UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Actualité France - Page 320

  • La France a-t-elle définitivement perdu le contrôle de son industrie ?

    Alstom, un cas exemplaire de la guerre industrielle. AFP 

     

    par Ludovic Greiling 

    ANALYSE - Le gouvernement a annoncé vouloir céder pour dix milliards d'euros de participations de l'Etat, y compris dans des entreprises stratégiques. Ludovic Greiling analyse les facteurs de la désindustrialisation de la France [Figarovox, 14.12]. Les lecteurs de Lafautearousseau connaissent bien Ludovic Greiling dont nous avons publié différents articles en tant que collaborateur de Politique Magazine ainsi qu'un entretien donné sur TV Libertés.  [Voir liens ci-dessous].  LFAR  

     

    506226741.jpg

    « Mauvaise gestion », « charges trop élevées », « concurrence internationale »… Il est commun d'invoquer ces facteurs pour expliquer la désindustrialisation brutale que le pays a connue ces quarante dernières années. En revanche, la guerre industrielle féroce à laquelle se livrent les puissances pour contrôler le capital des entreprises concurrentes n'est jamais évoquée. Cette guerre explique pourtant les difficultés de nos compagnies de pointe et la perte progressive de savoirs-faire pratiqués sur le territoire français. 

    Le gouvernement l'a annoncé : il veut céder pour dix milliards d'euros de participations de l'Etat, y compris dans des entreprises stratégiques. Par exemple, des discussions sont en cours pour fusionner certaines activités entre l'italien Fincantieri - en voie de privatisation - et le bijou qu'est la Direction des constructions navales (renommé Naval group) - qui vient de remporter un contrat géant en Australie pour la construction de sous-marins. La conséquence à long terme de ce genre d'opérations ? Rien de moins qu'une perte de contrôle de l'entité, suivi du transfert de brevets, de bureaux d'étude et de chaînes de montage.

    Alstom est un cas exemplaire de la guerre industrielle. Le site historique de fabrication des trains et des équipements énergétiques du groupe, à Belfort, pourrait fermer dans les prochaines années. Ces chaines de production employaient 8500 salariés au pic des années 70, contre 500 personnes aujourd'hui. « On perd tout ici, petit à petit, la recherche d'Alstom s'est envolée depuis longtemps, la technique s'en va par petits bouts…» expliquait un habitant dans la presse nationale lors de manifestations tenues l'an dernier.

    Un événement anodin dans un « monde globalisé » ? Non. Car Alstom n'est pas n'importe qui. Ses turbines thermiques équipent la moitié des centrales nucléaires de la planète et un quart des barrages hydroélectriques. La compagnie est également capable de fournir l'ensemble des équipements électriques d'une usine à charbon, ou de fabriquer les trains les plus rapides au monde. Un avantage stratégique majeur qui a aiguisé des appétits.

    Attaques au capital, changement des conseils d'administration

    Fusions, scissions, ventes d'actifs : à partir de la privatisation progressive entreprise il y a vingt-cinq ans, Alstom a souffert des mouvements incessants des fonds étrangers à son capital. Par la suite, le groupe a été visé par la Commission européenne : en contrepartie d'une aide de l'Etat français en 2003, Bruxelles imposait la cession de deux de ses fleurons au bénéfice de la concurrence, les activités de turbines industrielles (à l'allemand Siemens) et la filiale spécialisée dans la conversion d'électricité (à la banque britannique Barclays, qui la vendra ensuite à l'américain General Electric). Entre 2002 et 2005, le chiffre d'affaires d'Alstom a été divisé par deux.

    Dix ans plus tard, c'est un conseil d'administration remanié par le PDG Patrick Kron et désormais dominé par des intérêts anglo-saxons qui achevait l'ancien joyau de la période gaulliste. En 2014, il annonçait contre toute attente la vente des actifs et des brevets de la très stratégique division énergie d'Alstom. Le bénéficiaire ? Le concurrent américain General Electric, encore une fois. Deux mois après la reprise des activités françaises, le nouveau propriétaire annonçait la suppression de 800 emplois sur le territoire national et des rumeurs faisaient état du possible rapatriement des bureaux d'étude aux Etats-Unis.

    En ce mois d'octobre 2017, c'est la vente de la branche transports à Siemens qui est annoncée. Le démantèlement par les concurrents est presque achevé. Il aura pris vingt ans.

    Des technologies maitrisées par peu d'acteurs dans le monde

    On l'oublie trop souvent : les technologies qui permettent aujourd'hui de produire de l'électricité, d'utiliser des transports modernes ou encore de fabriquer des avions, sont maitrisées par un nombre très faible d'acteurs. La Chine et la Russie ont dû attendre la fin d'année 2016 pour annoncer le lancement prochain d'un avion civil longue ligne performant. D'ici à sa mise en exploitation, ces deux puissances seront dépendantes du bon vouloir d'Airbus et de Boeing pour réaliser l'espace eurasiatique de leurs rêves…

    La France a jadis su développer d'extraordinaires capacités techniques. Elles ont en partie donné au pays son indépendance diplomatique, économique et militaire. Elles lui ont ouvert la possibilité de discuter et d'échanger avec les pays de son choix, malgré le poids des empires soviétique et américain.

    Mais ces capacités ont aussi aiguisé les appétits des concurrents. Ces derniers ont profité d'un long passage à vide politique, et du dogme assez récent de la liberté totale de circulation des capitaux.

    Les fonds étrangers contrôlent aujourd'hui 50% du capital du CAC 40, selon la Banque de France, contre 25% il y a vingt ans. Ces derniers, le plus souvent américains (et non chinois), placent leurs hommes dans les conseils d'administration et les directions. Dans un contexte de vide politique, comment résister face à un fonds comme Blackrock, dont les encours sous gestion sont deux fois supérieurs à la capitalisation totale des quarante plus grandes valeurs françaises ?

    Alstom n'est pas un cas isolé. C'est par une attaque soudaine au capital, alliée à une intense opération de propagande et au soutien du premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker (futur président de la Commission européenne), que le sidérurgiste haut de gamme Arcelor a été avalé par un acteur indien inconnu en 2006. Le nouveau groupe, lourdement endetté auprès des banques américaines suite à l'OPA, a, depuis, fermé ou cédé une partie des ses meilleures usines européennes.

    C'est grâce à leur participation dans Airbus (ex EADS) que les Allemands ont rapatrié sur leur territoire la filiale militaire de la compagnie européenne. Pourtant, ces activités sont issues en majorité de l'entreprise française Matra-Aérospatiale et du savoir-faire de la Direction générale pour l'armement.

    Transfert des brevets et des usines

    C'est en entrant au capital de Safran que les fonds germano-américains y ont placé à sa tête leur propre représentant, tandis que la direction générale est désormais pénétrée par des représentants de l'Otan. Là encore, les principales mouvances au pouvoir en France ont favorisé la braderie du spécialiste de la défense et des moteurs d'avion : Safran est issu d'une fusion forcée par Nicolas Sarkozy entre la compagnie publique Snecma et la Sagem, et l'Etat a ensuite cédé, sous François Hollande, une grande partie du capital qu'il détenait encore. L'entreprise devrait faire partie des ventes de participations voulues par Emmanuel Macron.

    La liste est longue. Péchiney, Peugeot, Schneider Electric, Véolia ou Alcatel ont subi à des degrés divers la guerre industrielle par des prises d'intérêts dans leur capital. Et le phénomène touche aujourd'hui le secteur énergétique.

    A quelques millions d'euros près, l'ex ministre Michel Sapin avait discrètement fait passer l'Etat français sous le seuil qui lui assurait une minorité de blocage dans GDF Suez, le plus gros distributeur de gaz en Europe de l'Ouest. Et le gouvernement Philippe vient d'annoncer la cession supplémentaire de 4% du capital dans une procédure accélérée. EDF risque quant à lui une « faillite », selon les syndicats du groupe, qui dénoncent « les mauvais choix industriels et économiques mis en œuvre de façon zélée par le gouvernement sous le regard de l'Europe ». Spécialiste mondial incontesté de l'électricité nucléaire, un secteur maitrisé par de très rares acteurs dans le monde, EDF devrait prochainement ouvrir son capital aux fonds étrangers. Sous la pression de l'ancien banquier d'affaires Emmanuel Macron, l'ancien gouvernement avait en effet obligé la compagnie publique à accomplir un projet d'investissement de plus de 20 milliards de livres en Angleterre, un montant supérieur aux fonds propres du groupe… Pour préparer le terrain, il avait brutalement changé les statuts légaux d'EDF il y a deux ans et remanié le conseil d'administration. Cherche-t-il à lever des fonds facilement en vendant le capital d'EDF ? Pas sûr, car la compagnie publique rapporte à l'Etat deux milliards d'euros par an en dividendes. Dès lors, pourquoi céder EDF  ?

    Difficile, quand l'on parle de guerre industrielle, de ne pas évoquer le cas révélateur de Gemalto. Véritable « protecteur numérique des identités » (passeports biométriques, transactions bancaires, télécommunications 4G et 5G), l'entreprise cotée au CAC 40 capterait entre 60% et 80% du marché mondial de la carte à puces.

    Problème : le groupe issu du français Gemplus n'a plus grand-chose de tricolore. En 1999, le fonds américain Texas Pacific Group (TPG) - d'apparence anodine - tentait une première approche. Refoulé deux fois par le directeur général de Gemplus, il décidait alors de mener des négociations discrètes avec l'actionnaire minoritaire Marc Lassus, lequel accepta qu'il prenne 26% du capital. En contrepartie de l'investissement, TPG obtenait de déplacer le siège social au Luxembourg et de nommer la moitié du conseil d'administration. Dès 2001, les fondateurs de Gemplus comprenaient que la volonté des Américains était de transférer aux Etats-Unis les précieux brevets déposés dans la sécurité numérique. Une guerre d'actionnaires s'ensuivit, qui se termina par l'éviction des dirigeants historiques de Gemplus du conseil d'administration! En 2002, TPG plaçait à la tête du groupe français Alex Mandl, un haut responsable du géant américain des télécommunications AT&T. L'homme était également administrateur de In-Q-Tel, le fond de capital-risque crée par la CIA dix ans plus tôt pour capter les technologies les plus avancées… Il est encore aujourd'hui à la tête de l'entreprise.

    La guerre industrielle est-elle perdue ? Non. Toutes les chaînes de production contenant du savoir-faire à haute valeur ajoutée n'ont pas été fermées, et le pays possède des écoles industrielles de pointe. « Les ingénieurs américains ne nous impressionnent pas du tout. Car nous avons en France les meilleurs ingénieurs du monde. Cela fait partie de notre culture », confiait récemment un cadre d'un important industriel de l'armement. Tout peut être construit en temps et en heure pour qui souhaite ne pas se placer dans la dépendance de l'ailleurs.   

    Ludovic Greiling est journaliste. Ancien collaborateur du Revenu français, spécialisé dans l'économie et les grandes entreprises, il travaille aujourd'hui pour différents journaux français et internationaux. Il est l'auteur de Monnaie et pouvoir (éd. Apopsix, 2015).

    A lire et regarder sur Lafautearousseau ...

    MONNAIE ET POUVOIR, LA MONNAIE, UN ENJEU GÉOPOLITIQUE

  • On veut des actes !

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    logo lundis.jpgJeudi 14, dans le très écouté 7/9 de France Inter, M. Legrand propose un « édito politique » titré «  Notre-Dame des Landes, le pari du non », éditorial qu’il conclut ainsi : « Si je perds mon pari, je promets de faire une chronique de contrition entièrement en vers et en alexandrins ! » Propos qui illustrent parfaitement que le vent semble avoir tourné. Le 6 avril 2017, le candidat Macron affirmait (France 2, L'Émission politique) : « Il y a eu un vote [la consultation de juin 2016] . Mon souhait, c'est de le faire respecter. Donc de faire [l'aéroport]. » Le 12 décembre, le président Macron promet une décision définitive « au plus tard en janvier », ne réitérant donc en rien sa fermeté d’avril concernant la construction dudit aéroport, se disant au contraire désormais « instruit et informé de manière indépendante » par le rapport de trois médiateurs qui suggère deux scénarios aéroportuaires (construction de Notre-Dame-des-Landes ou réaménagement de Nantes-Atlantique) mais un seul pour la ZAD, celui de son évacuation rapide. 

    Bien entendu, de petits calculs politiciens peuvent être prêtés au chef de l’Etat pour justifier le possible abandon du projet : sa décision devant faire une moitié de mécontents, autant choisir la moins onéreuse, en tout cas celle réputée telle ; mieux, autant donner cette satisfaction à M. Hulot, pièce maîtresse de son gouvernement et caution écologiste ; surtout, autant en tirer un grand profit sur le plan international où il entend jouer le premier rôle grâce aux efforts qu’il déploie dans le domaine climatique. Certains, plus pragmatiques, penseront qu’un tel renoncement ne constituerait pas forcément une mauvaise décision : parmi eux, tous ces opposants au projet de Notre-Dame-des-Landes qui sont d’abord des amoureux de la France « profonde », non bétonnée, non industrialisée à outrance, bref la bonne vieille France que nous aimons tous, de Maurice Barrès à Sylvain Tesson, celle de « l’enracinement » et de « la préservation de nos paysages intimes » (M. de Villiers, Le Figaro, mardi 12). 

    De toute façon, la comédie a assez duré. Premier projet en 1963, mise en sommeil pour cause de crise pétrolière pendant les années 1970, réactivation du projet dans les années 2000, décret d’utilité publique en 2008, premiers zadistes en 2009, atermoiements et incapacité des gouvernements successifs jusqu’en 2017 : il est temps que le politique reprenne ses droits. En ce sens, toute décision suivie d’effet  vaudra mieux que la continuation du pourrissement de la situation. D’autant que se trouve greffé  au problème purement technique, économique et environnemental la verrue de la ZAD, c’est-à-dire une zone du territoire national où quelques centaines de doux dingues et/ou de néo-spartakistes ultra-violents exercent une dictature de fait et de fer, pour le plus grand dommage des riverains et de la région. A leur propos, M. Cazeneuve, qui fut ministre de l’Intérieur puis Premier ministre de M. Hollande n’a jamais caché son impuissance, nous dirons sa veulerie, tétanisé qu’il était, comme ses soeurs et frères en humanisme, par la perspective de faire des victimes, perspective que tout pouvoir doit forcément assumer. 

    Voici donc MM. Macron et Philippe enfin en situation d’être jugés rapidement sur leurs actes. A eux de prendre, à propos de l’aéroport, la décision promise, et de faire sorte qu’elle soit mise en oeuvre. A eux de faire disparaître, de quelque façon que ce soit, mais le plus vite possible, une ZAD que rien ne saurait justifier. Rendez-vous est pris pour fin janvier.  

  • Ce qu'en dit Éric Zemmour : « Notre-Dame-des-Landes aurait dû être réalisé il y a cinquante ans »

     

    BILLET - Le rapport sur le projet controversé d'aéroport a été remis mercredi 13 décembre à Édouard Philippe. Les trois médiateurs refusent de trancher. Ce sera donc au président de la République de le faire à la fin du mois janvier. Comme toujours, quelques mots brefs et lucides, suffisent à Eric Zemmour [RTL 14.12] pour dire l'essentiel sur cette lamentable affaire dont traite (ci-dessus) le Lundi de Louis-Joseph Delanglade. Un double éclairage convergent pour les lecteurs de Lafautearousseau ...  LFAR 

     

     

    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    C'est une longue histoire qui s'achève. Une très longue histoire. Presque aussi longue que la Ve République. Quand la déclaration d'utilité publique ouvre ce chantier en 1965, Charles de Gaulle est à l'Élysée.

    Plus de cinquante ans plus tard, 178 décisions de tribunaux et sept présidents de la République, la première pierre de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'a toujours pas été posée. Le temps est passé qui a transformé une idée à la mode en une idée ringarde.

    Dans les années 60, c'était le temps de l'État roi, l'État aménageur, l'État modernisateur, l'État bétonneur, l'État planificateur, qui construit à tout va. Tout un programme : la province comme la banlieue sont alors traitées par l'Administration comme une colonie. Dans l'intérêt général du pays, bien sûr, mais en se moquant comme d'une guigne de l'avis des populations.  

    Éric Zemmour

  • Idées • Progressistes et conservateurs

  • Société • Le consumérisme qui dégrade tout

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Cette tribune de Mathieu Bock-Côté sur son blogue du Journal de Montréal [14.12] est émouvante parce qu'elle pointe la dégradation de Noël en fête consumériste que l'argent vient souiller. LFAR  

     

    501680460.5.jpg

    Noël s’en vient. Dans dix jours, on se préparera pour le réveillon.

    C’est une belle fête, peut-être la plus belle qui soit, qui nous connecte aux origines de notre civilisation. Elles nous sont rappelées par des chants populaires racontant l’histoire de l’humanité sauvée à partir d’une étable à Bethléem.

    C’est aussi la fête de douce mélancolie, quand on avance en âge, à la fois parce qu’on a le souvenir de l’enfance émerveillée, mais aussi parce qu’on voit disparaître peu à peu ceux qui, depuis toujours, étaient associés aux réjouissances familiales. 

    Noël

    Et pourtant, cette belle fête s’accompagne chaque année d’un certain malaise devant son recyclage consumériste. 

    La publicité massive, qui est une forme d’agression psychologique à temps plein contre ceux qui la subissent, en est le symptôme.

    Son message est simple à décoder : Noël ne doit pas être qu’un banquet, mais une orgie consommatrice. C’est ainsi, apparemment, que l’on comblera nos proches, qu’on leur démontrera notre amour.

    On nous dira que ce malaise est désormais convenu. Que c’est même la posture que se donnent les moralisateurs d’aujourd’hui pour faire la leçon à ceux qui savent jouir de la vie.

    N’y a-t-il pas grand bonheur à donner et recevoir ? Cela va de soi et personne n’est vraiment nostalgique des bas de Noël où on trouvait une orange et un soldat de bois.

    L’abondance n’est pas une malédiction et on ne gâchera pas son bonheur de voir le regard émerveillé d’un être aimé à qui on parvient vraiment à faire plaisir.

    Mais l’enjeu n’est pas là. Il se trouve plutôt dans la réduction du bonheur à la consommation compulsive qui nous pousse comme des automates dans les magasins comme si nous étions condamnés à nous y retrouver en troupeau.

    Souvent, on cherche moins le cadeau qui touchera le cœur qu’on décide de les accumuler, de peur de décevoir s’ils ne sont pas assez nombreux, de peur de passer soi-même pour insuffisamment généreux.

    C’est à ce moment qu’on comprend à quel point le capitalisme domine nos consciences.

    Une civilisation digne de ce nom, loin de se soumettre à l’injonction publicitaire, nous apprend à y résister.

    Voyons plus largement. Combien sont-ils à chercher à remplir leur vide existentiel en se soumettant au principe de l’achat à répétition ? Combien en sont venus à se jeter dans la consommation en espérant trouver là le sens qui manque à leur vie ?

    Donner

    Il nous faudrait réapprendre à vivre autrement. Les plaisirs de la table, de la balade, de la lecture, du silence, de la musique, du sport ne sont certainement pas gratuits : ils sont néanmoins d’une autre nature que la consommation programmée.

    Les fêtes de Noël nous ouvrent à la part la plus noble et lumineuse de l’âme humaine : le plaisir de donner, de semer le bonheur autour de soi. Il serait bien que cette part ne soit pas dénaturée par l’argent qui, mal utilisé, peut tout souiller.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Solère - Urvoas : tiens, la justice va moins vite que pour Fillon

     

    Une tribune de Régis de Castelnau

    Nous croyons les idées de Régis de Castelnau assez éloignées des nôtres. Peut-être bien opposées sur de nombreux sujets. Mais nous trouvons fort justes et à propos les réflexions qu'il a publiées dans Causeur [14.12] sur l'affaire  Solère - Urvoas. Ce dernier est un démenti supplémentaire à la prétendue République exemplaire de François Hollande qui a décidément tout raté. Quant à l'ineffable Thierry Solère, il risque tout simplement d'être exclu de LREM moins d'un mois après y être entré...  LFAR

     

    3957877889.jpg

    D’après Le Canard enchaîné, Jean-Jacques Urvoas, alors ministre de la Justice, aurait informé Thierry Solère, ancien député LR aujourd’hui en marche, d’une enquête le concernant.

    Alors comme ça, le garde des Sceaux violerait ses obligations qui sont celles de diriger une administration chargée du contrôle du respect de la loi dans un État de droit. Comment ? Si l’on en croit les gazettes, Jean-Jacques Urvoas, alors ministre de la Justice en exercice (janvier 2016-mai 2017) aurait sollicité de ses services une information sur une enquête préliminaire en cours. Il en a le droit, et c’est ainsi qu’une note émanant du parquet de Versailles, et  « blanchie » pour que n’y apparaisse aucune référence, est arrivée sur son bureau.

    Elle concernait Thierry Solère, ci-devant parlementaire LR soupçonné d’avoir pris des libertés avec un certain nombre de règles fiscales et financières. Le contenu de cette note lui aurait été prestement adressé par le ministre. Celui-ci commettant à cette occasion, si les dires du Canard sont avérés, une violation de la loi protégeant le secret de l’enquête.  

    Probité à géométrie variable

    Bel exploit de la part d’un garde des Sceaux. Et d’une ! Transmission supposée dont Urvoas connaissait le caractère rigoureusement illicite puisque, soucieux de discrétion, il aurait utilisé la messagerie cryptée Telegram, vous savez celle dont précisément raffolent les terroristes, car elle met leurs échanges à l’abri de la curiosité policière. Et de deux ! Et pourquoi cette faute lourde, doublée d’une infraction pénale ? Si l’on en croit les médias, pour permettre à Thierry Solère d’organiser sa défense, et éventuellement de ne pas être gêné dans la mise en œuvre de la trahison politique de ses amis. Et de trois !

    Sans illusion sur ce qui se passe dans les cuisines d’un État où il arrive que l’on prépare des tambouilles malodorantes, force est de constater que nos Filochard et Ribouldingue, par ailleurs grands pourvoyeurs de cours de morale, viennent de nous donner une jolie leçon d’exigence de probité à géométrie variable. En affichant un sentiment d’impunité nourri de la bonne conscience du camp du Bien. Camp du Bien auquel Urvoas appartient depuis longtemps, et que Solère s’efforce sinueusement de rejoindre, de préférence en gardant ses armes et ses bagages dès lors qu’ils sont lucratifs, comme l’a montré l’épisode de la questure.

    Solère, Macron, Fillon : chacun son rythme !

    Ajoutons quelques remarques, histoire d’épicer le plat. Jean-Jacques Urvoas, on nous l’a assez répété lors de son arrivée place Vendôme, est un fin juriste. Il aura du mal à plaider l’ignorance lorsqu’on lui demandera quelques explications sur sa fulgurante innovation visant à donner à l’enquête préliminaire un caractère contradictoire. Le présumé receleur Thierry Solère nous avait déjà fait une démonstration de l’élasticité de ses convictions politiques, les malintentionnés prétendent que cette élasticité serait également présente dans ses pratiques fiscales et financières. Eh bien cette fois-ci, la (supposée) violation à son profit de la loi par un ministre, « adversaire » politique par ailleurs, lui apparaît banale. Tellement banale qu’il aurait pieusement conservé le message crypté sur son téléphone et que sa défense nous fait aujourd’hui savoir qu’en fait tout cela était légitime, puisque des éléments de l’enquête le concernant avaient été transmis à la presse, et publiés. Et pour compenser une violation du secret de l’enquête, il fallait en faire commettre une autre au ministre de la Justice lui-même ! Normal on vous dit, où est le problème ?

    Continuons à céder à nos mauvais penchants, pour constater qu’en matière de justice politico-médiatique, le deux poids deux mesures règne en maître. Lors des polémiques sur les conditions fulgurantes, concertées et parfaitement inhabituelles, dans lesquelles avait été lancée l’opération judiciaire de destruction de la candidature Fillon à la présidentielle, le premier président et le procureur général de la Cour de cassation, pour justifier la célérité compulsive du parquet national financier (PNF) et du Pôle du même nom, nous avaient expliqué, dans un communiqué commun qui constituait une grande première, qu’en matière de procédure c’était chacun son rythme. Effectivement, chacun son rythme. On sait depuis plusieurs mois que le déplacement à Las Vegas du candidat Macron aurait donné lieu à la commission d’un délit de favoritisme. L’organisation en avait été confiée à une agence sans mise en concurrence et en violation des règles du code des marchés publics. Fait qui a été reconnu par l’agence publique France business dans un communiqué. D’autres informations ont filtré dans la presse selon lesquelles madame Muriel Pénicaud, aujourd’hui ministre du Travail, aurait quelques comptes à rendre. Le dossier qui, paraît-il, comprendrait en plus quelques éléments préoccupants concernant le financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, dort d’un sommeil paisible.

    Concernant celui d’Urvoas et Solère, les faits seraient connus depuis le 26 juin, et le parquet de Versailles les aurait transmis… le 5 décembre dernier au procureur général de la Cour de cassation qui a la compétence pour saisir la Cour de justice de la République !

    Tout doux, chacun son rythme on vous dit. Et puis, ne soyez pas de mauvaise foi, regardez pour Richard Ferrand, le classement sans suite est arrivé très vite.

    Vous voyez bien.    •

    Régis de Castelnau

    Avocat.

    Régis de Castelnau anime le blog Vu du Droit depuis 2012. En consacrant sa vie professionnelle d’abord au Droit social puis au Droit Public dont il fut un des premiers praticiens actifs au sein de la profession d’avocat. Il y ajouta une activité universitaire, doctrinale ...

  • Où Mathieu Bock-Côté parle du « multiculturalisme comme religion politique ». A écouter sans modération !

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgC'est depuis trois ans que nous suivons avec une attention et une empathie particulières les publications de Mathieu Bock-Côté. Dans le Figaro, sur Causeur ou sur son blogue du Journal de Montréal. C'est le 5 mars 2015 que nous avons commenté et repris pour la première fois l'un de ses articles qui traitait du terme Français de souche. Bien d'autres articles ont suivi depuis, qui constituent un corpus intellectuel de grande qualité, face à la crise des sociétés modernes. Nous y avons toujours trouvé non seulement matière à accord mais aussi, pour nous, de puissants éléments de réflexion et d'enrichissement. Mais qui était ce Québécois intellectuellement si sympathique ? Jusqu'à récemment, nous ne l'avions pas rencontré. Or, nous semble-t-il, Mathieu Bock-Côté est l'un de ces penseurs, de ces auteurs, qu'il faut non seulement lire, mais aussi entendre et écouter. En voici une occasion pour les lecteurs de Lafautearousseau surtout accoutumés à le lire. Dans la vidéo qui suit, Mathieu Bock-Côté parle avec fougue, passion, humour et chaleur de son dernier livre et, il nous semble qu'il y donne en même temps un condensé de sa pensée. Un grand moment, à ne pas rater !  Lafautearousseau   

     

     

    Conférence de Mathieu Bock-Côté,sociologue, enseignant et essayiste, sur son livre « le multiculturalisme comme religion politique », à l'occasion de la fête du livre organisée par Renaissance Catholique à Villepreux le dimanche 4 décembre 2016. 

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Pour conclure sur Johnny ... Le show-biz, premier corps de l’État ?

     

    par Gérard Leclerc

     

    2435494823.jpg

    Je n’en attendais pas moins de Régis Debray, au lendemain de la journée des obsèques de Johnny Hallyday. Refusant de rentrer dans l’unanimisme émotionnel, il tance sérieusement les principaux dirigeants du pays, le Président en premier lieu : « Combattre étant devenu honteux, le héros n’est plus celui qui se sacrifie pour sa patrie ou pour une cause, mais celui qui se fait voir et entendre de tous, devenant milliardaire du même coup. » Nous avons assisté, samedi, à « l’institutionnalisation du show-biz, nouveau corps de l’État, sinon le premier d’entre eux ». Comment refuser à Régis Debray son diagnostic ? Il est trop évident que par rapport au général de Gaulle, nous avons changé d’époque, de mœurs et de mentalité. Quand Édith Piaf s’en est allée, le général ne l’a pas accompagnée au Père Lachaise, pas plus d’ailleurs qu’il n’a suivi le convoi de Jean Cocteau, le poète mort en même temps que la chanteuse. « En 1963, le politique ayant assez d’autorité et de prestige par lui-même, il se souciait peu d’aller voler un peu de popularité, par la magie du côte à côte, auprès des stars du moment. »

    On se reportera au Monde daté d’aujourd’hui pour lire en son entier ce superbe article vengeur, dont je n’ai pas cité les formules les plus cruelles pour nos politiques. Son principal mérite dépasse la polémique, en replaçant l’événement dans sa logique sociologique. C’est celle qui, personnellement m’a retenu, ne pouvant communier à un culte qui n’était pas le mien. De ce point de vue, l’analyse que Jean-Pierre Le Goff développait, il y a quelques jours, pour Le Figaro, rejoint celle de Régis Debray : « Dans les sociétés démocratiques modernes, l’adolescence n’est plus seulement considérée comme une classe d’âge transitoire – qui au demeurant ne cesse de s’allonger avec le développement du chômage des jeunes et la difficulté de se loger. Elle a été valorisée comme telle et a été progressivement érigée en nouveau modèle social de comportement des temps modernes. » Les baby boomers qui ont accompagné Johnny font encore partie de ce peuple adolescent dont parlait Paul Yonnet en 1985.

    Mais, me dira-t-on, en ouvrant la Madeleine à ce grand show funéraire, l’Église ne s’est-elle pas compromise avec un fâcheux glissement sociétal ? Ce n’est pas du tout mon avis. L’Église a introduit une toute autre dimension dans l’événement, en rappelant sa foi à travers ses textes de référence. Ainsi perçait une lumière qui donnait un tout autre sens au deuil du rocker.  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 12 décembre 2017

  • Tandis que Macron rêve, l’industrie française continue de « crever » !

     

    Par Marc Rousset 

     

    3890715347.jpg

    Macron, ce technocrate rêveur de l’ENA, nous parle de l’Europe qui protège d’une façon abstraite avec des mots enchanteurs, mais la triste réalité, c’est que l’industrie européenne continue de « crever » sous les coups du libre-échange mondialiste.

    ArcelorMittal et les sidérurgistes européens sont montés tout dernièrement au créneau pour lutter contre le dumping chinois et ont obtenu, dans le cadre de l’Union européenne, des protections tarifaires ainsi qu’une réduction des surcapacités chinoises de production. Mais le festival continue dans d’autres secteurs industriels.

    Dans l’aluminium, la Chine connaît des surcapacités de production qu’elle subventionne, grâce à son emprise étatique, en vendant l’énergie chinoise à des prix ridicules, ce secteur étant un très gros consommateur d’électricité, ce qui est déterminant pour le prix de revient. Alors que les droits de douane américains sont très élevés et susceptibles encore d’augmenter, les droits de douane européens ne sont que de 7,5 %.

    50 % des bobines et profilés en aluminium sont aujourd’hui importés et le nombre de sociétés productrices en Europe est passé de 40, en 1990, à 15, en 2017. Ce secteur industriel va donc avoir à se battre tout comme celui de l’acier européen.

    Le secteur européen du silicium, qui sert à fabriquer les batteries de voiture électrique, doit faire face lui aussi à la surcapacité chinoise et au dumping chinois. Alors que la Chine produit 4,6 millions de tonnes par an, la consommation mondiale n’est que de 2,7 millions. Tandis que les États-Unis ont un droit de douane de 139 % et que le Canada l’a même porté à 235 %, les braves Européens en sont toujours à 16,8 % !

    Les règles de l’OMC et de Bruxelles pour contrôler et calculer le dumping chinois sont mises à mal en Chine, tant les intérêts de l’État, du parti et des entreprises privées chinoises sont étroits et interpénétrés. Là encore, tout comme pour le droit-de-l’hommisme en matière d’immigration, la naïveté technocratique européenne n’a pas de bornes. 

    Et le bouquet, c’est que l’Union européenne vient de changer ses méthodes d’analyse du dumping, ce qui aura pour effet de diminuer encore davantage la protection douanière de « l’Europe qui protège » de monsieur Macron. Il suffirait donc que les prix baissent encore très légèrement pour que tous les emplois industriels dans le secteur du silicium en Allemagne, France (1.000 emplois) et Espagne soient perdus définitivement, avec en plus la perte définitive de technologie.

    Et, en même temps, l’Union européenne, dont c’est la seule raison d’exister semble-t-il, continue à passer des accords libre-échangistes avec le Canada et la Corée du Sud pour achever le patient industriel européen. La seule lueur d’espoir vient, paradoxalement, de Trump qui fait tout pour mettre à mort la machine infernale libre-échangiste de l’OMC à Genève. Trump, par exemple, se refuse à nommer des juges pour les organes d’appel des différends entre pays, afin de paralyser l’OMC.

    Pour nous sortir d’affaire avec un taux de chômage minimum réel en France de 20 %, Macron ne pense qu’en termes de jeunes pousses, alors qu’il faut penser bien évidemment aux emplois à venir des jeunes pousses, mais d’abord et aussi à préserver les emplois industriels ainsi que les technologies existantes.

    Il est peu probable que les emplois futuristes à venir des sciences de la vie et des technologies nouvelles comblent les trous béants de nos emplois industriels, de la disparition complète d’industries telles que l’industrie du textile. Le marché de dupes de la pensée unique, c’est que pour calmer les craintes des peuples, on nous avait assuré depuis le Kennedy Round en 1967, avec des menteurs bien rémunérés du style Pascal Lamy, que l’Europe aurait les emplois rémunérateurs d’avenir et que les pays émergents auraient seulement les emplois industriels mal payés, polluants du passé.

    La vérité, c’est que la Chine va mettre toute l’Europe au chômage en ayant même plus d’emplois d’avenir que l’Amérique des GAFA si les Européens ne réagissent pas avec des murs douaniers – ce qu’a très bien compris Trump -, d’autant plus qu’on ne compte plus la disparition des sièges sociaux et des groupes industriels en France (Alcatel, Pechiney, Lafarge, Sacilor, Alstom, Technip…).   

    41LRKbfMFHL._SL300_.jpg

    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • De la Catalogne à la Corse : vers l’éclatement des nations ?

    Ajaccio 

     

    Par François Marcilhac

     

    3466611312.jpg

    L’heure serait-elle à l’éclatement des États-nations  ? Voire de toute structure politique un peu importante  ?

    Le moins qu’on puisse dire est que nos médias ne font pas dans le détail, en amalgamant des situations qui, pourtant, n’ont pas grand-chose à voir entre elles. Comparaison n’est pas raison, et faire des parallèles entre la Catalogne, l’Écosse, la Corse, la Nouvelle-Calédonie voire le Brexit peut se révéler extrêmement risqué, même si cela excite la curiosité de l’auditeur. Non, la Catalogne n’est pas à l’Espagne ce que la Corse est à la France ou l’Écosse au Royaume-Uni.

    Comparaison n’est pas raison

    Le Brexit, lui, ne traduit pas une volonté de rompre avec une unité politique fondée sur l’histoire, l’Europe ne s’étant jamais réalisée, ni même sérieusement pensée comme telle depuis 1957. Quant à la Nouvelle-Calédonie, l’irrédentisme d’une partie des Canaques a été, sur fond de sous-développement économique surtout de la province Nord que dirigent les séparatistes du FLNKS, savamment entretenu, dans un premier temps du moins, par ses puissants voisins anglo-saxons, désireux de voir la France chassée d’une partie du monde considérée comme leur zone exclusive d’influence, et encouragés en cela par… le pouvoir politique français lui-même (Mitterrand, au premier chef) au nom de l’idéologie anticolonialiste et d’une France faisant profil bas sur le plan géopolitique. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Dans le précédent numéro, Roch Cauvigny a montré comment la situation commençait d’évoluer. Fort heureusement, aujourd’hui, Valls, président de la mission parlementaire d’information sur l’avenir institutionnel de l’archipel, se voit plus en Clemenceau qu’en Mitterrand. Mais le Premier ministre, qui est venu, le week-end dernier, lancer l’année référendaire, sera-t-il à la hauteur  ? Faire profil bas serait la pire façon de chercher le consensus.

    Et que peut signifier ce lointain territoire pour Macron, qui veut enfermer la France dans les limites étroites d’une Europe sous hégémonie allemande à laquelle il veut abandonner notre politique extérieure, comme en Afrique – une Allemagne qui, soit dit en passant, ne cesse de l’humilier, comme l’a montré l’affaire du glyphosate, prorogé par l’Europe sur ordre de Merkel contre l’avis de Paris  ? Espérons seulement – mais ne rêvons pas trop – que nos compatriotes de l’océan Pacifique sentent le désir du pays légal de voir l’archipel rester français, ce qu’il est pleinement de par l’histoire, seul guide en la matière  : les séparatistes rêvent d’un État ethnique, voire racial, alors que, comme le rappelait Bainville, «  la France, c’est mieux qu’une race, c’est une nation  ». En ce sens, la Nouvelle-Calédonie est une France en miniature, puisqu’elle s’est prêtée, depuis notre arrivée, comme la métropole, «  à tous les échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées  ». D’autant que l’archipel n’est pas viable économiquement et que les investisseurs trouvent désormais urgent d’attendre… le résultat du référendum qui aura lieu à la fin de 2018.

    Quoi de commun, donc, entre la Catalogne, la Corse, l’Écosse, sinon que, face à l’instabilité toujours plus grande d’espaces géopolitiques et économiques mondialisés, qui se cherchent un nouvel équilibre – Carl Schmitt parlait de nomos –, les forces centrifuges demeurent minoritaires  ? Ce qui se vérifiera peut-être aussi, espérons-le du moins, pour la Nouvelle-Calédonie. Certes, les Corses ont voté «  nationaliste  », ce dimanche 3 décembre, au premier tour des élections territoriales visant à nommer leurs représentants à la toute nouvelle collectivité unique qui, regroupant les compétences de la région et des deux départements actuels, entrera en fonction le 1er janvier 2018  : la liste «  nationaliste  » Pé a Corsica (Pour la Corse), que l’indépendantiste Jean-Guy Talamoni a conduite avec l’autonomiste Gilles Simeoni (un contrat de mandature les lie), est arrivée largement en tête avec plus de 45  % des voix. Les «  nationalistes  » avaient déjà remporté Bastia en 2014 et la région en 2015 et envoyé trois députés à l’Assemblée nationale aux législatives de juin dernier. Le second tour n’aura pas encore eu lieu à l’heure où paraîtront ces lignes, mais, même si les «  nationalistes  » ont profité de la large abstention du premier tour (quelque 52  %), décevante compte tenu de l’enjeu, les résultats définitifs, même avec un léger sursaut des électeurs – ou grâce à celui-ci –, devraient confirmer leur victoire  : les «  nationalistes  » dirigeront la nouvelle collectivité unique.

    L’indépendance dans dix ans  ?

    C’est pourquoi Talamoni a eu soin de rappeler au soir du premier tour qu’il ne souhaitait aucun processus d’indépendance avant dix ans, conformément au contrat de mandature  : il sait, et reconnaît d’ailleurs, que le courant indépendantiste est très minoritaire (les autonomistes, au premier tour des régionales de 2015, pour lequel ils n’avaient pas fait alliance avec les indépendantistes, avaient obtenu 2,5 fois plus de voix qu’eux). Aussi ne doit-il pas effrayer les électeurs pour le second tour, les Corses n’ayant voté aussi massivement pour les listes «  nationalistes  » que parce que les autonomistes y paraissent neutraliser les revendications indépendantistes, qui supposent du reste, pour être crédibles, que la Corse puisse acquérir une certaine autonomie économique et financière. Or le développement économique de l’île de Beauté, dont les anciens possesseurs génois ne s’étaient guère souciés, doit tout à ses relations avec le “continent”, un continent que les élites corses ont toujours considéré comme le complément naturel de l’île. Ce n’est pas demain que la Corse représentera 20  % du PIB de la France (comme la Catalogne pour l’Espagne). L’importance de l’emploi public le montre  : l’île, qui est pauvre, pour vivre et se développer, a besoin de la solidarité nationale.

    Il n’en reste pas moins que Talamoni a raison lorsqu’il prévient, à propos du résultat  : «  Il faudra que Paris le prenne en compte  !  » Et de rappeler déjà à Macron ses exigences  : la reconnaissance officielle de la langue corse, un statut de résident pour réserver l’immobilier aux Corses, l’amnistie des prisonniers «  politiques  », dont l’assassin Yvan Colonna. Les indépendantistes comptent, à terme, sur d’éventuelles fautes politiques de Paris pour décrédibiliser la voie autonomiste et radicaliser – le modèle catalan servant alors à leurs yeux – leurs objectifs. Pourtant, comme le remarque Gilles Simeoni  : «  le modèle catalan n’est pas applicable  ». Ni l’autonomie actuelle de la Catalogne, ni la puissance économique de cette généralité, ni le jusqu’au-boutisme d’un pays légal catalan qui se savait minoritaire et qui a voulu forcer le destin ne sont applicables à la Corse. D’ailleurs, il n’y a pas de modèle catalan… pour la Catalogne elle-même. Comment serait-il valable pour la Corse  ?

    Quand la République n’a plus les moyens d’imposer un jacobinisme asséchant, mâtiné d’intérêts bassement partisans, qui provoque un légitime rejet, elle brade… De la cause à l’effet. Toute son histoire tient dans ce mouvement de balancier, qui jure avec la patience de nos rois et leur respect de la diversité des peuples composant la France. Les «  nationalistes  » corses jouent sur l’incapacité de la République à avoir une juste conception de l’unité nationale pour promouvoir leur vision fantasmée de l’histoire,. Ils savent qu’elle est incapable de donner à la Corse un statut qui ne mette pas en cause son appartenance à la collectivité nationale tout en préservant l’identité de l’île. Une identité où joue à plein, également, la question de l’immigration, la conception du vivre-ensemble n’étant pas la même à Bastia et à Paris.    

  • Johnny à la Madeleine

     

    par Gérard Leclerc

    A ceux qui croient au Ciel comme à ceux qui n'y croient pas, les obsèques catholiques de Johnny Halliday sont apparues conformes à la tradition religieuse majoritaire des Français.  LFAR

     

    2435494823.jpg

    Luc Le Vaillant a écrit dans Libération un étonnant billet sur la cérémonie de l’église de la Madeleine, soulignant que « l’enterrement de Johnny Hallyday raconte les retrouvailles impromptues de l’État français et de l’Église catholique ».

    Au milieu d’un certain nombre de rosseries à l’adresse de l’Église comme à celle du défunt, le journaliste fait cette concession, qui, sans doute, lui a un peu coûté mais dont l’évidence n’est pas douteuse : « Le plus intéressant dans cette cérémonie est qu’elle témoigne de la difficulté de la République à imaginer des codes et des rituels en matière funéraire. La mort reste la chasse gardée de la religion, même si on applaudit désormais la sortie du cercueil et si chacun joue sa partition éplorée au-delà des cantiques référencés. Face au jansénisme protestant, au silence judaïque et à la prudence d’un islam controversé, le catholicisme sait faire valoir ses atouts historiques pour emporter la mise au sein de la société du spectacle. Il peut compter sur son patrimoine chamarré, sur ses tenues d’une excentricité gender comme sur ses objets du culte dorés sur tranche. »

    Cette citation réclamerait un long commentaire. On pourrait notamment s’interroger sur cette étrange attente d’un rituel de la mort de la part de la République. Comme si ladite République avait la capacité de se substituer à tout ce que sous-entend le concept de religion. La confusion est constante en France lorsqu’on parle de laïcité : s’agit-il de la séparation du spirituel et du temporel, ou s’agit-il de la création d’un substitut de religion ? Auguste Comte avait inventé sa religion de l’humanité, et lorsqu’on parle de baptême laïc, on se situe dans le même registre mimétique, mais on bafoue ipso facto la séparation des ordres, en conférant à l’État laïque ce qu’il ne saurait revendiquer, sauf à n’être plus laïque.

    Mais ce n’est pas l’essentiel. La véritable objection que l’on pourrait faire au papier de Luc Le Vaillant c’est d’éviter l’essentiel de la cérémonie religieuse de la Madeleine, en passant complètement sous silence l’extraordinaire homélie de Mgr de Sinéty, prononcée dans la suite des textes de l’Écriture sainte. On comprend qu’il n’ait pas osé, parce que ses sarcasmes auraient paru dérisoires face à la force éclatante du message évangélique qui, dans ces circonstances, atteignait l’immense foule dans l’intimité d’un chacun, au-delà de tout le décorum : « Comme Jean-Philippe devenu Johnny Hallyday, nous sommes tous appelés à laisser percer en nous cette lumière divine qui fait de nous des icônes de l’Amour de Dieu plutôt que des idoles dont la vie s’épuise. »  

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 décembre 2017

  • MAIS OÙ VA-T-IL ?

    11 novembre. Macron - Clemenceau : de l'art de s'approprier l'Histoire

     

    PAR HILAIRE DE CRÉMIERS

     

    1841978860.5.jpg

    Sauf imprévu, il est à craindre que Macron ne s'isole dans un rêve prétendument politique qui n'a plus rien à voir avec la politique.

    Emmanuel Macron caresse son imagination. Il y met sa volupté. Sua cuique voluptas. Son rêve était de faire de la politique et la politique n'est pour lui rien d'autre que la réalisation de son rêve. C'est ainsi qu'il la conçoit. Rien pour l'instant n'ar­rête le rêve macronien. Autour de lui, pas d'obstacle, des serviteurs zélés ou insignifiants.

    Les adversaires se disputent, s'entretuent, se perdent dans les luttes picrocholines si chères à l'esprit partisan. Pour l'heure aucune réaction nationale n'est pour lui à redouter ; non pas qu'elle n'existe pas dans une partie de l'opinion française, mais tout est fait - et depuis longtemps - pour réduire à néant ses velléités d'expression politique. La machine à broyer ne cesse pas de remplir son office. Ainsi Macron était-il sûr de gagner l'élection présidentielle. Comme il se croit aujourd'hui sûr de l’avenir..., ce qui, en revanche, est moins assuré. Les réalités du monde viennent à sa rencontre ou plutôt il va les heurter ; la confrontation comporte des risques pour lui. Il ne peut sortir du rêve qu'à son détriment. Pour paraphraser Mitterrand et, au-delà, le Cardinal de Retz, c'est son ambiguïté à lui. Il croit posséder son rêve, mais c'est son rêve qui le possède. Il doit le poursuivre dans la recherche continuelle de sa consistance en espé­rant trouver la même facilité et le même bonheur qu'à ses débuts. Ne faut-il pas que le peuple français marche sur ses pas ? N'est-il pas forcé de s'assurer la maîtrise du calendrier politique et électoral sur lequel il travaille et fait travailler ?

    Il sait ramasser les mises. Mais ramasser les mises ne suffit pas. Que faire ? Où aller ? Mieux gérer les fonds pu­blics ? Est-ce si certain ? Les derniers budgets de la nation et de la Sécurité sociale montrent les limites de l'exercice : c'est toujours et encore chercher des recettes dans les poches des honnêtes gens pour combler les facilités du laxisme. Les déficits ne diminuent pas - ou si peu - et la dette continue à s'alourdir inexorablement et maintenant dangereusement : les chiffres, eux, ne mentent pas.

    Macron, dit-on, redonne du lustre à la fonction prési­dentielle, ce qui n'est pas très difficile après ses prédéces­seurs ; mais il y a beaucoup d'esbroufe et d'inconscience dans son comportement. Visiblement il ne sait pas commander ; il n'a jamais obéi. Il fâchera les gens. Il a le prestige de la mise en scène ; il n'a pas l'autorité de la vraie compétence. Sa parole ne crée rien ; elle se fait plaisir a elle-même ; elle n’a pas d'efficacité dans l'ordre des choses malgré toutes ses prétentions à l'efficience. Beaucoup de mots, de semblants d'idées ne font pas un redressement politique et économique, sinon en ima­gination. « Son progressisme » affiché n'est que flatus vocis.

    Macron pense pareillement se pousser sur la scène internationale en jouant des coudes. Il y a une ridicule enflure qui se dégage de ses attitudes et qui gêne. Il est faiseur de leçons, encore pire que son prédécesseur ; il distribue des points ; ses appréciations sont toutes marquées par la même idéologie républicaine d'une grotesque simplicité qui sépare le monde en bons et en méchants. Ses propositions stratosphériques de recom­position de l'Europe et du monde ne tiennent aucun compte de la vérité des choses de la terre. Il ne voit pas que l'Europe et le monde changent. De sorte qu'il ne cesse d'être surpris par l'actualité à laquelle il répond par à-coups saccadés, comme dernièrement au Moyen-Orient. Dans ses visions, rien n'est jamais prévu de ce qui se passe vraiment.

    Il se plaint, dit-on, de ses collaborateurs qui l'as­saillent de fiches insanes, inutiles, verbeuses ; mais c'est à son image et à l'image de notre République qui ne fonctionne que dans la vanité des carrières et la frivolité des opinions.

    La question est donc de savoir où « le marcheur Macron » emmène la France. Personne ne le sait et lui vraisemblablement moins que personne : de vastes considérations qui affectent des allures philosophiques ne font pas un but. Ni des jugements péremptoires n'indiquent une direction.

    DE FAUSSES IDÉES

    Ce garçon, pour qui l'écoute et l'étudie attentivement est sans profondeur d'esprit, sans grandeur d'âme, sans épaisseur de caractère. Intelligent, doué incontestablement, il lui a manqué une formation ; il est privé d’une doctrine juste et vraie. Il n'a pas de repère pour s'orienter dans les difficultés du monde ; il n'a à son usage que le baratin de la post-modernité qui ne lui donne aucune maîtrise ni des événements ni des évolutions du monde.

    Tout son art consiste à masquer par l'apparence de la fermeté sa fragilité existentielle, par la brillance de sa parole sa vacuité essentielle. Rien que la manière de reprendre à son compte tous les « tics » des vulgaires usages qui nous viennent du monde anglo-saxon et qui encombrent notre vieil univers civilisé, ces « celles et ceux », ces « toutes et tous » qui se veulent de la galan­terie et qui ne sont que de la goujaterie, manifestent une méconnaissance grave de notre génie national ; toutes ces manies sont d'un ridicule achevé. Il est constam­ment dans la faute de goût. S'imaginer que la France devient « moderne » en se complaisant dans les théories absurdes « du genre », en avalisant toutes les sottises pseudo-scientifiques qui envahissent les boniments des journalistes et des faiseurs d'opinion, révèle une médio­crité d'esprit inquiétante. Il ne saura résister à rien, ni à la PMA, ni à la GPA, ni à tout ce qui s'en suivra. Le ralliement de Juppé est un signe qui ne trompe pas.

    Il n'a, pour ainsi dire, rien retenu des leçons de Paul Ricoeur qu'il a, pourtant, fréquenté. Il ne s'est approprié que l'importance de la symbolique pour la tourner à son avantage, sans même en percevoir le sens essentielle­ment religieux et la portée eschatologique. Sa philoso­phie est de quatre sous, sa phénoménologie narcissique.

    En fait il a ramassé ses idées en se frottant de culture au gré de sa scolarité et de ses accointances ; il a assimilé la vulgate et la dogmatique de Science-Po et de l'ENA. Rien au-delà. D'où cette impression qu'il récite toujours des cours. Comme Hollande ! Il est entré avec aisance dans les milieux financiers - et pas n'importe lesquels - dont il a épousé les intérêts, les manières, les conceptions. Il est leur homme. D'où ce regard froid qui juge de haut, sans complaisance, qui acquiesce ou qui rejette, qui ne connaît que le rapport à l'argent, à la réussite, à l'utile, à ces fameuses « masses critiques » selon le jargon, celles qui justifient la décision économique et la détermination financière. Il ignore - et cette ignorance est un mépris - le petit, le faible, l'insignifiant dans le domaine de la quan­tité, de la valeur marchande, l'histoire, la géographie, le milieu humain, la force de la tradition, le respect du passé, l'engagement moral, le souci de la vérité. D'où ses tromperies et ses astuces sur le patrimoine, sur l'écologie, sur les territoires. Pour lui, ce qui compte, c'est d'être ga­gnant. Notre président est un Rastignac qui ne se conten­tera pas de la France : il vise l'Europe ; il l'a suffisamment fait entendre. Il est prêt à sacrifier les intérêts français à sa divinité. Ainsi, a-t-il déjà annoncé qu'il renoncerait unilatéralement et spontanément au Commissaire français pour mieux avancer dans l'intégration fédérale.

    Le 11 novembre n'a mérité d'être célébré par lui que comme une leçon de philosophie et d'éthique républi­caines. Ce n'est plus la célébration de la lutte et de la vic­toire d'un peuple français qui voulait rester français sur une terre française et à jamais française ; c'est la victoire dont ne sait quel Droit désincarné, quelle Démocratie universelle dont la France - ou plutôt la république française - aurait été l'héroïne. D'où l'idée de ne plus je­ter de lumière jusqu'au 11 novembre 2018 que sur le seul Clemenceau, ce qui évite de parler des militaires et ce qui permet d'insister sur la manière dont les gouvernements républicains ont récupéré à leur profit cette si coûteuse et noble victoire. Tout Français quelque peu cultivé sait en quelle paix stupide ces gouvernements incapables ont transformé cette victoire pour aboutir vingt après au plus grand désastre de notre histoire. Macron qui se croit no­vateur, n'est que notre Briand d'aujourd'hui. Il est encore des Français pour savoir ce que ce nom signifie.

    Les mêmes néfastes idées produiront les mêmes ef­fets. Les discours pacifistes et européistes de Macron prêt à abandonner tous les intérêts français ne satisfont qu'aux exigences d'un rêve égotique. Ni l'Europe ni le monde n'obéiront à Macron. Il ne fera qu'affaiblir, désarmer et détruire un peu plus la France.  ■ 

    S’abonner à Politique magazine

  • En 2017, le taux réel du chômage en France n’est pas de 10 %, mais d’au minimum 20 % !

     

    Par Marc Rousset 

     

    3890715347.jpg

    En France, il y a cinq catégories de personnes à Pôle emploi :

    les chômeurs de la catégorie A, des demandeurs d’emploi sans aucune activité ;
     les chômeurs de la catégorie B, des personnes exerçant une activité réduite courte de 78 h ou moins dans le mois ;
     les chômeurs de la catégorie C, des personnes en activité réduite longue (plus de 78 h dans le mois) ;
     les personnes de la catégorie D, des personnes sans emploi et non immédiatement disponibles car en formation, stage, contrat de sécurisation professionnelle, maladie ;
     les personnes de la catégorie E, des personnes non tenues de chercher un emploi car, par exemple, créations d’entreprises ou contrats aidés.

    Fin octobre 2017, selon Pôle emploi, le nombre de demandeurs d’emploi (y compris les départements d’outre-mer) s’élevait à 3.742.000 personnes pour la catégorie A. Si l’on ajoute simplement les catégories A, B et C, ce nombre s’établit déjà à 5.923.200 personnes !

    La population active, selon l’INSEE, en âge de travailler étant de 28,4 millions de personnes, cela donne déjà un taux de chômage minimum de 20 %, soit le double du taux annoncé et généralement retenu par les Français de 10 %.

    Mais la situation est bien plus dramatique, car incorporer les 6,9 millions de fonctionnaires et agents publics dans la population concernée par le chômage minimise le taux réel du chômage. En effet, les fonctionnaires évitent le risque du chômage puisque le statut de fonctionnaire procure un emploi à vie. Ce serait comme si on rapportait le taux de cancer du sein à la population hommes et femmes. Si l’on exclut le nombre de fonctionnaires et d’agents publics, le taux réel de chômage du secteur privé salarié en France, sans même tenir compte des personnes catégories D et E, peut donc être estimé à 28 %. Et ne parlons pas du rôle d’éponge à chômeurs que joue, en France, une fonction publique pléthorique, notamment avec l’explosion des embauches dans les collectivités territoriales ces dernières années. Si l’on retire, enfin, les indépendants et professions libérales qui n’ont pas droit au chômage, on se retrouve même avec un taux de chômage du secteur privé salarié atteignant 30 % de la population active. 

    Bref, un salarié sur trois du secteur privé serait aujourd’hui effectivement au chômage.

    Il importe, aussi, d’être conscient du « chômage camouflé », ce qu’ont toujours compris la plupart des gouvernements, et tout particulièrement ceux de François Hollande, qui consiste à faire passer des chômeurs de catégorie A dans les catégories D et E (stages, formations, contrats aidés). 

    Enfin, si l’on tient compte des auto-entrepreneurs, du grand nombre de précaires tels que les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation adulte handicapé (AAH), des bénéficiaires de certaines allocations qui dépassent un certain seuil (pensions alimentaires) non inscrits à Pôle emploi, on prend encore mieux conscience du très grand nombre de personnes inactives sans que ces personnes dans un état précaire, handicapé ou inoccupé soient des chômeurs pour autant.

    Il nous parait donc possible d’affirmer que le taux de chômage réel en France n’est pas de 10 % mais d’au minimum 20 % !

    Or, ce déni sur les chiffres du chômage explique que certains économistes, relayés par exemple par Jean-Pierre Robin dans sa dernière chronique du Figaro du 28 novembre, ne comprennent pas pourquoi l’inflation ne repart pas. Pour eux, la courbe de Phillips, qui voudrait que l’inflation reprenne avec la diminution du chômage, ne joue plus. Elle se serait par miracle soudainement et bizarrement aplatie ! En fait, la courbe de Phillips est toujours bien là, inchangée dans sa forme courbée jouant parfaitement son rôle explicatif car le taux de chômage à regarder sur l’axe des abscisses est 20 % et non pas le taux de chômage officiel annoncé de 4,7 % aux États-Unis, de 10 % en France.

    Enfin, si 42 % des chefs d’entreprise ont, dans certains secteurs, des difficultés à embaucher, ce n’est pas parce que le taux de chômage est bas, mais parce qu’il manque du personnel qualifié et compétent pour les technologies anciennes et nouvelles. En Allemagne, sur le million d’immigrés entrés par effraction, suite à la trahison de madame Merkel, un très faible pourcentage seulement a trouvé un emploi effectif, car ils sont inadaptés aux emplois proposés.   

    41LRKbfMFHL._SL300_.jpg

    Économiste

    Ancien haut dirigeant d'entreprise

  • La France est une nation littéraire

     

    En deux mots.jpgOn pense ce que l'on veut de Jean d'Ormesson et de Johnny Halliday, l'un grand aristocrate accompagnateur lucide mais complaisant de nos décadences, l'autre chantant avec force et talent, sur des rythmes américains avec l'accent de Memphis. 

    Les deux disparaissent en même temps, comme jadis Edith Piaf et Jean Coteau, morts à quelques heures de distance. En octobre 1963. 

    Leur double disparition avait soulevé en France la même émotion et la même tempête médiatique que celle, aujourd'hui, de Jean d'Ormesson et de Johnny Halliday.  

    A la mort de Piaf, qui avait débuté chanteuse de rues avant de devenir immensément populaire, Cocteau, vieil académicien très sage et très érudit, depuis longtemps revenu de ses folies du Bœuf sur le toit, avait trouvé le temps de célébrer son amie disparue, de vanter cette « haute vague de velours noir » qui surgissait de son corps fragile lorsqu’elle chantait ; puis, il était mort, poète élitiste s'il en fut, qui parlait comme on écrit les livres, d'une voix d'or et d'argent. 

    En la circonstance, le vieil académicien aristocrate a précédé dans la mort le chanteur populaire. Il n'en prononcera pas l'éloge. Mais leur départ soulève une grande émotion nationale. 

    Il est étonnant et peut-être symptomatique que Jean d'Ormesson étant ce qu'il était, aristocrate, mondain, qui avait comme il le disait « toujours vécu en première classe », ait été l'une des personnalités préférées des Français. La popularité de Johnny ne soulève pas d'interrogation de cet ordre, même si sa destinée semble, elle aussi, avoir parfois quelque chose de magique. 

    Pour comprendre l'émotion qui étreignit les Français à la mort de Piaf et de Cocteau comme elle les étreint ces jours-ci après celle de d'Ormesson et d'Halliday, peut-être faut-il se rappeler que nous sommes un peuple littéraire et où l'on dit que tout finit par des chansons. 

    S'il y a encore des gens qui aient entendu Maurras dire des vers de Lucrèce, en tout cas pour ceux qui ont écouté Thibon réciter des poèmes de Maurras, de Goethe, de Mistral ou de Lorca et d'autres, il est clair que la poésie, qui est le cœur vivant de la littérature, ne se dit pas, elle se chante. Malgré leur distance, la poésie et le chant sont jumeaux. 

    Si l'on retient que l'Allemagne a produit de grands philosophes, l'Italie de merveilleux artistes et l'Espagne, comme le croyait Unamuno, de grands spirituels, il faudrait sans-doute se souvenir que, nonobstant l'inculture présente, les Français ont toujours aimé, pratiqué, admiré la littérature ; ils sont un peuple littéraire. La France est une nation littéraire.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Fatalité républicaine : des partis discrédités, toujours présents.

     

    Par Yves Morel

    On ne parle que de recomposition, de reconstruction, à gauche, à droite, au centre. On fait comme si du neuf pouvait sortir de l’ancien, comme si le régime des partis était améliorable. Sans tenir compte de la désaffectation criante des Français. 

    Assistons-nous à la fin du règne des partis ? On pourrait le croire. À ce jour, seulement 1% de nos compatriotes adhèrent à l’un d’eux, alors qu’ils se comptèrent jusqu’à 20% durant la période 1945-1978, et encore 10% durant les années 1980. 1%, un chiffre bien inférieur à celui des autres pays comparables au nôtre : Royaume-Uni (15%), Allemagne (7%), Italie (8%), Espagne (9,5%). Et surprenant en une nation gangrenée par la contestation permanente et l’idéologie.

    Mais justement, les Français sont saturés de politique et d’idéologie ; à cela s’ajoutent leurs déceptions à l’égard de gouvernements incapables de résoudre les difficultés dont ils souffrent et qui ont fait perdre au pays ce qui lui restait de puissance.

    Réduits au rôle de machines électorales

    À quoi s’ajoute encore l’évolution du rôle dévolu aux partis sous la Ve République. Cette dernière, selon le vœu de son fondateur, s’est, d’emblée, voulue hostile au « régime des partis » et a fait du Président de la République, élu au suffrage universel direct, le personnage clef de la vie politique, doté de tous les pouvoirs. Et, suivant l’expression consacrée, son élection est devenue le « temps fort » de cette vie politique. Dès l’époque du général de Gaulle, les députés du parti majoritaire sont devenus des « godillots », suivant une autre expression consacrée. Et la réforme du quinquennat a accentué cette tendance. Désormais, les législatives, intervenant immédiatement après la présidentielle, ont pour seul rôle de donner au nouveau maître de l’Elysée une majorité parlementaire. Or, les partis s’affrontent bien davantage lors des législatives que pendant la présidentielle, où les candidatures sont personnalisées à l’extrême. Et, de ce point de vue, les « primaires » n’ont rien arrangé, au contraire, puisque ces élections inconstitutionnelles font s’affronter les caciques d’un même parti, mettant en lumière les profondes divisions qui grèvent les partis; les citoyens finissent par penser que ces derniers n’ont aucune cohérence idéologique et politique. Résultat : ils ne croient plus ni aux hommes politiques, ni aux partis. À leurs yeux, ces partis ne sont plus que de simples machines électorales au service de notables ambitieux.

    Une logique républicaine infernale

    De surcroît, nécessité faisant loi, leurs dirigeants, lorsqu’ils exercent le pouvoir, font tous grosso modo la même politique, Ajetant à la corbeille leurs promesses électorales.

    Car il faut bien promettre ce à quoi aspirent les électeurs pour capter leurs suffrages, même si on sait qu’on ne pourra tenir ces promesses. Un homme politique qui tiendrait le langage de la vérité n’accéderait jamais au pouvoir.

    De même les partis, lesquels n’intéressent plus personne, quand ils n’écœurent pas tout le monde.

    Mais cette crise des partis est tout simplement celle de notre démocratie. Elle en révèle l’absurdité foncière. Des problèmes se font jour ; on ne s’entend pas sur les solutions, pas plus que sur un « projet de société » ; donc, on vote, c’est-à-dire qu’on se prononce pour tel parti qui, concurremment avec ses adversaires, propose son programme ; mais, sauf en période faste (et encore), la réalité ne s’accommode pas des idées et des programmes, il faut composer ; on s’incline devant la loi d’airain de la nécessité, et on opte pour un compromis qui revient à poursuivre peu ou prou la politique du prédécesseur qu’on critiquait ; mais il ne faut pas décevoir l’électorat : on prétend donc avoir tenu ses promesses, en usant d’un discours abscons et emberlificoté, et on continue à mentir pour être réélu ; et ainsi, les gouvernements se succèdent en faisant tous la même chose, sans l’avouer… et en ne résolvant aucun des problèmes en suspens, dans la mesure où ils sont bridés par les échéances électorales, lesquelles les privent du temps et des moyens d’agir efficacement.

    Voilà la logique infernale de notre système politique. Il en va de même dans tous les pays démocratiques, mais, en France, ce travers fondamental se trouve aggravé à la fois par notre tradition étatique qui fait reposer toute la société sur l’État, et par notre tradition révolutionnaire, qui renforce puissamment cette tendance et instille en notre nation un esprit permanent de contestation et de revendication.

    Au terme du processus – et nous semblons y être arrivés –, notre nation est gavée à vomir, épuisée, exténuée. Et les électeurs boudent les urnes : rappelons que le taux d’abstention grimpa à 25 % au second tour de la dernière présidentielle, à 57 % aux législatives qui suivirent. Nos députés sont les élus d’une minorité. La machine politique tourne à vide. La recomposition de la droite, la recomposition de la gauche qui font les choux gras de la presse, ne donneront rien d’autre que des luttes plus acharnées et des divisions plus violentes. Pour quel résultat ?

    Macron et LREM : renouveau de pure apparence

    Emmanuel Macron et ses troupes ont tiré avantage de cette désaffection. Le triomphe de La République en marche (LREM) en procède, avec ses 308 députés qui ont provoqué un renouvellement de 75 % de l’Assemblée nationale. Mais cela ne dure pas : la popularité du nouveau et fringant président s’effondre à une allure vertigineuse, et les nouveaux élus étalent leur inexpérience ; ils font naître doute et irritation chez les Français, en particulier leurs électeurs, lesquels en viennent à regretter leur choix. Et, quoique limitées à un corps électoral restreint, les dernières sénatoriales attestent de cette tendance.

    C’est que, dans une certaine mesure, leur vote du printemps était protestataire. D’une façon moins évidente que celui des électeurs du Front national ou de la France insoumise, mais certaine. En effet, ce scrutin ne signifiait pas vraiment qu’ils tournaient enfin le dos aux idéologies, aux projets de société et programmes utopiques, aux promesses en l’air, et qu’ils optaient en faveur du réalisme. Cependant, dans le vote Macron, se signalait pareillement un rejet du système des partis dont le bénéficiaire a su jouer à sa façon. Mais rien n’était clair. Certes, les électeurs étaient déniaisés, mais ils ne se soumettaient pas pour autant au principe de réalité. Et, lorsque Macron met en œuvre, conformément à ce qu’il avait annoncé, sa réforme du droit du travail, ou quand il prépare un budget d’austérité ou restreint les aides de l’État aux collectivités locales, les Français manifestent leur exaspération à l’encontre des mesures drastiques qu’ils supportent depuis des décennies. Autrement dit, rien de nouveau sous le soleil. Le grand ménage opéré au sein de la classe politique et de l’Assemblée nationale par Macron et LREM, qui ont évincé les vieux caciques et les partis traditionnels, n’inaugure nullement une ère nouvelle empreinte de raison, de réalisme et de courage. La mentalité des Français n’a pas changé. De même le paysage politique. Après tout, que sont les figures en vue de LREM, sinon des notables PS et LR recyclés ? Et la politique conduite par le présent pouvoir ne diffère pas de celle de ses prédécesseurs.

    On ne choisit ni ne change les contraintes du réel

    Et, là, il convient de clarifier la situation. Pourquoi et en quoi cette politique devrait-elle changer ? Les Français changent de dirigeants chaque fois qu’ils sont mécontents des sacrifices que leur réclame une politique destinée à sortir le pays du marasme. Or, ces sacrifices sont inévitables, et cette politique est nécessaire. De plus, elle ne peut pas produire d’effets bénéfiques sensibles avant de longues années, dont la durée d’ensemble excède de beaucoup le temps d’une législature ou d’un mandat présidentiel. Aussi, chaque président se voit conduit à édulcorer et tronquer sa politique de redressement en raison de la contrainte électorale permanente, tout en ayant soin de donner des gages démagogiques à ceux qui veulent le voir prendre le contre-pied de son prédécesseur. D’où une instabilité permanente au sommet de l’État et une politique incohérente et cahoteuse, même si, sous l’empire de la nécessité et de la contrainte extérieure (l’Europe et la mondialisation), elle va toujours dans le même sens (celui de l’austérité et du bradage continu de notre souveraineté et de notre indépendance dans tous les domaines). Nos hommes politiques, aspirant à conquérir ou reconquérir le pouvoir, évoquent « la seule politique possible » et proclament leur refus des promesses mensongères, tout en annonçant une amélioration rapide de la situation du pays et des conditions de vie des Français, du fait de leurs initiatives. Or, l’indispensable redressement ne peut jamais être entrepris et, de toute façon, son déroulement serait long, et ses fruits ne seraient accessibles qu’à long terme, après que deux générations de nos compatriotes auraient mangé de la vache maigre.

    Une illusion obsédante entretenue par le système

    Notre système interdit l’acceptation de cette vérité, pourtant évidente à l’esprit des Français, même des plus contestataires. Il l’interdit en raison de ses principes et de sa dynamique. Ce système dit en effet au citoyen qu’il a le choix entre plusieurs politiques possibles, plusieurs projets de société, plusieurs programmes, que l’on choisit comme parmi des articles d’hypermarché. Et il ajoute que s’il n’est pas satisfait de l’un d’eux, il peut opter en faveur d’un autre, et que cela est on ne peut plus conforme à la logique et à la bonne santé de la démocratie. En clair, il entretient et stimule sempiternellement le mécontentement, la contestation et la revendication. Partant, il empêche les Français de tirer les conclusions de cette vérité que pourtant ils discernent intuitivement : que la situation dramatique de leur pays appelle une œuvre de relèvement de longue haleine, impliquant des sacrifices durables, et pour laquelle il n’existe aucune autre option moins douloureuse. Il n’y a pas d’alternative, contrairement à ce que l’on fait croire, pas de choix.

    Un pouvoir impuissant, des Français enfermés dans leur révolte et leur obsession contestatrice, voilà le résultat – logique, au demeurant – de notre république fondée sur des principes révolutionnaires, individualistes et égalitaires. Jamais le caractère fondamentalement mortifère de ce système n’est apparu avec autant d’évidence qu’à notre époque de déchéance.

    L’opposition frelatée des partis protestataires

    Et, corollaire de cette incapacité de notre nation à se rassembler autour d’un pouvoir fort pour se relever, les formations politiques protestataires continuent de croître et fleurir sur le terreau du mécontentement, lors même que leurs propres sympathisants les savent dans l’erreur. Le « leader » de La France insoumise, vulgaire bateleur d’estrade, est pourtant perçu comme inapte à gouverner par 66 % de nos compatriotes ; et cette proportion est la même que celle des électeurs qui, le 6 juin dernier récusèrent Marine Le Pen, présidente du Front national, au profit de Macron. Et cependant, ces deux « incapables » – à en croire les Français eux-mêmes – représentent la seule opposition visible à Macron. C’est que tous deux incarnent on ne peut plus l’enkystement des Français dans leur imaginaire républicain. Jean-Luc Mélenchon, dans ses harangues, convoque toute les grandes figures de l’histoire républicaine et des mouvements sociaux, à titre de symboles de la France contemporaine née de la Révolution, debout contre le pouvoir macronien qui voudrait l’enterrer. Marine Le Pen, elle, se veut le dernier défenseur de la vraie France républicaine, à la fois patriote, populaire, cocardière mais généreuse, contre la dissolution de son identité dans l’Europe, le néo-libéralisme sans frontières et le melting pot international. Il est permis de préférer ce qu’il y a de plus réellement national. Bien sûr, et le départ de Philippot resolidifie quelque peu un certain électorat, mais pour aller où ? Le patriotisme se doit d’être éclairé. Rien ne sortira de formes frelatées de patriotisme, qui nous enferment dans notre modèle républicain dont la faillite est patente aujourd’hui, et qui nous étiole complètement, nous condamnant à la cécité volontaire et à la mort par paralysie et immuno-déficience.

    La guérison ? impossible ?

    Les Français d’aujourd’hui ne croient plus ni au pouvoir en place, ni à ceux qui le contestent. Ils devraient s’en débarrasser, faire leur révolution, la vraie ! Ils ne la font pas, car notre système a émoussé leur intelligence et les voue à une oscillation constante entre illusions obnubilantes et fatalisme. Et ainsi, subsistent des partis inutiles et décrédibilisés, la révolution que nous évoquions à l’instant se ramenant à congédier temporairement les plus usés d’entre eux en faveur d’un nouveau mouvement (LREM) qui n’est que leur synthèse. Il est sans doute dur de conclure qu’il n’y a aucun avenir dans le cadre des institutions actuelles. Il faut dès maintenant penser au-delà.   •

    Yves Morel