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Rechercher : trois leçons d'économie du pape françois

  • Alain de Benoist : « Pour le pape François, le système capitaliste est intrinsèquement mauvais ! »

     

    Entretien dans Boulevard Voltaire   

    Ces propos pourront choquer les lecteurs de Maurras qui se souviendront qu'il définissait le binôme « capitalisme et tradition » comme fondement de toute civilisation. Il est évident que le capitalisme dont il est question ici est un autre concept, une autre pratique. Celui dont le même Maurras avait annoncé la tyrannie, en conclusion de l'Avenir de l'intelligence. Et qui engendrerait l'âge de fer, l'âge barbare, où nous sommes aujourd'hui. En bref, le règne de l'Or. Il s'agit ici du capitalisme défini comme marchandisation du monde. Et c'est pourquoi, malgré l'aspect paradoxal qu'il pourra avoir pour certains, comme d'ailleurs l'enseignement du pape François, nous croyons qu'en l'occurrence de Benoist a raison. LFAR

     

    1530443371.jpgAvec sa dernière encyclique, qui a fait grand bruit, le pape François s’est apparemment rallié à l’écologisme le plus radical, ce qui ne doit pas vous déplaire. Mais n’est-il pas dans son rôle quand il s’inquiète du sort de la création ?

    Le pape François n’est pas le premier souverain pontife à exprimer un souci écologique. Le grand précurseur en la matière est évidemment François d’Assise, dont le pape n’a pas hésité à rappeler qu’il parlait de « notre Mère la Terre ». Mais il est de fait que, dans l’encyclique Laudato si’, il va plus loin que ses prédécesseurs, que ce soit pour dénoncer le « mythe du progrès » (n° 60), l’orientation actuelle de l’économie (n° 128) ou le fait que « l’être humain et les choses ont cessé de se tendre amicalement la main pour entrer en opposition » (n° 106). Je trouve cela très positif.

    Théologiquement, les choses sont un peu plus compliquées. Le christianisme s’est certes très tôt séparé des gnostiques, qui estimaient que ce monde était intrinsèquement mauvais. Mais la théologie chrétienne, fondée sur la distinction de l’être créé et de l’être incréé, ne reconnaît pas de sacralité intrinsèque au monde. Or, c’est parce que le monde a été désacralisé que Descartes a pu poser l’homme comme « maître et possesseur de la nature ». La tradition chrétienne place par ailleurs l’homme au sommet de la création, ce qui lui donne des droits sur elle. La Genèse lui assigne le devoir de « dominer sur toute la Terre » (1,26). On a récemment cherché à traduire ce verbe de façon plus souple, par « diriger de façon responsable, être le gardien de », mais cette manière de faire sollicite le texte. Le terme original est radah, qui signifie bien « dominer » au sens de soumettre, subjuguer, assujettir, fouler aux pieds, comme le montrent ses autres occurrences dans la Bible (Lév. 26,17 ; Nombres 24,19 ; Néhémie 9,28, Psaumes 49,14, etc.).

    Pareillement, lorsque ce même pape condamne capitalisme et libéralisme, ne met-il pas ses chaussons rouges dans les pas de ses augustes devanciers ?

    En ce domaine, en effet, il n’innove pas radicalement. La critique du libéralisme, notamment, est déjà présente dans la doctrine sociale de l’Église. Au Vatican, cette critique remonte au moins à l’encyclique Rerum novarum (1891) et à sa condamnation d’une « concurrence effrénée » aboutissant à la « concentration, entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce ». Ce qui est nouveau en revanche, et ce dont je me réjouis, c’est que le pape ne se borne plus à dénoncer les « dérives », les « excès », les « mauvaises applications » du système capitaliste. Il ne se borne pas non plus à faire appel à la conscience morale, au « juste salaire », au paternalisme ou à la charité. Il tranche net et sans détours. Il l’a redit récemment en s’adressant aux mouvements populaires de Bolivie : le système capitaliste est intrinsèquement mauvais, car il contredit les « droits sacrés » que résume le principe « terre, toit, travail » (terra, techo, trabajo). Il est « intolérable » parce qu’il implique la toute-puissance de l’argent, que Basile de Césarée qualifiait de « fumier du Diable ». Bref, il constitue une « structure de péché ».

    Conformément à la leçon des Évangiles (les premiers chrétiens exigeaient la mise en commun de tous les biens), le pape François a choisi l’« option préférentielle en faveur des pauvres ». Il a bien compris que le capitalisme, avant d’être un système économique, est un « fait social total », porteur d’une anthropologie qui lui est propre. De même a-t-il bien compris que les réformes sociétales que la gauche veut appliquer aujourd’hui n’ont rien de « socialiste » ni même de « gauchiste », mais procèdent de la même conception de l’homme qui est à la base du libéralisme économique et de la société de marché, une conception qui fait de l’axiomatique de l’intérêt et de l’orientation vers la logique du gain le fondement même du phénomène humain, le réduisant ainsi aux seules lois gravitationnelles du désir et de l’intérêt.

    Ce qui est assez amusant, c’est de voir les chrétiens les plus réactionnaires, qui se réfèrent à tout instant au pape pour condamner le mariage homosexuel, la PMA pour tous et la « culture de mort », regarder ailleurs ou l’inviter à « s’occuper de ses messes » quand il condamne sans équivoque la marchandisation du monde et le système du profit. Comme si le pape, à défaut d’être infaillible sur le sujet, était nécessairement incompétent en économie ! Comme s’il devait rester muet sur le monde actuel, sur les effets dévastateurs du libre-échange, sur les privatisations, sur le système qui « tue » et qui « exclut » ! Dom Hélder Câmara, dont le procès en béatification a été engagé en 2013 au Vatican, disait déjà : « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint, mais quand je demande pourquoi ils ont faim, on me traite de communiste. ». Aux États-Unis, il a suffi que le pape condamne la société de marché pour que les Américains voient en lui Karl Marx ressuscité ! D’autres, en France, l’ont accusé de « messianisme terrestre », d’« altermondialisme larvé », de « zapatisme », et que sais-je encore. Les héritiers de Thiers et de Guizot veulent bien qu’on leur parle de « pauvreté évangélique », mais à condition qu’on ne leur demande pas d’en suivre l’exemple…

    Qu’un Alain de Benoist puisse dire du bien du Vatican, ça vaut le détour en tout cas ! Vous qui n’avez notoirement pas d’atomes crochus avec le monothéisme en général et le christianisme en particulier, cela ne vous pose pas de problème ?

    Cela ne m’en pose aucun. Je suis un intellectuel engagé, pas un intellectuel partisan. Je juge des idées en fonction de ce que je crois être leur valeur de vérité, non en fonction de la personne qui les émet ou du lieu à partir duquel elles sont émises. Simple question d’honnêteté.  

    Boulevard Voltaire

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  • Pape François et marxisme : bon à savoir...

    159098456.jpgUn pape inspiré par le marxisme ?

    DÉCRYPTAGE par Jean-Marie Guénois ENVOYÉ SPÉCIAL À RIO

    (Dans Le Figaro du vendredi 26 juillet)

    L'INSISTANCE du pape François sur la question de la justice socia­le - encore démontrée à Rio, par sa visite dans une favela de la banlieue - s'impose désormais comme le pilier central de son pontificat. Cette étape fut d'ailleurs ajoutée par lui au pro­gramme des JMJ. Elle n'était pas pré­vue par Benoît XVI qui devait effecti­vement présider ce rassemblement. François, jésuite latino-américain, pape « révolutionnaire » à certains égards, qui a choisi son nom en référence au « poverello » d'Assise, est-il pour autant un théologien de la li­bération ?

    Ces prêtres - formés idéologiquement dans les années 1970. par les universités catholiques européennes - ont alors tenté de fonder des « communautés de base » en Amérique latine, plus inspirées par le combat politique, façon lutte de classes marxiste, que par le christianisme. Trente ans après, leur bilan est catastrophique pour l'Église : fuite des fidèles vers les Évangéliques ; tarissement drastique des vocations jésuites et franciscaines latino-américaines. L'un de leurs champions, le père Leonardo Boff, est aujourd'hui marié.

     

    Mais ces révolutionnaires-là ont toujours eu, en face d'eux, celui qui devint l'archevêque de Buenos Aires. Il était l'une des bêtes noires des théologiens de la libération. Au point qu'il fut remisé par ses frères jésuites car non politiquement correct, jus­qu'à ce que Jean-Paul II ne vienne le repêcher. Jorge Bergoglio, passionné d'action sociale, n'a jamais transigé, lui, sur le moteur de cette action : une foi catholique sans concession avec la doctrine socialiste. n

     

  • Le pape François et l’immigration

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [28.12] Mathieu Bock-Côté dit des propos du pape - mieux sans-doute et autrement - la même chose que nous. [Voir article précédent]. La charge du pape François en faveur de l'immigration, au soir de Noël, ne vise en fait que l'Europe. Peut-être surtout, comme on le dit, la catholique Pologne. Mais aussi la France, sans aucun doute. Gardons présent à l'esprit qu'en matière politique, en tout ce qui touche au Bien Commun de notre patrie, nous sommes - ou devrions être - seuls souverains.   LFAR  

     

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    Depuis quelques années, le pape François a multiplié les déclarations invitant l’Occident à s’ouvrir aux vagues migratoires.

    Entre les vrais réfugiés et les migrants économiques, il ne distingue pas vraiment : il ne veut voir qu’une misère humaine réclamant qu’on lui porte secours. Même s’il fait quelques nuances, il invite globalement les Européens à accueillir avec le sourire ceux qui entrent chez eux sans même frapper à la porte.

    Occident

    Il lui importe peu que les Européens se sentent submergés : ils doivent faire un effort supplémentaire de charité pour ne pas renier leur humanité. 

    C’est dans cet esprit qu’il a récemment comparé les migrants à Jésus et ses parents. On comprend le message : qui ferme la porte aux migrants la ferme au Christ. 

    On comprend que, pour le pape, un bon chrétien ne saurait jamais s’opposer à l’immigration massive qui transforme l’Europe démographiquement.

    Lorsqu’il est question du pape, les médias occidentaux pratiquent l’écoute sélective. Lorsqu’il parle de religion, ils s’en fichent. Mais lorsqu’il plaide pour la dissolution des frontières, ils lui donnent le titre de grand sage et nous invitent à suivre ses conseils.

    C’est qu’il radicalise le préjugé sans-frontiériste dominant chez nos élites économiques et médiatiques.

    En gros, l’Occident serait devenu riche en pillant la planète et il serait normal qu’aujourd’hui, il se fasse pardonner en accueillant sans rechigner les déshérités du monde entier. Cette vision de l’histoire est fausse et déformée, mais elle monopolise la conscience collective.

    Du haut de son magistère, le pape fait la morale sans trop s’intéresser aux conséquences pratiques de cette révolution migratoire. Il y a là une terrible irresponsabilité.

    Dans un livre essentiel paru début 2017, Église et immigration : le grand malaise, le journaliste français Laurent Dandrieu, lui-même catholique, décryptait la pensée du pape et, plus globalement, de l’Église, autour de cette question. Il observait une inquiétante indifférence de l’Église devant le droit des peuples à conserver leur identité.

    Au-delà des déclarations du pape François, on doit constater que l’immigration massive est probablement le grand enjeu de notre époque. Ce sont des masses humaines qui se mettent en mouvement.

    Le phénomène ne date pas d’hier : depuis le début des années 1980, on s’en inquiète, mais personne n’ose le maîtriser, et pour cela, il prend de l’ampleur.

    Responsabilité

    Et on aura beau sermonner les peuples occidentaux en leur expliquant que la diversité est une richesse, ils se sentent néanmoins bousculés, dépossédés. S’ils veulent bien accueillir un certain nombre de malheureux, ils ne peuvent accueillir pour autant toute la misère du monde.

    Les vagues migratoires des dernières années ont quelque chose de traumatisant. On entre illégalement et massivement en Europe. Les pays sont incapables de faire respecter leurs frontières. Leurs équilibres sociaux et culturels sont compromis. Les tensions identitaires augmentent.

    L’immigration est une question explosive. Et les irresponsables qui accusent de xénophobie ceux qui voudraient mieux la contrôler et faire respecter les frontières enveniment la situation.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Une formidable leçon

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Analyse politique. Après ce qui s’est passé à Trèbes, il devrait y avoir une réflexion de fond pour engager une politique de salut national. 

    Le meurtrier de Carcassonne et de Trèbes, Radouane Lakdim, était connu de la justice, des services de police et des renseignements.

    Né au Maroc en 1992, il était devenu français à la suite de l’obtention de la nationalité française par son père qui en avait formulé la demande. Il avait été condamné en 2011, il avait 19 ans, pour port d’arme, mais comme c’est la pratique habituelle de la justice en pareil cas, à 1 mois avec sursis, c’est-à-dire pour un garçon comme lui : rien ; recondamné pour trafic et usage de stupéfiants en 2015, cette fois-là, il écope d’un mois ferme, c’est-à-dire presque rien. Il s’arrange pour ne pas se faire remarquer.

    Il reprend sa vie ordinaire en ne faisant rien de toute la journée que mener, comme ses camarades, ses petites activités dans une cité où il n’y a plus de vie normale en dehors des trafics illégaux et où aucun service d’État ne peut pénétrer de manière assurée, coutumière et continue. La cité Ozanam – c’est ainsi qu’elle s’appelle, du nom du grand chrétien qui fut un apôtre de la charité ! – selon un langage devenu courant, « vit sur elle-même » ; trois cités de ce genre « prospèrent » dans les mêmes dispositions selon les mêmes « lois », « mœurs » et « habitudes », autour de Carcassonne ; personne ne l’ignore ni dans la population ni dans les services d’État. « Les étrangers » – entendez évidemment les personnes extérieures à la cité – sont rejetés, comme l’ont éprouvé violemment les journalistes qui ont essayé d’y faire un reportage après l’évènement, et les forces de l’ordre qui y sont intervenues non sans difficultés.

    Il est plus que probable qu’une fois passée l’émotion, tout y redeviendra comme avant, c’est-à-dire comme dans des centaines, voire des milliers de cités et de quartiers en France, ce qu’on appelle pudiquement « les territoires perdus de la République ». Qui peut-on ? Et qui y pourrait quelque chose ? Hors, jusqu’à aujourd’hui, des discours. Et des discours, Dieu sait s’il y en a et s’il y en aura après l’affaire de Carcassonne et de Trèbes !

    Il était repéré !

    Radouane Lakdim était suivi par les renseignements, mais ce n’était que par intermittence, tantôt en haut du spectre, tantôt en bas pour reprendre les termes d’usage, ce qui se comprend – explique-t-on – puisque c’est maintenant près de 10 000 personnes – certains disent le double – qui sont susceptibles en France de mener des actions terroristes.

    Selon les précisions officielles bien connues et cent fois répétées, comme il est difficile de discerner le degré de radicalisation d’un si grand nombre de personnes, il apparaît qu’il est impossible d’exercer une surveillance totale et continuelle sur l’ensemble des criminels potentiels. De fait ! C’est parfaitement compréhensible ! Mais, soit dit entre nous, quel aveu !

    Toutefois, lui avait fréquenté un groupe sur Carcassonne en lien avec une cellule d’islamistes radicaux venus d’ailleurs. Il avait donc été, dès 2014, fiché S ; ainsi que, plus tard, sa compagne, une « convertie » à l’islam, âgée de 18 ans, dont les enquêteurs constatent aujourd’hui l’islamisme farouche ; elle ne regrette rien et approuve l’action de son compagnon.

    Radouane Lakdim ne cachait pas sa radicalisation sur les réseaux sociaux, mais selon encore l’expression consacrée – car tout dans ce domaine est affaire d’expression –, rien ne laissait prévoir « qu’il allait passer à l’acte ». Il a agi seul – expression pareillement convenue et resservie à chaque fois. Il s’était procuré – vraisemblablement seul ! – une arme de poing, trois engins explosifs artisanaux et un couteau de chasse pour signer son acte : le lieutenant-colonel Beltrame est décédé de l’égorgement perpétré rituellement et non des balles qui l’ont atteint.

    L’homme a manifesté la plus décidée des intentions, comme tous ceux qui ont commis les précédents attentats. Pour voler une voiture à Carcasonne, il a blessé gravement le conducteur et tué le passager ; il a tiré sur une équipe de gendarmes, car – apprend-t-on de source autorisée (!) – il détestait la police et les gendarmes ; puis, survenant à Trèbes, cherchant à faire une prise d’otages dans le Super U, il a tué, au cri d’Allah akbar, encore deux personnes, le boucher et un client du magasin ; il s’apprêtait vraisemblablement à tuer une autre otage prise comme bouclier humain et peut-être à commettre d’autres tueries si le lieutenant-colonel Beltrame ne s’était interposé en proposant de se substituer à l’otage et sans doute – car il faut le faire ! – en impressionnant le meurtrier par son autorité, sa parole, son attitude et son courage, puisque Lakdim a accepté cette étrange substitution. Leur face à face en huis-clos a duré près de trois heures. Arnauld Beltrame ayant laissé exprès son téléphone portable ouvert sur une table, il fut possible d’entendre les propos de Radouane Lakdim qui ne différaient guère de ceux de ses prédécesseurs en pareil genre de crimes, revendiquant son acte, récitant des sourates du Coran, parlant de la Syrie et de Daech, réclamant la libération de Salah Abdeslam, le survivant du commando de Saint-Denis et du Bataclan.

    C’est lorsque trois coups de feu retentissent que le GIGN de Toulouse se décide à intervenir et met hors d’état de nuire Lakdim. Le lieutenant-colonel gît dans son sang ; il décèdera à l’hôpital de Carcassonne dans la nuit du vendredi au samedi, assisté par le père Jean-Baptiste des chanoines de La Mère de Dieu de l’abbaye de Lagrasse, devenu son ami, qui lui administra l’extrême-onction.

    La politique s’en mêle

    Le président Macron a voulu rendre un hommage national à celui qui est devenu à titre posthume le colonel Beltrame. La France émue et admirative ne peut qu’approuver. Elle l’a montré par sa présence. Il y a là une union nationale qui se réalise autour d’une personnalité exceptionnelle, un vrai fils de la France, qui a témoigné par son sacrifice de la noblesse de son âme et de la grandeur de sa vocation. Son nom est déjà donné à des rues de France et c’est tant mieux.

    Reste qu’il s’agit encore d’un attentat islamiste. Les télévisions, les radios, les réseaux sociaux ont été saturés de déclarations et de commentaires. L’essentiel est perdu de vue. À écouter Gérard Collomb, rien n’était prévisible et c’est la faute à personne. Le président Macron chante l’union nationale mais estime que sa loi contre le terrorisme suffit à préserver la République pourvu qu’elle soit rigoureusement appliquée.

    Laurent Wauquier réclame la restauration de l’état d’urgence. Marine Le Pen pense qu’il est grand temps que le fichier S serve à quelque chose de plus précis que de simples surveillances qui se révèlent n’être, de plus, qu’occasionnelles – et elle n’a pas tort !

    Cependant, les autorités compétentes nous assurent que les services français font bien leur métier ; ce qui est certainement vrai. Pour un attentat qui s’est malheureusement concrétisé, ce sont cinquante projets d’attentats qui – nous confirment les experts – ont été déjoués dans les derniers mois ! On reste pantois. Tant que ça ! Et qu’en est-il alors de tant de potentiels criminels ? Les experts nous certifient encore que les différentes directions des services vont mieux se coordonner. La justice se réveillerait : le 8 mars dernier, la commission d’expulsion – dite la comex –, composée de magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, a consenti au renvoi en Algérie d’un iman salafiste de Marseille, El Hadj Doudi, dont la mosquée As-Sounna a été fermée, il y a trois mois, pour prédication islamiste et terroriste et activisme salafiste. Le quartier tout entier a été infecté par une radicalisation intolérable. La procédure entamée par la préfecture de police de Marseille aurait enfin une chance d’aboutir. Ce n’est pas fait. Le ministère de l’Intérieur doit prendre la décision de l’arrêté d’expulsion. Combien d’arrêtés pris, depuis trois ans que les attentats se multiplient ? À peine une quarantaine…

    Le sens d’une vraie politique

    Qui ne voit qu’une telle politique se contente seulement de répliquer – et comme elle peut – aux attaques d’un adversaire acharné et prêt à évoluer selon les circonstances et l’actualité qui l’inspirent. Cet adversaire – non déclaré comme tel – dispose sur notre sol de territoires, de quartiers, de cités. Certes, la France a à sa disposition des hommes remarquables et des services de haut niveau comme le montrent – et que trop, malheureusement ! – tous les évènements récents. Mais, en raison des politiques suivies, il est clair que la France ne cherche en fait que des réponses à des problèmes qu’elle s’est elle-même créés. Elle ne fait jamais que répondre aux agressions de toutes sortes qu’elle subit ; et elle est contente et fière d’elle-même quand elle oppose une réponse efficace ou héroïque, comme ce fut le cas à Trèbes.

    Cependant, il est facile de comprendre qu’une telle politique ne suffit pas. Que ce soit pour le terrorisme, que ce soit pour la criminalité, pour l’immigration ou toutes les questions politiques, sociales, économiques, pendantes. L’État français demeure toujours dans la réponse ou la réplique, même quand il donne et se donne l’impression d’anticiper.

    Aujourd’hui, plus aucun État ne peut se permettre une telle conception, surtout dans les graves matières de sécurité. La France se devrait d’avoir une énergique politique de redressement, toute d’initiative, qui recompose le tissu national déchiré et redonne aux Français le goût de vivre – et pas seulement de se défendre ! C’est ce qu’ils attendent. Des faits et non des discours. Une indépendance nationale recouvrée qui les sorte de leurs sottes querelles intestines. Macron est-il capable de porter un tel projet ?  ■  

    Hilaire de Crémiers

  • Les donneurs de leçons

    valls,dufflot,depardieuAu début de ce mois, Mme Cécile Duflot a rappelé à l’ordre l’Eglise de France au sujet des sans-abri. La semaine dernière, M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, a qualifié de « minable » l’attitude de Gérard Depardieu. La gauche nous ferait-elle une petite crise de moraline aiguë ? Pas du tout, elle est elle-même, plus soucieuse de ses prétendues « valeurs » que de ses devoirs politiques. En effet, ce que ne dit pas Mme Cécile Duflot, c’est que, pour l’essentiel, des logements font défaut à cause de l’immigration sauvage et incontrôlée qu’elle-même encourage par ailleurs. Ce que ne dit pas M. Jean-Marc Ayrault, c’est qu’un exil « fiscal » est toujours la conséquence (prévisible puisque possible) de mesures gouvernementales inconsidérées dans le cadre de notre actuelle législation.

    Les médias ne sont pas en reste. Il aura suffi d’une énième « tuerie » aux Etats-Unis pour que, d’une même voix, tous – absolument tous - reprennent l’antienne du deuxième amendement de la constitution états-unienne relatif à la possession des armes à feu. Nouveau tour de piste pour la moraline : oh, les vilains Américains ! Le fait divers de Newtown est certes tragique, mais il n’autorise en aucune manière nos journaleux à décider ce qui est le bien ou le mal pour un pays étranger, sauf à être ridicules. Commençons plutôt par régler, sans états d’âme, notre propre problème avec les armes dont on sait qu’elles circulent, en grande quantité, dans les « cités ».

    D’ailleurs, quel crédit accorder à des gens qui s’indignent à sens unique ? Les a-t-on entendus, tous tant qu’ils sont, politiciens et journalistes (pour l’essentiel de gauche), réagir dans un registre identique à l’occasion de l’un des innombrables actes de violence, ayant entraîné la mort, perpétrés sur le territoire français au cours de 2012 ? Rappelez-vous : ces deux femmes gendarmes froidement abattues, ce policier délibérément écrasé par une voiture volée, cet adolescent à scooter mortellement percuté par une autre voiture volée, ce commerçant détroussé et laissé mort pour trois fois rien… La liste est longue !

    Par charité, nous ne chercherons pas à savoir si les auteurs de ces assassinats ont en commun « des origines » pour parler comme Miss France 2010 : si cela était avéré, ce pourrait peut-être expliquer certains silences… Des origines, justement, ils en ont, ces deux lycéens expulsés mercredi dernier : un Tunisien et un Marocain, tous deux délinquants violents et récidivistes, et…sans papiers. Alors, dira-t-on, M. Manuel Valls fait donc son travail. En l’occurrence, oui, et c’est la moindre des choses, après tout. Mais on a quand même, et bien évidemment, entendu les hurlements d’indignation d’une de ces  « associations » financées sur fonds publics, RESF (« Réseau Education sans frontières ») qui semble ainsi trouver normal que le contribuable français paye la scolarité de deux petits voyous étrangers.

    Moralité : selon que vous serez tel ou tel (prudence, Harlem veille), les jugements « moraux » vous rendront blanc ou noir.

    Lafautearousseau

  • CRISE ÉCONOMIQUE : Trois propositions pour en sortir, par François Reloujac *

    libreechangebccc-635e1.jpgDans un monde globalisé où règne le libre-échange et où les textes qui régissent le fonctionnement de l'économie s'écrivent essentiellement au niveau européen, c'est une vraie gageure que d'imaginer trois mesures nationales qui pourraient améliorer la situation. Il est cependant possible d'amorcer un redressement avec des décisions dont la portée symbolique dépasse la simple conséquence immédiate.

     

    1. Donner une nouvelle mission à l'Académie française 

    La plupart des textes européens sont d’abord écrits et discutés en anglais, puis plus ou moins bien transposés dans les diverses langues des pays de l'Union européenne. C'est sur ces traductions approximatives que l’on demande aux Parlements nationaux de se prononcer. C'est, ensuite, sous l'unique contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne que ces textes sont interprétés et ils le sont dans une optique téléologique. Autant dire que les parlementaires nationaux se prononcent sur des textes dont ils ne mesurent pas les conséquences. Ainsi, à partir du dernier trimestre 2014 le nouveau calcul du PIB intègrera obligatoirement chiffres de « l’économie non observée », même si, en France, pour ne pas effrayer la population, l'lnsee continuera à « communiquer » uniquement sur un PIB n’incluant pas ces chiffres. Cette « économie non observée » recouvre en fait les « transactions » occultes, c'est à dire, entre autres, la prostitution, le trafic de drogue, le travail au noir, la vente clandestine des produits volés… C’est le résultat d'un texte européen écrit il y a plus dix ans, traduit par l’administration bruxelloise en 2010 et imposé par le Parlement européen en 20l2 pour mise en application fin 2014. 

    L'exemple est frappant : lorsque le Parlement national a été amené à se prononcer sur le texte d’origine, il n’a pas eu conscience de ce qu'impliquait cette notion de « transaction » pour le calcul du PIB. Or, en vertu de la liberté du commerce, et puisque le marché est le lieu où s'effectuent des transactions, il ne sera pas possible demain de s’opposer à la vente directe de marijuana en France par les dealers néerlandais, puisque, dans ce pays, cette drogue est en vente libre. Comment ne pas se trouver ainsi lié par des conséquences que l'on n'a pas voulues ? En demandant à l’Académie française de présenter au Parlement, avant que celui-ci ne se prononce sur un texte européen, un rapport dans lequel le sens des mots est explicité et en faisant obligatoirement annexer les conclusions de ce rapport au texte européen de façon à encadrer ultérieurement les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne.

    2. Généraliser la double indexation des crédits 

    Aujourd'hui, les Français qui contractent un emprunt n'ont le choix qu'entre un crédit à taux fixe ou un crédit à taux variable. Dans le premier cas, si les taux baissent, les personnes endettées sont désavantagées par rapport à celles qui empruntent par la suite. Pour lutter contre cette « inégalité », les pouvoirs publics ont imposé aux banques d’accepter de renégocier les taux à la baisse, quitte à ce que cela déstabilise leur bilan. Si les taux remontent, les plus anciens emprunteurs bénéficient d'un effet d’aubaine. De façon à se prémunir contre ces deux sources de déstabilisation de leur bilan, les banques majorent toujours les taux fixes par rapport à ce qu’elles pourraient faire si on raisonnait en termes d’intérêts réels – c’est-à-dire, une fois déduit le taux d’inflation - plutôt qu'en termes d'intérêts nominaux (ou apparents). On s’apercevrait, par exemple, qu’aujourd’hui les taux réels supportés par les emprunteurs sont très élevés, compte tenu de la faiblesse de l’inflation et du gel des salaires, alors que les taux apparents semblent n’avoir jamais été aussi bas. Dans le second cas, l’emprunteur prend le risque de voir le taux de son crédit s’envoler sous la pression de la spéculation sur les marchés financiers. Dès lors comment faire pour sécuriser à la fois les prêteurs et les emprunteurs ?

    La solution la plus simple, défendue par un ancien dirigeant du Crédit Foncier Jean-Pierre Dufoix, est de recourir à une double indexation. Le montant total des intérêts à payer serait calculé en fonction du coût réel de la ressource pour le prêteur ; le montant de chacune des échéances serait, quant à lui, indexé sur le taux d'inflation - ou sur le taux d’évolution des salaires. Dans une telle hypothèse, l’ajustement se ferait sur la durée du crédit. Etant assuré de retrouver sa mise, avec une rémunération normale, le prêteur n'aurait pas intérêt à gonfler artificiellement sa marge ; étant assuré de pouvoir - toutes choses égales par ailleurs - supporter la charge mensuelle de son crédit, l’emprunteur n'aurait pas de raison, ni d’appréhender le futur, ni de faire pression pour rembourser par anticipation. Les particuliers y gagneraient en sécurité et les entreprises auraient plus de facilités pour se projeter dans l’avenir. 

     

    3. Redonner le pouvoir aux investisseurs 

    On a pris l'habitude de qualifier d’"investisseurs" ceux qui ne sont au mieux que des épargnants, sinon de vulgaires spéculateurs. Les épargnants ne placent plus leur argent dans des entreprises, mais les confient à des organismes de placement collectif dont la mission n’est pas de soutenir une activité économique quelconque mais de rendre les sommes placées avec une plus-value. La conséquence, lorsque ces sommes sont placées sous forme d’actions dans des sociétés, c’est que le droit de vote attaché à ces actions n’est pas exercé par les « investisseurs » unis par une véritable « affectio societatis », mais par des intermédiaires qui n’ont qu’un objectif financier à très court terme. Ces mercenaires n’ont donc aucun scrupule à voter en assemblée générale pour des mesures qui condamnent l'entreprise à moyen terme. Pourvu qu'elles permettent de dégager une plus-value mobilisable immédiatement ! Puis, ils se défont des actions auxquelles sont attachés ces droits de vote pour aller recommencer ailleurs l’opération. Il ne faut donc pas s’étonner de voir les entreprises nationales délocaliser leur production dans des paradis fiscaux ou administratifs ou se faire absorber par des groupes multinationaux près à surpayer l'acquisition pour faire disparaître un concurrent. 

    Comment faire en sorte que les décisions d’assemblée générale soient prises dans l’intérêt général de l’entreprise ? En limitant le droit de vote attaché aux actions aux seuls actionnaires détenant lesdites actions depuis au moins un an et s'étant engagés à les détenir au moins cinq ans – sauf, naturellement, cas de nécessité tel que décès, chômage, accident de la vie, etc. 

    Pour conclure, il faut être conscient du fait que si les deux premières mesures sont relativement faciles à mettre en œuvre au plan national, la troisième pourrait avoir dans un premier temps un effet déstabilisateur sur le fonctionnement des Bourses et sur les cours des grandes entreprises françaises. N’est-ce pas le prix à payer pour simplement commencer à remettre de l’ordre dans le fonctionnement de l’économie ?  

     

    Source Politique magazine, n°131 - Juillet-août 2014 

     

  • Les Corses ne veulent pas de leçons de morale antiraciste

     

    Par Alexandre Devecchio            

    « Les Corses ne veulent pas de leçons de morale antiraciste » : C'est ce qu'expose Paul-François Paoli dans cet entretien donné à Figarovox [25.08] après la rixe de Sisco en Corse. Entretien où il revient sur le climat très dégradé qui règne sur l'Île de Beauté entre Corses et Maghrébins. Nous trouvons son analyse intéressante et juste, sans que pour autant nous entrions par là dans quelque autre aspect que ce soit de la question corse.   LFAR

     

    3551699360.jpgCinq personnes ont été placées en garde à vue la semaine dernière à la suite de la rixe survenue à Sisco. Parmi les gardés à vue, « trois frères d'une même famille maghrébine et deux villageois de Sisco », a indiqué le procureur de Bastia. La garde à vue porte sur « des violences avec armes » pour les premiers, et « violences en réunion » pour les seconds. « A l'origine des incidents se trouvent les membres de la famille maghrébine qui ont souhaité privatiser la plage », a également déclaré le procureur de Bastia, selon France 3 Corse. Avant d'ajouter : « On a d'une part une logique d'appropriation de la plage qui relève du caïdat, et de l'autre une réaction inadaptée des villageois de Sisco ». Que cette décision vous inspire-t-elle ? Peut-renvoyer dos à dos des « voyous » apparemment munis d'armes et des villageois qui semblent en légitime défense ?

    Connaissant cette petite plage de Sisco dans le cap corse et qui est très exiguë, je me doutais un peu que c'était une affaire de territoire plutôt qu'un incident dû à une manière de s'habiller. Les jeunes corses ont sans doute eu l'impression d'être de trop. Ce que nous acceptons depuis très longtemps sur le continent, l'incivilité, l'arrogance ou la violence de certains jeunes maghrébins qui ne sont pas forcément religieux, les Corses ne sont pas près de l'accepter et ils ont raison. On ne peut évidemment pas mettre sur le même plan les agresseurs et les agressés, puisque en l'occurrence ce sont les jeunes Corses qui l'ont été.

    Les médias ont parlé d' « affrontement communautaire » entre Corses et Maghrébins. Où est passée la France ?

    J'étais en Corse durant le mois de juillet, notamment dans la banlieue de Bastia et j'ai ressenti la tension monter après la catastrophe de Nice. J'ai entendu des propos incendiaires venant de jeunes corses au sujet des « Arabes ». Nul n'ignore qu'entre Corses et Maghrébins, ce n'est pas le grand amour. Les communautés ont plutôt tendance à vivre séparées et l'idée diffusée par certains nationalistes selon laquelle la Corse serait une nation en train de se construire avec tous les habitants de l'île relève du mythe. La société corse est tolérante mais elle n'est guère assimilationniste. Pour qu'assimilation il y ait, il faut des mariages mixtes entre Magrébins et femmes corses et je n'en ai pas rencontré beaucoup en cinquante ans de fréquentation. Par ailleurs, depuis quelques années, la pression musulmane s'accentue. Il y a désormais beaucoup de femmes voilées dans la banlieue de Bastia. On ne peut pas dire que ce soit le signe d'une assimilation en cours.

    Dans votre livre, vous faites le parallèle entre certains jeunes corses et certains jeunes « franco-algériens » qui sont français juridiquement parlant, mais n'attribuent plus à la nationalité française de valeur affective. Pouvez-vous développer ?

    Dans mon dernier livre, j'ai mis l'accent en effet sur un phénomène de dissociation entre la nationalité administrative et le sentiment d'identité. Que moult jeunes maghrébins, notamment pourvus de la double nationalité, ne se sentent pas français est une réalité patente ; les drapeaux algériens brandis durant les manifestations sportives en témoignent. Pour ce qui est des Corses, c'est différent. Le nationalisme a en effet accentué la dissociation entre la nationalité française officielle des Corses et leur sentiment d'être exclusivement corses. Pour autant lors de l'affaire de Sisco on a pu constater que l'Etat de droit avait bien fonctionné. Si les Corses, même nationalistes, acceptent que la justice soit rendue dans cette affaire, c'est qu'ils acceptent la légitimité de l'Etat et c'est une très bonne chose.

    Peut-on les mettre sur le même plan ? Pour les jeunes corses, le sentiment d'appartenance est souvent réel. Pour les jeunes Franco-Algériens qui n'ont parfois jamais mis les pieds dans leur pays d'origine, cela ne traduit-il pas surtout un sentiment de défiance à l'égard de la France ?

    Cette affaire de Sisco est en effet assez emblématique des fractures ethniques qui travaillent la société française depuis longtemps. En Corse, ces fractures sont à vif parce que les Corses ont un lien quasi-organique avec leur terre et ils sont réactifs quand ils ont l'impression que des étrangers se comportent comme sur un territoire conquis. Le slogan « On est chez nous » scandé par les manifestants qui sont allés dans le quartier de Lupino pour en découdre avec les agresseurs marocains n'est nullement raciste en lui-même. Il signifie qu'en Corse, ce sont les Corses qui décident de ce qui se fait ou ne se fait pas. Dans les années 70 et 80, il y avait souvent des bagarres entre jeunes corses et jeunes allemands qui, l'été, défrayaient la chronique. Personne ne parlait de racisme. Simplement les jeunes locaux avaient l'impression que les Allemands, nombreux sur les plages à l'époque, se comportaient de manière arrogante. En Corse, le meilleur moyen d'être accepté est d'être discret et de se conformer aux us et coutumes locales. L'arrogance et l'exhibitionnisme, d'où qu'ils viennent, sont mal perçus.

    Beaucoup de jeunes musulmans se reconnaissent de plus en plus dans la Oumma … Bien au-delà du cas corse, l'affaire de Sisco est-elle le miroir des fractures françaises ? Peut-on aller jusqu'à parler de « balkanisation de la France » ? Que peut-on faire face à ces phénomènes de sécession culturelle et territoriale ?

    Il pourrait y a avoir un risque de balkanisation si l'Etat républicain qui est sensé détenir le « monopole de la violence légitime » pour reprendre la formule de Max Weber n'assume plus ses fonctions répressives. A quoi bon être strict sur cette question du burkini si des femmes en burka peuvent faire leurs courses sur les Champs Elysées alors que la loi l'interdit ? Le port de la burka est beaucoup plus agressif symboliquement que celui du burkini. Il signifie ni plus ni moins ceci : je vis chez vous, parmi vous, mais vous n'avez pas le droit de me regarder alors que j'ai moi-même ce droit. La vraie raison de la non-intervention de l'Etat hollandais est la peur. L'Etat hollandais a peur des troubles qui pourraient s'ensuivre si les fonctionnaires de police faisaient respecter la loi à Marseille, à Roubaix ou en Seine-Saint-Denis. En Corse, cette faiblesse de l'Etat est très mal perçue. Les Corses n'ont pas envie de recevoir des leçons de morale antiraciste et des cours de valeurs républicaines venant de gens qui ferment les yeux depuis si longtemps sur ce qui se passe dans ces quartiers où les salafistes sont comme des poissons dans l'eau. Et l'on comprend, du coup, pourquoi le récent communiqué du FLNC contre les islamistes n'a guère soulevé de protestation en Corse. Si L'Etat est défaillant dans la lutte contre l'islamisme, d'autres s'en chargeront. 

    Paul-François Paoli est chroniqueur littéraire au Figaro et essayiste. Il a publié dernièrement Quand la gauche agonise (éd. du Rocher, janvier 2016). 

    Alexandre Devecchio

    Alexandre Devecchio est journaliste au Figaro en charge du FigaroVox. Chaque semaine, il y observe le mouvement des idées. Passionné par le cinéma, la politique et les questions liées aux banlieues et à l'intégration, il a été chroniqueur au Bondy blog. Il est également co-fondateur du Comité Orwell. Retrouvez-le sur son compte twitter @AlexDevecchio            

  • Viktor Orbán demande au pape François de ne pas laisser périr la Hongrie, par Lionel Baland.

    Le pape François a rencontré Viktor Orbán, qui lui a demandé de « ne pas laisser périr la Hongrie chrétienne », alors que les deux hommes sont en désaccord, notamment sur la politique migratoire.

    8.jpgLe souverain pontife s’est rendu, ce dimanche 12 septembre 2021, en Hongrie afin de célébrer, sur la place des Héros à Budapest, qui arbore les statues des principaux personnages de l’Histoire du pays, une messe à l’occasion du 52e Congrès eucharistique international. Il a auparavant rencontré le Premier ministre démocrate-chrétien hongrois.

    Le choc idéologique s’est déroulé à huis clos, durant quarante minutes, au sein du Musée des beaux-arts de Budapest, situé en bordure de la place des Héros, en présence du président de la République hongroise János Áder et de deux des plus hauts responsables de la Curie romaine.

    À l’issue de l’entrevue, Viktor Orbán a publié sur Facebook une photo de la rencontre, en indiquant avoir demandé au pape de « ne pas laisser périr la Hongrie chrétienne ».

    Des chroniqueurs de presse estiment que l’entrevue constitue un affront diplomatique vis-à-vis d’un Premier ministre élu régulièrement, car le pape a refusé de lui accorder le statut de visite d’État, allant à l’encontre de l’avis des services diplomatiques du Vatican. Un commentateur magyar de télévision a même déclaré : « Il veut humilier la Hongrie ! »

    Le communiqué officiel émis par la papauté n’évoque pas les « sujets qui fâchent » et se contente de mentionner que, parmi les thèmes abordés par les interlocuteurs, figure la protection de l’environnement et de la famille.

    Alors que le chef de la chrétienté semblait détendu, le dirigeant du gouvernement hongrois l’était nettement moins, car ce dernier joue gros et doit préserver son électorat. En effet, l’opposition désire se présenter unie aux législatives de 2022. Les formations politiques de type libéral, socialiste, écologiste et ex-ultranationaliste se sont entendues afin de tenter de détrôner le gouvernement en place.

    La Hongrie et la Pologne sont sujettes aux attaques venues de Bruxelles, désirant les pénaliser financièrement pour leur politique migratoire et sur les questions LGBTQIA+, alors que l’Union européenne tente d’exercer un contrôle accru sur le système judiciaire polonais et le paysage médiatique magyar. Le ministre de la Justice hongrois, Mme Judit Varga (Fidesz), a déclaré, peu avant la venue papale, que son pays épuiserait tous les moyens légaux pour intervenir du côté de la Pologne dans son différend avec l’Union européenne.

    Recevant le Premier ministre patriote serbe Ana Brnabić (SNS), peu de temps avant la visite de François, Viktor Orbán a porté à la connaissance du public, à l’issue d’une réunion conjointe des gouvernements des deux pays à Budapest, que la Hongrie et la Serbie – non membre de l’Union européenne – défendront les frontières européennes face aux migrations, même si aucune reconnaissance de l’Union européenne n’est à attendre.

    Le pape polonais Jean-Paul II avait assisté au Congrès eucharistique international en 1985, à Nairobi, au Kenya.

    François s’est envolé en début d’après-midi pour la Slovaquie, où il sera en visite durant trois jours.

     

    Lionel Baland

    Écrivain et journaliste belge francophone

    Source : https://www.bvoltaire.fr/

  • Pape François, Twitter et... un retour en force du latin ?...

    pape francois twitter 2.jpgMaurras avait bien raison : "...seul l'extrarordinaire arrive, le reste se poursuit...".

    Le latin, que d'aucuns (les ignares) s'obstinent à appeler "langue morte" alors qu'elle est au contraire une "langue ancienne" fait un retour en force, et dans les domaines ultramodernes, s'il vous plaît !

    On doit cela au nouveau Pape François, qui donne au compte Twitter papal : @ Pontifex un développement inattendu, et au succès grandissant : en témoigne Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des Evêques de France, parlant des "tweets" du pape : 

    pape francois twitter.jpg 

    PS/NDLR : puisqu'on y est, redonnons l'excellent site d'actualité tout en latin http://ephemeris.alcuinus.net/

  • François et la théorie du genre : surprise, le pape est... catholique !

     

    Par Alexis Feertchak  4.10

    Le pape François a estimé que la théorie du genre était une « colonisation idéologique ». Gérard Leclerc expose comment la gauche s'est trompée en croyant que l'évêque de Rome obéissait aux canons du progressisme. [Figarovox - 4.10]

     

    XVM495e5cb0-8a51-11e6-8bce-57b23a9183a7-100x108.jpgLe pape François a vivement critiqué les manuels scolaires qu'il juge imprégnés par la théorie du genre. Il a employé des termes forts, notamment celui de « colonisation idéologique ». Cela vous étonne-t-il ?

    Ce n'est pas la première fois qu'il emploie le terme de colonisation. J'ai le sentiment que, comme Argentin, le pape a une sensibilité à vif sur ces phénomènes d'intoxication idéologique à grande échelle que le continent sud-américain a historiquement bien connus. On importe sur certains continents des idéologies venues d'ailleurs.

    Par ailleurs, on sait que le Vatican est un lieu de réception tout à fait exceptionnel de l'information à l'échelle planétaire car Rome est au centre de réseaux divers, diplomatiques mais pas seulement, qui couvrent le monde entier. Je ne pense pas que ce soit sans biscuit que le pape s'est embarqué ainsi. Il y a un tas d'informations qui lui remontent du monde entier sur cette idéologie du genre qui fait partout des ravages.

    À gauche, Najat Vallaud-Belkacem a rapidement réagi, expliquant que le pape avait été victime d'une campagne de désinformation. Cela vous paraît-il crédible ?

    Non, pas du tout. Il y a deux choses néanmoins. Il y a le fait que le pape se réfère à un témoignage personnel venu de France : un papa qui a été très étonné de la réaction de son fils quand celui-ci lui a dit qu'il voulait devenir une fille. D'après le père en question, cela venait de l'école. Mais au-delà de ce témoignage personnel, n'oublions pas que c'est en 2011 sous le ministère Chatel que les manuels scolaires de Sciences & Vie de la Terre ont introduit en classes de Première quelques éléments de la théorie du genre. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'enseignement direct. Souvent, les professeurs eux-mêmes transmettent ces idées-là à leurs élèves. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant car ce sont des idées qui courent le monde.

    Le ministre de l'Éducation nationale a ajouté que la théorie du genre n'existait pas. Ces idées qui courent le monde et que vous venez d'évoquer sont-elles assumées ouvertement ?

    Certains journaux de gauche sont quand même gonflés ! Ils nous ont vanté depuis le début de notre jeune siècle les mérites de Judith Butler, intellectuel génial et qui aurait renouvelé le champ de la philosophie et des sciences humaines. Ils nous l'ont vendue comme une révélation bouleversante qui dynamitait la culture ancienne. Pensons aux débats au moment du Mariage pour tous: Christiane Taubira parlait alors d'un véritable changement de civilisation. Alors, il faudrait savoir ! S'est-il vraiment produit une révolution dans le champ culturel et anthropologique ? Avec le Mariage pour tous, a-t-on vraiment assisté à une rupture de civilisation ? Il faudrait qu'ils se mettent d'accord avec eux-mêmes car aujourd'hui les mêmes journaux et les mêmes réseaux nous serinent qu'il n'y a pas de théorie du genre, mais qu'il n'y a en fait que des « études de genre » (gender studies) qui ne seraient structurées par aucune philosophie, mais qui reposeraient uniquement sur des méthodes d'observation. On serait dans le domaine de la pure scientificité. Évidemment, c'est se moquer du monde car il est bien certain que tout ce secteur des sciences humaines qui s'est développé d'une façon absolument démesurée est structuré par des courants philosophiques, ne serait-ce que par la fameuse French Theory qui eut des conséquences considérables dans le monde universitaire américain en important la pensée de philosophes français comme Louis Althusser, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault et bien d'autres.

    Que pensez-vous des personnes qui, à gauche, s'étonnent des propos du pape François ? Ces derniers expliquent en substance que les mots du pape sur la théorie du genre sont en inadéquation avec ses propos progressistes sur les questions économiques, sociales, écologiques et migratoires. Qu'en est-il ?

    Ces personnes ont fabriqué une image stéréotypée du pape François sur un modèle préfabriqué de type progressiste qui ne correspond pas du tout à la réalité. Ils ont retenu un certain nombre de choses : son discours écologique, ses sorties contre l'argent, sa défense des migrants, mais ça ne veut pas dire pour autant que le pape est un parfait progressiste selon leurs canons à eux. Ils choisissent dans les propos du pape ce qui les arrange. Car s'ils étaient un peu sérieux, ils s'apercevraient que ce pape aurait de quoi leur faire peur ! Par exemple, c'est le premier pape que je vois citer avec autant de force un auteur comme le terrible Léon Bloy. Dans sa première homélie de pape, François a cité l'écrivain en disant : « qui n'adore pas le Christ adore le diable ». D'ailleurs, parmi les papes modernes, François est sans doute celui qui ose le plus parler du satanique et du diabolique. C'est un jésuite formé aux disciplines de la spiritualité de saint Ignace. C'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux, qu'on ne prendra pas en défaut sur la doctrine catholique. On objectera tout ce qui a eu lieu et ce qu'il a dit à propos de la famille, notamment de l'ouverture de l'eucharistie aux personnes divorcées. Mais, à mon sens, on a surévalué cet aspect-là car le pape, même quand il veut opérer une ouverture sur ce côté, se montre très prudent avec des conditions qui font que l'exercice de cette ouverture eucharistique est quand même soumise à des canons en définitive très limités. À mon sens, il y a un mythe qui s'est constitué autour d'un François progressiste. On est très loin du personnage réel. 

    Gérard Leclerc est un journaliste, philosophe et essayiste. Il est éditorialiste à France catholique et à Radio Notre-Dame.

    Alexis Feertchak   

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  • Alain de Benoist : « Immigration, comment le pape François nous trompe… ».

    Le moins qu’on puisse dire est que Tutti fratelli, la dernière encyclique du , n’a pas fait l’unanimité dans le monde catholique. Surtout quand il affirme s’être senti encouragé par le grand imam Ahmed el Tayyeb, rencontré à Abou Dabi. Votre sentiment ?

    Venant après Lumen fidei et Laudato si’, la troisième encyclique du pape François se présente comme une interminable admonestation politique qui appelle à « penser à une autre humanité », où chacun aurait le droit de « se réaliser intégralement comme personne ». Cela impliquerait, notamment, le droit des immigrés à s’installer où ils veulent, quand ils veulent et en aussi grand nombre que cela leur convient. C’est ainsi qu’on jetterait les bases de la « fraternité universelle ». Le pape a apparemment oublié que l’histoire de la fraternité commence mal, en l’occurrence avec le meurtre d’Abel par son frère Caïn (Gn 4, 8).

    Cela dit, le pape François a des arguments théologiques à faire valoir. Dans le monothéisme, le Dieu unique est le « Père » de tous les hommes, puisque tous les hommes sont appelés à l’adorer. Tous les fils de ce Père peuvent donc être considérés comme des frères. C’est le fondement de l’universalisme chrétien : le peuple de Dieu ne connaît pas de frontières. Les différences d’appartenance, d’origine ou de sexe sont insignifiantes aux yeux de Dieu : « Il n’y a ni Juif ni grec, il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ » (Ga 3, 28). L’homme appartient à l’humanité de façon immédiate, et non plus, comme on le considérait dans l’Antiquité, de façon médiate, par l’intermédiaire d’un peuple ou d’une culture (pour le pape, le peuple est une « catégorie mythique »).

    Quand on déclare considérer quelqu’un « comme un frère », la référence est évidemment le frère réel, le frère de sang. Rien de tel chez François qui peut, ici, se réclamer de l’exemple de Jésus dans l’un des plus célèbres épisodes des Évangiles. La famille de Jésus se rend auprès de l’endroit où il prêche afin de se saisir de lui, considérant qu’il « a perdu le sens (elegon gar oti exestè) » : « Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : “Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent”. Il leur répond : “Qui est ma mère ? Et [qui] mes frères ?” Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère” » (Mc 3, 20-35). La supériorité de la fraternité spirituelle sur la fraternité biologique est très clairement affirmée. Destitution du charnel au profit du spirituel, de la nature au nom de la culture, du sang au profit de l’esprit.

    C’est dans cet esprit que le pape François ne veut, dans l’immigration, que considérer l’intérêt des migrants. Il l’avait déjà dit auparavant : pour lui, « la sécurité des migrants doit toujours passer systématiquement avant la sécurité nationale ». La sécurité des populations d’accueil passe après. François met, ici, ses pas dans l’Épître à Diognète, lettre d’un chrétien anonyme de la fin du IIe siècle : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes […] Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. »

    Mais quel sens exact faut-il donner au mot « fraternité » ?

    Dans la devise républicaine, la « fraternité » est une valeur morale, pas un principe politique. Si on veut l’utiliser comme principe politique, on va au-devant de tous les contresens. Il y a quelques mois, des juristes n’ont pas hésité à se référer au principe de « fraternité » pour légitimer l’action des passeurs qui font traverser nos frontières à des immigrés clandestins. C’est évidemment une perversion des textes.

    Le ressort de la fraternité, pour le pape François, réside dans l’agapè, qui est la forme chrétienne de l’amour. Sa traduction latine par caritas (« charité ») n’en exprime pas tout le sens. L’agapè est avant tout une disposition d’esprit qui doit entretenir l’ouverture à l’Autre quel que soit cet Autre. C’est un amour universel, sans destinataire singulier, un amour pour tout homme au seul motif qu’il est un homme, un amour inconditionnel aussi, qui n’attend rien en retour.

    En proclamant que « nous sommes tous frères », François se rallie à une conception totalement irréaliste des rapports sociaux. Il croit qu’il n’y aura plus de guerres quand tous les hommes regarderont « tout être humain comme un frère ou une sœur ». Il croit que la politique se ramène à la morale, qui se ramène elle-même à l’« amour ». Il confond la morale publique et la morale privée, qui ne se situent nullement sur le même plan : accorder mon hospitalité personnelle à un étranger est une chose, en faire venir des millions dans un pays au point d’en altérer l’identité en est une autre. En conclusion, il n’hésite pas à plaider pour une « organisation mondiale dotée d’autorité » qui supprimerait toutes les frontières et toutes les souverainetés nationales.

    Cette encyclique est aussi, pour le pape, une nouvelle occasion de critiquer notre système marchand, tout en appelant de ses vœux un « monde ouvert ». N’est-ce pas une contradiction majeure, quand ce n’est pas un appel à la déferlante migratoire ?

    C’est, bien sûr, une totale inconséquence, puisque le capitalisme libéral, que le pape François stigmatise par ailleurs – et à juste titre –, ne cesse de réclamer la libre circulation des hommes et des marchandises (« laissez faire, laissez passer »). En bonne logique libérale, rien n’est plus « ouvert » qu’un marché ! Affirmer que les migrants ont droit de s’installer où bon leur semble – Benoît XVI proclamait déjà le « droit humain fondamental de chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun » –, c’est très exactement reprendre un mot d’ordre libéral.

    Le pape se contredit encore quand il appelle à abattre les murs, en oubliant que leur fonction première n’est pas d’exclure mais de protéger. En prenant position pour une solidarité sans frontières qui existerait à l’état potentiel chez tous les hommes au seul motif qu’ils sont humains, il montre qu’il ne comprend pas qu’il n’y a de fraternité possible, au sens de la philia aristotélicienne (l’amitié politique et sociale), qu’à la condition qu’elle soit circonscrite dans des limites bien définies. De même le « bien commun universel » n’est-il qu’une illusion : il n’y a pas de bien commun pensable que limité à ceux qui partagent concrètement ce commun, à savoir les communautés politiquement et culturellement présentes à elles-mêmes.

    Le pape présente l’humanité unifiée comme un but à atteindre (« rêvons en tant qu’une seule et même humanité »), la cité cosmopolitique comme une rédemption, comme si la division du monde en nations, en cultures et en peuples était un accident historique qu’il serait possible d’effacer. Sa « fraternité universelle » n’est, en fait, qu’un vœu pieux dénué de sens, sous-tendu par l’obsession de l’unique, de la fusion, de la disparition de tout ce qui sépare et donc distingue. Compte tenu de ce que sont les hommes réels, autant prôner la « fraternité » de la gazelle et du lion ! Jean-Baptiste Carrier, en 1793, disait massacrer les Vendéens « par principe d’humanité ». Carl Schmitt, citant Proudhon, ajoutait : « Qui dit humanité, veut tromper. » François trompe énormément.

     

    Alain de Benoist

    Intellectuel, philosophe et politologue
     
  • Mélenchon, pape François : même combat !, par Philippe Kerlouan.

    Jean-Luc Mélenchon salue la dernière encyclique du pape François : deviendrait-il papolâtre ?

    Miracle ! , le patron de La France insoumise, cet ancien trotskiste, cet admirateur de Karl Marx pour qui la religion est « l’opium du peuple », vient de retrouver la foi de son enfance. Dans une tribune publiée sur le site du magazine La Vie, il déclare avoir beaucoup apprécié la dernière encyclique du pape François, Fratelli tutti. Il boit les paroles du souverain pontife, qui s’attaque au néolibéralisme et au repli sur soi, appelant les Français à entendre cette « condamnation morale » et à devenir un « peuple ouvert ». Que penser de cette convergence ?

    10.jpegCette encyclique a une visée très politique : son titre, Fratelli tutti, reprend le mot de saint François d’Assise, s’adressant à tous ses frères et sœurs, pour leur proposer un mode de vie conforme à l’Évangile ; son sous-titre, « Sur la fraternité et l’amitié sociale », en définit l’objectif. Si on la lit intégralement, on constate qu’elle évoque des sujets susceptibles de plaire à Jean-Luc Mélenchon. Le pape attire, en effet, l’attention « sur certaines tendances du monde actuel qui entravent la promotion de la fraternité universelle ». Avec Ahmad el-Tayeb, grand imam de la mosquée Al-Azhar, qu’il a rencontré à plusieurs reprises, il a signé, en 2019, un Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune, dont s’inspire l’encyclique.

    « J’ai essayé de le faire de telle sorte que la réflexion s’ouvre au dialogue avec toutes les personnes de bonne volonté », écrit le pape, considérant apparemment cet imam, réputé modéré, comme une personne de bonne volonté. Une gauche imprégnée de marxisme peut être séduite par sa critique de la « spéculation financière » et de « l’exploitation » et se délecter de réflexions sur la richesse des cultures différentes et sur la nécessité de bien accueillir les migrants.

    Le pape François regrette que « de nos jours, [les migrations] doivent compter avec la perte du “sens de la responsabilité fraternelle”, sur lequel est basée toute société civile ». Jean-Luc Mélenchon bée d’admiration ! Il déguste les dénonciations papales du « populisme » et d’une « mentalité xénophobe de fermeture et de repli sur soi ». L’opinion selon laquelle « un chemin de fraternité, local et universel, ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres » n’est pas dénuée d’utopisme ou de candeur. Ce chemin, le pape veut l’emprunter avec les représentants des religions et cultures différentes, dont l’imam Ahmad el-Tayeb : Mélenchon serait bien du voyage !

    Il n’est pas sûr que ses accointances avec le pape François soient dénuées d’arrière-pensées. Quelles que soient les convictions profondes de son leader, son parti comprend des personnes qui ne sont pas des modèles de tolérance. Son indulgence pour l’islamisme serait-elle motivée par des considérations électorales ? Son éloge de l’encyclique aurait-il pour intention secrète de rallier une partie des catholiques en vue de l’élection présidentielle ? Quant au pape, il confirme que, quand il se mêle de politique, il n’est pas à l’abri des préjugés qui prospèrent dans les milieux de gauche et risque de se faire accuser d’être un partisan de la théologie de la révolution.

    Ceux qui ne partagent pas leur point de vue pourront toujours se dire que Jean-Luc Mélenchon n’est ni un apôtre ni un évangéliste, mais un tribun habile, et que François, comme il aime à se faire appeler, peut se tromper en politique et n’est infaillible, selon l’Église, que lorsqu’il s’exprime ex cathedra en matière de foi ou de morale. Mélenchon l’approuverait-il quand il condamne l’avortement et déclare que l’objection de conscience est un droit ?

     

    Philippe Kerlouan

    Écrivain
     
     
  • Le Pape François et El-Azhar, par Annie Laurent

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    Voici la Petite Feuille Verte n°87. Après l’examen des relations entre le Saint-Siège et l’Université-Mosquée d’El-Azhar sous les pontificats de Paul VI à Benoît XVI (PFV n° 86), celle-ci présente les changements intervenus dans ces rapports depuis l’élection du pape François en 2013. Il y est notamment question de la Déclaration intitulée "La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune", que les deux responsables religieux ont signée conjointement à Abou Dhabi le 4 février 2019.

    Outre les circonstances de l’événement, Annie Laurent analyse le contenu du texte et ce qu’il faut en attendre dans le domaine du dialogue islamo-chrétien...

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    Rompu à l’initiative d’El-Azhar en janvier 2011 (cf. PFV n° 86), le dialogue entre le Saint-Siège et l’institution sunnite a repris sous le pontificat de François (élu en 2013).

    Après en avoir rappelé les étapes marquantes, nous en tirerons quelques conclusions.

     

     

    LE GRAND IMAM À ROME

     

    La Basilique Saint-Pierre, Vatican, Rome

    Le 23 mai 2016, le cheikh Ahmed El-Tayyeb, grand imam d’El-Azhar, s’est rendu à Rome pour sa première rencontre avec le pape François. Au programme de leur échange figuraient « l’engagement commun des autorités et des fidèles des grandes religions pour la paix dans le monde, le refus de la violence et du terrorisme, la situation des chrétiens dans le contexte des conflits et des tensions au Moyen-Orient, ainsi que leur protection » (L’Osservatore Romano, 23 mai 2016).

    A l’issue de l’entretien, El-Tayyeb a déclaré à la presse : « Aujourd’hui, nous effectuons cette visite pour poursuivre notre mission sacrée qui est la mission des religions : rendre l’être humain heureux où qu’il soit […]. Je crois que le moment est venu pour les représentants des religions monothéistes de participer de manière forte et concrète à donner à l’humanité une nouvelle orientation vers la miséricorde et la paix, afin d’éviter la grande crise dont nous souffrons à présent » (Proche-Orient chrétien, n° 66-2016, p. 388-389). Le Souverain Pontife semble avoir été impressionné par son visiteur. Quelques jours après, il confiait à un jésuite oriental au cours d’un entretien privé : « J’ai longuement discuté avec El-Tayyeb. Les musulmans veulent la paix ».

    Cette rencontre avait été longuement préparée par le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux (CPDI), alors dirigé par le cardinal Jean-Louis Tauran (+ 2018) dont la position peut se résumer ainsi : « Toutes les religions ne se valent pas, mais tous les chercheurs de Dieu ont la même dignité » (cité par Jean-Baptiste Noé, François le diplomate, Salvator, 2019, p. 99).

     

    LE PAPE EN ÉGYPTE

    Les 28 et 29 avril 2017, François a effectué un voyage officiel au Caire. Sa visite s’est déroulée dans un contexte tendu en raison de la multiplication d’attentats contre les coptes et de l’influence croissante des idéologies islamistes dans la société. Il a prononcé un discours à El-Azhar où se tenaitune Conférence internationale pour la paix organisée par cette institution, avec la participation de dignitaires musulmans et chrétiens. Les mots islam, islamisme et djihadisme ne figuraient pas dans son texte dont l’essentiel portait sur le rappel du passé biblique du pays du Nil et sur l’éducation des jeunes générations (J.-B. Noé, op. cit., p. 118-123). Le pape a aussi déclaré : « Nous sommes tenus de dénoncer les violations de la dignité humaine et des droits humains, de porter à la lumière les tentatives de justifier toute forme de haine au nom de la religion, et de les condamner comme falsification idolâtre de Dieu : son nom est Saint, il est Dieu de paix, Dieu salam » (Proche-Orient chrétien, n° 67-2017, p. 359-401).

    Le Pape et El Tayyeb

    Dans une tribune publiée quelques jours avant, Mgr Michel Chafik, recteur de la Mission copte catholique de Paris, avait présenté l’enjeu de cette visite pontificale. Évoquant la position « ambiguë » d’El-Tayyeb, il y écrivait : « S’il témoigne, dans ses propos, d’un islam éclairé, ses décisions contredisent trop souvent ses prises de position. Il parle de paix et de liberté religieuse mais sanctionne durement l’apostasie et diffère toujours la réforme religieuse en faveur de laquelle il s’est pourtant engagé. L’ambivalence de son discours explique qu’il soit contesté, tant à l’intérieur par les islamistes radicaux qu’à l’extérieur par les tenants d’un islam modéré » (Le Figaro, 24 avril 2017).

     

    L’ÉVÉNEMENT D’ABOU-DHABI

    Le voyage que le pape François a effectué à Abou-Dhabi, capitale des Émirats Arabes Unis (EAU), du 3 au 5 février 2019, restera comme un événement marquant de son pontificat. La Constitution de cette fédération concède aux nombreux émigrés non-musulmans la liberté de culte (les chrétiens y disposent d’une quarantaine d’églises) en leur imposant cependant une totale discrétion. Les EAU sont aussi engagés activement contre l’islamisme. Abou-Dhabi abrite en outre le siège du Conseil des Sages musulmans, un cénacle de religieux et d’experts fondé en mars 2014 et présidé par Ahmed El-Tayyeb.

    Le Souverain Pontife y était invité par ce dernier dans le cadre d’une Conférence mondiale sur la fraternité humaine. Quelque 600 personnalités religieuses de différentes confessions, venues de divers horizons, y étaient également présentes.

    L’objectif principal de ce déplacement était la signature conjointe par le pape et le grand imam d’une déclaration intitulée La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence communeD’après les confidences de François aux journalistes, sa rédaction aurait été finalisée lors d’un entretien privé avec El-Tayyeb au Vatican le 16 octobre 2018. Le Père Yoannis Lahzi Gaïd, prêtre copte-catholique et secrétaire du pape (cf. PFV n° 86), associé à ce travail, avait alors assuré qu’il existe « une amitié profonde » entre les deux hommes (Agence I.Media, 16 octobre 2018).

    Présenté comme une étape majeure sur la voie de l’entente entre chrétiens et musulmans, ce texte soulève plusieurs remarques, à commencer par la forme. El-Azhar et l’Église catholique s’y présentent comme engageant respectivement « les musulmans d’Orient et d’Occident » et « les catholiques d’Orient et d’Occident ». Or, si le successeur de Pierre dispose de l’autorité et de la légitimité nécessaires pour parler au nom de toute l’Église, ce n’est pas le cas du grand imam d’El-Azhar, car l’islam sunnite ne confère à personne une telle prérogative magistérielle (cf. PFV n° 80). L’influence de cette institution au-delà des frontières de l’Égypte n’y change rien, même si à Abou-Dhabi le cérémonial autour de la rencontre avec le pape voulait promouvoir El-Tayyeb comme « le » représentant de l’islam. Cette limite a été soulignée par le Père Jean Druel, directeur de l’Institut dominicain d’études orientales, situé au Caire. « Cette déclaration commune ne manifeste donc que les opinions d’Ahmed El-Tayyeb. […] Si demain son successeur a un avis différent, il n’est pas tenu de reprendre à son compte les déclarations de ses prédécesseurs. Et à l’extérieur, les fidèles musulmans ne sont évidemment pas soumis à son autorité » (La Croix, 6 février 2019).

    Sur le fond, les deux cosignataires énumèrent les nombreux maux dont souffre l’humanité actuelle, en particulier la « conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes transcendants ». Pour y remédier, ils préconisent d’importantes dispositions, telles que la promotion de la pleine citoyenneté et de la famille, la reconnaissance du droit et de la dignité des femmes, la préservation de la vie, l’éducation saine, l’adhésion aux valeurs morales ainsi que la justice pour tous, la protection des lieux de culte, et même la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action (mais la liberté de conscience en est absente), etc.

    Ils condamnent aussi la justification de toutes les formes de violence au nom de Dieu. « Nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémismeni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion ». Et ils promettent d’œuvrer en vue de « répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix ».

    Ces paroles ne sont cependant pas dénuées d’ambiguïté. En effet, si les chrétiens et les musulmans utilisent le même vocabulaire, le contenu des mots tels que paix, justice, famille, morale, tolérance, n’est pas identique dans les deux religions. Sur tous ces aspects, on voit mal comment le fait de considérer « les religions » comme indistinctement porteuses de toutes les vertus ou comment l’attestation de « notre foi commune en Dieu »peuvent apporter de la clarté dans le dialogue (cf. A. Laurent, « François prêche la fraternité », La Nef, n° 312, mars 2019). En outre, le document comporte des engagements contraires aux exigences du Coran, ce qui peut les rendre inapplicables par de nombreux musulmans, comme l’ont fait valoir plusieurs experts catholiques (cf. Père François Jourdan, L’Église dans le monde, n° 193, avril-mai 2019, p. 8 et 9 ; Sami Aldeeb, Site Savoir ou se faire avoir, 11 février 2019).

    Parmi eux, certains ont été troublés par l’affirmation selon laquelle « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains ». Appliqué aux religions, cela « est contraire à la foi catholique », a indiqué le Père dominicain Wojciech Giertych, théologien de la Maison pontificale, niant que le texte lui aurait été soumis pour relecture (National Catholic Register, 6 février 2019).

    Lors d’une rencontre avec François à Rome, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Khazastan), l’a questionné sur ce sujet, puis il a livré l’explication du pape sur le site LifeSiteNews : « La diversité des religions est la volonté permissive de Dieu », à distinguer d’une « volonté positive » (7 mars 2019). Pendant l’audience générale du 3 avril 2019, accédant à la demande de Mgr Schneider, François a clarifié le sens de cette phrase. « Pourquoi Dieu permet-il qu’il y ait tant de religions ? Dieu a voulu permettre cela : les théologiens de la Scholastique faisaient référence à la voluntas permissiva de DieuIl a voulu permettre cette réalité : il y a beaucoup de religions ; certaines naissent de la culture, mais elles regardent toujours le ciel, elles regardent Dieu ». Par l’affirmation « certaines naissent de la culture », le pape « affirmait discrètement que la religion musulmane n’est pas une religion révélée », souligne Yves Chiron (Françoisphobie, éd. du Cerf, 2020, p. 317-318).

     

    QUEL AVENIR POUR LA DÉCLARATION D’ABOU-DHABI ?

    S’exprimant au nom de l’Église catholique et d’El-Azhar, les deux signataires de la Déclaration sur la fraternité humaine se sont engagés à promouvoir les principes énoncés « à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication ». Ils ont aussi demandé que le document « devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, les universités et les instituts de formation ». C’est dans ce but qu’en septembre 2019 a été créé un Haut Comité, co-présidé par le cardinal Miguel Ayuso Guixot, successeur du cardinal Tauran à la tête du CPDI, et par Mohamed Mahmoud Abdel Salam, juge du Conseil d’État égyptien et conseiller d’El-Tayyeb.

    Deux mois après, le grand imam s’est rendu au Vatican pour présenter au Souverain Pontife le projet d’un gigantesque complexe interreligieux. Construit sur l’île de Saadiyat, à Abou Dhabi, ce complexe, unique dans la péninsule Arabique, baptisé « Maison de la Famille d’Abraham », réunira une église, une mosquée et une synagogue. Il devrait être inauguré en 2022 et sera géré par un conseil permanent « de la fraternité humaine » (Aleteia, 16 novembre 2019 ; La Croix, 4 février 2021). Pour commémorer l’événement d’Abou Dhabi, le 4 février de chaque année, le pape et le grand imam échangent leurs vœux par vidéo ou téléphone. Par ailleurs, dans son encyclique Fratelli tutti (3 octobre 2020), François fait plusieurs fois mention de son entente avec El-Tayyeb.

    La déclaration D’Abou-Dhabi

    Les chrétiens d’Orient ont en général approuvé la Déclaration. Les évêques grecs-catholiques, réunis en assemblée synodale sous la présidence de leur patriarche, Youssef Absi, ont annoncé que le document « deviendra objet d’étude dans les écoles et les instituts théologiques du Patriarcat » et sera diffusé dans les paroisses. Au Liban, le patriarche de l’Église maronite, le cardinal Béchara Boutros Raï, a considéré qu’elle doit devenir une « 

  • Deux ou trois choses sur « La cause du peuple », de Patrick Buisson

     

    Mur-bleu gds.jpgHilaire de Crémiers et Jean-François Kahn ont été d'accord tous les deux pour louer l'ouvrage que nous vous avions déjà présenté ici-même, et au sujet duquel nous avons donné, le dimanche 18 décembre, une assez courte vidéo de 22', où Patrick Buisson s'exprime pour Boulevard Voltaire.

    C'est « un chef d’œuvre », écrit Jean-François Kahn ; et Hilaire de Crémiers affirme - avec raison - que « le commentaire s’élève jusqu’à la philosophie politique à laquelle sont malheureusement étrangers tous les protagonistes de ce mauvais drame. C’est une leçon. Au-delà de Bernanos et de Péguy, il y a du Maurras et du Bainville dans ce livre magistral. »

    C'est que ce livre ne se contente pas d'être une chronique historique, celle du quinquennat d'un président « ondoyant, fluctuant, versatile là où il eût fallu rigueur, constance et cohérence ». A ce sujet, on ne soulignera jamais assez l'importance (pour le pire) qu'a eue l'arrivée de Carla Bruni, bobo de gauche s'il en est, et incarnation de cette mouvance jusqu'à la caricature, dans les « cercles » de l'ex président : nous l'avons écrit, et c'est sans doute là que réside l'une des explications (bien sûr, pas la seule, ni même la principale) des changements entre le Sarkozy « d’avant » et celui « d’après » Carla Bruni...

    Chronique historique, ce livre est aussi un programme politique. C'est dans le « non » au référendum de 2005 - « non » à la Constitution européenne - que Patrick Buisson voit, et date, le réveil des classes populaires, oubliées et tenues pour rien par ce que l'on appelle - on se demande bien pourquoi - « les élites ». Avec Richelieu, Vergennes, Talleyrand... on pouvait parler d'élites. Pense-t-on, sans rire, que les actuels ministres des différents quinquennats puissent leur être comparés ? Si seul surnage un Hubert Védrine - pour ce qui est des Affaires étrangères - c'est bien parler par antiphrase que d'employer le terme « élite » pour les ministres qui conduisent, si mal, les affaires de la France. Finkielkraut a d'ailleurs relevé, avec raison, l'inculture ambiante et dominante... 

    Ce souci qu'ont les classes populaires de leur destin, cette certitude de le voir bafoué par les dirigeants, ce sursaut et cet intérêt pour la mémoire collective, ressentie par elles comme vitale et garante de la cohésion nationale : voilà ce qu'a saisi Patrick Buisson dès les premières années du XXIème siècle ; et ce qu'il aura tenté de faire partager à Nicolas Sarkozy. Parler de Jeanne d'Arc, poser au Mont Saint Michel, évoquer ce temps où « la France se couvre d'un blanc manteau d’églises » ... c'est aussi cela qui explique la vraie victoire de 2007, et le siphonage des voix du Front national. Comment, alors, en est-on arrivé à l'échec de 2012 ? C'est que le quinquennat a contredit bon nombre de ces promesses, et c'est là que l'on retrouve, sans aucun doute - même si c'est sans l'exagérer - l'action contraire à toutes ces idées de Carla Bruni, de son monde, de son milieu, de son influence. 

    Un exemple, cité par Patrick Buisson : la Manif pour tous, où il voit le clivage entre «la France qui défile » et « la France qui se défile », Nicolas Sarkozy et ses proches ne prenant aucune part à ce mouvement qui avait tout d'une lame de fond ; et qui, à ce titre, symbolisa parfaitement le divorce total entre les électeurs « de droite » (même si le mouvement ne pouvait être intégralement circonscrit à un parti, ni à une tendance...) et ceux qui, censément, les représentaient.

    « La droite qui défila s'insurgeait contre la tyrannie de ce nouveau Mammon libéral-libertaire... La droite qui se défila s'enfonçait, quant à elle, dans le relativisme moral, ne voyant aucun inconvénient à sous-traiter à la gauche le volet sociétal du libéralisme » : tout est dit...

    Curieusement, François Fillon - qui, lui non plus n'avait pas défilé, et s'était défilé, lors de LMPT - raflera, trois ans plus tard, les voix de cette France méprisée, lors de la récente primaire de la droite et du centre...

    « Et nunc, reges, intelligite, erudimini... » : et maintenant, rois, comprenez, instruisez-vous... 

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    A lire ou relire, voir ou revoir dans Lafautearousseau ...

    Patrick Buisson : « La percée idéologique à laquelle nous assistons aura un jour une traduction politique. »