite de Louis XVIII et de Louis-Philippe.

    C’est dans cet héri­tage que s’inscrit Jean IV, décla­rant tou­jours sur Cau­seur : « L’unité du pays ne peut se main­te­nir sans l’attachement à cet héri­tage mil­lé­naire qui nous apprend à regar­der vers l’avenir en le façon­nant pas à pas, dans un esprit de civi­li­sa­tion et avec un sens pro­fond de l’homme. Si le génie de la France est de tendre à l’universel, comme le veut notre pacte natio­nal, alors célé­brons avec nos dif­fé­rences la fier­té et la joie d’être fran­çais, et don­nons à nos enfants le goût de la vie et la foi en l’avenir. Oui, nous devons com­mé­mo­rer Napo­léon. Oui, le chef de l’État, chef des armées, doit aller s’incliner sur la tombe du vain­queur d’Austerlitz. C’est le des­cen­dant d’un com­bat­tant de Jem­mapes qui vous le dit, mais aus­si de Bou­vines et de bien d’autres batailles. La pre­mière bataille que doit livrer notre France aujourd’hui est un com­bat sur elle-même, c’est le désir d’ÊTRE… »

    Quelle belle leçon d’unité natio­nale, tour­née vers l’avenir, nous donne ain­si le Prince. Com­bien elle est loin, aus­si, du dis­cours de Macron à l’Institut, moins ver­beux, certes, que d’ordinaire, mais dont la gran­di­lo­quence, mani­fes­te­ment nom­bri­liste, a, par­fois, frô­lé le ridi­cule : « De l’Empire, nous avons renon­cé au pire, de l’Empereur nous avons embel­li le meilleur. » Il était bien la peine d’évoquer juste aupa­ra­vant Hugo. Mais lais­sons au poète Macron la res­pon­sa­bi­li­té de ses faux alexan­drins et de ses rimes si riches. Tout en mar­chant sur des œufs, vou­lant en même temps satis­faire tout le monde, les décons­truc­teurs, les nive­leurs, les des­truc­teurs de sta­tues, comme un public patriote qu’il ne veut pas frois­ser dans la pers­pec­tive de 2022, il a, semble-t-il, tou­te­fois, per­çu l’essentiel du per­son­nage, dans lequel il se retrouve : « La vie de Napo­léon est d’abord une ode à la volon­té poli­tique. » Il a rai­son : c’est bien le volon­ta­risme qui carac­té­rise l’idéologie impé­riale, de l’oncle comme du neveu, un volon­ta­risme qui s’est affran­chi de la réa­li­té, et de la pre­mière d’entre elles, celle du pré car­ré, pour le plus grand mal­heur de la France et de l’Europe. Comme le disait encore Louis-Phi­lippe, oppo­sant la sagesse capé­tienne, « sachant rai­son gar­der », au volon­ta­risme qui carac­té­rise le bona­par­tisme : « La poli­tique qui a pour fin la conser­va­tion de la paix, ou en d’autres termes, la poli­tique de la paix, abs­trac­tion faite de la ques­tion de droit, est en soi la plus haute et la plus vraie ; car elle pour­suit un but qui est cer­tain, pré­cis. Au contraire, la poli­tique des conquêtes tend vers un but qui s’é­loigne à mesure qu’on l’ap­proche. C’est un mirage trom­peur. Un peuple conqué­rant voit s’a­gran­dir sa tâche sou­vent au-delà de ses res­sources. Ses conquêtes sont un abîme qui l’appelle. »

    C’est une leçon que reprit Hen­ri VI : « L’empire veut la domi­na­tion uni­ver­selle mais, faute de pou­voir tout étreindre, finit par suc­com­ber sous le poids de ses conquêtes. […] L’empire est bel­li­queux par nature, la nation par acci­dent. L’empire ne connaît pas de bornes, la nation peut se savoir ache­vée, et sait se don­ner des limites. » Mali­cieu­se­ment, il notait aus­si : « André Mal­raux, qui n’était pas roya­liste, fai­sait remar­quer au géné­ral de Gaulle qu’aucune défaite mili­taire n’avait détruit la légi­ti­mi­té monar­chique. On sait ce qu’il advint de nos deux empires, et de la IIIe République… »

    C’est une leçon que reprend éga­le­ment l’actuel comte de Paris. Tout d’abord, dans Un Prince fran­çais : « Je ne crois pas que la France soit un empire. C’est l’erreur de Napo­léon. Il a dit, d’ailleurs, qu’il n’avait pas suc­cé­dé à Louis XVI mais à Char­le­magne. Pas aux Capé­tiens mais aux Caro­lin­giens. C’est dire qu’il ne conce­vait pas la France comme une nation patiem­ment édi­fiée, mais comme le centre d’un conglo­mé­rat qu’elle aurait domi­né. Or les empires sont des colosses aux pieds d’argile : ils ne durent pas et, quand ils s’effondrent, les peuples mettent des années à s’en rele­ver. » Aujourd’hui : si le Prince accorde la gloire à Napo­léon, il ajoute : « D’après moi, la France est plus un royaume qu’un empire et le modèle monar­chique capé­tien me semble plus per­ti­nent. » C’est pour­quoi, en effet, à ce volon­ta­risme, il convient, avec « le des­cen­dant d’un com­bat­tant de Jem­mapes […], mais aus­si de Bou­vines et de bien d’autres batailles », d’opposer « le désir d’ÊTRE ».

    On pense alors à ce mot de Bain­ville, que cha­cun connaît : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût pro­ba­ble­ment mieux valu que Napo­léon n’eût pas exis­té. » Aujourd’hui, on pour­rait dire : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il n’y avait pro­ba­ble­ment aucune bonne rai­son de com­mé­mo­rer ce bicen­te­naire. » Mais à condi­tion d’ajouter aus­si­tôt, pour répondre aux détrac­teurs de la France : « Il n’y en avait, en revanche, que de mau­vaises de ne pas le faire. »

    Ce « désir d’ÊTRE », le comte de Paris l’exprimera de la façon la plus haute en se ren­dant, ce same­di 8 mai, avec la com­tesse de Paris, à la céré­mo­nie reli­gieuse célé­brée chaque année à Orléans en l’hon­neur de Jeanne d’Arc, la sainte de la Patrie. C’est la pre­mière fois que le pré­ten­dant au trône de France assiste à cet office reli­gieux, remarque l’As­so­cia­tion uni­ver­selle des amis de Jeanne d’Arc, qui l’a invité.

    FRANÇOIS MARCILHAC

    [1] https://www.causeur.fr/prince-jean-orleans-napoleon-bicentenaire-197628

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Economie libérée et souveraineté nationale par François Reloujac

    Trois jours avant le second tour des élections législatives, le nouveau président de la République, François Hollande, est intervenu pour appeler les électeurs grecs (!) à bien voter ; c’est-à-dire à voter pour des personnes désignées par des partis politiques favorables à l’euro.

     

            Que ces partis aient conduit la Grèce à la faillite avec constance et qu’ils soient, aujourd’hui, devenus les exécuteurs des instances financières internationales pour imposer aux Grecs une austérité insupportable, ne semblait pas gêner outre mesure le nouveau président. Mais ce qui est le plus choquant, c’est le principe même que le président d’un état se permette d’inciter les citoyens d’un autre pays à voter en ne tenant d’ailleurs compte que de la situation économique de partenaires de moins en moins solidaires.

            Certains objecteront que, le même jour, le FMI et l’Union européenne menaçaient les Grecs de ne pas leur verser l’aide promise s’ils votaient mal ; que les Etats-Unis font de même partout dans le monde ; que ce sont des agences de notation américaines qui ont dans le même temps dégradé la note de l’Espagne de trois crans ; que, pendant un temps, Nicolas Sarkozy avait recherché le soutien de Madame Merkel pour s’imposer face à son rival… Bien plus, ces mêmes personnes trouvent normal que, dans un monde où toutes les économies sont interpénétrées, on ne puisse pas agir sur un plan national sans tenir compte des répercussions sur les peuples voisins. Tout cela n’est que confusion ; lorsque l’on se mêle de tout, on ne s’occupe de rien. Le système volontairement mis en place en Europe depuis une trentaine d’années (depuis ce que l’on a appelé l’Acte unique) est purement et simplement un renoncement à la souveraineté nationale au profit d’un système protéiforme lui-même imbriqué dans un tissu de relations automatiques qui ne tient pas compte des hommes mais seulement des « flux » économiques. Cette évolution européenne est elle-même en conformité avec les règles mises en place par l’ONU et l’OMC.

              On en est arrivé à un système tellement complexe que plus personne ne le maîtrise, mais qui permet aux appareils des partis en place de se maintenir grâce à une manne financière discrètement distraite des flux financiers internationaux. Tout prétexte est désormais bon pour donner lieu à des flots de paroles qui n’ont pas pour but d’expliquer la situation aux citoyens mais de les faire réagir de façon spontanée… et donc de « bien » voter. Les citoyens sont de plus en plus noyés sous une masse de chiffres qui n’expriment plus rien. On assiste à une valse de milliards qui n’évoquent rien, sinon l’énormité des difficultés et l’impossibilité pour le citoyen de comprendre ce qu’il faut faire. Chacun est prié de faire confiance à ceux qui ont confisqué les pouvoirs et d’excuser leur incompétence à le sortir rapidement d’embarras.

     

    Les « grands champions nationaux » détenus par des capitaux étrangers

     

           Heureusement, dit-on, la France a de « grands champions nationaux », ces grandes entreprises que le monde entier envie et qui portent des noms prestigieux. Quand on y regarde d’un peu plus près, on constate que ces grands champions nationaux dont le capital est coté à la Bourse de Paris, sont en fait en grande partie détenus par des fonds de pension étrangers, que leurs principaux dirigeants sont de nationalités diverses, qu’ils payent en France proportionnellement beaucoup moins d’impôt que les petites entreprises – optimisant leur fiscalité par des mouvements « internes » avec des filiales bien situées dans des « paradis fiscaux », ce qui permet de faire apparaître le bénéfice dans le pays où il est le moins imposé –, qu’ils sont les premiers à réclamer des subventions dès que leur chiffre d’affaires baisse (primes à la casse !) et qu’ils n’ont aucun scrupule à délocaliser leur production si cela est plus avantageux pour eux. Où est l’intérêt national dans un tel système ? Et que peut faire un gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, pour diriger le pays ? Augmenter les impôts sur les entreprises n’est pas une solution car les plus importantes d’entre elles seront heureuses de voir le gouvernement britannique ou un autre leur dérouler le « tapis rouge », pour utiliser l’expression qu’a osée David Cameron en marge de la réunion du G20.

            Quoi qu’il en soit, toute politique d’assainissement finit toujours par peser sur le citoyen de base, que ce soit directement par l’impôt, les baisses de salaire (comme en Grèce) ou l’augmentation du chômage (cas de l’Espagne). Qu’une société qui a longtemps vécu à crédit, soit un jour amené à payer ses dettes, cela est normal même si c’est douloureux. Mais que cela entraîne un enrichissement indû de certaines institutions financières internationales (fussent-elles des fonds de pension destinés à payer des retraites dans d’autres pays du monde), cela est insupportable. Ces institutions se conduisent alors comme les usuriers du xixe siècle qui profitaient de la misère des paysans et des ouvriers pour s’enrichir sur le dos des plus pauvres. Que cela se produise aujourd’hui à une échelle internationale ne change rien à l’affaire. Sauf que l’on ne peut espérer en sortir qu’au sein de chaque société organisée et solidaire par des mesures acceptées par tous et non imposées de l’étranger. 

     

    « En l’europe nous ne croyons plus »

     

            La politique fondée sur le tout économique et sur une intégration toujours plus poussée par les marchés a fait faillite. Même l’ancienne ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, Ana Palacio, a du le reconnaître lorsqu’elle a publié dans Le Figaro du 20 juin 2012 un article intitulé : « En l’Europe nous ne croyons plus » ! Dans chacun des pays concernés, ce n’est même plus ni le règne de l’étranger ni la domination d’une administration apatride mais l’anarchie masquée derrière une fuite en avant qui cherche simplement à faire gagner du temps. Mais pour quoi faire ? Pour continuer à laisser les grosses institutions financières anonymes faire croître leur bilan en épuisant le tissu social de tous les pays développés ?

    Dans de telles conditions, que faut-il faire ? La solution est d’abord nationale, car la douloureuse solidarité qui sera nécessaire pour en sortir met en jeu les valeurs communes dans lesquelles se reconnaissent les peuples ; de plus, elle n’est pas simplement économique. Si l’on en reste sur cet unique terrain, on ne pourra au mieux que mettre en œuvre quelques palliatifs pour le seul bénéfice des partis en place. C’est le bienheureux Pie IX qui avait déjà posé le diagnostic et indiqué en même temps la solution lorsqu’il écrivait en 1864 dans son encyclique Quanta Cura : « Qui ne voit et ne sent parfaitement qu’une société dégagée des liens de la religion et de la vraie justice, ne peut plus se proposer aucun autre but que d’amasser et d’accumuler des richesses, ni suivre d’autre loi dans ses actes que l’indomptable désir de l’âme d’être esclave de ses propres passions et intérêts ? » A son époque, Jeanne d’Arc avait résolu la crise du Royaume de France en mettant en œuvre une méthode, « Bouter l’étranger hors de France », au service d’un but : « Messire Dieu premier servi ». La leçon est toujours valable.  

     

    (Analyse parue dans le numéro d'été, juillet/août, de Politique magazine)

  • Nouvelle-Calédonie : le sursis ?, par François Marcilhac.

    Referendum en Nouvelle-Calédonie le 4 octobre 2020

    La Nouvelle-Calédonie est officiellement entrée, le 4 octobre, dans sa dernière ligne droite vers l’indépendance ou le maintien dans la France. Mais il n’est pas certain qu’un troisième référendum soit aussi déterminant que les textes le prévoient.

    françois marcilhac.jpgCertes, tous ceux qui sont attachés à l’unité nationale ne peuvent qu’être heureux du nouveau «non» que les Néo-Calédoniens ont opposé à l’indépendance, ce 4 octobre. C’était la deuxième fois en 23 mois que, en présence d’observateurs de l’ONU (comme si la France n’était pas un Etat de droit !) ils devaient répondre à la question : «Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?» En effet, sur le modèle européen – on fait voter les peuples jusqu’à temps qu’ils donnent la «bonne» réponse –, ils avaient déjà dû se rendre aux urnes une première fois le 4 novembre 2018. Une deuxième fois donc, les Néo-Calédoniens ont choisi de rester français. Mais leur vote n’est pas définitif : car l’accord de Nouméa de 1998 prévoit, en cas d’un deuxième non – le «oui», lui, aurait été définitif dès la première fois –, la possibilité d’un troisième référendum, toujours dans les 24 mois.

    La possibilité ; et non l’obligation. Toutefois, comment les indépendantistes n’en formuleraient-ils pas l’exigence – un tiers du Congrès suffit – quand leur défaite de dimanche dernier a un avant-goût de victoire ? Car ce deuxième référendum n’a fait qu’aggraver le diagnostic qu’il avait été possible de faire dès le premier référendum : loin d’être massif, le «non» de 2018 (56,67%) a même tendance à s’éroder : le 4 octobre, les Néo-Calédoniens n’étaient plus que 53,26% à refuser l’indépendance : une baisse de 3,41%, qui serait suffisante, si elle se poursuivait simplement, à faire basculer en 2022 l’archipel dans une «pleine souveraineté», dont les indépendantistes eux-mêmes savent qu’elle serait synonyme d’aventure.

    Il faut revenir aux accords de Matignon-Oudinot signés en 1988. Depuis plusieurs années déjà, les indépendantistes du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) fondé en 1984, mènent des actions violentes, notamment contre les Caldoches : le cycle provocation-répression s’enclenche, avec son lot de morts. Si bien qu’en 1987, se déroule un premier référendum d’autodétermination, qui donne 98,3% de voix favorables au maintien dans la République française. Mais les indépendantistes avaient boycotté le scrutin, contestant la composition du corps électoral, qui faisait à leurs yeux une part trop belle aux non-Canaques. Pourtant, une durée minimale de trois années de résidence avait été adoptée. Bien que déjà exorbitante du droit commun, cette disposition avait été jugée insuffisante aux yeux des indépendantistes.

    Refusant de reconnaître le résultat d’un scrutin auquel ils avaient décidé de ne pas participer, les indépendantistes, dirigés par Jean-Marie Tjibaou, continuent de mener des actions violentes, dont la plus mémorable, et la plus sanglante, reste la prise d’otages d’Ouvéa. Fin avril 1988, entre les deux tours de l'élection présidentielle, des gendarmes étaient pris en otages dans une grotte sur l’île d'Ouvéa. Le 5 mai, l’assaut était lancé : l’épisode fait en tout vingt-six morts, quatre gendarmes, deux militaires et dix-neuf indépendantistes. Un point de non-retour semble atteint, d’autant que François Mitterrand, en pleine réélection, ne soutient pas le camp loyaliste. Aussi est-ce dans l’urgence que le 26 juin 1988, à l’hôtel Matignon, sont signés des accords entre indépendantistes et loyalistes, sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard, qui prévoient un délai de dix ans avant un nouveau référendum d’autodétermination et instaurent un statut transitoire. Cette période est censée permettre la réconciliation des différentes communautés et, surtout, un essor économique comme préalable à toute perspective réelle d’indépendance. Toutefois, ce laps de temps étant jugé insuffisant, en 1998, sous l’égide de Lionel Jospin alors premier ministre de Jacques Chirac – cohabitation oblige –, est signé à Nouméa un nouvel accord, qui non seulement assure le transfert de nouvelles compétences du gouvernement central à l’archipel mais, surtout, prévoit une succession de trois référendums en cas de vote négatif pour les deux premiers. Enfin, par ces accords les indépendantistes obtiennent ce qu’ils n’avaient pas obtenu en 1987 : grâce à la création d’une citoyenneté néo-calédonienne, un corps électoral idoine, contraire aux «valeurs de la République». Il a pour cela fallu adopter une nouvelle loi constitutionnelle (l’article 77) qui, dérogeant de fait au fameux «bloc de constitutionnalité» en établissant un corps électoral spécifique pour les référendums d’autodétermination, instaure en quelque sorte au profit d’une communauté, celle des Canaques, alors même que la République n’est censée reconnaître que des individus, un apartheid à caractère ethnique entre les différents citoyens résidant sur l’archipel. Il existe en effet trois listes électorales en Nouvelle-Calédonie : une liste électorale générale pour voter aux scrutins nationaux, une liste spéciale, déjà plus restreinte, pour les élections provinciales, et une liste encore plus restreinte, pour les référendums d’autodétermination. Il est clair que, la démographie aidant, cette mesure était destinée à favoriser le vote indépendantiste au détriment du vote loyaliste. Et à conduire mécaniquement à la «pleine souveraineté» de l’archipel en privant des Néo-Calédoniens, pourtant installés depuis plus de trente ans en Nouvelle-Calédonie mais non natifs et leurs enfants nés là-bas, devenus majeurs, d’une grande partie de leurs droits civiques. Ils n’auront pas leur mot à dire sur l’avenir d’un archipel auquel ils ont pourtant lié leur sort.

    S’il l’on ajoute à cela un devoir de la part du Gouvernement, bien naturel d’impartialité, mais que celui-ci confond avec un devoir de retrait, et une campagne électorale marquée par l’agressivité du clan indépendantiste, on comprend l’érosion du «non». Est-il normal que, sous couvert de neutralité, un chef d’État, un chef de gouvernement, à la veille d’un référendum d’autodétermination, n’expriment pas aux concernés leur souhait de les voir rester des compatriotes ? Macron et Castex ont répondu par l’affirmative... en restant silencieux avant le scrutin.

    C’est que les gouvernements français successifs, depuis le début de cette affaire sont tombés, par mauvaise conscience occidentale de façon générale, et militantisme idéologique du côté de la gauche, dans le piège du FLNKS, en adoptant un logiciel décolonial éculé, que le président Macron, passant de sa «fierté», devant les résultats de 2018, à son «humilité» devant ceux de dimanche dernier, a confirmé, en déclarant dans son allocution de ce même dimanche 4 octobre : «Nous regardons en face notre histoire en Nouvelle-Calédonie, qui est une histoire coloniale.» Comme si le statut de la Nouvelle-Calédonie, et celui des Canaques n’avaient pas bougé depuis 1858, date de notre arrivée. Comme si les Néo-Calédoniens, de quelque origine qu’ils soient, n’élisaient pas des députés à l’Assemblée nationale au même titre que leurs compatriotes ultramarins et métropolitains ! Comme si la Nouvelle-Calédonie, territoire jouissant d’une autonomie partielle, ne disposait pas de compétences que bien des territoires métropolitains envieraient !

    Ce logiciel n’a pu évidemment que nourrir, contre le «colonisateur» caldoche, voire «blanc», même si les communautés sont nombreuses en Nouvelle-Calédonie et d’origines très diverses, le manichéisme d’une jeunesse canaque élevée dans un triple ressentiment historique, ethnique et social.

    Certes, les temps ont changé et les deux puissances anglo-saxonnes voisines, que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande, n’appuient plus l’indépendance avec autant de morgue que sous Mitterrand ou Chirac, jouant de la mauvaise conscience post-coloniale du gouvernement français, empêtré, de plus, dans l’affaire du Rainbow Warrior (1985). Sur France-Culture, le 5 octobre, l’anthropologue Alban Bensa, pro-indépendantiste, note : «Le peuple kanak est un petit peuple, de civilisation mélanésienne, et il aurait pu ou même aurait dû disparaître. Mais il se trouve que ça n'a pas été le cas.»  Il n’en donne pas la raison : c’est que, sans dissimuler les injustices et spoliations réelles subies par les autochtones, les Français n’ont précisément pas pratiqué la même politique que, surtout, les Australiens envers les leurs. Les autochtones de ceux qui donnaient des leçons à la France, qu’elle recevait avec masochisme, ont eux, disparu, ou sont aujourd’hui parqués. Surtout, la situation géopolitique a changé et ce n’est pas pour rien que Macron a rappelé, dans son intervention de dimanche, le défi indo-pacifique qu’il conviendrait, quelle que soit la décision finale des Néo-Calédoniens, de relever ensemble, à côté du développement économique et du défi climatique. On envisage aussi à Paris, en cas d’indépendance, la signature d’un partenariat militaire avec le nouvel Etat. C’est que l’impérialisme chinois est devenu menaçant dans la région, aux plans non seulement économique, mais aussi militaire : il pourrait tout d’abord en cas d’indépendance, prendre la forme d’une aide au développement, complétant celle de Paris, l’empire du Milieu étant attiré à la fois par la richesse en minerai, notamment en nickel (90% des exportations, un quart des ressources mondiales) de l’archipel, et par sa situation géopolitique. Il pourrait aussi prendre la forme d’un base militaire chinoise... installée à 2 300 kilomètres de la Nouvelle-Zélande et à 3 300 de l’Australie : une perspective qui fait certainement davantage peur à Canberra et à Wellington qu’aux indépendantistes. En effet, comme l’a déclaré récemment le leader indépendantiste Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie : «Nous n’avons pas peur de la Chine. C’est la France, pas elle, qui nous a colonisés. Elle ne nous gêne pas outre-mesure. Jean-Marie Tjibaou disait il y a trente ans que l’indépendance, c’est gérer les interdépendances. Nous ne nous tournons pas que vers l’Europe, elle est loin d’ici, on ne va pas faire aujourd’hui comme si la Chine n’existait pas» (Le Monde du 2 octobre 2020). Une Chine déjà bien présente sur l’archipel de Vanuatu (ex-Nouvelles Hébrides, devenues indépendantes en 1980), à 500 kilomètres de Nouméa…

    En décidant de «laisser du temps au temps», Mitterrand-Rocard, puis Chirac-Jospin n’ont pas rendu service à la Nouvelle-Calédonie : ils ont bloqué durant trente ans l’évolution de l’archipel sans réussir à ressouder les communautés qui la composent. Au contraire, les référendums successifs, en rendant incertain l’avenir, figent les fractures, voire les aggravent comme l’a montré le durcissement de la deuxième campagne référendaire. Or ces fractures sont à la fois ethniques, historiques et géographiques : la province sud, à majorité non canaque (ce qui ne signifie pas caldoche !), la plus riche aussi, a voté à plus de 70% contre l’indépendance, tandis que la province nord et celle des îles Loyauté, à forte majorité canaque, ont voté respectivement à plus de 78% et de 84% pour le oui. Tout devient donc possible, le pire n’étant jamais certain, bien sûr.

    En accréditant, par idéologie ou par manque de courage, un discours décolonial qu’il fallait au contraire dépasser par une forte implication politique et économique, Paris n’a fait que laisser pourrir la situation, en espérant que peut-être, se vérifierait alors, par je ne sais quel miracle, la maxime d’Henri Queuille, président du Conseil sous la IVe République : «Il n’est pas de problèmes dont une absence de solution ne finisse par venir à bout.»

    Si jamais l’indépendance ou le maintien dans la France de l’archipel n’était acquis, en 2022, qu’à un peu plus de 50%, il va de soi que le vaincu aurait du mal à reconnaître la victoire de son adversaire : quelle légitimité aurait une indépendance ou un maintien voté à quelque centaines de voix ? C’est le risque que, dès le départ, les signataires des accords de Nouméa ont pris. Autant dire qu’un troisième référendum ne résoudra rien. Quel que soit le résultat, l’archipel entrerait dans une période d’incertitudes, voire de troubles, certains pariant peut-être pour une partition de l’archipel entre un sud loyaliste et un nord indépendantiste. En tout cas, la situation serait envenimée par tous ceux qui, pour des raisons tant idéologiques que géopolitiques, militaires ou économiques, seraient intéressés par le départ de la France.

    François Marcilhac

    Source : https://francais.rt.com/