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LAFAUTEAROUSSEAU - Page 1256

  • Littérature • Lire avec Léon Daudet

     

    2293089609.14.jpgIl peut aussi paraître de plutôt bonnes recensions dans Les Echos. Comme celle-ci qui restitue un peu du fabuleux écrivain, polémiste, homme politique, que fut Léon Daudet. Injustement oublié il est vrai par le plus grand nombre. Son souvenir reste vivant dans les milieux d'Action française. Trop rares sont ceux qui l'ont lu. Mais redisons-le : point de culture sans lecture.  LFAR

     

    sans-titre.pngPlus grand monde ne lit aujourd'hui Léon Daudet, qui traîne derrière lui une réputation sulfureuse, et méritée, de polémiste réactionnaire, voire d'extrême droite. Le fils d'Alphonse Daudet avait pourtant une plume déliée et un sens de la critique que ses contemporains admiraient et redoutaient à la fois. Nous en avons un excellent exemple dans cette collection de textes parus entre 1927 et 1929, republiés aujourd'hui par les éditions Séguier, jamais en reste lorsqu'il s'agit d'allier originalité et audace. Il y a dans les auteurs choisis par Daudet des gens qui sont de nos jours de presque parfaits inconnus. Heureusement, on trouve aussi en grand nombre des noms fameux, de Shakespeare à Flaubert. Quand il restait sur les terres des lettres, ce lecteur compulsif oubliait ses préjugés idéologiques, comme le rappelle Jérôme Leroy dans sa préface, rapportant ce mot étonnant de la part de ce nationaliste forcené: «La patrie, je lui dis merde quand il s'agit de littérature." Daudet est remarquable dans ses exercices d'admiration comme dans les descentes en flammes qu'il réserve à quelques gloires. Palme de l'hommage le plus ému et le plus vrai: les propos sur Marcel Proust, déjà son ami de vingt ans quand celui-ci obtient le prix Goncourt pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs. Le journaliste voit aussitôt dans À la recherche du temps perduun chef-d'oeuvre de la littérature française du xxe siècle. Il le présente avec justesse comme «une fresque composée de miniatures, si paradoxal que semble ce rapprochement de mots». Même s'il note, avec un brin de misogynie très répandu à l'époque, que cette oeuvre géniale et touffue ne conviendrait sans doute pas «aux demoiselles dont on coupe le pain en tartines". Parmi les gloires incontestables aux yeux du royaliste rallié à l'Action française de Maurras figure, au sommet, Cervantès, mis sur le même plan que Shakespeare. Homme de goût avant tout, Daudet doit convenir que le décadent Baudelaire est un poète incomparable, gâché par ses addictions, tandis que l'époux malheureux de la petite-fille de Victor Hugo n'arrive pas à cacher une certaine réticence face aux envolées de La Légende des siècles.

    La dent du pamphlétaire

    Le ton monte encore d'un cran à l'évocation de Flaubert, qu'il dépeint en romancier emprunté comme un ado: «Sa vie ne fut qu'une longue puberté, avec les tourments, les erreurs, les boutons et les rêveries décevantes de cette crise sexuelle qui perturbe la sagesse et l'originalité enfantines." Ce n'est rien toutefois à côté des moments où le pamphlétaire aux 130 livres a la dent vraiment dure. Le traitement réservé à Zola en donne un échantillon: «Quand Hugo disait de Zola que le pot de chambre lui masquait le ciel étoilé, il avait parfaitement raison», tranche Daudet. Il lui reproche son «goût maladif du laid et du triste» attribué à sa personnalité de «sensuel déçu». Pour finir - et l'achever! - il conclut: «On ne peut le lire qu'à quatre pattes.» Mais ce bouillant démolisseur d'icônes était également un découvreur: il fait connaître à ses compatriotes Robert Louis Stevenson, repère le jeune journaliste Joseph Kessel, signale avant tout le monde l'immense talent de Paul Morand. «L'esprit véritable, soudain, en fusée et en flèche, est une détente indispensable à la causerie", observe-t-il dans ses notes. De fait, Daudet a un don incomparable pour détendre et faire causer.  H. G  

  • Culture • Loisirs • Traditions

  • Patrimoine & Famille de France • Cet été visitez le parc du château où naquit feu le comte de Paris

     

    Cet été si vos vacances vous amènent dans l’Aisne, le site « j’aime l’Aisne » vous propose de visiter en compagnie d’un guide passionné, le parc du château où naquit feu le comte de Paris, un certain 5 juillet 1908.

    Votre guide, Monsieur Pierre-Marie Tellier, un enfant du pays, partagera avec vous sa passion pour la famille royale, qui s’installa  au Château Thiérache au 19ème siècle.

    En exclusivité, il vous introduira dans le parc du château où naquit Henri VI de France, avant de vous présenter le magnifique jardin princier composé d’essences rares.

    À proximité, la profonde forêt du Nouvion et ses maisons forestières compléteront cette balade au charme unique. Issu d’une famille d’herbagers, mais aussi correspondant d’un journal local, Pierre-Marie vous racontera avec passion le récit émouvant de la vie rurale et ses souvenirs d’enfance. Entre forêt et bocage, une balade en Thiérache à consommer sans modération !

    Cette visite vous intéresse ? Pour joindre votre guide, il suffit de vous rendre sur le site de « j’aime l’Aisne » et de prendre contact avec M. Monsieur Pierre-Marie Tellier.  

    Source La Couronne

  • Histoire & Actualité • Un dossier détonnant Spécial Mai 68 : Retrouvez l'étude de Rémi Hugues pour Lafautearousseau [32 articles]

    Aspects de la France, couverture en mai 68, numéro spécial   

     

    2293089609.14.jpgRémy Hugues a rédigé pour les lecteurs de Lafautearousdeau une série d'articles sur Mai 68 dont on commémore partout les cinquante ans.  

    Ces articles sont parus tous les jours de mai et le dernier hier, 1er juin. Ils composent un dossier qui reste intégralement consultable sur le blog. [lien ci-dessous]. 

    1573814046.pngRémi Hugues est beaucoup trop jeune pour avoir vécu Mai 68. Il en traite d'un regard neuf, extérieur, mais documenté et érudit. Avec le recul qui met en lumière les causes profondes et les forces principales plus ou moins dissimulées qui ont produit la révolution de Mai. Dont ceux qui ont été spectateurs ou acteurs dans le camp d'en face - dont nous, à l'Action Française qui avons été alors très actifs - ne furent pas nécessairement conscients. En ce sens, le dossier que Rémi Hugues a réuni vaut à la fois rappel des faits et découverte de ce qui avait pu passer inaperçu de plus ou moins essentiel dans le feu de l'action.

    Rémi Hugues publie Mai 68 contre lui-même.  Nos lecteurs que le sujet intéresse ne manqueront pas de commander cet ouvrage. 

    Retrouvez les articles de cette série en cliquant sur le lien suivant ... 

    1105196841.jpg

    Dossier spécial Mai 68

    L'ouvrage de Rémi Hugues ...

    (Cliquer sur l'image)

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  • Société • Mai 68 : des histoires dans l’histoire, entretien avec Gérard Leclerc

     

    1237311666.2.jpgEntretien avec Gérard Leclerc Gérard Leclerc est journaliste et écrivain, philosophe et théologien, l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée contemporaine. Propos recueillis par Philippe Ménard. 

    Gérard Leclerc, qui avait 26 ans en Mai 68, vient de publier Sous les pavés, l’Esprit aux éditions France-Empire/Salvator, une analyse des événements autant qu’une méditation sur leur sens.

    « Que l’on ne s’y trompe pas : toutes les offensives actuelles, qu’elles concernent aussi bien la déconstruction des liens sacrés du mariage, l’instrumentalisation de la procréation, la légitimation du meurtre en fin de vie, participent toutes d’un vaste mouvement de déshumanisation, en rupture d’un héritage dont les sources sont les lois non-écrites d’Antigone, les commandement du Sinaï et la charte des béatitudes. Mai 68 correspond à l’effondrement de l’héritage, mais il signifiait aussi la possibilité d’un sursaut moral au milieu des convulsions. Il pouvait être la perception d’un sauvetage possible dans l’abîme. »

    Philippe Ménard : Il y a deux Mai 68 : le fourrier du libéralisme libertaire, avec la libération totale du désir et donc la nécessité d’avoir un appareil de production pour satisfaire des désirs sans cesse renouvelés ; et un Mai 68 qui, à travers la remise en cause des effets nocifs du capitalisme, se voulait concret, généreux, solidaire, inventif, et dont on parle moins.

    Gérard Leclerc. Le phénomène Mai 68 est susceptible de plusieurs analyses qui se chevauchent. Il est fomenté par des groupuscules marxo-léninistes qui se trouvent débordés par un mouvement de jeunesse qui leur échappe. La Révolution, on n’en veut plus, on veut les fruits des Trente Glorieuses ! La révolution politique disparaît de l’horizon au profit du gauchisme culturel, comme dit Jean-Pierre Le Goff, le meilleur analyste de Mai 68, à mon sens. Gauchisme culturel qui se cristallise dans le service de la société de consommation : l’idéologie du désir a conforté la société capitaliste, ultra-libérale.

    50 ans plus tard, le Mai 68 capitaliste et libertaire a triomphé, mais le Mai 68 de l’autogestion, du retour à la terre, où en est-il ?

    Le gauchisme violent échoue en France, contrairement aux brigades rouges allemandes ou italiennes. La mort de Pierre Overney en signe la fin. Il y a eu trois rebonds. : le Larzac, cette « proto-ZAD », qui a mobilisé beaucoup de monde ; l’affaire Lip, tentative d’autogestion sans lendemain, dont Maurice Clavel a fait un roman Les Paroissiens de Palente (Grasset, 1974) ; et la candidature de René Dumont aux élections présidentielles de 1974 – mais le système a très vite intégré la dimension écologique, Robert Poujade étant ministre de la Protection de la Nature et de l’Environnement. Et on connaît le destin du mouvement écologique aujourd’hui. Ces trois rebonds ont produit des fruits, mais cela reste très inabouti.

    La « troisième voie » de Mai 68, ni capitaliste ni violente, celle de l’autogestion et de l’écologie, a quand même profondément transformé le paysage sociologique français : les questions environnementales sont centrales.

    Tout à fait mais avec une grosse réserve : c’est la réalité la plus physique qui nous y oblige, et pas vraiment les rêveries soixante-huitardes. C’est l’épuisement des ressources naturelles, le problème de l’eau, la couche d’ozone… C’est la réalité qui contraint l’économie libérale à s’adapter. Toutes les expériences d’agriculture biologique, de commerce équitable, sont très intéressantes mais restent encore très marginales. Il faut surtout considérer le domaine des idées. En 68, on décroche du marxisme, même si on parlait marxien dans la rue, comme disait Clavel. Et d’autres courants apparaissent, même s’ils sont discrets. La pensée de Jacques Ellul, par exemple, qui devient beaucoup plus intéressant à lire que Marx et Lénine, – et qui a eu une influence certaine sur José Bové quand il lutte contre la PMA et la GPA. Ces courants étaient en harmonie avec certaines aspirations de Mai 68.

    Les vainqueurs de Mai 68 ont éliminé du récit de leur triomphe plusieurs « populations » contestatrices, comme les catholiques. Y a-t-il eu un Mai 68 catholique ?

    Le Mai 68 de Maurice Clavel ne correspond pas du tout au Mai 68 des catholiques – et malheureusement. Mai 68 a provoqué une crise catastrophique du clergé, une génération complète de séminaristes s’est évanouie… J’ai eu un récit très complet de ce qui s’était passé par Mgr Pézeril, évêque auxiliaire de Paris à l’époque, aux côtés du cardinal Marty. Selon lui, une telle crise n’avait pas existé depuis la Révolution française. Il m’a dit que c’était les prêtres qui avaient le ministère humainement le plus épanouissant, qui sont partis. J’ai beaucoup aimé sa formule : « Ce sont les laboureurs qui sont restés. » Les gens d’Échanges et dialogue étaient si violents qu’un évêque s’est évanoui en les écoutant ! Clavel, c’était tout le contraire. Il est devenu pratiquant de la messe quotidienne quand les fidèles ont abandonné la messe dominicale. Il s’était converti à la suite d’une profonde dépression. Pour lui, Mai 68 était d’ailleurs une dépression nerveuse, et on ne pouvait s’en sortir que par le haut, par une effusion de l’Esprit, par le retour de Dieu – ce qu’il expliquait par une métaphysique augustinienne. Dieu, chassé par les Lumières, réapparaissait de manière souterraine et intempestive. Les curés de l’époque n’étaient pas du tout dans cet état d’esprit ; ils n’en tenaient que pour Garaudy et le dialogue avec les communistes… Clavel disait que le dernier des communistes serait un curé breton ! Et il a écrit un pamphlet, Dieu est Dieu, nom de Dieu ! (Grasset, 1976), où il les a attaqués de façon frontale. L’Église de France était complètement en dehors du coup…

    Vous définissez Mai 68 par l’émancipation de la médiocrité ambiante, la contestation de la société de consommation, la remise en cause de la civilisation urbaine et même une certain archaïsme avec le retour à la nature. Toute ceci émerge-t-il à nouveau dans les discours politiques de droite comme de gauche, ou chez les jeunes catholiques ?

    Pour ce qui est de l’Église catholique, c’est certain, grâce à l’enseignement des papes Jean-Paul II et Benoit XVI et a fortiori celui du pape François qui y a consacré une encyclique vigoureuse, très mal vue chez les libéraux, même les catholiques. On s’aperçoit aussi que beaucoup de mouvements politiques ont intégré cette dimension, comme Mélenchon ou Marine Le Pen, qui en a parlé dans son discours de Lille, avec même une attaque contre le transhumanisme. On peut y voir un rebond d’une certaine inspiration soixante-huitarde… Il y avait cette insatisfaction profonde d’un monde dans lequel on ne se reconnaissait pas – mais c’est lui qui a triomphé, et qui a intégré les revendications de Mai 68 en en faisant des paramètres de son propre système.   

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    Maurice Clavel quand il écrit Dieu est Dieu, nom de Dieu

     

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    Dans le flot des publications célébrant le cinquantenaire des événements de Mai 68, se détache l’essai du journaliste catholique Gérard Leclerc, Sous les pavés, l’Esprit (France-Empire / Salvator, 148 p., 14 €).

    À 26 ans, immergé dans l’effervescence idéologico-politique parisienne, Gérard Leclerc a été marqué à sa façon par le phénomène de Mai 68. L’éditorialiste de France catholique et chroniqueur de Radio Notre-Dame propose un décryptage intéressant qui ne plaira pas à tous.

  • Cinéma • Le Petit-Maître corrigé

     

    Par Guilhem de Tarlé

    Le Petit-Maître corrigé, théâtre au cinéma, une comédie en prose de Marivaux, mise en scène à  la Comédie française par Clément Hervieu-Léger, avec Clément-Hervieu-Léger (Dorante), Loïc Corbery (Rosimond, le jeune marquis), Christophe Mortenez (Frontin, son valet), Claire de la Rüe du Can (Hortense), Adeline d’Hermy (Marton, sa servante), Florence Viala (Dorimène), et Dominique Blanc (la marquise, mère).

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    Après le débat sur la fidélité dans Mes Provinciales, il se trouve que Frontin revient sur ce sujet pour opposer la province et Paris, où « la fidélité n’est point sauvage (mais) galante, badine, qui entend raillerie, et qui se permet toutes les petites commodités du savoir-vivre (…) Je trouve sur mon chemin une personne aimable (…) je lui dis des douceurs, elle m’en rend ; je folâtre (…) la fidélité conjugale n’y est point offensée »…

    Cette opposition entre les « bobos » parisiens de la première moitié du XVIIIe siècle et la noblesse provinciale constitue le sujet de la pièce de Marivaux, et l’on peut comprendre son « four » lors de la première représentation en 1734 (et dernière jusqu’à notre époque) à la Comédie française, tellement la société urbaine y est expressément ridiculisée.

    Disons-le tout net, cette pièce, emberlificotée, est plutôt médiocre malgré son vocabulaire (une gasconnade, ce faquin), certaines expressions (A vue de pays, sa dignité de joli homme), des répliques « piquantes » et quelques échanges jouissifs qui fleurent bon l’ancienne France : Frontin (qui) est le singe de Rosimond parle de son original (…) on attrape toujours quelque petite fleurette en passant (…) A Paris les cœurs on ne se les donne pas, on se les prête (…) nous avons lié une petite affaire de cœur ensemble (…)une vapeur d’amourune vapeur se dissipe.

    Je n’ai, non plus, pas aimé la mise en scène qui fait courir les acteurs en permanence d’un bout à l’autre du plateau, lorsqu’ils ne se jettent pas par terre l’un sur l’autre. Je parlerais donc volontiers d’une « bonne » soirée plutôt qu’excellente. 

    Que dire ensuite des différents personnages ?

    Hortense, d’abord, tellement « aimable », nous déçoit à la fin par sa façon d’utiliser Dorante, pour lui reprocher ensuite d’avoir voulu « profiter des fautes de (son) ami » ; on se demande en outre comment elle peut aimer ce « ridicule » de Rosimond.

    J’ai, pour ma part, considéré comme exagérées les « ridiculités » de ce marquis, avec son rire glapissant, stupide – pour ne pas dire autre chose - qui rappelle celui de Mozart dans Amadeus.

    Dorimène tient bien son rôle, mais les deux seuls personnages véritablement attachants sont la servante et le valet qui jouent particulièrement bien, et l’on s’amuse énormément à écouter Frontin « de la promotion de Lisette ». 

    Cette pièce, pour conclure, malgré son mariage arrangé (quoique ?) me paraît totalement d’actualité qui met face à face les Macron parisiens et les provinciaux ; elle illustre, en outre, le combat permanent que le péché originel - l’orgueil – fait à l’amour, et la victoire finale de celui-ci.  

    PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné mate.

  • Rome, où l’on n’est pas au bout de ses peines

    Carlo Cottarelli

     

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    On se rappelle comment le processus électoral qui aurait dû amener le FIS au pouvoir en Algérie [les islamistes]  fut brutalement interrompu entre les deux tours des élections législatives algériennes de novembre 1991. Les démocraties européennes, France en tête,  préférèrent alors de beaucoup une dictature - qui allait être sanglante - plutôt qu'une république islamique à Alger et ne furent pas trop critiques envers la conjuration des militaires, des oligarques et des caciques du FLN qui conduisirent dans le secret de leurs délibérations ce coup de force tout sauf démocratique. Une horrible guerre civile s'ensuivit. A l’algérienne.

    Ce n'est pas exactement ce qui vient de se passer en Italie, où le processus électoral s'est déroulé jusqu'à son terme, a dégagé une nette majorité « antisystème », a conduit à la formation d'une coalition de gouvernement, a abouti à la désignation d'un président du conseil et à la formation d'un ministère issu du camp vainqueur du vote des Italiens.

    C'est à ce stade que le président de la république italienne a décidé d'interrompre le processus démocratique en refusant la nomination du ministre des finances que l'équipe formée dans la foulée des législatives avait désigné à ce poste. S'en est suivi le renoncement du président du Conseil pressenti – Giuseppe Conte - et l'appel du président Sergio Mattarella à un technocrate européo-mondialiste, ex-fonctionnaire du FMI - Carlo Cottarelli - dont le programme politique - s'il peut s'appliquer - est exactement à l'inverse du tout récent vote des Italiens. On ne pouvait mieux le défier et le braver.  Il est de notoriété publique que Jean-Claude Junker, Emmanuel Macron et Angela Merkel ne sont pas du tout étrangers à la décision du président Mattarella. Elle constitue bel et bien une interruption du processus démocratique en cours ou pour être plus clairs une violation de la volonté populaire.  

    C’est confirmer qu’il existe dans les instances où s’exerce – ou tente encore de s’exercer – le pouvoir en Europe une idéologie et une volonté politique supérieures à toute démocratie. 

    Sauver les institutions de Bruxelles, sauver l’euro dont l’avenir apparaît de plus en plus incertain, poursuivre l’entreprise mondialiste, multiculturaliste, immigrationniste et postnationale, que conduit l’oligarchie prétendant incarner aujourd’hui l’idéal européen – fort peu européen selon nous – telle est la réalité des événements en apparence singuliers, en réalité aisément explicables, qui sont en train de se dérouler à Rome. Rome, capitale d'une Italie vassalisée. Rome, où l’on n’est pas au bout de ses peines.    

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Mai 68 • LʼEmpire U.S. contre-attaque [7]

    Une fois que la tempête a commencé, les leaders de la J.C.R. « Krivine, Bensaïd, Weber sont fiers de lʼaide que leur apporte la IVème Internationale – essence belge, talkies-walkies américains, collecte des dockers ceylanais. » Alain Krivine est, de même, fier dʼavoir lʼhonneur dʼêtre reçu par le plus américain des politiciens français, Pierre Mendès France, qui, le 10 mai 1968, à lʼoccasion dʼun débat à lʼAssemblée nationale sur la proposition faite par de Gaulle de revenir à lʼétalon-or strict, sʼemportait contre « une politique médiévale, une politique qui nʼest pas digne dʼun État moderne »[1].

    « Pierre Mendès France désire le rencontrer pour sʼinformer de lʼétat dʼesprit des jeunes contestataires. […] Alain respecte Mendès et ne voit nulle objection à semblable entretien. Dès le 18 mai, ils sont face-à-face dans un restaurant voisin de la rue Montholon. Une autre conversation suivra. Lʼancien président du Conseil est à la fois réjoui et alarmé. Réjoui parce quʼune de ses vieilles prédictions se réalise : ce régime est à la merci dʼune poussée violente. Tourmenté parce quʼil juge de Gaulle capable de recourir aux armes. »[2]

    Aucune preuve, cependant, nʼa encore été révélée qui puisse confirmer quʼil y aurait eu des liens entre la IVème Internationale et la C.I.A. au moment de 68, seulement un faisceau dʼindices. Il est en revanche attesté, concernant la troisième branche du trotskisme français, le « lambertisme », auquel ont notamment appartenu MM. Jospin, Mélenchon et Cambadélis avant de rallier le P.S., que la main des services secrets américains agissait pour, si lʼon peut dire, piloter la boutique.

    Le Français le plus proche de lʼagent de la C.I.A. Irving Brown, André Lafond, en plus de sa fonction de syndicaliste à F.O, était membre de lʼO.C.I, qui auparavant sʼappelait Parti communiste internationaliste (P.C.I.). « Dans lʼentre-deux-guerres, il fut militant socialiste sympathisant des bolchevkis-léninistes à lʼintérieur de la SFIO, démissionna en 1936 et adhéra officiellement au Parti communiste internationaliste. […]. À partir de 1950, sa correspondance avec Brown et Lovestone devient très régulière. »[3]

    Tant F.O. que les « lambertistes » de lʼO.C.I. étaient des organisations que la C.I.A. avait infiltrées. Cʼest ce que montre le passage qui suit :

    « À lʼautomne 1967, Robert Ehlers sʼintéresse particulièrement aux nouveaux groupuscules révolutionnaires et à leurs jeunes dirigeants. »[4] Cet homme est le « directeur adjoint du bureau parisien de Radio Liberty »[5], une radio créée en 1949 sous lʼégide de la C.I.A. En novembre 1967, il fait la rencontre de « M. », qui « passe pour un des meilleurs spécialistes de lʼextrême gauche »[6]. Ce dernier lui conseille dʼinterviewer quelques figures de ce courant. Une journaliste de son équipe rencontre alors Charles Berg, dirigeant dʼun groupuscule trotskiste appelé Révoltes. « Dans la discussion, le cigare aux lèvres, Charles Berg a confié à la journaliste de Radio Liberty que les jeunes de son mouvement acheminaient derrière le rideau de fer une littérature considérée comme subversive dans les pays du bloc soviétique, ce dont il paraît très fier. Cette confidence, dont il a fait état non sans une certaine gloriole, suscite la curiosité de M. Ce dernier nʼignore pas en effet les liens qui existent entre le groupe de Berg, coiffé par un certain Pierre Lambert, et FO, ni ceux de FO avec la revue Le Syndicaliste exilé et le Centre dʼétudes économiques et syndicales, ni davantage ceux dʼIrving Brown avec FO et les services américains. »[7]

    Pierre Lambert, le premier mentor politique des Jospin, Cambadélis et Mélenchon était donc en relations resserrées avec les États-Unis, ce qui peut expliquer leur parcours. En rejoignant le P.S. pour des raisons stratégiques dʼentrisme, cʼest-à-dire avec lʼaval de leur direction, ils restaient dans le giron américain. Leur évolution ne représentait en rien une trahison. Elle relevait dʼune certaine continuité. Et lʼun des leaders de Mai, Jacques Sauvageot, issu de lʼatlantiste P.S.U., savait à qui il devait sa place de chef de lʼU.N.E.F. : à une autre formation atlantiste, les trotskistes de lʼO.C.I.

    Experts ès rouerie, en dignes successeurs de leur grande sœur la perfide Albion, les Américains agissaient sous couvert. Ils ne regardaient pas non plus le mouvement maoïste français des Linhart et Lévy – lʼUnion des jeunesses communistes (marxistes-léninistes) fondées les 10 et 11 décembre 1966 au théâtre dʼUlm – comme un ennemi mais comme un allié objectif. Ce changement radical – car en 1964 la décision de la France dʼétablir « des relations diplomatiques avec la Chine populaire est accueillie par les États-Unis comme un geste de défiance à leur égard »[8] – est opéré suite aux conseils prodigués par Henri Kissinger, qui « considérait que la Chine, ruinée par la Révolution culturelle, ne constituait pas un modèle révolutionnaire crédible et quʼelle appartenait dʼores et déjà, du fait de son opposition à lʼURSS, au système de sécurité américain »[9] On retrouve une telle analyse dans le film Pentagon Papers (2018), au détour dʼune conversation à la fin dʼun dîner réunissant des membres éminents de lʼestablishment de lʼère Nixon.

    De ce fait les militants maoïstes, ces communistes concurrents du P.C.F. pro-soviétique, nʼétaient pas du tout gênants pour les Américains, ils pouvaient sans problème aller chercher à lʼambassade de Chine les grands textes du marxisme-léninisme, le Petit Livre rouge de Mao et le périodique Pékin Information, pour les refourguer aux jeunes esprits naïfs prêts à croire que le Grand Timonier fût un bienfaiteur de lʼhumanité et la Chine un paradis. En Europe de lʼOuest les groupuscules maoïstes, comme lʼaffirme Morgan Sportès, étaient en réalité plus ou moins contrôlés par la C.I.A.[10]

    Celle-ci, parce quʼentre les États-Unis et la France « le malentendu est permanent avec des périodes de très vive tension »[11], et donc « nʼapprécie pas la politique gaulliste, cherche dʼailleurs à semer le trouble en France »[12]. Le moins quʼon puisse dire cʼest quʼelle a réussi...  (Fin du dossier)  

    [1]  Maurice Vaïsse, La grandeur. Politique étrangère du général de Gaulle, Paris, C.N.R.S. Éditions, 2013, p. 405-406.

    [2]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, op. cit., p. 532.

    [3]  Tania Région, op. cit., p. 108.

    [4]  Frédéric Charpier, La CIA en France. 60 ans dʼingérence dans les affaires françaises, Paris, Seuil, 2008, p. 264.

    [5]  Ibid., p. 263.

    [6]  Ibid., p. 266.

    [7]  Ibid., p. 267-268.

    [8]  Maurice Vaïsse, op. cit., p. 363.

    [9]  Cité par Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney, Paris, Grasset, 2008, p. 193.

    [10]  Ibid., p. 195.

    [11]  Maurice Vaïsse, op. cit., p. 364.

    [12]  Ibid., p. 369.

     

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    Dossier spécial Mai 68

  • Le séducteur : Retour sur le discours d'Emmanuel Macron aux évêques

     

    Par François Reloujac

    Religion et politique. « Standing ovation » aux Bernardins pour le président de la République et beaucoup d’éloges dans la presse, avec ce qu’il faut de fureur mélanchonienne pour leur donner davantage de relief ! 

    Le 9 avril dernier, les évêques de France recevaient le président de la République au Collège des Bernardins. Le discours présidentiel se proposait de chercher à « réparer » le « lien abîmé » entre la République et l’Église… Sous des propos apaisants et amicaux qui donnaient à croire à une « ouverture », Macron le subtil incitait, en fait, l’Église à œuvrer avec lui  voire exigeait d’elle qu’elle se rallie à son action. Éternel recommencement. Discours qualifié d’intelligent par la plupart des observateurs mais qui pourrait aussi bien être considéré comme rusé, tant il semble en appeler à la cléricature pour mieux la détacher des dogmes et de la morale de la religion révélée.

    Reconnaître à l’Église un droit de « questionnement »

    Le président a commencé par afficher la volonté de « réparer le lien abîmé » entre l’État et l’Église catholique, ce que tout Français conscient ne peut que déplorer, mais sans dire jamais en quoi et pour quoi et par qui ce lien est ou fut abîmé, ce qui évite d’avoir à traiter les problèmes de fond. Que ce lien soit en particulier abîmé par les lois contre nature que la République s’ingénie à imposer, comme le meurtre des enfants dans le sein de leur mère, la dénaturation de ce que signifie l’institution millénaire du mariage, la « chosification » des enfants dont le droit à l’enfant est le prétexte et, pire la « chosification » des femmes dont la location d’utérus est le dernier avatar, ou, bientôt, la condamnation à mort des personnes qui souffrent ou qui sont âgées. Rien de ces sujets capitaux et qui engagent l’avenir d’une civilisation, n’est abordé sous son jour de vérité naturelle et surnaturelle. Le président se dit prêt à écouter « le questionnement » de l’Église. Pourvu qu’elle admette de rester « un questionnement ». S’il est des normes au-delà, il n’appartient pas au président de la République de le savoir. Le lien est donc rétabli à la condition que l’Église ne cherche pas à promouvoir la vérité qu’elle détient mais qu’elle en reste au simple « questionnement » qui permet à chacun d’apporter sa propre réponse. Autant dire aux catholiques qu’ils sont libres d’exprimer ce qu’ils veulent à condition qu’ils ne prétendent pas transmettre une Vérité qui ne vient pas d’eux mais qui a été révélée ; il en résultera que ce qu’ils diront ne sera plus qu’une opinion parmi d’autres et comme ils ne sont plus majoritaires, ils n’auront pas à se plaindre s’ils ne sont pas suivis puisqu’ils n’auront, en bons démocrates, qu’à se rallier à la loi de la majorité. Et chacun doit bien savoir qu’au-dessus de tout, incréée, éternelle autant qu’évolutive, s’impose comme unique absolu la loi de la République. C’est à cette République que les chrétiens se doivent d’apporter « leur énergie » et « leur questionnement ». Avec leurs bâtonnets d’encens !

    Citer des chrétiens pour se dispenser de suivre leurs exemples

    Pour mieux séduire ceux à qui ils demandent de renier ce qu’ils ont de plus précieux, il cite, dans une liste à la Prévert, quelques auteurs chrétiens choisis pour représenter toutes les tendances et dont on se demande si, comme tout bon élève d’aujourd’hui, il ne l’a pas constituée en consultant Wikipédia. Il nous dit cependant qu’il ne tient pas à remonter trop haut, ni aux cathédrales, ni à Jeanne d’Arc dont il oublie de dire que l’Église l’honore de la gloire des saints. Il ne s’agit plus que de travailler aujourd’hui à l’œuvre commune en y mettant ce zèle que les catholiques de France – comme ils l’ont montré – sont capables de mettre en œuvre pour faire vivre la société avec cet art admirable de ne jamais rien revendiquer pour eux ! Ce serait une erreur de la République de ne pas savoir se servir d’un tel supplément d’âme. Le Président reconnaît ainsi le rôle irremplaçable de l’Église de France.

    Le ralliement « au monde »

    Cette Église est tellement utile quand elle « met les mains dans la glaise du réel », là où l’État ne le peut plus – ou, en fait, ne le veut plus – pour aboutir à « un moindre mal toujours précaire » ! Pour arriver à obtenir de l’Église ce qu’il en attend, dans cette politique des « petits pas », il n’épargne aucune couche de jolie pommade. Il se fait une « haute opinion des catholiques » avec qui il veut dialoguer et dont il attend la coopération totale ainsi qu’une contribution de poids « à la compréhension de notre temps et à l’action dont nous avons besoin pour faire que les choses évoluent dans le bon sens ». Quel bon sens ? Et quelle évolution ? Et de quelles choses ? En un mot, il attend que les fils de Dieu se mettent purement et simplement au service « de ce monde ». Il ne faut pas que les chrétiens se sentent « aux marches de la République ». On croirait qu’il se souvient de l’encyclique du pape Léon XIII Au milieu des sollicitudes de la fin du XIXe siècle. Cependant il occulte ou il oublie qu’en écrivant cette encyclique, le pape souhaitait, en fait, que les catholiques de France « se rallient » à la République, dans l’espoir qu’ils pourraient alors influencer les institutions au point de les rendre respectueuses des droits de Dieu, comme les martyrs avaient réussi à « christianiser » l’empire romain. Il pensait que si les catholiques de France, alors persécutés, « investissaient » la République, ils pourraient la transformer de l’intérieur, empêcher de voter des lois antireligieuses et la rendre finalement fidèle à l’enseignement de l’Église. Force est de reconnaître que cette encyclique a totalement raté son objectif ! Cependant la même politique se continue aujourd’hui comme depuis plus d’un siècle avec le succès que l’on connaît. Notre président appelle donc directement l’Église de France à persévérer dans la même voie. Venez, prenez votre place, acceptez nos lois, donnez-nous votre dévouement et nous écouterons « votre questionnement » !

    Nature des trois dons exigés

    Dans cet état d’esprit il appelle l’Église à ce qu’elle fasse trois dons à la République : don de sa sagesse, don de son engagement, don de sa liberté. Nous sommes là bien loin, malgré les apparences, du don de la Sagesse demandé à Dieu par Salomon ! Salomon demandait à Dieu d’être habité par sa Sagesse et donc de la rayonner autour de lui et dans toutes ses œuvres. Le président de la République, en jouant avec les mots et inversant le sens de la demande, propose à l’Église de se dépouiller de ces trois attributs, donc de les sacrifier à son profit pour qu’il puisse s’en servir selon son bon plaisir, en fonction de sa volonté propre. Qu’elle les mette à son service !

    Car qu’est-ce que la sagesse de l’Église pour le président de la République, si ce n’est son « questionnement propre » qu’elle « creuse »… « dans un dialogue avec les autres religions » ? Elle est aussi cette « prudence » qui caractérise d’ailleurs « le cap de cet humanisme réaliste » qu’il a choisi comme norme. Il insiste sur ce point : là où il a besoin de la sagesse de l’Église, « c’est pour partout tenir ce discours d’humanisme réaliste » ; comprenons bien : non pas pour faire entendre la parole de Dieu.

    Face au « relativisme », au « nihilisme » à « l’à-quoi bon » contre les causes desquels il n’envisage pas de combattre, il requiert de l’Église le don de son engagement. Elle n’a pas à lutter contre les causes, non, mais son aide sera bienvenue en revanche pour atténuer les effets, autrement dit pour faire passer la pilule et endormir les consciences. Au même titre que « tous les engagés des autres religions » et ceux des « Restos du cœur », les fidèles de l’Église sont ainsi appelés à consacrer leur énergie « à cet engagement associatif » puisque cette énergie a été « largement soustraite à l’engagement politique ».

    Quant au don de sa liberté que l’Église est invitée à faire, elle qui n’a jamais été « tout à fait de son temps », – « mais il faut accepter ce contretemps » –, c’est de se montrer « intempestive ». Plus elle sera ainsi choquante, en particulier sur les migrants, plus elle aura l’impression d’être libre, mais moins elle sera suivie par la majorité de l’opinion. Plus elle sera inopportune, moins donc elle sera dangereuse. « Et c’est ce déséquilibre constant qui nous fera ensemble cheminer ». Ce don de sa liberté suppose que l’Église offre aussi sa liberté de parole, … cette liberté de parole qui inclut « la volonté de l’Église d’initier, d’entretenir et de renforcer le libre dialogue avec l’islam dont le monde a tant besoin ». Besoin de quoi ? Du dialogue ou de l’islam ? Le président est trop instruit pour ne pas savoir qu’il ne peut y avoir de dialogue qu’entre égaux, ce qui signifie qu’il met sur le même plan l’Église catholique et l’islam. 

    Intelligent ou malin ?

    La position du président conduit à fonder le dialogue entre la République et l’Église « non sur la solidité de certaines certitudes, mais sur la fragilité de ce qui nous interroge ». L’Église n’a donc pas à enseigner les dogmes, ses dogmes, c’est-à-dire sa foi. Sa foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Il n’est pas question d’indiquer un chemin de vérité. Elle peut simplement partager avec les politiques les inquiétudes et incertitudes des hommes, et de préférence des hommes mal ou non croyants. « C’est là que la nation s’est le plus souvent grandie de la sagesse de l’Église, car voilà des siècles et des millénaires que l’Église tente ses paris, et ose son risque ». Quelle manière de résumer l’histoire ! Que reste-t-il alors de l’Église ? Peut-on vraiment réduire l’Église à « cette source d’incertitude qui parcourt toute vie, et qui fait du dialogue, de la question, de la quête, le cœur même du sens, même parmi ceux qui ne croient pas » ?

    Sûr de l’empathie qu’il réussit à manifester et à entretenir, il ajoute avec un certain cynisme :

    « C’est une Église dont je n’attends pas de leçons, mais plutôt cette sagesse d’humilité face en particulier à ces deux sujets que vous avez souhaité évoquer. »

    Il s’agit de la PMA – GPA et des migrants ! Vraiment du grand art pour rouler ses auditeurs dans la farine.

    Quant au mot de la fin, il rappelle la séduction du serpent qui entraîne à la transgression :

    « Certes, les institutions politiques n’ont pas les promesses de l’éternité ; mais l’Église elle-même ne peut risquer avant le temps de faucher à la fois le bon grain et l’ivraie ». Il eût été plus franc de dire : « Laissez les politiques ramper dans la fange sans les condamner, vous risqueriez de faire fuir les dernières ouailles qui vous restent. Mettez-les au service du monde que nous construisons. ! »

    Alors, intelligent, le discours du président ou simplement malin ?   

     

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques. Politique magazine

    Le Dr. Jean-François Delfraissy, qui préside les Etats généraux de la Bioéthique, ne tient évidemment aucun compte des objections des catholiques.  

    François Reloujac
     
  • Israël ou le droit de tuer

     

    Par Antoine de Lacoste

     

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    Les récents et tragiques évènements de Gaza ont remis au goût du jour un débat vieux comme Israël : cet Etat agit-il en situation de légitime défense ou utilise-t-il la violence comme moyen de gouvernement en outrepassant ses droits ?

    Ainsi posée la question est bien juridique et donc inopérante. En effet, depuis son existence, Israël a été attaquée par de multiples forces, à commencer par une partie de la population palestinienne, forcée de quitter des terres qu’elle habitait depuis plusieurs générations.

    Savoir si elle avait le droit de riposter et comment, n’a jamais intéressé ni la classe politique ni l’armée ni la population israéliennes. Le rôle de son armée est de défendre les acquis conquis progressivement et c’est elle seule qui a le choix des moyens. Cela ne saurait être un débat.

    Le droit international ne compte donc pas et les Etats-Unis sont là pout y veiller, veto à l’ONU à l’appui en cas de besoin. L’allié américain ne prend d’ailleurs même plus de gants : les Clinton, Obama, même Bush énonçaient des regrets de principe lorsque l’armée avait tiré à balles réelles sur des manifestants qui lançaient des pierres. Aujourd’hui, Trump se tait et l’ambassadrice américaine à l’ONU, la sémillante et ambitieuse Nikki Haley, se permet même de quitter l’assemblée lorsque le représentant palestinien prend la parole. C’était tout de même du jamais vu.

    Le transfert inique de l’ambassade américaine à Jérusalem est une pierre de plus dans l’édifice de l’impunité. Ce transfert est contraire aux traités signés et en vigueur, mais c’est sans importance. Le lobby évangéliste connait là sa plus grande victoire et Israël peut se frotter les mains. A ce propos, il est tout de même stupéfiant que l’Eglise catholique ait aussi peu réagi : Jérusalem n’aurait jamais dû devenir la capitale d’un Etat. C’est une ville internationale, lieu saint pour les trois religions monothéistes : en faire une capitale d’un Etat, confessionnel qui plus est, est contraire à 70 ans de traités.

    Alors autant être clair : il n’y aura jamais d’Etat palestinien. Cette fiction destinée à calmer les opinions publiques et éviter de sanglantes manifestations de désespoir, n’a même plus d’apparence. Les colonies illégales peuvent s’étendre progressivement, avec ou sans expropriation. Tous les moyens sont bons : menaces, violences, arrestations arbitraires effectuées par l’armée hors de toute règle juridique. Et quand par hasard un juge indépendant annule la création d’une colonie car contraire aux traités en vigueur, la décision n’est jamais appliquée et la colonie s’étend.

    Qu’on lise à cet égard le très beau témoignage de Vera Baboun, la Maire chrétienne de Bethléem dans son livre « Ma ville emmurée ». Car il y a des chrétiens palestiniens : tous ne sont pas du Hamas. Mais coincés entre la brutalité israélienne et l’expansion islamiste, ils s’en vont peu à peu. Bientôt, le pays du Nouveau Testament ne comptera plus de chrétiens et nous pourrons nous interroger sur notre propre responsabilité.

    Alors quand certains écrivent qu’ « Israël a le droit de se défendre », ils devraient plutôt affirmer qu’Israël a le droit de tuer car c’est ainsi que les choses se passent en Palestine. 

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans notre catégorie Actualité Monde.

  • Mai 68 • LʼEmpire U.S. contre-attaque [6]

    Les mouvements gauchistes, pourtant dʼinspiration marxiste, étaient infiltrés par des personnes agissant à la solde des Américains. Le cas le plus emblématique étant celui de la « lambertiste » O.C.I., lʼune des trois factions du trotskisme français, avec le   « franckisme » et le « pablisme ».

    Le terme « pablisme » vient de Pablo, le pseudonyme de Michel Raptis. Son « mouvement » Voix ouvrière était lʼhéritier dʼune organisation fondée au début de la Seconde Guerre mondiale par des militants trotskistes, dont de nombreux juifs roumains. Au moment de sa réorganisation, dans les années 50, beaucoup de ses militants avaient été dʼanciens membres des jeunesses socialistes sionistes, essentiellement issus du Hashomer Hatsaïr. Après sa dissolution et sa réorganisation consécutive aux événements de Mai 68, il prit le nom de Lutte ouvrière »[1] (L.O.), parti que le grand public connaît à travers la figure dʼArlette Laguiller, première femme à sʼêtre présentée à une élection présidentielle. Le rôle des « pablistes » a été mineur en Mai 68, mouvement quʼà la base ils rejetèrent car, selon leur point de vue, dʼessence étudiante et petite-bourgeoise.

    Au contraire des « franckistes », qui participèrent pleinement au lancement de la révolte. Lors de lʼattaque de lʼAmerican Express, rue Auber, le 21 mars, est présent parmi le commando le responsable du service dʼordre de la J.C.R., Xavier Langlade. Le lendemain est fondé le Mouvement-du-22-mars à Nanterre. « Des anars, des lecteurs assidus des situationnistes, des trotsko-guévaristes de la JCR, des anarcho-communistes, des libertaires »[2] forment le gros des troupes. Ce nʼest pas un parti politique mais « une mouvance, un creuset, sans programme, sans héirarchie officielle, sans dirigeants élus. »[3] Daniel Bensaïd, un « toulousain volubile, normalien de Saint-Cloud et philosophe à Nanterre, représente la JCR au sein du 22-Mars. »[4]

    Le 3 mai C.R.S. et étudiants sʼaffrontent autour de la Sorbonne. On y retrouve des militants J.C.R., qui font partie des milliers dʼenragés qui se mesurent aux gardiens de la paix. « La plupart des leaders arrêtés dans la cour de la Sorbonne ont été conduits au commissariat qui occupe les sous-sols de lʼOpéra. Bouclés dans des cages grillagées, ils ont tout loisir dʼanalyser la conjoncture. Sauvageot découvre Cohn-Bendit, quʼil ne connaît guère, et entame avec lui une longue conversation. En aparté, Alain Krivine et Henri Weber, les dirigeants de la JCR, planifient les mobilisations futures. […] Le pouvoir vient dʼoffrir aux révolutionnaires sans révolution une chance inespérée, inouïe. »[5] Durant « cette nuit du 3 au 4 mai se met en place un état-major, un cartel qui parle désormais au nom du ʽʽmouvementʼʼ »[6] : y appartiennent le S.N.ESup (un syndicat dʼenseignants représenté par Alain Geismar), lʼU.N.E.F., le 22-Mars, et une seule formation véritablement politique, avec un programme précis, une idéologie définie et une structure hiérarchique, la J.C.R.

    Ce courant du trotskisme est désigné par le vocable « franckisme » car il a pour fondateur Pierre Franck (1905-1971), membre de la direction de lʼInternationale trotskiste, la IVème Internationale, qui est né dans « une famille juive […] de Vilna »[7].

    Comme pour la « pabliste » Voix Ouvrière, son mouvement comprend un « grand nombre de militants dʼorigine juive. »[8] Ils sont généralement issus du socialisme sioniste plutôt que du socialisme juif, ou Bund. « Certains militants ont dʼabord appartenu à une organisation sioniste socialiste, lʼHachomer Hatzaïr, avant de rejoindre la Ligue. Cʼest le cas dʼH. Weber, inscrit à cette organisation par ses parents dès lʼâge de 9 ans. »[9] Cʼest pourquoi ils entretiennent des liens privilégiés avec lʼun des alliés les plus proches des États-Unis, si ce nʼest le plus proche, si lʼon en croit Wladimir Rabi, qui insiste, concernant les États-Unis, sur « la puissance de lʼestablishment et le lobby juif »[10], et comme en atteste cette conversation tenue entre de Gaulle et Nixon en 1969 :

    Le président américain tient surtout à apporter une précision à son homologue français : ʽʽÀ propos dʼIsraël, je voudrais vous éclairer sur deux aspects. Dʼabord il y en a qui pensent quʼaucun président des États-Unis ne peut prendre une décision quelconque au sujet dʼIsraël sans tenir compte du vote juif. Ce nʼest pas mon cas.ʼʼ

    Je le sais, lʼinterrompit le Général. »[11]

    Au sein du trotskisme franckiste, « les rapports de certains militants à lʼÉtat dʼIsraël sont étroits. Ainsi, R. Prager, après avoir été déchu de la nationalité française au début de lʼannée 1950, pour avoir déserté en 1939, sʼinstalle en Israël, de mars 1950 à décembre 1952. […] De même, des militants israéliens dʼextrême gauche prennent contact avec la JCR en 1966. »[12]

    Ce qui fera dire à Michel Warschawski[13] que grâce au canal trotskiste « les idées de Mai 68 circulaient jusque dans les banlieues dʼHaïfa »[14].

    La J.C.R est créée par « deux ou trois cents militants »[15] après lʼélection présidentielle de 1965, durant laquelle Alain Krivine et ses amis ne soutiennent pas François Mitterrand, candidat unique de la gauche et notamment du P.C.F. « Elle recrute des néophytes épris de communisme originel, épouvantés par lʼhorreur stalinienne. Ils ne sʼaperçoivent pas que les ronds-de-cuir de la IVème Internationale leur débitent en tranches le Talmud trotskiste. »[16] Cette organisation transnationale, dont les ramifications vont de New York jusquʼà Amsterdam et Bruxelles en passant par Londres, semble être de mèche avec ceux qui en veulent à de Gaulle, et qui pour lʼaffaiblir tentent dʼinsuffler un esprit de révolte parmi les étudiants français afin que se levât une mouvement massif de contestation.

    Sinon pourquoi Pierre Franck fut-il capable de prophétiser Mai 68 ? Comment pouvait-il deviner lʼimminence de lʼirruption de la crise ? Une source indique quʼil était persuadé que des émeutes, des grèves et des manifestations – un nouveau « 36 », en plus grand – se produiraient : « Seul Pierre Franck, le grand-papa des trotskistes de la JCR, sʼobstine à répéter que quelque chose dʼénorme se prépare, que ce sera plus important quʼen 1936. Il a même bousculé ses horaires de repas – un comble ! Irrespectueusement, Krivine se dit que le Vieux déconne. »[17]  (Dossier à suivre)   

    [1]Yaïr Auron, Les juifs dʼextrême-gauche en mai 68, Paris, Albin Michel, 1998, p. 270.

    [2]Hervé Hamon, Patrick Rotman, op. cit., p. 431.

    [3]Idem.

    [4]Ibid., p. 432.

    [5]Ibid., p. 456.

    [6]Ibid., P. 459.

    [7]Jean-Paul Salles, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu dʼapprentissage, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 307.

    [8]Ibid., p. 307.

    [9]Ibid., p. 308.

    [10]Wladimir Rabi, « LʼEstablishment juif. Structures et idéologie », Catalogue pour des juifs de maintenant, n° 38, septembre 1979.

    [11]Vincent Nouzille, op. cit., p. 235.

    [12]Jean-Paul Salles, op. cit., p. 310.

    [13]Lui, le « fils du grand rabbin de Strasbourg, ayant réalisé son aliya avant 1968 et militant antisioniste, tout en expliquant le rôle quʼont eu les militants trotskystes dʼIsraël dans son évolution intellectuelle, insiste sur lʼimportance des liens étroits entretenus notamment avec la JCR », ibid., p. 310.

    [14]Idem.

    [15]Hervé Hamon, Patrick Rotman, op. cit., p. 302.

    [16]Idem.

    [17]Ibid., p. 508. 

     

    Retrouvez les articles de cette série en cliquant sur le lien suivant ... 

    Dossier spécial Mai 68

  • Chateaubriand : Quelle serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier ?

     

    Chateaubriand, un peu prophète dans les Mémoires d'Outre-tombe (quatrième partie du livre douzième chapitre six) se demandait déjà :


    « Quelle serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni italienne, ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni chinoise, ni américaine ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu'en résulterait-il pour son intelligence, ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie ? Vous dînerez à Paris, et vous souperez à Pékin, grâce à la rapidité des communications ; à merveilles (sic) ; et puis ? » 

    Et cetera ...  

    [Merci à Richard !]

  • L’homme, ce monstre toxique

     

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    Nous n'ajouterons pas de commentaire à cette chronique de Mathieu Bock-Côté dans le Journal de Montréal du 23 mai. Elle est marquée d'un pessimisme que l'on sent parfaitement justifié et qui va comme toujours au fond des choses. Il suffit de suivre le fil de la réflexion de Bock-Côté.   LFAR 

     

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    La grande poussée du néoféminisme est tellement forte en ce moment qu’ils sont rares à oser le critiquer. Normal : qui s’oppose au féminisme même le plus radical risque de passer pour l’ennemi des femmes.

    Alors on se tait. Mais tout n’est pas à célébrer dans ce féminisme nouveau genre.

    Masculinité 

    Notamment, on est en droit de s’inquiéter d’une de ses dimensions les plus inquiétantes, soit la haine de l’homme, traité souvent comme un ennemi, et même comme un résidu archaïque appelé à disparaître.

    Cette guerre contre l’homme, généralement inavouée, on la fait passer pour une lutte contre la « masculinité toxique ». Le terme s’impose à grande vitesse dans la vie publique. Il circule de plus en plus dans nos médias et à l’université. Sous prétexte de dénoncer des comportements masculins problématiques (aucun sexe n’est parfait et l’homme doit évidemment être critiqué), il propose en fait la déconstruction de toute la représentation traditionnelle de ce que l’homme doit être.

    À quoi pense-t-on ? À l’homme qui contient ses émotions dans une situation difficile. À l’homme qu’on élève dans le culte du courage intellectuel et physique. À celui à qui on donnait comme héros les grands soldats, les grands explorateurs, les grands politiques. À celui qu’on élève dans le culte de la réussite ou du sacrifice. À l’homme qui veut protéger sa femme et ses enfants. À celui qui s’imagine que le père et la mère n’ont pas exactement la même fonction symbolique auprès de l’enfant.

    Cette représentation de la masculinité, on nous invite à la déconstruire, comme si elle nous pourrissait la vie depuis des siècles. L’homme serait une créature toxique. La masculinité serait une maladie mentale.

    De là, d’ailleurs, la valorisation de l’androgynie et de tout ce qui, de près ou de loin, favorise la féminisation du masculin et la masculinisation du féminin. On le voit dans la chanson comme dans la mode. Qu’un homme fasse tout pour brouiller les codes du masculin et du féminin et on le célébrera. On y verra un avant-gardiste. On célébrera même son courage : il oserait briser les derniers tabous du vieux monde.

    Mais qu’on se trouve devant un homme à peu près ordinaire, qui se conforme aux valeurs traditionnelles associées à son sexe, on le présentera comme un aliéné, prisonnier d’une culture qui l’opprime. Dans la publicité, l’homme est la plupart du temps présenté comme un incapable et un idiot. Ou alors c’est une brute. On fait même de la virilité un défaut, presque une tare. Le héros du monde ancien, surtout le soldat courageux, est présenté comme un pauvre bougre. Nos pères sont moqués. Et méprisés.

    Que personne ne proteste : on l’accusera de masculinisme.

    Déconstruction

    Il y a derrière cela une folie propre à notre époque : la déconstruction maladive de notre civilisation. On veut détruire les représentations consacrées du masculin et du féminin. On veut déconstruire nos représentations de la culture, de la beauté, de l’identité.

    C’est le culte de la table rase, qui risque de nous laisser un monde en ruine.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Banlieues • Entre le petit « mâle blanc » et les grands blacks, Emmanuel Macron a choisi

     

    Par Catherine Rouvier

    Voici une intéressante et pertinente tribune de Catherine Rouvier, [Boulevard Voltaire, 29.04] sur fond d'intelligence, de subtilité et d'humour, comme à son ordinaire. Catherine Rouvier a participé à quelques unes de nos réunions en Provence. Et nous en gardons un très bon souvenir ...  LFAR 

     

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    Emmanuel Macron a utilisé l’expression « mâle blanc » en évoquant le plan Borloo pour la banlieue. Ce plan serait inapproprié car constituant « l’échange entre deux mâles blancs ». La banlieue, devenue zone « sensible » serait donc devenue si sensible qu’elle devrait être considérée comme une terre à part, domaine des seuls « racisés », interdite aux Gaulois ?

    Yvan Rioufol, sur Cnews, a dénoncé à juste titre cette expression comme favorisant le communautarisme. C’est vrai, mais il y a plus. Cela s’inscrit dans le projet international d’une inversion des rapports de domination. 

    En Europe, le Noir est apparu sous sa désignation grecque de « Maure » (mavros = noir) dès l’Antiquité. Au XIIe siècle, dans La Chanson de Roland, il apparaît sous les traits du roi sarrasin de Saragosse, Marsile. Fin XVIe le modèle d’Othello, le Maure de Venise, de William Shakespeare, est aussi un roi – marocain, cette fois.

    Mais au XIXe, le Noir apparaît comme une victime, celle du commerce d’esclaves avec le Nouveau Monde décrit par La Case de l’oncle Tom, de Harriet Beecher Stowe, ou Les Aventures de Huckleberry Finn et de Tom Sawyer, de Mark Twain. 

    Au XXe siècle, la littérature enfantine de Jean de Brunhoff – Babar– et de Hergé – Tintin au Congo – véhicule une double image. Gentil naïf et drôle, il éveille la sympathie. Cannibale, soumis à un sorcier jeteur de sorts au masque terrifiant, il est ressenti comme une menace.

    Notre XXIe siècle pérennise l’image de la victime – sans-papiers jetés dans des bateaux de fortune au péril de leur vie pour fuir la guerre ou la famine et aborder sur nos côtes – mais lui superpose une image valorisante. Devenu l’unique ancêtre d’une humanité présumée entièrement africaine à l’origine, star multimillionnaire des terrains de foot, pouvant revendiquer le président de l’État le plus puissant du monde comme un des leurs hier, l’accueil par la plus vieille famille régnante de l’État le plus colonisateur de la planète d’une des leurs, le « Noir », aujourd’hui devenu « Eurafricain » ou « Afro-Américain », est passé du mépris à la gloire.

    L’expression « mâle blanc » s’inscrit dans ce contexte. 

    Désormais, en Occident, ce n’est plus le seul Noir qu’on désigne comme présentant une particularité visible le distinguant de l’ensemble de la population autochtone, mais aussi le Blanc. 

    De même, le héros n’est pas seulement Arnaud Beltrame, mais aussi Lassana Bathily, qui a sauvé des otages de l’Hyper Cacher en 2015, ou Mamadou Gassama, qui a sauvé hier un petit garçon menaçant de tomber d’un balcon.

    Entre Borloo, le petit « mâle blanc » rigolard à barbe grise, et les grands blacks intrépides des cités, Emmanuel Macron a donc choisi. La banlieue sera leur affaire. Ainsi se réalisera la « politique inclusive » qu’il a mentionnée lors de la conférence de presse de vendredi dernier en Russie à propos de la Syrie, devant un Poutine dubitatif. 

    Dès 2011, Guy Hagège, dans Le Monde, la définissait comme « un projet universel de personnalisation de la politique » en fonction « des différences de la personne », afin de lui donner « toutes les chances de réussite dans la vie ». À l’époque, la « différence » était le handicap, et cela concernait toute la France.

    Mais en Syrie, comme dans nos banlieues, on peut craindre que cette « politique inclusive » n’implique une reconnaissance, voire une promotion des « différences » ethniques et religieuses qui pourrait mener au séparatisme.

    Ce qui, comme au Kosovo, pourrait favoriser un autre projet universel : le projet postnational.   


    Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

     
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  • Mai 68 • LʼEmpire U.S. contre-attaque [5]

    LʼU.N.E.F. 

    La grande centrale du syndicalisme étudiant français, lʼU.N.E.F., entretenait des « relations bilatérales continues et cordiales »[1] avec lʼUnited National Student Association (U.S.N.S.A.), un syndicat étudiant américain né en août 1947 à Madison, dans le Wisconsin. Ses fondateurs, Alice Horton et Bill Ellis, lʼont créé en vue dʼen faire la branche américaine de lʼUnion internationale étudiante (U.I.E.), première organisation internationale étudiante à voir le jour, le 17 novembre 1946 à Prague, notamment sous lʼimpulsion de lʼU.N.E.F.

    Or, suite au coup de Prague de 1948, Al Lovenstein, président de lʼU.S.N.S.A., organise à Stockholm une conférence qui amène à la création de la Conférence internationale étudiante (C.I.E.). Celle-ci devient ainsi lʼinternationale étudiante pro-américaine quand lʼU.I.E. tend à être son pendant pro-soviétique. À partir de ce moment-là lʼU.S.N.S.A. devient une antenne de la C.I.A., qui sʼen sert pour « obtenir des informations sur les activités internationales des syndicats étudiants »[2] LʼU.S.N.S.A. reçoit de généreux subsides de la part de la C.I.A.  Le service de sécurité extérieure américain « finance secrètement une partie du programme de sa commission internationale. »[3] Son soutien financier sʼélève à 200 000 $ annuels.

    Grâce à cette collaboration, lʼU.S.N.S.A et la C.I.E. disposent de « ressources financières importantes qui leur permettent dʼêtre omniprésentes sur la scène internationale »[4]. Mais cette collaboration suscite un scandale quand elle est révélée publiquement. Jean Lamarre évoque « la divulgation en 1967 par la revue Ramparts du soutien financier que la Central Intelligence Agency (CIA) accordait à lʼU.S.N.S.A depuis le début des années 1950 »[5].

    Dans les années 1960, lʼU.N.E.F., en situation de crise aiguë, avait précisément besoin dʼargent. Ses effectifs avaient fondu, ce qui avait provoqué une situation de banqueroute. Elle était en outre minée par des jeux dʼappareil, entre une aile modérée – lʼentrisme du Parti socialiste unifié (P.S.U.) – et une aile radicale – lʼentrisme trotskiste –.

    La Fédération des étudiants révolutionnaires (F.E.R.) sʼingénia à « provoquer une certaine terreur dans la direction, en faisant, de temps à autre irruption à son siège, 15, rue Soufflot, pour menacer, et parfois molester, ses dirigeants. Peu avant Pâques, la situation est telle que la direction de lʼU.N.E.F. est obligée de se réunir à Bois-Colombes, cité universitaire et à municipalité communiste. Venus saboter la réunion et prendre de force la direction de lʼU.N.E.F., les militants de la F.E.R. tombèrent à la fois sur un service dʼordre policier classique et les ʽʽgros brasʼʼ du P.C.F. La F.E.R. bat en retraite […]. Quelques jours plus tard, à Pâques, la F.E.R. se venge à la Sorbonne, en contraignant Perraud, président de lʼU.N.E.F., à démissionner, ʽʽà cause de sa mollesse, de son incapacité et de ses échecs.ʼʼ À cette occasion, Jacques Sauvageot, vice-président, prend la tête de lʼU.N.E.F., en attendant le prochain congrès prévu alors pour juillet à Caen. »[6]

    Entre temps eurent lieu les événements de Mai 1968, où Sauvageot occupa un rôle majeur puisquʼil fit partie du groupe assurant la direction du mouvement. Il avait obtenu son poste à la tête de lʼU.N.E.F. suite à un coup de pression des trotskistes de la F.E.R., le mouvement de jeunesse de lʼOrganisation communiste internationaliste (O.C.I.), fondé et dirigé par lʼouvrier du livre encarté à F.O. Pierre Lambert (son vrai nom étant Boussel).

    À la fin du mois de mai, la veille du meeting du stade Charléty, F.O., ce syndicat piloté par les Américains, avait participé à la coalition qui avait tendu la main aux trotskistes de la direction du mouvement de contestation dans le but de soutenir le projet de remplacer de Gaulle par lʼ « atlantiste »[7] Pierre Mendès France. Le 27 mai « des ambassadeurs du PSU, de la CFDT, de FO, des ʽʽpersonnalitésʼʼ se sont rencontrés en présence de Mendès. Krivine aurait reçu un carton dʼinvitation. À lʼordre du jour : un gouvernement de transition qui accorderait sa place au ʽʽcourant de maiʼʼ. »[8]

    Alain Krivine appartenait à une autre obédience du trotskisme français que lʼO.C.I. Il animait la Jeunesse communiste révolutionnaire (J.C.R.), « quʼon prononce en Sorbonne la ʽʽJcreuʼʼ »[9], qui avait été fondée le 2 avril 1966. Dans une logique dʼouverture, la J.C.R. incitait ses militants à adhérer également au sein de lʼU.N.E.F. À Nanterre, dʼoù est parti Mai 68 avec le Mouvement-du-22-mars, son représentant est aussi membre de la J.C.R. : « Lʼannexe nanterroise du syndicat étudiant est à peu près aussi déliquescente que le bureau national et nʼattire que les mandataires de factions rivales qui sʼétripent en dʼinterminables assemblées générales où la victoire revient au plus endurant. Le bureau est ʽʽtenuʼʼ par un trotskiste mélomane, Jean-François Godchau, membre de la JCR dʼAlain Krivine. »[10]   

    En réalité, comme lʼaffirme Claude Paillat, durant la crise de Mai, celle-ci a occupé la fonction dʼinfrastructure organisationnelle de lʼU.N.E.F. « Il est évident quʼau cours des événements de mai-juin, lʼU.N.E.F. était tellement désorganisée, affaiblie par ses dissensions, ses dettes, son recul aux élections de facultés, quʼelle nʼétait plus capable dʼassurer la moindre action. Cʼest donc principalement la J.C.R. qui soutient, conseille, prépare le travail de lʼU.N.E.F. »[11] Lors de la création du Mouvement-du-22-mars, puis lors de la première émeute de grande ampleur, le 3 mai à la Sorbonne, J.C.R. et U.N.E.F. étaient effectivement présents.

    On peut noter, enfin, quʼun syndicat étudiant américain autre que lʼU.S.N.S.A, le Students for a Democratic Society (S.D.S.), fondé par Tom Hayden, a concouru à lʼexaltation de la colère étudiante contre le gouvernement quand elle nʼétait quʼà ses prémices. Le 28 mars 1968, le doyen Grappin, à cause de lʼoccupation la tour de la faculté de lettres de Nanterre, décide de suspendre les cours et de fermer pour quelques jours lʼuniversité. Quand Nanterre est rouverte, ils sont mille deux cents jeunes à se rassembler pour écouter Karl Wolf, président de la branche allemande S.D.S., venu soutenir la contestation étudiante.

    Les « enragés » de Mai 1968, qui se réclament du communisme le plus intransigeant, nʼeffrayent en rien les autorités américaines. Ce qui est pour le moins paradoxal. Au contraire elles voient dʼun bon œil cette révolte estudiantine contre le pouvoir gaulliste.

    Vincent Nouzille écrit que « lʼambassadeur Shriver donne pour consigne à ses équipes dʼaller au contact de ce mouvement étudiant imprévisible. Lui-même, un libéral passionné par les courants de protestation aux États-Unis, se rend plusieurs fois rive gauche afin de prendre la mesure des manifestations. La résidence de lʼambassadeur, près de lʼÉlysée, se transforme en lieu de rencontres informelles, ouvert du matin au soir à de longues discussions entre professeurs, étudiants, fonctionnaires du ministère de lʼÉducation et diplomates. Un de ses conseillers, Robert Oakley, est chargé de monter un ʽʽcomité de jeunesseʼʼ parallèle à lʼambassade pour dialoguer avec des leaders étudiants ou politiques »[12]. En quelque sorte un comité de parrainage destiné à la jeunesse contestataire de France, si utile aux Américains, que de Gaulle exaspère au plus haut point.  

    Lʼextrême-gauche

    Lʼalliance entre U.N.E.F. et révolutionnaires professionnels est visible durant la crise de mai-juin 1968. Par exemple, à lʼintérieur du Mouvement-du-22-mars ou lors de la première nuit dʼémeute dans le Quartier latin. Également, lorsque le mouvement sʼessouffle, suite à lʼannonce de la dissolution de lʼAssemblée nationale entraînant la tenue dʼélections législatives ainsi quʼà la grande marche pro-de Gaulle du 30 mai, le syndicat étudiant et les gauchistes entendent continuer les manifestations, dénonçant le principe du vote comme étant le moyen le plus efficace de museler les réelles aspirations populaires, un piège à cons en somme. « LʼUNEF est seule, le 1er juin, à organiser un défilé de Montparnasse vers Austerlitz. La CGT désavoue, le PC aussi, la CFDT sʼexcuse, le PSU se divise. Cohn-Bendit, Geismar, Sauvageot, Krivine, suivis de vingt mille obstinés, traversent le quartier Latin, drapeaux rouges et noirs en tête, et rodent leur nouveau slogan. ʽʽÉlections, tahisons !ʼʼ »[13]   (Dossier à suivre)  

    [1]  Jean Lamarre, « Les relations entre les mouvements étudiants américain et français dans les années 1960. Une méfiance cordiale », Vingtième siècle, n° 129, janvier-mars 2016, p. 130.

    [2]  Ibid., p. 129.

    [3]  Idem.

    [4]  Idem.

    [5]  Ibid., p. 127.

    [6]  Claude Paillat, Archives secrètes. 1968/1969 : les coulisses dʼune année terrible, Paris, Denoël, 1969, p. 67.

    [7]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêves, Paris, Seuil, 1987, p. 555.

    [8]  Ibid., p. 554.

    [9]  Ibid., p. 302.

    [10]  Ibid., p. 389.

    [11]  Claude Paillat, op. cit., p. 59-60.

    [12]  Vincent Nouzille, Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents (1958-1981), Paris, Fayard, 2009, p. 199-200.

    [13]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, op. cit., p. 560. 

     

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