Maurras et le Fascisme [8]
Blum versus Mussolini
Par Pierre Debray
C'est une étude historique, idéologique et politique, importante et profonde, que nous publions ici en quelques jours. Elle est de Pierre Debray et date de 1960. Tout y reste parfaitement actuel, sauf les références au communisme - russe, français ou mondial - qui s'est effondré. L'assimilation de l'Action française et du maurrassisme au fascisme reste un fantasme fort répandu des journalistes et de la doxa. Quant au fascisme en soi-même, si l'on commet l'erreur de le décontextualiser de sa stricte identité italienne, il reste pour certains une tentation, notamment parmi les jeunes. On ne le connaît pas sérieusement. Mais il peut-être pour quelques-uns comme une sorte d'idéal rêvé. Cette étude de Pierre Debray dissipe ces rêveries. Elle s'étalera sur une dizaine de jours. Ceux qui en feront la lecture en ressortiront tout simplement politiquement plus compétents. LFAR

Le fascisme français
L’essai de M. Paul Sérant, parce qu’il se borne à l’étude des réactions, d’ailleurs plus passionnelles que concertées, d’écrivains, risque d’accréditer la légende selon laquelle le fascisme serait un phénomène politique de droite. En fait, les auteurs dont il traite ont tous, à l’exception de Céline, plus ou moins fleureté avec les milieux nationalistes.
À la vérité, il ne saurait y avoir de fascisme français que jacobin. Marcel Déat devait en apporter, sous l’Occupation, une démonstration irréfutable. Il n’avait pas de peine à découvrir dans Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, les fondations idéologiques de l’État totalitaire. « Il y a eu, écrivait-il, tout au long des cent cinquante années, une école démocratique autoritaire », qu’il suffirait de prolonger pour retrouver, sous une forme authentiquement nationale, l’inspiration même du fascisme italien et du national-socialisme allemand. Selon lui, « la révolution française comme la révolution allemande* sont pour une large part des mouvements nationaux, une affirmation unitaire irrésistible. Voilà qui entraîne quelques conséquences et permet quelques rapprochements. C’est par là que s’explique l’esprit totalitaire du jacobinisme, par là que se manifeste le rôle de l’État, c’est de là que part l’incontestable socialisme montagnard ». On ne saurait mieux dire.
Sans doute, s’est-il trouvé, dans la droite française, quelques esprits faibles que troublaient les succès de Mussolini, et qui prétendaient fabriquer un fascisme français tout d’imitation, en se contentant de reprendre les uniformes et les rites des
faisceaux de combat, c’est-à-dire l’aspect purement extérieur, et contingent (photo). Le premier en date d’entre eux fut Georges Valois, qui devait d’ailleurs finir communiste après quelques péripéties intellectuelles assez pitoyables. Il est troublant que cet exemple malheureux ait eu quelque pouvoir de fascination sur un journaliste qui, plus récemment, prétendait lui aussi « recommencer Maurras », en attendant de finir comme bas agent de M. De Gaulle. Ce qui est du reste une fin plus logique qu’il pourrait sembler au premier abord.
Et dépit du soutien de cette haute finance qu’il insultait publiquement, tout en la courtisant en secret, Valois n’a guère duré plus d’une saison. Son fascisme n’était en réalité qu’une diversion, simple tentative pour diviser l’Action française dont le pouvoir craignait les menaces. Quant aux Ligues, comme les « Jeunesses patriotes », il leur arriva sans doute d’utiliser certaines des techniques d’action de propagande du fascisme, mais elles ne faisaient que continuer le vieux courant, plébiscitaire et boulangiste, plus puissant d’ailleurs à Paris que dans les provinces, que l’on ne saurait ni socialement, ni idéologiquement, confondre avec le fascisme.
Les seules tentatives sérieuses furent conduites par des éléments socialistes ou socialisants. L’histoire des mois fiévreux qui précédèrent le 6 février 1934, reste sans doute à faire. On ne saurait trop souhaiter que les témoins, et je pense en particulier à Georges Calzant, apportent à cet épisode mal connu de notre histoire nationale, l’irremplaçable contribution de leurs souvenirs.
Qu’il suffise d’évoquer les conciliabules entre journalistes de droite et politiciens de gauche, comme Eugène Frot, ou ce « Plan du 9 juillet », préfacé par Jules Romains qui préconisait – assez voisin de celui mis en place plus tard par Charles De Gaulle : renforcement de l’exécutif, vote de défiance contre le ministère entraînant la dissolution automatique, Sénat ne pouvant ni renverser le gouvernement, ni être dissous. Ce sont les promoteurs du « Plan du 9 juillet » qui avancèrent les premiers l’idée d’une école polytechnique d’administration, véritable séminaire technocratique pour hauts fonctionnaires. On sait que Jean Zay, ministre de Léon Blum, la fera sienne et que M. Michel Debré la réalisera en 1945, par l’installation de l’École Nationale d’Administration. On trouvait d’ailleurs, dans l’aréopage du Plan du 9 juillet, à côté de jeunes socialistes comme P. O. Lapie, des hommes comme Philippe Boegner et Louis Vallon, dont on n’ignore pas le rôle qu’ils devaient jouer par la suite dans l’entourage du gaullisme.
Néanmoins, c’est lors du trentième congrès du parti S.F.I.O., réuni à partir du 14 juillet 1933 à la Mutualité, qu’on vit éclater une révolte qui pouvait faire penser à celle qui avait dressé, à la veille de la première guerre mondiale, Mussolini contre les « officiels » du socialisme. Le congrès, en principe, était chargé de régler un obscur différend entre la commission exécutive du parti et le groupe parlementaire, accusé d’avoir soutenu un « gouvernement bourgeois ». Bientôt, il apparut que cet incident servait de prétexte à une offensive en règle conduite par Max Bonnafous, Adrien Marquet, député-maire de Bordeaux et surtout Marcel Déat. Lorsque
Marquet déclara que la France entrait « dans la phase qui préparera et permettra la réalisation des idéologies du XIXe siècle, chaque nation constituant, dans son cadre intérieur, un pouvoir fort qui se substituera à la bourgeoisie défaillante », Léon Blum s’écria (photo) : « je suis épouvanté ». De même il murmura, dit-on, « c’est presque du fascisme » en entendant le jeune Charles Lussy soutenir que « c’est par le gouvernement qu’on peut faire la révolution ».
Les hérétiques furent d’ailleurs battus, très largement, en dépit des succès de
tribunes que Déat surtout avait remportés (photo), car Léon Blum tenait solidement l’appareil du Parti. Quelques semaines plus tard, ils quittèrent la S.F.I.O., qui perdit à cette occasion quelque chose comme vingt mille adhérents. Néanmoins, ceux que l’on nommait désormais les néo-socialistes ne parvinrent pas à conquérir une base militante. Ils se trouvèrent réduits à s’amalgamer à quelques autres groupuscules pour constituer, sous la houlette de Paul-Boncour, « l’union socialiste et républicaine », qui n’eut jamais d’importance que dans l’arithmétique parlementaire.
Les néo-socialistes s’opposaient à Léon Blum sur deux points essentiels. D’une part, ils répudiaient la fiction de l’internationalisme prolétarien, soutenant que « c’est autour de l’axe national que gravite aujourd’hui toute l’action économique réelle ». D’autre part, ils entendaient s’appuyer sur les classes moyennes, qui, menacées selon eux de prolétarisation par l’action du capitalisme financier, devenaient révolutionnaires.
Il est remarquable qu’à l’époque, Léon Blum voyait lui aussi dans le stalinisme et le fascisme des « formes intermédiaires entre le capitalisme et le socialisme ». Les néo-socialistes en profitaient pour lui opposer la nécessité de créer, également en France, l’une de ces formes intermédiaires plutôt que de poursuivre indéfiniment la réalisation d’un « socialisme pur » pour l’heure utopique. ■ (A suivre)
*Celle d’Hitler
Illustration ci-dessus : Pierre Debray au rassemblement royaliste des Baux de Provence [1973-2005]
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L’écrasante majorité des Français - responsables politiques et dirigeants économiques inclus - croient à tort que l’euro est une monnaie unique. Nous avons relevé cette courte mais intéressante chronique dans la dernière livraison de Royaliste*. Elle informe, explique, instruit. Évite que nos positions en matière européenne se réduisent à des caricatures et à des slogans, comme elles le font trop souvent dans le camp eurosceptique, dont nous sommes LFAR

billevesées mondialistes et européistes ? N’est-il pas extrémiste de continuer à entretenir le mythe d’un prétendu couple franco-allemand alors que la chancelière du Reich ne dissimule pas son ambition de rendre l’Europe encore plus allemande et faire de Berlin la capitale d’une eurocratie confiée à un président allemand de la commission européenne. Progressisme contre nationalisme ? Ce n’est pas seulement une querelle de mots. Si le terme nationaliste est marqué par une connotation dévalorisante, du fait de ses ennemis, il reste que le nationalisme représente la conception la plus achevée du combat pour la nation.
général des faisceaux, et Michele Bianchi (photo), qui sera l’un des quadriumvirs de la marche sur Rome. Michele Bianchi, en particulier, était très populaire pour avoir mené dans toute l’Émilie les grèves agricoles entre 1907 et 1913.
jacobinisme en action. On comprend ainsi l’erreur intellectuelle de ces hommes dont Paul Sérant décrit l’itinéraire politique, qui passèrent de l’Action française ou de ses marges au fascisme sans même se rendre compte qu’ils allaient de la contre-révolution à son contraire (photo).


les autres groupes insurgés sunnites (photo), qui tiennent 40% du territoire et qui ont eu des accrochages sanglants avec HTC.
que « la guerre a appelé les masses prolétariennes au premier plan. Elle a brisé leurs chaînes. Elle les a extrêmement valorisées. Une guerre de masse se conclut par le triomphe des masses. Si la révolution de 1789 - qui fut en même temps révolution et guerre - ouvrit les portes et les voies du monde à la bourgeoisie, la révolution actuelle qui est aussi une guerre, paraît devoir ouvrir les portes de l’avenir aux masses qui ont fait leur dur noviciat du sang et de la mort dans les tranchées. »
Le mot de faisceau n’a du reste pas été forgé par lui. Il est apparu
LFAR avec AFP. Nouvelle manifestation antimigrants hier dimanche, au soir, dans l'est de Allemagne à la suite de la mort d'un jeune homme dans une bagarre avec deux Afghans
Hier soir, dimanche, une « marche » a été organisée à Köthen sous haute surveillance policière. Plus de deux mille personnes se sont rassemblées pour dire leur colère contre la politique d'asile en Allemagne. Les deux suspects ont été arrêtés, l'un d'eux fait l'objet d'une procédure d'expulsion. 

Sans diminuer en rien l'extraordinaire endurance des Britanniques, engagés au feu pendant quatre ans, ou la bravoure des Américains, montés en ligne à partir du printemps et de l'été 1918, la vérité de l'Histoire oblige à dire que ce sont les forces françaises, parce qu'elles étaient les plus nombreuses, qui ont supporté le plus gros de l'effort de guerre, et qu'elles possédaient, à la fin du conflit, des capacités de manoeuvre que n'avaient pas leurs alliées. Chars
Renault, avions Breguet, (photos) camions militaires, réseau de télégraphie sans fil : l'industrie française, de plus, avait fait de « l'armée française de 1918, écrit Michel Goya, la plus moderne du monde », offrant aux combattants des moyens inconnus de ceux de 1914, moyens qui ont largement contribué au résultat final. Par conséquent, c'est bien la France, première puissance militaire au monde, qui a gagné la Grande Guerre. 

La Russie, en 1936, est donc opaque et fermée, les échanges avec l'extérieur sont réduits au minimum, dans tous les domaines (sait-on que l'URSS participe à ses premiers Jeux Olympiques seulement à Helsinki, en 1952, et c'est l'URSS triomphante de la victoire sur l'Allemagne !) et pourtant il n'y a guère qu'une quinzaine d'années que la Révolution a triomphé : c'est très bref et ça laisse subsister des pans entiers du monde enfui.
Le colonel Kotov (Nikita Mikhalkov lui-même), héros de la révolution soviétique a épousé Maroussia (Ingeborga Dapkunaïté), issue de la très bonne bourgeoisie d’avant-guerre, et il est à peu près parvenu à s’intégrer dans le monde raffiné, nostalgique, condamné, de sa belle-famille. Le couple est venu passer un dimanche d’été dans la confortable datcha où la vie est paisible entre dentelles et samovar, porcelaines précieuses et soupirs discrets sur cet « Avant » qui n'est plus possible.
Sergeï Kotov est pris entre les deux mondes : celui de sa femme et celui qu'il voudrait offrir à leur fille, Nadia (Nadezhda Mikhalkova, sa propre fille dans la vie) et qu'il évoque dans une séquence très pure, lors de la promenade en barque sur la rivière, lorsqu'il dit que la Révolution a été faite pour que tout le monde puisse avoir les doux petits petons de Nadia qu'il caresse alors...
L'extraordinaire, de ce film qui dispense une rare puissance d'émotion et dont la fin est d'une désespérance totale, est sa conformité à l'âme russe, telle qu'on la voit en Occident mais surtout telle qu'elle doit réellement être : on y passe du rire aux larmes, de la tendresse au burlesque (la séquence où les grands-mères jettent à l'eau les médicaments de la servante hypocondriaque, Mokhova, les pitreries de l'oncle Kirik), de la gaieté à la gravité, de la légèreté au tragique d'une façon qu'on ne connaît pas en Occident.
La journée d'été s'achève et la paix descend sur la terre russe ; Kotov va monter dans la voiture des tueurs du NKVD et sait très bien qu'il ne reviendra pas, qu'il ne reverra plus tous ceux qu'il aime ; et c'est à ce moment, juste avant la dure séquence finale que Mokhova et les grands mères entonnent « Les cloches du soir » une de ces bouleversantes chansons slaves qui appellent la sérénité et le repos, alors même que Kotov va mourir, sa femme et sa fille vont être déportées en Sibérie, Mitya va se suicider ... 
