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Actualité Europe - Page 51

  • Galileo : l'Europe qu'on aime...

     

    Mur-bleu gds.jpgOui, cela a pris du temps, c'est vrai : c'est en 1998 que le projet a été décidé et, s'il devait être actif en 2008, le déploiement opérationnel définitif de l'ensemble du système (que les ingénieurs appellent « constellation ») ne sera effectif qu'en 2020. Qu'importe ! Pour l'instant, 15 satellites sont déjà en place, permettant une précision d'un mètre, contre dix à quinze mètres pour le GPS états-unien (cela étant dit sans la moindre arrière-pensée de dénigrement : c'est simplement une constatation...)

    Et, donc, l'Europe acquiert de haute lutte son indépendance en matière de géolocalisation, ce qui est d'autant plus méritoire que ses trois prédécesseurs (les Russes avec le système Glonass, les Chinois avec le système Beidou 2 et les Etats-Uniens avec leur GPS avaient une maîtrise d'œuvre unique car nationale*, et, de surcroît, confiée à un seul opérateur : leur armée.

    Voilà un motif de satisfaction et, même, de fierté. Avec Galileo, l'Europe tient son rang, comme avec Airbus ou Arianespace. Elle existe pour le meilleur, comme, dans un domaine bien différent, avec les échanges estudiantins du programme Erasmus. Et elle offre la vision claire de ce qu'elle peut et doit être, « Europe réelle », Europe des peuples et des nations, Europe des compétences, à mille lieux de la caricature bouffonne et odieuse de l’ « Europe légale » avec son bâtiment genre stalinien du Berlaymont, son Parlement néfaste, sa Commission sans légitimité, ses figures de proue repoussantes (Juncker, Schultz...). 

    L'Europe légale, qui est devenue ce monstre techno-bureaucratique que l'on ne connaît que trop bien, c'est comme l'OTAN : il faut la dissoudre et la réinventer, la refonder. Nul besoin de cette immense machine, de cette paperasserie accablante, de ces fonctionnaires par milliers et des lourdeurs administratives qu'ils induisent, des paralysies et des effets directement pervers sur les économies nationales (en tout cas, sur la nôtre) des fameuses « normes » et « directives » bruxelloises.

    De simples accords entre les experts de chaque gouvernement national, et l'on retrouverait une souplesse qui a été écrasée sous un mammouth devenu lui-même sa propre raison d'être, et dont l'obésité n'a d'égale, évidemment, que l'inefficacité.

    Voilà deux axes d'une politique qui redeviendrait une politique d'indépendance et de progrès ; on peut y rêver, au moins, au moment où Galileo nous emmène dans les étoiles, avec ses satellites à 23.200 kilomètres de la terre (!) :

    - Supprimer l'OTAN ou - puisque cela ne dépend pas de nous - en faire sortir la France ; 

    - Déclarer la fin de cette « Europe légale » morte de sa propre stérilité et de sa propre malfaisance, et repartir dans la direction de la première Europe des Six, en reprenant les intuitions utiles qui avaient présidé à son établissement, et avec le français comme langue officielle, comme l'avaient proposé les Allemands aux débuts prometteurs de l'Europe des Six...

    Evidemment, pour l'instant, ce n'est qu'un songe, un vœu pieux. Mais l'Histoire est pleine de ces songes qu'une volonté politique ferme, et menée sur le long terme, a transformés en réalité heureuse. Qui a dit : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin... » ? 

    Soit dit en passant, et dans un autre domaine, là est l'explication principale des difficultés rencontrées par l'excellent et indispensable programme de l'Airbus militaire : trop de pays, trop de bureaux d'études, trop de différences de mentalités, trop de besoins différents, voire contradictoires...

  • Terrorisme islamiste à Berlin : le tweeet de Donald Trump qui dit ce qu'il faut dire

     

    Mur-bleu gds.jpgDaech a "revendiqué", le lâche assassin de Berlin est un demandeur d'asile : vous vous souvenez de ces photos de gares allemandes où des inconscients attendaient les dits réfugiés avec des pancartes « Willkommen ». En Allemagne, en France, partout en Europe, les agneaux ont invité les loups à souper ; et les loups sont entrés dans la bergerie ; et leur festin ne fait que commencer...

    Angela Merkel, marquée, déclare que cela ne doit pourtant pas remettre en cause le « vivre ensemble » (qui devient, en fait, un « se laisser égorger ensemble » ; et le député socialiste français Pietrasanta déclare que cela ne doit pas remettre en cause le droit d'asile ! Avec des gens pareils, on est bien protégés ! Nous voilà livrés, pieds et poings liés, aux égorgeurs et autres écraseurs !

    Heureusement, il y a Donald Trump, qui, lui, n'est ni inconscient, comme les deux précités, ni sourd, ni aveugle, et qui a immédiatement twitté ceci :

    « Aujourd’hui, il y a eu des attaques terroristes en Turquie, en Suisse et en Allemagne, et cela ne fait qu'empirer. Le monde civilisé doit changer sa façon de penser !»

    Voilà qui est parlé, et bien parlé. Enfin, un Président d'un grand pays qui ose faire autre chose que larmoyer et dire « surtout padamalgam ». Et qui ose rejoindre « le camp Poutine », plutôt que celui des vieilles pleureuses édentées. Poutine, dans son registre à lui, a dit aussi ce qu'il fallait dire : en substance, « les terroristes il faut les buter, et on ira les chercher jusque dans les toilettes » (il paraît même qu'il a dit, en fait, « les chiottes », mais, comme c'est un tantinet grossier, on va garder « toilettes », bien qu'on ait cité l'autre mot : tant pis pour les âmes sensibles, genre guimauve et chamallow).

    Non, on ne va pas dé-radicaliser des malades mentaux mâtinés de bêtes fauves ; les Camping paradis, avec goûter au Nutella et jeux de poupées Barbie, ce n'est pas la réponse qui convient pour ces fous furieux, faux religieux mais vrais assassins, fanatisés et drogués assez souvent : la vraie réponse, c'est de les mettre hors d'état de nuire, vite et définitivement. Comment ? En les arrêtant, bien sûr, et, puisque nous sommes en guerre, en les jugeant comme traîtres à la patrie s'ils sont « français de plastique » et en les fusillant. Comme ce Salah Abdeslam que l'on garde bien au chaud depuis des mois ; en les fusillant comme soldats de l'armée ennemie infiltrés dans nos lignes s'ils sont étrangers.

    Donald Trump a raison : le monde civilisé doit changer sa façon de penser. Ou, alors, si on ne veut pas se défendre en se donnant les moyens nécessaires et en faisant vite et fort ce qu'il faut pour cela, qu'on ne vienne plus se plaindre, et pleurer, et organiser des dépôts de fleurs et bougies ; qu'on cesse de nous casser les oreilles, et qu'on se laisse égorger sans rien faire : mais, alors, qu'on le dise ! 

  • Un symbole fort : une nouvelle croix à deux pas de la Tour Eiffel, et l'aurore qui éclipse le crépuscule

     

    Mur-bleu gds.jpgLa construction, au pied de la Tour-Eiffel, de la cathédrale de la Sainte Trinité de Paris, avait été décidée en 2007 entre Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine. C'était la fin d'un assez mauvais feuilleton sur l'utilisation qui serait faite de ce terrain : certains avaient même proposé d'y édifier une mosquée ! En ce lieu hautement symbolique de notre ville capitale, on nous permettra de nous réjouir de voir surgir de terre plutôt la croix des racines chrétiennes de l'Europe que le croissant d'une religion qui a agressé et envahi par deux fois cette même Europe, en 711 par l'Espagne, et en 1492 par Constantinople. Et qui lui fait la guerre aujourd'hui de la façon que l'on sait...

    Coiffée de ses cinq bulbes dorés, la cathédrale a donc été consacrée hier, dimanche 4 décembre, par le Patriarche Cyrille? seizième patriarche de Moscou et de toute la Russie, depuis le 27 janvier 2009. Mais sans Vladimir Poutine ni François Hollande, ni d'ailleurs aucun représentant de haut rang de l'Etat français, ce qui n'honore pas notre pays, et n'est pas à la hauteur de l'évènement : si la Russie avait envoyé son ministre de la Culture, Vladimlir Medinski, et son ambassadeur, Alexandre Orlov, le semble-gouvernement français n'était représenté que par un simple secrétaire d'État (Jean-Marie Le Guen) ! A gouvernement misérable, attitudes misérables...

    Et pourtant, malgré ces mesquines contingences d'un Pays légal et d'un semble gouvernement à bout de souffle, la consécration de ce dimanche est des plus importantes, d'abord en ce qu'elle est, mais aussi en ce qu'elle annonce :

    - En ce qu'elle est, d'abord, puisque - on vient de le voir - malgré l'opposition farouche de certains, dont l'ancien maire de Paris, le non regretté Bertrand Delanoë, d'autres projets farfelus auraient pu voir le jour en ce lieu prestigieux. C'est finalement la Croix qui l'a emporté, et un symbole fort de notre proximité avec notre allié naturel, la Russie.

    - Et aussi en ce qu'elle annonce, sur la Russie, justement : quel que soit le vainqueur de la prochaine élection présidentielle - Marine Le Pen ou François Fillon - il rétablira des relations normales et assainies avec la Russie, qui est, redisons-le, notre partenaire et allié naturel dans une Eurasie triplement indispensable :

    • pour faire contrepoids aux géants comme la Chine ou les Etats-Unis, dans les domaines économiques, politiques, diplomatiques ... ;

    • pour mener et gagner la guerre contre le terrorisme islamiste de Daech et Compagnie, non seulement en Irak, en Syrie, en Libye, mais aussi, et en un sens surtout, en Europe et ici, chez nous;

    • enfin, pour renforcer le ressourcement spirituel des peuples d'Europe ; pour que, réunis et rapprochés à nouveau autour de leurs racines communes, les frères européens redécouvrent les intuitions de leurs origines, comme le répétait saint Jean-Paul II ; ou qu'ils retrouvent, comme le disait Jean-François Mattéi, clôturant son magistral Le regard vide par cette citation du Phylèbe, de Platon, « le chemin qui conduit chez nous ».

    Ainsi va se clôre, dans quelques mois à peine, une funeste période, qui n'aurait jamais dû être ouverte, et qui ne le fut que par le seul aveuglement idéologique et la faiblesse intellectuelle du semble-gouvernement Hollande, au mépris des considérations de bon sens les plus élémentaires et des intérêts nationaux français les plus évidents. Les stupides « sanctions » économiques soi-disant infligées à la Russie, et qui nous pénalisent bien plus qu'elle, seront levées ; et dans tous les domaines, les relations redeviendront normales, et il faut espérer que l'on tournera définitivement la page de l'épisode tragico-ubuesque des Mistral, qui a sérieusement nui à notre crédibilité.

    A ce moment-là, soit Poutine viendra à Paris, soit le nouveau Chef de l'Etat français ira à Moscou : et la poignée de main au sommet qui n'a pas eu lieu ce dimanche sera, ce jour-là, celle de la réconciliation.

    Et le crépuscule de notre pauvre diplomatie actuelle aura définitivement laissé la place à l'aurore d'une politique nouvelle et fructueuse, sur ce point précis de la Russie... 

  • Histoire & Actualité • Juppé : la revanche de Lecanuet

    Alain Juppé entre dans l'isoloir, novembre 2016. SIPA

     

    Par Philippe de Saint Robert

    Il s'agit ici, au fond, de dire ce qu'il faut penser de l'attachement à la souveraineté française des Républicains et de ceux de leurs dirigeants qui se réclament du gaullisme. Alain Juppé notamment. Philippe de Saint-Robert le fait [Causeur, 24.11] avec sa grande connaissance de l'histoire politique et des dossiers, sa clairvoyance et sa hauteur de vue habituelles.  Lafautearousseau

     

    1874533558.jpgIl est des phénomènes singuliers qui méritent qu’on s’y attarde. La presse française continue, tout uniment, de qualifier de « gaulliste » la droite dite « républicaine », à savoir « Les Républicains », continuateurs de l’UMP, elle-même continuatrice du RPR, lui-même héritier de l’UNR, et ainsi de suite. Ces volte-face successives sont matière à perplexité : ces gens-là savent-ils encore d’où ils viennent et qui ils sont ?

    Le tournant décisif a été pris lors de l’invention de l’UMP, fabriquée de toute pièce pour absorber un courant centriste qui l’a absorbée lui-même, achevant l’irrésistible aggiornamento décrété peu avant par Alain Juppé : il s’agissait de rejoindre, toute honte bue, les positions centristes sur l’Europe, afin de… faciliter l’élection de Jacques Chirac à l’Elysée (je pense qu’il s’en serait passé).

    Il y a deux ans, en novembre 2014, Alain-Gérard Slama voyait encore en Juppé et Sarkozy « les deux faces du gaullisme » au terme d’une stratégie qu’il illustrait ainsi : « la philosophie qui sous-tend cette stratégie n’a de sens, face à une extrême droite capable de se hisser de nouveau jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, que si le président élu au suffrage universel s’oblige à gouverner au centre ». Du giscardisme pur et simple, bonjour le gaullisme !

    Sarkozy n’a pas trahi le gaullisme, il n’a jamais été gaulliste

    On ne reproche pas à Sarkozy d’avoir trahi le gaullisme, puisqu’il n’a jamais été gaulliste. A peine élu, il réintègre la France dans le commandement militaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, puis il va s’incliner devant Bush fils en fin de mandat pour lui exprimer ses regrets que la France n’ait pas participé à sa guerre de 2003 contre l’Irak (il s’est rattrapé depuis en Libye). Il fait enfin ratifier par le Congrès un traité de Lisbonne qui est la copie conforme de la pseudo-constitution européenne rejetée en 2005 par 53 % des Français.

    Le cas d’Alain Juppé est plus trompeur dans la mesure où, lui, s’affirme « gaulliste ». C’est du moins ce qu’il prétend encore dans un entretien accordé à Valeurs actuelles : « Je suis libéral, social et gaulliste ». Cela ne mange pas de pain, encore que le gaullisme soit plus colbertiste que libéral. Mais, dans le libéralisme, on peut mettre tout et son contraire. Dans L’ennemi des lois, Maurice Barrès (que je cite pour faire enrager Manuel Valls) fait dire à Saint-Simon (le neveu) : « Le but apparent des chefs du parti libéral, c’est la suppression des abus, mais leur but réel est de les exploiter pour leur propre avantage. »

    « Social » est un aimable euphémisme qui se prête à toutes les bonnes volontés. De Barroso à Juncker, on a fabriqué une Union européenne structurellement néo-libérale. François Mitterrand lui-même a échoué à mettre du « social » dans le traité de Maastricht, voté par Jacques Chirac à l’instigation d’Alain Juppé. On attend le projet de ce dernier pour réformer l’Union européenne…

    L’Europe d’Alain Juppé est celle de tous les centristes

    En effet, est-ce que, dans la confession d’Alain Juppé à Valeurs actuelles, il ne manque pas précisément quelque chose ? L’Europe, dont la construction ambiguë fut une constante préoccupation du général de Gaulle, sans qui le traité de Rome ne fût jamais entré en application. S’il y a bien une « doctrine » du gaullisme, c’est le rejet irrévocable de toute supranationalité. Et qu’on ne nous parle pas de « souveraineté partagée », c’est blanc bonnet et bonnet blanc, et conduit immanquablement à un fédéralisme dont les peuples ne veulent à aucun prix.

    L’auteur de l’entretien, dont le nom ne fut pas précisé, aurait tout de même pu poser à Alain Juppé la question de sa conception de l’Europe. Le sujet devait paraître trop délicat. Car, en 1993, dans son ouvrage, La tentation de Venise, Alain Juppé étale pourtant une conception de l’Europe qui est celle de tous les centristes, héritiers politiques et spirituels de Jean Lecanuet, qui fut un bien pire adversaire du général de Gaulle que François Mitterrand. Il est vrai que les arguments ne volent pas très haut : de quoi, nous dit Alain Juppé, aurait eu l’air Jacques Chirac devant Kohl et Blair s’il avait fait voter contre le traité de Maastricht ? Il est vrai que depuis, Theresa May nous a libérés du souci que nous aurions pu avoir de déplaire à Tony Blair.

     

    Il y a dans La tentation de Venise des passages cocasses, comme celui où l’auteur s’en prend à la saisine du Conseil constitutionnel contre le traité de Maastricht par les « parlementaires qui ont signé le dernier recours de Pasqua au Conseil constitutionnel : leur moyenne d’âge est de soixante-sept ans ! » On est heureux de savoir que ce qui était rédhibitoire en 1993 ne l’est plus en 2017…

    Juppé l’Américain ?

    Dans le domaine de la politique européenne, Alain Juppé s’est beaucoup trompé. En 1996, alors Premier ministre, dans un opuscule intitulé Entre nous, il écrivait, impérieux : « Il faut avoir le courage de ses opinions. Refuser la monnaie européenne, c’est accepter la domination du dollar et la toute-puissance des marchés financiers. » Il ajoutait : « C’est la conviction du Président de la République [Jacques Chirac] et celle d’hommes aussi différents que René Monory, Raymond Barre, Edouard Balladur et, s’ils n’ont pas changé d’avis, Jacques Delors (« la monnaie unique sera un véritable tigre dans le moteur qui va entraîner la démocratie en Europe », 12 décembre 1992), Laurent Fabius (« le meilleur porteur de croissance dont puisse se doter la France », 6 mai 1992) ou Michel Rocard (« le gage de plus d’indépendance », 2 septembre 1992). Cela fait du beau monde ! » Les politiciens sont des amateurs irréformables de carabistouilles.

    L’Europe de Jean Lecanuet, c’est celle de Jean Monnet, c’est celle de Jacques Delors, c’est celle de François Bayrou. Tout ce « beau monde » n’a pas mis le moindre tigre dans notre moteur. C’est au contraire l’Europe voulue par les Américains pour l’assujettir en tout à leur politique mondialiste, telle qu’on la voit se projeter à visage découvert dans le projet de traité transatlantique de libre-échange. Ce « partenariat » est vu partout, même en Allemagne, comme un cheval de Troie pour la puissance hégémonique américaine. Il est consternant qu’aucun des actuels candidats à la présidence de la République n’ait exprimé la moindre référence ni réserve à cette ultime menace portée à notre encontre par les pseudo-négociateurs de la Commission européenne. Ils avaient pourtant là une excellence occasion de se racheter. 

    Philippe de Saint Robert

    écrivain, ancien Commissaire général de la langue française. Dernier ouvrage paru : Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, CNRS éditions, 2010.

    Rappelons qu'en début d'année, Philippe de Saint-Robert nous avait adressé ce simple message « Bravo pour votre site et, surtout, continuez ». Nous en avions été touchés et honorés.

  • Migrants : l'Aquarius sauve des naufragés, c'est très bien mais...

     

    Mur-bleu gds.jpgEn les conduisant en Europe, au lieu de les ramener à leur point de départ, il se fait le complice actif des Mafias de passeurs-négriers.

    Les reportages destinés à faire pleurer dans les chaumières se sont multipliés ces derniers jours sur les chaînes de télé, à propos de ces migrants qui risquent leur vie pour traverser la Méditerranée et venir en Europe.

    Il faut dire qu'avec Trump et la Primaire de la Droite, les journaleux avaient d'autres chats à fouetter, et avaient donc remisé, pour un temps, leurs chers « migrants » dans les sujets « en attente ».

    Mais le parti immigrationniste a dû juger que le silence devenait trop long : et revoilà, donc, le sujet des migrants ressorti du placard. Cette fois, la vedette, c'était l'Aquarius, et son équipage qui sauvait des gens entassés sur un zodiaque, en train de sombrer. TF1, France 2, BFM/TV ou autres, impossible d'y échapper ces derniers jours... 

    Nul ne se soucie des deux paysans français qui se suicident chaque jour ; nul ne se soucie plus que cela, non plus, des dix millions de pauvres recensés par le Secours catholique, ou des huit millions et demi de mal-logés recensés par la Fondation Abbé Pierre. Il y a bien, certes, les Restos du cœur, qui peuvent occuper le devant de la scène, intouchables qu'ils sont, car « confisqués » par les bobos-gauchos. Mais, à part eux, s'occuper activement de la détresse, de la précarité, de la pauvreté qui monte, inexorablement, au milieu du peuple français, non, ce n'est pas intéressant. Cela ne vaut pas ces masses de « migrants » qui, eux, méritent toute l'attention de nos mal-généreux. 

    Mal-généreux, car sauver des malheureux qui vont se noyer, évidemment, c'est le devoir de toute personne civilisée. Encore plus lorsque l'on est en Europe, dont les racines chrétiennes sont une évidence, à part pour les adeptes de la Nouvelle Religion Républicaine, dont le sectarisme n'a d'égal que l'épaisseur de leurs œillères !

    Mais être civilisé, généreux et... sauveteur, n'empêche pas d'avoir de la jugeote. Ces pauvres malheureux, victimes des passeurs, certes, mais malgré tout victimes consentantes, ne doivent pas être conduits en Europe, lorsqu'on leur sauve la vie. Elles doivent être ramenées sur les côtes d'Afrique, d'où elles sont parties. Sinon, de toute évidence, les sauveteurs de l'Aquarius se font, volens nolens, les maillons de la chaîne maffieuse de ces esclavagistes, négriers des temps modernes, qu'on appelle aujourd'hui « passeurs ». Les Mafias savent que les bateaux européens « achèveront le travail », et les « migrants » savent qu'on viendra les chercher : tout cela consolide le trafic et lui assure une pérennité dans la malfaisance et la traite des êtres humains. 

    Et, là, il n'y a plus du tout de quoi être fier ni de quoi être comparé à un preux chevalier d'antan, volant au secours de la veuve et de l'orphelin.

    Nos mal-généreux de l'Aquarius et autres devraient y réfléchir, avant de se présenter en parangons de vertu et d'humanité... 

  • Et si l'on profitait de l'élection de Trump pour en finir avec l'Otan ?

     

    Mur-bleu gds.jpgDonald - le cauchemar de la cléricature médiatique - vient juste d'annoncer la première mesure qu'il prendra, dès son entrée en fonction le 20 janvier : il retirera les Etats-Unis du Traité commercial Trans-Pacifique (TPP), signé en 2015 par douze pays de la région Asie-Pacifique, mais sans la Chine. À la place, il veut négocier des traités « bilatéraux ».

    Mais il a déjà parlé, aussi, des bases états-uniennes dans le monde entier, déclarant que les pays hôtes de ces bases devaient contribuer plus largement aux dépenses de ces dites bases, faute de quoi... il les fermerait ! « America first ! », en langue états-unienne, cela se dit aussi « My money first ! », comme le disait une autre grande personnalité anglo-saxonne, Margaret Thatcher...

    La visite illico - le jeudi 17 novembre ! - de Shinzo Abe auprès du nouveau « président élu » était à cet égard révélatrice de la frousse immense que ce propos avait provoqué, et de la servilité (ou de la dépendance, c'est tout un) de certains, à l'égard des Etats-Unis...

    Jusque-là, et s'il ne s'agissait que de cela, nous autres, Français et Européens ne serions pas concernés. Mais Donald a également étendu son propos iconoclaste à.… l'Otan, qu'il a qualifié - à juste titre - d’ « obsolète »  et contre laquelle il s'est littéralement déchaîné. Et, là, nous sommes directement concernés ; et la chose est d'importance, méritant que l'on s'y arrête.

    Donald s’est plaint également que les Etats-Unis investissaient « une part disproportionnée » d’argent dans l’OTAN par rapport à celle investie par les autres pays membres, et qu’il n’hésiterait pas à dissoudre l’alliance.

    « Nous les protégeons, nous leur apportons une protection militaire et bien d’autres choses encore, et ils arnaquent les Etats-Unis. Et, vous savez ce que nous faisons contre cela ? Rien », a-t-il par exemple déclaré lors de son meeting politique du 2 avril, dans le Wisconsin.

    Barack Obama avait, alors, évidemment protesté, car il est, lui, le maître du « chien » (l'Europe), qu'il tient solidement en laisse. Néanmoins, la position de Donald a été appuyée par beaucoup, notamment par un Justin Raimondo, écrivain et rédacteur en chef du site internet Antiwar, qui a noté qu’avec son idée « d’abandonner l’ancienne version de l’OTAN pour la remplacer par une sorte d’opération multilatérale anti-terroriste… Donald Trump met sur la table une question qui n’a pas été évoquée depuis l’époque de Bob Taft » (Bob Taft a été le gouverneur républicain de l'Etat de l'Ohio de 1999 à 2007).

    Et Bernie Sanders, candidat malheureux à l’investiture démocrate, s’est également plusieurs fois exprimé contre l'élargissement de l'OTAN en Europe, notamment aux frontières de la Russie, suggérant qu’une nouvelle coalition, qui inclurait la Russie et les pays de la Ligue arabe, devrait être créée pour faire face aux enjeux sécuritaires contemporains. 

    On sait, enfin, que Donald n'a jamais fait mystère de son désir de « parler » avec Poutine : en clair, de s'allier de fait avec lui, sur le terrain, contre le terrorisme islamiste et pour régler l'affaire syrienne et liquider DAECH. 

    François Fillon, non plus, n'a pas caché que, s'il était élu, lui aussi « parlerait » avec Poutine, afin d'éviter une « réconciliation USA-Russie par-dessus notre tête », ce qui achèverait définitivement de nous éliminer de la région. 

    On le voit : en se gardant bien sûr de tout optimisme excessif et de toute naïveté béate, des fenêtres de tir peuvent très bien s'ouvrir, très bientôt - à la fois en Europe et au Moyen-Orient, pour commencer - pour une diplomatie française qui ressusciterait de ses cendres, et qui retrouverait la place qui est la sienne, elle qui « manque » cruellement, aujourd'hui, à tout le monde, et partout... 

  • Le voyage de Berlin

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    C’est donc à Berlin que M. Obama a décidé de faire ses adieux aux partenaires européens des Etats-Unis. M. Hollande a certes été convié, mais au même titre que Mme May ou MM. Rajoy et Renzi, c’est-à-dire pour être reçu par un couple Obama-Merkel qui avait affiché la veille de leur venue à tous sa profonde complicité. Voilà qui dit tout sur une réalité bien désagréable et qui prouve que rien n’a au fond changé depuis un demi siècle et « l’Europe germano-américaine » que dénonçait alors le mensuel AF-Université. Le constat de la presse française est d’ailleurs unanime et sans appel : Berlin est le centre de l’Europe, Berlin est la capitale de l’Europe.

     

    Certains font mine de déplorer un état de fait qui nous obligerait à admettre que Berlin est non seulement la capitale de la première puissance économique de l’Union (ce qui est vrai) mais aussi la capitale culturelle de l’Union (ce qui est discutable); mais c’est pour mieux en reconnaître la légitimité, légitimité conférée par le respect allemand des sacro-saints « idéaux et […] valeurs dont l’Europe se réclame » (M. Guetta, France Inter) - par exemple en capitulant sans condition devant l’invasion des migrants. M. Obama l’a bien dit, lui qui, ravalant l’Europe au rang de certains autres continents ou sous-continents, dénonce « la montée d’une sorte de nationalisme sommaire, d’identité ethnique ou de tribalisme ».

     

    On objectera évidemment que l’élection de M. Trump va rebattre les cartes. Voire ! L’Allemagne et les Etats-Unis partagent un même attachement, en grande partie dû à la prégnance de leur commune filiation « libéralo-protestante », au capitalisme marchand et, pis, à la financiarisation de l’économie. Ces deux pays sont deux (très) grandes puissances économiques bien faites pour s’entendre et se compléter comme le prouve le développement de leurs échanges (les Etats-Unis sont ainsi devenus cette année le premier partenaire commercial de l’Allemagne, dépassant la France).

     

    La faillite de l’actuelle Union européenne, conjuguée au vide nouveau auquel laisserait place le « désengagement » promis par M. Trump, nous place dans une alternative quasi existentielle : le sursaut ou le déclassement. Le bon sens nous dit que, seule, la France ne pèserait pas lourd et qu’elle a besoin de constituer avec d’autres (dont l’Allemagne) un ensemble crédible. Encore faut-il ne pas se dissoudre dans un tel ensemble - sinon à quoi bon ? Reprocher sa force et son dynamisme à l’Allemagne n’a par ailleurs aucun sens. Il nous faut, en revanche, pour mettre à profit (en jouant de nos quelques atouts) l’opportunité du changement de donne probable en Europe, entamer un processus de rééquilibrage de notre rapport « économique » à l’Allemagne. Cela passe évidemment par la reconstitution d’un tissu économique (industriel, agricole et commercial) aujourd’hui « sinistré ». D’aucuns pensent même à renouer avec « l’ ardente obligation du plan » (De Gaulle, 8 mai 1961). Voilà qui demanderait des choix au politique et des efforts au pays. Au moins le cap serait-il donné. 

     

  • Le lourd passif du libre-échange

     

    Par Benjamin Masse-Stamberger           

    Même si les Belges ont finalement trouvé un accord entre eux, l'imbroglio autour du CETA marquera les esprits. Benjamin Masse-Stamberger développe ici [Figarovox - 27.10] les raisons du rejet profond du libre-échange par les peuples européens. Le bilan qu'il dresse des « politiques de libre-échange menées sous l'égide de l'Union Européenne » est accablant, les chiffres qu'il avance, pour la seule France, sont sans appel. Sommes-nous pour le libre-échange ? Non. Contre ? Pas davantage. Mais nous sommes résolument opposés au dogme libre-échangiste, à cette religion du libre échange, qui voudrait l'imposer partout, à la terre entière, quels que soient les temps, les circonstances, les nations, les communautés politiques, sans considération de leurs situation, de leurs intérêts, du Bien Commun qui les tient historiquement réunis. Libre-échange ? Protectionnisme ? Cela doit dépendre des situations, des circonstances, des Etats, non d'une volonté uniforme et dogmatique, nécessairement destructrice. Telle est, nous semble-t-il, sur ce sujet crucial, la pensée des royalistes et des patriotes français. Leur position et, semble-t-il, celle des peuples  Lafautearousseau.    

     

    th ppppppppppp.jpgStupeur au Quartier Général ! Ainsi donc, la petite Wallonie, forte de ses quelque 3,5 millions de Belges francophones, a-t-elle eu l'audace de bloquer - fût-ce temporairement - le majestueux projet d'accord de libre-échange euro-canadien (CETA). Un accord dit de « nouvelle génération », dans la mesure où il ne concerne plus seulement les barrières douanières, mais aussi toutes les normes, qu'elles soient sanitaires, sociales, techniques ou environnementales, vouées, selon la terminologie technocratique en vigueur, à être « harmonisées ».

    Or c'est bien là le problème : Paul Magnette, ministre-président de la Wallonie, craignait que le fameux tribunal arbitral, prévu par le CETA, ne permette aux multinationales d'imposer leurs règles à la puissance publique, sans que celle-ci ait les moyens de s'y opposer. En outre, il craignait pour son agriculture, alors que le Canada pourra exporter sans droits de douane vers l'Europe 46 000 tonnes de bœuf, 75 000 tonnes de porc, et 100 000 tonnes de blé. Il craignait enfin pour ses entreprises, confrontées à une concurrence accrue, sur un territoire déjà frappé par une désindustrialisation massive.

    A-t-il eu raison ? A-t-il eu tort ? Rares sont ceux qui sont en mesure de répondre précisément à cette question : encore faudrait-il avoir épluché les 2 344 pages que compte le volumineux document. Et pourtant : la résistance de la petite Wallonie, sans doute pas exempte de considérations de politique intérieure, a entraîné un mouvement de soutien et de sympathie un peu partout en Europe. Pour une raison simple : les Européens n'ont plus confiance dans les politiques conduites en leur nom. Encore moins dans les politiques de libre-échange menées sous l'égide de l'Union Européenne. Et il est bien difficile de leur donner tort, tant le bilan des précédentes phases de libéralisation est mauvais.

    Le pouvoir d'achat des Européens devait progresser, grâce à l'importation massive de biens à bas coût, produits dans les pays émergents. Or, le constat est inverse : le recul de la production, et donc de la croissance, a bien dû être compensé, souvent par des hausses d'impôt, qui ont fait perdre d'un côté ce qui avait été gagné de l'autre.

    Les pertes d'emplois industriels, elles, devaient être compensées par une spécialisation dans le « haut de gamme », permettant aux salariés du Vieux Continent d'échanger des travaux pénibles contre des emplois intellectuels, de conception ou d'ingénierie. Mais rien de tel ne s'est produit, du fait notamment de la montée en gamme des pays émergents. Au final, le bilan des délocalisations est sans appel : simplement pour la France, ce sont 2 millions d'emplois industriels qui ont été perdus au cours des trente dernières années, dont 140 000 depuis 2012. L'Europe avait promis, la main sur le cœur, qu'elle protégerait ses citoyens contre les effets délétères d'une mondialisation jugée sauvage. Cette promesse, à l'évidence, n'a pas été tenue.

    C'est ce lourd passif du libre-échange, autant que les flous du CETA lui-même, que payent aujourd'hui les instances bruxelloises. Et le soutien populaire à Magnette montre bien que ce message leur est envoyé, non pas seulement par les 3,5 millions de Wallons, mais par l'ensemble des peuples européens, exaspérés par l'incapacité de leurs dirigeants à tenir compte des multiples critiques qui leur ont été adressées. S'il n'était pas entendu, l'avertissement wallon pourrait bien être le dernier.

    « Le pouvoir d'achat des Européens devait progresser. Or, le constat est inverse. »

    Benjamin Masse-Stamberger

    Benjamin Masse-Stamberger est journaliste et essayiste, membre fondateur du Comité Orwell. Ancien Grand reporter à l'Express, il est co-auteur de Inévitable Protectionnisme (éd. Gallimard/Le Débat, 2011) et de Casser l'euro pour sauver l'Europe (éd. Les Liens qui Libèrent, 2014). Il tient le blog Basculements.

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    Natacha Polony : « Cette élection américaine qui parle de nous »

    La frontière

  • Exclure de l'U.E. ceux qui refusent le multiculturalisme : l'excellente idée venue du Luxembourg, via Jean Asselborn !

    Junker  et Asselborn

     

    Mur-bleu gds.jpgIl est le chef de la diplomatie luxembourgeoise, ce Jean Asselborn qui vient de proposer, sur un ton martial et avec des mots très durs, d’ « exclure, au moins temporairement la Hongrie de l'Union Européenne ». 

    Pourquoi ? Parce que la Hongrie « viole les valeurs démocratiques fondamentales ». Ah, bon ! Mais, comment ça ? Eh ! bien, tout simplement parce que la Hongrie - comme du reste plusieurs pays du centre et de l'est de l'Europe - refuse le diktat du « parti immigrationniste », et ne veut pas accueillir de réfugiés syriens sur son sol ! 

    Mais, en voilà une idée qui est plus que bonne : excellente. On peut même dire : excellentissime ! Oh ! oui, monsieur Jean Asselborn, s'il-vous-plaît, excluez, excluez encore ! Mais pas seulement la Hongrie : excluez-nous nous aussi, les Français ; et, tant que vous y êtes, excluez toute l'Europe : vous resterez ainsi seul avec Junker et votre clique technocratique « hors-sol » et non élue - donc sans aucune légitimité - et, nous, nous irons enfin un petit peu mieux, et nous aurons enfin - du moins de ce côté-là - la paix ! 

  • Natacha Polony s'amuse : « Paul Magnette président ! » Mais elle a plutôt raison ...

     

    Par Natacha Polony           

    Le ministre-président de la Wallonie porte la voix du Parlement wallon qui refuse de donner son accord au Parlement belge pour la ratification du traité de libre-échange avec le Canada. Bien entendu, Natacha Polony s'amuse ici à réclamer un président wallon pour la France [Figarovox - 21.10]. C'est une plaisanterie. Qui plus est - bien que Paul Magnette soit un universitaire et un politique de qualité - la Wallonie est aujourd'hui malheureusement pourrie de progressisme socialo-libertaire et d'immigrationnisme gauchards. Cependant, en l'occurrence, elle bloque un traité  inacceptable - le CETA - et l'on ne peut que s'en féliciter. L'analyse de Natacha Polony sur la situation européenne est, elle, impeccable. LFAR

     

    924153452.jpgIl faudrait toujours relire René Goscinny. Dans l'album Astérix chez les Belges, les fiers Gaulois sont furieux d'apprendre que Jules César décrit les Belges comme le peuple le plus brave de la Gaule. On adorerait que, piqués au vif, nos politiques aillent se mesurer au courage de leurs voisins. Mais le spectacle un peu falot de la campagne à droite, le naufrage surréaliste d'un président devenu un cas psychanalytique, nous laissent deviner que nous resterons de notre côté de la frontière. Le mauvais.

    Malheureux citoyens français, connaissez-vous Paul Magnette ? Il intéresse nettement moins la presse morale et progressiste que le fringant Justin Trudeau, premier ministre canadien censément de gauche, assez peu préoccupé de conquêtes sociales mais féru d'ouverture à l'Autre, surtout quand l'Autre réclame des droits pour sa minorité religieuse. Le premier est peut-être moins « cool » que le second, mais il vient de lui donner une leçon de souveraineté. Comme à nous tous.

    Paul Magnette, 45 ans, est ministre-président de la Wallonie. Oui, on peut présider quelque chose à 45 ans chez nos voisins belges. Et en tant que ministre-président de la Wallonie, il porte la voix du Parlement wallon qui refuse de donner son accord au Parlement belge pour la ratification du Ceta, traité de libre-échange avec le Canada. Ledit traité, négocié, comme son frère jumeau pour les États-Unis, le Tafta, dans des conditions de secret totalement rocambolesques, ne se contente pas d'abaisser les tarifs douaniers, comme on l'attend d'un traité dit de libre-échange. Il met en place des normes dont le but est d'affaiblir les États face au pouvoir des multinationales. À travers les tribunaux arbitraux, il donne la possibilité à une entreprise d'attaquer, par exemple, un État dont le changement de politique la priverait des bénéfices qu'elle avait projetés. Il protège la propriété intellectuelle des semenciers sur les graines employées par les paysans, mais pas celle des artisans fabriquant des produits d'appellation d'origine contrôlée. Et surtout, il met en place des mécanismes dits « effets de cliquet », qui interdisent tout retour en arrière, même au cas où un gouvernement démocratiquement élu voudrait remettre en cause tout ou partie de l'accord.

    Paul Magnette a donc réclamé « des clauses juridiquement contraignantes qui fassent en sorte que si demain il y a un conflit entre une multinationale et un État, on n'ait pas affaibli les pouvoirs de l'État de réguler, de protéger nos services publics, nos normes sociales, environnementales, tout ce qui fait le modèle de société européen auquel nous sommes très attachés ». Mieux : à ceux qui l'accusaient de faire de son pays un paria, il a dit préférer « un isolement diplomatique à une coupure avec la société civile wallonne, dont des pans entiers (syndicats, ONG, agriculteurs…) s'opposent au traité » parce qu'il « sonne l'arrêt de mort de l'agriculture wallonne déjà en crise ».

    Un gouvernant qui se soucie de protéger l'agriculture et les services publics, il est vrai que c'est assez surprenant. Les hiérarques de la Commission européenne n'en reviennent pas. Pas plus que les gouvernants français, qui n'ont pas de mots assez durs pour le Tafta (du moins jusqu'en mai 2017), depuis qu'ils ont compris que les peuples s'y opposent farouchement, mais qui trouvent le Ceta tout à fait acceptable. À l'ultimatum qui lui était lancé, Paul Magnette (qui connaît son sujet : il est l'auteur d'une thèse sur Citoyenneté et construction européenne) a répondu qu'il laisserait se dérouler le processus démocratique. Étrange considération quand tout a été fait, depuis quarante ans, pour qu'aucun processus démocratique ne puisse entraver l'inexorable progression de la globalisation libre-échangiste déguisée en rêve européen. La Commission européenne avait d'abord essayé de faire qualifier le traité de « non-mixte    », ce qui signifie qu'il ne relève que de la responsabilité des instances européennes et pas des États. Raté. Il a donc fallu consentir à un vote des parlements.

    De partout, on entend les uns et les autres s'agacer que trois millions et demi de Wallons bloquent un traité qui concerne 500 millions d'Européens et qui est accepté par leurs représentants. Voilà qui nous prouve seulement que ces heureux Wallons sont les seuls à disposer encore de représentants qui les représentent vraiment, défendant leurs intérêts plutôt que les dogmes d'une oligarchie déterritorialisée et protégeant jalousement leur souveraineté, c'est-à-dire leur droit de décider de leur destin.

    Aussi, chers amis wallons, montrez-vous magnanimes envers des voisins nécessiteux. Prêtez-nous Paul Magnette pour cette élection de 2017 dont les enjeux essentiels sont d'ores et déjà évacués par nos candidats. Il est prédestiné. Le siège de la présidence wallonne, la Maison jamboise à Namur, est surnommé l'Élysette.  

    Natacha Polony

    On peut lire aussi ...

    Libre-échange : Waterloo pour le Ceta - Par Jean Quatremer [Libération]

  • Éric Zemmour : « May et Poutine écoutent leur peuple et défendent leur pays »

    Dernier G20, leur première rencontre ...

     

    Par Eric Zemmour

    Theresa May et Vladimir Poutine sont les deux mauvais élèves d'une petite classe européenne qui ne jure que par le droit et le marché. Zemmour analyse le phénomène dans cette chronique du Figaro [21.10] où il met en évidence les raisons de ce rejet par la classe dominante mondialisée : tous deux ont en commun d'assumer pleinement la souveraineté de leur nation et d'avoir défini un programme vraiment bâti pour en restaurer la puissance. Zemmour a raison et expose en creux ce dont, de fait, la France aussi a besoin. Lafautearousseau est sur cette ligne. C'est, en somme, au sens propre, une ligne d'action française qu'il nous faut !   LFAR

     
    522209694.4.jpgIls hantent tous deux les nuits d'Angela Merkel et de François Hollande. Ils n'ont pourtant pas grand-chose en commun. Ils s'affrontent même durement autour de l'Ukraine ou de la Syrie. Vladimir Poutine ne connaît pas encore Theresa May ; et celle-ci considère qu'elle en connaît déjà assez sur celui-là. Mais si tous deux sont devenus les têtes de Turcs favoris des grands médias internationaux et des principaux dirigeants de l'Union européenne, ce n'est pas un hasard. Avec Poutine, c'est désormais une vieille histoire. Géorgie, Ukraine, Syrie, on sait ce que reprochent les Occidentaux au Président russe. On connaît aussi les arguments de Poutine. C'est au fond à chaque fois la même chose : il défend les intérêts de son pays à ne pas voir les forces de l'Otan aux portes de la Russie d'une part, à conserver des alliés fidèles et à lutter, à l'intérieur comme à l'extérieur, contre l'offensive djihadiste venue du monde musulman. Avec Theresa May, c'est plus récent. Le nouveau premier ministre britannique a décidé de se soumettre à la volonté de son peuple, manifestée lors du référendum sur le Brexit. C'est peut-être ce que ne lui pardonnent pas les élites médiatiques, politiques et financières européennes.
    Mais, désormais, elle va plus loin. Elle fait du Margaret Thatcher à l'envers. C'est-à-dire avec la même détermination, mais pour conduire une politique exactement opposée. Thatcher, c'était le libéralisme, le libre-échange, la baisse des impôts, l'ouverture des frontières, les inégalités sociales, l'individu roi. Theresa May, ce sera le dirigisme de l'État dans l'économie, le protectionnisme, la préférence nationale, l'arrêt de l'immigration, la réduction des inégalités, la dénonciation « des élites cosmopolites et des citoyens du monde, qui ne sont de nulle part ». Ce sera aussi la préférence donnée à l'industrie sur la finance.
    Et, last but not least, le rejet de la tutelle des grands juges européens, Cour de justice de l'Union européenne et Cour européenne des droits de l'homme. Theresa May et Vladimir Poutine n'ont rien de commun, sauf d'assumer pleinement la souveraineté de leur nation. Et cela change tout. Aux deux extrémités du continent européen, ils sont les deux mauvais élèves d'une petite classe européenne qui ne jure que par le droit et le marché. Une petite classe européenne convaincue que l'origine des deux guerres mondiales du XXe siècle provient du déchaînement des nationalismes ; et que la disparition des nations assurera la paix.C'est cette illusion postnationale que ne partagent pas les Anglais et les Russes. Peut-être parce qu'ils furent les seuls à ne pas avoir été vaincus par l'Allemagne nazie ; les seuls à ne pas avoir été « libérés » de l'occupation allemande par les armées américaines. 
     
    « Theresa May, ce sera le dirigisme de l'État dans l'économie, le protectionnisme, la préférence nationale, l'arrêt de l'immigration, la réduction des inégalités » 

    Theresa May, ce sera le dirigisme de l'État dans l'économie 

    Eric Zemmour   

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    L’Angleterre et le grand Nihil

  • L’Angleterre et le grand Nihil

     

    Par Lars Klawonn

    A tous ceux, très nombreux, qui pensent que hors UE l’Angleterre est perdue, adressons un grand rire moqueur. L’inverse paraît plus probable.

     

    Grâce à la démocratie, tant haïe par les technocrates de Bruxelles, l’esprit de tempête redonne une âme au peuple anglais. La patience est une de leurs grandes qualités. Il a le don de subir longtemps sans broncher. Le goût du risque en est une autre. Les Anglais sont un peuple fier, pragmatique, libéral. Dans ce pays de libre échange et de commerce par excellence, l’aigle de la liberté a refait surface. C’est le peuple et non pas l’élite qui a rétabli la souveraineté que la Grande-Bretagne n’a d’ailleurs jamais entièrement abandonnée puisqu’elle avait conservé sa propre monnaie.

    L’Angleterre a montré un autre visage d’elle-même, un visage longtemps caché, celui de sa fibre patriotique. Je dis bien : l’Angleterre autrement dit le peuple et l’élite du pays. Il ne faut pas oublier que c’est le gouvernement qui a décidé de faire voter le peuple alors que la Constitution ne l’y obligeait pas de même qu’il n’est pas non plus légalement obligé de se tenir au résultat du vote. En guise de comparaison, les cantons et le peuple suisses ont un pouvoir constitutionnel non pas de consultation mais de décision. Or force est de constater que la liste des initiatives acceptées par le peuple mais non appliquées est déjà assez longue alors même que l’Assemblée fédérale est tenue par la Constitution, sur laquelle tous les membres ont prêté serment, de mettre en œuvre les décisions du peuple. Dernier exemple en date : l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse qui stipule l’introduction des contingents. A l’état actuel, une grande partie du parlement de même que le gouvernement cherchent à contourner les contingents… Cet irrespect envers le peuple exercé par les acolytes de Bruxelles qui siègent à Berne illustre parfaitement le divorce entre le peuple et son élite et la lente décomposition du système politique et démocratique de la Suisse. Ce ne paraît pas être le cas de l’Angleterre. Que le premier ministre britannique ait donne sa démission après le vote du Brexit, montre au contraire qu’il éprouve un certain respect pour le peuple car il est cohérent de dire qu’on ne peut pas défendre une politique que l’on a combattue auparavant. En Suisse, une telle chose est impensable. Même désavoués par le peuple, les conseillers fédéraux restent en place.

    Le resurgissement du la fibre patriotique n’explique pourtant pas tout. Les Anglais savent aussi raisonner terre à terre. Ils se sont dits qu’il y en avait marre de payer pour les autres alors qu’ils ont suffisamment de problèmes chez eux : chômage, islamisation massive des grandes villes, ghettoïsation, terrorisme, un taux de criminalité assez élevé. etc. Ils se sont dits que plutôt que de donner de l’argent aux autres, il valait mieux penser d’abord à soi-même. Chez les mondialistes multiculturels, ce raisonnement passe pour égoïste. Chez les autres, c’est le simple bon sens. Le même résultat sortirait des urnes si on donnait aux autres peuples riches la possibilité de s’exprimer sur la question. Et pourquoi ? Parce que c’est un raisonnement sain et juste. Il est insensé de demander des sacrifices à un peuple qui souffre déjà passablement dans son pays. Ce qui est injuste et égoïste, c’est la mondialisation sauvage car au nom d’une économie sans frontières, elle crée toujours plus d’inégalité entre les peuples forcés à se déplacer, de dépendance et de précarité chez les gens les plus pauvres. En engraissant les cadres, les bobos des métropoles, les décideurs économiques et politiques, et les fonctionnaires de l’UE, la politique de la mondialisation engendre les inégalités et le racisme qu’elle prétend combattre.

    Grâce à son peuple et grâce aux calculs stratégiques erronés de son élite trop convaincue que les Anglais voulaient rester au sein de l’UE, la grande nation qu’est l’Angleterre s’est réveillée. L’Angleterre relève la tête et regarde droit devant. L’Europe contient quatre grandes nations : l’Angleterre, la Russie, la France et l’Allemagne. L’Angleterre vient de se réveiller. Encore faudrait attendre pour voir si ce réveil est durable. La Russie est réveillée depuis la fin du régime sovietique et tellement réveillée qu’elle n’arrive même plus à dormir. La France continue obstinément de se renier et d’avoir honte de son passé, et l’Allemagne comme toujours tire son épingle de jeu dans le dos des autres. Elle exerce le pouvoir. Elle fait ce qu’elle a toujours su faire le mieux : travailler dur et imposer son pouvoir aux autres par la force. Et sa force, c’est actuellement l’Euro et l’austérité. Elle avance masquée sur l’échiquier de la guerre économique qu’on nous voile de concert derrière des beaux discours abstraits et vide de sens.

    La clique des moneymakers, des nihilistes, des cyniques, et des cruels rationalistes qui nous gouvernent se fiche éperdument d’être aimée. Les peuples ne les aiment pas mais ils s’en fichent. Tout ce qu’ils veulent, c’est imposer à tout le monde la nouvelle société. Et d’amasser chaque jour un peu plus de pactole, peu importent les dégâts qu’ils causent.

    Leurs mépris et leur dégoût de la vie sont incommensurables.

    Il nous faut en finir avec ces ogres voraces et sans scrupules, formés pour tuer la vie. Les gens n’ont pas besoin de leurs progrès et de leurs belles phrases encore moins. Ils ont besoin de choses concrètes, de leur pays et de leur langue ; de postes de travail à proximité, de sécurité et d’infrastructures. Ils ont besoin de la liberté d’entreprendre, d’une économie de proximité, d’une économie régionale et locale. Personne n’a envie d’acheter des produits chinois mais on n’a guère le choix. Ils ont besoin de propriété privée, ils ont besoin de faire des économies, ils ont besoin d’échanges et de partage.

    Ils ont besoin d’avoir un chez soi, de vivre, d’être heureux, de fonder une famille. Ils ont besoin de prospérité. Ils ont besoin d’être reliés à quelque chose ; ils ont besoin de sens, de plénitude et d’amour.

    Ils ont besoin de clarté, de courage et de détermination. La précarité est la dernière chose dont ils ont besoin. Mais c’est la première chose qu’on leur offre. 

    Lars Klawonn

    Journaliste culturel, collaborateur au journal La Nation (Lausanne), à la revue Choisir (Genève) et à la Nouvelle Revue Universelle

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  • Poutine ne viendra pas : Hollande joue contre la France ...

      

    Mur-bleu gds.jpgHollande bombe le torse et, telle la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf, fanfaronne d'une façon grotesque, jouant les durs, les forts, lui qui est mou et faible. Mais, comment des dirigeants peuvent-ils à ce point perdre le contact avec le réel pour ne plus avoir le sens - à défaut de l'intérêt national - au moins du ridicule ?
     
    Initialement, une visite du président russe était prévue à Paris, pour l'inauguration de la cathédrale orthodoxe russe édifiée tout à côté de la Tour Eiffel.
     
    La France, et l'Europe, ont besoin de l'alliance russe : une Eurasie, de Brest à Vladivostok, est une nécessité pour contrebalancer à la fois les puissances émergentes (d'ailleurs, pour certaines, déjà largement émergées ...) comme la Chine, l'Inde etc... mais aussi nos excellents amis de la Maison-Blanche, un endroit d'où l'on a presque constamment, tout au long de son histoire, « joué contre » la France.
     
    Or, François Hollande veut masquer son impuissance dans la crise syrienne : mais il en est le premier responsable - et coupable - par ses préjugés et son hostilité immodérée envers le régime de Bachar el Assad depuis le début de la guerre civile en Syrie. Il est stupéfiant de voir un dirigeant politique se laisser aveugler à ce point, au point de ne plus voir ce qui pourtant crève les yeux : il ne s'agit pas de faire d'Assad un modèle, mais de constater froidement et lucidement qu'il lutte sur le terrain contre l'Islam radical terroriste et, de fait, protège les minorités (dont les Chrétiens) contre la marée montante de l'islam-islamisme qui, au Moyen-Orient, submerge tout.
     
    Il y a quelques mois, Hollande-s'en-va-t-en-guerre s'était même couvert de ridicule lorsque, boutefeux irresponsable et presque puéril, il allait partir attaquer la Syrie avec... Obama ! Moins  aveugle - ou mieux conseillé... - que son homologue français, Obama s'était prudemment récusé à la dernière minute, laissant Hollande, embourbé pitoyable, opérer un « marche arrière toute » en catastrophe, offrant au monde un spectacle ravageur pour notre diplomatie et notre image de marque.
     
    Depuis Hollande et son sérail ressassent leur rancoeur et recuisent dans le jus d'une impasse où ils se sont mis eux-mêmes et qui, par définition, ne mène nulle part; et répètent, tels des perroquets, les mêmes mots et phrases grandiloquentes sur les « crimes de guerre », la « honte pour l'humanité » et autres incongruités du même tonneau, qui les coupent des réalités et les condamnent à l'impuissance. Ce qui ne serait pas bien grave s'il ne s'agissait que d'eux; mais, il s'agit de la France, de son image dans le monde, et du rôle qu'elle pourrait jouer - et ne joue pas - dans l'aire moyen-orientale à côté de ses alliés naturels, que tout lui désigne : en l'occurrence, ici, la Russie...
     
    A cela s'ajoute le sectarisme idéologique du Système, incarné justement par Hollande : lorsque la visite de Poutine était encore prévue, Hollande avait fait savoir qu'il n'accompagnerait pas le président russe à la cathédrale; et, véritable affront diplomatique, il convoquait presque le président russe à l'Elysée, pour parler... de la Syrie ! C'est sa version à lui - aux petits pieds - de « la dépêche d'Ems », en quelque sorte !
     
    Gageons que, s'il s'était agi d'inaugurer une mosquée, c'est tout le gouvernement au grand complet qui aurait été là, président en tête. Et notre Juppé-le-gauche, Juppé-l'Islam aurait certainement fait le voyage depuis Bordeaux !
     
    Mais là, il ne s'agit que d'une cathédrale chrétienne, et que des intérêts de la France : alors, vous comprenez bien qu'en haut lieu on s'en fiche éperdument !  •
  • Caroline Galactéros : « La décision de Vladimir Poutine déconsidère la diplomatie française »

     

    Par Caroline Galactéros       

    Après que Vladimir Poutine a annoncé le report de sa visite à Paris où il devait rencontrer François Hollande, Caroline Galactéros considère cette décision comme la suite logique d'un amateurisme complet de la France en Syrie et ailleurs dans le monde. [Figarovox 11.10]. Elle publie ici une longue tribune, analyse très documentée, lucide, réaliste, sans concession et d'une extrême sévérité - hélas, fondée - pour le jeu diplomatique et politique français. Nous conseillons sa lecture à tout ceux qu'intéresse l'avenir géopolitique de notre pays, de l'Europe et du monde, à une heure où risques et dangers s'accumulent gravement.  Lafautearousseau 

     

    XVMc888ac08-8fa0-11e6-a7ba-d475ba06051a-100x100.jpgDécouvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu'elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l'on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l'Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame - à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l'ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l'arrêt des combats et des bombardements sur l'est de la ville (dont elle feint de croire qu'il n'est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l'acheminement de l'aide humanitaire et la reprise du processus de négociation.

    Que dire de cette initiative, apparemment inspirée par une indignation vertueuse face au drame bien réel vécu par la population d'Alep-Est, à un moment où la tension russo-américaine monte dangereusement et peut faire craindre un dérapage militaire sur le terrain que certains, à Washington et à l'OTAN, appellent ouvertement de leurs vœux ? S'agit-il d'une nouvelle salve d'irénisme aveugle et de « pensée magique », funeste version 2016 de « Boucle d'or au Pays des trois ours » découvrant une intrusion dans sa maisonnette idyllique ? Ou d'une gesticulation habile mais dangereuse qui n'a pour but, en prétendant débloquer la situation, que de jouer les utilités au profit de Washington en fossilisant un peu plus les positions des deux camps qui s'affrontent désormais ouvertement sur le corps exsangue de la nation syrienne ? Difficile de démêler la part de négation du réel de celle de l'alignement sur ce que l'on présente comme « le camp du Bien » … et de nos intérêts nationaux, si mal évalués pourtant.

    Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l'indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L'évidence crève l'écran. « L'Occident » ne mène pas la guerre contre l'islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle : il le nourrit, le conseille, l'entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d'action sert d'épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste « respectable » l'avalanche de djihadistes sunnites d'obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d'ailleurs pas plus que nous l'Etat islamique mais s'acharnent sur le régime syrien. Et l'Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d'être intronisés comme « légitimes » et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l'Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré.

    Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n'ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l'Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter « à la source » le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d'Asie centrale et du Caucase. Et l'a saisie.

    Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l'équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s'est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l'ennemi - qui observe notre incohérence diplomatique et politique -, qu'elle pratique admirablement le grand écart stratégique... aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad... tout en prétendant profiter du marché iranien entre-ouvert …. et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu ? C'est de l'opportunisme à très courte vue, mais plus encore un hiatus stratégique béant et la manifestation d'une totale incompréhension du réel.

    De telles contradictions ne peuvent s'expliquer que par notre entêtement à vouloir en finir avec le régime syrien actuel dont nul n'imaginait qu'il résisterait si longtemps aux feux croisés de l'Amérique et de ses alliés sunnites. L'exigence américaine - reprise à son compte par Paris - d'une cessation des bombardements aériens sur Alep-Est « pour raisons humanitaires » aurait permis en fait de laisser les islamistes de la ville (soit rien moins qu'Al Nosra et consorts) se refaire une santé militaire en se servant des civils comme de boucliers humains, de poursuivre leurs tirs d'obus sur la partie ouest de la ville et d'empêcher Damas et Moscou de faire basculer décisivement le rapport de force militaire en faveur de l'Etat syrien dans le cadre d'une négociation ultime. Qui a d'ailleurs fait échouer le cessez le feu signé le 9 septembre dernier à Genève ? Les groupes terroristes qui n'en voulaient pas et les Etats-Unis qui ont bombardé les forces syriennes à Deir el Zor et ouvert la voie aux forces de l'Etat Islamique. Encore un accord de dupes.

    Temps court versus temps long, individu versus groupe, froideur politique versus empathie médiatique (sélective): on se refuse à voir, dans nos démocraties molles, que la véritable action stratégique, pour être efficace, ne peut prendre en compte que des nombres, des masses, des ensembles, des mouvements, des processus, quand toute l'attention médiatique et la gestion politicienne des crises, elles, veulent faire croire que l'individu est central et se concentrent sur la souffrance et le sort des personnes, alors que celles-ci sont depuis toujours et sans doute pour encore longtemps sacrifiées à la confrontation globale et brutale entre Etats. Les images terrifiantes de la guerre au quotidien masquent la réalité d'un affrontement sans scrupules de part et d'autre, dont en l'espèce les malheureux Syriens ne sont même plus les enjeux mais de simples otages.

    L'impensé du discours français n'en reste pas moins le suivant : si Assad, « bourreau de son propre peuple » selon l'expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte-on le remplacer ? A qui sera livrée la Syrie, « utile » ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement « exfiltré » vers d'autres macabres « territoires de jeu », en Libye par exemple ? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d'Etat ? Quels individus veut-on mettre au pouvoir ? Les pseudo « modérés » qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l'œil de Genève ? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom - Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu ? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n'attendent qu'un « go » pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, « par erreur » naturellement ? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l'Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles - apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps ?

    Croit-on sérieusement que l'on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux « patrons » du pays qui se financent dans le Golfe - dont nous sommes devenus les obligés silencieux -, et dont l'agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences « démocratiques » ? Ne comprend-on pas qu'ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu'entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel ? … « Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir? je ne vois que l'herbe qui verdoie et la terre qui poudroie » … Quelle naïveté, quelle ignorance, quelle indifférence en fait !

    L'interview accordée le 5 octobre dernier par notre ministre des Affaires étrangères à la veille de son départ pour Moscou à Yves Calvi sur LCI est à cet égard, un morceau de bravoure édifiant, qui escamote la réalité et brosse un paysage surréaliste du conflit et de ce qu'il faudrait y comprendre et en attendre.

    Florilège et exégèse…

    « La guerre ne sert à rien. Elle ne fait que renforcer les djihadistes »

    Est-ce à dire qu'il faut les laisser faire, leur donner les clefs du pays et prier peut-être, pour qu'ils ne massacrent pas les minorités qui y demeurent encore et instaurent la démocratie ? Faut-il ne plus agir en espérant qu'ils vont s'arrêter ? De qui se moque-t-on ? Adieu Boucle d'Or. Nous sommes au Pays des rêves bleus de Oui-Oui…

    Les Russes, qui se disent satisfaits de l'efficacité de leurs frappes contre les terroristes d'Alep-Est « sont cyniques » … Qui est cynique ici ? Celui qui déforme la réalité d'un affrontement pour ne pas avouer qu'il est (avec d'autres) à la manœuvre d'une déstabilisation d'Etat par des groupuscules terroristes liés à Al-Qaïda (matrice de Daech) sous couvert d'aspiration à la démocratie ? Ou ceux qui cherchent à réduire l'emprise djihadiste et à renforcer des structures d'Etat laïques avec ou sans Bachar ?

    « La politique de la France est claire… Nous avons une stratégie, une vision. »

    Ah ? ! Laquelle ? Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets : action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s'emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens.

    En dépit de l'excellence de nos forces armées, de la présence du Charles de Gaulle sur zone et de nos missions aériennes soutenues, Paris n'est diplomatiquement et stratégiquement plus nulle part en Syrie, et depuis longtemps. Par dogmatisme, par moralisme, par notre parti pris immodéré pour les puissances sunnites de la région, nous nous sommes engouffrés dans un alignement crédule sur la politique américaine qui s'est en plus retournée contre nous dès l'été 2013, lorsque Barack Obama a dû renoncer à frapper directement Damas au prétexte d'un usage d'armes chimiques qui n'a d'ailleurs jamais été confirmé. Un camouflet d'autant plus lourd à porter que notre ancien ministre des affaires étrangères avait jugé bon, dès août 2012, de dire que « Bachar el Assad ne méritait pas d'être sur terre » et, en décembre 2012, « qu'Al Nosra faisait du bon boulot ». L'Etat Français a d'ailleurs été poursuivi - en vain à ce jour - pour ces déclarations ministérielles qui ont de facto encouragé le prosélytisme islamiste et le terrorisme en présentant le départ pour la Syrie à des apprentis djihadistes français comme une œuvre politique salutaire, avec les résultats que l'on connaît sur le territoire national. N'en déplaise à Monsieur Ayrault, la France n'est ni écoutée, ni considérée, ni attendue sur le dossier syrien. Elle en est réduite à servir de go between entre Washington et Moscou lorsque ceux-ci ne peuvent plus se parler et qu'il faut faire semblant, une fois encore, de rechercher un compromis et d'amener Moscou à lever le pied d'une implication trop efficace à notre goût.

    « Si le choix est entre Bachar et Daech, il n'y a pas de choix. »

    Mais c'est pourtant le cas, ne nous en déplaise. Nous combattons l'Etat islamique pour la galerie, sans grande conviction ni détermination politique, de très haut, par des frappes qui sans présence terrestre demeurent symboliques. Pour Moscou, au contraire, il n'existe pas « d'islamistes modérés » ; combattre le terrorisme revient à combattre l'EI mais aussi ses avatars locaux innombrables à tout prix, y compris au prix de pertes civiles importantes. Et c'est aujourd'hui la Russie qui, dans les airs mais aussi au sol, avec l'Iran et le régime syrien, « fait la guerre », se bat contre le terrorisme islamiste qui menace tout l'Occident, gangrène nos vieilles sociétés repues et pacifiques et nous prend pour cible. Ils « font le job ». Un horrible job. Dans l'immédiat, il faut choisir entre le soutien à l'Etat syrien - que le régime d'Assad incarne-, et DAECH et Cie.

    Le sommet est atteint à la fin de l'intervention ministérielle, lorsque l'on apprend que « la Syrie future devra être unitaire, avoir des structures étatiques stables, être protectrice de toutes ses minorités, mettre en place des institutions solides, contrôler son armée et ses Services… » (sic)! Les bras nous en tombent. Voici décrite…la Syrie d'avant la guerre ! Ce terrifiant carnage n'aurait-il donc été qu'un coup d'épée dans l'eau ?

    Mais le pire était à venir. Ce matin, nous avons franchi un nouveau seuil dans le ridicule et le suicide politique. Au moment où il est d'une extrême urgence de se parler enfin à cœur ouvert, de dire la vérité, d'abandonner les poses et les anathèmes, de ne plus se tromper d'ennemi, de faire front commun - comme l'ont proposé les Russes depuis des lustres -, contre l'islamisme qui a décidé notre perte et s'esclaffe de notre ahurissante naïveté et de notre faiblesse, le président de la République française s'interroge publiquement, de bon matin, dans une émission de divertissement, devant l'animateur Yann Barthes sur TMC, sur l'opportunité de recevoir Vladimir Poutine à Paris le 19 octobre prochain! « P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non …» La réponse de Moscou à cette insulte ne s'est pas fait attendre : le Président russe ne viendra pas. Nous sommes au fond du fond du fond de l'impuissance politique et l'on se laisse couler, saisis par l'ivresse des profondeurs en croyant surnager.

    Hauteur de vue et profondeur de champ, véritable souci pour la souffrance humaine : la realpolitik est la solution, pas le mal. La confusion permanente entre l'Etat syrien et le régime syrien nourrit la guerre. C'est l'Etat qu'il faut aider à survivre à l'offensive islamiste au lieu d'encourager les mouvements terroristes à le déstructurer. Le sort de Bachar el Assad est à la fois central et accessoire. Si l'Etat syrien devait tomber sous la coupe de DAECH ou sous celle d'Al Nostra et de ses avatars, alors ce seront les massacres communautaires et le chaos. Qui aura alors des comptes à rendre pour les avoir laissé advenir ? 

    Caroline Galactéros  

    Docteur en Science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros dirige le cabinet d'intelligence stratégique « Planeting ». Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a publié Manières du monde. Manières de guerre (Nuvis, 2013) et Guerre, Technologie et société (Nuvis, 2014).