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Actualité France - Page 363

  • Aucune arrestation un mois après l'assassinat manqué de Viry-Châtillon : à quoi sert le gouvernement ?

     

    Mur-bleu gds.jpgA quoi sert Bernard Cazeneuve ? Comment peut-il justifier - nous sommes tout de même au XXIe siècle - qu'avec tous les moyens dont disposent l'Etat et les forces de l'ordre il n'y ait aucune arrestation, aucune avancée décisive dans l'enquête, un mois après l'ignoble et terrifiante tentative d'assassinat de policiers à Viry-Châtillon (qui n'était, d'ailleurs, pas la première) ? A quoi sert tout notre appareil d'Etat, de Ministères, de Services, Agences et tout ce qu'on voudra, quand un semble-gouvernement et un semble-Ministère de l'Intérieur sont infoutus, en un mois, de savoir qui a fait quoi, ou, au moins, d'être sur une ou plusieurs pistes sérieuses ?

    Il est clair que, dans un pays normal, des démissions en cascade suivraient cette inertie, cette mort clinique, cet électro-encéphalogramme plat des services de notre semble-Etat. Mais nous ne sommes pas dans un régime politique normal, nous sommes dans une république idéologique, et cela change tout.

    Et si la vérité, pour en revenir à cette affaire de Viry-Châtillon qui, curieusement, piétine, était en réalité très facile à trouver ?

    1. Il n'est pas interdit de trouver impossible que la police et les services qui ont - mal - succédé aux Renseignements généraux ne sachent pas, au moins en gros, quel groupe est à l'origine de la tentative d’assassinat ; ni, toujours en gros, où se trouvent tout ou partie de ses membres. Mais pour suivre attentivement l'actualité, nous savons bien, aussi, que l'on ne compte plus le nombre de fois où des policiers, contrôlant ou cherchant à arrêter une ou plusieurs personnes ont vu, instantanément, une cinquantaine ou plus de « voisins » se regrouper pour empêcher physiquement l'interpellation. Et la police battre en retraite, car des projectiles divers étaient lançés des fenêtres et, autre joyeuseté - des parpaings tombaient des toits-terrasses.

    2. Il n'est pas interdit non plus de penser que, en réalité, à quelques mois des élections, le gouvernement sait très bien ce qu'il doit savoir, mais qu'il ne veut pas prendre le risque d'un embrasement de Viry-Châtillon et, par contagion-solidarité, des banlieues de la France entière, la racaille de toutes les zones de non-droit volant au secours de la racaille de Viry. Le « Un pour tous, tous pour un » de nos chers Trois mousquetaires inversé, en somme, et mis au service de la délinquance. Le syndrome de Malik Oussekine, qui paralysait tant Jacques Chirac, est toujours agissant dans notre classe politique, dont on peut dire que ce n'est pas le courage qui l'étouffe...

    Certes, on pourra toujours nous dire que nous échafaudons des hypothèses : alors, il faudrait admettre que la totalité des services de police et de renseignement d'un grand pays développé, en plein XXIe siècle, ne peut savoir ce qui se passe dans le pays. Et, là, franchement, c'est cela qui nous paraîtrait incroyable... 

  • Trump : l'immense claque donnée à la cléricature médiatique et à l'odieuse caste du politiquement correct

     

    Mur-bleu gds.jpgC'est une défaite à plate couture ; un désastre en rase campagne ; une « pile » monumentale (on nous pardonnera la familiarité) : tous, journalistes de la presse écrite ou parlée et télévisuelle, hommes politiques et grandes consciences auto-proclamées, donneurs de leçons et dicteurs de conduite, pleins de morgue, de mépris, d'arrogance avant le vote, sont renvoyés, Grosjean comme devant, à leur nullité, leur cuistrerie, leur vacuité abyssale. Ils ont bonne mine, eux qui n'ont pas su voir arriver ce qui est arrivé et qui, pire, nous imposaient depuis de longs mois, à coups de savantes démonstrations cérébrales et abstraites qu'il « fallait » Hillary et que, de toute façon, c'était fait, c'était plié : Hillary avait gagné.

    Eh bien, non, c'est « Donald » qui a gagné et, en tout cas,  eux, maintenant, ils ont perdu, et bien perdu. Et, franchement, les entendre parler à la radio, les voir à la télé, tous avec des intonations consternées et des mines déconfites, oui, c'était réjouissant.

    Il est impossible, évidemment, de répertorier tous les cas intéressants de ce Waterloo du politiquement correct ; on s'arrêtera seulement, ici, sur deux cas un peu plus particuliers :

    1. Ce mercredi 9 novembre, jour de l'annonce des résultats, à 6 h 02 heure française, Gérard Araud - ambassadeur de France aux Etats-Unis, tout de même... - a décidé de communiquer ce qu’il pensait de la manière dont l’élection présidentielle américaine se présentait ; alors qu'un devoir de stricte maîtrise de leurs déclarations s'impose aux diplomates, il s’est permis cette sortie, retweetée plus de 2 000 fois mais rapidement effacée de son compte :

    « Après le Brexit et cette élection, tout est désormais possible. Un monde s’effondre devant nos yeux. Un vertige. »

    Scandaleux, non ? On espère que cet énergumène sera promptement remplacé à Washington, et même - pour faute professionnelle - rayé des cadres d'une Administration, qui demande plus de prudence, et de courtoisie vis-à-vis des personnes élues dans le pays où l'on est censé représenter les intérêts de la France. Il est vrai que, la veille des résultats, les conseillers de François Hollande n’ont préparé qu’une seule lettre de félicitations adressée à... Hillary Clinton ! Et que le message de félicitation de 4% au nouveau président fut à la limite de l'incorrection, et en tout cas tout entier discourtois...

    2. Plus intéressant est ce mea culpa d'un journaliste du New York Times, entendu sur France info : atterré, il admettait cependant - en substance - que ni lui ni ses confrères n'avaient vu venir la déferlante populaire « pro-Trump » ; qu'ils ne savaient plus expliquer ni comprendre leur société, celle dans laquelle pourtant ils vivaient. La tristesse et le désarroi de ce journaliste étaient touchants : au moins était-il intellectuellement honnête, et capable de reconnaître qu'il s'était trompé ; et, surtout, de le dire clairement. Pensez-vous que l'on pourra attendre pareille franchise - fût-elle désarmante - aux JT de France 2, TF1 et autres BFM-TV ? Sur France info et sur France inter ? Dans le Monde, L'Obs et les autres ?

    Comme dirait Bainville, « c'est douteux ».

    Il nous reste l'essentiel :

    la claque, l'immense, la tonitruante, la cataclysmique claque envoyée à toute cette caste politico/médiatique ;

    et - après le Brexit - ce message - terrible pour elle - du retour du peuple, des nations, des frontières ; cette volonté franchement assumée de maîtriser l'immigration; ce refus du politiquement correct; et, surtout, surtout, la fin annoncée de l'emprise de cette caste politico-médiatique - qu'elle a pu croire définitive - sur des opinions publiques qui s'en libèrent et s'en affranchissent de plus en plus... 

  • Quand la démographie est aussi politique : le cas de la France dans l'histoire

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1345578492.2.jpgLa démographie est aussi politique, et l'histoire même de notre pays le démontre à l'envi : je m'en suis rendu compte il y a quelques années déjà lorsque je travaillais un cours de Seconde qui évoquait la transition démographique en Europe. En effet, le cas français est, comme souvent, plutôt original et l'explication en est éminemment politique... 

    La France est effectivement le premier pays à entamer sa transition démographique sur le continent européen : comme d'autres, pourtant, elle a connu le radoucissement climatique après les sinistres premières années du XVIIIe siècle qui étaient aussi les dernières du règne de Louis XIV, ce roi-soleil d'un royaume qui en manqua parfois... Elle a aussi connu les progrès médicaux, l'amélioration des techniques agricoles, etc. Mais il y avait plus encore : la France était une Monarchie absolue, et son administration passait pour l'une des plus complexes en Europe, difficile équilibre entre autorité de l'Etat central et libertés des provinces et des corporations. 

    Entre 1700 et 1789, et malgré le creux démographique consécutif aux années 1708-1709, la population du royaume passa de 20 millions environ à presque 28 millions, soit une augmentation d'environ 40 % en trois générations, ce qui peut constituer, pour l'époque, une véritable explosion démographique. Ne parlait-on pas, à la veille de la Révolution, de « Chine de l'Europe » quand on évoquait la France ? Au même moment, le reste de l'Europe entame une transition que la France, déjà, aborde en sa deuxième phase. 

    Les raisons de cette précocité sont connues : d'abord, le territoire de la France n'est plus envahi de façon pérenne de 1636 à 1792, et c'est la Révolution qui va clore cette « parenthèse enchantée », parenthèse dont nous n'avons jamais plus, depuis le XVIIIe siècle, connu la même heureuse longueur... Ensuite, les voies de France sont plutôt sûres et, bien entretenues par l'impopulaire corvée royale, permettent une meilleure circulation des grains et des vivres quand la nécessité oblige à une plus grande célérité de celle-ci. Tout cela, qu'on le veuille ou non, est la conséquence de la nature de l'Etat royal français qui ne théorise pas forcément sa politique mais se doit d'être le protecteur de la population du royaume, celle-ci étant à la fois un élément important de sa puissance et de son prestige : « il n'est de richesse que d'hommes », reconnaît le légiste Jean Bodin, et l'on est bien loin du cynisme tout républicain et égalitaire du général Bonaparte devenu empereur Napoléon qui, au soir d'une bataille particulièrement sanglante, s'exclamait « Une nuit de Paris réparera cela ! »... 

    La Révolution française et l'Empire ne seront pas, effectivement, économes du sang des hommes, entre les massacres multiples sur des terres qui n'avaient pourtant plus connu la guerre depuis parfois la fin du XVe siècle et les guerres napoléoniennes qui demandaient encore et toujours plus de « matériau humain » : les morts brutales de l'époque dépassent largement le million d'âmes (certains évoquent le double), et accélèrent la deuxième phase de la transition démographique, au risque d'affaiblir le pays face aux puissances montantes de l'Europe, en particulier cette Allemagne qui n'est pas encore une mais le deviendra, en janvier 1871, sur le dos d'une France éreintée et démographiquement épuisée. 

    Il faudra attendre les premières mesures d'une politique familiale digne de ce nom, dès la fin des années trente (poursuivie par Vichy et les deux Républiques qui lui succéderont, avec des fortunes parfois diverses), pour que la France retrouve une santé démographique que la Révolution avait au mieux ébranlée, au pire durablement déstabilisée, ne serait-ce que par ses principes égalitaristes et individualistes, peu favorables au maintien d'une natalité équilibrée : les tristes événements des années quarante accéléreront, comme une réponse au malheur, le renouveau démographique qui suivra la guerre. « Mort, où est ta victoire ? », auraient pu triompher les mères de l'après-guerre ! 

    La récente baisse de la fécondité française, qui semble s'être accélérée cette année, prouve que, si la politique n'explique pas tout en démographie (ce qui est d'ailleurs fort heureux !), elle est un facteur non négligeable et sans doute déterminant dans ses évolutions : la remise en cause de certains principes anciens de la politique familiale française par les deux derniers quinquennats (M. Fillon ayant amorcé, timidement mais sûrement, un travail de sape que les gouvernements suivants ont malheureusement poursuivi et amplifié, par démagogie et radinerie) a eu des effets désastreux alors même que la France se signalait jusque là, depuis les années 2000, par une bonne santé démographique qui pouvait alléger d'autant la charge des retraites et des frais de la fin de vie... 

    Ainsi, les bonnes intuitions de la République du XXe siècle (car elle en eût quelques unes, malgré tout), ou les leçons tirées des siècles passés et de l'étude sérieuse des mécanismes démographiques, n'ont pas résisté à cette inconstance qui, essentiellement, définit la République des quinquennats. On peut le regretter, mais ce n'est pas, disons-le, suffisant ! 

    Inscrire une politique familiale dans la longue durée impose, désormais et aujourd'hui peut-être plus encore qu'hier, un Etat qui, lui-même, s'enracine dans le temps long, non d'une seule, mais de dix, de vingt générations... Un Etat qui, lui-même, s'inspire de la nature familiale, de cette suite que l'on nomme lignée ou dynastie : il n'en est qu'un, qui a marqué notre histoire et notre territoire sur tant de siècles, et il est royal... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Natacha Polony : « Cette élection américaine qui parle de nous »

     

    Par Natacha Polony    

    Publié le 6.11 - Réactualisé le 9.11 après l'élection de Donald Trump         

    Le phénomène Trump n'est que la traduction d'un mouvement de fond qui ébranle toutes les sociétés occidentales : la révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité [Figarovox - 4.11]. Natacha Polony va loin et profond dans sa critique d'un mondialisme soi-disant heureux, d'un capitalisme devenu totalitaire par la faiblesse des démocraties, les illusions qu'elles véhiculent. Nous ne sommes pas bien loin ici de l'analyse que nous-mêmes pourrions dresser. Reste à prendre en compte le grand mouvement de fond qui monte, dans toutes les sociétés occidentales - dont la France - et oppose désormais identités, libertés, racines, à l'entreprise multiculturaliste, post-historique, post-nationale, qui a cru - et croit peut-être encore - pouvoir imposer sa loi d'airain à la planète entière ou - au moins - à l'Occident. Quel que soit, demain, le résultat de l'élection américaine, cette entreprise déconstructiviste n'est plus, aujourd'hui, assurée de gagner la partie.   Lafautearousseau.              

     

    924153452.jpgDans quelques jours sera tranchée l'élection la plus pitoyable de l'histoire américaine. Un spectacle affligeant offert par la « grande démocratie » qui entend si souvent donner des leçons au monde, et s'imposer en modèle. Mais de cette élection, les Français n'auront eu que le miroir déformant de médias hexagonaux occupés à se boucher le nez devant les sorties effarantes et vulgaires du clown milliardaire. Une façon de nous faire oublier l'essentiel : jamais une élection n'a à ce point montré de proximité entre les forces qui agitent l'Amérique et celle qui travaillent l'Europe dans son ensemble et la France en particulier.

    On peut considérer avec un brin de mépris ces personnages emblématiques de l'Amérique profonde, ces groupies improbables de Trump persuadées que porter une arme est un droit de l'homme. On peut en tirer la conclusion que le suffrage universel donne un pouvoir à des gens trop peu formés pour en mesurer la portée. Ou bien on peut tenter de comprendre pourquoi des millions d'Américains, qui ne sont pas tous demeurés, s'apprêtent à voter pour un homme immonde et pas au niveau. D'autant que ceux qui sont horrifiés à la pensée qu'on puisse laisser un bulletin de vote entre les mains d'un électeur assez déraisonnable pour ne pas voter Clinton sont aussi scandalisés que des gens « majoritairement les moins diplômés » aient précipité le Royaume-Uni dans le chaos en votant le Brexit ou que d'autres puissent voter FN alors qu'on leur répète depuis tant d'années que c'est mal.

    La révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité

    Le phénomène Trump n'est que la traduction d'un mouvement de fond qui ébranle toutes les sociétés occidentales : la révolte des petites classes moyennes déstabilisées dans leur identité par la lame de fond d'une mondialisation qui avait déjà emporté les classes ouvrières. Bien sûr, le discours médiatique leur vend la réduction de moitié de l'extrême pauvreté dans le monde - grand argument des derniers défenseurs de la mondialisation heureuse - ou le merveilleux progressisme de l'émancipation des minorités, jusqu'à l'éclatement de toute communauté nationale en une myriade de groupes de pression aux revendications divergentes mais jamais rassasiés de droits et de réparation postcoloniale : l'abandon de toute politique d'intégration permet de remplacer la question sociale par le noble combat contre les pulsions racistes de ces classes populaires si peu ouvertes à l'Autre. Au moins l'Amérique ou le Royaume-Uni ont-ils les outils pour regarder en face des phénomènes que la France se refuse à mesurer, comme la disparition des classes populaires blanches dans les centres-villes des métropoles.

    La sortie de l'extrême pauvreté pour des millions d'individus dans le monde s'est faite essentiellement sur le dos des classes moyennes et populaires des pays occidentaux dont pouvoir d'achat, protections et repères culturels sont attaqués. Le creusement des inégalités, la destruction de l'école et de son rôle d'ascenseur social, tout contribue à les déstabiliser.

    Les classes moyennes ont été le pilier sur lequel s'est bâtie puis consolidée la démocratie. Elles ont soutenu un régime qui, en renouvelant ses élites, leur offrait l'espoir de voir leurs enfants vivre mieux qu'elles. Tout au long du XXe siècle, elles ont donc choisi le capitalisme contre le communisme, signant une alliance de fait avec les classes dominantes. Tous les progrès sociaux de l'après-guerre, la répartition de la valeur ajoutée, la protection sociale, furent conquis sous la menace du communisme. À partir du moment où celui-ci s'est effondré, les classes moyennes ne sont plus d'aucune utilité. Se remet en place le capitalisme dans sa forme la plus brutale et prédatrice.

    Cela ne peut se faire qu'en maintenant la fiction d'un système démocratique appuyé sur le consentement des électeurs. Une sorte de totalitarisme soft dont on ne perçoit que par intermittence la violence. Quand le Parti démocrate a besoin de truquer les primaires pour éviter l'émergence d'un Bernie Sanders, quand des hiérarques du Parti républicain doivent appeler à voter Clinton, meilleure représentante des intérêts de Wall Street et des lobbys énergétiques et militaires. En Europe, ce sera la résistance farouche d'un Junker, artisan de l'évasion fiscale vers le Luxembourg, pour imposer les traités de libre-échange en évitant au maximum tout processus démocratique qui pourrait servir d'écho au refus des peuples européens.

    Ce qui reste de démocratie dans les pays occidentaux laisse éclater les bouillonnements de ces populations conscientes qu'elles ont perdu la lutte des classes. Ces bouillonnements ressemblent parfois aux éructations de l'histrion Trump. Mais ils pourraient aussi, un jour prochain, mettre en danger le système et ressembler à une de ces révolutions dont la France a le goût. 

    Liens

    l'élection la plus pitoyable de l'histoire américaine

    groupies improbables de Trump

    le Royaume-Uni dans le chaos en votant le Brexit

    Junker, artisan de l'évasion fiscale vers le Luxembourg

  • Le lourd passif du libre-échange

     

    Par Benjamin Masse-Stamberger           

    Même si les Belges ont finalement trouvé un accord entre eux, l'imbroglio autour du CETA marquera les esprits. Benjamin Masse-Stamberger développe ici [Figarovox - 27.10] les raisons du rejet profond du libre-échange par les peuples européens. Le bilan qu'il dresse des « politiques de libre-échange menées sous l'égide de l'Union Européenne » est accablant, les chiffres qu'il avance, pour la seule France, sont sans appel. Sommes-nous pour le libre-échange ? Non. Contre ? Pas davantage. Mais nous sommes résolument opposés au dogme libre-échangiste, à cette religion du libre échange, qui voudrait l'imposer partout, à la terre entière, quels que soient les temps, les circonstances, les nations, les communautés politiques, sans considération de leurs situation, de leurs intérêts, du Bien Commun qui les tient historiquement réunis. Libre-échange ? Protectionnisme ? Cela doit dépendre des situations, des circonstances, des Etats, non d'une volonté uniforme et dogmatique, nécessairement destructrice. Telle est, nous semble-t-il, sur ce sujet crucial, la pensée des royalistes et des patriotes français. Leur position et, semble-t-il, celle des peuples  Lafautearousseau.    

     

    th ppppppppppp.jpgStupeur au Quartier Général ! Ainsi donc, la petite Wallonie, forte de ses quelque 3,5 millions de Belges francophones, a-t-elle eu l'audace de bloquer - fût-ce temporairement - le majestueux projet d'accord de libre-échange euro-canadien (CETA). Un accord dit de « nouvelle génération », dans la mesure où il ne concerne plus seulement les barrières douanières, mais aussi toutes les normes, qu'elles soient sanitaires, sociales, techniques ou environnementales, vouées, selon la terminologie technocratique en vigueur, à être « harmonisées ».

    Or c'est bien là le problème : Paul Magnette, ministre-président de la Wallonie, craignait que le fameux tribunal arbitral, prévu par le CETA, ne permette aux multinationales d'imposer leurs règles à la puissance publique, sans que celle-ci ait les moyens de s'y opposer. En outre, il craignait pour son agriculture, alors que le Canada pourra exporter sans droits de douane vers l'Europe 46 000 tonnes de bœuf, 75 000 tonnes de porc, et 100 000 tonnes de blé. Il craignait enfin pour ses entreprises, confrontées à une concurrence accrue, sur un territoire déjà frappé par une désindustrialisation massive.

    A-t-il eu raison ? A-t-il eu tort ? Rares sont ceux qui sont en mesure de répondre précisément à cette question : encore faudrait-il avoir épluché les 2 344 pages que compte le volumineux document. Et pourtant : la résistance de la petite Wallonie, sans doute pas exempte de considérations de politique intérieure, a entraîné un mouvement de soutien et de sympathie un peu partout en Europe. Pour une raison simple : les Européens n'ont plus confiance dans les politiques conduites en leur nom. Encore moins dans les politiques de libre-échange menées sous l'égide de l'Union Européenne. Et il est bien difficile de leur donner tort, tant le bilan des précédentes phases de libéralisation est mauvais.

    Le pouvoir d'achat des Européens devait progresser, grâce à l'importation massive de biens à bas coût, produits dans les pays émergents. Or, le constat est inverse : le recul de la production, et donc de la croissance, a bien dû être compensé, souvent par des hausses d'impôt, qui ont fait perdre d'un côté ce qui avait été gagné de l'autre.

    Les pertes d'emplois industriels, elles, devaient être compensées par une spécialisation dans le « haut de gamme », permettant aux salariés du Vieux Continent d'échanger des travaux pénibles contre des emplois intellectuels, de conception ou d'ingénierie. Mais rien de tel ne s'est produit, du fait notamment de la montée en gamme des pays émergents. Au final, le bilan des délocalisations est sans appel : simplement pour la France, ce sont 2 millions d'emplois industriels qui ont été perdus au cours des trente dernières années, dont 140 000 depuis 2012. L'Europe avait promis, la main sur le cœur, qu'elle protégerait ses citoyens contre les effets délétères d'une mondialisation jugée sauvage. Cette promesse, à l'évidence, n'a pas été tenue.

    C'est ce lourd passif du libre-échange, autant que les flous du CETA lui-même, que payent aujourd'hui les instances bruxelloises. Et le soutien populaire à Magnette montre bien que ce message leur est envoyé, non pas seulement par les 3,5 millions de Wallons, mais par l'ensemble des peuples européens, exaspérés par l'incapacité de leurs dirigeants à tenir compte des multiples critiques qui leur ont été adressées. S'il n'était pas entendu, l'avertissement wallon pourrait bien être le dernier.

    « Le pouvoir d'achat des Européens devait progresser. Or, le constat est inverse. »

    Benjamin Masse-Stamberger

    Benjamin Masse-Stamberger est journaliste et essayiste, membre fondateur du Comité Orwell. Ancien Grand reporter à l'Express, il est co-auteur de Inévitable Protectionnisme (éd. Gallimard/Le Débat, 2011) et de Casser l'euro pour sauver l'Europe (éd. Les Liens qui Libèrent, 2014). Il tient le blog Basculements.

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    Natacha Polony : « Cette élection américaine qui parle de nous »

    La frontière

  • Un triste sire a encore frappé : François Reynaert vient de déverser sur Maurras sa haine et son inculture

     

    Mur-bleu gds.jpgJamais deux sans trois, selon le dicton. Nous avions déjà épinglé, par deux fois, le 5 mai 2011 et le 13 septembre 2013*, les stupéfiants mensonges de François Reynaert, sa propension inouïe à déformer et truquer l'Histoire, sa mauvaise foi abyssale.

    Nous sommes revenus, dimanche, sur le personnage, pour lui asséner un troisième « pan sur le bec », bien mérité après ses propos sur Maurras, qui ne discréditent et ne disqualifient que lui. Dans l'actuel jargon des journaleux bobos-gauchos, on dirait de ses propos qu'ils sont « nauséabonds », « stigmatisants », voire « glaçants », qu'il s'agit d'un dérapage. Mais, là, il s'agit d'un dé-constructeur de la vérité historique, de notre Histoire, de nos racines.

    Le pire est qu'il est content de lui, le pseudo historien mais vrai menteur François Raynaert, toujours en train de rigoler, un peu comme - toutes proportions gardées - un Laurent Ruquier ; ravi de ses blagues qui ne font rire que lui et ses acolytes, réunis pour ça, et qui sont persuadés, comme lui, dans leur bulle télévisuelle, qu'ils sont le centre du monde. 

    Nous avons pointé, ce dimanche, les mensonges sur Charles Maurras de cet « ennemi déterminé et déguelasse », comme le désigne un commentaire de Pierre Builly.

    Mais, le hasard voulant que jeudi dernier (le 3 novembre) la chaîne 23 de la TNT ait diffusé L'Ombre d'un doute, de Franck Ferrand, Fallait-il condamner Marie-Antoinette ? nous reviendrons sur un autre sujet d’opposition frontale avec François Reynaert, celui de notre note la plus lointaine (celle du 5 mai 2011) : qui a trahi la France ?

    Et, Franck Ferrand le montre bien dans son émission, c'est la déclaration de guerre à l'Autriche, en 1792, qui est au centre de tout. Et qui condamne notre Système actuel, qui se fonde sur la révolution de 1789, comme le stipule le court et néfaste préambule de notre Constitution.

    La vérité vraie, pas la vérité officielle réécrite par François Reynaert, est claire et limpide. Avant même d'exister, la Révolution et la République ont été pensées et voulues en intelligence avec l'ennemi : à savoir, la Prusse. La Royauté française, après une longue lutte de deux siècles contre la Maison d'Autriche, commencée dans les années 1500 entre François premier et Charles Quint, avait remporté la victoire. Le moment était venu de s'allier à l'ennemi d'hier vaincu - l'Autriche - pour combattre le nouvel ennemi, dont l'émergence avait assombri les dernières années du règne de Louis XIV, assailli de sombres pressentiments qui, malheureusement, ne le trompaient pas. 

    Cela, la royauté française, progressiste au vrai sens du terme, l'avait bien compris, et Louis XV, avec raison, procéda au renversement des alliances : France et Autriche contre Prusse. Mais les philosophes, malgré leur intelligence, raisonnèrent au passé prolongé, et ne comprirent pas ce progressisme ; ils furent rétrogrades et passéistes, admirèrent la Prusse. Cette prussophilie - véritable « intelligence avec l'ennemi » - durera jusqu'au réveil brutal de 1870, et même encore après, pour certains. 

    On l'a bien vu, ce jeudi, avec Franck Ferrand : c'est en forçant Louis XVI à déclarer une guerre à laquelle il ne pouvait que s'opposer; un Louis XVI qui n'avait plus le pouvoir, et presque plus de pouvoir - par sa faute - que la révolution a pu triompher, la royauté être abolie et la république être instaurée : car les révolutionnaires mettaient ainsi le roi en contradiction frontale avec les exaltations suicidaires d'une opinion publique trompée, et peu compétente en matière de politique extérieure.

    Oui : Encyclopédistes, révolution, républiques et empires n'ont été possibles - et n'ont mené de politique - qu'en intelligence avec l'ennemi, en trahissant les intérêts supérieurs de la Nation française.

    Que cela plaise ou non au pseudo-historien mais vrai désinformateur François Reynaert, apôtre aveugle et sourd d'un Régime, d'un Système nés de la trahison des intérêts supérieurs de la Nation... 

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    « Au secours, Maurras revient ! » s'alarme l'Obs... Mais un misérable Maurras forgé par la haine et la bêtise

  • Les raisons de la colère

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    2771589182.jpgLes policiers sont mécontents. Il y a de quoi. Ils sont devenus les cibles prioritaires de toute la voyoucratie qui règne impunément dans ce que l’on ose appeler « les zones sensibles » ou « les quartiers de non-droit ». Quoiqu’il soit interdit de le préciser, ces territoires sont déjà, de fait, totalement ou partiellement islamisés. L’islam et l’islamisme y font la loi.

    Le ministre de l’Intérieur et le garde des Sceaux ont eu beau dire que la notion de territoires de non-droit dans la République n’existait pas, chacun sait qu’une telle affirmation relève de la pétition de principe. Il ne devrait pas y en avoir « en théorie » ; « en pratique » des enclaves de plus en plus vastes du territoire national ne sont plus accessibles aux autorités, aux services et aux forces représentant, d’une manière ou d’une autre, la puissance publique. C’est vrai dans toutes les grandes agglomérations. Maintenant, de moindres villes de province sont atteintes du même mal. Ce sont des centaines de Molenbeek qui gangrènent le pays.

    Les maires le savent parfaitement ; les responsables des services publics aussi , pareillement les médecins, les personnels hospitaliers, éducatifs, pénitentiaires constamment en danger et, en tout premier lieu, les agents des forces de l’ordre ainsi que les pompiers qui se font agresser, caillasser, tirer comme des lapins et qui sont reçus dans lesdits quartiers à coups de cocktails molotov, voire à coups de mortier. Laurent Obertone, dans son dernier roman d’anticipation Guérilla, Le jour où tout s’embrasa (Ring), décrit un scénario, devenu terriblement plausible, de guerre civile. Interrogez les gens de terrain, tous conviennent du même diagnostic.

    D’ailleurs, Messieurs Cazeneuve, Urvoas, Valls, Hollande et autres Excellences qui tiennent des discours d’apparence si simple et d’allure si martiale et à qui peuvent se joindre les Juppé et compagnie, n’ont qu’à se rendre eux-mêmes à pied et sans escorte dans ces beaux territoires de leur République apaisée et exemplaire ! La vérité ? Pas un citoyen qui ne la sache : la vie politique française est hors de la réalité.

    La réalité, c’est, le 8 octobre, quatre policiers qui sont attaqués aux cocktails molotov à Viry-Châtillon. Deux ont été brûlés volontairement dans leur voiture ; c’était une tentative d’assassinat. Cazeneuve, le ministre responsable des forces de l’ordre, a parlé de « sauvageons », comme naguère Chevènement ! Ces policiers étaient chargés de surveiller (!) une caméra de vidéo-surveillance (!) que lesdits « sauvageons » s’acharnaient à détruire. Rien ne s’est passé après l’évènement. Rien ! Les autorités politiques sont tellement dépassées qu’elles font donner par les hiérarchies policières des ordres idiots.

    Les ripostes de la puissance publique et de l’autorité judiciaire sont nulles. C’est tous les jours les mêmes schémas, les mêmes discours creux, les mêmes tâches inutilement dangereuses, la même stupide politique. Faut-il rappeler ce qui s’est passé à Magnanville, le 13 juin dernier ? Un policier et sa femme, policière, sauvagement assassinés à coups de couteaux sous l’œil de leur enfant par un islamiste, Larossi Abballa, qui se réclamait de l’État islamique ? Après ? Rien ou presque rien. Une citation à l’ordre de la nation à titre posthume, comme d’habitude !

    Comment ne pas comprendre les policiers ? Et les gendarmes ? et les militaires maintenant réquisitionnés ? Les policiers ont manifesté fin octobre tous les soirs dans les grandes villes. Ce qu’ils visaient : la place Beauvau, la place Vendôme, les palais de justice. Ils ont parfaitement compris. C’est là que se trouvent, en effet, les vraies causes de l’incurie criminelle qui livre la France aux voyous, aux assassins et aux islamistes.

    Ils visaient également l’Élysée. Mais Jean-Marc Falcone, le directeur général de la Police nationale, qui s’est fait siffler par ses troupes, les a, dès lors, menacés de sanction. Les syndicats de police qui essayent de reprendre la main, ont été reçus le 26 octobre par le président de la République. Comme à l’accoutumée, il les a gratifiés de bonnes paroles. Urvoas, de son côté, revoit les règles aberrantes de détention des terroristes islamistes, pendant que Cazeneuve multiplie les petits « Calais » !

    A quoi tout cela sert-il ? Il y a en France, d’abord, un problème d’autorité. L’État n’est plus représenté comme il convient. La population attend que soit restauré le principe d’autorité. Refaire l’État est pour tout esprit politique l’urgence absolue. 

  • Primaires de la droite, 2e débat : nous voulons un Roi qui rassemble les Français, pas un Système qui les divise

     

    Mur-bleu gds.jpgPar Academos

    Avez-vous regardé le deuxième « débat des sept » ? Moins soporifique que le premier, je vous l'accorde, serez-vous d'accord avec moi sur une remarque que je me suis faite durant l'émission, et qui n'a fait que se confirmer par la suite : au fond, il n'y a qu'un seul sujet qui les mette tous d'accord : l'exclusion du Front national. Et, sans appartenir ni de près ni de loin à ce parti, je dois dire que cela me choque.

    Dans les années soixante-dix, le précédent Comte de Paris avait parlé en roi, lorsqu'il avait déclaré - dans une France où le Parti communiste réunissait 25% des voix - que l'on ne pouvait pas exclure de l'effort national un quart des Français sous prétexte qu'ils votent communiste. Celui qui aurait pu être Henri VI parlait comme un Henri IV, pacificateur entre les catholiques et les protestants, ou un Louis XVIII, trait d'union entre les Français après la secousse révolutionnaire. Il fut d'ailleurs appelé « le prince rouge » par beaucoup, à droite : ironie de l'Histoire, certains de ceux qui l'ont insulté alors - ou leurs héritiers - sont aujourd'hui rejetés à leur tour...

    Nos sept aspirants présidents, eux, ne parlent pas ainsi : ils n'ont à la bouche que les mots de « respect » ou « compréhension » (pour tous), « vivre ensemble » et « ouverture à l'autre », « différences » et « diversité » (pour plusieurs), sans oublier bien sûr la « tolérance » mais, pour les millions de Français qui votent Front national, c'est : dehors ! Ils ne disent pas « sales Français », mais ils le pensent tellement fort que cela heurte les tympans.

    Franchement, est-ce bien raisonnable ? Peut-on exclure, aujourd'hui, et selon les endroits, 20, 30, 40, 50% et souvent plus, selon les lieux, des Français de l’effort national, sous prétexte qu'ils votent Front national ? Ne feraient-ils pas mieux, nos « sept » condamnateurs de se demander quelle est leur part de responsabilité dans ce vote Front national qu'ils dénoncent, insultant une part croissante du peuple souverain : entre leurs actes au gouvernement et leur idéologie, elle est énorme, et cela les condamne...

    Comme les condamne cette seconde remarque que je me faisais en les écoutant - l'une et l'autre résumant, pour moi, cette séquence politicienne d'assez bas niveau : certes, on a entendu, et plusieurs fois, le mot « la France ». C'est vrai. Mais, avec chaleur ? A-t-on parlé d'une France charnelle, à la Péguy, à la Barrès ? Des terroirs, des traditions, de la culture et de la civilisation, de la langue française, de notre art de vivre (ou de ce qu'il en reste après cent cinquante ans de déconstruction de notre identité - malheureuse... - par le Pays légal) ? Non, tout ne fut que très technique, très technocratique, froid ; chiffres et statistiques... Pourtant, la dernière partie du débat, sur l'Ecole, était l'occasion rêvée d'élever le débat, de sortir la tête du marigot pour respirer un peu : non, rien de chaleureux, d'affectif, d'humain. Que du discours, du verbiage, de l'idéologie, des constructions cérébrales et abstraites. La palme revenant à cette pauvre NKM qui a osé faire l'éloge du « Collège unique » - créé par la droite, ajoute-t-elle, avec raison - alors que partout on reconnaît que c'est ce Collège unique qui fut la pièce maîtresse, mais pas unique - du naufrage de notre système éducatif, jadis de qualité.

    Voilà : je ne sais pas vous, mais moi, une chose est sûre, après ce pénible « débat des sept » : je ne voterai pour aucun d'entre eux, et encore moins pour « elle ». Le vote blanc étant, enfin, reconnu (compté à part, mais toujours pas décompté dans les suffrages exprimés), le suspense reste entier... 

  • Goldnadel a raison : il faut « en finir avec l'idéologie gauchisante des médias publics »

     

    Par Gilles William Goldnadel           

    Alors que la Cour des Comptes vient de publier un rapport sévère contre la gestion de France Télévisions, Gilles-William Goldnadel dénonce dans cette chronique [Figarovox - 3.11] la partialité idéologique en vigueur au sein du service public de l'audiovisuel français. Il a mille fois raison. Il n'y aura, d'ailleurs, selon nous, aucune possibilité que s'opère un réarmement politique et mental des Français, sans que ne soit organisée une révolution profonde au sein des grands médias publics. Et, disons-le, sans la mise à l'écart d'un certain nombre de journalistes dédiés au formatage gauchiste, bobo, antifrançais de l'opinion. Y compris les prétendus humoristes. En réalité de redoutables militants politiques ...  LFAR 

     

    2707340474.jpgAvec une récurrence que d'aucuns trouveraient obsessive, je ne cesse de reprocher au personnel politique d'opposition leur refus de comprendre que la bataille intellectuelle et médiatique est la mère de toutes les batailles.

    Dans un cadre politique belliqueux, l'absence de toute critique de la mainmise de la pensée gauchisante sur le service public de l'audiovisuel français me paraît constitutive au mieux de l'inintelligence politique, au pire de la couardise. À moins, bien entendu que la lâcheté soit préférable à la bêtise…

    Alors que je me trouvais dans une sorte de renoncement, les propos d'Éric Ciotti, au micro de France Inter, dimanche dernier, mettant en cause, fût-ce avec modération, l'impartialité du service dont s'agit ainsi que celle du CSA ont mis sur mon cœur d'usager résigné un baume bienfaisant. Généralement en effet, les hommes politiques de droite, même les forts en gueule, ont tendance - par pusillanimité, complaisance obséquieuse ou encore en raison d'un surmoi social persistant - de mettre un bœuf sur leur langue lorsqu'ils pénètrent dans la Notre-Dame bien ronde de la bien-pensance ronronnante.

    Bien en a pris d'ailleurs au député méridional, puisque les préposés ont préféré battre en retraite de fonctionnaires, plutôt que de rompre imprudemment des lances pour éteindre le début d'incendie.

    Je n'y peux rien si ce service audiovisuel que l'on dit public a le don de me mettre dans une rage qui n'a plus rien de privée, si j'en juge au nombre de commentaires approbateurs que mes fréquents accès de colère subite suscitent.

    Prenez France 2 et son émission phare du samedi soir : On N'est Pas Couché. Souvenez-vous que son animateur, Laurent Ruquier, qui lui aussi est colérique, avait piqué une crise sévère contre ce qu'il nomma avec finesse et modération « la fachosphère » de Twitter. L'intéressé n'avait pas apprécié les nombreux gazouillis qui moquaient son émission et ses animateurs. Il morigéna pour le même tarif ces journalistes qui accordaient du prix à l'opinion de ces fâcheux de cette fâcheuse sphère qui ne devraient même pas avoir droit à l'avis.

    Souvenez-vous encore qu'il n'y a pas trois semaines, un certain Éric Z. faillit être condamné à la mort civile et professionnelle pour avoir maladroitement qualifié le sacrifice des islamistes suicidaires en l'opposant au refus européen de mourir pour la patrie.

    La kyrielle de folliculaires qui ordinairement reprochent à l'intellectuel téméraire ses jugements tranchés sur l'islam n'étaient pas loin de vouloir rétablir la guillotine à son usage exclusif pour crime de complicité avec le djihadisme.

    Or, ce samedi soir sur la terre de Ruquier, Magyd Cherfi, fondateur du groupe toulousain Zebda, et invité à traiter de ces questions d'identité qui le taraudent et lui ont inspiré un livre, déclarait qu'il fallait éprouver de « l'empathie » pour Mohamed Mera.

    Il est de médiocre utilité que je rappelle à mes lecteurs que Mohamed Mera est cet autre toulousain qui massacra des enfants dans une école parce qu'ils étaient juifs et des chrétiens et des musulmans parce qu'ils étaient soldats. Le genre d'individu qui ne commande pas ordinairement une empathie obligatoire.

    Curieusement, l'étrange sortie de l'artiste (j'écris « étrange », car pour avoir débattu avec lui, je l'avais trouvé intelligent et pondéré) n'a provoqué lors de l'émission ou après, aucune bronca particulière, aucun intellectuel ou artiste branché n'ayant cru devoir broncher.

    J'observe encore, sans étonnement feint car mon expérience de la double comptabilité morale est illimitée, qu'aucune organisation « antiraciste » ou encore le CSA n'ont protesté et que le parquet de Paris, au rebours de ce qui se passe pour Éric Z. ne s'est chargé d'enquêter préliminairement sur l'existence d'une éventuelle apologie du terrorisme.

    Il est vrai qu'il ne s'agit pas de Causeur, mais seulement du service public télévisuel.

    Un service inestimable, puisqu'une nouvelle fois, la Cour des Comptes dans un rapport fort vinaigré, a assaisonné copieusement la direction de France Télévisions.

    Dans un mémoire qui ne flanche pas , les magistrats invitent celle-ci à se pencher sur « le contenu effectif des postes occupés par les salariés les mieux rémunérés de l'entreprise ». En effet, 547 salariés du groupe public perçoivent un salaire supérieur à 8000 € bruts par mois, dont 191 bénéficient d'une rémunération supérieure à 120 000 € annuels bruts.

    Les Sages s'étonnent d'une « disproportion encore plus marquée au sein de la direction de l'information où le nombre de cadres atteint 40 %, dont 149 rédacteurs en chef ou rédacteurs en chef adjoints ».

    Il y a ainsi trois fois plus de cadres chez France Télévisions, détenue à 100 % par l'État français que dans les autres entreprises de l'hexagone. (Je conseille fortement la lecture quotidienne et édifiante d'Ojim.fr, source rafraîchissante d'information indépendante sur le sujet)

    Ceci posé, les rapports précédents sur une gabegie et un gouffre financier abyssal n'ont pas empêché Madame Ernotte et ses mentors idéologiques de créer une chaîne France Info que presque personne ne regarde. Pourquoi se priver, puisque la redevance publique suivra ?

    Pourquoi surtout se gêner puisqu'en dehors de quelques francs-tireurs trop peu partisans, aucune contestation véritable de l'absence de pluralisme, de la mainmise idéologique (le cas d'Arte mériterait un article, un livre, voire une commission d'enquête…) et des excès financiers n'existe véritablement.

    Par une curieuse inversion des normes, c'est au contraire le service public défaillant qui s'arroge le droit de juger sévèrement les fautes éventuelles commises dans le privé ou par les politiques.

    Je conseillerais à Élise Lucet de traiter les responsables financiers de France Télévision ou de Radio France avec la même vigueur qu'elle a traité dernièrement le maire de Nice. Et avant de condamner, à tort ou à raison, Vincent Bolloré pour la manière dont il gère sa chaine privée, la ministre de la Culture, Madame Azoulay aurait été bien inspirée d'étudier le sort de Philippe Verdier (que j'ai l'honneur de défendre), présentateur de la météo nationale et renvoyé sur-le-champ pour avoir osé écrire un livre sans l'imprimatur préalable d'un comité de censure morale et politique aussi invisible qu'omnipotent.

    Sévérité bien ordonnée commence par le service public.

    Je conseille donc à celui qui sortira vainqueur de la primaire à droite, de faire de la captation par l'idéologie gauchisante des moyens d'information étatiques, un thème électoral majeur.

    Il aura tout à y gagner. Le service du public aussi.

    Notre liberté bien davantage encore. 

    « Ce samedi chez Ruquier, Magyd Cherfi, invité à traiter de ces questions d'identité qui le taraudent et lui ont inspiré un livre, déclarait qu'il fallait éprouver de « l'empathie » pour Mohamed Mera. »

    Gilles William Goldnadel           

  • Médias • « Au secours, Maurras revient ! » s'alarme l'Obs... Mais un misérable Maurras forgé par la haine et la bêtise

    A l'auteur du Voyage d'Athènes 

     

    C'est la jeune Action française Provence qui nous a fait découvrir, sur sa page Facebook, la merveille qui suit. Une vidéo où l'Obs prétend révéler, définir, enseigner (?) ... qui était vraiment Charles Maurras. « Oncle Obs vous raconte tout. Regardez », nous dit-on sur le site de l'Obs. Regardez et vous trouverez un portrait de Charles Maurras - dressé, comme un procès-verbal, par un journaliste assez inconnu et passablement inculte, nommé François Reynaert - un portrait qui est une pièce d'anthologie, un condensé de tous les poncifs, une exposition de tous les réductionnismes, tous les mensonges, tous les tics de langage, l'expression mécanique de tous les clichés, tous les pauvres éléments de vocabulaire dont il est d'usage obligé de se servir pour évoquer l'un des grands penseurs, écrivain, poète et journaliste français du XXe siècle. « Charles Maurras, idéologue antisémite, concepteur d'un nationalisme absolu et nauséabond, collabo, est l'idole de Patrick Buisson... et semble inspirer de plus en plus les discours à droite. » Rassurez-vous, sulfureux est utilisé plus loin - aussi obligatoire que nauséabond (supra) : « Pourquoi faut-il s’inquiéter du retour en grâce de ce sulfureux idéologue ? Oncle Obs plonge dans les eaux troubles de l’histoire de l’extrême droite pour vous expliquer ça. ». Ni les eaux troubles, ni l'extrême droite n'auront manqué. 

    Deux observations : la première s'adresse au lecteur inconnu, à qui n'a pas lu Maurras, le connaît peu, mal, ou pas du tout, pour lui conseiller de passer son chemin, d'aller chercher ailleurs qui fut l'auteur d'Anthinéa, du Voyage d'Athènes, de l'Avenir de l'Intelligence, de Kiel et Tanger, le poète de la Musique et de la Balance intérieure, du Chemin de Paradis et des Quatre nuits de Provence ... Il y a, sur lui, par delà son œuvre même, cent ouvrages sérieux, de grande qualité. Oubliez l'obscur Reynaert. A ce dernier s'adresse notre seconde remarque : si la gauche s'alarme de perdre son hégémonie idéologique, sa suprématie intellectuelle, comme s'en inquiète incessamment votre distingué confrère Raphaël Glucksmann, le fils d'André, continuez sur cette voie et il aura eu raison de vous mettre en garde. Vous perdrez tout. Ce n'est pas ainsi que l'on combat ses adversaires dans l'ordre de l'esprit et de l'intelligence. Sur l'importance de la pensée de Maurras, consultez donc Edgar Morin et, pour l'heure, l'indignité de votre portrait de Maurras vous intime l'obligation de vous taire.   Lafautearousseau         

      

     

    A titre en quelque sorte de réponse et d'explication, Action française Provence a eu la bonne idée - il faut l'en féliciter - d'accompagner cette indigne vidéo d'un beau texte de Pierre Boutang. On commémore cette année son centenaire. Il est, sans-doute, le principal disciple de Charles Maurras de la période contemporaine et fut l'ami de George Steiner, grand intellectuel européen juif. Il fut aussi le successeur d'Emmanuel Levinas à la chaire de métaphysique de la Sorbonne. Ce dernier, métaphysicien et juif, commentant le choix controversé de Pierre Boutang pour lui succéder, avait dit à ses étudiants : « vous êtes dans de bonnes mains. » Dédié au très indigent François Reynaert.  LFAR  

     

    Boutang1.jpg« La présence de Maurras étonne ; la séduction qu'il recommence d'exercer sur les jeunes esprits, ce second printemps de la génération spirituelle, plonge les puissants et les habiles dans la plus lourde, et plaisante, stupeur. De lui, de sa méthode, des belles harmonies qu'il a instituées, il recommence de naître un grand murmure, moins audible dans les lâches assemblées publiques ou les timides salles de rédaction, que dans les petites réunions, les pauvres chambres, où les étudiants se rassemblent, et se demandent : qu'en sera-t-il de nous, de la vérité et du pays ? »

    Pierre Boutang

    Les Abeilles de Delphes 

    L'Obs

    Action Française - Provence

  • Histoire • Michel De Jaeghere par Mathieu Bock-Côté : un historien méditatif vu du Québec

     

    Par Mathieu Bock-Côté           

    A quoi sert l'histoire ? s'interroge Michel De Jaeghere dans La Compagnie des ombres. Le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté a lu le dernier essai du directeur du Figaro Histoire, une méditation autour de la permanence de l'homme à travers les siècles. Et il en tire lui-même une ample méditation d'où ni le legs de l'Histoire, ni le tragique de notre condition et de notre actualité ne sont absents. Mathieu Bock-Côté, parce qu'il nous paraît être, au sens de Baudelaire ou d'Edgar Poe, un antimoderne, nous est absolument proche.  LFAR 

     

    3222752275.jpgJournaliste de profession et historien de vocation, Michel De Jaeghere est une des plus belles plumes de la presse française. Auteur de nombreux ouvrages, parmi ceux-là, Enquête sur la christianophobie, La repentance, et plus récemment, du magistral Les derniers jours, qui revenait sur la chute de l'empire romain d'Occident, le directeur du Figaro-Histoire nous propose, avec La compagnie des ombres (éd. Belles Lettres, 2016), une méditation d'une érudition exceptionnelle sur un thème qui, manifestement, l'habite : à quoi sert l'histoire ? Au-delà de la simple passion encyclopédique qui pousse l'homme à accumuler les connaissances, que cherche-t-il en se tournant vers les époques passées, qu'elles soient très éloignées ou non dans le temps ? Qu'est-ce qui le pousse, inlassablement, vers des temps révolus qu'il ne connaîtra jamais que grâce au travail de son imagination ?

    Michel De Jaeghere nous souffle la réponse dès le début de l'ouvrage mais il y reviendra sur 400 pages : l'histoire nous « fait lever des ombres venues de la profondeur des âges pour nous faire partager les leçons tirées de la pratique de notre condition » et nous permet « d'enrichir nos âmes blessées au milieu des vivants par un fructueux colloque en compagnie des ombres » (p.18). Mais cela implique de reconnaître une chose : d'un siècle à l'autre, l'homme demeure le même, même si chaque époque ne cultive pas les mêmes passions ou les mêmes facettes de l'âme humaine. Il y a une telle chose que la permanence de l'homme, quoi qu'en pensent les modernes. L'histoire est un réservoir d'exemples : elle montre à l'humanité ses grandeurs et ses misères et l'homme d'État, quoi qu'on en pense, ne maîtrisera jamais l'art de gouverner s'il ne sait pas entretenir un riche dialogue avec ceux qui se sont posé des questions semblables aux siennes. Quant au philosophe, quelle sera la valeur de son œuvre, s'il s'imagine ne rien devoir à la grande enquête qu'il reprend à son tour ?

    Dans la première partie, consacrée à « la profondeur des âges », Michel De Jaeghere revient sur le monde antique, qu'il s'agisse de l'Égypte, du peuple juif, de la Grèce ou de Rome. Ces vieilles civilisations nous fascinent encore et on sait que Michel De Jaeghere a longuement médité sur le destin de la dernière, qu'on croyait éternelle et qui finalement, ne l'était pas. C'était longtemps la grande question des historiens : comment expliquer la grandeur et le déclin des civilisations ? Les choses humaines sont appelées à périr, même les plus belles, même si elles peuvent atteindre la relative immortalité qui vient avec leur remémoration. Autrement dit, à travers des formes historiques périssables, l'homme peut toucher certaines aspirations éternelles. Si une civilisation dure, nous dit-il, c'est parce qu'elle s'ouvre à certaines vérités éternelles qu'elle sait contempler. Cela, les Anciens le savaient, nous dit Michel De Jaeghere. Il n'en demeure pas moins qu'il y a là une réalité tragique : les hommes s'attachent à des réalités passagères, qu'ils voudraient immortaliser, et pour lesquelles ils sont prêts à donner leur vie, tout en sachant que le temps réduira à rien l'objet de leur sacrifice.

    La chute de Rome obsède les hommes depuis toujours et ils ne cessent de se tourner vers ses causes pour comprendre le sort qui attend la leur. Que se passe-t-il quand un empire ne parvient plus à défendre ses frontières et tolère que des peuples s'installent chez lui sans s'assimiler à la civilisation qu'ils rejoignent ? Michel De Jaeghere, à sa manière, renouvelle notre rapport aux invasions barbares. Les barbares avaient beau s'installer dans l'empire pour des raisons humanitaires, ils n'en demeuraient pas moins des envahisseurs. D'ailleurs, c'est un des charmes de ce livre : si à plusieurs reprises, en lisant un chapitre, on est frappé par la ressemblance entre une époque et une autre, jamais Michel De Jaeghere ne pousse la comparaison jusqu'à dissoudre la singularité de chacune : la permanence de la condition humaine n'est pas simplement l'éternel retour du même. Deux situations semblables ne sont pas deux situations identiques. L'homme tel que le peint Michel De Jaeghere est libre, même s'il n'est pas tout puissant. Il peut faire dévier le cours des événements : il y a un « prix à payer pour la défaillance des volontés humaines » (p.72). Si on étudiait encore la biographie des grands hommes, on le saurait. On ne se surprendra pas que Michel De Jaeghere nous y invite.

    Les civilisations meurent, mais d'autres naissent, comme le démontre éloquemment Michel De Jaeghere, dans la partie consacrée à « l'invention de l'Occident ». Évidemment, une civilisation naît dans la douleur, et par définition, pourrait-on dire, dans des temps sombres. La chute de Rome a créé les conditions d'un retour à la barbarie mais son souvenir a permis la naissance d'un nouveau monde, qui trouvera son « unité spirituelle » (p.124) dans le christianisme, notamment grâce à l'œuvre de Charlemagne. La leçon est forte : une civilisation qui ne s'ouvre pas à sa manière à la transcendance n'en est pas une. Un monde qui arrache ses racines et se ferme au ciel n'est pas un monde, mais un néant qui broie l'âme humaine. À plusieurs reprises, Michel De Jaeghere y revient : la civilisation européenne, et plus particulièrement, la nation française, sont indissociables de la religion chrétienne.

    L'histoire a longtemps été liée à l'art du gouvernement. Machiavel avait relu Tite-Live pour en tirer une philosophie politique faite d'exemples à méditer. La compagnie des ombres s'inscrit à cette école, principalement dans la section consacrée aux « grands siècles ». On sent une tristesse chez Michel De Jaeghere : en passant d'Aristote à Machiavel, la politique moderne aurait renoncé à la quête du bien commun pour devenir une pure technique de domination (p. 176-179). La modernité marque l'avènement de la rationalité instrumentale. Mais la cité risque alors de mutiler l'homme, en renonçant à l'élever, à cultiver sa meilleure part. Disons le autrement : la cité a quelque chose à voir avec l'âme humaine et le fait de former une communauté politique traversée par l'élan du bien commun permet à un groupe humain de se civiliser en profondeur. La philosophie politique de Michel De Jaeghere croise ici celle d'un Pierre Manent, qui demeure lui aussi attaché à une forme d'aristotélisme politique.

    De quelle manière gouverner les hommes ? En acceptant qu'ils ne sont ni anges, ni démons, et que la civilisation est d'abord une œuvre de refoulement de la barbarie. On aime chanter aujourd'hui les temps révolutionnaires : l'homme s'y serait régénéré en devenant maître de sa destinée. Après Soljenitsyne, Michel De Jaeghere nous met en garde contre cette illusion en revenant notamment sur les pages les plus sombres de la Révolution française : lorsqu'on fait tomber les digues qui contenaient les passions humaines les plus brutales et que le « fond de barbarie remonte » (p.221) au cœur de la cité. L'homme décivilisé n'est pas joyeusement spontané mais terriblement brutal. En fait, délivré de la culture, il s'ensauvage. Et il arrive aussi que le mal radical surgisse dans l'histoire, broie les hommes et pulvérise les peuples. Le vingtième siècle fut un siècle diabolique, qui a dévoré l'homme, le nazisme et le communisme étant chacun monstrueux et meurtriers.

    Historien méditatif, Michel De Jaeghere, disions-nous. On pourrait aussi dire de l'histoire méditative qu'il s'agit d'une histoire philosophique, qui entend retenir quelques leçons. J'en retiens une particulièrement : une cité n'en est pas vraiment une si elle ne se présente pas comme la gardienne de quelque chose de plus grand qu'elle, si elle ne cherche pas à exprimer une culture touchant aux aspirations fondamentales de l'âme humaine. Il nous parle ainsi de « l'incroyable capacité de résistance que peut avoir la culture lorsqu'elle est enracinée dans l'âme d'un peuple, lorsqu'elle est parvenue à une maturité qui lui donne d'atteindre à l'expression de la beauté avec une efficacité singulière » (p.29). Un peuple peut mourir politiquement. Il pourra renaître s'il n'a pas renié son âme, nous dit Michel De Jaeghere, en prenant l'exemple du peuple juif, qui a survécu à sa disparition politique et à sa dispersion il y a deux mille ans en se consacrant « à l'étude de la Torah, à l'observation des commandements et au recueil de la tradition orale, afin de maintenir la pérennité de la culture juive à travers les siècles » (p.83).

    Michel De Jaeghere comprend bien que l'homme ne comprendra jamais parfaitement le monde dans lequel il vit, que celui-ci n'est pas et ne sera jamais transparent. Le rationalisme militant des modernes prétend expliquer le monde mais l'assèche. Ils ont oublié la sagesse des Grecs qui « avaient compris que le mystère de la condition humaine laissait place à des questions auxquelles la réponse ne pouvait être donnée que sous le voile du mythe » (p.35). Que serait le travail de l'historien sans l'art de la métaphore, sans l'art du récit ? Il n'y a pas de transparence absolue du social, et une société n'est pas qu'un contrat rationnel à généraliser à l'ensemble des rapports sociaux. Son origine demeure toujours un peu mystérieuse, ce qui explique peut-être qu'on puisse toujours y revenir pour chercher à la comprendre et y trouver quelque inspiration.

    Le crépuscule des ombres est un livre splendide qui invite à considérer l'homme dans sa grandeur propre, en ne cherchant plus à le réduire à ses petits travers quotidiens. C'est un grand bonheur que d'admirer ceux qui sont dignes d'admiration. En creux, on y retrouvera aussi une critique aussi sévère que nécessaire de la stupide ingratitude des modernes, qui se croient appelés à dissoudre le monde pour le recommencer à leurs conditions et le formater idéologiquement. La modernité laissée à elle-même veut abolir l'ancienne humanité pour en faire naître une autre, délivrée de ses vieilles entraves, à partir du vide. En cela, il y a une barbarie moderne qui s'alimente d'un fantasme d'autoengendrement qui pousse l'homme à détruire l'héritage. Il ne s'agit pas, dès lors, de se tourner vers le passé pour se réfugier dans un musée, mais pour découvrir les invariants, les permanences, et peut-être surtout, les questions existentielles que l'homme ne peut esquiver sans finalement se déshumaniser. 

    « De quelle manière gouverner les hommes ? En acceptant qu'ils ne sont ni anges, ni démons, et que la civilisation est d'abord une œuvre de refoulement de la barbarie. »

    Michel De Jaeghere, La Compagnie des ombres. À quoi sert l'histoire?, éd. Les Belles Lettres, 2016. 

    Mathieu Bock-Côté 

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Art de vivre • Le petit bistrot sur la place de l’église

     

    par Bernard Leconte 
     

    L’autre année, par un mois d’octobre caniculaire, j’étais allé me promener dans la forêt de Compiègne. J’avais très soif. Je me dis : « Ce n’est rien. Il y a un café à Ermenonville ». Ce café était fermé. Je me dis : « Ce n’est rien. Il ne manque pas de villages sur ma route ». Dans chaque village, le café était fermé, ou il n’y en avait plus du tout. Ce n’est qu’à Senlis que je pus éviter in extremis un malaise odieux dû à une déshydratation poussée.

    Cette absence de cafés dans les villages a beaucoup de bon. Cela réduit considérablement l’alcoolisme public. On y gagne en silence. Autrefois, dans des villages où on pouvait aller jusqu’à quatre ou cinq établissements de boissons, on devait à l’abord de ces établissements-là slalomer difficilement entre des gens qui en sortaient en titubant, en chutant et en vociférant des gros mots. Il arrivait que dans ces établissements on chantât et même on braillât. Quand vous vous y installiez, bientôt de nouveaux assoiffés survenaient et s’empressaient de vous serrer la pogne avec leurs mains pleines de bouse.

    C’était peu hygiénique. D’ailleurs, la patronne n’était pas toujours très propre sur elle. Les verres dans lesquels elle versait différentes sortes de liquides étaient à peine rincés, quelquefois ils ne l’étaient pas du tout. Les miroirs étaient couverts de chiures de mouche. Les chaises en bois dont le siège, en bois mince lui aussi, était orné de motifs faux Henri II aux trois quarts effacés par le frottement de postérieurs rustauds, pouvaient être bancales et grinçaient sur un plancher où les crachats se mêlaient à la sciure. Ces établissements grouillaient de monde, on y rigolait grassement, on y calomniait son voisin avec entrain, on y colportait avec naïveté les plus délirantes rumeurs.

    C’était, comme on dit maintenant, des lieux de convivialité, mais d’une convivialité grossière. Aujourd’hui, plus de tout ça. Les gens ne se voient plus, ne se parlent plus, ils sont au travail sur leur tracteur qui fait un bruit admirable, ou devant leur ordinateur pour apprécier leur déficit, ou devant leur téléviseur où ils s’instruisent grâce à des séries américaines. Ils s’enivrent chez eux tout seuls et deviennent « addicts » sans que le voisin le sache. Voilà de la pudeur. Le soir, plus aucun bruit, le village est aseptisé et comme mort.   

     
  • Idées • Eric Zemmour : « L'homme qui n'aimait pas notre Révolution »

     

    Par Eric Zemmour

    Une réédition remarquable du classique de Burke. Depuis deux siècles, les droits de l'homme sont devenus  notre religion. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire, d'ailleurs, comme on le voit aujourd'hui. Deux remarques à propos de cette brillante recension d'Eric Zemmour [Figarovox - 2.11]. La première est que le terme conservateur - que revendiquent très couramment les intellectuels appelés souvent néo-réacs - n'a plus le sens péjoratif qu'il avait jadis dans les milieux royalistes ou patriotes (« c'est un mot qui commence mal ...»), il ne se rattache plus à l'idéologie libérale ou bourgeoise de la droite parlementaire, il signifie plutôt attachement à ce que nous aurions appelé en un temps, au sens profond, la Tradition.  A conserver ou à retrouver. Notre seconde remarque est une réserve lorsque Zemmour écrit que « les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même ». Ce qu'il peut y avoir de vrai dans cette affirmation doit, selon nous, être fortement relativisé : rien de comparable entre les libertés anciennes que la monarchie a pu détruire et l'œuvre du rouleau compresseur idéologique du jacobinisme révolutionnaire encore à l'œuvre aujourd'hui. Les plus ultras partisans de la décentralisation et des libertés se satisferaient volontiers aujourd'hui des libertés de toutes sortes dont était toujours hérissée la France à la veille de la Révolution.  Lafautearousseau    

     

    522209694.4.jpgC'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes ; dans les grands textes du passé qu'on comprend le mieux la situation politique contemporaine. La dernière réédition du classique Réflexions sur la Révolution en France d'Edmund Burke l'atteste une nouvelle fois avec éclat. Il faut dire que le travail éditorial est admirable : préface brillante de Philippe Raynaud ; appareil critique exhaustif et passionnant ; sans oublier divers discours ou lettres de Burke qui attestent que, jusqu'à sa mort en 1797, celui-ci n'a jamais cessé de ferrailler contre notre Révolution.

    On se souvient de la thèse de Burke : les « droits de l'homme » n'existent pas ; il ne connaît que les « droits des Anglais ». On songe aussitôt à Joseph de Maistre, qui, lui non plus, n'avait jamais rencontré d'« hommes », mais des Italiens, des Russes et même, grâce à Montesquieu, des Persans. Ce ne sera pas la seule fois que le libéral conservateur anglais se retrouve sur la même ligne que le réactionnaire savoyard. Pas la seule fois qu'il inspirera tous les conservateurs avec son éloge chaleureux des « préjugés ».

    Pour Burke, les libertés sont un héritage, un patrimoine hérité de ses ancêtres. De sa tradition et de son Histoire. Burke est le premier à prendre « la défense de l'Histoire contre le projet révolutionnaire de reconstruction consciente de l'ordre social », nous explique notre préfacier didactique. Cette querelle dure jusqu'à nous. Nous vivons encore sous l'emprise de ces révolutionnaires qui ne se lassent jamais de « faire table rase du passé », pour qui tout est artificiel, tout peut être construit par volonté et par contrat, même la nation, même la famille, jusqu'au choix de son sexe désormais.

    Burke comprend tout de suite les potentialités tyranniques du nouveau quadrilatère sacré des concepts à majuscule : « Philosophie, Lumières, Liberté, Droits de l'Homme » ; et les violences de la Terreur qui s'annoncent, « conséquences nécessaires de ces triomphes des Droits de l'Homme, où se perd tout sentiment naturel du bien et du mal ». Burke tire le portrait, deux siècles avant, de nos élites bien-pensantes contemporaines qui n'ont que le mot « République » à la bouche, pour mieux effacer la France : « Chez eux, le patriotisme commence et finit avec le système politique qui s'accorde avec leur opinion du moment » ; et de ces laïcards qui réservent toute leur fureur iconoclaste au catholicisme, quel qu'en soit le prix à payer : « Le service de l'État n'était qu'un prétexte pour détruire l'Église. Et si, pour arriver à détruire l'Église, il fallait passer par la destruction du pays, on n'allait pas s'en faire un scrupule. Aussi l'a-t-on bel et bien détruit. »

    Burke est le père spirituel de tous les penseurs antitotalitaires du XXe siècle, en ayant pressenti que les hommes abstraits des « droits de l'homme » désaffiliés, déracinés, arrachés à leur foi et à leur terre, hommes sans qualités chers à Musil, seraient une proie facile des machines totalitaires du XXe siècle.

    Mais Burke, avec son œil d'aigle et sa prose élégante, est aussi passionnant par ses contradictions et ses limites. Burke parle d'abord aux Anglais de son temps. Il n'est pas un conservateur comme les autres. Il a pris le parti des « Insurgents » américains contre l'Empire britannique. C'est un libéral qui croit en une société des talents et des mérites. Mais il combat ses propres amis qui soutiennent les révolutionnaires français au nom d'une démocratisation des institutions anglaises. Burke se fait le chantre des inégalités sociales et rejette la conception rousseauiste de la participation des citoyens au pouvoir. Il n'est pas républicain ; il n'admet pas que la souveraineté nationale assure la liberté des citoyens. Il donne raison à Napoléon, qui écrira dans quelques années à Talleyrand : « La Constitution anglaise n'est qu'une charte de privilèges. C'est un plafond tout en noir, mais brodé d'or. »

    Il décèle avec une rare finesse l'alliance subversive entre gens d'argent et gens de lettres, qui renversera en France l'aristocratie d'épée et l'Église. Burke a déjà deviné ce que Balzac décrira. Mais il faut, à la manière des marxistes d'antan, lui rendre la pareille : Burke est l'homme de l'aristocratie terrienne anglaise qui s'est lancée dans l'industrie au XVIIIe siècle et entend bien soumettre politiquement les classes populaires pour permettre les conditions de « l'accumulation capitaliste ». Il défend une authentique position de classe. Mais sa position de classe donnera la victoire à l'Angleterre dans la lutte pour la domination mondiale.

    Burke est un conservateur libéral ; il accepte l'arbitrage suprême du marché ; il est proche d'Adam Smith et est le maître de Hayek. Mais comme tous les conservateurs, son éloge nostalgique de « l'âge de la chevalerie », de « l'esprit de noblesse et de religion », son émotion devant les charmes de Marie-Antoinette seront emportés comme fétu de paille par la férocité du marché, ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste ». Il ne veut pas voir ce que Schumpeter reconnaîtra : le capitalisme détruit « non seulement les arrières qui gênaient ses progrès, mais encore les arcs-boutants qui l'empêchaient de s'effondrer ».

    Burke est anglais et sa réponse est anglaise. Mais la Révolution de 1789 est française. La monarchie anglaise n'a pas eu la même histoire que la monarchie française. Les libertés anciennes ont été détruites en France par la monarchie elle-même. D'abord pour émanciper le roi de l'Église et des féodaux, puis, pour arracher le pays aux guerres de Religion. La Glorious Revolution de 1688 s'est faite au nom de la religion protestante et de la défense des libertés aristocratiques.

    Deux histoires, deux conceptions de la liberté. Mais Burke préfigure et annonce le sempiternel regret des libéraux français et de toutes nos élites depuis deux siècles : que la France ne soit pas l'Angleterre. Ce regret n'a jamais été consolé ni pardonné: après avoir tenté pendant deux siècles de corriger le peuple de ses défauts ; après s'être efforcées de l'angliciser, de l'américaniser, de le « protestantiser », les élites hexagonales ont fini par abandonner le peuple français à son indécrottable sort « franchouillard » et le jeter par-dessus bord de l'Histoire. Au nom de l'universalisme et des droits de l'homme. Burke avait eu raison de se méfier. 

    Réflexions sur la révolution en France. Edmund Burke, Les Belles Lettres, 777 p., 17 €.

    Eric Zemmour           

  • Livres & Actualité • La leçon politique de Patrick Buisson

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    2771589182.jpgOn a dit qu’il s’agissait d’un règlement de compte. Rien n’est plus faux. C’est le livre d’analyse politique le plus intelligent de l’année. Car Patrick Buisson prend les choses de haut et vise en profondeur.

    Cette minutieuse étude de « cas » – car il étudie à fond un « cas » – n’est pas écrite pour le politicien moyen qui , de toutes façons, n’y comprendrait rien et qui refuserait de voir ce que ce jet de lumière sur toute la série d’évènements du quinquennat Sarkozy montre à l’évidence : l’incapacité du régime à se réformer, l’impossibilité pour les hommes du régime, type Sarkozy ou n’importe quel autre, à se mettre au niveau du problème de la France d’aujourd’hui.

    L’existence même de la France comme nation historique est compromise ; or il y a dans le peuple français des réactions de vitalité ; mais l’homme politique ne les saisit que comme vecteurs pour parvenir au pouvoir. Au mieux, c’est juste un exercice de conquête : capter des voix.

    Il n’est plus aucune transcendance dans la politique. Elle n’est plus qu’un moyen de réalisation et de jouissance personnelles. L’absence de conviction de fond est la caractéristique de tout ce monde qui prétend gouverner et se partager les prébendes du pouvoir.

    Voudrait-on changer les choses, dans l’état actuel des institutions et de la vie politique, les puissances médiatiques, financières, syndicales, les groupes de pression, les réseaux plus ou moins occultes, et une part importante des pouvoirs publics sous influence se mettraient en travers.

    Conseiller en vérité un homme politique dans pareilles conditions devient un métier impossible. L’homme de pouvoir est devenu trop versatile, trop dépendant des modes du moment, trop sensible à toutes les pressions du politiquement correct pour envisager de vraies réformes de fond, pour même concevoir un redressement français. La vaste culture de Patrick Buisson lui permet de mettre en perspective ses cinq années d’expérience.

    Tout est vu avec justesse. Le commentaire s’élève jusqu’à la philosophie politique à laquelle sont malheureusement étrangers tous les protagonistes de ce mauvais drame. C’est une leçon. Au-delà de Bernanos et de Péguy, il y a du Maurras et du Bainville dans ce livre magistral. La France se meurt d’institutions malfaisantes. Nos hommes politiques sont à leur image. 

    La cause du peuple, l’histoire interdite de la présidence Sarkozy, de Patrick Buisson, Perrin, 460 pages

    A lire aussi dans Lafautearousseau 
     
     
     
  • Société • Grandeur et décadence des nouveaux enfants du siècle Dernier inventaire générationnel avant liquidation

    Zemmour et Michéa par Hannah Assouline. Abu-Bakr Al-Baghdadi; Sipa

     

    Par Théophane Le Méné

    Dans « Les nouveaux enfants du siècle », le journaliste Alexandre Devecchio ausculte les trois facettes d'une génération radicale révoltée contre la fin de l'Histoire : souverainiste, identitaire et... djihadiste. Passionnant. Ainsi, la réflexion de Théophane Le Méné [Causeur - 4.11] nous a vivement intéressés. Toutefois, s'agissant de « la réconciliation de la nation et de la République », nous dirons franchement que nous n'en voyons pas trace. Et qu'elle ne nous paraît nullement souhaitable. Nous dirions plutôt : « la réconciliation de la nation avec elle-même ». Ce qui, nous semble-t-il,  aurait une tout autre portée.  Lafautearousseau
     

     

    1903675662.2.jpg« Nous sommes les enfants de personne » assenait il y a quelques années Jacques de Guillebon dans un livre qui se faisait fort de dénoncer le refus d’une génération de transmettre à l’autre l’héritage culturel et spirituel de notre civilisation, préférant se vautrer dans le relativisme et l’adulation de la transgression. Douze ans ont passé. Et de ce reproche, il n’y malheureusement rien à redire. Mais il y a à ajouter. Car la France a vu ressurgir les faits sociaux quand ce n’était pas la barbarie ; et c’est précisément à partir de ce postulat que le brillant journaliste et désormais essayiste Alexandre Devecchio a enquêté avec une rigueur qu’il convient de saluer.

    Génération radicale

    Lorsqu’on n’a plus de repères, et a fortiori de pères, certaines figures putatives viennent naturellement combler ce vide dont nous avons horreur. Car plutôt que de se désoler d’une filiation disparue, pourquoi ne pas s’en inventer une à travers certains hérauts qui, depuis quelques années, de manière différente et plus ou moins controversée, n’ont jamais accepté l’empire du bien auquel a succédé l’empire du rien ? C’est ainsi que toute une génération, sur le même constat d’une civilisation dévastée, se retrouve désormais au carrefour tragique d’une certaine radicalité d’où partent en étoile des destins.

    Il y a la génération Dieudonné. L’humoriste fut nourri au lait de l’antiracisme en même temps qu’on le sommait – comme à tant d’autres – d’exacerber son identité. Quelques années plus tard, le voilà désormais à souhaiter le déclin de la France tout en célébrant l’antisémitisme et en mettant à l’honneur une jeunesse de banlieue, pour la plupart désœuvrée, essentiellement issue de l’immigration maghrébine. Cette jeunesse souvent ignorante, en mal d’espérance n’est ni Charlie ni Paris, ni Cabu ni Hamel ; en réalité elle ne se veut rien qui pourrait la confondre avec ce qui, paradoxalement ou non, fait la France. Ce n’est pas le social, ni une quelconque politique de la ville qui motive son combat. En quête d’un grand récit, d’une épopée, d’une mystique, d’un combat métapolitique, elle se voue à l’islamisme et à ses formes étatiques car « pour ces enfants du siècle, le djihadisme constitue la réponse rivale maximale au vide métaphysique de l’Europe, une manière de dire non à la fin de l’histoire. »

    Zemmour et Michéa

    La génération Zemmour est assurément de l’autre bord. L’auteur du « Suicide français » a su cristalliser les angoisses de ceux qu’Aymeric Patricot a osé appeler « les petits blancs » ; de ceux que Bernard Henri Lévy jugeaient odieux parce qu’ils étaient « terroirs, binious, franchouillards ou cocardiers ». De condition modeste, frappée du mal de l’identité malheureuse, ayant le sentiment d’avoir été dépossédée par l’Europe, l’immigration, le marché et la mondialisation, cette jeunesse reconnaît à Eric Zemmour de savoir mettre des mots sur les maux, sans faux-semblant, avec intelligence et une certaine aura. Elle ne supporte plus les accusations lancinantes d’une élite déconnectée qui se targue détester les siens et s’aime d’aimer les autres. Et semble appeler de ses vœux une révolution conservatrice tout en vibrant au discours d’une Marion Maréchal-Le Pen à la Sainte-Baume : « Nous sommes la contre-génération 68. Nous voulons des principes, des valeurs, nous voulons des maîtres à suivre, nous voulons aussi un Dieu ».

     

    La génération Michéa est sans aucun doute la plus complexe. Elle doit au philosophe d’avoir théorisé à travers de nombreux ouvrages l’alliance objective du libéralisme et du libertarisme et d’avoir exposé les conséquences d’un Etat libéral philosophiquement vide, qui laisse le marché remplir les pages laissées en blanc, tout en instillant sa morale aux hommes. Pour la plupart issus des rangs de la Manif pour Tous, hier enfants de bourgeois, ces jeunes sont devenus l’armée de réserve d’un combat culturel qui ne dit pas encore son nom. Ils ne veulent plus jouir sans entraves ; ils ne veulent plus de ce marketing agressif, de ce déracinement identitaire, de ce décérébrage médiatique, de ce relativisme moral, de cette misère spirituelle, de ce fantasme de l’homme autoconstruit. Face à ce système déshumanisant, l’écologie intégrale qu’ils proposent offre une alternative radicale: moins mais mieux! Indissolublement humaine et environnementale, éthique et politique, elle considère la personne non pas comme un consommateur ou une machine, mais comme un être relationnel qui ne saurait trouver son épanouissement hors-sol, c’est-à-dire sans vivre harmonieusement avec son milieu, social et naturel. Dans la conception de leur principe, l’écologie intégrale ne sacralise pas l’humain au détriment de la nature, ni la nature au détriment de l’humain, mais pense leur interaction féconde.

    Entre ces trois jeunesses rebelles, la conjonction est improbable, mais l’affrontement est-il impossible, interroge l’auteur ? « Le fait est que, aujourd’hui, ces trois jeunesses se regardent en chien de faïence. Si elles venaient à s’affronter, ce serait parce que, plus largement serait advenu la guerre de tous contre tous ». Depuis plusieurs années le tocsin sonne. Pour répondre à ce défi, le journaliste veut voir quelques prémisses : le retour d’un grand récit national, la fin du multiculturalisme en même temps que de l’uniformisation planétaire, l’assimilation, la réconciliation de la nation et de la République. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » disait le poète Hölderlin. Alexandre Devecchio n’affirme pas autre chose lorsqu’il déclare: « Si le pire n’est pas certain, c’est aux enfants du siècle, et sans doute grâce à leur esprit insurrectionnel que viendra sublimer quelque miraculeuse inspiration, que nous devrons de l’avoir conjuré ». Dieu, s’il existe dans ce nouveau siècle, veuille qu’il ait raison.   

    Théophane Le Méné