par Louis-Joseph Delanglade
« Où allons-nous ? »
Quand on se saisit du dernier essai de M. Fourquet, analyste politique reconnu, c’est d’abord le bandeau rouge surajouté par l’éditeur (Seuil) qui frappe : « où allons-nous ? ».
A cette interrogation inquiétante sur l’avenir de la France semble répondre par avance le sous-titre affirmatif de l’ouvrage : « naissance d’une nation multiple et divisée ».
Quant au titre, L’archipel français, il évoque de façon métaphorique la réalité d’une France brisée, disloquée, écartelée, que tout le monde connaît. Cartes, tableaux et graphiques à l’appui, sont ainsi rappelées quelques évidences. Celle-ci d’abord, qui ne fait pas forcément plaisir : différents indices (le rapport à la mort, aux animaux, à la sexualité, etc.) montrent la dislocation du « socle judéo-chrétien » et, par voie de conséquence, de la « matrice catho-républicaine » de la France contemporaine. De même, M. Fourquet, en écho au mouvement des Gilets jaunes qui s’en trouve justifié, rappelle la « sécession des élites » : regroupées dans certains quartiers des grandes métropoles urbaines, elles « ignorent » tout simplement la majorité de la population française dite « périphérique ». Mais, au fond, tout cela on le savait et M. Fourquet lui-même en avait parlé dans d’autres ouvrages ou sur les ondes. L’intérêt du livre est ailleurs.
D’abord, M. Fourquet établit que 18% des prénoms donnés en France chaque année sont désormais des prénoms « arabo-musulmans » (au sens large : sont concernés Maghreb, Turquie et Afrique subsaharienne). Or, lui-même cite volontiers MM. Besnard et Desplanques, sociologues : « Un prénom doit permettre de s’identifier à ceux dont on essaie de se rapprocher et de s'éloigner de ceux dont on essaie de se différencier » (Un prénom pour toujours). Se rapprocher ou s’éloigner : voilà qui donne indirectement raison à M. Zemmour, lequel avait reproché en septembre dernier, avec sa franche brutalité mais aussi tout son talent de polémiste, à Mme Sy, chroniqueuse de télévision franco-sénégalaise, de se prénommer « Hapsatou », prénom fort exotique s’il en est.
Ensuite, M. Fourquet contourne l’interdiction des statistiques ethniques. Celles-ci constituent un des tabous du politiquement correct, que M. Lançon définit excellemment comme « une forme de puritanisme renouvelé par les sirènes du progressisme et la colère des minorités » (Le Lambeau). Dans ce contexte, ce 18% a de quoi inquiéter. Il est en effet avéré que, si les courbes démographiques observées depuis l’an 2000 ne s’inversent pas, alors, et mécaniquement par le seul jeu du renouvellement des générations, la proportion des populations d’origine arabo-musulmane sera vite de 20%, puis de 25%, puis de… Certains ont nommé cela « le grand remplacement ».
La France serait donc peut-être en passe de devenir au mieux (?) comme le Brésil, ou même les Etats-Unis ; au pis (?) comme le Liban, ou l’ex-Yougoslavie. Retour donc, in fine, à LA question, celle du bandeau rouge : où allons-nous ? Le 12 mars, les journalistes de R.M.C. qui recevaient M. Fourquet lui ont demandé, dans leur inimitable langue médiatique, « comment, dans ces conditions, faire nation ». Comme s’il y avait un mode d’emploi ou une notice pour procéder au montage de ce qui sera une nation. On avait déjà la nation-contrat, on a maintenant la nation-ikea. M. Goldnadel, présent ce jour-là, a quand même relevé la contradiction quasi-insurmontable soulignée dans le sous-titre de l’essai de M. Fourquet (« naissance d’une nation multiple et divisée »).
On pourrait peut-être espérer pouvoir réconcilier les parties de la population qui ont, malgré tout, encore quelques points de référence en commun - ne serait-ce que la langue, le drapeau, le territoire, ou encore les noms propres, la littérature, la gastronomie, etc. Mais comment se concilier avec une trop grande partie de ceux qui sont venus, d’au-delà des mers et bien récemment, avec d’autres références religieuses et/ou socioculturelles, références qu’ils entendent conserver si ce n’est imposer ? Les promoteurs de l’immigration de masse ont eu raison, semble-t-il, de l’homogénéité ethnoculturelle du pays. Tout n’est sans doute pas encore perdu. Ce qui est sûr, c’est que sur la « dislocation des références culturelles communes », sur les ruines de la France, il y aura(it) on ne sait quoi mais certainement plus la France. ■