La voie étroite
par Louis-Joseph Delanglade
On se rappelle qu’à la suite de l’échec de la conférence de Rambouillet (6 février - 22 mars 1999), l’Otan avait déclenché une campagne de frappes aériennes pour faire plier la Serbie et lui faire accepter l’inacceptable indépendance du Kosovo.
Preuve était faite que l’organisation, ayant perdu son essentielle raison d’être depuis la fin de l’Union soviétique, n’était plus qu’une force au service de la politique étrangère américaine. Dix ans après, M. Sarkozy, dit « l’Américain », commettait la faute impardonnable, puisque rien ne le justifiait au regard de notre intérêt national, de nous faire revenir dans le commandement intégré de l’Otan.
Aujourd’hui, ironie de l’Histoire, voilà que les Etats-Unis, par la bouche de leur erratique président, semblent remettre en cause leur propre appartenance à l’Otan. Cette organisation, ce sont les Etats-Unis plus vingt-huit autres Etats membres. Les arguments comptables de M. Trump sont parfois contestables mais, finalement, il est exact que ce sont bien les Etats-Unis qui financent l’Otan pour l’essentiel (25% du budget de l’organisation et jusqu’à 70% de ses dépenses d’intervention). Arguant de cet état de fait, M. Trump vient donc d’évoquer la possibilité d’un retrait pur et simple si les autres membres ne se décident pas à payer davantage. Cela aurait pour première conséquence de laisser les Européens en tête-à-tête avec la Russie de M. Poutine : inutile de préciser que cette perspective ne déclenche pas de ce côté-ci de l’Atlantique les habituelles moqueries médiatiques à l’encontre du président américain. Il s’agirait en fait d’un véritable séisme géopolitique résultant de la simple mise à nu de la vérité : il n’existe pas de défense européenne, l’Union ayant toujours été incapable de sortir de sa matrice commerciale et financière. Plus de « parapluie nucléaire » américain donc, sauf pour la France et la Grande-Bretagne.
Il faut toutefois comprendre que cet éventuel retrait américain, ou pas, de l’Otan est l’option basse et qu’existe aussi une option haute car, avec M. Trump, les choses ne sont pas aussi simples que peuvent le penser les simplistes commentateurs de la presse française. En réalité, en bon manager, M. Trump menace un peu pour peut-être obtenir encore plus : il vient en effet d’annoncer également son intention de relancer la fameuse « guerre des étoiles », cette idée de feu M. Reagan, abandonnée après la chute de l’URSS car jugée chère et inefficace. Ce serait la seule option stratégique propre à protéger efficacement les Etats-Unis et… les alliés qui accepteraient de payer encore davantage que pour la seule appartenance à l’actuelle Otan. Option basse ou option haute, l’alternative pour la France est la même : en passer par les exigences de M. Trump ou envisager une solution plus conforme à l’idée que nous pouvons nous faire de l’indépendance nationale.
La voie est étroite et c’est au pouvoir politique qu’est dévolue la tâche essentielle de conjuguer au mieux alliances et souveraineté. Pour l’instant, l’Allemagne reste l’horizon indépassable de l’Elysée. M. Macron retrouvera ainsi Mme Merkel à Aix-la-Chapelle, demain, 22 janvier, pour la signature conjointe d’un nouveau traité franco-allemand, cinquante-six ans après celui de l’Élysée (on n’a pas beaucoup avancé depuis). Ce énième traité est très critiqué alors qu’on nous le certifie avant tout « symbolique » ; sa seule innovation résiderait dans la création d’un Parlement franco-allemand, un parlement sans pouvoir (tant mieux) mais un parlement de plus (à quoi bon ?). M. Macron devrait au plus vite se rappeler que, s’il n’est ni Jupiter ni Louis XIV, il reste le chef de l’Etat français et qu’à ce titre il est le chef des armées et le décisionnaire ultime et quasi monarchique en matière de dissuasion nucléaire, ce qui l’ « oblige » en quelque sorte. ■