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Actualité Europe - Page 52

  • Et si l’Islam était « insoluble » ?

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 29.06.2015 - Réactualisé le 16.08.2016

    L'annonce, clairement provocatrice, d'une journée « burkini » finalement annulée, près de Marseille, les violents incidents qui viennent de se produire en Corse, sont le signe évident de tensions communautaristes devenues extrêmes du fait même de la présence toujours plus virulente et ostentatoire de l'islam. L'idée que le Pouvoir pourrait, dans l'affolement, « organiser » autoritairement l'islam de France est en l'air, dans les cercles gouvernementaux et médiatiques. Jean-Pierre Chevènement serait même pressenti pour cette mission. Mais mission impossible ? Très probablement.   

     

    M. Valls souhaite, après tant d’autres, avoir un interlocuteur représentant de « l’islam de France », de façon à pouvoir organiser les rapports que l’Etat doit entretenir avec ce dernier. Mais ce n’est pas si simple. Certains évoquent à ce sujet deux précédents : celui de Napoléon qui, en 1806, a pu établir, grâce à la création du Consistoire, un nouveau modus vivendi avec le judaïsme ; et celui, plus connu, de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de M. Briand, un siècle plus tard. Mais l’islam, en France, n’est pas le judaïsme, religion très minoritaire et présente depuis toujours dans diverses provinces. Il est encore moins le christianisme dont il n’a pas la légitimité historique et culturelle.  

    Une « instance de dialogue avec l’islam de France » réunit donc, sous la houlette de M. Cazeneuve, les prétendus représentants des cinq millions (?) de membres de la « deuxième communauté confessionnelle » du pays. On y parle de tout ce qui peut caresser ladite communauté dans le sens du poil - comme la construction projetée de trois cents (!) mosquées. Et pour se garder de toute « stigmatisation », on ne parle pas, surtout pas, de ce qui pourrait la fâcher (radicalisation, provocations, attentats…). Interrogé à ce sujet, le ministère répond benoîtement : « Nous avons estimé que ce serait un mauvais message adressé aux Français et à la communauté musulmane ».   

    A celle-ci, peut-être ; à ceux-là, certainement pas. En effet, que MM. Valls et tous les politiciens et idéologues de ce pays le veuillent ou pas, l’islam est ressenti par une majorité de « Gaulois » comme un corps étranger, inquiétant et dangereux - son émergence massive sur le territoire métropolitain étant trop récente, trop brutale, trop liée à des problèmes de désordre, d’insécurité, de terrorisme.   

    Mais la faute de M. Valls est d’abord de partir d’un a priori idéologique : la France laïque doit porter le « message » en Europe et dans le monde d'un islam « compatible avec la démocratie et la République ». Quelle naïveté ! il est douteux que l’islam se renie au point d’accepter que la religion, en l’occurrence musulmane, ne soit considérée que comme une simple affaire individuelle de conscience.   

    M. Godard, haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur jusqu’en 2014, montre, dans La question musulmane en France, que l'islam est devenu « un régulateur social sur notre territoire ». M. de Montbrial dénonce, preuves à l’appui, dans Le sursaut ou le chaos « l’état de communautarisation avancé de notre société » qui fragilise la cohésion nationale, la radicalisation de milliers de jeunes Français partis ou en partance pour le jihad et, surtout, le « risque réel » de guerre civile dont nous menacent ces ennemis de leur propre pays.  

    Ce sont moins les individus qui sont en cause que la revendication de l’appartenance à une communauté dont les « valeurs » et les finalités ne sont pas tout à fait compatibles avec celles de la France.  

  • Theresa May et Brexit : la fin du dogme libéral ...

     

    Par Alexis Feertchak

    Les réflexions de Pierre-Henri d'Argenson dans cet entretien pour FIGAROVOX [9.08] pourront être utilement rapprochées des analyses de François Lenglet que nous avons publiées hier. Elles vont dans le même sens. Ici, Pierre-Henri d'Argenson commente la décision de Theresa May de créer un comité gouvernemental chargé de la stratégie industrielle du Royaume-Uni. Il y voit une rupture politique considérable qui met fin aux dogmes libéraux de toute-puissance du marché. Mais qui condamnera aussi, à terme, les rigidités de l'Union européenne. Et plus encore, le dogme mondialiste de répartition planétaire du travail : production manufacturière au Sud, économie dite de la connaissance pour les pays dits occidentaux. Ainsi, le vent est peut-être en train de tourner sur le monde : le monde des idées; mais aussi celui des politiques, des économistes et l'univers entrepreunarial. On nous excusera d'y insister mais ce qui est souligné dans ces entretiens, ce sont des évolutions ou révolutions d'une grande importance - pour nous quasi stratégique - que notre Ecole de pensée active ne peut ni ne doit ignorer. Elles comportent leur dose d'incertitudes mais surtout d'espoir. Ce n'est pas si courant.   Lafautearousseau

     

    Après avoir tenu un discours aux couleurs sociales lors de sa nomination à Downing Street, Theresa May a annoncé le 2 août dernier que son gouvernement allait lancer un grand plan de relance et de stratégie industrielles. Que pensez-vous de cette déclaration ?

    Theresa May n'a pas précisément annoncé de plan de relance, mais la création d'un comité gouvernemental chargé de mettre en œuvre une stratégie industrielle au service de l'emploi et de la réduction des inégalités (« an economy that works for everyone, with a strong industrial strategy at its heart »). Il ne s'agit donc ni de la traditionnelle relance budgétaire keynésienne ni d'un grand emprunt de soutien aux filières stratégiques, mais de la construction très colbertiste d'une politique économique, pilotée au plus haut niveau de l'Etat britannique, destinée non seulement à rebâtir les fondamentaux de son économie mais aussi à garantir que la richesse créée ne sera pas accaparée par les « privileged few », dixit Mme May.

    Cette annonce révèle donc en réalité trois ruptures profondes : la rupture avec le mythe de « l'économie de la connaissance », qui était au cœur de la « stratégie de Lisbonne » des années 2000, et qui pensait illusoirement fonder la croissance de l'Europe sur les seuls biens et services « à haute valeur ajoutée » et transférer sans dommages son industrie aux pays émergents. La rupture avec le dogme libéral attribuant au marché la capacité d'obtenir forcément de meilleurs résultats économiques que la planification étatique. Enfin la rupture avec le darwinisme social anglo-saxon, qui considérait comme légitime que le laisser-faire économique permette aux riches de devenir encore plus riches tandis que les laissés-pour-compte des friches industrielles s'installaient dans le chômage et la pauvreté.

    Le Brexit est-il synonyme pour les Britanniques d'un retour en force du volontarisme étatique, en rupture avec l'idée d'un monde politique en retrait en matière économique ?

    Concrètement, Theresa May vient de ressusciter le Commissariat général au Plan, ce qui ne manque pas de sel, s'agissant d'un gouvernement conservateur britannique supposément « libéral »… Nous n'y avons pas prêté attention, mais cela fait déjà quelques années que les excès du libre-marché mondialisé sont dénoncés par des intellectuels et des économistes au Royaume-Uni, ainsi qu'aux Etats-Unis, comme en témoignent les succès de Donald Trump et de Bernie Sanders. En 2014, le journaliste James Meek a publié un livre passé inaperçu en France, intitulé Private Island: why Britain now belongs to someone else où il dévoile comment les grands services publics britanniques (poste, réseaux ferrés, eau, logement social, électricité, santé) ont été privatisés au profit d'entités étrangères, avec des résultats globalement désastreux, faisant par-là le procès de vingt années de thatchérisme et de néolibéralisme. Le Brexit n'est donc pas seulement le fruit d'une manipulation populiste tombée sur son jour de chance, mais procède d'un mouvement profond de remise en cause des dogmes économiques sur lesquels les gouvernements libéraux, de droite comme de gauche, avaient assis leurs certitudes. Sans conteste, nous assistons là à une révolution économique et politique.

    Les patrons britanniques qui avaient été majoritairement hostiles au Brexit soutiennent ce plan de relance industrielle. C'est notamment le cas de l'Association britannique des fabricants (EEF), la principale fédération patronale de l'industrie britannique. On est loin de l'apocalypse annoncée avant le référendum. Que cela vous inspire-t-il ?

    Les patrons britanniques ont évidemment de bonnes raisons de se réjouir, pas seulement pour l'argent public qui sera à un moment ou un autre injecté dans leurs usines, mais surtout parce que cet argent pourra prendre la forme d'aides d'Etat jusque-là interdites par les traités européens. L'objectif affiché par Theresa May est parfaitement clair : redonner à l'économie britannique des avantages compétitifs décisifs dans la mondialisation, y compris, et même surtout, vis-à-vis de ses voisins du continent. En fait, le Brexit ne pose pas tant problème aux Britanniques qu'à l'Union européenne, qui craint dès à présent le jour où le Royaume-Uni, après avoir négocié un accord de libre accès au marché européen, fera en même temps jouer des mécanismes d'attractivité fiscale ou sociale qui ne manqueront pas d'exacerber d'autres velléités de sortie de l'UE.

    Le Brexit a immédiatement et symboliquement ébranlé les institutions européennes. Ne peut-il pas y avoir une seconde onde de choc si cette stratégie industrielle volontariste se transforme en succès économique et politique pour le Royaume-Uni ?

    Le Royaume-Uni va être observé à la loupe dans les années qui viennent, car ce sera un laboratoire de la renationalisation économique, de la réindustrialisation et des relations commerciales bilatérales. Si le succès est au rendez-vous, le Brexit sonnera le glas du postulat selon lequel la construction européenne ne peut s'accomplir que par l'homogénéisation totale des économies européennes sous la coupe de l'administration bruxelloise (les Etats américains ont, dans de nombreux domaines, des législations distinctes, cela n'empêche pas les Etats-Unis d'être la première puissance économique mondiale). Sur le plan extérieur, le Royaume-Uni va s'engager dans un cycle de négociations commerciales bilatérales où il tentera de préserver au mieux ses intérêts, secteur par secteur. C'est typiquement ce que nous ne pouvons plus faire, dès lors que la Commission impose à tous les Etats-membres des règles de concurrence et des accords de libre-échange qui ne sont pas forcément adaptés à chaque économie. D'une façon ou d'une autre, si la stratégie économique britannique finit par porter ses fruits, le cadre ultra-rigide de l'Union européenne apparaîtra comme intenable à de nombreux pays, à commencer par la France, en particulier si les Britanniques arrivent en sus à rééquilibrer le partage des richesses entre le monde ouvrier et les métiers surrémunérés du digital et de la finance.

    Au-delà de la question européenne, n'est-ce pas aussi la fin d'un monde, celui de l'ère ultra-libérale symbolisée par Margaret Thatcher et d'une mondialisation où les pays du Sud sont l'usine du pays et ceux du Nord les gardiens des savoirs et des technologies ?

    Oui, nous n'avons que trop tardé à prendre conscience de l'impossibilité de fonder une croissance économique durable sur cette répartition entre la haute technologie au Nord et les usines au Sud. Il y a deux raisons à cela : la première, c'est qu'elle suppose d'accepter, et donc de financer le chômage de masse de tous les gens qui ne trouvent pas leur place dans cette « économie de la connaissance », tout simplement parce que cette dernière nécessite peu de main d'œuvre (et encore moins à l'avenir, avec la robotisation-numérisation annoncée de nombreux métiers). La seconde, c'est que l'avantage technologique durable ne se conquiert qu'à la faveur d'investissements massifs dans la recherche fondamentale, non rentable pour le secteur privé (ce que font les Etats-Unis, entre autres, avec la DARPA). Pour financer ces investissements, vous avez besoin d'un secteur économique traditionnel qui fonctionne bien. Autrement dit, un pays dépourvu de base industrielle ne peut pas maintenir un avantage technologique de haut niveau, même dans les secteurs totalement numérisés. La force des pays émergents est précisément de pouvoir aujourd'hui concurrencer l'Occident sur presque toute sa gamme de produits à haute valeur ajoutée, après avoir aspiré son industrie manufacturière. Nous disposons certes encore d'avantages comparatifs, à commencer par un système éducatif de qualité, associé à une culture entrepreneuriale et créative, mais nous continuons en revanche d'être pénalisés par des schémas idéologiques périmés.   

    Pierre-Henri d'Argenson est haut-fonctionnaire, ancien maître de conférences en questions internationales à Sciences Po.  

    Alexis Feertchak           

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    François Lenglet : Avec Trump et le Brexit, c'est la mondialisation du protectionnisme !

     

  • Coupable faiblesse

     

    Par Louis-Joseph Delanglade

    Publié le 11.04.2016 - Réactualisé le 10.08.2016

    Alors qu'Erdogan menace les Européens de rompre les accords passés sur le traitement des migrants par la Turquie et que la pression migratoire redevient intense en Grèce, en Italie, et, tout particulièrement, à la frontière franco-italienne ... 

    Le 4 avril, début de mise en oeuvre de l’accord passé entre l’Union Européenne et la Turquie : retour en Asie pour deux cents migrants illégaux tandis que quarante-trois Syriens débarquent « légalement » à Hanovre. Indignation des pancartes droit-de-l’hommistes (« no border, no nation, stop deportation »), indignation qui a le mérite de souligner les enjeux, en faisant de l’Europe un territoire commun où chacun serait, de plein droit, chez soi. 

    Trois jours après, M. Erdogan menace de ne plus appliquer l’accord si l’Union ne tient pas les engagements pris en mars : reprise des négociations d’adhésion, six milliards d’euros d’ici 2018 et, surtout suppression dès juin 2016 (dans deux mois !) du visa imposé aux ressortissants turcs pour entrer en Europe. Voilà le prix à payer pour obtenir tout simplement que le gouvernement d’Ankara se conforme à ses obligations internationales en contrôlant son propre territoire.  

    Contrat léonin, donc, et peu glorieux si l’on mesure bien qu’il s’agit d’une sorte d’agenouillement devant des exigences turques fondées sur la seule faiblesse de l’Union. Celle-ci, incapable de prendre la moindre décision politique - et pour cause - préfère sous-traiter au prix fort sa sécurité à une puissance étrangère. Il eût été plus cohérent et plus efficace de signifier, armada navale à l’appui, qu’aucune embarcation chargée de migrants en provenance de Turquie ne serait admise dans les eaux territoriales d’un pays européen, quitte à employer la force et/ou à créer un incident diplomatique  

    Maintenant, même contesté par certains en Europe et d’une certaine façon pris en otage par la Turquie, l’accord existe. Au moins pourrait-il s’agir d’une sorte de pis-aller, un mauvais accord qui garantit au moins quelque chose valant mieux qu’un statu quo synonyme d’invasion incontrôlée; ou d’un répit honteux qui permettrait de mettre en place des solutions pérennes empêchant effectivement toute forme d’invasion migratoire via la Turquie. Rien ne permet de le penser, l’instigatrice de tout cela étant Mme Merkel : c’est bien elle qui a négocié en secret avec M. Davutoglu, Premier ministre turc, les bases de l’accord final. Essentiellement motivée par les soucis démographiques de l’Allemagne et habitée par sa foi protestante, son objectif est bien de faire venir des centaines de milliers de « réfugiés » proche-orientaux. 

    De toute façon, fermer la porte turque ne suffirait pas à juguler le flux migratoire. Payer et se soumettre aux conditions d’Ankara reste une manoeuvre purement dilatoire : les Pakistanais, Erythréens ou… Maghrébins auront vite fait, telles des fourmis, de contourner l’obstacle. La Libye leur tend les bras, d’autres pays plus à l’Ouest finiront par suivre. Ce que ne veulent pas comprendre militants « humanitaires » et gouvernements « humanistes » - ou qu’ils comprennent trop bien -, c’est que la vague nomade générée par le tiers-monde afro-asiatique continuera de déferler jusqu’à nous submerger. 

    Que la solution passe, en partie, par des mesures concernant directement les pays misérables d’où provient le flux migratoire, c’est le bon sens. Encore faudrait-il que nous survivions, ce qui passe par la défense des frontières, les armes à la main puisqu’il le faut. Mais, à moins d’un cataclysme qui dessillerait les yeux de tous, la chose paraît peu probable dans l'immédiat : des imbéciles, soutenus par des « élites » pourries, pourront continuer à brandir leurs pancartes culpabilisant une Europe à laquelle il faut donner mauvaise conscience. Ne plus croire assez en nous-mêmes pour avoir envie de nous défendre : voilà notre culpabilité. 

     

  • Général Pinatel : contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN

     

    Par Alexis Feertchak

    Après le coup d'Etat manqué en Turquie, Erdogan se rapproche de Poutine tandis que Moscou et Washington semblent avoir trouvé un équilibre en Syrie. Le général Pinatel considère [Entretien sur Figarovox le 29.07] que les Etats européens devraient tenir compte de cette nouvelle donne et, contre l'islamisme, s'allier à la Russie et faire disparaître l'OTAN. Une politique qui devrait être, selon nous, celle de la France. Quant à être aussi celle des Européens, voire de l'Europe [?], comme s'il s'agissait d'un bloc unitaire, cela nous paraît être une autre histoire, beaucoup plus improbable et fort aléatoire.  LFAR 

     

    maxresdefault.jpgRecep Erdogan devrait rencontrer Vladimir Poutine en août dans la capitale russe. La Turquie est historiquement la base avancée du Sud de l'Alliance atlantique. Dans quelle mesure la nouvelle alliance entre Moscou et Ankara pourrait perturber l'OTAN ?

    L'OTAN est une organisation issue de la Guerre froide entre l'URSS et l'Occident démocratique. Son maintien et son extension aux anciens pays de la CEI procède de la volonté des Etats-Unis de conserver ouvert le fossé entre l'Europe et la Russie. En effet si l'Europe et la Russie étaient alliées, elles leur contesteraient la primauté mondiale qu'ils ont acquise en 1990 à l'effondrement de l'URSS et qu'ils veulent conserver à tout prix. Mais la menace islamique a changé la donne. Cette menace, présente en Russie depuis les années 1990, s'est étendue à l'Europe en juin 2014 avec la proclamation du Califat par l'irakien Al Bagghadi puis récemment en Turquie quand Erdogan a dû fermer sa frontière à Daech après les attentats commis en France et les pressions que les américains ont du faire sur Ankara pour ne pas perdre le soutien de l'opinion européenne.

    Dans ce contexte d'actes terroristes meurtriers, la déstabilisation du régime syrien et son remplacement par un régime plus favorable aux intérêts américains, européens, saoudiens et qataris passe au second plan face à l'urgence de maîtriser ce nouveau Califat qui menace la stabilité du Moyen-Orient et favorise la montée en puissance des partis nationalistes anti-atlantistes en Europe. Par ailleurs, l'intervention massive et victorieuse de la Russie en septembre 2015 pour soutenir son allié syrien contraste avec les hésitations ou le double jeu des Etats-Unis qui essaient de ménager tout le monde. Ils se condamnent ainsi à une faible efficacité opérationnelle qui, finalement, inquiète leurs alliés traditionnels et les poussent à ménager la Russie. Enfin les liens et les enjeux économiques entre la Russie et la Turquie sont très importants malgré une opposition géopolitique historique .

    Plus que le rapprochement entre Moscou et Ankara, ce qui fragilise cette organisation, ce sont ces récents événements. Ils font la démonstration éclatante aux yeux des Français et des Européens que l'OTAN ne sert à rien face à la menace islamique. En revanche, la guerre efficace que même la Russie contre l'Etat islamique fait penser à de plus en plus de Français et d'hommes politiques que la Russie est notre meilleur allié. Et cette évidence, acquise dans la douleur de nos 234 morts et de nos 671 blessés depuis 2012, devrait non seulement perturber l'Otan mais conduire à sa disparition ou à son européanisation complète car son maintien en l'état ne sert que des intérêts qui ne sont pas ceux de la France.

    Que se passe-t-il aujourd'hui en Syrie ? Russes et Américains semblent se rapprocher ou à tout le moins se coordonner davantage, notamment sur la question du Front Al-Nosra, très présent près d'Alep. Un nouvel équilibre dans la région est-il en train de se constituer ?

    Dès leur intervention en septembre 2015 sur le théâtre syrien, les Russes ont proposé aux Américains de coordonner leurs frappes contre Daech et Al Nostra. Mais les Américains ont refusé car au niveau politique, Obama voulait maintenir la fiction qu'il existait encore un potentiel de forces modérées sur le territoire syrien qui n'avaient pas été absorbées ou qui ne s'étaient pas alliées à Al-Nostra et qui ainsi pourraient prétendre, un jour, à être partie prenante à la table de négociation. C'est clairement une fiction contestée non seulement par la Russie, mais par d'autres voix y compris aux Etats-Unis. Ces experts affirment que les unités qui existent encore en Syrie servent d'interface avec Al Nostra à qui elles revendent les armes qu'elles reçoivent via la CIA. C'est le bombardement d'une de ces bases en Syrie par la Russie, qui a eu l'habileté de prévenir les américains à l'avance pour qu'ils puissent retirer en urgence les agents de la CIA présents, qui a permis ce rapprochement opérationnel. Il est clair qu'un nouvel équilibre est en voie de se constituer au Moyen-Orient. La Russie qui y a été historiquement présente est de retour en force. La Chine, et c'est une nouveauté, y pointe plus que son nez et la France qui y avait une position privilégiée de médiation, l'a perdue par suivisme des Etats-Unis.

    Quelle pourrait être la place de l'Europe dans les relations avec ces deux grands pays que sont la Russie et la Turquie ? Peut-on imaginer un nouvel équilibre sécuritaire aux marches de l'Europe ?

    C'est vrai, nos portes orientales sont verrouillées par la Russie et la Turquie.

    Avec la Russie nos intérêts économiques et stratégiques sont totalement complémentaires. La France a une longue histoire d'amitié avec la Russie que symbolise à Paris le pont Alexandre III et plus récemment l'épopée de l'escadrille Normandie Niemen que le Général de Gaulle avait tenu à envoyer en Russie pour matérialiser notre alliance contre le nazisme. Je rappelle aussi que c'est parce que l'armée allemande était épuisée par trois ans de guerre contre la Russie et la mort de 13 millions de soldats russes et de 5 millions d'allemands que le débarquement de juin 1944 a pu avoir lieu. Ce rappel ne veut en aucun cas minimiser le rôle des Etats-Unis et le sacrifice des 185 924 soldats américains morts sur le sol européen. Mais la volonté des Etats-Unis de restaurer un climat de Guerre froide en Europe qui se développe notamment au travers de l'OTAN ne sert que leurs intérêts et ceux des dirigeants européens qui sont soit des corrompus soit des incapables.

    Avec la Turquie, c'est l'Allemagne qui a des relations historiques comparables aux nôtres avec la Russie. La Turquie et l'Allemagne étaient des alliés au cours des deux guerres mondiales car les Allemands espéraient avec leur aide couper la route du pétrole aux alliés. Les Turcs de leur côté espéraient ainsi récupérer le contrôle du Moyen-Orient et notamment celui de l'Irak et de la Syrie.

    Ce rappel historique met en évidence l'importance du couple franco-allemand pour définir une politique européenne commune face à ces deux puissances et éviter de revenir à des jeux du passé comme a semblé le faire récemment Angela Merkel avec l'affaire des réfugiés en négociant directement avec Erdogan sans se concerter avec ses partenaires européens. 

    Le général (2S) Jean-Bernard Pinatel est expert en géostratégie et en intelligence économique. Il tient le blog Géopolitique - Géostratégie. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, dont Carnets de guerres et de crises aux Éditions Lavauzelle en 2014.

    Alexis Feertchak           

  • Tant d’amour et de paix, ça laisse muet… Mon antiprofession de foi

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    Le talent de Brighelli, sa plume, son esprit, son sens des formules et son intelligence lui font souvent rédiger de petits chefs d'œuvres. Nous ne partageons pas toutes ses idées, mais nous aimons ses chroniques. En voici une avec laquelle nous sommes d'accord; sur un sujet grave, traité avec humour. LFAR 

     

    2918084506.jpgJe ne parlerai pas des martyrs de Charlie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne disserterai pas sur les massacres du Bataclan et d’ailleurs. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je n’évoquerai pas les tueries de Boko Haram, de l’AQMI, d’Al-Qaïda, d’Al-Nosra et d’une foule d’autres groupes d’assassins organisés, en Syrie et ailleurs, au nom du Prophète, sur lui la paix et la lumière. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien des près de 300 morts tués dans un attentat à Bagdad le 3 juillet, ni des 15 autres tués dans la même ville le 25, ni… Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Et j’ai eu tort de parler ici-même des infidèles tués au musée du Bardo l’année dernière. Car j’ai pris le risque de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne rappellerai pas, pas même pour mémoire, les centaines de viols perpétrés à Cologne, entre autres, au dernier jour de l’An — bonne année ! Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne gloserai pas sur les attentats commis en Arabie saoudite, au Yemen, en Syrie, en Irak, en Turquie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Ni même ne comptabiliserai-je les 80 morts de Kaboul de samedi dernier — les derniers dans une très longue liste. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

     

    Ne comptez pas sur moi pour condamner les attentats à la hache, à la machette, et autres procédés ingénieux perpétrés en Allemagne ces derniers jours. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    De même ne commenterai-je pas l’utilisation d’acide au Pakistan pour défigurer les jeunes filles « impudiques » — la dernière a été étranglée par son frère. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    Je ne dirai rien, oh non, sur le prêtre octogénaire égorgé ce mardi 26 juillet dans une église normande pendant la messe par deux courageux « soldats » de Daech — tout comme d’autres valeureux combattants de Daech avaient fixé au sommet d’une colonne romaine le corps décapité du conservateur octogénaire de Palmyre — ce sont des hommes qui aiment les vieillards, et ils ont prouvé à Nice qu’ils aiment aussi les enfants. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

    (Parenthèse. Si un vieil imam avait été tué dans une mosquée par deux connards — ce qui serait difficile vu que les mosquées sont le plus souvent protégées, comme les synagogues, le président de la République et le Premier ministre, si prompts à condamner et à combattre le terrorisme, appelleraient déjà à une manifestation monstre contre la montée des périls d’extrême droite, et envisageraient peut-être de dissoudre tel ou tel groupuscule. Et sans doute auraient-ils raison. Mais ils n’envisagent pas, semble-t-il, de dissoudre l’islam, ni de prendre de vraies mesures contre les milliers de terroristes islamistes potentiels français — ou qui se sont invités en France. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. Fin de parenthèse)

    Et je ne citerai pas les sourates qui appellent au meurtre des infidèles, par le fer et par le feu. Car l’islam est une religion de paix et d’amour, et seules de méchantes langues propagent ce genre d’information.

    Et si jamais demain je me fais égorger par un illuminé, mes amis, ne mettez pas en cause l’islam. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. 

    Jean-Paul Brighelli
    anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur.

  • Attentats multiples en Allemagne : plus que l’islamisation, c’est l’immigration qui tue

     

    par Aristide Leucate
     
     
    3266751844.jpgDepuis la semaine dernière, l’Allemagne est en proie à des attentats d’une particulière violence. Les attaques meurtrières se multiplient… et se ressemblent, quoi qu’on dise.

    Ainsi, le 18 juillet, un demandeur d’asile afghan de 17 ans blesse cinq personnes à bord d’un train régional allemand, à Wurtzbourg, en les attaquant à la hache et au couteau, avant d’être abattu par la police.

    Le 22, un « Germano-Iranien » de 18 ans abat neuf personnes dans un centre commercial de Munich et se supprime ensuite.

    La journée du 24 fut doublement ensanglantée, d’abord à Reutlingen, où un réfugié syrien tue une femme et blesse deux autres personnes avec une machette, puis à Ansbach, où un autre réfugié syrien se fait exploser aux abords d’un festival de musique et occasionne un mort et douze blessés.

    La série noire avait pourtant débuté dès février 2015, lorsqu’une adolescente de 15 ans s’en était prise à un policier à la gare de Hanovre, en l’attaquant au couteau. Quelques mois plus tard, en juin, un projet d’attentat impliquant des Syriens et visant le centre de Düsseldorf était déjoué de peu. En septembre, ce fut au tour d’un Irakien de 41 ans, bénéficiant d’une liberté conditionnelle après avoir été condamné à une peine de prison ferme pour appartenance à une organisation terroriste, de blesser une policière à l’arme blanche à Berlin.

    La prudence de Sioux dont font montre les médias « mainstream » est, à cet égard, exemplaire, parce que singulièrement grotesque. France Info avait même annoncé un « attentat présumé » s’agissant de l’attaque d’Ansbach. Et l’ensemble des médias, dans une semblable démarche mimétique pavlovienne, de parler de « violences », à la rigueur d’« attaques terroristes », mais sans jamais désigner quiconque.

    Et, systématiquement, les mêmes éléments de langage aseptisés qui décrivent le tueur comme un « forcené », un « déséquilibré », un « voisin sans histoire », voire un musulman « non pratiquant » (ineptie, quand on sait que l’islam, à la différence du catholicisme, par exemple, ne se réduit nullement à une religion et à des rites mais est foncièrement juridico-politique, l’appartenance de chaque mahométan à l’Oumma lui conférant aussi bien une « citoyenneté » qu’une « nationalité »).

    Le summum de la malhonnêteté est, cependant, atteint quand ces « mutins » de Panurge font état d’un séjour de l’assassin en « hôpital psychiatrique », confondant, à dessein, l’isolement de l’aliéné associé à une éventuelle camisole chimique avec le simple repos d’un dépressif ayant désespérément attenté à ses jours.

    Mais surtout s’agit-il, dans tous les cas, de Charlie Hebdo au Bataclan, de Nice à Munich, d’éviter « les amalgames » avec les musulmans d’ici ou les immigrants de l’autre côté du Rhin.

    Pourtant – sauf à vouloir délibérément prendre les gens pour des imbéciles (bien qu’ils soient, effectivement, légion) -, si tous les attentats précités ne furent pas revendiqués par Daech, l’ombre blafarde de ce dernier plane néanmoins, attendu que ceux qui s’en réclament, fût-ce par pure opportunité pour justifier a posteriori leurs forfaits, sont, curieusement, loin, très loin d’être des Bavarois ou des Niçois de souche. Rappelons qu’en 2015, plus d’un million d’allogènes extra-européens candidats à l’asile foulèrent le sol germanique…

    À cette aune, force est bien d’admettre que, davantage que l’islamisation de nos pays, c’est leur submersion migratoire continue, encouragée et planifiée depuis 40 ans, qui apparaît comme le fléau majeur devant lequel nos élites mondialisées sectaires se voilent criminellement la face par pure idéologie. 

    Docteur en droit, journaliste et essayiste
  • Dédié aux gens qui croient que les choses vont toujours dans le même sens ...

     

    ... Et Atlantico précise : « D'après une étude publiée par le Journal of Democracy (voir ici), 72% des Américains nés avant la Seconde Guerre Mondiale jugent essentiel de vivre dans une démocratie. Chez les millenials (nés entre les années 1980 et 2000), ce chiffre tombe à 30%. Comment expliquer cette perte d'attachement à la démocratie en quelques décennies ? S'agit-il réellement d'une défiance vis-à-vis de la démocratie elle-même, ou est-ce plutôt la conséquence d'un sentiment d'uniformisation, de standardisation de l'offre politique ? » A méditer, n'est-ce pas ?  •

  • Barroso chez Goldman Sachs : l'arrogance de l'Europe d'en haut envers l'Europe d'en bas

     

    Par Maxime Tandonnet

    L'entrée de José Manuel Barroso chez Goldman Sachs a déclenché une vaste polémique. Maxime Tandonnet montre comment cette nomination va renforcer le sentiment de défiance des peuples européens vis à vis de l'UE [Figarovox 11.07]. Mais, bien plus, il en conclut : « Aujourd'hui, rien ne permet de penser que l'Union européenne y survivra. » Point de vue partagé par Lafautearousseau.    

      

    1955827291.jpg« José Manuel Barroso va apporter une analyse et une expérience immense à Goldman Sachs ». Le recrutement de l'ancien président de la Commission européenne par la banque d'affaires américaine et son communiqué dithyrambique, illustrent le drame de la vie publique sur le vieux continent. Il symbolise la coupure et l'incommunicabilité entre deux mondes, celui des élites dirigeantes et celui des peuples. La banque d'affaires et M. Barroso donnent le sentiment d'avoir concocté leur accord sans la moindre idée de son effet dévastateur sur les opinions publiques. L'Europe officielle ne cesse de fustiger le « populisme » croissant des peuples du vieux continent. Pourtant, ce pacte ne fait que le nourrir et l'amplifier. L'embauche de l'ex-président de la Commission paraît destinée à conforter le reproche permanent qui est fait aux institutions de l'Europe : celui de leur connivence avec la finance mondiale. Elle fournit du pain béni aux formations qualifiées de populistes, de droite comme de gauche, qui triomphent en ce moment dans les sondages et pensent tenir aujourd'hui la preuve de leur accusation : « l'Union européenne, vulgaire succursale de la pieuvre financière ». L'arrivée de M. Barroso au poste de « directeur non exécutif » de Goldman Sachs donne le sentiment de tomber à point pour justifier l'accusation de complicité entre Bruxelles et l'Argent. Le symbole est dévastateur. Il donne une image d'arrogance de l'Europe d'en haut envers l'Europe d'en bas.

    Les années Barroso, de 2004 à 2014,ont été particulièrement sombres pour le projet européen. Elles ont été marquées par le rejet franc et massif par les peuples français et hollandais d'une Constitution européenne jugée bureaucratique et anti-démocratique. Ces années ont été celles d'une épouvantable crise financière et économique, qui s'est traduite par l'explosion du chômage dans toute l'Europe de 2008 à 2011, dont le secteur bancaire est tenu pour le premier responsable. Elles ont vu la Grèce plonger dans la misère, l'humiliation, la dépendance financière et une profonde fracture se creuser entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud. Puis, la crise des migrants s'est déclenchée en 2011 à la suite des « printemps arabes » et de la déstabilisation de la rive Sud de Méditerranée, ne cessant de s'amplifier jusqu'à son paroxysme de 2015, dans l'impuissance absolue d'une Union européenne engluée dans ses dogmes et son incapacité à développer une volonté politique commune pour frapper les passeurs esclavagistes.

    La banque d'affaire prête à l'ex-président de la Commission « une profonde compréhension de l'Europe ». Ces mots, au regard du bilan des années Barroso, exhalent un parfum d'ironie. D'ailleurs, l'hypocrisie suinte de ce pantouflage au sommet, que le nouveau « directeur non exécutif » justifie par l'engagement de Goldman Sachs en faveur des « plus hauts principes éthiques ».

    La nouvelle du recrutement de M. Barroso par la banque d'affaire américaine intervient à un moment dramatique pour l'Europe, ébranlée par le Brexit. Aujourd'hui, rien ne permet de penser que l'Union européenne y survivra. Les années Barroso ont précipité le basculement de l'Europe en une zone d'influence prépondérante de l'Allemagne, sur le plan économique et politique, comme l'a souligné l'emprise de la chancelière Merkel sur la gestion de la crise des migrants. Le projet européen, fondé sur une « union toujours plus étroite entre les peuples » et « l'égalité des Etats devant les traités » (article 4) a été frappé au coeur. 61% des Français, 48 % des Britanniques, Allemands, Espagnols ont désormais une image négative de l'Union (Pew research center juin 2016). L'Europe est-elle concevable à terme dans le rejet de ses peuples ? Pour reprendre la formule de Jean Monnet, le recrutement de M. Barroso par la Goldman Sachs constitue un « petit pas » supplémentaire dans la destruction de l'idéal européen.   

     Maxime Tandonnet décrypte chaque semaine l'exercice de l'État pour FigaroVox. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Histoire des présidents de la République, Perrin, 2013. Son dernier livre Au coeur du Volcan, carnet de l'Élysée est paru en août 2014. Découvrez également ses chroniques sur son blog.

    Maxime Tandonnet           

    A lire aussi sur Lafautearousseau ...

    Patrice de Plunkett : Transfert de M. Barroso chez Goldman Sachs à Londres

  • Brexit : l'art de diaboliser les dissidents

     

    Mathieu Bock-Côté

    a publié sur son blog [27.07] une réflexion profonde qui nous intéresse particulièrement, nous qui devrions être classés parmi les opposants fondamentaux au système dominant. Mathieu Bock-Côté est, selon l'expression de Michel de Jaeghere, « mieux qu'un réactionnaire, un antimoderne », lorsqu'il constate « le caractère illusoire de la démocratie dans laquelle on pense évoluer ». Et lorsqu'il ajoute : « On s’imagine qu’en démocratie, le peuple est souverain. C’est de plus en plus faux. » Ainsi, comme jadis Bainville ou Maurras, Mathieu Bock-Côté dissipe les nuées qui nous enveloppent. Il faut en être reconnaissant, selon nous, à ce jeune intellectuel brillant, mais surtout perspicace et profond. Il n'est pas le seul de sa génération. Et c'est une grande chance.  Lafautearousseau 

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgLe référendum sur le Brexit a été un formidable révélateur du caractère illusoire de la démocratie dans laquelle on pense évoluer. On s’imagine qu’en démocratie, le peuple est souverain. C’est de plus en plus faux. On constate ces jours-ci ce que veut dire évoluer dans un système idéologique qui se prend pour le seul visage possible de la réalité – un système idéologique qui s’incarne dans un régime politique avec des capacités coercitives variées et bien réelles, et qui prétend mater le peuple au nom de la démocratie. Autrement dit, derrière les institutions démocratiques, il y a une idéologie à laquelle nous devons obligatoirement adhérer. Et ceux qui n’y adhèrent pas pleinement sont sous surveillance. Ce qui m’intéresse, ici, c’est le statut réservé à l’opposition dans le système idéologique dans lequel nous vivons. Je distinguerais, essentiellement, deux figures possibles de l’opposition. 

    Les opposants modérés 

    Il y a d'un côté les opposants « modérés », « respectables », « responsables » : ce sont les opposants qui ne contestent pas les principes même du système dans lequel nous vivons mais qui demandent seulement qu'on les applique avec modération, qu'on évite les excès idéologiques. Devant l’enthousiasme progressiste, ils n’opposent pas une autre philosophie. Ils opposent généralement leur tiédeur, ou à l’occasion, un certain scepticisme sans dimension politique. Mais fondamentalement, ils évoluent dans les paramètres idéologiques et politiques prescrits par l'idéologie dominante : ils n'en représentent qu'une version plus fade. Évidemment, les êtres humains ne sont pas toujours parfaitement domestiqués par le système idéologique dans lequel ils vivent. Si de temps en temps, les opposants modérés se rebellent un peu trop contre l'idéologie dominante, on les menace clairement : ils jouent avec le feu, flirtent avec l'inacceptable et seront relégués dans les marges du système politico-idéologique, avec une vaste compagnie d'infréquentables. 

    Par ailleurs, le système idéologique dominant n’est pas statique : il a tendance à toujours vouloir radicaliser les principes dont il se réclame. Un système idéologique a tendance, inévitablement, à vouloir avaler toute la réalité pour le reconstruire selon ses préceptes. D’une génération à l’autre, le progressisme étend son empire et tolère de moins en moins que des segments de la réalité s’y dérobent. Ce qui veut dire que l’opposition « modérée » doit s’adapter si elle veut demeurer « modérée » et dans les bonnes grâces du système idéologique : ses positions aujourd’hui considérées modérées seront peut-être demain considérées comme inacceptables puisque le consensus idéologique dominant aura évolué. Ce qui encore hier était toléré peut être aujourd’hui inimaginable ou simplement interdit. Par exemple, la défense de la souveraineté nationale est devenue une aberration idéologique aujourd’hui. Celui qui s’entête sur cette position encore hier tolérable mais aujourd’hui disqualifiée moralement deviendra un extrémiste malgré lui, même si ses convictions fondamentales n’ont jamais varié.

    En gros, l’opposition « modérée » et respectable, celle qui a mauvaise conscience d’être dans l’opposition mais qui s’y retrouve pour différentes raisons, doit toujours être vigilante et sur ses gardes pour parler le langage du système idéologique. Il lui suffit d’un écart de langage pour d’un coup subir une tempête médiatique en forme de rappel à l’ordre. Elle devra aussi de temps en temps donner des gages de soumission en partageant les indignations mises en scène par le système idéologique dominant : fondamentalement, l’opposition doit toujours rappeler qu’elle voit le monde comme le système idéologique dominant veut qu’on le voit, et se contenter de faire quelques petites réserves mineures qui souvent, même, passeront inaperçues. Dans son esprit complexé, il lui suffira à l’occasion de déplacer une virgule dans une phrase pour se croire emportée par la plus admirable audace.

    Les opposants « radicaux »

    Il y a une deuxième catégorie d’opposants : appelons-les opposants « fondamentaux » : ils ne sont pas seulement en désaccord avec l’application plus ou moins heureuse des principes du système idéologique dominant. Ils les remettent en question ouvertement. En d’autres mots, ils remettent en question un aspect fondamental du système et par là, son économie générale : ils se situent à l’extérieur du principe de légitimité qui traverse les institutions sociales et politiques et le système médiatique. Le système les désigne alors non pas comme des opposants respectables avec lesquels on pourrait discuter mais comme des radicaux, des extrémistes, des fanatiques, et en dernière instance, comme des ennemis du genre humain (ou du progrès humain). Ils sont disqualifiés moralement, on les présente comme les représentants d'une humanité dégénérée, avilie par la haine. Les sentiments qu’on leur prête sont généralement mauvais : nous serons devant la part maudite de l’humanité et on les associera aussi aux pires heures de l’histoire.

    Je note qu’on les désigne souvent d’un terme dans lequel ils ne se reconnaissent pas eux-mêmes. Ainsi, les partisans de la souveraineté nationale dans le débat sur le Brexit ne seront pas désignés comme des souverainistes, ni même comme des eurosceptiques, mais comme des europhobes – cette phobie référant aussi évidemment aux autres phobies qu’on leur prêtera par association. Mais c’est qu’il faut leur coller une étiquette bien effrayante pour faire comprendre au peuple qu’on se retrouve devant des mouvements ou des courants politiques peu recommandables et franchement détestables. S'il doit à tout prix en parler, le système médiatique devra faire comprendre à tout le monde que ceux dont ils parlent ne sont pas des gens respectables. Plus souvent qu’autrement, on les diabolisera. Dans certains cas, on les censurera moralement. Ou même légalement. Tous les moyens sont bons pour éviter que les opposants fondamentaux ne sortent des marges et quittent la seule fonction tribunicienne dans laquelle ils étaient cantonnés.

    Évidemment, il arrive que les événements débordent du cadre dans lequel on voulait les contenir. Il arrive que l’imprévu surgisse dans l’histoire : tout était supposé se passer d’une certaine manière, puis le peuple inflige une mauvaise surprise aux élites. Il arrive que le peuple s’entiche d’un vilain. Si jamais les opposants fondamentaux se rapprochent du pouvoir, on mobilisera la mémoire des pires horreurs de l’histoire humaine pour alerter le peuple contre ces dangereux corsaires. Et si jamais, par le plus grand malheur, ils parviennent à gagner politiquement une bataille, même en suivant les règles prescrites par le système idéologique, par exemple un référendum visant à sortir leur pays de l’Union européenne, on cherchera à neutraliser leur victoire, à la renverser et on fera preuve d’une immense violence psychologique et médiatique à l’endroit du peuple qui se serait laissé bluffer par les démagogues.

    De ce point de vue, on l’aura compris depuis le 24 juin, les Brexiters sont considérés comme des opposants fondamentaux, contre qui tout est permis. Leur victoire a frappé le système idéologique dominant dans ses fondements. Il faut donc annuler le référendum, le désamorcer politiquement, mettre en place un récit qui transforme un choix démocratique en aberration référendaire qui ne devrait pas hypothéquer l’avenir. Dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, on peut être assurés que nos élites feront tout pour mater ce qu’il considère comme une rébellion inadmissible de la part de ceux qu’ils tenaient pour des proscrits et des malotrus. Pour nos élites, le référendum n’est qu’un accident : c’est un mauvais moment à traverser. Ne doutons pas de leur résolution à faire tout ce qu’il faut pour reprendre la situation en main. 

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d' Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.   

    Le blog de Mathieu Bock-Côté

  • Pourquoi la haute finance craint le Brexit

     

    par Ludovic Greiling 

     

    1067266642.jpgLe référendum britannique pourrait provoquer une poussée souverainiste ailleurs en Europe qui ne serait pas sans conséquences sur le marché des capitaux et les projets de dette fédérale. La crainte s’est emparée des milieux financiers.

     Une petite panique s’est répandue dans les milieux bancaires après le référendum britannique demandant la sortie de l’Union européenne. Pas un jour sans qu’une conférence téléphonique ne soit organisée, que des études économiques détaillant les « risques politiques » en Europe ne tombent.

    « Les partis populistes britanniques auront donc eu le dernier mot, l’égoïsme l’emporte sur la fraternité », commentait un gérant de fonds. « L’expérience grandeur nature va pouvoir se mettre en place après le vote des britanniques », redoutait la banque Natixis, consciente qu’une sortie d’un pays de l’Union européenne avait été frôlée à plusieurs reprises ces dernières années.

    Au Crédit Agricole, on redoutait les élections en Espagne dans la foulée du référendum britannique. A la banque Oddo, on publiait une étude de deux pages sur les probabilités d’un Frexit, avec une seule question : « Marine Le Pen peut-elle gagner ? ».

    Oui, depuis quelques années, les structures de financement de l’économie parlent de plus en plus hautement de politique…

    L’apocalypse commerciale n’aura pas lieu

    Un tel chambardement dans les milieux financiers pourrait étonner. En effet, quand on cherche à connaitre les conséquences potentielles du référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne, les explications ne sont pas toujours très claires.

    « Les relations entre le Royaume-Uni et le reste du monde vont changer. Les règles ne seront plus les mêmes pour la cinquième puissance économique mondiale », souligne Natixis, qui pense que « la source du choc viendra pour les britanniques de ce qu’ils n’auront plus accès au marché unique dans les mêmes conditions ».

    Chez Oddo, on pense également « qu’on ne quitte pas impunément son principal partenaire commercial ». Cependant, « on hésite à écrire une note sur les conséquences économiques du Brexit sans d’abord se garder de tous les côtés : toute estimation est incertaine, révisable, conditionnée aux scénarios politiques ».

    Certes, les entreprises britanniques vont sans doute perdre des marchés à l’export dans l’UE et Londres devrait voir son influence réduite à Bruxelles. Mais la baisse de la livre (consécutive aux rapatriements effectués par des fonds étrangers) devrait renchérir les importations et favoriser ainsi l’industrie locale. Et le Royaume-Uni, qui ne versera plus sa quote-part au budget de l’Union, ne devrait plus être soumis aux très contraignants règlements européens en matière de commandes publiques de produits locaux ou de pilotage de la politique industrielle.

    La peur des milieux bancaires suite au référendum est à chercher ailleurs.

    Souveraineté monétaire ? Contrôle des capitaux ?

    « Il y a des revendications dans d’autres pays de l’Union Européenne pour la tenue des référendums similaires et plusieurs anticipent des événements potentiellement ‘déclencheurs’ (les élections espagnoles, le référendum sur la Constitution italienne en octobre, par exemple) », explique ainsi Paul Jackson, directeur de la recherche du gestionnaire ‘Source’ dans une note intitulée « Ah David [Cameron], qu’est-ce que vous avez fait ?’.

    « Il faudra trouver et définir une dynamique commune pour éviter que le référendum britannique ne soit pris comme un précédent. Car très rapidement, on doit s’attendre à de multiples demandes de référendum partout en Europe », estime l’économiste Philippe Waechter chez Natixis.

    Le projet d’un Etat central sur le continent et d’une extension de la pyramide de dettes au niveau de l’entité bruxelloise est en danger, victime indirecte de la démocratie britannique. Les demandes formulées de manière répétée par les présidents de la Commission européenne ou de la République française pour la création d’une dette fédérale pourraient ne jamais être exaucées.

    Au contraire, une rétractation globale en Europe ouvrirait la voie à de possibles contrôles des capitaux spéculatifs, à l’image de ce qu’a fait l’Islande pour sortir de sa faillite à partir de 2010.

    Trop, pour certaines élites financières ? « D’une façon ou d’une autre, ce résultat doit être annulé. Un second référendum paraît inévitable », a tweeté l’ancien commissaire européen Peter Sutherland, actuel président non exécutif de Goldman Sachs, la banque d’affaires américaine proche de la Maison Blanche, et ancien directeur général de l’OMC et de la Royal Bank of Scotland. 

  • La cohérence « européenne » saute aux yeux : elle est affairiste, carriériste et américaine

     

     

    3436523574.2.jpgLe scandale Barroso - ex-président de la Commission  Européenne qui vient d'être engagé par Goldman Sachs, sans-doute parce qu'on le lui avait promis en échange de ses services - dit toute la vérité des institutions de Bruxelles. Cette vérité est résumée en titre.

    Sur ce scandale fait d'arrogance, de désinvolture, d'inconscience et de mépris, à un degré difficilement croyable, Patrice de Plunkett a fait paraître sur son blog une note où l'essentiel est dit, en termes exacts. Nous la reprenons plus loin.

    Sur la vraie nature des Institutions européennes en exercice et leur devenir à la suite du Brexit, mais aussi dans un contexte où les peuples les rejettent massivement, nous reprenons les deux analyses que nous avons publiées dans la foulée de l'événement considérable qu'a été le vote britannique. Nous y avons exprimé, assez clairement nous semble-t-il, notre position en matière européenne.

    Rappelons que nous ne sommes nullement opposés à tout effort de construction d'un grand ensemble européen, auquel, d'ailleurs, selon nous, la Russie ne devrait pas manquer d'être associée. Les notes qui suivent disent nos raisons de combattre l'entreprise européenne sous sa détestable forme actuelle.   

    Nous sommes même d'avis que les royalistes - comme d'ailleurs d'autres patriotes français - devraient travailler à mettre en forme un ensemble de propositions positives et concrètes pour une Europe nouvelle, dont nous avons souvent esquissé ici au moins les principes. La mise en forme reste à faire.  Lafautearousseau 

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Cameron, Farage, Johnson, des lâches ? Quand la critique française tourne à la schizophrénie

    Phillip Blond : « Jamais la mondialisation n'avait connu un tel rejet dans les urnes »

    Roger Scruton : « Le Brexit est un choix éminemment culturel »

    Encore un coup des xénophobes !

    Brexit : la seule panique est dans les médias

    Yes we can ! Peuple 1- Élites 0

  • Patrice de Plunkett : Transfert de M. Barroso chez Goldman Sachs à Londres

     

    par Patrice de Plunkett 

    L'oligarchie financière défie ouvertement les peuples européens

     

    hqdefault.jpgLa nouvelle est d'une telle insolence qu'on a du mal à y croire. Président de la Commission européenne de 2004 à 2014 - deux mandats successifs -, José Manuel Barroso vient d'être nommé président-conseiller de Goldman Sachs International, branche  de la sulfureuse mégabanque américaine (installée à... Londres) !

    On sait que Goldman Sachs a joué un rôle infernal dans la crise de 2007-2008, puis dans la catastrophe de la Grèce ; et que M. Barroso a voué ses dix années de présidence bruxelloise à faire de l'UE ce que dénoncent aujourd'hui (un peu tard), nombre de commentateurs [1] : "le valet de la finance internationale".

    Sa mission maintenant ? Aider Londres à noyer le Brexit dans de la technocratie financière [2]... "José Manuel va apporter une analyse et une expérience immense à Goldman Sachs et notamment une profonde compréhension de l'Europe", déclare la mégabanque.

    L'expérience "immense" de "José Manuel" est pourtant l'une des raisons qui ont fait naître l'euroscepticisme - voire l'europhobie - parmi les populations du continent. Sa carrière est si symptomatique qu'on dirait une allégorie anticapitaliste au second degré : atlantiste inféodé à G.W. Bush et collaborateur de l'invasion US de l'Irak [3], donc installé à Bruxelles en juin 2004 sous l'impulsion de Tony Blair, M. Barroso devenu président de la Commission s'est opposé à toute régulation du système financier... Reconduit à la tête de la Commission en 2009 par les gouvernements européens (malgré la crise provoquée par la dérégulation financière), il engage l'UE dans le piège du traité transatlantique de libre-échange, qui se met en place inexorablement malgré la révolte croissante de l'opinion et quelques rodomontades de gouvernants...  Il faut ajouter à cela, par exemple, le fait que M. Barroso ait voulu imposer - au mépris des opinions nationales - la directive Bolkestein libéralisant les services. Ou sa pression obstinée en faveur de l'industrie biotechnologique. Ou l'aggravation constante des conflits d'intérêts dans les sphères "scientifiques" et dirigeantes de l'UE - censées rendre des arbitrages dans des domaines engageant la santé publique...

    3201445639.jpgL'indécence du transfert de M. Barroso chez Goldman Sachs "éclabousse toute l'Union", affirment nos médias. Mais ils admettent que ce transfert "n'a violé aucune règle" et que "c'est là le problème" [4].

    Ils devraient aller plus loin, et admettre que cette absence de règle révèle la véritable nature de l'UE. Loin d'un fédéralisme qui reste l'idéologie de moins d'1% des Européens, et encore plus loin de toute idée de politique économique, l'Union n'est qu'une technocratie au service de la dérégulation financière.

    Inutile d'objecter "l'idéal" ou "le rêve",  jamais concrétisés sinon dans des réalisations mineures (l'éternel argument Erasmus) ; réalisations qui eussent pu naître d'accords d'Etat à Etat... La véritable nature de l'UE est celle d'une utopie (le libre-échangisme absolu), imposée par la voie technocratique dans l'intérêt d'une oligarchie.

    Les faits sont là. Tant que nos commentateurs et nos dirigeants ne les reconnaîtront pas, ils verront s'amplifier ce qu'ils nomment "populisme" par un abus de langage qui ne trompe plus personne. Un "populisme" que l'indécence de M. Barroso va encore renforcer.  

    ________

    [1]  cf. p. ex. notre note d'hier.

    [2]  Notre note du 30/06.

    [3]  Premier ministre portugais, il avait mis ses aéroports à la disposition des vols secrets de la CIA transportant des "suspects" arrêtés au mépris du droit des gens.

    [4]  Jean Quatremer, liberation.fr, 9/07.

    Patrice de Plunkett, le blog

  • Brexit : Il se pourrait que l'Europe de Bruxelles soit déjà morte sans le savoir ...

     

    Par Lafautearousseau

    [Publié le 27.06, actualisé ce jour]

    logo lfar.jpgAinsi, les bourses avaient voté. Et l’ensemble des médias, la presque totalité des semble élites, et - jusqu’au ridicule - les peurs, les conformismes, les habitudes, les libéraux et les modernes, les idolâtres des marchés, bref les avertis, contre les peuples ignorants. Et, bien-sûr, les fonctionnaires de Bruxelles et leurs relais dispersés à travers l’Europe, bien décidés à défendre âprement leurs rentes, leurs situations, leurs privilèges et leurs retraites. Cela faisait beaucoup de monde, et de grandes forces, dressées contre cette sorte de liberté d’un jour que s’était donné le vieux Royaume britannique – que l’on fût Remain ou Brexit -  de choisir entre son identité et son histoire et sa fusion dans le magma mondialiste dont l’UE n’est qu’une étape, vers la gouvernance mondiale, façon Attali. Telle était aussi, d’ailleurs, la volonté affirmée – un quasi diktat - de Barak Obama, aussi président des Etats-Unis d’Amérique – et demain du Monde – que l’avaient été ses prédécesseurs blancs. Car, derrière le rideau de fumée de l’unité du monde – c'est-à-dire des marchés - se tient, de fait, cet élément moteur, cette ambition de fond, qu’est le nationalisme américain.    

    Avec 1,89% de plus que la barre des 50%, selon la règle démocratique de pure arithmétique, le peuple britannique a choisi non pas de ne plus être une nation européenne – rien ne fera qu’elle ne le soit, éminemment – mais de s’extraire d’une machinerie inefficace et tyrannique, en train d’échouer partout. Résultat que la doxa uniforme s’obstinait tellement à croire inenvisageable que les médias ont annoncé la victoire du Remain contre le Brexit à 52 / 48%, jusqu’à tard dans la nuit du vote. De sorte que le téléspectateur – fût-il tardif – s’est endormi dûment informé de la défaite du Brexit et s’est réveillé au son de sa victoire. Les bourses, les sondeurs, les bookmakers et l’ensemble des conformismes s’étaient trompés. Ni les peurs agitées éhontément, ni même le meurtre inopiné et finalement inutile de Jo Cox, n’auront suffi.

    XVMf0ab72b2-3a30-11e6-9245-4c55b4cb147c.jpgFaut-il croire à une opposition aussi radicale qu’on nous l’a seriné dans notre microcosme franco-français, entre les partisans du maintien et ceux du départ ? La violence de leurs débats ne nous empêche pas d’en douter. A vrai dire, la politique de Cameron et celle de Boris Johnson différaient par les moyens, non par l’objectif. De sorte que - l’extraordinaire force symbolique du retrait britannique mise à part, et elle n’a rien de négligeable - les suites du maintien et celles du départ, ne devaient pas être très différentes, même si les médias brossent tous les scénarios catastrophe les plus extravagants à la charge du Brexit. Cameron avait imposé à l’UE, en février 2016, les dérogations nécessaires et, sans-doute, suffisantes, pour la Grande Bretagne, de sorte que, selon son habitude, elle ait en toute hypothèse, comme nous l’avons écrit ici-même, un pied dedans, un pied dehors. Qu’elle détermine elle-même sa politique économique, sociale, migratoire et qu’il soit bien entendu qu’en aucun cas elle ne laisserait toucher à sa souveraineté. Dans de telles conditions, on était déjà sorti – n’étant d’ailleurs jamais vraiment entré – et l’on pouvait rester sans trop de gêne. Les partisans du Brexit vainqueur ont préféré la solution nette. Le prochain cabinet, dont il est très possible que Boris Johnson soit le Chef, fera en sorte que la Grande Bretagne conserve néanmoins, sur le continent européen, tous les liens qui lui seront utiles et que la nature des choses maintiendra ou rétablira assez vite. Les bourses, compulsives ces temps derniers, se calmeront, les marchés s’organiseront, la Grande Bretagne restera la puissance européenne et mondiale qu’elle est - avec ou sans l’UE - depuis quelques siècles.

    Quant à l’Europe de Bruxelles, il se pourrait bien, comme on l’a dit ici et là qu’elle soit déjà morte sans le savoir, sans même qu’on s’en soit encore rendu compte. Il est possible, a contrario, que le départ britannique ravive quelques velléités fédéralistes. Mais l’opposition des peuples et de nombreux Etats membres de l’UE, est sans-doute devenue aujourd’hui trop forte pour leur laisser de réelles chances d’aboutir. Il est bien tard pour une telle offensive.

    Pour ouvrir la réflexion sur un champ plus large – mais sans y entrer ici – la victoire du Brexit nous paraît être, en un sens, celle du Sang sur l’Or. Celle de l’Histoire et des identités sur l’utopie postnationale, universaliste, consumériste, multiculturaliste, etc. Faute d’avoir voulu reconnaître ses racines, fixer ses frontières, affirmer son identité et son indépendance, cette Europe-là se condamnait par avance à une telle issue. Y aura-t-il encore des forces, des idées, des volontés, pour relever le projet sur de justes bases ? 

  • Union européenne : Les Britaniques auront toujours un pied dedans, un pied dehors ...

     

    Par Lafautearousseau

    [Publié le 22.06, actualisé ce jour]

    3436523574.2.jpgOn le sait : L'Angleterre est différente. On peut encore le dire d'elle comme jadis Franco le disait de l'Espagne. Différente, elle l'est restée avec sa relation américaine très spéciale, son Commonwealth, son inclination pour le grand large plutôt que pour le Continent, sa Livre Sterling, ses dérogations aux règles européennes de février dernier, son Parlement immuable à Westminster, son aristocratie maintenue, ses financiers, sa City, et, symbole de sa souveraineté, sa reine de quatre-vingt dix ans - ou demain son roi - qui en garantit, en tout cas, la permanence non-négociable.

    Ces différences avaient amené De Gaulle à lui refuser obstinément son entrée dans le Marché Commun. Sans-doute, rêvait-il d'une Europe des Etats qui eût été indépendante des Etats-Unis. Ce que ne voulait pas l'Angleterre, ni, d'ailleurs, l'Allemagne. Celle d'Adenauer et de ses successeurs, jusqu'à aujourd'hui.  Par réalisme, Pompidou, au contraire, fit entrer la Grande-Bretagne, considérant qu'elle serait la meilleure garantie qu'une Europe supranationale ne serait jamais possible.

    Nous y sommes. Et toute l'Europe - et bien au delà - est suspendue au résultat du vote de ce jour, comme si, hormis nombre de problèmes techniques que les experts auraient à régler et qui ont effrayé les bourses du monde entier, les données fondamentales euro-britanniques que nous venons de rappeler devaient en être substantiellement changées. Ce n'est pas le cas.

    En cas de Brexit, pris comme symbole, il est clair que la construction européenne à la bruxelloise se trouvera, une fois de plus, ébranlée. Nous disons bien une fois de plus car ce ne sera ni le premier ni le dernier coup dur qu'elle aura à subir ces temps-ci. Au point que dans les grandes rédactions, il est devenu courant de parler à son endroit du Titanic européen.

    Mais si les Britanniques choisissent le maintien, hormis le veule soulagement des élites euro-mondialisées et des bourses, croit-on que les choses seront fondamentalement modifiées ? L'arbre ne fera que cacher la forêt des mécontentements, l'opposition grandissante des peuples, et, par surcroît, la montée des revendications de chacun des vingt-huit pour des dérogations substantielles ad hoc. A l'instar des dérogations britanniques. Chacun les siennes.  

    L'Angleterre est aussi différente par le fait que les sondages ont la réputation de ne pas y être fiables. Dans ce pays protestant où un sou est un sou, mieux vaut regarder du côté des bookmakers. Les impatients y trouveront peut-être une réponse autorisée à leur anxiété.

    Ce détail signale encore la différence anglaise. Brexit ou pas, face à l'UE, la Grande Bretagne aura toujours un pied dedans, un pied dehors ... Et dans l'un ou l'autre cas, elle ne cessera pas d'être elle-même. Différente et souveraine.

    Lafautearousseau