Etre ou ne plus être français, par Louis-Joseph Delanglade
Au début, rien que de très banal. Un artiste de renom, riche et désireux d’être moins imposé, s’installe à l’étranger - à l’instar de tant d’autres dans le sport, le spectacle ou les affaires. S’il le fait, c’est qu’il peut le faire. Dès lors, à quoi bon le traiter de « minable » ou, à l’inverse, le porter au pinacle ? C’est tout simplement un problème juridique. Certes, un Français doit, malgré qu’il en ait, s’acquitter de ce qu’il doit au fisc, mais il a la possibilité d’échapper à cette obligation - la preuve : tous ces joueurs de tennis ou ces chanteurs qui « résident » en Suisse. Et c’est là que le bât blesse. Cet « exil fiscal » dont on nous rebat les oreilles est bien une affaire de privilégiés : sans être un maniaque de l’égalité, on ne peut que souhaiter que des mesures soient prises pour que cela cesse.
Et puis, médias aidant, tout dérape et vire à la farce. De représentant emblématique, voici notre Depardieu national devenu l’anti-héros de mauvais scénarios : après Depardieu-Obélix chez les Belges, c’est Depardieu-Raspoutine chez les Russes. Et il donne des idées à d’autres. C’est ainsi que Mme Brigitte Bardot menace de quitter la France si on euthanasie deux éléphants soupçonnés de tuberculose… Etre ou ne plus être française pour deux éléphants : carrément grotesque ! Mais révélateur aussi, car ces manifestations de grogne, allant jusqu’à la remise en cause de l’appartenance nationale, constituent un symptôme (parmi tant d’autres) du délitement de la France.
En vérité, des esprits chagrins (qui, reconnaissons-le, ont souvent raison) disent que c’était à prévoir. Nous vivons en effet dans un pays menacé de subversion démographique par deux facteurs : d’abord, un « droit du sol » dangereux si ce n’est suicidaire, dès lors qu’il ne s’applique plus à des individus mais à des communautés prolifiques ; ensuite, une conception idéologique de la réalité nationale selon laquelle être français, c’est reconnaître et faire siennes les « valeurs » dites « républicaines ». Du coup, n’importe qui né en France est français et n’importe qui sur terre a vocation et possibilité de devenir français. La porte est donc ouverte : comment s’étonner, dès lors, qu’au gré de ses intérêts ou de son caprice, quelqu’un(e) décide d’entreprendre la démarche inverse, c’est-à-dire de sortir ?
En somme, si les choses devaient perdurer, on changerait de nationalité comme d’opérateur téléphonique ! Ô tempora…
Mais on ne sort que pour aller ailleurs. Car le fait national – dont la « nationalité » au sens administratif du terme n’est qu’un aspect – continue de structurer l’ensemble de la planète. Et si nous avons du mal à imaginer que M. Depardieu ou Mme Bardot puissent jamais être véritablement russes, c’est bien parce qu’« être » russe renvoie à une spécificité dont il leur est difficile de se prévaloir : qu’ils le veuillent ou pas, ils « sont » français – et le resteront - par tout ce qui les rattache à une terre, à une langue et à une histoire communes à tous les Français.