UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Actualité France - Page 360

  • Régime des partis : Le sens du vote Fillon

     

    par Hilaire de Crémiers 

    Le vote Fillon a rallié toute une France que tout le système politico-médiatique voudrait ne plus voir apparaître. Il est le signal d’une dynamique nouvelle. Toute la question est de savoir si elle pourra aboutir.

     

    2771589182.jpgLa droite catholique a voté. Tout le monde en convient. C’est le signe le plus clair des primaires de la droite. Suivant la rumeur qui s’amplifia soudain dans le corps électoral, selon aussi les consignes données sur les réseaux sociaux et sous des instigations qui se devinent, elle s’est portée sur François Fillon.

    Il s’agissait de faire barrage à Alain Juppé et à Nicolas Sarkozy : le vote utile, comme on dit toujours. Tout aussi bien ces voix auraient pu se porter sur Jean-Frédéric Poisson, quant aux convictions profondes. Il était le seul « affiché » catholique ; le mécanisme institutionnel est tel qu’il rend impossible un vote franc et massif de conviction. Les électeurs en sont réduits à faire un choix « contre ».

    Mais il est certain que derrière un tel vote, il y a un choix « pour ». « Pour » l’ordre, « pour » une restauration de l’autorité et des libertés, « pour » la vie, « pour » les familles, « pour » un redressement. Et ce vote « pour » a fait peur aux tenants du système, mot simple mais qui n’est équivoque pour personne.

    La pression dès la fin du premier tour a recommencé à s’exercer. Après le second tour il est à prévoir que ce sera pire et plus sournois. François Fillon est sommé à chaque instant, qu’il le veuille ou non, de s’expliquer sur l’avortement, sur les droits de la femme, sur ses liens supposés avec la droite catholique, voire avec l’extrême droite, sur son amitié avec Poutine, sur son libéralisme qualifié de radical.

    On feint de croire Fillon en rupture avec le système. Il a beau dire que ce n’est pas le cas, confirmer qu’il a voté toutes les lois sur l’avortement, celles qui vont le plus loin, ajouter qu’il n’est pas question pour lui de remettre en cause la loi Taubira, préciser qu’il ne touchera pas à l’organisation sociale, il est soupçonné d’intentions perverses par tous les défenseurs patentés des « valeurs républicaines ».

    L’ignoble chantage

    Les chiens aboient et vont aboyer encore plus fort. Il devra de plus en plus attester publiquement de sa soumission aux normes de la classe politique et médiatique. Lui sera refusée même la réserve la plus intime sur ses convictions les plus personnelles, philosophiques comme il dit, ou religieuses. à ce prix il sera le candidat de toute la droite ou prétendue droite et du centre. Es-tu « catho » ou non ? Es-tu « républicain » ou non ?

    Telle est encore aujourd’hui la vraie question. C’est intéressant de le noter. En dépit de tous les ralliements cléricaux à la République. Nos institutions n’en sortent pas et c’est la raison, la seule et vraie raison, pour laquelle Juppé était placé en tête dans les prévisions du premier tour.

    Tout le monde le pensait tant c’était l’homme des appareils et des habitudes du système. Les pronostics ont été déjoués, manifestation une fois de plus éclatante de l’appel profond d’une France humiliée et outragée vers l’homme d’État attendu pour une vraie rupture et qui, lui, ne décevrait pas. Tel est le sens du vote Fillon. Qui ne le sait, mais qui ose le dire ? Lui-même, cerné qu’il va être, que peut-il faire ? Faire était le titre de son opuscule de campagne.

    Soit ! Mais faire quoi au juste ? S’il doit d’abord adhérer à toutes les inepties qui font le contrat social de la politicaillerie au pouvoir et s’abaisser devant les criailleries des médias, s’il ne peut réclamer une vraie politique familiale, réanimer une morale publique, dire « non » à l’Europe de Maastricht et de Lisbonne, renouer avec notre histoire nationale ? N’a-t-il pas déjà trop acquiescé ? Un chef de l’État doit, d’abord, être libre. C’est la première chose qu’il eût fallu déclarer à la primaire. Au lieu de discuter sur l’âge auquel un enfant doit être orienté. De minimis non curat praetor.

    Ce que vit la France est typique. Tout est fait pour que Fillon ne soit un « dur » qu’en apparence. L’idée est de faire en sorte qu’il soit trop lié au système pour se permettre de rompre avec lui. Or, les primaires ont révélé une France en réalité très « à droite » selon les classifications habituelles des analystes politiques, c’est-à-dire de plus en plus soucieuse de son identité historique, attachée à ses familles, alors que tout est entrepris pour les démolir, inquiète pour son patrimoine, pour ses villages, sa ruralité, ses industries, pour la convivialité de ses villes, pour sa défense et sa sécurité, cherchant un avenir dans un ordre retrouvé.

    Fillon a donné l’impression de partager ses manières de voir et de sentir. Il a rallié naturellement toute cette France qui croit encore en la France. Mais c’est cette France que tout le système politico-médiatique ne veut plus voir apparaître ; il la pensait morte et enterrée. Elle ne l’est pas ; elle ne l’est jamais.

    C’est un très bon signe. Fillon devrait normalement en faire partie, ne serait-ce que par ses attaches familiales. Le vote en sa faveur n’est dû qu’à ce sentiment. La contrainte du mécanisme institutionnel risque de tout fausser. Déjà, sur le plan public – et pour avoir la paix –, il a remisé tout ce qui aurait pu le distinguer fondamentalement des autres.

    La croisée des chemins

    Il a si bien compris, senti même l’impasse où le mènent de telles élections, trop partisanes pour lui donner les coudées franches, qu’il se contente d’axer sa volonté de réforme essentiellement sur l’économie. Alors qu’un Trump a réussi à obtenir une liberté d’action, Fillon sait très bien comment et pourquoi il sera contrecarré. Il connaîtra très vite les limites de sa stratégie : tous ses projets seront bloqués, aussi bien à la base qu’au sommet, du côté européen comme du côté prétenduement social français.

    D’autant plus qu’il est maintenant probable qu’il sera le candidat républicain face à Marine Le Pen et qu’après avoir droitisé son discours, il sera obligé de le gauchir. D’où, pour se distinguer et pour tenter de se libérer, sa volonté de procéder par ordonnances sur ses priorités. Imagine-t-on les difficultés qu’il va rencontrer ?

    Un État en faillite, des administrations qui n’obéissent plus, une Europe qui lui mettra des bâtons dans les roues, un esprit public qui se salira et qui ne correspondra plus à l’élan patriotique et pur qui l’a soutenu aux primaires, l’immigration sauvage, le terrorisme islamique et, pire que tout, un monde politicien et médiatique assoiffé de pouvoir et de vengeance.

    « La France est poignarde », disait Maurice Barrès. Ce qui veut tout dire, surtout aujourd’hui. Guillaume Bernard dans son livre La guerre à droite aura bien lieu (Desclée de Brouwer), montre parfaitement ce qu’il appelle « le mouvement dextrogyre », c’est-à-dire ce besoin d’ordre, de sécurité, d’autorité, qui repousse maintenant vers la gauche les idées et les mouvements politiques dont l’inspiration puise encore aux sources des vieilles idéologies du xixe et du xxe siècles.

    Robert Ménard, le maire de Béziers qui, lui, n’a peur de rien, dans son Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir (Pierre-Guilaume de Roux) explicite en termes simples et clairs les mesures sages qui s’imposent de toute évidence aujourd’hui, en réduisant les fausses objections à ce qu’elles sont en réalité : des « mots » qui permettent à des politiciens, à des journalistes, à des fonctionnaires sans responsabilité réelle, de faire semblant d’exister. Fillon ou pas Fillon, le jour viendra du choix crucial : « pour » ou « contre » la France.   

    Politique magazine - Consulter ... S'abonner ...

  • Rencontre : Quand l'Histoire de France transcende la vie politicienne ...

     

    3578948983.jpgLa rencontre qu'illustre cette photographie date de 2008 et se situe à Québec où le prince Jean de France s'était rendu pour le 400e anniversaire de la fondation de la ville, comme descendant des rois de France.

    Le Prince y avait rencontré l’ensemble de la délégation française présente aux cérémonies. En particulier, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Paul Huchon alors président du Conseil Régional d’Ile de France, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale et Ségolène Royal. Mais aussi François Fillon, premier ministre,  qui lui a présenté les personnes qui l’accompagnaient.

    Il faut dire que lors de ces rencontres, c’est vers le Prince que convergent les regards et le mouvement de tous ceux qui veulent venir le saluer.  

    Ainsi, l'Histoire de France transcende toujours la vie politicienne, à plus forte raison en la présence du Prince qui l'incarne plus et mieux que tout autre.

    Les choses ne nous semblent guère changées aujourd'hui que François Fillon brigue la présidence de la République, lui qui constatait il n'y a pas si longtemps « toute l’ambigüité d’un pays qui a guillotiné un roi et qui n’a qu’une envie : le remettre sur le trône  » [Entretien au JDD  en septembre 2015]. Nous lui laissons la responsabilité de son propos.  LFAR  •

  • « Le coup de la courbe » : la manipulation des chiffres du chômage décryptée par Nicolas Doze

     

    Mur-bleu gds.jpgCe qui compte vraiment ce ne sont pas des chiffres, sortis régulièrement, mais truffés d'effets trompeurs ; des chiffres qui, d'ailleurs, opposent entre eux l'INSEE et Pôle Emploi, qui, visiblement, ne vivent pas sur la même planète !

    François Hollande s'accroche à une « courbe du chômage » dont il veut à tout prix faire croire qu'elle s'est inversée, alors que, quels que soient les chiffres (Pôle Emploi ou INSEE) on est entre 150.000 et 600.000 chômeurs supplémentaires par rapport au début du quinquennat.

    Mais les vrais problèmes, les vraies questions ne sont pas là : Nicolas Doze les pose crument, et, bien sûr, les poser c 'est y répondre :

    a-t-on fait vraiment quelque chose de sérieux ou pas depuis 5 ans en matière de chômage ?

    a-t-on commencé ou pas à mettre en place une vraie politique de l'emploi ?

    a-t-on commencé ou pas à s'intéresser au vrai problème de fond qui est celui de l'échec scolaire ?

    est-ce que quelque chose a été engagé pour prévoir ce que va être la mutation du salariat ?

    Et deux ou trois autres choses encore...

    Que pèsent, face à ces questions fondamentales, qui ne reçoivent que des réponses négatives, les pitoyables déclarations de satisfaction au sujet des « derniers chiffres u chômage » ?  

     

  • Le mouvement perpétuel

     

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

     

    Ce n’est certes pas le « fameux trois-mâts » de la chanson, mais plutôt, à en juger par la photo, le Karaboudjan du capitaine Haddock. L’Aquarius, ce « navire humanitaire » affrété par l’association « citoyenne » européenne SOS Méditerranée n’en finit pas de procéder à des sauvetages au large des côtes libyennes. La ficelle est un peu grosse : des dizaines de milliers de migrants, les uns faute de pouvoir transiter par la Turquie et la Grèce aussi facilement qu’avant, les autres parce qu’ils remontent de l’Afrique occidentale, prennent le risque, qu’ils ne peuvent plus ignorer, de se noyer en Méditerranée, sachant qu’ils ont quand même une chance d’arriver jusqu’en Italie, sauvés par les « humanitaires » européens. Ainsi se trouve avérée la faillite totale de l’Europe dite de Schengen : incapable de contraindre l’Aquarius à ramener les malheureux rescapés à leur point de départ, donc incapable de sécuriser nos frontières face à la vague migratoire. Qu’on sauve les gens, soit, mais pourquoi les débarquer en Europe où ils n’ont rien à faire ?

     

    De Lampedusa où on les débarque le plus souvent, la plupart vont remonter jusqu’à la frontière française. Et là, ça recommence. Empêchés de passer par Menton, ils tentent de s‘infiltrer clandestinement par la vallée de la Roya. Ils ne risquent plus la noyade mais, paraît-il, souffrent des conditions climatiques. Aussi, à l’instigation de la Ligue des Droits de l’Homme et d’Amnesty International, s’est créée « l’association » Roya Citoyenne qui entend  « défendre les intérêts des citoyens du monde » - comprenez : qui favorise l’entrée en France des migrants clandestins et indésirables. Deux de ses membres, MM. Herrou et Mannoni, se sont donc retrouvés devant le tribunal de Nice. Gageons que, s’ils sont condamnés, ils auront droit à tout le soutien moral, financier et médiatique possible. En tout cas, grâce à ces messieurs, voici nos migrants en Gaule.

     

    En Gaule justement, le gouvernement, incapable donc de contrôler au mieux les frontières nationales, vient d’avoir une idée lumineuse : une aide exceptionnelle au retour pour « faciliter les départs de France des ressortissants étrangers, en situation irrégulière, qui souhaitent rentrer dans leur pays ». Cette prime de Noël de 2500 € à tout clandestin acceptant de repartir « volontairement » est majorée d’une aide de 10000 € « pour la réinsertion sociale, l'emploi ou la création d’entreprise ». On nous explique que cela coûte moins cher qu’une reconduite forcée, laquelle nécessite une démarche judiciaire et un accompagnement physique très onéreux. Que voilà de la bonne politique ! D’autant que l’ « humanisme » est sauf car, si le clandestin veut rester, pas de problème : une association « citoyenne » sera toujours là pour lui faciliter le séjour et culpabiliser le Gaulois raciste qui s’en tire déjà trop bien en ne finançant pas par ses impôts un retour à 12500 €.

     

    Et si le clandestin, sauvé par le Karaboudjan, pardon l’Aquarius ; infiltré par les valeureux guérilleros de La Roya ; dédommagé, c’est la moindre des choses, par le contribuable français ; si, donc, il revient ? Tout est en place, semble-t-il.  • 

  • Primaire tragique à Droite : deux morts

     

    Mur-bleu gds.jpgOn nous annonce le décès politique brutal, survenu à une semaine d'intervalle, et dans les mêmes circonstances de Nicolas Sarkozy et d'Alain Juppé.

    Le premier est politiquement décédé le dimanche 20 novembre en début de soirée, le second exactement une semaine après, toujours vers la même heure et dans les mêmes conditions : le grand rallye de la Primaire de la Droite et du centre aura donc été doublement meurtrier, pour sa première édition...

    Ni fleurs ni couronne ; Lafautearousseau ne reçoit pas les condoléances à cette occasion ; par contre, les dons (par chèque ou Paypal) continuent d'être reçus, selon les formes habituelles... 

  • Éric Zemmour : « Fillon et Juppé, deux candidats à contretemps »

    Le drapeau d'une UE qui a failli toujours de rigueur ...

     

    3578948983.jpgFrançois Fillon est donc le grand gagnant de la primaire de la droite face à Alain Juppé. Éric Zemmour analyse dans cette vidéo leurs faiblesses respectives. [RTL, 24.11]. Mais, par définition, ce sont désormais celles de François Fillon qui nous intéresseront surtout. Est-il simplement – différemment mais comme Juppé - à « contretemps » ? N’est-ce pas là raisonner en termes trivialement opportunistes ? Zemmour pense plutôt que le thatchérisme dont se réclame Fillon ouvrait une ère résolument libre-échangiste, euro-mondialiste, aujourd’hui révolue. Theresa May au Royaume-Uni, après le Brexit, relance l’industrie britannique par le plan et la préférence nationale, que Trump appliquera aussi, en y ajoutant une politique de grands travaux. Le retour des nations et des protectionnismes subséquents rendrait ainsi le libéralisme de Fillon obsolète et contre-productif. Zemmour, à cet égard, a certainement raison. Mais, pour notre part, nous persisterons à penser que la principale faiblesse de Fillon s’il devait devenir président de la République, sera, comme pour ses prédécesseurs, d’ordre systémique. Ce qu’il pourrait y avoir de bonnes intentions ou d’utiles mesures dans son programme sera annihilé et corrompu au fil de quelques courts mois d'exercice, par les jeux politiciens et les mécanismes du Système. Hélas, Fillon ou non, la bonne République n’est pas pour demain.  Lafautearousseau     •

     

     

    Le résumé de RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge

    Pour Éric Zemmour, « c’est Ali Juppé qui a perdu la primaire : l'homme de l’identité heureuse, d’un multiculturalisme qu’il voulait croire pacifié, des accommodements raisonnables avec l’islam ». Alain Juppé était « à contretemps », selon lui. « Son optimisme et sa foi dans un islam modéré sonnent faux aujourd'hui à l’oreille d'une majorité de la population. Le rejet est massif chez les électeurs de droite », décrypte le journaliste, selon qui « en politique, les fautes de temps sont mortelles ».

    À ses yeux, François Fillon « aussi est à contretemps ». Éric Zemmour évoque même un « contretemps historique », puisque « sa révolution thatchérienne a trente ans de retard ». Il note que « le programme économique de Fillon va vite apparaître anachronique. Une spécialité des dirigeants français, et depuis des décennies ».

    « Ces erreurs de pilotage ont été payées durement par les vaincus de la mondialisation, ouvriers, employés, chômeurs, jeunes non diplômés. Tous ceux qui ne sont pas venus à la primaire », analyse le journaliste.

     

  • Histoire & Actualité • Juppé : la revanche de Lecanuet

    Alain Juppé entre dans l'isoloir, novembre 2016. SIPA

     

    Par Philippe de Saint Robert

    Il s'agit ici, au fond, de dire ce qu'il faut penser de l'attachement à la souveraineté française des Républicains et de ceux de leurs dirigeants qui se réclament du gaullisme. Alain Juppé notamment. Philippe de Saint-Robert le fait [Causeur, 24.11] avec sa grande connaissance de l'histoire politique et des dossiers, sa clairvoyance et sa hauteur de vue habituelles.  Lafautearousseau

     

    1874533558.jpgIl est des phénomènes singuliers qui méritent qu’on s’y attarde. La presse française continue, tout uniment, de qualifier de « gaulliste » la droite dite « républicaine », à savoir « Les Républicains », continuateurs de l’UMP, elle-même continuatrice du RPR, lui-même héritier de l’UNR, et ainsi de suite. Ces volte-face successives sont matière à perplexité : ces gens-là savent-ils encore d’où ils viennent et qui ils sont ?

    Le tournant décisif a été pris lors de l’invention de l’UMP, fabriquée de toute pièce pour absorber un courant centriste qui l’a absorbée lui-même, achevant l’irrésistible aggiornamento décrété peu avant par Alain Juppé : il s’agissait de rejoindre, toute honte bue, les positions centristes sur l’Europe, afin de… faciliter l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée (je pense qu’il s’en serait passé).

    Il y a deux ans, en novembre 2014, Alain-Gérard Slama voyait encore en Juppé et Sarkozy « les deux faces du gaullisme » au terme d’une stratégie qu’il illustrait ainsi : « la philosophie qui sous-tend cette stratégie n’a de sens, face à une extrême droite capable de se hisser de nouveau jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, que si le président élu au suffrage universel s’oblige à gouverner au centre ». Du giscardisme pur et simple, bonjour le gaullisme !

    Sarkozy n’a pas trahi le gaullisme, il n’a jamais été gaulliste

    On ne reproche pas à Sarkozy d’avoir trahi le gaullisme, puisqu’il n’a jamais été gaulliste. A peine élu, il réintègre la France dans le commandement militaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, puis il va s’incliner devant Bush fils en fin de mandat pour lui exprimer ses regrets que la France n’ait pas participé à sa guerre de 2003 contre l’Irak (il s’est rattrapé depuis en Libye). Il fait enfin ratifier par le Congrès un traité de Lisbonne qui est la copie conforme de la pseudo-constitution européenne rejetée en 2005 par 53 % des Français.

    Le cas d’Alain Juppé est plus trompeur dans la mesure où, lui, s’affirme « gaulliste ». C’est du moins ce qu’il prétend encore dans un entretien accordé à Valeurs actuelles : « Je suis libéral, social et gaulliste ». Cela ne mange pas de pain, encore que le gaullisme soit plus colbertiste que libéral. Mais, dans le libéralisme, on peut mettre tout et son contraire. Dans L’ennemi des lois, Maurice Barrès (que je cite pour faire enrager Manuel Valls) fait dire à Saint-Simon (le neveu) : « Le but apparent des chefs du parti libéral, c’est la suppression des abus, mais leur but réel est de les exploiter pour leur propre avantage. »

    « Social » est un aimable euphémisme qui se prête à toutes les bonnes volontés. De Barroso à Juncker, on a fabriqué une Union européenne structurellement néo-libérale. François Mitterrand lui-même a échoué à mettre du « social » dans le traité de Maastricht, voté par Jacques Chirac à l’instigation d’Alain Juppé. On attend le projet de ce dernier pour réformer l’Union européenne…

    L’Europe d’Alain Juppé est celle de tous les centristes

    En effet, est-ce que, dans la confession d’Alain Juppé à Valeurs actuelles, il ne manque pas précisément quelque chose ? L’Europe, dont la construction ambiguë fut une constante préoccupation du général de Gaulle, sans qui le traité de Rome ne fût jamais entré en application. S’il y a bien une « doctrine » du gaullisme, c’est le rejet irrévocable de toute supranationalité. Et qu’on ne nous parle pas de « souveraineté partagée », c’est blanc bonnet et bonnet blanc, et conduit immanquablement à un fédéralisme dont les peuples ne veulent à aucun prix.

    L’auteur de l’entretien, dont le nom ne fut pas précisé, aurait tout de même pu poser à Alain Juppé la question de sa conception de l’Europe. Le sujet devait paraître trop délicat. Car, en 1993, dans son ouvrage, La tentation de Venise, Alain Juppé étale pourtant une conception de l’Europe qui est celle de tous les centristes, héritiers politiques et spirituels de Jean Lecanuet, qui fut un bien pire adversaire du général de Gaulle que François Mitterrand. Il est vrai que les arguments ne volent pas très haut : de quoi, nous dit Alain Juppé, aurait eu l’air Jacques Chirac devant Kohl et Blair s’il avait fait voter contre le traité de Maastricht ? Il est vrai que depuis, Theresa May nous a libérés du souci que nous aurions pu avoir de déplaire à Tony Blair.

     

    Il y a dans La tentation de Venise des passages cocasses, comme celui où l’auteur s’en prend à la saisine du Conseil constitutionnel contre le traité de Maastricht par les « parlementaires qui ont signé le dernier recours de Pasqua au Conseil constitutionnel : leur moyenne d’âge est de soixante-sept ans ! » On est heureux de savoir que ce qui était rédhibitoire en 1993 ne l’est plus en 2017…

    Juppé l’Américain ?

    Dans le domaine de la politique européenne, Alain Juppé s’est beaucoup trompé. En 1996, alors Premier ministre, dans un opuscule intitulé Entre nous, il écrivait, impérieux : « Il faut avoir le courage de ses opinions. Refuser la monnaie européenne, c’est accepter la domination du dollar et la toute-puissance des marchés financiers. » Il ajoutait : « C’est la conviction du Président de la République [Jacques Chirac] et celle d’hommes aussi différents que René Monory, Raymond Barre, Edouard Balladur et, s’ils n’ont pas changé d’avis, Jacques Delors (« la monnaie unique sera un véritable tigre dans le moteur qui va entraîner la démocratie en Europe », 12 décembre 1992), Laurent Fabius (« le meilleur porteur de croissance dont puisse se doter la France », 6 mai 1992) ou Michel Rocard (« le gage de plus d’indépendance », 2 septembre 1992). Cela fait du beau monde ! » Les politiciens sont des amateurs irréformables de carabistouilles.

    L’Europe de Jean Lecanuet, c’est celle de Jean Monnet, c’est celle de Jacques Delors, c’est celle de François Bayrou. Tout ce « beau monde » n’a pas mis le moindre tigre dans notre moteur. C’est au contraire l’Europe voulue par les Américains pour l’assujettir en tout à leur politique mondialiste, telle qu’on la voit se projeter à visage découvert dans le projet de traité transatlantique de libre-échange. Ce « partenariat » est vu partout, même en Allemagne, comme un cheval de Troie pour la puissance hégémonique américaine. Il est consternant qu’aucun des actuels candidats à la présidence de la République n’ait exprimé la moindre référence ni réserve à cette ultime menace portée à notre encontre par les pseudo-négociateurs de la Commission européenne. Ils avaient pourtant là une excellence occasion de se racheter. 

    Philippe de Saint Robert

    écrivain, ancien Commissaire général de la langue française. Dernier ouvrage paru : Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, CNRS éditions, 2010.

    Rappelons qu'en début d'année, Philippe de Saint-Robert nous avait adressé ce simple message « Bravo pour votre site et, surtout, continuez ». Nous en avions été touchés et honorés.

  • Médias • Débat Fillon-Juppé : Misère du journalisme politique ... Mutez-les au service des sports !

     

    Par David Desgouilles

    Qui pointe ici et moque avec talent la nullité du journalisme politique, tel que le dernier débat Juppé-Fillon l'a de nouveau démontré [Antidote, 25.11]. Si le débat entre les deux finalistes fut soporifique, ce n'est pas seulement parce que Juppé et Fillon ont été sur la défensive. La mise en scène grotesque du duel avait de quoi exaspérer. Le fait n'est pas anodin ou sans importance : l'inculture et la prétention des journalistes en lice pour de tels débats contribue à abaisser davantage encore s'il se peut le politique et ses acteurs. Théoriquement des hommes d'Etat, qui devraient se comporter et être traités comme tels. Ce n'est pas le cas. David Desgouilles a bien raison de le signifier aux uns et aux autres.  LFAR

     

    2504575220.pngDepuis quelques années, notre consoeur Natacha Polony fustige le journalisme politique qui tend à ressembler au commentaire sportif. Jamais elle n’aura eu autant raison qu’à l’occasion de ce débat. Tout y était. Pour ma part, j’étais sur France 2 et j’ai eu l’impression dès le début qu’on allait assister à la finale de coupe du monde. L’arrivée des joueurs au stade. Ouf, ils n’avaient pas leur casque sur les oreilles, les supporters n’aiment pas ça. La reconnaissance de la pelouse, c’est important. Les allers-retours avec le plateau, et les consultants qui nous expliquent qu’un tel a de l’avance sur l’autre au classement. Que le second doit « tout donner » pour faire son retard. On s’enquiert de la forme des joueurs. On s’interroge sur le rythme du match qui s’annonce. Viril ? Musclé ? Attentiste ? Un petit tour vers les reporters présents parmi les supporters des deux équipes. L’ambiance est là. Cela manque tout de même de drapeaux et de cornes de brume. Retour sur le plateau. Le vieux consultant FOG est là qui analyse le jeu des deux protagonistes. Si FOG est là, c’est que le match est sérieux. Du niveau d’un Brésil-Allemagne.

    Mais le débat commence, et on est déçu… Presqu’aussi ennuyeux que le premier match. Les équipes sont défensives. Quelques tacles virils mais corrects. L’avant-match nous avait promis une finale de coupe du monde, et on a droit à un Créteil-Belfort. D’un coup, on prend l’envie d’aller à la buvette. Et on épargne le résumé du match au lecteur. Parce qu’il va lire ce texte certainement de bon matin, et qu’il ne faut pas le rendormir.

    On en arrive donc à l’après-match. Des reporters partout, encore une fois. Au bord du terrain, pour recueillir les impressions des joueurs. Ont-ils le sentiment d’avoir bien joué ? Tel Didier Deschamps, ils esquivent les questions et font montre de langue de bois. Et retournent aux vestiaires. Formidable scoop : l’un des reporters parvient à obtenir la réaction de l’épouse d’un des deux joueurs vedettes. Isabelle a apprécié le jeu d’Alain, on s’en doute. Retour plateau. On refait le match, mais manque Eugène Saccomano. Il faut bien reconnaître que Nathalie Saint-Cricq n’a pas les qualités de l’ancien commentateur de RTL et Europe 1. Qui a bien joué ? Qui a gagné ? FOG cause tactique. Il appelle ça « méthode » mais c’est de la tactique.

    On en arrête là. On se demande si tous ces gens sont conscients du ridicule de leur mise en scène. Sont-ils dupes ? Qu’on se rende compte ! La moitié d’un journal télévisé, la suppression de « Parents mode d’emploi » qui a peiné ma fille cadette, pour un débat qui concerne quatre millions de personnes alors que 41 millions d’électeurs ont dédaigné cette primaire dimanche dernier. Ils vont faire quoi, lorsque ce sera la vraie finale de la vraie élection présidentielle, en mai prochain ? Prendre l’antenne à huit heures du matin ? Accompagner les joueurs dans leur échauffement ? Les interroger depuis leur salle de bain ? Aligner les débats à quatre, à cinq, à sept commentateurs en plateau, jusqu’au soir ? Suivre les véhicules des finalistes avec motos sous les vivas des supporteurs ? Sont-ils à ce point conscients du dédain qu’inspire la politique aujourd’hui, pour oser mise en scène si consternante ? Poser cette question, c’est y répondre. Le journalisme politique et le journalisme sportif ont aujourd’hui complètement fusionné.   

    David Desgouilles

    Blogueur et romancier. Il est membre de la rédaction de Causeur. Il a publié Le bruit de la douche, une uchronie qui imagine le destin de DSK sans l'affaire du Sofitel (éd. Michalon, juin 2015). Son prochain roman de politique-fiction, Dérapage, paraît le 11 janvier 2017 aux éditions du Rocher.

  • Société & Régime des partis • Juppé réveille la meute

     

    par Louis Vick 

    En portant le débat sur des sujets clivants, Alain Juppé tente de réunir les voix manquantes à gauche pour emporter la primaire des partis LR-UDI-PCD. 

    Le 21 novembre, Alain Juppé dénonçait une « vision extrêmement traditionaliste » de son concurrent François Fillon, qui siégeait pourtant dans le même gouvernement il y a cinq ans.

    Le 22 novembre, il demandait soudainement à l’ancien premier ministre de Sarkozy de « clarifie[r] sa position sur l’avortement », mettant dans l’embarras celui qui a bénéficié au premier tour des voix massives des militants ‘Manif pour tous’. Puis il dénonçait sans les préciser des « soutiens d’extrême-droite » de l’ex chef du gouvernement.

    Dans la foulée, des médias tels Libération et L’Obs attaquaient violemment François Fillon, ne laissant guère de doute sur leurs intentions pour le second tour de la primaire. Et Le Monde relayait amplement les polémiques.

    Le temps est compté pour Alain Juppé, mais la technique pourrait s’avérer payante. En dressant des épouvantails encore actifs pour une partie de l’électorat, en s’étant assuré le soutien préalable des populations immigrées par ses prises de positions (poursuite de l’immigration, soutien à l’UOIF), Alain Juppé pourrait remonter au second tour.

    Le premier épisode de la primaire l’a prouvé : dans un scrutin à faible participation ouvert à tous, le moindre déplacement électoral peut faire basculer les résultats.

    François Fillon l’a peut-être compris. Malgré les 44% obtenus dimanche dernier, il appelait le 22 novembre ses soutiens à poursuivre la mobilisation en vue du second tour. 

    Politique magazine - Consulter ... S'abonner ...

  • Livres & Société • Éric Zemmour : « De la liberté à la mort »

     

    Par Eric Zemmour    

    Quand le désir gouverne nos vies de façon tyrannique et nous empêche de restaurer nos libertés politiques : Zemmour commente ici le dernier ouvrage d'Hervé Juvin. Un essai décapant, selon Figarox [23.11]. Bien au delà, comme Mauuras et toute l'école contre-révolutionnaire, Zemmour pointe, avec Hervé Juvin, l'origine révolutionnaire d'un certain capitalisme affranchi de tout lien politique et, comme Buisson, il décrit les derniers avatars désastreux d'un cycle - aujourd'hui en échec - qu'il fait remonter aux Lumières. Houellebecq les dit éteintes. Patrick Buisson les répute finissantes. Et voit l'éclosion d'un nouveau cycle de long terme que marque le retour des nations, des peuples et des racines, la fin de la fin de l'Histoire. L'expression est de Finkielkraut. Ce faisceau de réflexions convergentes devrait nous intéresser au plus haut point. Hervé Juvin, suivi par Lafautearousseau depuis plusieurs années, y a toute sa place. Utile et éminente.   Lafautearousseau  

     

    picture-1649413-612mqxqb.jpgIl n'a rien vu venir. Mais il ne fut pas le seul. Quand Hervé Juvin se remémore les premiers émois de la « libération sexuelle » dans les années 1970, quand il évoque la frénésie des rencontres, l'ouverture fascinante des possibles, où même les débuts artisanaux et joyeux des premiers films pornographiques, on sent bien que la nostalgie désillusionnée se mêle sous sa plume à la rigueur de l'analyse. Mais voilà, il est difficile de ne pas constater que l'artisanat est devenu industrie, que la libération sexuelle, loin d'accomplir la révolution annoncée, a « marché main dans la main avec le libéralisme financier » ; et que Marcuse, le théoricien à la mode dans les amphis de Vincennes d'après Mai 68, qui fondait la société capitaliste sur la répression des désirs, avait confondu l'histoire passée du capitalisme avec sa nature intrinsèque.

    Notre auteur n'est pas le premier à établir ce diagnostic. Rien de neuf dans son portrait acide de notre modernité individualiste et féministe, avec ces hommes féminisés et ces femmes solitaires, où la passion amoureuse est remplacée par une « relation » égalitariste et contractuelle, où la « libération obligatoire » et le choix public du genre tournent à la « tyrannie au nom de l’égalité », où « l’ère du même détruit plus sûrement le désir que n'importe quelle morale ». Rien de neuf, mais rien de faux non plus. Juvin pose un diagnostic implacable où la libération est devenue contrainte : « La libération est le meilleur moyen d'être compétitif… Une morale interdisait, elle prescrit. Elle cachait, elle expose. Voilà la libération !»

    Mais le livre ne s'arrête pas là. Juvin l'économiste vient en renfort de Juvin le sociologue et de Juvin le nostalgique. Un économiste brillamment hétérodoxe qui démolit les fondamentaux du libéralisme classique, théorie de l'offre et de la demande, et concurrence pure et parfaite, pour mieux montrer comment l'organisation rationnelle de l'économie du désir a tout emporté pour mieux tout régenter : « Dans le gouvernement du désir, le crédit joue le rôle que police et gendarmerie jouaient dans les gouvernements monarchiques ou républicains… Le crédit fait du temps une marchandise comme une autre. (…) Il n'est pas l'un des instruments de la modernité libérale, il en est l'instrument. (…) Beaucoup parlent d'économie capitaliste. Ils devraient parler d'économie du crédit. »

    De l'économie à la politique, du crédit au droit et au marché, du désir individuel aux désirs collectifs, il n'y a qu'un pas que Juvin franchit allégrement et pour notre plus grand bonheur. Derrière le désir libéré, il y a la consommation à outrance. La consommation obligatoire. Et derrière la consommation, il y a le crédit. Et derrière le crédit, il y a la croissance. Et derrière le marché, il y a le droit. Et derrière le droit, et sa religion individualiste des droits de l'homme, il y a la destruction des nations, des peuples, des identités, des enracinements : « Nous savons que l'avènement de l'individu de droit menace notre existence même et notre liberté nationale. (…) Le mythe de l'autocréation de soi devient la fondation d'une religion moderne, totalitaire et intolérante, la religion des droits de l'homme qui achève de mettre à disposition de l'ordre du désir les individus délivrés de leur identité. » L'oubli des « nous » qui les ont pourtant autorisés à dire « je », comme dit Juvin dans une superbe formule.

    Là aussi, Juvin n'est pas le premier, mais on ne lui en veut pas, car son sens de la formule acerbe nous réjouit, et sa synthèse idéologique est prometteuse. Il arrache l'écologie aux Verts et n'a pas besoin de parler de Cécile Duflot pour montrer avec éclat la contradiction entre son idéologie libertaire et son hostilité au libéralisme, entre son rejet des frontières et son culte des équilibres naturels. « Le vrai sujet est l'invasion humaine de la planète, et la capacité avérée d'homo economicus, l'homme désirant sans fin, à détruire, dégrader et épuiser tout ce qui est à sa portée. »

    Juvin est une incarnation bien plus cohérente d'une sorte de souverainisme écologique qui a compris que la défense de la civilisation européenne contre la subversion migratoire venue du Sud et la lutte contre la déforestation ou l'extinction des ressources naturelles étaient un seul et même combat. Que la nation est le seul outil de la liberté politique et que la liberté politique est le seul outil de la liberté individuelle. Que « c’est la révolution conservatrice qui nous libérera de nos libérations ».

    Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire : « La liberté ou la mort », car la Liberté nous a conduits à la mort. « Désormais les nations européennes ont pour premier ennemi le rêve universaliste européen, et qui devient cauchemar, et que réalise cette idée chrétienne devenue folle : préférer son ennemi à soi-même ! (…) (Notre seule question est désormais) la survie de la France, de l'Europe, de la civilisation de ce cap du continent eurasiatique qui s'est cru le monde, et qui l'a tenu un moment, mais qui meurt de ne savoir ses limites, ses frontières et sa clôture. (…) Les migrations de masse sont trop utiles pour détruire les États et ramener les civilisations au temps de l'esclavage. (…) Nous sommes un monde de sédentaires exploité par les nomades, auxquels la globalisation a donné les clefs. »

    Le combat entre sédentaires et nomades prend désormais une forme inédite et intense. Brexit, Trump : les sédentaires relèvent la tête. Sous le mépris et les insultes moralisatrices des nomades. Dans la confusion et l'exaspération.

    Tout cela paraît bien loin des premiers émois amoureux des années 1970. « En libérant le désir sans limites, en organisant le régime du désir comme ordre et comme religion séculière, c'est bien la disparition du monde comme monde et la disparition de l'homme comme homme qu'il entreprend. » On se sent écrasé par la logique implacable des conséquences que cette histoire a entraînées. Écrasé et coupable. 

    « Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire  : "  La liberté ou la mort ", car la Liberté nous a conduits à la mort. »

    XVM6bcaa362-b166-11e6-8924-aaf6bf1e52ea-300x440.jpg

    Le gouvernement du désir. Hervé Juvin, Gallimard, 274 p., 22 €.

    Eric Zemmour       

     

  • Mesdames et Messieurs les candidats, n’oubliez pas les pauvres !

     

    Par Jean-Philippe Chauvin 

     

    1345578492.2.jpgLa question de la pauvreté contrainte est un sujet qui ne me laisse pas indifférent, et cela depuis fort longtemps, sans doute aussi parce que, en d'autres temps, j'en ai personnellement connu quelques aspects et quelques légères morsures... Lors des dernières élections européennes, au printemps 2014 et sous les couleurs de L’Alliance Royale, j'en avais même fait un de mes principaux thèmes de campagne, à la fois pour sensibiliser les électeurs à cette question toujours pendante mais souvent occultée, et pour proposer quelques pistes pour faire reculer cette insécurité sociale qui ronge nos sociétés et les affaiblit. Mais c'est un thème qui n'est pas assez électoralement porteur, sans doute, pour que les partis politiques et leurs dirigeants s'y intéressent, et il semble être « abandonné » aux associations comme le Secours catholique ou les Restos du cœur qui font, d'ailleurs, un travail important pour soulager, autant que faire se peut, la misère dans nos villes. Les royalistes du Groupe d'Action Royaliste, quant à eux, organisent régulièrement des « Soupes du Roi », et cela depuis presque dix ans, fidèles à leurs prédécesseurs du début XXe siècle mais aussi des siècles précédents, gardant en mémoire que, au Moyen âge, le Roi était « le père des pauvres ». 

    Pourtant, la pauvreté n’est pas un sujet mineur en France et les récents chiffres donnés par le Secours catholique la semaine dernière font plutôt froid dans le dos : « En 2000, on comptait 7,8 millions de personnes pauvres ; on en recense 8,8 millions aujourd’hui. Parmi ces personnes, entre 4 et 4,5 millions sont des jeunes de moins de 30 ans, ce qui devrait nous interpeller concernant l’impact de la pauvreté sur l’avenir de notre société », explique son secrétaire général Bernard Thibaud dans les colonnes de La Croix du jeudi 17 novembre dernier. Sans oublier que, selon Eurostat, 21,2 % des enfants de France sont menacés de pauvreté… 

    Bien sûr, il y a toujours eu des pauvres depuis que les sociétés humaines existent, mais elle est scandaleuse aujourd’hui au regard de toutes les richesses naturelles que nous exploitons et de toutes celles qui envahissent nos sociétés au risque de l’engloutir sous une débauche de produits marchands souvent inutiles : la démesure est dans cette invasion des objets qui semble nous faire oublier notre prochain, notre voisin. 

    Le politique ne peut ignorer ceux qui souffrent de « n’avoir pas assez » quand d’autres consomment sans compter. Il ne s’agit pas de dénoncer la richesse mais plutôt la démesure et l’égoïsme, et de rappeler, comme le fait régulièrement le pape François à la suite de tant d’autres princes de l’Eglise, la valeur du partage. 

    J’espère que cette question de la pauvreté contrainte sera abordée dans les prochains débats présidentiels, mais, au regard des jeux médiatiques actuels, je crains que cela ne soit pas le cas : « cachez ces pauvres que je ne saurais voir »… J’entends même quelques uns dire qu’en parler serait faire du « populisme » ! C’est dans ce genre de réaction stupide que l’on mesure le grand écart qu’il y a entre des élites mondialisées et le commun des mortels, mais aussi cette absence de compassion à l’égard des « perdants de la mondialisation » : est-ce la (triste) victoire de Benjamin Franklin ? Je préfère, en bon Français, l’exemple de saint Martin de Tours, de celui qui n’hésita pas à couper son manteau pour en donner la moitié à un malheureux transi de froid, un soir d’hiver de l’an 334… Et les candidats de 2017 pourraient bien y trouver quelque source d’une inspiration sociale bienvenue en ces temps d’incertitude… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

    Lire aussi dans Lafautearousseau ... 

    Inexorable montée de la pauvreté : le rapport du Secours Catholique, qui, même s'il s'en défend, accuse le Système...

  • Loi sur les « funérailles républicaines ». À quand celles de la République ?

     

    Par Aristide Leucate

    Excellente réflexion sur ce qui constitue le fond de l'idéologie républicaine; une République dont l'auteur de ce billet souhaite les funérailles pour bientôt...  [Boulevard Voltaire 24.11].

     

    3266751844.jpgQuand on demande à un républicain s’il n’a pas l’impression d’adhérer davantage à un dogme religieux qu’à un régime, il vous regarde avec incrédulité ou ahurissement – sinon avec mépris –, se demandant s’il a bien entendu la question. Et pourtant, tout républicain, quelque peu conséquent, c’est-à-dire conservant une distance critique vis-à-vis de la République en majuscule, devrait s’interroger sur la nature ontologique d’un modèle politique – systématiquement confondu avec la démocratie – bien plus confusément accepté comme croyance que fondé en raison.

    Évoquant la « religion républicaine », seul un Vincent Peillon – il est vrai, philosophe de formation – eut le mérite de lever le voile d’hypocrisie recouvrant la réalité vécue d’une abstraction dont tout zélote psalmodie les « valeurs », célèbre les cultes et encense les grands « saints » laïques. Il ne lui avait pas échappé que si les curés d’antan assuraient l’instruction des petits paysans de France, l’école républicaine devait impérativement s’y substituer car « c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école cette nouvelle Église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi » (La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008).

    Le débat semble se poursuivre dans les travées de l’Assemblée nationale où les parlementaires discutent en ce moment d’une proposition de loi « instituant des funérailles républicaines », déposée le 9 décembre 2014 par Bruno Le Roux. En un article unique inséré dans le Code général des collectivités territoriales, le député socialiste propose que les communes mettent gratuitement à disposition une salle municipale où « à la demande de la famille du défunt, un représentant de la commune, officier d’état civil, procède à une cérémonie civile ».

    Prenant prétexte de l’indifférence religieuse de certains de nos concitoyens, l’élu motive son texte en postulant que ces derniers « attendent de notre République qu’elle leur offre des perspectives pour accompagner leurs morts » (sic). 

    9907968ebb3253a5e5556f6be0595.jpgÀ juste titre, le député de la Ligue du Sud, Jacques Bompard, réclama la suppression d’une telle disposition, attendu que « la citoyenneté […] n’a aucun rapport avec le Salut. Aussi, on aurait du mal à comprendre l’intérêt d’une telle cérémonie. » 

    Profitant, néanmoins, de l’occasion, il déposa un amendement suggérant que « la République française demande pardon aux rois de France et aux Français pour le saccage de leurs sépultures lors de la profanation des tombes de l’abbaye de Saint-Denis en 1793 et 1794 ».

    Par décret du 1er août 1793, la Convention, emportée par Barère, décida, en effet, que « les tombeaux et mausolées des ci-devant rois, élevés dans l’église de Saint-Denis, dans les temples et autres lieux, dans toute l’étendue de la république, seront détruits le 10 août prochain ». Si Napoléon réintégra les premiers cénotaphes dans la nécropole royale, c’est à Louis XVIII, frère du roi-martyr, reprenant « à la fois possession de son trône et de son tombeau » (selon la saisissante expression de Chateaubriand) qu’incomba l’initiative d’y rapatrier les restes de ses aïeux.

    L’« amendement Bompard » a évidemment valeur de témoignage et, au regard de ce passé sanglant, revêt toute l’éminente solennité d’un historial. Mais peut-on sérieusement attendre d’un dogme qu’il se rédime à propos d’un acte participant, précisément, de sa propre fondation et mû par une folle volonté de régénération de la société française ? Allégorie fangeuse bâtie sur l’holocauste des Vendéens, la République, portée par l’infernale logique de son idée (le propre de l’idéologie, selon Hanna Arendt), restera toujours hermétique à cette formule de l’auteur (déjà cité) du Génie du christianisme : « Les tombeaux des aïeux sont la base sacrée de tout gouvernement durable. » 

    Docteur en droit, journaliste et essayiste
  • Éric Zemmour : Pourquoi les peuples ne veulent pas mourir

     

    Par Eric Zemmour           

    Derrière l'élection de Donald Trump, Eric Zemmour distingue le sursaut d'une Amérique blanche et populaire qui tente d'éviter le destin tragique que lui promettent la démographie et l'idéologie. Il en tire des leçons pour l'avenir politique français [Figaro, 18.11]. Clarifions notre position : ceci ne signifie pas qu'il y ait une internationale des peuples ou des nationalismes. Leurs intérêts sont divers, souvent opposés. Ils sont marqués par leurs différences. Cela signifie toutefois que la structuration du monde en peuples, nations, Etats, forgés par la géographie et par l'Histoire, est une donnée pérenne. Et que ces entités politiques ont au moins en commun leur volonté de vivre.  LFAR 

    522209694.4.jpgIls battent leur coulpe. Ils reconnaissent leurs torts. Ils promettent de s'amender. Ils sont journalistes, patrons de journaux, universitaires, intellectuels, économistes, ou patrons du numérique dans la Silicon Valley. Ils vivent dans les grandes métropoles de l'est ou de l'ouest de l'Amérique ; et ont fait campagne jusqu'au bout en faveur d'Hillary Clinton. Une campagne violente, sans mesures ni limites, sans aucun respect pour la déontologie journalistique ou la rigueur scientifique, à la hauteur de l'aversion qu'ils éprouvaient pour leur adversaire Donald Trump.

    Ils ont perdu. Ils essayent de comprendre. Pourquoi le pays ne les a pas suivis ? Pourquoi l'électorat populaire ne les a pas écoutés ? Pourquoi les Etats ouvriers, bastions du Parti démocrate depuis des lustres, comme cet emblématique Wisconsin, ont-ils plébiscité un milliardaire new-yorkais vulgaire et ne payant pas toujours ses impôts ?

    Il faut reconnaître qu'on ne sait plus comment vivent les Américains, a avoué Paul Krugman, prix Nobel d'économie. Ils vivent sans la 4G et sans Uber, et quand ils ont besoin d'un emprunt, ils ont un « crédit pourri », a complété un autre, patron dans la Silicon Valley.

    L'Amérique des élites s'interroge sans fard ni ménagements. Elle accepte le verdict des urnes et cherche à comprendre les raisons d'une rupture au sein de la nation américaine.

    C'est une différence - et elle est fondamentale - avec la France. Dans notre pays, nos élites médiatiques, intellectuelles, artistiques, économiques, financières et politiques auraient continué à insulter, vitupérer, ostraciser. Raciste, fasciste, xénophobe, homophobe, misogyne, on connaît la litanie, la fameuse « cage aux phobes » chère à Philippe Muray. On aurait convoqué les mânes des grands anciens de la Révolution. On aurait appelé à la révolte, à l'insurrection. Chez nous, le peuple est sacré quand il pense comme ses élites ; il est jeté aux chiens dans le cas inverse. Le peuple est populaire quand il pense bien, populiste quand il pense mal.

    Populiste : encore un mot qui nous vient d'Amérique. Le premier parti populiste y fut fondé à la fin du XIXe siècle. Il lutte alors contre Wall Street, contre la cupidité des financiers, des « barons voleurs », contre les inégalités croissantes. Déjà. Pas étonnant. Nous sommes alors dans ce que les historiens appelleront plus tard la première mondialisation, celle qui s'achèvera avec la guerre de 1914, et qui, autour du chemin de fer et de l'électricité, connut une première explosion du commerce mondial, favorisé par le libre-échange et les mouvements internationaux de capitaux. A l'époque, les épargnants français étaient les banquiers du monde ! Autre différence notable : la gauche française est alors fière d'être « populiste ». La gauche américaine, mais aussi européenne, se veut le porte-parole du peuple ; aujourd'hui, elle est la représentante des minorités.

    Encore une fois, la campagne américaine fut emblématique. Hillary Clinton a cherché à rassembler derrière elle la cohorte des minorités, raciales et sexuelles, soigneusement recensées par un marketing électoral rigoureux. Elle reprenait d'ailleurs les méthodes qui avaient permis à Barack Obama d'être élu deux fois à la Maison-Blanche. Mais avec Hillary, l'électorat noir s'est moins mobilisé. Mais c'est tout de même l'électorat de Trump que les médias bien-pensants traitent de raciste !

    En vérité, la victoire de Trump est la revanche du peuple sur les minorités. Bien sûr, le gros des troupes trumpistes est blanc et masculin. Bien sûr, comme lors du vote anglais sur le Brexit, ce sont les moins diplômés qui ont voté pour le candidat que vomissait l'Etablissement. Mais l'électorat de Trump est aussi composé de femmes (plutôt blanches) et même d'une minorité des Noirs et des Latinos.

    Il ne faut pas s'étonner de ces considérations ethniques dans un pays qui n'a pas nos pudeurs et nos hypocrisies. Surtout, il ne faut pas s'étonner de ces distinctions, car la campagne américaine fut d'abord une campagne identitaire. Trump s'est arraché au magma de ses rivaux pour la primaire du Parti républicain en promettant de construire un mur avec le Mexique et d'expulser les millions de clandestins latinos. Tout est parti de là. Et ce n'est pas un hasard.

    Dans un livre qui a fait moins de bruit que son célèbre Choc des civilisations, et s'intitulait sobrement Qui sommes-nous ? Samuel Huntington avait très finement analysé la désagrégation d'une Amérique qui ne parvient plus à intégrer les millions d'immigrants venus du Mexique, au même titre que les vagues précédentes: les latinos continuent à parler leur langue, ont leurs écoles, leurs télés ; ils vivent aux Etats-Unis comme là-bas, au Mexique. Les derniers arrivés ne s'agrègent pas à ce monde façonné par le protestantisme et la langue anglaise, mais à une diaspora latino, catholique et hispanique.

    En lisant Huntington, la similitude de nos situations saute aux yeux, sauf que les latinos sont catholiques tandis que nos immigrants sont plutôt musulmans. Dans son livre, l'intellectuel américain fonde le comportement inconscient de ces populations sur la revanche historique d'un Mexique jadis vaincu et dépecé par les gringos venus du Nord. Cette émergence d'un peuple dans le peuple, Huntington lui donne une fin plausible : une nouvelle guerre de sécession à l'horizon de 2050. Ces mots évoquent irrésistiblement la « partition » dont parle notre président François Hollande dans un livre de confidences à des journalistes.

    La France et les Etats-Unis vivent des situations fort comparables. Nous avons découvert qu'une Amérique blanche et populaire tentait un dernier baroud pour éviter le destin tragique qui lui est promis par la démographie et l'idéologie. C'est cela que les élites, en Amérique comme en France, appellent le « populisme » : la volonté des peuples de ne pas mourir. La volonté farouche des peuples de continuer à vivre selon leur ancestral mode de vie. En Amérique comme en France.

    Ces peuples ont les mêmes élites et la même idéologie ; la même déconstruction qui, au nom du féminisme, de l'antiracisme et du cosmopolitisme, nous a appris que l'identité française n'existait pas, comme l'identité américaine n'existe pas. Que ces identités sont « mouvantes », ne sont pas « figées », doivent s'adapter. La France comme les Etats-Unis sont sommés de devenir des pays-monde.

    Cette idéologie des élites sert, comme l'avait très bien vu Karl Marx, leurs intérêts. En délocalisant les usines en Chine, et en faisant venir une main-d'œuvre pas chère dans les grandes métropoles, pour leur servir de nounous ou de livreurs de sushis, les élites mondialisées ont réussi à accroître leurs revenus de manière démesurée. Les fameuses libertés, chères aux technocrates bruxellois comme aux financiers anglo-saxons, liberté des capitaux, des marchandises, des services et des hommes, sont au service des intérêts des élites mondialisées.

    Tout n'est pas sombre dans la mondialisation : des millions de personnes, venues du Sud, sont sorties de la pauvreté, soit dans les usines délocalisées, soit dans les métropoles de l'Occident. Ce nouveau peuple « de remplacement » est l'allié des élites occidentales. C'est lui qui vote pour Clinton, contre le Brexit, ou pour Hollande en 2012. Mais le peuple d'origine, le peuple de souche, le peuple d'antan n'a plus les moyens de vivre dans les métropoles mondialisées et ne veut pas vivre avec les nouveaux venus, trop nombreux pour renoncer à leurs anciennes mœurs. Ils sont donc chassés et s'éloignent des grands centres où se crée désormais la richesse. C'est la France périphérique, chère au géographe Christophe Guilluy. Donald Trump nous a permis de découvrir qu'il y avait aussi une Amérique « périphérique ».

    Le combat entre Trump et Clinton, à l'instar du référendum sur le Brexit, n'est donc pas comme on l'a dit un peu vite, le combat du peuple contre les élites, mais le combat d'un peuple de souche contre le peuple « de remplacement » amené dans les bagages des élites mondialisées. C'est encore plus explosif. Aux Etats-Unis, comme en Europe, comme en France.

    Dans notre pays, la situation politique est moins décantée. Nous avons l'habitude d'un certain retard à l'allumage. Alors que Margaret Thatcher et Ronald Reagan s'installaient au pouvoir à la fin des années 70, la France élisait un président socialiste, en mai 1981. Son keynésianisme étatiste sera pris à contre-pied par le libéralisme mondialisé des Anglo-Saxons.

    Cette fois encore, nous pourrions très bien être en décalage historique en élisant Alain Juppé. Il faut dire que nous avons des Trump de pacotille. Nicolas Sarkozy qui a précédé l'Américain sur la voie de la transgression du politiquement correct, a avoué ses préférences pour Hillary Clinton. Marine Le Pen cherche à apaiser là où Trump n'a jamais hésité à provoquer. Elle rêve de séduire féministes et mouvements gays que Trump n'a jamais cessé de rudoyer. Nos politiques français ne semblent pas comprendre que l'idéologie des élites est un tout, cette alliance de libéralisme économique et culturel qui déconstruit les nations au nom d'un individualisme roi et de la religion des droits de l'homme.

    On dit les Français idéologues et grands manieurs de concepts et d'idées. Et si notre réputation était usurpée ? 

    Eric Zemmour

  • Chronique de la campagne : « Attention, chien méchant ! »

     

    Mur-bleu gds.jpgLe chien s'appelle Alain...

    Pour un Juppé ultra-désappointé, blessé au plus profond dans son amour-propre de « premier de la classe » et de « meilleur d'entre nous », il ne peut s'agir, en ces derniers jours de campagne, que d'une fuite en avant, et cette fuite en avant se traduit par un « à gauche, toute ! » aussi désespéré qu'agressif.

    Dès dimanche soir, le JT de France 2 a eu la cruauté de le montrer, à la sortie du restaurant où il dînait en famille, disant « On aurait dû sortir par derrière », pour éviter les journalistes, tant il venait de tomber de haut, de très haut : pour la troisième fois, donc, après le Brexit et Trump, ils venaient de se planter lourdement, les sondeurs et journaleux qui nous avaient expliqué par a+b, trois ou quatre fois par jour, depuis plusieurs mois, que c'était plié, et que c'était Juppé.

    L'éventualité de son retrait a même été envisagée - par lui-même ou par l'un ou plusieurs de ses collaborateurs - puisqu'il a commencé son allocution par un surprenant « J’ai décidé de continuer le combat... »

    Il faut dire que, sans les 15% d'électeurs de gauche (600.000 voix tout de même...) qui sont venus pour éliminer Sarko, Fillon était peut-être même élu au premier tour, Sarko était deuxième, et Juppé - injure suprême - était éliminé à ce même premier tour ! Juppé a recueilli les voix de ces électeurs de gauche (qui ne se cachent pas d'avoir voté pour lui, et le disent au contraire, lisez les journaux), ainsi que celles du centre : il a donc été « sauvé » par ces deux courants, mais a été largement rejeté par la droite. Politique politicienne, quand tu nous tiens !

    Que faire, donc, maintenant, pour l'ex élu des sondages ? Se tourner vers cette gauche qui l'a sauvé, faussant magistralement le résultat et le sens de « la primaire de la droite et du centre ».

    Mais ce jeu est dangereux : d'abord, il n'est pas sûr du tout que ce qui a « marché » une fois « marchera » une seconde fois : les électeurs de gauche voulaient la peau de Sarko, ils l'ont eue ; reviendront-ils dimanche ? rien n'est moins sûr. Et les gens de gauche en ont plus que trop, de candidats ! Ils n'ont plus aucun besoin d'en ajouter un supplémentaire à une liste déjà trop longue...

    Et ensuite, dans ce genre d'affrontement, c'est le premier qui tire qui est mort. Or, Juppé, tout le montre, a perdu ses nerfs, et « agresse » Fillon tous azimuts (pour un autre, les journaleux diraient « dérape ») : « traditionaliste », « pas ouvert sur la modernité » en ce qui concerne les sujets de société, « réactionnaire », « intégriste », « homophobe » évidemment...

    Benoist Apparu* a décrété, par exemple, et en substance, que si l'on était à titre personnel contre l'avortement, pour un responsable politique en charge des affaires de l'Etat cela posait un problème. Ce qui est d'autant plus surprenant que, peu de temps avant, Juppé avait déclaré qu'il préférait « le pape François à la Manif pour tous » : pour le coup, Apparu aurait mieux fait de se taire, car, sur l'avortement, de toute évidence, « le pape François » ne parle pas comme Alain Juppé !

    Jean-Christophe Lagarde - président de l'UDI et parfait représentant de ce que Léon Daudet appelait « l'anarchie molle » - et l'inénarrable François Bayrou sont évidemment venus apporter leur soutien au dauphin de Chirac, l'objectif des juppéistes et des journaleux qui le soutiennent - puisque tout ce petit monde, en fait, est de la même famille de pensée - est évidemment de provoquer la mobilisation massive d’électeurs de gauche, défaitistes, et ne croyant plus en la victoire de leur camp en mai 2017; Alain Juppé pourrait leur sembler un moindre mal, pensent-ils. Sans se rendre compte que l'on se trouve, là, en pleine politique fiction...

    Enfin, cerise sur le gâteau, Fabienne Sintès et son 7/9 ont attribué à Juppé la bonne note de 15/20 : comme aurait pu le dire Pascal, « dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es... » 

    * Un bon point - sans illusion par ailleurs sur le personnage - à Gérard Longuet, qui a eu le mérite de dire, sur BFM, face à un tel déferlement d'attaques, que le terme de « réactionnaire » n'était pas péjoratif, et qu'il le revendiquait ; et qui a aussi eu une belle phrase sur la France, qui vient de deux millénaires, et, dans ces deux millénaires, tout n'est pas à jeter...

  • Crise du politique

     

    par Gérard Leclerc

     

    XVM495e5cb0-8a51-11e6-8bce-57b23a9183a7-100x108.jpgLe choc produit par l’élection américaine a au moins le mérite de provoquer une vaste réflexion sur les causes de l’avènement d’un personnage aussi improbable et donc sur la situation actuelle du monde qui explique un tel séisme politique. Les avis sont évidemment très différenciés, en fonction des convictions des uns et des autres. Pour les uns, la globalisation économique se poursuivra, réduisant l’élection de Trump à un épisode provisoire. Pour d’autres, c’est cette globalisation qui est à l’origine d’un chaos dont on n’est pas près de sortir. Et certains de ceux qui partagent cette opinion insistent sur la crise généralisée du politique qui ne régule plus la vie des peuples, abandonnés aux flux désordonnés de l’économie.

    Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, et Dominique de Villepin, qui a aussi dirigé le Quai d’Orsay avant de devenir Premier ministre, semblent bien être sur la même ligne, de ce point de vue, réclamant le retour des États. « Aujourd’hui, déclare Villepin au Figaro, un des grands drames du monde, c’est l’affaiblissement des États. La fragilisation de l’État-nation traduit toujours une “brutalisation” et une “décivilisation” du monde. On en voit les conséquences tragiques au Moyen-Orient (…) mais l’urgence de la restauration de l’État existe aussi dans nos démocraties. On a tiré à vue sur les États, considérés comme des formes archaïques et oppressantes de l’organisation sociale, au profit du tout libéral. (…) La crise financière a été la facture de cette illusion. Elle a pour réplique sismique le Brexit et l’élection de Donald Trump. »

    Mais quand on parle de politique, il y a lieu d’opérer une distinction, à la manière de Régis Debray dans son dernier livre intitulé Allons aux faits (Gallimard) : « Il y a la politique qui désigne la compétition entre classes, clans et individus, mais il y a aussi la politique par quoi s’entend l’organisation des collectivités humaines, ou la conversion d’une brève effervescence en durable appartenance – cité, seigneurie, nation, empire ou fédération. » En retenant cette distinction, on pourrait dire que l’effervescence de la politique actuelle est particulièrement conflictuelle parce que le socle du politique se trouve durablement et profondément altéré. 

    France Catholique

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 novembre 2016.