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Actualité France - Page 317

  • Emmanuel Macron, l’équilibriste

     

    Par François Marcilhac

     

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    Le président de la République a donc fini par adresser ses vœux aux Français le soir du 31 décembre. Il avait laissé planer le doute sur ses intentions, mais il s’est tout de même plié à cette tradition républicaine, de son bureau de l’Élysée. Des vœux, toutefois, dont la longueur inhabituelle a pu indisposer les Français, qui, s’interrompant dans les derniers préparatifs du réveillon pour l’écouter, ont pu ressentir comme une impolitesse cette volonté indiscrète de s’imposer. Une innovation, tout de même – il en fallait bien une  : des vœux de deux minutes adressés aux jeunes sur les réseaux sociaux – Macron les pense-t-il incapables de suivre ses verbeux développements  ? Des premiers vœux en tout cas moins suivis que ceux de Sarkozy en 2007 ou de Hollande en 2012  : signe que sa récente embellie sondagière ne traduit aucune attente réelle, seulement un attentisme, devant l’effet des projets dont les Français n’ont pas encore pu mesurer l’impact sur leur pouvoir d’achat. Le Conseil constitutionnel a ainsi validé la baisse progressive de la taxe d’habitation pour 80  % d’entre eux, dans l’attente de sa disparition – pour tous  ? –, bien que cette mesure, qui va à l’encontre du principe constitutionnel de l’égalité desFrançais devant l’impôt, soit un piège pour les communes… Mais manifestement les “sages” de la rue de Montpensier continuent de voter Macron en favorisant ses entreprises.

    Tel Protée dans la mythologie

    Mais, à travers ces vœux dépourvus de toute annonce, il a surtout cherché à modifier son image de président arrogant, déconnecté des Français. Aussi ne pouvions-nous nous empêcher de songer à ce que Pierre-André Taguieff disait de lui dans un entretien au Figaro le 17 septembre dernier  : «  Macron s’adapte à chaque public en lui offrant ce qu’il attend, dans un contexte donné. C’est pourquoi il enfonce si souvent des portes ouvertes, et donne, “sans rien céder” (l’une de ses formules figées), dans les clichés ou les lieux communs.  » Le public, ce soir-là, c’était «  celles et ceux  » qui le regardaient, appartenant, «  chacune et chacun  », à toutes les couches de la société française  : tel Protée qui, dans la mythologie grecque, avait le don de se métamorphoser sur l’instant, ou, comme le soulignait encore Taguieff de manière moins poétique, tel un caméléon, épousant «  les valeurs de ses interlocuteurs  », il est apparu, exercice oblige, en même temps comme un superpatriote, croyant de manière presque hystérique dans le destin de la «  nation française  », dont il nous a resservi l’ «  esprit de conquête  », comme à Versailles en juillet dernier, un président à la fibre sociale particulièrement développée et un humaniste, pour lequel il n’y avait plus ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien, mais qui, subitement, se pose la question du sens même de la réussite. Le tout pour introduire des banalités sur la valeur-travail, la formation-tout-au-long-de-la-vie, la cohésion de la nation et l’école, qui doit en être le «  creuset  » – mot ordinairement employé en français pour traduire l’américain melting-pot –, et, bien sûr, les sans-abris – quel président de la République ne pense pas à eux un 31 décembre au soir depuis plus de vingt ans  ? Sans oublier «  la fraternité  », sur laquelle il veut «  miser  » – comme au casino  ? –, puisque, réécrivant l’histoire – son élection n’a correspondu à aucun enthousiasme populaire –, il continuera de «  faire ce pour quoi vous m’avez élu  », le tout, évidemment… «  sans rien céder  », «  malgré les voix discordantes  ». Et de conclure, comme le jeune président Kennedy l’avait fait lors de son discours d’investiture  : «  demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour votre pays  »… On est tenté de lui retourner la question…

    Mais, derrière cette entreprise de communication, il y a surtout le fond d’un discours qui ne fait que reprendre les thèmes habituels. Et le premier d’entre eux  : l’Europe. Macron est allé jusqu’à s’adresser, par-delà les Français, à ses «  chers concitoyens européens  » (sic)  : «  2018 est une année toute particulière et j’aurai besoin cette année de vous  », a-t-il déclaré, avant d’expliquer que des «  consultations citoyennes  » (resic) seraient organisées en Europe «  pour que les projets politiques s’adaptent aux aspirations des citoyens  » et, surtout, d’insister d’une manière particulièrement pesante, au risque de froisser les autres États membres de l’Union européenne, sur un couple franco-allemand auquel il semble réduire la dynamique européenne, si tant est qu’une telle dynamique existe encore… On comprend pourquoi, le président voulant retrouver «  l’ambition européenne  » et «  dessiner un grand projet  » pour l’Europe, il désigne de nouveau, comme chaque fois qu’il prend la parole, ceux à qui il ne veut «  rien céder  »  : «  J’ai besoin qu’ensemble, nous ne cédions rien, ni aux nationalistes, ni aux sceptiques.  » Ce qui relativise le ton outrancièrement patriotique de son propos général, et correspond mieux à la nouvelle charte de la République en Marche adoptée à l’automne, où les mots «  nation  » et «  France  » ne figurent pas, au bénéfice d’une «  Europe  » à laquelle se réduit le projet de nos marcheurs…

    Les mots ont-il encore un sens  ?

    De même, reprenant le mot d’un autre mort – Rocard –, s’il prévient que «  nous ne pouvons pas accueillir tout le monde  », c’est pour, en même temps, donner une étrange définition du droit d’asile  : la France serait la «  patrie  » des réfugiés, alors qu’elle ne devrait être que leur… refuge, par définition temporaire, si les mots ont encore un sens, d’autant qu’il veut promouvoir une «  grammaire de la paix  ». «  C’est un devoir moral, politique  » et, bien sûr… «  je ne céderai rien  ». On sait que Collomb, le ministre de l’Intérieur, a, lui, commencé de céder devant les exigences des associations immigrationnistes en matière de contrôle des clandestins…

    Ces vœux ont été une illustration particulièrement frappante du «  en même temps  » macronien, lequel ressemble de plus en plus à un numéro d’équilibriste. Car Macron est en même temps patriote et européiste, en même temps immigrationniste et favorable à une politique d’asile apparemment restrictive, en même temps adepte d’un discours social et, dans les faits, défavorable aux classes populaires et aux classes moyennes, qui s’en apercevront dès l’année prochaine, en même temps désireux de libérer les énergies et inventeur d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu qui, à la fois, sera une usine à gaz pour les TPE et PME et attentera à la vie privée des salariés – ce qui ne sera pas sans peser sur les relations à l’intérieur des entreprises, sans que les patrons, qui ne veulent pas de cette réforme, y soient pour quelque chose…

    Une société douce et honnête

    Les Français seront, n’en doutons pas, moins nombreux d’ici quelques mois, voire quelques semaines, à accorder leur soutien à l’exécutif et à la majorité. Que de temps perdu, d’occasions manquées et de reculs mettant à mal notre place dans le monde  ! C’est pourquoi, à l’aube d’une nouvelle année qui sera riche, n’en doutons pas, en déceptions pour ceux de nos compatriotes qui croient encore dans la capacité du régime à préserver l’essentiel et à se réformer, il nous faut redoubler d’énergie. Nous la trouvons dans la présence même de la famille de France, toujours fidèle à elle-même, au long de cette histoire qui la lie indéfectiblement aux Français dans ce que Louis XIV appelait une «  société douce et honnête  ». Alors que la famille de France, qui incarne notre espérance, traverse un deuil cruel avec le décès du prince François, l’Action française adresse à Mgr le comte de Paris, duc de France, et au dauphin Jean, ses vœux les plus sincères, qui se confondent avec ceux qu’elle forme pour la France.    

  • La Corse et la République

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

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    Certains énarques parisiens devaient penser benoîtement qu’une nouvelle réforme purement administrative permettrait d’entrevoir un début de solution en Corse.

    Deux tours de scrutin plus tard, on voit qu’il n’en est rien puisque la nouvelle collectivité territoriale unique est largement dominée par la coalition des indépendantistes et des autonomistes qui a obtenu la majorité absolue des sièges : à ceux-là la présidence de l’Assemblée de Corse (M. Talamoni), à ceux-ci celle du conseil exécutif de Corse (M. Simeoni). Les premières déclarations ont le mérite de la clarté, chacun des deux coalisés réaffirmant son credo : l’indépendantiste assumé parle de la France comme d’un « pays ami » et l’autonomiste raisonnable revendique « le double drapeau, corse et français ». 

    Le pouvoir parisien paraît pourtant peu audible. Le déplacement à Ajaccio, vendredi dernier, de Mme Gourault (ministre déjà surnommée, sans doute par antiphrase, « Madame Corse ») aura été purement « technique », destiné qu’il était à préparer la réception des deux dirigeants nationalistes à Matignon (prévue pour le 22 janvier) ; or, le Premier ministre s’est d’ores-et-déjà dit opposé à des revendications qui ne seraient pas conformes « au cadre constitutionnel ». Quant au chef de l’Etat, il viendra bien dans l’île, mais ce sera le 6 février pour y commémorer le vingtième anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac… Malgré leur impatience, purement verbale, MM. Simeoni et Talamoni devraient donc, sans doute, attendre encore pour obtenir un « geste fort du gouvernement ». 

    Dans ce contexte, grand moment politique, mardi 2 au 7/9 de M. Demorand (sur France Inter) grâce à M. Simeoni. Discours clair, apaisé, argumenté et sans place aucune pour la fanfaronnade ou la langue de bois. Se montrant tout à la fois conciliant et réaliste sur l’essentiel (« Notre identité inclut de façon naturelle la langue et la culture françaises »), M. Simeoni a voulu surtout justifier le bien-fondé des trois attentes de la Corse : la co-officialité de la langue corse, le statut de résident corse et l’amnistie pour « les prisonniers politiques ». Personne ne peut trouver quoi que ce soit à lui objecter sur l’utilisation de la langue corse, « de façon naturelle y compris dans les échanges publics ». Il trouve pour la défendre des accents de Frédéric Mistral et de Charles Maurras. « La langue corse est l’âme de ce peuple » (Mistral voyait dans la langue d’un peuple « la clé qui de ses chaînes le délivre ») et sa co-officialité est « le seul moyen d’empêcher le corse de disparaître » (voilà qui rappelle furieusement le « politique d’abord » de Maurras). Les deux autres points font davantage appel au bon sens : on comprend sans peine que le statut de « résident corse » permettrait, face à un foncier de plus en plus rare et de plus en plus cher à cause de la spéculation, de mettre un frein à la dépossession de fait pour les natifs. On comprend aussi, même si certains renâcleront, que pour « tourner la page d’une situation conflictuelle », le pouvoir dispose de l’amnistie - moyen souvent utilisé dans le passé, y compris en France. Et si cette amnistie n’est pas totale, qu’on applique « le droit positif », c’est-à-dire, par exemple, le rapprochement des prisonniers. 

    9782749133546 tr.jpgM. Simeoni, c’est à noter, parle toujours pour désigner l’interlocuteur, de « l’Etat» ou de la « République ». En réponse à M. Philippe, il lui rappelle une vérité d’évidence : « On ne peut pas traiter la Corse uniquement par la réaffirmation de principe de dogmes républicains […] Si une constitution ne permet pas de reconnaître un peuple, c’est à la Constitution de changer, pas au peuple de disparaître ». Qui dit mieux ? Mais ces paroles peuvent-elles être entendues par un Etat central englué dans son idéologie jacobine. On peut malheureusement craindre que l’Etat français, sous sa forme républicaine, ne soit tout simplement incapable d’admettre qu’existe sur le territoire national métropolitain une vie locale sui generis. Et n’aille jusqu’à l’absurde et à la catastrophe (rappelons-nous l’affaire algérienne où, après avoir traité par le mépris les élites musulmanes francisées, Paris a perdu en rase campagne la bataille politique contre les jusqu’au-boutistes de l’indépendance). 

    On peut aussi (on le doit) espérer que la Corse sera la dernière et irréductible des provinces de France à résister au rouleau compresseur parisien, c’est-à-dire à bénéficier d’un statut largement justifié par sa nature et sa situation. Et qu’il en résultera peut-être une impulsion régénératrice pour le reste du pays.  

  • La question du régime se pose toujours en France

    Publié le 8 septembre 2017 - Actualisé le 8 janvier 2017

    En deux mots.jpgNous savons bien que, selon le constat lucide de Jacques Bainville, si souvent cité, « tout a toujours très mal marché ». Ce réalisme pessimiste devrait d’ailleurs épargner aux maurrassiens le reproche rebattu d'avoir idéalisé notre passé monarchique, fût-il, au regard de l'Histoire, plus réussi et de très loin que ce qui a suivi jusqu'à nous.  

    Plus profondément, les lecteurs de Gustave Thibon savent aussi que le Politique est ce « gros animal » dont a parlé Simone Weil, où le bon et le mauvais se mêlent inéluctablement, où une forme même approchée de perfection est inatteignable, où subsistera toujours un lot non éliminable de turpitudes, de violences, de médiocrités et d'injustices. On ne conforme pas une société à l'idéal comme ont pu être ciselés jusqu'à la quasi perfection une fable de La Fontaine, une tragédie de Racine, une sculpture de Puget, un poème de Verlaine, ou même une commode de Boulle. Telle est, en ce sens, la supériorité des arts - de l'esthétique - sur le politique. Seul, peut-être, par leur conjonction heureuse, le siècle de Louis XIV a pu s'approcher d'une forme de perfection d'ensemble, encore que le Grand Roi se soit reproché sur son lit de mort d'avoir trop aimé la guerre et, pour la faire, d'avoir demandé des efforts excessifs à ses sujets ... Ils en auront eu, pourtant, les bénéfices sous les règnes suivants d'où la guerre fut presque absente et où ils s'enrichirent. Encore ce XVIIIe heureux se termina-t-il par la Révolution et son cortège d'horreurs. Pas encore achevées, d'ailleurs.  

    Ces réserves ayant été faites, il y a tout de même des degrés dans l'imperfection.  

    Vu sous cet angle, à l'orée du quinquennat d'Emmanuel Macron, l'état présent de notre pays nous semble avoir atteint un degré d’échec, sinon maximum, du moins très élevé, avec ses 2 200 milliards de dette, ses 9 à 10 millions de pauvres, ses 6 millions de sans travail, ses 10 millions  d’habitants issus d'une immigration en majorité musulmane, difficilement intégrable et pour partie agressive ; à quoi s’ajoutent la menace  terroriste pesant sur toutes les têtes, des engagements extérieurs où s'enlisent nos militaires, une économie en déclin, une industrie dont des pans entiers ont été sacrifiés au dogme libre-échangiste et qu’il ne sera pas aisé de reconstruire, une agriculture réduite à presque rien et, en tout cas, à la misère, une société plus que jamais fractionnée entre riches et pauvres, entre France périphériques et métropoles où s'accumulent les richesses pour quelques-uns, et ce, parfois, avec des disparités honteuses ; sans compter notre déchéance culturelle et morale, la pire, sans doute, de ces plaies. 

    C'est sans nul doute à raison d'un tel inventaire, même s'il devrait être approfondi et nuancé, que, curieusement, après cent cinquante ans à peu près ininterrompus de pratique républicaine, de la IIIe à la Ve république, la question du régime se pose toujours en France et qu'un recours à la solution monarchique y est périodiquement remis sur la table. 

    Aujourd'hui, c’est un paradoxe que d'avoir pour président de la République un homme qui, lorsqu'il était ministre de l'Économie sous la présidence de François Hollande, expliqua à des journalistes l'incomplétude de la démocratie et qui leur précisa que le problème de la France est qu'il lui manque un roi. 

    Nous voulons bien le croire, nous qui nous sommes parfois demandé s'il était encore légitime, soutenable, près de deux siècles et demi après la Révolution, de continuer à vouloir que notre royalisme aboutisse.  

    Notre conclusion toujours renouvelée est que, dans la situation où elle se trouve et face aux crises qu’elle ne peut manquer de rencontrer, cette possibilité, ce recours, doivent être préservés pour la France. C’est ce que pensèrent en leur temps, en faisant omission de notre actuel président de la République, deux de ses prédécesseurs : Charles De Gaulle et François Mitterrand.  •

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Société • Mathieu Bock-Côté : « La gauche post-adolescente et le culte de Che Guevara »

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette chronique parue sur Figarovox [5.01] Mathieu Bock-Côté ne s'en prend pas tant à la figure de Che Guevara mort il y a cinquante ans qu'à la complaisance persistante des sociétés occidentales et de leurs élites envers l'héritage communiste, ce qui est significatif de la survivance bien actuelle de l'idéologie progressiste et de sa tendance naturelle, historique, au totalitarisme. A l'ère moderne, nous n'oublierons pas ici que, comme Patrick Buisson l'a rappelé récemment, ce totalitarisme d'Etat prend sa source dans la Révolution de 1789 et les crimes de la Terreur ...   LFAR  

     

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    La scène est fréquente sur les campus nord-américains, surtout dans les départements d'humanités ou de sciences sociales : un professeur entre dans sa classe et constate que certains étudiants portent un tee-shirt en hommage à Che Guevara. Il se peut même qu'il ne le constate même plus, tellement la chose est banale. À moins qu'il ne s'en réjouisse discrètement ? S'il se risque à demander à ceux qui se réclament ainsi du Che comment ils peuvent célébrer un homme qui a poussé très loin la compromission avec une des idéologies totalitaires du XXe siècle, il passera assurément pour un provocateur de droite malveillant. Le Che ne représente-t-il pas l'héroïsme rebelle ? Le professeur moqueur sera au mieux en droit d'ironiser sur le fait que le capitalisme a récupéré une figure révolutionnaire, à condition d'ensuite maudire l'empire marchand.

    Mais la gauche post-adolescente nord-américaine n'est apparemment pas la seule à se vautrer dans le culte du Che. On apprenait récemment qu'Anne Hidalgo s'y est elle-même pliée, dans le cadre d'une exposition en son hommage organisée à l'Hôtel de Ville de Paris, en qualifiant le révolutionnaire d'« icône militante et romantique ». Les plus indulgents y verront un signe de paresse intellectuelle chez une femme obsédée par l'idée d'incarner l'avenir de la gauche et qui, pour cela, s'approprie à peu de frais des symboles révolutionnaires. Mais il faut aller plus loin. Ce dont témoigne cette déclaration de la maire de Paris, c'est de la complaisance généralisée d'une bonne partie des élites intellectuelles et politiques pour la mémoire du communisme au XXème siècle.

    Officiellement, la gauche a fait son devoir de mémoire et convient des ravages du communisme. Elle ne résiste plus vraiment quand vient le temps de condamner ses crimes, même si on se souvient du tollé ayant suivi en 1997 la publication du Livre noir du communisme. On peut néanmoins croire sa conversion sincère, mais inachevée, car intellectuellement incomplète. Aujourd'hui, on conteste moins les crimes du communisme qu'on ne veut les relativiser en évoquant en même temps ceux du capitalisme ou du colonialisme. Mais surtout, on limite la mémoire négative du communisme à celle de l'URSS, de la Chine maoïste et du génocide cambodgien. Dès qu'il se place sous la bannière du tiers-mondisme, on se croit en mesure d'en sauver la meilleure part, comme s'il trouvait là des circonstances atténuantes.

    C'est ainsi qu'en novembre 2016 le premier ministre Justin Trudeau, qui ne se lasse jamais de faire la morale à tout le monde au nom des droits de l'homme, a confessé sa « profonde tristesse » devant la mort de Castro, avant d'avouer péniblement qu'il était aussi un dictateur. Il ressemblait en cela à son père, Pierre Trudeau, qui avait confessé en son temps son amitié pour Castro et son admiration pour Mao. En d'autres mots, le bilan du communisme ou de la complaisance devant lui demeure bien partiel, et il suffit de peu de chose pour l'excuser. Il n'est pas rare, d'ailleurs, qu'on fasse encore aujourd'hui porter à Staline la responsabilité principale et même exclusive des crimes du communisme, une légende que Stéphane Courtois vient de démonter à son tour dans une biographie consacrée à Lénine. L'historien démontre qu'il fut bien l'inventeur du totalitarisme en Russie soviétique.

    Cette mémoire trouble du communisme est particulièrement vivante en France, où un maoïste comme Alain Badiou passe étrangement pour un philosophe sérieux. Une frange importante de l'intelligentsia a cédé aux charmes du communisme et veut encore croire qu'elle s'est trompée pour de bonnes raisons. On chante encore de temps en temps ses idéaux pour relativiser l'expérience totalitaire, comme si elle était accidentellement criminelle. D'ailleurs, de nombreux réflexes idéologiques datant de cette époque ont survécu, notamment l'habitude de désigner comme réactionnaires les faits désagréables qui entrent en contradiction avec l'utopie progressiste du moment. Le multiculturalisme et les autres idéologies antioccidentales bénéficient aujourd'hui de la même clémence que le communisme hier.

    Il n'en demeure pas moins qu'Ernesto Guevara s'est complu dans les exécutions révolutionnaires, comme en témoigne son passage à la forteresse de la Cabana, et n'hésitait pas à les justifier au nom d'une lutte à mort contre le système. Mais il faut en convenir, ce n'est pas comme tortionnaire qu'il est passé à l'histoire, et la conscience collective semble réfractaire à le définir par son œuvre. Pour ses admirateurs, le Che semble incarner la part irréductiblement romantique de l'engagement communiste au XXe siècle, pour qui la révolution ne doit jamais s'arrêter et toujours allumer de nouveaux feux.

    Plus de cinquante ans après sa mort, il personnifie encore l'incandescence révolutionnaire et le consentement au sacrifice ultime, ce qui peut faire rêver dans une société portée au refroidissement des passions politiques. Ainsi, on ne sera pas surpris que le Che se soit trouvé des admirateurs même chez ses ennemis. Le sacrifice révolutionnaire exalte les fanatiques qui érotisent la possibilité de la mort violente. On oublie étrangement que le courage a trouvé d'autres visages moins portés sur le carnage.

    Ce fantasme romantique bute sur une réalité : commémorer positivement le communisme consiste à ne pas comprendre son caractère intrinsèquement totalitaire. Chanter la gloire du Che, c'est avouer malgré soi ne rien comprendre à ce qui s'est passé au XXème siècle. C'est le procès de l'utopisme comme tendance totalitaire de la modernité que nous tardons à faire.

    Celui qui croit avoir eu la révélation de la société parfaite et qui la pense validée scientifiquement se croira tout permis pour la faire advenir. Il transforme ses adversaires en ennemis de l'humanité : les forces vives du monde nouveau ne doivent en rien épargner le bois mort de l'humanité qui rappelle le monde d'hier. C'est l'histoire du communisme, qui est derrière nous, mais c'est encore aujourd'hui l'histoire du progressisme. Elle se poursuit sous de nouveaux habits idéologiques, qui, encore une fois, font perdre la raison à trop d'intellectuels.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Où est le peuple ?

     

    par Gérard Leclerc

     

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    Emmanuel Macron, dans ses vœux à la nation, a fait part d’une volonté (il l’avait déjà exprimée durant sa campagne) : « Je veux que nous puisions apporter un toit à toutes celles et ceux sans abri. Il y a encore beaucoup de situations que je n’accepte pas plus que vous. Comptez sur ma détermination entière. » Mais de l’expression d’une volonté à la solution d’une difficulté pratique il y a une certaine distance, d’autant qu’il faut reconnaître cette contradiction constante qui consiste à demander simultanément à l’État un surcroît d’aides sociales et une baisse drastique de ses dépenses. Mais que deviendrait la politique si elle perdait le souci de la justice et de la solidarité ? Ne risquerait-elle pas de perdre aussi le peuple, dont elle entend suivre les vœux, puisqu’elle entend se fonder sur son pouvoir ?

    Il est vrai qu’il y a, depuis un certain temps, une crise de la démocratie, qui tient à l’éloignement graduel d’une bonne partie de la population avec ses élites dirigeantes. Un certain nombre de scrutins en Europe ont révélé au grand jour un divorce qui n’a fait que s’accroître. La victoire d’Emmanuel Macron souffre quand même d’une grave faiblesse. Elle n’a pas bénéficié, notamment aux élections législatives, d’un large soutien populaire. La France périphérique, décrite par Christophe Guilluy, n’a pas du tout participé à l’enthousiasme qui a accompagné le triomphe du jeune président. Les témoignages sur le terrain font le bilan de la désertification industrielle qui a ravagé certaines régions, alors que la mondialisation favorisait les grandes concentrations urbaines. Gérald Andrieu, enquêteur pugnace, a visité les régions frontalières. Il constate : « Plus on veut effacer nos frontières nationales, plus en apparaissent de nouvelles, peut-être plus hermétiques encore. Frontières nulles part, séparatisme partout. » [1]

    Mais il n’y a pas que le macronisme, si j’ose dire, qui supporte le procès d’une classe politique en rupture de peuple. Il y a aussi une bonne partie de la gauche. Dans son dernier livre [2], Jacques Julliard est sévère à l’égard « de l’intelligentsia, des apparatchiks du socialisme et des théoriciens du capitalisme qui considèrent le peuple comme une masse inerte, entièrement déterminée par sa place dans la production ». Le peuple, proteste-t-il, « a sa propre intelligence de l’Histoire et sa propre conscience morale. » Serait-il le grand oublié d’aujourd’hui ?  

    [1Gérald Andrieu, Le peuple de la frontière : 2000 km de marche à la rencontre des Français qui n’attendaient pas Macron, Éditions du Cerf.

    [2Jacques Julliard, L’esprit du peuple, Bouquins, Robert Laffont.

    Gérard Leclerc

    Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 janvier 2018

  • SPES CONTRA SPEM

     

    PAR HILAIRE DE CRÉMIERS

    Analyse de l'actualité à cheval sur deux années et présentation du dernier Politique magazine vont ici de pair. Les lecteurs de Lafautearousseau seront intéressés par ce double aspect de cet éditorial.  LFAR 

     

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    Nous voici à là fin de l'année 2017 qui a vu beaucoup de changements en France, et au début de l'année 2018 qui est grosse d'incertitudes. Amis lecteurs, vous aimez votre journal Politique magazine : il traite des questions d'actualités comme aucun autre journal. Dans ce numéro, comme dans les précédents, une vaste étendue d'informations mais aussi d'explications est abordée : l'Europe, la Défense, la décentralisation et l'organisation territoriale, les risques monétaires, les dangers économiques, l'actualité culturelle. Tous ceux qui sont habitués à lire nos chroniques et nos articles, savent qu'il y a là une ligne éditoriale pour ainsi dire unique dans la presse française : les actualités y sont analysées en profondeur dans le cadre d'une réflexion historique et, à sa manière, philosophique qui n'hésite pas à rappeler quelques vérités fondamentales dont les constructeurs d'abstractions et les politiciens en mal de domination prétendent se soustraire.


    Politique magazine n'a pas cédé aux charmes macroniens. L'homme a été assez habile pour se présenter à un de ces moments décisifs qui reviennent de manière récurrente dans l'histoire de notre pays et où les Français, lassés des luttes partisanes stériles, s'en remettent à un pouvoir venu « d'ailleurs » qui leur offre d'autres horizons que les perpétuelles et insanes querelles idéologiques et politiciennes. Macron a profité de la situation.

    Cependant, il n'est pas venu réellement « d'ailleurs ». Loin d'être au-dessus du système, il en sort fort concrètement et il essaye d'en combiner les forces. Laissant, par exemple, un Blanquer mener sa juste réaction dans l'Éducation nationale dont il sait par son propre milieu familial à quel point les familles françaises y sont attachées, gardant un Hulot fébrile à ses côtés pour rassurer les écologistes, donnant à un Philippe adroit ses coudées franches pour gérer le quotidien de la France, menant par des ministres qui sont tout sauf socialistes, des réformes partielles autant que les circonstances le permettent, il se réserve le rôle de « patron ». Lui voit où il faut aller. Il se met en position et en scène, comme son dernier entretien à l'Élysée l'a suffisamment montré.


    Mais ce qu'il voit, ce n'est pas la France, ce n'est plus la France en tant que telle ; c'est un rêve, son rêve, tel qu'il l'a forgé à l'écoute de ses professeurs, de ses inspirateurs et de ses instigateurs : la construction d'une Europe fédérale totalement intégrée qui aurait, de plus, dans son esprit, l'avantage de résoudre le problème français, car la France est pour lui un problème. Il n'en a pris la direction que pour la conduire vers l'Europe du seul salut. Il croit en sa mission : cette certitude ressort de tous ses discours. Son action n'est dictée que par cette conception qui est une sorte de foi laïque. Il n'envisage de règlement des difficultés que dans cette configuration. Il le dit à toutes occasions, en toutes circonstances, comme ce numéro de Politique magazine le montre encore. En cela il est le parfait élève de toute la génération précédente dont il prend la suite. Sauf que lui, il croit : il y croit et il se croit. Il se sert de sa foi comme d'un tremplin.

    Il ne refaçonne le système que pour réussir dans son entreprise. Comprenons bien : il ne renie nullement le système ; il le transforme pour en améliorer l'efficacité à son service et pour son plan ; il joue des partis, bien sûr, en installant le sien qui doit absorber les autres ou les annihiler. Son intention est de renouveler au niveau européen ce qu'il considère comme son succès français. Demain Macron, chef charismatique d'abord, puis président d'une nouvelle Europe : oui, tel est le rêve !


    Les Français sont floués. Une fois encore. Par une sorte de faux sauveur. Alors, que faire ? dira-t-on. Eh bien, expliquer et expliquer encore le pourquoi et le comment de cet invraisemblable et, cependant, perpétuel marché de dupes. Politique magazine s'attelle à cette tâche : aller au fond du problème politique.
    Concluons : s'il faut désespérer, désespérons donc du système... Oui, parfaitement : ce désespoir-là est salutaire. Car si la France est susceptible d'espérance - et elle l'est -, elle doit l'attendre « d'ailleurs ». D'un véritable « ailleurs ». Comment ne pas y penser en ces jours de Noël et de Nouvel An ?   ■ 

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  • 2017 n'est pas allée dans le sens de la fin de l'Histoire...

     

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    L'année qui vient de finir aura au moins apporté deux surprises qui ont un sens : l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, début janvier, et, début mai, celle d'Emmanuel Macron à la présidence de la République française.

    Le premier, honni de la classe politique et médiatique du monde entier, était donné perdant jusqu'au dernier moment. Il arrive donc que ces gens-là se trompent ; qu'ils ne voient pas venir l'événement qui démentira leurs prévisions et décevra leur attente, puisqu'ils avaient choisi leur camp et diabolisé le camp adverse. 

    Trump pour le meilleur et pour le pire n'est rien d'autre qu'un retour du vieux nationalisme américain, égoïste si l'on veut, libéral quand cela fait les affaires de l'Amérique, protectionniste quand ça ne les fait pas. Trump et une large frange de l'opinion américaine, lassée de l'idéalisme d'Obama et de l'universalisme belliqueux du clan Clinton, se sont rencontrés et reconnus dans ce nationalisme simple et brut qui n'a nulle honte à s'affirmer comme tel et se trouve heureux d'avoir rangé ses complexes au placard des hypocrisies, seconde nature des dirigeants américains depuis bien longtemps. Trump est à cet égard tout à fait libéré et l'Amérique, semble-t-il, s'en trouve plutôt bien. Cela ne signifie pas que les conséquences soient forcément bénéfiques pour le reste du monde, par exemple pour l'Allemagne qui n'est plus l'interlocuteur européen privilégié de l'Amérique de Trump ; pour l'Iran après l'abandon de la politique de détente inaugurée par Obama ; pour les Palestiniens depuis que Trump a plus ou moins reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël : pour la Chine elle-même, de plus en plus concurrent n°1 des Etats-Unis malgré les protestations d'amitié, en attendant de devenir peut-être un jour, bien plus que la Corée du Nord ou que la Russie, l'adversaire principal de l'Amérique.

    Mais le chef du Kremlin, s'il a, à la différence de Trump, des idées politiques et géopolitiques de grande ampleur, n'a pas de complexe non plus dès lors qu'il s'agit des intérêts de la Russie ni de doutes ou de scrupules lorsqu'il s'agit de la gouverner.  Ainsi, le politique n'a-t-il pas disparu partout. En tous cas, il n'a pas disparu des deux pays les plus puissants du monde. Y ajouterait-on la Chine ou l'Inde que la remarque vaudrait tout autant. Entre ces grands Etats nationalistes croit-t-on que la compétition se limite à l'économie et à la finance comme la doxa aimerait à le croire ? Alors, que l'on observe les budgets militaires de ces puissances, leur redéploiement opérationnel à travers les points stratégiques du globe, leurs bases, les armements qu'ils y installent, toujours plus nombreux et plus sophistiqués, parfois loin de leur territoire. Rien ne dit que tout cela est investi, déployé pour ne jamais servir. Pour qui croirait à la fin du politique et / ou de l'Histoire, ce ne sont pas des confirmations que 2017 a apportées. 

    L'improbable élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République n'a pas consacré la fin de ce que nous appelons souvent - comme jadis De Gaulle - le Système. Peut-être même cette élection l'a-t-elle sauvé pour un temps. Mais elle est résultée de l'extrême lassitude des Français envers les présidences guignolesques qui venaient de se succéder, des partis discrédités et même méprisés, des politiciens médiocres et corrompus. Ils ont ainsi consenti, non sans jubilation, en attendant de voir, à ce que tout cela soit pulvérisé et dégagé en un rien de temps et que s'installe à la tête de l'Etat un homme nouveau, un brin étrange, jeune et décidé, d'apparence digne et avantageuse, ayant compris qu'il manque un roi à la France depuis quelques deux siècles et se montrant déterminé à en endosser les habits... Emmanuel Macron a surtout démontré comment l'on prend le pouvoir en France, comment un « coup » peut être tenté et réussi.

    Après sept mois, le Système, dans ses fondements, perdure sous Macron, Les bons résultats économiques proclamés partout sont en réalité plus qu'incertains. Sans-doute illusoires. Le terrorisme reste une menace. L'immigration ne diminue pas et selon toute probabilité devrait au contraire grandement s'accroître notamment en provenance d'Afrique, l'inquiétude identitaire des Français, malgré le verbe présidentiel, demeure intense. Les questions dites sociétales continuent de les diviser... 

    La foi la plus clairement affirmée d'Emmanuel Macron semble être surtout européenne, mais systématiquement fédéraliste, en dépit de l'opposition déterminée de nombre de pays de l'Union et, secrètement, de l'Allemagne. La question des migrants et celle des souverainetés et des volontés identitaires de nouveau fermement affirmées devraient dominer pour longtemps l'évolution de la politique européenne. Elles jouent à l'encontre du projet Macron.

    Pour la première fois depuis bien longtemps, les Français n'ont plus honte de leur président mais ils ignorent toujours qui il est, quel est le fond de sa politique. Pourra-t-il rester toujours une énigme ?  

    On le voit : si l'on était tenté d'accorder quelque crédit à cette fumeuse théorie, 2017 n'est pas allée dans le sens de la fin de l'Histoire.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Éric Zemmour : Emmanuel Macron « fait semblant de croire que l’Europe est une démocratie »

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgBILLET - Lors de la présentation de ses premiers voeux, Emmanuel Macron a livré un véritable plaidoyer européen [RTL 2.01]. En quelques mots brefs et lucides, Zemmour parvient à extraire de ce discours sans substance ce qui, toutefois s'en détache presque exclusivement : une vision européenne irréaliste, où le président de la République s'attribue le premier rôle. Un rôle illusoire.  LFAR  

     


    Résumé RTL par Éric Zemmour et Loïc Farge 

    Lors de ses premiers vœux aux Français dimanche 31 décembre, Emmanuel Macron a livré un véritable plaidoyer européen. Il a servi son traditionnel « en même temps » : la France et l’Europe en même temps - la France dans l’Europe pour être pleinement la France et l’Europe avec la France pour être pleinement l’Europe. 

    Un classique facile et banal : du Macron « pur sucre ». Le balancement circonspect du techno qui se réfugie dans le « oui-mais » rhétorique. Avec l’Europe, il est en confiance, il ose tout. Il s’adresse à ses concitoyens européens comme si il était déjà tout seul à la barre, comme s'il était le dirigeant l’Europe. Il appelle ses concitoyens européens à débattre à imposer leur vue. Il fait semblant de croire que l’Europe est une démocratie comme les autres. 

    Mais il sait qu’il se leurre. L’Europe n’est pas une démocratie parce qu’elle n’est pas une nation, et l’Europe n’est pas une nation car il n’y a pas de peuple européen. 

    Éric Zemmour

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Europe : La France n'a-t-elle le choix qu'entre le statu quo et le Frexit ?

    Pourquoi le nouveau gouvernement autrichien peut changer la donne en Europe

  • Conservatisme

    Olivier Dard, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin
     

    par Gérard LECLERC

     

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    Est-il vrai que le conservatisme est à la mode ? Un certain nombre de signes pourrait plaider en ce sens. On est même allé jusqu’à prétendre que la tendance sinistrogyre (c’est-à-dire en faveur d’une pensée de gauche) établie naguère par Albert Thibaudet pour caractériser le mouvement des idées politiques en France, était désormais démentie par une nette tendance dextrogyre. On peut objecter à cela la victoire d’Emmanuel Macron, proclamant haut et fort son progressisme, mais la nature du macronisme est encore en suspens, sa prétention à dépasser le clivage gauche-droite attendant une véritable confirmation. Le débat intellectuel demeure largement ouvert, et il l’est d’autant plus que la notion même de conservatisme a toujours eu beaucoup de mal à être définie et à trouver droit de cité dans ce pays. Thierry Maulnier n’aimait-il pas rappeler la formule du duc d’Orléans pour qui « le mot commençait vraiment trop mal ». Beaucoup de réactionnaires se sont moqués, tel Bernanos, de ces braves gens qui « se sont appelés eux-mêmes, tour à tour, conservateurs, libéraux ou modérés, dans l’espoir que ces sobriquets, qui suaient la paresse et la peur, allaient leur assurer infailliblement l’estime et l’amour du peuple français ». Il y a donc beaucoup de travail pour assurer au conservatisme un statut à la fois honorable et crédible. C’est pourquoi Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin ont préféré la formule du dictionnaire à celle du manifeste pour faire un peu plus de clarté et apporter un peu de rigueur à ce qui pourrait être autre chose qu’« un simple ramassis de préjugés bourgeois agités comme des épouvantails contre ceux qui se réclament de la Justice et du Progrès, mais un ensemble extrêmement riche ».

    La preuve en est faite grâce à cette publication d’un bon millier de pages, dont la fonction est plutôt de donner infiniment à penser quant à une tradition qui pourrait bien trouver aujourd’hui le terrain propice à une refondation « qui reprendrait l’héritage des conservatismes anciens, mais qui implique aussi de prendre en compte des éléments qui n’avaient pas été intégrés aux programmes conservateurs des XIXe ou XXe siècles tant qu’ils semblaient ne jamais devoir être menacés, alors que la démesure moderne risque de les faire disparaître eux aussi ». Les trois responsables du dictionnaire soulignent ainsi d’emblée en quoi le conservatisme pourrait trouver une actualité bien supérieure aux modes éphémères, dès lors qu’il affronterait non pas une menace contre un ordre bourgeoisement établi mais une atteinte à la substance de notre humanité, en ce qu’elle a de plus exposée. Mais avant d’en arriver à cette ultime conclusion, il était nécessaire de refaire tout un parcours historique, afin de saisir à travers quelles étapes, quelles difficultés s’était constitué un courant conservateur aux multiples déclinaisons, toujours confronté à des difficultés tenant à la complexité d’une réalité rebelle aux réductions idéologiques.

    Il fallait bien partir d’une définition minimale. Celle-ci semble correctement formulée par Philippe Bénéton : « Le conservatisme est un mouvement intellectuel (et politique) de l’ère moderne qui naît avec elle puisque contre elle ; la doctrine conservatrice s’est constituée pour la défense de l’ordre politique et social traditionnel des nations européennes, elle est fondamentalement anti-moderne. Le conservatisme est donc un traditionalisme. Dans la mesure où il a une filiation qui, tout en restant fidèle aux valeurs du conservatisme, s’est détachée, histoire oblige, de la tradition pré-moderne et du modèle historique qu’elle incarne, l’on parlera alors de néo-traditionalisme. » Ce simple point de départ indique déjà la difficulté d’une pensée qui, en dépit de sa volonté d’assurer le pérenne, se trouve contrainte d’assumer la nouveauté, au risque de sérieuses contradictions. De là, par exemple, ses rapports indécis avec le libéralisme. Peut-on être à la fois conservateur et libéral ? La réponse ne va pas de soi, car s’il semble y avoir des incompatibilités doctrinales, il y aussi d’évidentes complicités. Ainsi que le remarque Lucien Jaume : « Le libéralisme peut se montrer aussi bien conservateur (contre les idéologies égalitaires ou “régénératrices” au sein de la Révolution française) que révolutionnaire. L’“appel au ciel” chez Locke, le soutien à la révolution de 1830 chez les orléanistes… » (article Libéralisme). L’ambiguïté est déjà manifeste chez Chateaubriand, qui fut le premier à se faire le porte-drapeau de la réaction à la Révolution, en figure de proue d’un journal qui s’appelait Le conservateur, mais qui, en même temps, veut comprendre une certaine inspiration de 1789, tout en ayant subi aussi le choc, avant son neveu Tocqueville, de la découverte du Nouveau monde. Autre ambiguïté : le conservatisme est très souvent accusé d’indifférence à l’égard de la question sociale, et il serait suspect, à l’instar du libéralisme, de préférer les lois du marché à une politique de justice sociale. Mais c’est oublier l’extrême sensibilité de beaucoup de conservateurs, tel Albert de Mun, à combattre une pauvreté, qui tenait aux excès du système capitaliste et industriel, provoquant « la déliquescence des liens sociaux, et, en premier lieu, l’érosion du lien familial, par l’amenuisement de l’humain et son exploitation » (Claire Araujo Da Justa, article Pauvre, pauvreté).

    9782204123587-59fb496fddd78.jpgCe n’est là qu’un faible aperçu de la richesse de ce dictionnaire qui, par ses développements, ne cesse d’inciter à toujours plus creuser et complexifier la réflexion. On prêtera, notamment, attention aux liens qu’une tradition politique entretient avec des courants philosophiques aussi caractéristiques que le thomisme et plus généralement avec le christianisme. De sa part, on ne saurait admettre nulle neutralité axiologique, ce qui l’éloigne de l’ère du vide dans toutes ses désinences, d’un libéralisme incertain (« Le libéral, disait le général de Gaulle, est celui qui pense que son adversaire a raison ») mais qui pourrait le rendre apte à affronter un des défis les plus graves, « le remplacement d’un monde par une réalité virtuelle qui dissimule mal les risques d’un nouveau totalitarisme ». Ainsi pourrait enfin se détacher « une volonté de perdurer dans l’être, ancrée aux coeurs des hommes » qui permette « de fédérer des axes et, peut-être, de rassembler une famille ». 

    Le dictionnaire du conservatisme, sous la direction de Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin, Les Éditions du Cerf.

    Royaliste

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    Idées • Progressistes et conservateurs

    Livres • « Le retour du conservatisme correspond à une aspiration profonde des Français »

  • La juste question d'Éric Zemmour : « Mais qui en veut au mâle blanc, occidental et hétérosexuel ? »

    Tex, le présentateur de l'émission de France 2 « Les Z'amours »

     

    Par Eric Zemmour

    On pourrait accuser Internet de tous les maux, mais on refuserait de voir la stratégie délibérée des groupuscules féministes, gays, antiracistes qui sont tous alliés contre leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel. Dans cette chronique [Figaro magazine, 22.12] Eric Zemmour précise quel est l'objectif : « effacer toute expression culturelle de l'Occident ». Il a raison !  LFAR

     

    XVMb1a9203c-e669-11e7-8efd-6e29e193fc07.jpgAvis aux éternels potaches. Aux rois de la blague de mauvais goût. Aux empereurs du jeu de mots débile. Ils sont sous surveillance. Leur vie est en danger. Leur destin peut basculer pour une parole de trop. C'est ce qui est arrivé au présentateur de l'émission de France 2 « Les Z'amours » : Tex. Depuis dix-sept ans, il avait eu souvent l'occasion de déployer son humour lourdingue, un peu niais, jamais subtil.

    Et puis, soudain, la vanne de trop. Qui frappe là où il ne faut pas: « Que dit-on à une femme qui a deux yeux au beurre noir ? Rien. On lui a déjà dit. » À ces mots, les réseaux sociaux s'agitent. La secrétaire d'État à l'Égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, alerte le CSA. La délation d'État est à l'œuvre dans la foulée de « #balancetonporc ». Tex finit par être renvoyé par la chaîne publique ! On pourrait multiplier à loisir les anecdotes similaires qui attestent de cette ambiance de « chasse aux sorcières » : le footballeur Antoine Griezmann qui doit s'excuser parce qu'il s'est grimé en Noir pour imiter un joueur de basket américain. Ou une Miss France insultée et traitée de raciste parce qu'elle ose parler de la « crinière de lionne » d'une autre Miss France, venue de Guadeloupe.

    On pourrait considérer tous ces micro-événements avec dédain et mépris. On pourrait accuser internet de tous les maux. On passerait à côté de l'essentiel. On refuserait de voir en face une stratégie délibérée, longuement mûrie, et qui arrive à maturité aujourd'hui. Des groupuscules féministes, gays, antiracistes, chacun suivant ses objectifs propres, mais qui sont tous alliés contre leur ennemi commun : le mâle blanc hétérosexuel. Qui ont une inspiration philosophique commune venue de la fameuse « French Theory », théorie de la déconstruction passée par les campus américains depuis les années 1960 et transformée là-bas en « politiquement correct » médiatique et judiciaire.

    Ils jouent aux faibles mais sont les vrais puissants. L'État est de leur côté. La machine judiciaire est à leur service. Les médias de gauche les soutiennent. Au nom du droit des minorités et du respect des éternelles victimes - femmes, homosexuels, minorités « racisées » -, ces militants veulent effacer toute expression culturelle de l'Occident. Leurs méthodes peuvent changer, leur objectif reste le même. Ils transforment les femmes savantes de Molière en un brûlot féministe. Ils accusent Michel Audiard d'avoir été collabo. Ils auraient censuré les chansons de Brassens ou de Brel (pour homophobie ou misogynie). Ils accusent la grammaire d'entretenir les inégalités entre hommes et femmes. Ils ne laissent rien passer, pas la moindre petite blague, pas la moindre expression. Ils ont fait leur une vulgate marxienne mâtinée de gramscisme : la culture est, pour eux, le reflet des rapports de force dans la société. La culture de l'homme blanc hétérosexuel, même dans son humour le plus anodin, est oppressive par essence ; elle doit donc être délégitimée, ostracisée, diabolisée. Pour être éradiquée. Avant d'être remplacée. « On ne détruit réellement que ce qu'on remplace », disait Danton.  

    Eric Zemmour

  • Société • Paul-François Schira : « Si nous en avons marre de la politique, c'est en fait parce qu'il nous en faut davantage »

     

    Par Paul-François Schira

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgSelon les baromètres Cevipof, moins de 10% des Français se désintéressent totalement de la politique, mais corrélativement ils lui adressent un sentiment de méfiance. Paul-François Schira analyse les causes de ce paradoxe [Figarovox, 28.12]. Il analyse en fait, bien plus encore, la crise de notre démocratie - de plus en plus formelle - et celle des sociétés post-modernes. S'il nous le permet, nous lui dirions que pour former le « nous »  - qu'il souhaite - et non pas seulement le « je » ou le « moi » dont il dresse la juste critique, la France - plus peut-être que d'autres nations - a toujours eu besoin d'une « incarnation » à sa tête. Une incarnation pérenne qui lui soit consubstantielle et ne résulte pas d'une élection. D'où notre attachement au principe dynastique qui rend encore bien des services dans d'autres pays. Le « plus de politique » qu'il nous faut, le voilà !  Lafautearousseau

     

    Les Français se désintéressent-ils de leur pays ?

    D'un côté, les baromètres de la confiance tenus par le Cevipof font figurer avec constance « la méfiance, le dégoût et l'ennui » dans les sentiments que ressentent les Français à l'égard de la politique. La fin de cette grande année électorale confirme ce désengagement : taux d'adhésion aux partis traditionnels en berne, incapacité du parti au pouvoir, En Marche !, de fédérer une base militante dans la durée, tout ceci dans le cadre d'une baisse régulière des taux de participation aux élections politiques de ce pays.

    De l'autre, les mêmes baromètres notent que seuls moins de 10% des Français ne s'intéressent pas du tout à la politique. Il faut voir les foules qui se pressent aux journées du patrimoine, ou l'engouement suscité par les œuvres puisées dans l'histoire et la géographie nationales ! Immense soif de transmission, d'appartenance.

    D'où vient ce paradoxe ?

    C'est peut-être, en première approche, la scène politique qui nous a désolés, avec ses acteurs opportunistes jouant leurs gammes pour tirer à eux les applaudissements des médias. Les « affaires », bien sûr, n'arrangent pas les choses. On s'écœure du comportement égocentré de ces hommes politiques, dont 90% des Français estiment qu'ils ne se préoccupent pas du tout de ce que pensent les citoyens.

    Mais dès lors que l'homme a toujours été homme, mélange de sublime et de mesquin, attiré par convoitise autant que par noblesse vers le pouvoir, pourquoi cette personnalisation malsaine de la politique nous semble-t-elle accentuée aujourd'hui ?

    Peut-être, en deuxième approche, parce que le spectacle des ambitions personnelles remplit un vide : celui de la pensée et de l'action commune.

    Le vide de la pensée et de l'action commune prend la forme d'un discours raisonnable. Ce discours transforme en finalités politiques les certitudes qui relèvent de l'ordre des moyens. Il semble nous signifier que l'amour de notre pays ne vaut plus grand chose dans la « vraie vie », celle de la « complexité d'un monde globalisé en pleine mutation ». Ces mutations - mondialisation, innovation, concurrence, flux financiers ou migratoires - sont posées comme inéluctables, univoques et irrésistibles ; si c'est au politique de les organiser efficacement, on abandonne aux individus, plus ou moins talentueux, le soin de leur donner un sens, ou de se faire écraser par elles - moyennant quelques allocations.

    La politique devient alors l'apanage de quelques techniciens, et se réduit à un simple divertissement « people » à l'égard du commun des mortels. C'est la forme impériale de la gouvernance qui réapparaît, et qui détruit ce lent travail de maturation qui, de Capet à De Gaulle, a façonné notre peuple et nos institutions pour former la nation.

    La nation n'est pas l'empire, ce territoire infini sur lequel une maison conquérante exerce une domination - par la coercition ou la séduction - à l'égard de ses ressources et sur ses sujets. Elle n'est pas un espace indéfini, mais un lieu particulier ; ce ne sont pas des multitudes de sujets qui y vaquent à leurs occupations, mais un peuple qui y séjourne ; ce n'est pas un lien de domination qui les tient, mais un lien d'appartenance qui s'ancre dans une culture partagée, et qui se projette dans le monde par l'expression d'une volonté commune.

    Entre les universalismes religieux de Rome et politique de Charles Quint puis des Habsbourg, la France s'est constituée en nation afin de créer un corps vivant autonome, suffisamment cohérent, dont l'angoissante quête de stabilité interne l'a rendue disposée à orienter, à peser sur et à donner du sens aux événements qui lui étaient extérieurs.

    La nation se résume en un cri: «nous voulons». Ce cri suppose un «nous» en même temps qu'un «voulons». C'est le propre de la conjugaison que d'accoler le sujet à l'action, car c'est elle qui donne du sens au langage. Il faut un nous, c'est-à-dire le sentiment d'appartenance, pour générer la confiance nécessaire à l'exercice d'une volonté. Il faut aussi une volonté, c'est-à-dire le sentiment de donner un sens à l'appartenance, pour qu'il y ait un nous. Les deux sont indissociables.

    Or à quoi assistons-nous aujourd'hui? A la dissolution du « nous », certes ; mais à la disparition du « voulons », surtout. Les deux phénomènes sont simultanés ; mais, des deux, il me semble que c'est le second qui doit jouer, dans la prise de conscience collective, le rôle de la poule. La crise de l'identité n'est que le symptôme de ce que l'on commence à ne plus savoir pour quoi, en vue de quelle finalité, nous sommes « nous ».

    L'efficacité à la place du sens

    Il est frappant de remarquer combien bon nombre de programmes politiques se focalisent essentiellement sur la question des moyens, rarement sur celle des finalités. Ils ne concernent bien souvent que la machinerie de l'Etat dont il faudrait déboucher les tuyaux, comme si une entreprise communiquait moins sur le service qu'elle rendait que sur sa manière de le rendre. Il faut rationaliser la dépense ; optimiser les recettes ; être transparent ; numériser ; simplifier ; communiquer avec pédagogie.

    L'horizon politique est remplacé par l'horizon administratif : on fait le prélèvement à la source, parce que c'est plus efficace ; et on supprimera à terme le foyer fiscal, parce qu'on a fait le prélèvement à la source. Peut-on encore s'interroger sur le sens que peut avoir un système déclaratif fiscal, ou sur celui que prend le principe d'imposition par foyer ? Un modèle s'effondre au nom de l'efficacité sans que sa finalité ne soit clairement débattue. D'où ce sentiment d'être ballottés au gré d'une catallaxie court-termiste, cette agrégation de comportements spontanés sans vision d'ensemble dont la totalité peut aboutir, mais on s'en rend compte trop tard, à une soustraction du bien-être global.

    Cette perte du sens politique au profit de l'administration des choses est due à la circonstance que l'on assimile la volonté commune au totalitarisme, dont le meilleur antidote serait l'individualisme. Hormis l'organisation efficace des moyens (les procédures juridiques, l'économie de marché), la postmodernité a fait le pari rassurant de rendre le politique aussi neutre que possible et de l'expurger de toute finalité autre que la promotion des individus.

    Nulle fin de l'histoire tranquille dans cette sortie du politique, mais plutôt un retour au chaos de l'état de sauvagerie. Le refus de concevoir même qu'il existe un commun qu'il reviendrait à l'homme de servir, c'est l'âge du narcissisme, où l'on se sert dès lors qu'on a les moyens de le faire ; où l'on cherche à retirer quelque chose du commun, plutôt que d'y ajouter ; où l'on ne cultive plus la retenue de soi laissant libre le champ du travail partagé, mais où l'on se répand aussi loin qu'on puisse aller. Lorsque la seule finalité admise, c'est la liberté de chacun sous réserve de la liberté d'autrui, alors l'espace commun se privatise, et ne se réduit plus qu'à la fine membrane qui sépare deux individus: « l'autre » devient par définition une irritation, qu'il faut manipuler, détruire, ou, dans le meilleur des cas, subir.

    Les institutions, la culture, la civilisation censées élever ces comportements perdent toute leur légitimité dès lors qu'elles se réduisent au droit et au marché, c'est-à-dire à l'organisation optimale de rapports de forces. Les chocs d'idées deviennent des chocs de personnes dès lors que ces dernières ne conçoivent plus le lieu de leur demeure commune: c'est le terreau sur lequel se nourrissent les antiques promesses de fusion communautaire recherchant l'utopique homogénéité, culturelle ou religieuse, d'individus semblables agrégés en une sorte de lobby d'intérêts.

    Le sentiment actuel des Français ne doit donc pas être pris pour ce qu'il n'est pas. Ce n'est pas parce que la France serait une vieille dame, la nation un cadre obsolète, le patriotisme un sentiment arriéré, que les Français s'éloignent de la politique. Mais, en revanche, c'est parce que les Français s'éloignent de la politique en n'y voyant plus qu'un désolant divertissement que la France risque de devenir une vieille dame, la nation un cadre obsolète, le patriotisme un sentiment « so 1945 ».

    L'indifférence marquée à l'égard du système électoral, et le succès de la proposition d'En Marche ! de dépasser les clivages gauche/droite qui en a été son corollaire, ne sont pas un plébiscite en faveur du Grand Jeu planétaire. Penser que tel est le cas, c'est prendre la conséquence d'un phénomène pour sa cause. Et cette confusion nous livre un enseignement : nous sommes tentés de nous désintéresser de la politique non parce que nous ne croyons plus en notre pays, ni même parce que les acteurs du monde politique ne font que semblant d'y croire, mais parce que nous oublions que les premiers acteurs du monde politique, c'est nous-mêmes : recréer le commun, retrouver l'honneur de le servir, relève, dans nos vies quotidiennes, familiales, associatives ou professionnelles, de notre propre responsabilité. Si nous en avons marre de la politique, c'est en fait parce qu'il nous en faut davantage.  

    Paul-François Schira est haut fonctionnaire et maître de conférences à Sciences-Po

  • Notre politique migratoire relève de notre souveraineté, pas de celle du pape !

     

    En deux mots.jpgQue le sermon de Noël du pape François ait contenu des passages propres à provoquer le scandale, ce qui n'est gère douteux, ne nous empêchera pas de garder envers le Souverain Pontife le ton et le respect dûs au chef d'une Eglise qui pendant tant de siècles a façonné notre Civilisation. Cela ne nous empêchera pas davantage de dire notre désapprobation de son propos au soir de Noël. 

    Nous n'imiterons pas le pape François lorsqu'il empiète sur le terrain politique : nous n'entrerons pas dans l'exégèse théologique ... 

    Cependant, comme la plupart des Français, nous connaissons suffisamment les évangiles pour savoir que Joseph et Marie se rendant de Nazareth à Bethléem pour s'y faire recenser n'y sont pas présentés comme des migrants mais comme des voyageurs. Ils obéissent en l'espèce non pas directement à la loi de Dieu, des prêtres ou des rabbins, mais au pouvoir politique, en l'occurrence celui de l'empereur romain, païen ; les Ecritures ne disent pas non plus, nous semble-t-il, qu'ils ont été rejetés par les gens de Bethléem mais qu'ils ont dû être logés dans une grotte attenante à la salle commune où simplement il n'y avait plus de place. Quant à la fuite en Egypte, elle est celle d'une famille de trois personnes ; pas de millions de réfugiés ou de migrants  ; elle est de courte durée avec esprit de retour des trois réfugiés dans leur patrie sitôt le danger passé. Elle n'a rien à voir en tout cas avec une migration massive de peuplement. 

    On ne peut pas faire reproche au pape de prêcher la charité personnelle aux fidèles catholiques. On peut en revanche s'opposer comme citoyens à ses empiétements dans le domaine politique qui est celui des peuples et des gouvernants.  

    Remercions donc le Saint-Père, si nous sommes chrétiens, de nous inviter à la charité ; mais portons à sa connaissance en tant que membres de la communauté française que nous avons déjà accepté de recevoir chez nous un très grand nombre d'étrangers, sans nul doute un beaucoup trop grand nombre ; que nous en avons payé chèrement le prix ; que, même, nous devrions nous préoccuper d'organiser le retour dans leur pays d'origine d'un grand nombre d'entre eux indésirables chez nous ; et qu'en conséquence, nous ne sommes nullement disposés à en recevoir de nouveaux contingents ; enfin  que cette politique relève de notre souveraineté et non, en l'espèce, de la sienne. 

    Rassurons les catholiques : ce langage n'est ni iconoclaste ni nouveau. C'est celui que nos rois tenaient aux papes lorsqu'ils prétendaient intervenir dans les affaires de la France. Cela non plus, d'ailleurs, n'est pas nouveau.  

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Le pape François et l’immigration

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette tribune du Journal de Montréal [28.12] Mathieu Bock-Côté dit des propos du pape - mieux sans-doute et autrement - la même chose que nous. [Voir article précédent]. La charge du pape François en faveur de l'immigration, au soir de Noël, ne vise en fait que l'Europe. Peut-être surtout, comme on le dit, la catholique Pologne. Mais aussi la France, sans aucun doute. Gardons présent à l'esprit qu'en matière politique, en tout ce qui touche au Bien Commun de notre patrie, nous sommes - ou devrions être - seuls souverains.   LFAR  

     

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    Depuis quelques années, le pape François a multiplié les déclarations invitant l’Occident à s’ouvrir aux vagues migratoires.

    Entre les vrais réfugiés et les migrants économiques, il ne distingue pas vraiment : il ne veut voir qu’une misère humaine réclamant qu’on lui porte secours. Même s’il fait quelques nuances, il invite globalement les Européens à accueillir avec le sourire ceux qui entrent chez eux sans même frapper à la porte.

    Occident

    Il lui importe peu que les Européens se sentent submergés : ils doivent faire un effort supplémentaire de charité pour ne pas renier leur humanité. 

    C’est dans cet esprit qu’il a récemment comparé les migrants à Jésus et ses parents. On comprend le message : qui ferme la porte aux migrants la ferme au Christ. 

    On comprend que, pour le pape, un bon chrétien ne saurait jamais s’opposer à l’immigration massive qui transforme l’Europe démographiquement.

    Lorsqu’il est question du pape, les médias occidentaux pratiquent l’écoute sélective. Lorsqu’il parle de religion, ils s’en fichent. Mais lorsqu’il plaide pour la dissolution des frontières, ils lui donnent le titre de grand sage et nous invitent à suivre ses conseils.

    C’est qu’il radicalise le préjugé sans-frontiériste dominant chez nos élites économiques et médiatiques.

    En gros, l’Occident serait devenu riche en pillant la planète et il serait normal qu’aujourd’hui, il se fasse pardonner en accueillant sans rechigner les déshérités du monde entier. Cette vision de l’histoire est fausse et déformée, mais elle monopolise la conscience collective.

    Du haut de son magistère, le pape fait la morale sans trop s’intéresser aux conséquences pratiques de cette révolution migratoire. Il y a là une terrible irresponsabilité.

    Dans un livre essentiel paru début 2017, Église et immigration : le grand malaise, le journaliste français Laurent Dandrieu, lui-même catholique, décryptait la pensée du pape et, plus globalement, de l’Église, autour de cette question. Il observait une inquiétante indifférence de l’Église devant le droit des peuples à conserver leur identité.

    Au-delà des déclarations du pape François, on doit constater que l’immigration massive est probablement le grand enjeu de notre époque. Ce sont des masses humaines qui se mettent en mouvement.

    Le phénomène ne date pas d’hier : depuis le début des années 1980, on s’en inquiète, mais personne n’ose le maîtriser, et pour cela, il prend de l’ampleur.

    Responsabilité

    Et on aura beau sermonner les peuples occidentaux en leur expliquant que la diversité est une richesse, ils se sentent néanmoins bousculés, dépossédés. S’ils veulent bien accueillir un certain nombre de malheureux, ils ne peuvent accueillir pour autant toute la misère du monde.

    Les vagues migratoires des dernières années ont quelque chose de traumatisant. On entre illégalement et massivement en Europe. Les pays sont incapables de faire respecter leurs frontières. Leurs équilibres sociaux et culturels sont compromis. Les tensions identitaires augmentent.

    L’immigration est une question explosive. Et les irresponsables qui accusent de xénophobie ceux qui voudraient mieux la contrôler et faire respecter les frontières enveniment la situation.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Éric Zemmour en débat avec Nicolas Domenach : « Macron a compris ce qu'était un roi élu en France »

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDÉBAT - Après un départ de quinquennat mitigé sur plan de la popularité, le président de la République Emmanuel Macron n'a jamais été aussi haut dans les sondages. Fait-il un sans-faute à la tête de l'État ? Zemmour affirme non sans raison : « Macron a compris ce qu'était un roi élu en France ». Ce qui n'empêche qu'il n'est pas un roi véritable. Lequel, comme Macron l'avait diagnostiqué en 2016, manque toujours à la France. [RTL 22.12].

     


    La rédaction numérique RTL 

    Dans les sondages Emmanuel Macron n'a jamais été aussi haut dans l'estime des Français. Pour expliquer ce regain presque historique de popularité Nicolas Domenach l'affirme : « Emmanuel Macron a rehaussé la fonction de président de la République ». 

    Le chef de l'État a "fait preuve d'autorité, selon l'éditorialiste de RTL, et il a réussi à faire revenir optimisme et progrès. « Le déclinisme prôné par Zemmour a été renversé cul par-dessus tête ». Éric Zemmour confirme un point soulevé par son contradicteur, Emmanuel Macron a bien rehaussé la fonction présidentielle. 

    Mais c'était facile selon lui : vu « les deux clowns que l'on avait avant, François Hollande et Nicolas Sarkozy, qui n'ont jamais été présidents ». D'après Éric Zemmour, Nicolas Sarkozy « c'était de Funès » et François Hollande était « fagoté comme Bourvil ». « On avait La Grande Vadrouille et là on a de nouveau un président ». 

    Éric Zemmour