Vous avez bien voulu, Monsieur le Maire, me demander d'assurer ce que le plus grand poète de cette ville, qui fut aussi l'un des plus grands poètes du monde, appelait un triste et fier honneur, celui de reprendre ce que j'ai dit, il y a quelques années, à Orléans, de Jeanne d'Arc victorieuse et de rendre hommage en ce lieu, illustre par le malheur, à Jeanne d'Arc vaincue, à la seule figure de notre histoire sur laquelle se soit faite l'unanimité du respect.
La résurrection de sa légende est antérieure à celle de sa personne, mais, aventure unique ! la tardive découverte de sa personne n’affaiblit pas sa légende, elle lui donne son suprême éclat. Pour la France et pour le monde, la petite sœur de saint Georges devint Jeanne vivante par les textes du procès de condamnation et du procès de réhabilitation : par les réponses qu’elle fit ici, par le rougeoiement sanglant du bûcher.
Nous savons aujourd’hui qu’à Chinon, à Orléans, à Reims, à la guerre et même ici, sauf peut-être pendant une seule et atroce journée, elle est une âme invulnérable. Ce qui vient d’abord de ce qu’elle ne se tient que pour la mandataire de ses voix :« Sans la grâce de Dieu je ne saurai que faire. » On connaît la sublime cantilène de ses témoignages de Rouen : « La première fois, j’eus grand-peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… Après l’avoir entendue trois fois, je compris que c’était la voix d’un ange... Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la guerre… Mais la voix disait : « Va, fille de Dieu… »
Vision de Jeanne, par E. Thirion
Certes Jeanne est fémininement humaine. Elle n’en montre pas moins, quand il le faut, une incomparable autorité. Les capitaines sont exaspérés par cette « péronnelle qui veut leur enseigner la guerre ». (La guerre ? les batailles qu’ils perdaient, et qu’elle gagne...) Qu’ils l’aiment, qu’ils la haïssent, ils retrouvent dans son langage le « Dieu le veut » des Croisades. Cette fille de dix-sept ans, comment la comprendrions-nous si nous n’entendions pas, sous sa merveilleuse simplicité, l’accent incorruptible avec lequel les prophètes tendaient vers les rois d’Orient leurs mains menaçantes, et leurs mains consolantes vers la grande pitié du royaume d’Israël ?
Avant le temps des combats, on lui demande « Si Dieu veut le départ des Anglais, qu’a-t-il besoin de vos soldats ? » _ Les gens de guerre combattront, et Dieu donnera la victoire. » Ni saint Bernard ni saint Louis n’eussent mieux répondu.
Mais ils portaient en eux la chrétienté, non la France.
Et à quelques pas d’ici, seule devant les deux questions meurtrières : « Jeanne êtes-vous en état de grâce ? » _Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir ! » ; et surtout la réponse illustre : « Jeanne, lorsque saint Michel vous apparut, était-il nu ? » _Croyez-vous Dieu si pauvre, qu’il ne puisse vêtir ses anges ? »
Lorsqu’on l’interroge sur sa soumission à l’Eglise militante, elle répond, troublée mais non hésitante : « Oui, mais Dieu premier servi !». Nulle phrase ne la peint davantage. En face du dauphin, des prélats ou des hommes d’armes, elle combat pour l’essentiel : depuis que le monde est monde, tel est le génie de l’action. Et sans doute lui doit-elle ses succès militaires. Dunois dit qu’elle disposait à merveille les troupes et surtout l’artillerie, ce qui semble surprenant. Mais les Anglais devaient moins leurs victoires à leur tactique qu’à l’absence de toute tactique française, à la seule comédie héritée de Crécy à laquelle Jeanne mit fin. Les batailles de ce temps étaient très lourdes pour les vaincus ; nous oublions trop que l’écrasement de l’armée anglaise à Patay fut de la même nature que celui de l’armée française à Azincourt. Et le témoignage du duc d’Alençon interdit que l’on retire à Jeanne d’Arc la victoire de Patay puisque, sans elle, l’armée française se fût divisée avant le combat, et puisqu’elle seule la rassembla...
![A3 PLAQUE COMMEMORATIVE D EPATAY.jpg](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/01/01/417861014.jpg)
C’était en 1429 -le 18 juin.
Dans ce monde où Isabeau de Bavière avait signé à Troyes la mort de la France en notant seulement sur son journal l’achat d’une nouvelle volière, dans ce monde où le dauphin doutait d’être dauphin, la France d’être la France, l’armée d’être une armée, elle refit l’armée, le roi, la France.
Il y avait plus rien : soudain il y eut l’espoir –et par elle, les premières victoires qui rétablirent l’armée.
Puis -par elle contre presque tous les chefs militaires-, le sacre qui rétablit le roi. Parce que le sacre était pour elle la résurrection de la France, et qu’elle portait la France en elle de la même façon qu’elle portait sa foi.
Jeanne au Sacre de Charles VII, par Jean-Dominique Ingres.
La grande idée de Jeanne, c'est le sacre de Reims:
"Du point de vue le plus terrestre, du point de vue politique, ce qu'il y a d'incomparable chez Jeanne d'Arc, c'est la justesse du coup d'œil, le bon sens, la rectitude du jugement. Pour sauver la France créée par ses rois, confondue avec eux, il fallait relever la royauté. Pour relever la royauté, il fallait rendre confiance et prestige à l'héritier qui finissait par perdre espoir, et peut-être doutait de sa naissance même. C'est pourquoi la première rencontre de Jeanne et de Charles VII est si émouvante. Le geste de Jeanne, reconnaissant le dauphin qui la met à l'épreuve, et tombant à ses genoux, est décisif. Le principe sauveur, la monarchie, est désigné. À l'homme, au roi légitime, la confiance en lui-même est rendue..." (Jacques Bainville)
Après le sacre, elle est écartée, et commande la série des vains combats qui la mèneraient à Compiègne pour rien, si ce n’était pour devenir la première martyre de la France.
La chevauchée héroïque
Nous connaissons tous son supplice. Mais les mêmes textes qui peu à peu dégagent de la légende son image véritable, son rêve, ses pleurs, l’efficace et affectueuse autorité qu’elle partage avec les fondatrices d’ordres religieux, ces mêmes textes dégagent aussi, de son supplice, deux des moments les plus pathétiques de l’histoire universelle de la douleur.
Le premier est la signature de l’acte d’abjuration -qui reste d’ailleurs mystérieux. La comparaison du court texte français avec le très long texte latin qu’on lui faisait signer proclamait l’imposture. Elle signe d’une sorte de rond, bien qu’elle ait appris à signer Jeanne. « Signez d’une croix ! » lui ordonne-t-on. Or, il avait naguère été convenu entre elle et les capitaines du Dauphin, que tous les textes de mensonge, tous les textes imposés, auxquels leurs destinataires ne devaient pas ajouter foi, seraient marqués d’une croix. Alors, devant cet ordre qui semblait dicté par Dieu pour sauver sa mémoire, elle traça la croix de jadis, en éclatant d’un rire insensé...
Jeanne conduite devant ses juges (Vigiles de Charles VII)
Le second moment est sans doute celui de sa plus affreuse épreuve. Si, tout au long du procès, elle s’en remit à Dieu, elle semble avoir eu, à maintes reprises, la certitude qu’elle serait délivrée. Et peut-être, à la dernière minute, quand sonnaient des cloches comme celles qui sonnent maintenant, espéra-t-elle qu’elle le serait sur le bûcher. Car la victoire du feu pouvait être la preuve que ses voix l’avaient trompée. Elle attendait, un crucifix fait de deux bouts de bois par un soldat anglais posé sur sa poitrine, le crucifix de l’église voisine élevé en face de son visage au-dessus des premières fumées. (Car nul n’avait osé refuser la croix à cette hérétique et à cette relapse...) Et la première flamme vint, et avec elle le cri atroce qui allait faire écho, dans tous les peuples chrétiens, au cri de la Vierge lorsqu’elle vit monter la croix du Christ sur le ciel livide.
Alors, depuis ce qui avait été la forêt de Brocéliande jusqu’au cimetière de Terre sainte, la vieille chevalerie morte se leva dans ses tombes. Dans le silence de la nuit funèbre, écartant les mains jointes de leurs gisants de pierre, les preux de la Table Ronde et les compagnons de Saint Louis, les premiers combattants tombés à la prise de Jérusalem et les derniers fidèles du petit roi lépreux, toute l’assemblée des rêves de la chrétienté regardait, de ses yeux d’ombre, monter les flammes qui allaient traverser les siècles, vers cette forme enfin immobile, qui devenait le corps brûlé de la chevalerie.
Jeanne au bûcher, enluminure du XVème
Il était plus facile de la brûler que de l’arracher de l’âme de la France. Au temps où le roi l’abandonnait, les villes qu’elle avait délivrées faisaient des processions pour sa délivrance. Puis le royaume, peu à peu, se rétablit. Rouen fut enfin reprise. Et Charles VII, qui ne se souciait pas d’avoir été sacré grâce à une sorcière, ordonna le procès de réhabilitation.
A Notre-Dame de Paris, la mère de Jeanne, petite forme de deuil terrifiée dans l’immense nef, vient présenter le rescrit par lequel le pape autorise la révision. Autour d’elle, ceux de Domrémy qui ont pu venir, et ceux de Vaucouleurs, de Chinon, d’Orléans, de Reims, de Compiègne… Tout le passé revient avec cette voix que le chroniqueur appelle une lugubre plainte : « Bien que ma fille n’ait pensé, ni ourdi, ni rien fait qui ne fût selon la foi, des gens qui lui voulaient du mal lui imputèrent mensongèrement nombre de crimes. Ils la condamnèrent iniquement et… » La voix désespérée se brise. Alors Paris qui ne se souvient plus d’avoir jamais été bourguignonne, Paris, redevenue soudain la ville de Saint Louis, pleure avec ceux de Domrémy et de Vaucouleurs, et le rappel du bûcher se perd dans l’immense rumeur de sanglots qui monte au-dessus de la pauvre forme noire.
L’enquête commence.
Folio 98 du Procès de réhabilitation (déclaration de la mère de Jeanne)
Oublions, ah, oublions ! le passage sinistre de ces juges comblés d’honneur, et qui ne se souviennent de rien. D’autres se souviennent. Long cortège, qui sort de la vieillesse comme on sort de la nuit. Un quart de siècle a passé. Les pages de Jeanne sont des hommes mûrs ; ses compagnons de guerre, son confesseur ont les cheveux blancs. Ici débute la mystérieuse justice que l’humanité porte au plus secret de son cœur.
Cette fille, tous l’avaient connue, ou rencontrée, pendant un an. Et ils ont eux aussi oublié beaucoup de choses, mais non la trace qu’elle a laissée en eux. Le duc d’Alençon l’a vue une nuit s’habiller quand, avec beaucoup d’autres, ils couchaient sur la paille : elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. Devant le scribe attentif et respectueux, le chef de guerre tristement vainqueur se souvient de cette minute, il y a vingt-sept ans, dans la lumière lunaire... Il se souvient aussi de la première blessure de Jeanne. Elle avait dit : « Demain mon sang coulera, au-dessus du sein. » Il revoit la flèche transperçant l’épaule, sortant du dos, Jeanne continuant le combat jusqu’au soir, emportant enfin la bastille des Tourelles. Revoit-il le sacre ? Avait-elle cru faire sacrer Saint Louis ? Hélas ! Mais, pour tous les témoins, elle est la patronne du temps où les hommes ont vécu selon leurs rêves et selon leur cœur, et depuis le duc jusqu’au confesseur et à l’écuyer, tous parlent d’elle comme les rois mages, rentrés dans leurs royaumes, avaient parlé d’une étoile disparue…
De ces centaines de survivants interrogés, depuis Hauviette de Domrémy jusqu’à Dunois, se lève une présence familière et pourtant unique, joie et courage, Notre- Dame la France avec son clocher tout bruissant des oiseaux du surnaturel. Et lorsque le XIXe siècle retrouvera ce nostalgique reportage du temps disparu, commencera, des années avant la béatification, la surprenante aventure : bien qu’elle symbolise la patrie, Jeanne d’Arc, en devenant vivante, accède à l’universalité. Pour les protestants, elle est la plus célèbre figure de notre histoire avec Napoléon ; pour les catholiques, elle sera la plus célèbre sainte française.
Lors de l’inauguration de Brasilia, il y a quatre ans, les enfants représentèrent quelques scènes de l’Histoire de France. Apparut Jeanne d’Arc, une petite fille de quinze ans, sur un joli bûcher de feux de Bengale, avec sa bannière, un grand bouclier tricolore et un bonnet phrygien. J’imaginais devant cette petite République le sourire bouleversé de Michelet ou de Victor Hugo. Dans le grand bruit de forge où se forgeait la ville, Jeanne et la République étaient toutes deux la Franc
L’Académie de la Carpette anglaise (1) s’est réunie le 26 novembre, afin d'attribuer son Prix annuel, La Carpette anglaise, prix d’indignité civique, decerné chaque année à un membre des « élites françaises » qui s’est particulièrement distingué par son acharnement à promouvoir la domination de l’anglo-américain en France au détriment de la langue française. Le jury, présidé par Philippe de Saint Robert, était composé de représentants du monde associatif, syndical et littéraire.
Au premier tour de scrutin, par onze voix contre deux, le prix de la Carpette anglaise 2008 a été décerné, à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui écrase donc ses concurrents (2).....
![h-20-1055774.jpg](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/02/00/390085322.jpg)
Elle a réussi à cimenter cette quasi unanimité contre elle pour avoir déclaré qu'elle voulait « briser le tabou de l'anglais » à l'université française en y développant des cours en anglais et en rendant obligatoire l'apprentissage intensif de cette langue au détriment de toutes les autres (ce qui est notamment contraire au traité de l’Élysée de 1963); et pour avoir annoncé qu'elle ne militait pas « pour imposer l'usage déclinant du français dans les institutions européennes » à l'occasion de la présidence française de l'Union » ! Elle s’efforce, malgré les recours intentés par les associations, d’introduire des enseignements et épreuves de concours en anglais obligatoire aussi pour les étudiants français et francophones au sein de leurs curricula normaux, en infraction flagrante à l’article 1er de la loi dite « Toubon » du 4 août 1994.
On nous permettra d'ajouter notre grain de sel à cette nomination. Nous sommes bien loin d'être des fans de Valérie Pécresse. Nous avons ici même évoqué plusieurs fois son attitude face à l'échec scolaire, la qualifiant de syndrome du manche à balai (3): Valérie Pécresse refuse en effet de regarder la réalité en face, et de mettre enfin en cause la gabegie égalitariste et le refus stupide de toute sélection. Résultat : plutôt que d'arrêter les frais, elle veut dépenser encore plus d'argent pour soi disant "aider" (!) ces jeunes mal orientés vers les facultés (après l'avoir été vers les lycées et collèges); et à qui il aurait mieux valu donner une formation sérieuse, dans le cadre d'un apprentissage redéfini et réformé, au lieu de leur faire perdre leur temps pendant de longues années de pseudo-études, qui les méneront directement... à l'Anpe. Ce qui aboutira, en fait, à continuer à les enfoncer.....
En somme, c'est comme si on plantait un manche à balai, en s'attendant à le voir produire des roses; et, voyant que les roses ne viennent pas, si l'on pensait qu'il suffit simplement d'augmenter la fréquence des arrosages et de mettre un fumier de meilleure qualité pour en obtenir !.....
Il est bon de lutter, à temps et à contre temps, comme le fait ici en l'occurrence La Carpette Anglaise, contre tout ce (et tous ceux...) qui va dans le sens du nivellement linguistique, et donc de la désolante uniformisation culturelle qu'il aménerait, avec la régression intellectuelle qui en résulterait. Même si certains n'en ont pas conscience (et même parfois dans nos propres rangs), il est bon de rappeler à tout propos que tout ce qu'on ne dit -et qui est fort juste- à propos de la bio-diversité vaut aussi pour le domaine linguistique, donc culturel.
La bio-diversité culturelle, n'est-ce pas une façon amusante de tordre un peu les mots, de jouer avec eux, afin de bien, de mieux comprendre l'enjeu ?.....
Mais ne nous y trompons pas : pour que la langue française maintienne ses positions et progresse, pour qu'elle brille et rayonne, et qu'elle "étonne le monde" encore, il faut plusieurs conditions. L'une d'entre elles est de renouer avec cette sorte de présence perpétuelle qu'assuraient nos rois, et qui leur permettait de jouer un rôle continu et ininterrompu de protecteurs de la Culture et de l'Esprit français. Ce rôle n'est plus tenu depuis que la durée, le temps long ont été, hélas, évacués de nos institutions, et depuis que les dirigeants que nous avons, même de qualité, sont tous "de passage".
Il faudrait à la tête de l'Etat une autorité stable et durable, permanente, que l'on pourrait comparer -toutes proportions gardées- à ce qu'est le Secrétaire perpétuel de l'Académie française : oui, une présence perpétuelle, une action perpétuelle à la tête de l'Etat, c'est bien ce que nous avions, et que nous n'avons plus. On en paye les conséquences dans tous les domaines.....
(1) : Académie de la Carpette anglaise, chez le Droit de Comprendre, 34 bis, rue de Picpus, adresse d’ « Avenir de la langue française » 75012 Paris.
(2) : Voici la liste des candidats malheureux, recalés à ce Prix :
- Xavier DARCOS, ministre de l'Éducation nationale, pour la promotion continue d'une « France bilingue » qui est la traduction de l'anglophonisation à marche forcée de la France.
- L'ÉCOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSSÉES pour avoir mis en place, par le biais d'une « School of International Management », un programme dit Executive MBA enseigné entièrement en anglais.
- FRANCE 3, chaîne publique du groupe France Télévisions, et sa directrice des Jeux, pour avoir imposé une chanson en anglais pour représenter la France lors du grand prix 2008 de l'Eurovision à Belgrade ; pour un résultat espéré glorieux par cette personne, mais qui le fut fort peu : la France n’a été que 19ème sur 25 !....
- CARREFOUR, premier groupe français de distribution, pour avoir débaptisé ses supermarchés « Champion » et les appeler désormais « Carrefour market »
- Le groupe français Nelson qui chante en anglais, pour avoir déclaré, par la voix de son chanteur, " J. B. ", que " le débit du français nuisait à la musicalité " !
- L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE, pour avoir ouvert à Paris en septembre 2008 un « Master » interdisciplinaire en santé publique dispensé en langue anglaise.
- Christophe BARBIER, directeur de rédaction de l'Express, pour avoir déclaré, le 13 juin 2008 : l'Europe a un « outil de communication commun, c'est l'anglais. On pourrait d'ailleurs l'utiliser pour faciliter tout ça en mettant dans sa poche, avec le mouchoir par dessus, une fierté un peu dépassée. »
(3) : Voir les notes de la catégorie "Education", notamment "Le "Plan Réussite en Licence" de Valérie Pécresse...." et "Arrêtons de lutter contre l'échec scolaire".
Alors que le Liban commémore son centenaire en 2020, le pays connaît depuis quelques mois d’importants soubresauts populaires.
De quoi s’agit-il précisément, comment analyser la situation profonde du Liban aujourd’hui ?
Quelle place pour les chrétiens ?
C’est à ces questions que répond ce dossier.
par ANNIE LAURENT
![3083503789.jpg](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/02/00/3655965261.2.jpg)
4 Le rôle clé des chrétiens libanais
Ancien commandant des Forces Libanaises, Fouad Abou Nader, homme politique de premier plan, chrétien maronite, est un ardent défenseur de la souveraineté du Liban où il est reconnu pour son intégrité. Il a fondé en 2007 le Front de la Liberté. Entretien.
La Nef : Pouvez-vous vous présenter et décrire votre parcours ainsi que vos engagements durant la guerre ?
Fouad Abou Nader : Marié, père de quatre enfants, je suis médecin de formation et travaille dans le secteur de la santé. Je suis activement impliqué dans la société civile.
En 1969, après l’accord du Caire, lorsque les organisations palestiniennes ont tourné leurs armes contre le Liban et formé un État dans l’État libanais avec l’intention de faire de notre pays leur patrie de rechange, et ce après avoir jeté les chrétiens à la mer (dixit Abou Ayad, le bras droit de Yasser Arafat), j’ai considéré qu’il était de mon devoir de prendre les armes pour défendre ma patrie. Les milices chrétiennes ont vu le jour pour pallier la paralysie de l’armée libanaise. Nous étions délaissés de tous, même de la France, face à un ennemi qui voulait nous annihiler et qui avait réussi à créer une véritable internationale du djihadisme en rassemblant des mercenaires du monde musulman. Agressés en tant que chrétiens, nous avons résisté en tant que Libanais.
C’est ainsi que j’ai rejoint la milice du parti Kataëb puis les Forces Libanaises (FL) fondées par Béchir Gemayel pour unifier les combattants des quatre partis chrétiens qui composaient le Front libanais. De 1984 à 1985, j’ai été le commandant en chef des FL. Durant toutes ces années, j’ai aussi combattu l’armée syrienne et je me suis opposé à toutes les initiatives politiques qui donnaient blanc-seing à la Syrie pour réaliser un Anschluss avec le Liban, en particulier l’accord de Taëf (1989). Je me suis également opposé à tous les conflits survenus au sein de la région libre, cherchant toujours à rapprocher les protagonistes de ces affrontements entre chrétiens.
La Nef : En tant que neveu de Béchir Gemayel, vous considérez-vous aussi comme son héritier politique ?
Fouad Abou Nader : Entre Béchir et moi, il n’y a que neuf ans de différence. J’ai quatre sœurs mais aucun frère. Il était donc mon grand frère plutôt que mon oncle. Notre relation était très fraternelle. Béchir ne croyait pas dans l’héritage politique mais dans des institutions stables et démocratiques d’où des dirigeants pourraient émerger et porter notre cause. Au sein des FL, nous avions des élections démocratiques libres (jusqu’en 1985) pour désigner le commandant en chef. Béchir lui-même s’y soumettait. En 2007, j’ai créé une formation politique, le Front de la Liberté. Nous avons organisé les premières élections au suffrage universel direct afin que la base militante décide.
La Nef : En 2010, vous avez fondé l’Assemblée des chrétiens d’Orient. Pouvez-vous nous parler des motivations, du fonctionnement et des initiatives prises par cette instance ?
Fouad Abou Nader : J’ai lancé ce projet avec les quatorze Églises d’Orient. Nous avons fondé notre Assemblée à Beyrouth en la dotant des structures requises par le droit libanais. Elle a pour but de rassembler, en un seul cadre, le plus large potentiel de ressources humaines et matérielles possible, en Orient et dans les pays de la diaspora, et ceci afin de promouvoir, de renforcer et de protéger une présence chrétienne libre et dynamique en Orient.
Voici nos objectifs.
1/ Créer un lieu de rencontre, d’échanges et de coordination permanent entre toutes les communautés chrétiennes orientales et leur fournir une tribune médiatique, cruciale dans les circonstances historiques dangereuses qu’elles traversent actuellement. Nous pouvons ainsi accompagner l’action du Conseil des Églises du Moyen-Orient, organisme ecclésial et œcuménique.
2/ Créer un observatoire chargé de suivre la situation démographique, sociale, économique et politique des chrétiens en Orient et à l’étranger, tout en proposant des solutions pratiques pour leur survie.
3/ Faire connaître les défis auxquels les chrétiens sont confrontés au sein de leurs sociétés, aussi bien en Orient que dans les pays d’émigration.
4/ Mettre en place des structures chargées de
soutenir le financement des projets et le retour
des chrétiens émigrés.
![1.jpg](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/01/02/2737274333.6.jpg)
Fouad Abou Nader
La Nef : Au Liban, vous présidez Nawraj (1), une ONG qui œuvre au maintien des chrétiens sur leur terre d’origine. Quels sont les principes qui animent votre action dans ce domaine précis ?
Fouad Abou Nader : Nous voulons préserver et défendre le pluralisme, la diversité, le dialogue et la paix, pour que chrétiens et musulmans puissent y vivre ensemble en toute liberté, sécurité, dignité et égalité. Pour le Liban, Nawraj prône la neutralité positive permanente dotée d’une garantie internationale ainsi que le régionalisme qui irait plus loin qu’une simple décentralisation administrative. La neutralité immuniserait le Liban des luttes intercommunautaires pour le pouvoir par l’intermédiaire de formations politiques ayant souvent des allégeances étrangères. Le régionalisme transformerait ces luttes en compétition saine sur les plans économique et social. Il permettrait de pallier les défaillances du pouvoir central.
Dans le domaine social, Nawraj conçoit des projets de proximité (agriculture, industrie, écotourisme, tourisme religieux) pour pallier les carences de l’État: accès aux soins et à l’éducation, défense de l’environnement et développement durable.
Au niveau politique, Nawraj agit sur le terrain en facilitateur et médiateur pour créer ou renforcer les liens entre chrétiens, sunnites, chiites, druzes et alaouites, et bâtir des ponts entre les belligérants, comme nous l’avons fait en 2014 suite au conflit sanglant qui a opposé Daech et l’armée libanaise à Ersal.
La disparition des Libanais chrétiens signerait la fin du pluralisme et de la coexistence. Dans les régions qui vivent au rythme du conflit entre sunnites et chiites, ils sont le liant et le ciment social : sur les 1611 villages que compte le Liban, il n’y a presque aucun village mixte sunnites-chiites, sunnites-druzes ou chiites-druzes; par contre, les chrétiens vivent avec toutes les communautés musulmanes sur l’ensemble du territoire.
La Nef : Vous participez activement à la révolte contre le système libanais. Quelles sont vos motivations à ce sujet et comment voyez-vous l’issue de ce mouvement ?
Fouad Abou Nader : Avec un peu moins de 5 millions de ressortissants libanais répartis sur une superficie de 10.452 km2 au relief montagneux, mon pays est une véritable forteresse naturelle qui a toujours accueilli les minorités persécutées et a ainsi été bâti sur le principe de la liberté. Malheureusement, le système politique, hérité des Ottomans, repose, d’une part sur le népotisme, la corruption, le détournement d’argent et de marchés publics, d’autre part sur la « peur de l’autre », entraînant les luttes intercommunautaires pour le pouvoir, l’allégeance de dirigeants et de leurs formations politiques à des pays étrangers et enfin le féodalisme. D’où la léthargie et la paralysie de l’État. La jeunesse libanaise a identifié ces maux et a su créer une cohésion nationale qui pourrait servir de base à une citoyenneté au-dessus de l’appartenance communautaire. C’est pourquoi je soutiens les jeunes sur le terrain en essayant de les guider.
Aucun Libanais ne veut d’une guerre civile, pas même le Hezbollah. En revanche, les réfugiés, essentiellement sunnites, peuvent être utilisés par des puissances étrangères. Ainsi, les organisations palestiniennes restent armées; parmi les Syriens, les hommes ayant fait leur service militaire pourraient recevoir armes, munitions et argent à tout moment. Syriens et Palestiniens pourraient ainsi constituer une armée
sunnite contre le Hezbollah chiite. Israël pourrait s’inviter dans un tel conflit.
La Nef : La déconfessionnalisation du système libanais, revendiquée par une partie des chrétiens, n’est-elle pas un piège pour eux? Ne risque-t-elle pas de profiter à l’islam, désormais majoritaire, dans la mesure où la charia prévoit qu’en pareille situation cette religion doit régir l’État ?
Fouad Abou Nader : Il s’agit d’un projet qui prendra du temps car il se fera par étapes et dépendra de l’évolution de la société libanaise. Il est important de commencer par le bas : pour édifier un État-nation, l’identité communautaire doit laisser place à une identité citoyenne. Pour cela, il faut instituer un Code civil unifié du statut personnel, avec l’accord libre et volontaire des musulmans, ce qui serait une première dans leur histoire.
Cela pourrait provoquer un effet boule de neige dans le monde de l’islam. Les Libanais musulmans ont beaucoup évolué grâce à leurs contacts au quotidien avec les chrétiens. Chez nous, le 25 mars, fête de l’Annonciation, a été proclamé fête nationale islamo-chrétienne. Au Proche-Orient, cette décision ne pouvait se prendre qu’au Liban. Les musulmans visitent les sites religieux chrétiens et y prient à leur façon. L’an passé, au cours du même mois, un imam chiite a annoncé la guérison de sa mère par l’intercession de saint Charbel, puis un druze et un sunnite ont annoncé leurs propres guérisons grâce au saint le plus connu du Liban.
La Nef : D’une manière générale, les chrétiens sont-ils encore en mesure de relever les défis religieux, sociaux et culturels auxquels le Liban est aujourd’hui confronté ?
Fouad Abou Nader : Leur alignement fréquent sur les idées et les mœurs de l’Occident ne les affaiblit-il aux yeux des musulmans ?
Depuis la chute de Saddam Hussein (2003) et le retrait syrien du Liban (2005), trois paramètres ont changé pour les Libanais chrétiens. D’abord, pour la première fois depuis 1400 ans, les musulmans ont besoin d’eux et ne sont plus dans une logique de confrontation avec eux, ceci en raison du conflit qui oppose sunnites et chiites au Liban et dans toute la région. Ensuite, la proclamation de l’État du Grand-Liban en 1920 a insufflé le virus de la liberté et on observe que toutes les dictatures arabes qui nous voulaient du mal sont en crise et peinent à trouver des solutions à leurs problèmes. Enfin, la présence d’une coalition internationale au ProcheOrient est peut-être le signe d’un remodelage prochain de la région, mais la nouveauté est surtout que la Russie, qui nous a combattus à l’époque de l’Union Soviétique, se pose désormais en protectrice des chrétiens d’Orient.
Étant profondément croyant et pratiquant, j’ai l’espérance que les chrétiens peuvent relever les défis dont vous parlez. Vous avez raison de dire que la chrétienté libanaise s’aligne volontiers sur les idées et les mœurs de l’Occident mais, dans le même temps, nous avons aussi le sentiment d’être, au fond, une nouvelle Jérusalem pour l’âme occidentale. Cela peut vous paraître déconnecté des réalités aujourd’hui mais, je vous l’assure: le renouveau chrétien de l’Europe viendra du Liban.
Le terrorisme djihadiste pose de vrais défis religieux, sociaux et culturels aux musulmans. Ils sont de plus en plus nombreux à devenir chrétiens ou athées. Le malaise est profond. L’islam doit changer ou alors il explosera de l’intérieur. On voit partout dans le monde musulman, et surtout en Arabie-Séoudite, en Égypte et en Iran, une jeunesse désireuse de libertés.
La Nef : Quels rapports entretenez-vous avec la France ? Vous avez lancé un appel pour susciter des jumelages entre communes françaises et libanaises. Avez-vous été entendu ?
Fouad Abou Nader : Avec la France, il est difficile de décrire tout ce que nous avons en commun, tellement tout cela est incrusté dans l’inconscient collectif de nos deux peuples. Au Proche-Orient, le Liban est le pays qui possède le plus d’institutions francophones : établissements d’enseignement, centres culturels, centres hospitaliers et entreprises commerciales. Des liens solides unissent donc nos deux pays.
Nous cherchons à obtenir une aide financière de la France et de l’Union européenne car les chrétiens sont lésés en ce domaine alors qu’ils en ont besoin pour promouvoir des projets de développement générateurs d’emplois.
La France peut exercer des pressions politiques et économiques sur les gouvernements du Proche-Orient pour les inciter à préserver les droits des chrétiens, y compris celui d’exercer librement leur culte et de participer équitablement au pouvoir. Un observatoire pourrait être créé à Paris à cet effet.
L’Europe et la France pourraient œuvrer à établir la neutralité du Liban, laquelle devrait être garantie internationalement, comme l’Autriche autrefois et le Turkménistan aujourd’hui.
Concernant les jumelages, notre projet comprend 40 villages libanais frontaliers. Le premier a vu le jour entre Ras-Baalbeck et Camaret-sur-Aigues (Vaucluse). Il s’agit là aussi de contribuer à l’enracinement des chrétiens dans leurs villages. Ces jumelages peuvent également se faire au niveau des paroisses libanaises et françaises, des écoles et universités chrétiennes libanaises et françaises, des groupements sociaux libanais et français, etc.
Propos recueillis par Annie Laurent
(1) Ce mot arabe signifie « fléau à blé ».
![](http://lafautearousseau.hautetfort.com/media/00/02/3149122351.jpg)
Par Gaël Nofri
Cédric Herrou a été condamné ce mardi en appel à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants. Dans cette tribune sur figarovox du 9 août, Gaël Nofri, élu municipal de Nice, démontre avec pertinence que cette condamnation qui demeure symbolique est surtout une publicité pour les actions contestables d'activistes qui remettent en question l'idée même de frontière. On peut en débattre mais Lafautearousseau partage cette analyse. LFAR
Le premier mot qui vient à l'esprit lorsque l'on évoque l'affaire Herrou c'est tristesse.
Tristesse d'abord, parce que derrière tout cela il y a, quoique l'on veuille bien en penser, de la misère humaine et que la misère humaine est toujours triste.
Tristesse ensuite, parce qu'il y a souvent aussi beaucoup de bêtise dans les propos les plus simplistes tenus, à l'emporte-pièce, par les plus radicaux des deux camps qui s'affrontent, et que la bêtise humaine aussi est triste.
Tristesse enfin, par ce que cette affaire nous dit beaucoup de la crise qui traverse l'Etat en France aujourd'hui, de sa remise en cause et des doutes qui accompagnent son action. Or pour tout observateur de la vie politique française, cette misère de l'Etat est une incontestable source de tristesse, mais aussi de préoccupation quant à l'avenir.
La condamnation de Cédric Herrou à une nouvelle peine, plus sévère, est certes un bon signe, mais, s'agissant de prison avec sursis, elle ne réglera en rien le problème qu'a fini par incarner l'agriculteur azuréen: l'Etat va continuer son jeu du chat et de la souris. Celui-ci ne cache pas en effet son intention de réitérer ses actes, de «mieux s'organiser pour mieux agir» et ses appels à la désobéissance sont constants. Avec une certaine lucidité il déclare lui-même «Ils n'ont qu'à me mettre directement en prison». Depuis des mois en effet les arrestations et les gardes à vue succèdent aux libérations et aux violations de la loi selon un schéma désormais assez bien rodé, qui n'a d'autre bénéficiaire que la publicité rendue à sa cause.
Car le combat entre Hérrou et les autorités n'est pas l'histoire d'une action, il est un combat de fond entre celui qui entend «se substituer à l'Etat» et un Etat qui doute de sa propre légitimité à agir. Tout se passe comme si, sur cette affaire comme sur bien d'autres hélas, l'Etat avait honte de lui-même, peur de son autorité, n'était pas certain de son bon droit. «L'Etat, c'est-à-dire la société où il y a des Lois» disait Montesquieu, qui ne jugeait sans doute pas en son temps nécessaire de compléter sa formule par «et dont on assure le respect effectif» est en crise. Cette crise, qui trouve sans doute ses racines françaises cinquante ans en arrière dans le triomphe des idées de mai 68, témoigne de la défiance de notre époque et de notre société vis-à-vis de l'autorité, des institutions, de l'Etat-Nation ; par là même, elle fournit un argument supplémentaire à ses détracteurs.
En matière migratoire, il faut convenir que la Loi du 31 décembre 2012 a ouvert une voie dangereuse dans ce sens. Alors que l'aide à un migrant dans le cas d'un danger grave et imminent était déjà exclue de toute poursuite depuis 2003 - ce qui s'entend -, le texte porté par le Gouvernement de Gauche a introduit dans la Loi le fait de ne plus poursuivre l'assistance à une personne en situation illégale, c'est à dire qu'il légalise l'assistance à la violation des lois… un Etat qui légalise la violation de ses propres Lois, voilà bien la preuve d'un trouble profond ! Pire, non content de l'ouvrir à des citoyens, cette Loi a élargi l'immunité à des organisations entières, faisant dès lors de la violation des Lois un droit et une activité du dimanche. Dans l'indifférence générale, des structures se montent et s'affirment donc afin d'entraver l'action de l'Etat, de faire échec à ses politiques publique, d'empêcher l'application des choix arrêtés par les autorités légales et légitimes du pays... mais il est vrai que l'on parle là d'associations qui se sont auto-proclamées «pro-migrants» !
Encore conviendrait-il de réévaluer ce titre. Car il ne serait pas inutile de s'interroger en quoi est-il moins favorable, digne et humain pour les migrants d'attendre à Vintimille plutôt que de l'autre côté de la frontière ? Le vrai terme, le vrai combat, la motivation véritable de ces associations n'est pas tant dans le sort des migrants que dans la dénonciation de la frontière, jugée coupable de tous les maux… La Justice ne s'y est pas trompée lorsque, justifiant la condamnation de Cédric Hérrou malgré la Loi de 2012, elle exprime son sentiment que celui-ci inscrit l'accueil des migrants non dans une action de solidarité individuelle mais dans le cadre d'une «contestation globale de la loi (…), une cause militante» qu'il entend ainsi servir.
Dénoncer la frontière, attaquer l'Etat, voilà le programme bien connu qui se cache, ici, sous les apparences d'un humanisme radical et de bons sentiments portés en bandoulière. Mais il faut avouer que les habits de l'humanisme radical permettent beaucoup de choses, notamment de faire oublier que c'est justement la déstabilisation des Etats du sud de la Méditerranée en Egypte, en Lybie, en Tunisie et la disparition effective de leurs frontières qui seuls ont permis ses grands mouvements migratoires, transformant la Méditerranée en un vaste linceul…
Méfions nous donc de l'avenir que certains nous promettent. Car les critiques et les attaques contre l'Etat et les frontières peuvent paraître belles, nobles et généreuses vu de loin, mais elles sont un luxe que ne peuvent se permettre que ceux qui vivent à l'abri de ces mêmes frontières, encore protégés par l'Etat qu'ils prétendent abattre… réaffirmons le ensemble: non la Libye n'est pas une perspective enviable!
«Si l'État est fort, il nous écrase. S'il est faible, nous périssons» rappelait Paul Valéry. •
Par Gaël Nofri
Gaël Nofri est conseiller municipal et métropolitain de Nice et président du Groupe des élus niçois indépendants (DVD).