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Actualité Europe - Page 55

  • Attentats à Paris et à Bruxelles : « C'est l'ennemi qui nous désigne »

     

    Pour comprendre la guerre qui oppose l'Europe à l'islamisme, Mathieu Bock-Côté nous invite à redécouvrir Julien Freund. [Figarovox 1.04] A travers Freund, il nous invite ici à renouer avec les fondements du politique, à rejeter l'universalisme radical, à refuser ce que Maurras eût appelé les nuées, à opérer ce que Thibon nommait retour au réel. « Contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre ». Sa conception du politique et de l'histoire, son anthropologie même, nous ramènent à Bainville et Maurras. A toute l'école d'Action française. Face à cet épuisement de l'identité européenne - dont le constat nous est familier grâce à Jean-François Mattei - Mathieu Bock-Côté nous conduit, comme jadis Pierre Boutang, à la redécouverte d'une pensée qui sauve. Une pensée des profondeurs qui ressurgit des lointains de notre Histoire. Nous sommes ici dans un paysage familier.  Lafautearousseau  

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgPendant un bon moment, la figure de Julien Freund (1921-1993) a été oubliée. Il était même absent du Dictionnaire des intellectuels français paru en 1996 au Seuil, sous la direction de Jacques Julliard et Michel Winock, comme si sa contribution à la vie des idées et à la compréhension du monde était insignifiante. Son œuvre n'était pas rééditée depuis 1986. L'ancien résistant devenu philosophe qui refusait les mondanités parisiennes et la vision de la respectabilité idéologique qui les accompagne œuvrait plutôt en solitaire à une réflexion centrée sur la nature du politique, sur la signification profonde de cette sphère de l'activité humaine.

    Son souvenir a pourtant commencé à rejaillir ces dernières années. Après avoir réédité chez Dalloz en 2004 son maître ouvrage, L'essence du politique, Pierre-André Taguieff lui consacrait un petit ouvrage remarquablement informé, Julien Freund: au cœur du politique, à La Table Ronde en 2008. En 2010, certains des meilleurs universitaires français, parmi lesquels Gil Delannoi, Chantal Delsol et Philippe Raynaud, se rassemblaient dans un colloque consacré à son œuvre, dont les actes seront publiés en 2010 chez Berg international. Son œuvre scientifique y était explorée très largement.

    Mais ce sont les événements récents qui nous obligent à redécouvrir une philosophie politique particulièrement utile pour comprendre notre époque. L'intérêt académique que Freund pouvait susciter se transforme en intérêt existentiel, dans une époque marquée par le terrorisme islamiste et le sentiment de plus en plus intime qu'ont les pays occidentaux d'être entraînés dans la spirale régressive de la décadence et de l'impuissance historique. Freund, qui était clairement de sensibilité conservatrice, est un penseur du conflit et de son caractère insurmontable dans les affaires humaines.

    Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine.

    Dans son plus récent ouvrage, Malaise dans la démocratie (Stock, 2016), et dès les premières pages, Jean-Pierre Le Goff nous rappelle ainsi, en se référant directement à Freund, que quoi qu'en pensent les pacifistes qui s'imaginent qu'on peut neutraliser l'inimitié par l'amour et la fraternité, si l'ennemi décide de nous faire la guerre, nous serons en guerre de facto. Selon la formule forte de Freund, « c'est l'ennemi qui vous désigne ». C'est aussi en se référant au concept d'ennemi chez Freund qu'Alain Finkielkraut se référait ouvertement à sa pensée dans le numéro de février de La Nef.

    En d'autres mots, Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine. Et contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre, Freund rappelait que la guerre était un fait politique insurmontable et que l'accepter ne voulait pas dire pour autant la désirer. C'était une philosophie politique tragique. Mais une philosophie politique sérieuse peut-elle ne pas l'être ?

    La scène commence à être connue et Alain Finkielkraut l'évoquait justement dans son entretien de La Nef. Freund l'a racontée dans un beau texte consacré à son directeur de thèse, Raymond Aron. Au moment de sa soutenance de thèse, Freund voit son ancien directeur, Jean Hyppolite, s'opposer à sa vision tragique du politique, en confessant son espoir de voir un jour l'humanité se réconcilier. Le politique, un jour, ne serait plus une affaire de vie et de mort. La guerre serait un moment de l'histoire humaine mais un jour, elle aurait un terme. L'humanité était appelée, tôt ou tard, à la réconciliation finale. Le sens de l'histoire en voudrait ainsi.

    Freund répondra qu'il n'en croyait rien et que si l'ennemi vous désigne, vous le serez malgré vos plus grandes déclarations d'amitié. Dans une ultime protestation, Hyppolite dira qu'il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans son jardin. Freund aura pourtant le dernier mot : si l'ennemi le veut vraiment, il ira chercher Jean Hyppolite dans son jardin. Jean Hyppolite répondra terriblement : « dans ce cas, il ne me reste plus qu'à me suicider ». Il préférait s'anéantir par fidélité à ses principes plutôt que vivre dans le monde réel, qui exige justement qu'on compose avec lui, en acceptant qu'il ne se laissera jamais absorber par un fantasme irénique.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence.

    La chose est particulièrement éclairante devant l'islamisme qui vient aujourd'hui tuer les Occidentaux dans leurs jardins. Les élites occidentales, avec une obstination suicidaire, s'entêtent à ne pas nommer l'ennemi. Devant des attentats comme ceux de Bruxelles ou de Paris, elles préfèrent s'imaginer une lutte philosophique entre la démocratie et le terrorisme, entre la société ouverte et le fanatisme, entre la civilisation et la barbarie. On oublie pourtant que le terrorisme n'est qu'une arme et qu'on n'est jamais fanatique qu'à partir d'une religion ou idéologie particulière. Ce n'est pas le terrorisme générique qui frappe les villes européennes en leur cœur.

    On peut voir là l'étrange manie des Occidentaux de traduire toutes les réalités sociales et politiques dans une forme d'universalisme radical qui les rend incapables de penser la pluralité humaine et les conflits qu'elle peut engendrer. En se délivrant de l'universalisme radical qui culmine dans la logique des droits de l'homme, les Occidentaux auraient l'impression de commettre un scandale philosophique. La promesse la plus intime de la modernité n'est-elle pas celle de l'avènement du citoyen du monde ? Celui qui confessera douter de cette parousie droit-de-l'hommiste sera accusé de complaisance réactionnaire. Ce sera le cas de Freund.

    Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence. C'est ce portrait que donnent les nations européennes lorsqu'elles s'imaginent toujours que l'islamisme trouve sa source dans l'islamophobie et l'exclusion sociale. On n'imagine pas les nations occidentales s'entêter durablement à refuser de particulariser l'ennemi et à ne pas entendre les raisons que donnent les islamistes lorsqu'ils mitraillent Paris ou se font exploser à Bruxelles. À moins qu'elles n'aient justement le réflexe de Jean Hyppolite et préfèrent se laisser mourir plutôt que renoncer à leurs fantasmes ?

    Dans La fin de la renaissance, un essai paru en 1980, Freund commentait avec dépit le mauvais sort de la civilisation européenne: « Il y a, malgré une énergie apparente, comme un affadissement de la volonté des populations de l'Europe. Cet amollissement se manifeste dans les domaines les plus divers, par exemple la facilité avec laquelle les Européens acceptent de se laisser culpabiliser, ou bien l'abandon à une jouissance immédiate et capricieuse, […] ou encore les justifications d'une violence terroriste, quand certains intellectuels ne l'approuvent pas directement. Les Européens seraient-ils même encore capables de mener une guerre » ?

    On peut voir dans cette dévitalisation le symptôme d'une perte d'identité, comme le suggérait Freund dans Politique et impolitique. «Quels que soient les groupements et la civilisation, quelles que soient les générations et les circonstances, la perte du sentiment d'identité collective est génératrice et amplificatrice de détresse et d'angoisse. Elle est annonciatrice d'une vie indigente et appauvrie et, à la longue, d'une dévitalisation, éventuellement, de la mort d'un peuple ou d'une civilisation. Mais il arrive heureusement que l'identité collective se réfugie aussi dans un sommeil plus ou moins long avec un réveil brutal si, durant ce temps, elle a été trop asservie ».

    Le retour à Freund est salutaire pour quiconque veut se délivrer de l'illusion progressiste de la paix perpétuelle et de l'humanité réconciliée. À travers sa méditation sur la violence et la guerre, sur la décadence et l'impuissance politique, sur la pluralité humaine et le rôle vital des identités historiques, Freund permet de jeter un nouveau regard sur l'époque et plus encore, sur les fondements du politique, ceux qu'on ne peut oublier sans se condamner à ne rien comprendre au monde dans lequel nous vivons. Si l'œuvre de Freund trouve aujourd'hui à renaître, c'est qu'elle nous pousse à renouer avec le réel. 

    FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté                       

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Des flots ininterrompus

     

    par Jean-Baptiste d’Albaret

     

    A l’heure où nous bouclons ce numéro, les terroristes ont encore frappé. Trois jours après l’arrestation du dernier responsable en vie de la tuerie du 13 novembre à Paris, Salah Abdeslam, l’aéroport et le métro de Bruxelles ont été visés par des attaques meurtrières. C’est-à-dire que les terroristes, en dépit d’une présence policière massive, ont frappé, dans une sorte de riposte, le cœur du quartier européen de la capitale belge. Ainsi est l’ennemi islamiste : tapi au sein des populations, trouvant refuge dans des quartiers où il est protégé, il peut frapper n’importe où, n’importe quand, avec une rapidité d’exécution sans faille. L’idéologie dominante qui, il y a peu encore, osait parler d’« actes isolés », de « loups solitaires », voire même de simples « déséquilibrés », vole en éclat de façon dramatique. La vérité, c’est que le djihadisme, structuré et organisé, possède des réseaux et des relais partout en Europe. Nos élites dirigeantes ont laissé prospérer un communautarisme islamique en se voilant la face pour ne rien voir. Pour ces bonnes âmes, l’islam n’est-il pas la religion des réprouvés ? Leur responsabilité est aujourd’hui écrasante. Du renversement de Kadhafi, au moment même où le monde arabe implosait sous le coup de « printemps » prétendument « démocratiques » mais qui bénéficièrent d’abord aux islamistes de toutes obédiences, à la gestion de la crise syrienne, aboutissant au financement et à l’armement de groupes islamistes radicaux à seule fin de faire tomber Bachar al-Assad, le même humanitarisme manichéen a prévalu pour aboutir à ce désastre. Désastre consommé avec la décision abracadabrante et unilatérale d’Angela Merkel d’inviter tout le monde en Europe, provoquant un exode massif vers le Continent.

    Plus encore que la menace d’un Brexit, la crise migratoire pourrait porter le coup de grâce à une Europe qui ressemble de plus en plus à une citadelle assiégée, hérissée de barbelés. On le lira dans les pages de ce numéro de Politique magazine. Après 1,25 million de migrants en 2015, 250 000 sont déjà arrivés en Europe depuis le début de l’année, dont 150 000 en Grèce selon l’Organisation internationale pour les migrations. L’Allemagne d’Angela Merkel prévoit ainsi d’accueillir jusqu’à 3,6 millions de personnes d’ici à 2020 ! Loin de se tarir, le flot migratoire continue de jaillir sans interruption.

    Ce n’est pas l’accord signé le 18 mars entre Ankara et l’Union européenne qui résoudra le problème tant il paraît d’ores et déjà voué à l’échec. Pays en faillite et à l’état déficient, la Grèce n’a évidemment pas les moyens de fermer la « route de la mer Egée » ni de contrôler efficacement ses frontières. Organiser le renvoi systématique des arrivants vers la Turquie, même avec l’aide de l’Union européenne, est tout simplement pour elle une « tâche herculéenne », comme l’a dit, dans un trait d’humour involontaire, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Et c’est Erdogan qui se frotte les mains ! Une fois de plus, le régime turc, passé maître dans l’art du double-jeu, roule les Européens dans la farine.   

    Au terme de cet accord – concocté en toute opacité, selon son habitude, par Angela Merkel –, la Turquie empoche 6,6 milliards d’euros, en principe destinés à financer l’accueil des quelques 2,7 millions de réfugiés qu’elle abrite déjà sur son sol. Mais elle repart aussi avec la promesse d’une libéralisation des visas pour ses compatriotes et d’une prochaine réouverture des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Pendant ce temps, ses forces armées continuent de massacrer les Kurdes qui sont nos alliés dans la lutte contre l’état islamique. état islamique qui vient de revendiquer les attentats de Bruxelles. Comprenne qui pourra… 

    Rédacteur en chef de Politique magazine

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    Avril 2016 - Editorial

  • La une de Charlie Hebdo qui a indigné les Belges ... et nous avec

    Repris du site belge Canoë [30.03]

     

    Alors que Charlie Hebdo a suscité une grande indignation en Belgique avec sa nouvelle une sur les attentats de Bruxelles, des internautes mécontents ont décidé de détourner l'image du magazine satirique français.

    La nouvelle couverture de Charlie Hebdo n'arrête pas de faire réagir. Dévoilée mardi, l'illustration montrant le chanteur belge Stromae chanter Papa où t'es, entouré de morceaux de corps déchiquetés, n'était pas du goût de tout le monde.

    Des internautes belges indignés ont parodié la une choc du magazine satirique. Sur une image portant comme titre « La réponse des Belges à la une de Charlie Hebdo », on peut voir en toile de fond le drapeau tricolore français avec en avant plan le célèbre personnage de bande dessinée Charlie. Une référence à peine masquée à l'attaque terroriste dont Charlie Hebdo a été victime en janvier 2015 et de la vague de sympathie qui s'en était suivie avec le désormais célèbre « je suis Charlie ».

    Le personnage au chandail rayé blanc et rouge, crayon à la main, verse une larme en demandant « où est Charlie ». Autour de lui, les mêmes morceaux de corps déchiquetés que l'illustration originale de Charlie Hebdo répondent « ici », « là », « et là aussi ». Peut-on parler d'arroseur arrosé ? 

    En tout cas, ils n'ont pas volé la réplique belge !

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  • David Cameron : « Nous sommes un pays chrétien et fier de l’être ! »

    Par cette phrase, c’est tout un pays qui relève la tête, assumant tranquillement son identité

     

    par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 30.03 

     

    6a5f58eaa6107945b448b426f88749e4.jpeg.jpgOn ricane. On se paie leur tête. On se moque de leur mâchoire chevaline, de leur cuisine improbable, de leurs ressortissantes mal sapées. On dit d’eux qu’ils sont l’ennemi héréditaire. Er merde pour le roi d’Angleterre ! On jure qu’on ne leur pardonnera jamais Mers el-Kébir, ni Waterloo, ni Trafalgar, ni Azincourt, ni surtout la petite Jeanne, dont on vient d’ailleurs de leur piquer l’anneau, parce que c’est nous les plus beaux. Ils veulent le récupérer, ils peuvent aller se brosser.

    Mais parfois, on les jalouse. On les envie. En plus de l’anneau, ils ont dû garder par-devers eux un autre trésor caché que nous autres avons bazardé : un restant d’âme.

    « Oui, nous sommes un pays chrétien et fier de l’être », a dit le Premier ministre David Cameron le jour de Pâques. « Au cœur de toutes les actions de gentillesse et de courage, il y a les valeurs et les croyances qui ont fait de notre pays ce qu’il est. Des valeurs de responsabilité, de travail, de charité, de compassion, la fierté de travailler pour le bien commun et d’honorer les obligations sociales que nous avons les uns pour les autres, pour nos familles, pour nos communautés. Nous chérissons ces valeurs. Ce sont des valeurs chrétiennes. »

    On ne mesure pas la force symbolique de cette déclaration, qu’il serait faux d’interpréter comme des vœux obligés à destination d’une communauté.

    Par cette phrase, c’est tout un pays qui relève la tête, assumant tranquillement son identité.

    Par cet hommage rendu à la religion qui a imprégné son humus et fait fleurir ses valeurs, c’est tout un pays qui se réarme culturellement – pour ne pas dire spirituellement -, préambule indispensable, dans le combat contre les islamistes, au réarmement militaire : le premier champ de bataille, celui sur lequel l’Occident, impuissant, désorienté, tombe comme à Gravelotte, est ce terrain impalpable.

    Par cette reconnaissance, c’est tout un pays qui est concerné, et pas seulement la partie croyante ou pratiquante de celui-ci, car il en est de la culture religieuse comme de la culture générale : c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Un missionnaire se plaisait à raconter que si l’on n’aimait rien tant, en Afrique, que confier la gérance des entreprises à des Occidentaux, c’était parce qu’on les savait pétris de ces valeurs bénédictines que sont la ponctualité, la rigueur, l’amour du travail bien fait, quand bien même les gaillards en question ne croyaient ni à Dieu ni à diable.

    « Quand nous voyons, en 2016, des chrétiens être persécutés pour leur foi en d’autres parties du monde, nous devons nous affirmer aux côtés de ceux qui pratiquent leur foi avec courage », a encore rajouté Cameron, en ce week-end de Pâques au cours duquel, à Lahore, des dizaines de chrétiens pakistanais ont été assassinés.

    Et cette identification, cette mise en avant de leur passion comme aiguillon pour nous affirmer enfin, vaut mille marques de compassion. Compassion dont n’a pas été seulement capable de faire montre notre gouvernement qui, évoquant les attentats pakistanais, a soigneusement évité le mot « chrétien »

    Nous ne leur rendrons pas l’anneau. Mais on peut leur filer en échange tout un lot de veaux, de sots, de zozos, de manchots. Inutile, ceux-là, de les mettre aux enchères : ils ne valent pas cher. 

    Gabrielle Cluzel

    Ecrivain, journaliste

    Son blog

  • Europe se déshabille

     

    Par Jean-Louis Faure 

     

    Revenons sur une information économique* passée quasiment inaperçue.

    L’électronique de Défense d’Airbus est rachetée par le fond d’investissement américain KKR.

    Le périmètre de cette activité, qui génère 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires environ par an, inclut les capteurs militaires, la guerre électronique, l'avionique et l'optronique, bref tout ce que l’on appelle du terme générique de Haute Technologie ou Techniques Avancées. Domaine où la France est en tête de classement mondial.

    On imagine un instant une opération financière similaire pour acheter des activités aussi stratégiques et sensibles dans l’industrie américaine, et ce que serait la réaction de l’administration : tout serait immédiatement bloqué au nom de la protection du savoir, du secret de Défense Nationale, ou plus largement des intérêts américains.

    Et pour montrer à quel point, notre haute administration et notre monde politique sont déboussolés, souvenons nous des hurlements quand le PDG d’Alstom a dévoilé que la division turbines de son groupe allait être vendue à General Electric. Montebourg à la tribune de l’AN, cette activité transférée chez les Américains signait la fin du monde … C’est le genre de tintamarre qui me parait toujours suspect. Surtout quand se joignent aux roulements de tambours une cohorte d’officines « d’intelligence économique », agitant des arguments peu documentés et peu sérieux. Il s’agissait manifestement d’avoir la peau de Patrick Kron, comme ledit Montebourg s’en était pris à la famille Peugeot. En l’espèce, les liens de GE avec la France sont anciens et d’une grande complicité, quand on connaît la part de cette entreprise américaine dans l’électronique médicale ultramoderne, et aussi dans le co-dévellopement avec SAFRAN (ex-SNECMA) des plus beaux moteurs d’avions gros porteurs, très en avance sur ses concurrents dans le monde.

    Rien de tel ici. KKR n’est rien d’autre qu’un fond d’investissement agissant en prédateur international au profit du complexe militaro-industriel de son pays, les États-Unis d’Amérique. Il faut avoir perdu tout bon sens pour laisser partir ainsi un fleuron de notre haute technologie. Les Allemands sont décidément de plus en plus décevants; mais à leur décharge nous n’avons plus les organisations crédibles en France qui permettraient de sérieusement « leur tirer les oreilles ». Notre ami le député maire souverainiste de Maisons-Laffitte, Jacques Myard vient d’interpeller par question écrite à l’AN, le ministre de la Défense. Que va-t-il répondre entre deux réunions dans sa région ? On espère qu’il est informé … 

    * http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/airbus-vend-son-electronique-de-defense-au-fonds-kkr-558125.html

  • Crise migratoire : la rupture historique qui pourrait emporter l'Europe

     

    Face à la crise migratoire, il n'est pas impossible que l'on assiste à un événement historique qui marque la fin de l'Europe comme construction politique et la déstabilisation durable des sociétés européennes, estime le Groupe Plessis [Figarovox du 18.03]. Ce groupe de hauts fonctionnaires nous paraît faire une analyse réaliste de notre situation, renvoyant dos à dos droite et gauche, l'une et l'autre incapables d'y faire face. On notera la conclusion de cette réflexion qui mérite décidément notre attention : « ... il manque une voix, respectée et crédible, sérieuse, volontaire et patriote (...). Nous, comme bien d'autres, attendons l'émergence de cette personnalité. » Quant à nous, on le sait, nous proposons que cette personnalité incarne non pas seulement une individualité, passagère, éphémère, toujours contestable, mais une institution pérenne, garante de la tradition nationale.  Lafautearousseau

     

    Les migrations posent désormais à l'Europe un défi existentiel. Ne soyons pas naïfs, la déferlante migratoire, si rien de sérieux n'est fait, n'est pas près de s'arrêter. Ce mouvement massif de populations, engagé depuis des décennies, s'est brusquement accéléré avec la crise libyenne qui a ouvert l'accès de la Méditerranée centrale aux migrants africains. Il s'est encore amplifié avec la crise syrienne, ouvrant les routes des Balkans et de la Méditerranée orientale à un nouveau flux massif en provenance du Proche et du Moyen-Orient, mais également d'Afghanistan et du Pakistan. Il n'y a aucune raison, en l'état actuel des choses, de penser que ce mouvement s'épuisera de lui-même, bien au contraire: les candidats au départ se comptent par millions. Et la nouveauté pour l'Europe, c'est à présent une vague d'immigration clandestine algérienne !

    A cette crise migratoire, profondément déstabilisatrice pour les nations européennes, s'est ajouté le risque terroriste. Des indications convergentes montrent que des combattants de Daech, par centaines et peut-être par milliers, profitent de ce flux pour infiltrer l'Europe. Dernier en date, le général Breedlove, commandant les forces de l'OTAN en Europe, déclarait le 1er mars dernier devant le comité des forces armées du Sénat américain, que « l'Europe fait face à l'inquiétant défi de ces migrations de masse enclenchées par l'instabilité et l'effondrement des Etats et masquant les déplacements de criminels, de terroristes et de combattants étrangers. Dans ce mélange, l'Etat islamique se répand comme un cancer…» . De son côté, le directeur d'Europol estime entre 3 000 et 5 000 le nombre des djihadistes infiltrés en Europe . Nombre d'entre eux sont certainement passés parmi les migrants, à l'instar de plusieurs des assassins de l'attentat de novembre et du 4ème commando dont on vient d'apprendre l'existence. D'ailleurs, Manuel Valls a reconnu lui-même que plusieurs terroristes « ont profité de la crise des migrants pour se glisser en France » .

    Préoccupante également la proportion d'hommes jeunes parmi ces migrants. Les populations déplacées par la guerre sont, comme c'est le cas d'ailleurs dans les camps en Turquie , généralement composées au moins à parts égales de femmes et d'hommes. Or, d'après les statistiques d'Eurostat , 72% des demandeurs d'asile en Europe en 2015 sont des hommes, à tel point qu'en Suède désormais, le rapport hommes/femmes des 16/18 ans s'établit à 123 pour 100, soit une proportion plus dégradée qu'en Chine …

    D'autres signes alarmants sont apparus : les agressions de Cologne et les événements similaires révélés depuis, les attaques de chrétiens dans des foyers de réfugiés en Allemagne, les avertissements d'autorités religieuses du Levant. Alors, parmi ces migrants, combien de combattants, combien de sympathisants de l'islam radical et du djihad, combien de neutres plus ou moins bienveillants, combien de fanatiques ?

    Décidément, les migrants sont bien l'arme non-conventionnelle (« hybrid war ») qu'a évoquée Donald Tusk, le très consensuel président du conseil européen, devant le Parlement européen le 23 septembre 2015. Il n'est toutefois guère facile de savoir qui tient cette arme de déstabilisation massive. On peut cependant affirmer sans se tromper qu'elle profite à Daech, bien sûr, mais également à la Turquie dont on connaît par ailleurs le jeu trouble en Syrie. Et c'est avec cette même Turquie que la chancelière allemande, après entraîné l'Europe dans le chaos, s'avise de négocier un accord de dupes dont on peut assurer à coup sûr, s'il voit le jour, qu'il ne sera mis en œuvre qu'au seul bénéfice de la Turquie. Pour les Turcs: la libre-circulation en Europe (!), le doublement de l'aide européenne de trois à six milliards d'euros, des avancées dans les négociations d'adhésion à l'Union; pour les Européens: la promesse de réadmissions, hypothétiques compte tenu notamment des obstacles juridiques, de demandeurs d'asile arrivés en Grèce, moyennant en plus, et c'est le comble, la réinstallation en Europe, un pour un, de réfugiés syriens présents en Turquie. Et l'on nous présente cet accord comme une victoire ! La Sublime Porte sait bien profiter de nos faiblesses…!

    Cet accord boiteux, pour ne pas dire calamiteux, ne freinera pas ou guère les flux migratoires, mais suscite pourtant l'émotion des belles âmes qui y voient une atteinte insupportable au dogme selon lequel l'immigration est bonne par essence, et d'autant meilleure qu'elle est massive. Face à la crise migratoire, les élites européennes apparaissent impuissantes, pétrifiées par leurs contradictions, prises entre la crainte des conséquences de cet événement sans précédent et leur vision irénique de l'immigration. Pourtant, certains ont pris la mesure du désastre, notamment en Europe de l'Est où les pays les plus menacés tentent de s'unir pour endiguer le flux et protéger leurs frontières. C'est bien la preuve que l'Union européenne, simple instance bureaucratique de gestion, est incapable d'assurer la sécurité des Européens. Seuls les Etats, qui disposent, selon la définition de Max Weber, du monopole de la violence légitime, sont en mesure de s'opposer au besoin par la force, certes avec retenue et discernement, au franchissement illégal de leurs frontières. Et c'est bien la grande faiblesse de l'Europe et des Etats de l'Ouest du continent que de renoncer par avance à ce recours à la force ; c'est l'abdication de toute maîtrise de son destin; c'est la porte ouverte à toutes les soumissions.

    Pendant ce temps en France, pourtant victime d'attentats meurtriers, notre classe politique ne s'inquiète guère. On vote le 18 février, à la dérobée, dans un hémicycle quasi-désert, une loi surréaliste sur l'immigration, qui rendra encore plus difficile le renvoi des clandestins et des déboutés du droit d'asile (voir, sur FigaroVox du 19 février, l'excellente tribune d'Alexis Théas ). On est ainsi désormais sûr qu'aucun clandestin ou demandeur d'asile, ou peu s'en faut, qui mettra le pied en France ne repartira sinon volontairement. Notre Gouvernement pousse décidément à son paroxysme l'art d'être à contre-courant… Mais le silence sur ces sujets de la droite, toute à la préparation des primaires et à ses querelles d'appareil, n'est pas moins sidérant et dénote une futilité et une désinvolture inquiétantes. Quant au FN, ses députés n'ont même pas participé au vote de la dernière loi.

    Il n'est pas impossible que l'on assiste à un événement d'une ampleur historique qui marque la fin de l'Europe comme construction politique et la déstabilisation durable et peut-être irrémédiable des sociétés européennes. On entend d'ailleurs de plus en plus de Français prêts à partir à l'étranger pour y trouver, pour eux et leur famille, la sécurité et l'avenir qu'ils pensent désormais ne plus pouvoir trouver en France. Face à ce vent mauvais, des solutions existent (voir entre autres notre article du 14 octobre dernier), au premier rang desquelles on trouve la protection effective et active, au besoin par la force, de nos frontières et la remise à plat de tout notre dispositif juridique et administratif de gestion de l'immigration. Mais il manque une voix, respectée et crédible, sérieuse, volontaire et patriote, pour les porter dans le champ politique. Nous, comme bien d'autres, attendons l'émergence de cette personnalité. 

    Groupe Plessis       

    Groupe Plessis est le pseudonyme d'un groupe de hauts fonctionnaires.   

  • Capture d'Abdeslam : la propagande djihadiste mise à l'épreuve ?

     

    Mathieu Slama expose ici [Figarovox - 21.03] comment l'arrestation de Salah Abdeslam vient fissurer la mythologie du djihadiste jusqu'au-boutiste et déterminé. Mais en dehors de quelques rappels factuels, l'intérêt de fond de cette analyse nous paraît être qu'elle met en lumière ce qui fonde la motivation de ceux qu'il faut bien appeler nos ennemis et, par comparaison, les faiblesses de nos sociétés dont eux-mêmes ont participé. Ce sont sans-doute ces faiblesses qui donnent son ampleur et sa gravité au défi terroriste.  LFAR      

     

    « Il s'agit d'un coup important porté à Daesh » a affirmé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve à la sortie du dernier Conseil de défense, évoquant l'arrestation de Salah Abdeslam. On a également vu François Hollande se mettre en avant dans des photos très étudiées, à la manière d'un Obama suivant en direct de son QG l'opération menée pour tuer Ben Laden.

    Au-delà du dispositif de communication très visible (auquel on est désormais habitué de la part de ce gouvernement), on peut s'étonner d'un tel emballement politique au regard du profil de Salah Abdeslam. L'enquête et son jugement seront décisifs pour déterminer son rôle dans les attentats du 13 novembre dernier mais deux choses sont certaines: 1. Abdeslam n'a pas pu passer à l'action ; 2. l'Etat islamique n'a à aucun moment fait référence à Abdeslam dans sa propagande post-attentats, là où les autres terroristes impliqués le 13 novembre (et morts en martyrs) ont eu droit à plusieurs éloges appuyés, que ce soit dans les magazines ou les vidéos des branches médiatiques de l'organisation.

    A première vue, Abdeslam se range, si l'on considère les profils-types des djihadistes, du côté des « bras cassés », des « losers », du côté de ceux qui ont raté leur mission ou qui n'ont pas eu le « courage » de passer à l'acte. Or, on le sait, la mythologie djihadiste est peuplée de figures « héroïques », de martyrs qui ont sacrifié leur vie pour leur cause. L'incroyable aura entourant Mohamed Merah en est le meilleur exemple. De nombreux djihadistes français voient en lui une icône de la guerre sainte, et l'Etat islamique a, dans sa propagande, exhorté les Français musulmans à « prendre exemple sur [leur] frère Mohamed Merah » (alors même que ce dernier se réclamait d'Al-Qaïda). Dans l'imaginaire djihadiste rempli de mythes et de violence, la figure du martyr est la figure la plus noble, la plus enviée aussi. Des images de propagande récentes de l'Etat islamique mettaient en scène un père en train d'adouber son fils adolescent avant que ce dernier ne commette un attentat suicide à la voiture piégée en Syrie. La fierté du père qui envoie son fils à la mort, difficilement supportable, illustre pourtant un aspect essentiel de la propagande djihadiste. Le chercheur Romain Caillet évoquait en novembre dernier le terme d « inghimasi », inspiré d'une tradition prophétique et omniprésent depuis deux ans dans le champ lexical djihadiste sur les réseaux sociaux, qui s'applique « à celui qui combat les armes à la main avec une ceinture explosive actionnée seulement lorsqu'il n'aura plus de munitions ou qu'il se sentira piégé ». Il semble que ce soit ce modèle qui ait inspiré à la fois Mohamed Merah, les frères Kouachi, Coulibaly ou encore les terroristes du 13 novembre.

    On aurait tort de sous-estimer l'influence d'une telle propagande. On ne le répétera jamais assez, l'imaginaire djihadiste et l'idéologie qui le sous-tend n'est pas un simple folklore horrifique et nihiliste. Il constitue, pour certains, une forme d'absolu qui est le miroir inversé de la crise spirituelle occidentale (notons d'ailleurs que ceux qui passent à l'acte, les Kouachi, Merah, Coulibaly, ont tous le même profil de jeunes de banlieue qui ont connu les pires travers des sociétés occidentales : consumérisme poussé à l'extrême, inégalités sociales, culture du divertissement et individualisme). La figure du martyr est aussi celle qui nous fait le plus peur. Les terroristes islamistes nous apparaissent comme des êtres déterminés qui tuent de sang-froid, machinalement, parce qu'ils n'ont pas le moindre doute sur la foi et l'idéologie qui les animent, et parce qu'ils n'ont pas peur de la mort. « La mort, je l'aime comme vous vous aimez la vie » avait répondu Merah aux négociateurs qui encerclaient son appartement.

    Cependant, les Abdeslam et autres terroristes « ratés » viennent contredire cette perception du djihadiste jusqu'au-boutiste et déterminé. Ils introduisent du même coup un grain de sable dans la propagande djihadiste. Car derrière la figure du « loser » et du lâche, autre chose est en jeu. Dans le cas d'Abdeslam, son inefficacité le ramène, aussi paradoxal que cela puisse paraître s'agissant d'un homme impliqué dans le pire attentat terroriste jamais mené sur le territoire français, à son humanité. A-t-il failli par peur ? par compassion ? par incompétence ? L'enquête permettra peut-être de comprendre ce qui s'est passé. Certains témoins qui l'ont rencontré après les attentats l'ont décrit en pleurs, paniqué, les suppliant de ne pas le « balancer ». D'après l'information d'une chaîne d'information en continu (à prendre avec des pincettes donc), Abdeslam aurait voulu se faire exploser au Stade de France. Malgré les nombreuses incertitudes et zones d'ombre qui nous empêchent de formuler une hypothèse définitive, il semble qu'il y ait eu chez Salah Abdeslam, alors qu'il se préparait à agir, une fragilité, une lutte intérieure qui l'ont rapproché de notre condition humaine. La capture d'Abdeslam n'est certainement pas, comme le prétend le ministre de l'Intérieur, un « coup porté à Daesh ». Mais elle vient rappeler à tous les djihadistes que derrière leur idéologie absolutiste, il y a toujours un impondérable qui est la nature humaine, en proie au doute, à l'échec et parfois à la lâcheté, jamais vraiment bonne mais jamais complètement mauvaise non plus.   

    Mathieu Slama           

  • L’Union européenne à la recherche de l’inflation perdue

     

    par Olivier Pichon

     

    Quand Mario Draghi se prend pour Indiana Jones 

    Tous les plus de trente ans se souviennent que l’inflation, jusqu’en 1985, était présentée comme le fléau économique par excellence – « Ce pelé de galeux d’où nous vient tout le mal !» – et toutes les politiques économiques s’employaient à la combattre. On verra par la suite que le phénomène n’avait pas que des inconvénients. Néanmoins, toute la politique monétaire de l’Union européenne fut bâtie sur l’idée qu’il fallait à tout prix éviter les facilités monétaires et, en France par exemple, qu’il ne fut plus possible à la banque de France de racheter des actifs bancaires. En bref, de permettre aux français d’emprunter aux Français.

    Mieux encore les institutions monétaires européennes, la Banque centrale européenne fut construite, à l’origine, sur le modèle de la Buba (Bundesbank) allemande, indépendante des pouvoirs publics. Ce, afin de se soustraire à la tentation des facilités monétaires génératrice d’inflation. Et patatras ! Voilà que cette politique de désinflation compétitive porta à ce point ses fruits que le mauvais génie inflationniste des Etats fut anéanti. Le règne de l’euro pouvait commencer. Sauf que, sous la protection de celui-ci, les États s’endettèrent, son prestige aidant, il devint un pousse-au-crime de l’endettement et du déficit public. La Grèce étant la forme hyperbolique de cette logique, néanmoins suivie par la majorité des États.

    Ainsi, les deux piliers de la théorie dominante, le keynésianisme, se trouvent désormais infirmés, la politique budgétaire crée des déficits qui ne font pas repartir la croissance et la politique monétaire (cheap money) crée des bulles spéculatives sans que la croissance, non plus, soit au rendez- vous, le tout aggravé par la mondialisation.

    Depuis quelque jours, Mario Draghi, formé à l’école de Goldman Sachs, a fait passer le taux directeur de refinancement de la BCE de 0,05 % à 0 %. Dès le 16 mars, le taux de dépôt s’établissant à –0,4% et le taux d’escompte est, quant à lui, encore positif à 0,25%. Quelle signification à cette mécanique des baisses ? Faire à tout prix, c’est le cas de le dire, de la « cheap money », idée keynésienne selon laquelle la monnaie à bon marché permet de retrouver le chemin de la croissance. On aura compris qu’il s’agit de lutter contre la déflation – tardivement reconnue – cette langueur de l’économie qui fait que les prix ne remontent pas et que l’espérance d’un peu d’inflation n’est pas au rendez-vous. Pour l’heure, l’Europe est à 0,1% de dérive des prix, autrement dit : inflation nulle. C’est pourquoi Mario Draghi a sorti la grosse artillerie, de l’arsenal du QE (Quantitative easing).

    Insurmontables contradiction de la politique économique européenne

    Donc l’inflation c’est bon, nous dit-on, mais toutes les institutions monétaires européennes ont été établies pour lutter contre ce mal qu’elles combattaient et qui a disparu. Pire encore, les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont été violés pour faire face au nouveau contexte économique. Nous avons donc des institutions créés contre un mal qui a disparu et violées pour lutter contre son contraire. Nous sommes dans la logique du pharmacos grec. Remède et poison, la désinflation fut un remède à l’inflation et l’inflation est un remède à la déflation. Le moins que l’on puisse dire, est que le médecin européen ressemble fortement à ceux de Molière et que ces aller-retours discréditent non seulement la science économique mais compromettent gravement la crédibilité de la BCE et les outils traditionnels de la politique dite monétaire. Cela doit nous conduire à repenser radicalement la discipline et les dogmes qui ont prévalus jusqu’à nos jours. Empêtrée institutionnellement par une Commission non élue, voilà maintenant l’UE en faillite intellectuelle dans ce qui constituait le champ privilégié de ses compétences : la monnaie !

    La découverte de l’Amérique et… de l’inflation

    Qu’est-ce, au fond, que cet objet tant désiré par nos dirigeants ? S’est-t-on suffisamment interrogé sur sa nature ? Ce grand angevin du XVIe siècle qu’était Jean Bodin, fut le premier à émettre ce que l’on appelle la théorie quantitative de la monnaie. Observant les arrivées d’or et d’argent des Amériques au XVIe siècle, il avait rapproché l’évolution du stock d’or – permettant l’augmentation du monnayage – et le prix du setier de blé en forte hausse. Il en avait déduit génialement sa théorie dans une Réponse au paradoxe de M. de Malestroit touchant l’enchérissement de toutes choses, et le moyen d’y remédier. Alors que Malestroit avait publié un rapport sur la hausse des prix en France, en l’attribuant principalement aux mutations qui modifient la valeur des monnaies – généralement voulues par le monarque -, Jean Bodin estime, au contraire, que l’inflation résulte essentiellement de l’afflux d’or et d’argent en provenance du Nouveau Monde.

    Les délices perdus de l’inflation

    On peut dire que les eurocrates sont dans la position du sire de Malestroit et qu’ils ne voient guère plus loin que la technique de manipulation monétaire dont était coutumier le pouvoir. En réalité, l’inflation n’est pas seulement la croissance de la masse monétaire, comme le prouve d’ailleurs la situation d’aujourd’hui où le QE n’en produit pas. L’inflation est un phénomène de course prix/salaires typique des années 60-70. Mais, dès lors que, aujourd’hui, les dirigeants politiques ont accepté la mondialisation, ils ont accepté la concurrence, voire l’hyper concurrence. L’ouverture inconsidérée des frontières a été la vraie cause de la chute des prix et de la stagnation des salaires. La mondialisation est, par nature, hyper concurrentielle, et ce n’est pas un hasard si l’on observe que la courbe des prix s’infléchit en raison inverse du degré d’ouverture des économies à partir de 1985/ 1990. Voilà pourquoi Mario Draghi a peu de chances de voir revenir l’inflation. On ne peut vouloir le beurre de l’inflation et l’argent du beurre de la mondialisation. L’économie européenne s’emploie déjà, depuis deux ans, à faire remonter les prix sans succès, un peu comme si l’on voulait faire avancer une voiture au démarreur, avec des chances certaines de vider la batterie. Ainsi, de nouveaux programmes de refinancement seront proposés aux banques pour une durée de quatre ans au taux de 0%. Si le volume des prêts d’une banque est supérieur à un certain niveau, celui-ci pourra bénéficier de taux négatifs jusqu’à -0,40%. Les banques toucheront ainsi de l’argent de la BCE pour prêter ! Quoiqu’il en soit, l’Europe est gagnée par un réflexe déflationniste typique, à savoir que les prix baissent parce que les agents économiques attendent qu’ils baissent encore et, pendant ce temps, ni d’embauche, ni d’investissement, ni d’achat. L’inflation des Trente Glorieuses, il faut s’en souvenir, permettait de contourner le mécanisme psychologique des salaires nominaux en faisant baisser les salaires en termes réels.

    Les taux négatifs, un phénomène jamais vu dans l’histoire

    On a affaire à un phénomène totalement nouveau hors inflation. En effet, en situation d’inflation, le taux de l’emprunt nominal peut être inférieur au taux de l’inflation : c’est le taux d’intérêt réel (= nominal moins inflation). En revanche, en situation de baisse des prix, cela ne s’est jamais observé. Une situation tout à fait inédite qui incite, encore une fois, à se poser la question de la pertinence des dogmes économiques et, partant, de ceux qui prétendent s’y conformer. La BCE a d’ailleurs révisé, à la baisse, ses prévisions d’inflation et de croissance jusqu’en 2017, en prenant acte, par la même occasion, d’un autre phénomène : celui de la baisse du pétrole qui, décidément, ne fait rien pour aider à « reflater »les prix. Dans ce dernier cas, on peut se demander, aussi, si la pénurie n’a pas été artificiellement organisée – pour faire remonter les prix – et que le désordre et l’anarchie concurrentielle n’ont pas, eux aussi, contribué à empêcher la remontée des prix dudit pétrole. Ainsi, par exemple, pour la première fois, l’Arabie Saoudite, dont la contribution quantitative au marché du pétrole est significative, n’a pas fermé le robinet du pétrole, participant peu ou prou au phénomène déflationniste en cours, préférant vendre son pétrole à 40 dollars maintenant qu’à 20 dollars demain. En situation déflationniste le vendeur fait le contraire de l’acheteur, il veut précipiter la vente tandis que l’acheteur préfère attendre une nouvelle baisse.

    Quid du déposant lambda en situation de taux négatifs ?

    En bonne logique, tous les épargnants sont pénalisés par l’inflation qui ronge les rentes, c’est la fameuse euthanasie des rentiers (Keynes). Avec l’ampleur des dettes publiques, l’inflation aurait le grand avantage de les faire fondre. C’est la véritable raison de l’appétence de l’oligarchie européenne pour la hausse des prix. Mais les taux négatifs sont une punition pour les épargnants. On peut parler de taux punitifs, même s’ils sont une récompense pour l’emprunteur. Les premiers, en Allemagne (Bayerische Sparkassen Verbank, union des caisses d’épargne bavaroises) par exemple, lassés des taux négatifs, ont fait pression sur les banques pour qu’elles stockent du cash, donc moins de dépôts à la banque centrale et moins de taux négatifs. C’est une des raisons pour laquelle l’UE essaye de lutter contre le cash, sous couvert de lutter contre l’argent des mafias. Mais, en l’occurrence, la morale à bon dos. Beaucoup de crimes contre la liberté de disposer de ses biens sont commis en son nom. L’épargne est très malmenée dans ce contexte européen. La banque commerciale, où vous avez votre compte, devra-t-elle vous rendre moins que le dépôt initial avec le taux négatif ? Le volume de l’épargne, en France, est d’environ 2 500 milliards d’euros. Une somme totalement dépendante des taux directeurs fixés par la BCE. On peut s’amuser à faire le calcul d’une nouvelle spoliation !

    Bref, voilà qui laisse mal augurer de l’UE, elle qui a déjà démontré largement qu’elle était une chimère institutionnelle et économique. Maintenant qu’elle touche au portefeuille, cela peut constituer un argument décisif, une claire raison d’en finir avec l’oligarchie eurocratique. 

  • La République, l'Europe, le monde

    Sommet européen de Bruxelles. Attitude ridicule, langage amphigourique, Hollande tel qu'en lui-même.

     

    ANALYSE. Le monde politicien, président en tête, a les yeux fixés sur 2017, alors que le ciel de 2016 s'alourdit déjà de mille menaces plus inquiétantes les unes que les autres.

    Par Hilaire de Crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgLa Ve République n'est plus qu'une IVe finissante. À moins qu'elle ne connaisse un effondrement tragique et soudain comme la IIIe sous quelques coups de boutoir, financier, économique, social, politique, terroriste, tout à la fois peut-être, avec des risques trop certains d'affrontements multiples et d'éclatement national.

    Le dernier remaniement gouvernemental ne manifeste aucunement un souci d'intelligence nationale. Les noms des entrants en sont à eux seuls une preuve. Qu'est-ce donc qu'Ayrault ? Et Cosse ? Et Placé ? Même les socialistes les plus guindés se sont esclaffés devant ces choix d'un ridicule achevé. Tout le monde a compris qu'il ne s'agit pour Hollande que de préparer 2017 : 38 ministres et secrétaires d'État ! Uniquement pour tenter de se recomposer une base électorale ! Quand on sait ce que coûte réellement un ministre avec tous les frais afférents... et quelle escroquerie recouvrent les organigrammes de tous ces ministères plus ou moins « bidon » où se niche la clientèle et où prospère le copinage !

    LA TARTUFFERIE POLITICIENNE

    Ajoutez-y les régions nouvellement recomposées et qui ne l'ont nullement été en vue de répondre à des réalités historiques, économiques et sociales, mais parce qu'elles sont devenues - et plus encore qu'avant comme l'ont montré les dernières élections - des échelons de pouvoir dans des configurations uniquement partisanes avec tous les tripatouillages et toutes les manigances qui s'imposent en pareil cas. Le clientélisme y règne évidemment comme à tous les innombrables étages de l'organisation territoriale. Nombre de maires, en ce moment, sont vent debout, eux qui cherchent à sauver leurs terroirs et qui luttent contre les stipendiés de la politicaillerie et de la finance crapuleuses, liguées pour faire main basse sur tout ce qui vit encore. Personne ne les écoute.

    Quelle administration équitable et efficace peut résister aux miasmes d'un si mauvais esprit ? Les résultats sont là ; la France se meurt; la France réelle : le monde paysan dont les politiciens - le ministre de l'Agriculture en premier - « se foutent » littéralement, sauf en périodes électorales, le monde du commerce et de l'artisanat qui n'intéresse en rien les prébendés de la République, le monde industriel sacrifié sur l'autel de la pseudo-concurrence et bradé toujours aux moindres coûts, sauf les pôles d'excellence qui, par nature, échappent heureusement à l'incompétence des carriéristes de la médiocrité républicaine.

    Autant François Hollande a tenu bon face aux familles françaises quand il s'est agi de détruire la famille avec son mariage pour tous et tout ce qui s'ensuit dans l'ordre de la filiation, autant, après avoir fait semblant, comme son maître Mitterrand, de déclarer.la guerre à l'argent, il s'essaye depuis 2014 à se rabibocher avec tout ce qui peut compter financièrement et économiquement en vue des élections présidentielles. En politicien avisé, il a toujours été en symbiose avec un certain monde du « fric », celui qui n'a ni foi ni loi, celui qui tient les médias, celui qui anime une certaine finance qui se moque de tout. Le « Hollande socialiste » est une sorte d'oxymore aussi comique que naguère le « Mitterrand socialiste » et ami des communistes. Ces bourgeois, très bourgeois, qui jouent les « partageux » n'ont jamais rien partagé de leurs propres biens, ni coupé leurs manteaux, au grand jamais ! En revanche, ils ont fort bien disposé du bien d'autrui, mis en coupe réglée le pays, pillé les poches des contribuables pour payer leurs largesses ! Qui ne se souvient de ces étranges financiers qui ont soutenu Hollande en 2012 et qui avaient acheté une bonne partie de la presse d'opinion à cet effet ? Ils sont toujours là et ils veillent.

    OPPORTUNISME RÉPUBLICAIN

    Le prétendu retournement de 2014 s'explique fort bien, quand on connaît le personnage et son entourage. C'est une politique voulue : le montage, d'ailleurs stupide, du CICE, l'arrivée de Valls, la venue de Macron, la loi Macron dite de libéralisation économique, les engagements contre le terrorisme, la loi sur le renseignement pour se donner l'allure martiale, l'état d'urgence et sa possible constitutionnalisation, enfin, comme un bouquet final, la loi El Khomri de réforme du Code du travail qui sera présentée au Conseil des ministres début mars et qui, déjà, fâche les socialistes... vraiment socialistes ! En fait, Hollande se « recentre », tout en continuant à assurer qu'il est de gauche. Ô sublime habileté ! Il prendrait exemple sur Schröder en Allemagne. En réalité, plus simplement, comme ses prédécesseurs des IIIe et IVe Républiques, après avoir usé jusqu'à la corde les antiques oripeaux du socialisme et la tunique archaïque du radicalisme, selon la bonne vieille loi d'évolution de tout politicien de service en France, il revêt maintenant l'habit plus seyant du libéralo-conservatisme et de l'opportunisme républicain, à la manière, jadis, des Ferry, des Millerand, des Briand, des Clemenceau, des Sarraut, des Doumergue, des Blum même, des Auriol, des Mendès, des Mollet. Valls est sur la même partition, en plus vigoureux, au cas où Hollande ferait soudain défaut. Alors, primaire à gauche ? Cambadélis en est réduit à l'offrir à Hollande à son choix, alors que la France atterrée se rend compte à l'évidence que le bonhomme, toujours grotesque dans son attitude et embarrassé dans sa rhétorique, n'a jamais eu l'étoffe ni le langage d'un chef d'État !

    Dans ces circonstances, alors que la situation empire, les candidats de droite se durciraient-ils ? Ils envisagent des réformes au pas de course comme en rêvaient déjà dans les années 3o, avec le succès que l'on sait, les Tardieu, les Doumer, les Daladier et les Reynaud, juste avant guerre, juste avant le désastre mille fois prévisible ?

    Nos caciques d'aujourd'hui sont tels que leurs prédécesseurs ; ils veulent réformer l'irréformable à coups d'ordonnances, de 49-3, comme, autrefois, on le faisait à coup de décrets-lois. Quelle illusion aujourd'hui comme hier ! Rien ne résistera aux évènements. Leur catéchisme républicain est déjà pulvérisé. En habitudinaires, ils n'appréhendent pas ce qui se passe autour d'eux. Les jeunes générations les quittent, physiquement, politiquement, moralement. Les Français les méprisent. L'Europe les lâche, l'Angleterre d'abord, les pays de l'Est ensuite, bientôt, parions-le, l'Allemagne et les pays du Nord pendant que le Sud fera faillite. L'islamisme leur sautera de nouveau au visage alors qu'ils en nient encore l'existence ; les flux migratoires, les villes survoltées, les banlieues incontrôlées les submergeront ; l'Union européenne, sur qui ils ont tout misé, va leur exploser à la figure et, peut-être, en même temps, la finance mondiale, la leur, d'ailleurs, en premier lieu, tandis que le monde instable et fou qu'ils ont contribué à créer, les laissera tout simplement tomber et, sans doute, les accablera dans leur désastre. Le sage Montaigne disait déjà de ceux qui de son temps prétendaient tout sauver par la hardiesse de leurs discours, qu'il convenait d'abord de réfléchir aux conditions nécessaires du redressement : « La décharge du mal présent n'est pas guérison, s'il n'y a en général amendement de condition ».

     

  • En attendant Sarajevo

     

    par Gilles Varange

    Cet article est paru dans le numéro 149 de Politique magazine, inséré dans un dossier consacré aux point chauds de l’actualité nationale et internationale à un an du terme du mandat de François Hollande. Cette réflexion géopolitique nous apparaît d'une grande importance du point de vue des intérêts français.  LFAR

     

    Gilles Varange.jpgDeux systèmes d’alliances s’opposent désormais en Syrie, selon le modèle périlleux des coalitions. Elles portent le risque d’une explosion incontrôlable. Les mois qui viennent seront déterminants.

    Sarajevo ! Un siècle après la grande tuerie de 1914-1918, ce nom continue de nous hanter. Il rappelle comment un événement fortuit peut déclencher un embrasement planétaire qu’aucun gouvernement ne souhaitait et que les milieux financiers de l’époque tenaient pour impossible du fait de l’expansion du commerce international et de l’imbrication des économies. Depuis, les historiens se sont penchés sur l’implacable enchaînement de circonstances qui, en moins de cinq semaines, aboutit à un conflit d’une ampleur apocalyptique. Et tous de s’accorder pour y voir la conséquence tragique de la formation de deux systèmes antagonistes d’alliances – Triplice contre Triple Entente – liés chacun par des garanties de soutien militaire automatique.

    Un quart de siècle plus tard, en 1940, un jeu similaire d’alliances allait pourtant conduire au même résultat fatal et achever de plonger l’Europe dans un déclin dont elle n’est jamais sortie.

    Au moins, depuis la chute de l’empire soviétique, pouvions-nous imaginer être débarrassés pour longtemps du spectre d’une nouvelle guerre mondiale. Après que le mirage de « l’hyperpuissance américaine » se fut évanoui dans les sables irakiens, diplomates et « experts » nous expliquaient que la fluidité des relations internationales, introduite par l’ascension fulgurante de plusieurs puissances émergentes, mettait l’humanité à l’abri de tout nouvel affrontement entre deux grands blocs hostiles. Avec le XXIe siècle, nous étions entrés, assuraient-ils, dans un temps où s’imposeraient des formes de guerre inédites et limitées, telles celles déjà mises en œuvre par l’administration américaine sous le qualificatif d’ « empreinte légère », fondées sur la cyberguerre et l’utilisation massive de drones – 5 000 « exécutions » ciblées à travers le monde depuis 2005. Dans le même esprit, Washington a inventé l’ingénieuse notion de « leadership depuis l’arrière » qui consiste à intervenir uniquement en soutien d’alliés auxquels est confiée la responsabilité des opérations comme ce fut le cas hier pour les Britanniques et les Français en Libye et comme ce l’est aujourd’hui pour nos troupes au Sahel.

    L’obsession de Washington : abaisser la Russie

    Il y a bien la nouvelle stratégie d’Obama visant à contenir les velléités d’expansion de la Chine et pompeusement baptisée « Pivot pour l’Asie ». Mais en dépit des initiatives provocatrices de Pékin en mer de Chine, telles la construction d’ilots artificiels à usage militaire ou l’installation de batteries de missiles sol-air perfectionnés sur certaines îles contestées, rares sont ceux qui croient au danger d’une escalade incontrôlable. En dépit de leur apparente audace, les successeurs de Mao sont surtout passés maîtres dans l’art de modifier les rapports de forces de manière subtile, en jouant alternativement de la menace et de la séduction. Les dirigeants de Pékin possèdent une trop parfaite conscience de leurs insuffisances militaires et de leur relatif isolement en Asie orientale pour se lancer tête baissée dans un affrontement armé avec les Etats-Unis et leurs alliés qu’ils seraient sûrs de perdre. Convaincus que le temps ne manquera pas de pencher en leur faveur, ils guettent patiemment les signes d’un déclin accentué des Etats-Unis qu’ils tiennent pour inévitable. S’il est une chose à laquelle ces héritiers de Confucius ne croiront jamais, c’est en la pérennité des sociétés multiraciales et multiculturelles. Aussi sont-ils possédés de la conviction qu’il leur suffit d’attendre pour prendre un jour la place du géant américain.

    Voilà autant de facteurs sur lesquels croyaient pouvoir s’appuyer ceux qui nous prédisaient avec confiance l’avènement d’une configuration internationale d’où les risques d’une guerre générale auraient disparu. C’était compter sans l’aveuglement qui semble s’être emparé de l’actuel chef de la Maison Blanche sous l’influence déterminante de son équipe de conseillers diplomatiques. Des hommes et des femmes qui ont pour maître à penser le vieux Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité nationale du président Carter. Depuis plus d’un quart de siècle, aucune des évolutions majeures de la scène internationale n’aura réussi à délivrer cet homme de 88 ans, né en Pologne, de son idée fixe : la Russie reste l’adversaire à abattre. Auprès de cet objectif central, la montée en puissance de la Chine et le déferlement islamiste sont à ses yeux des menaces secondaires. Les Etats-Unis ne seront en sûreté qu’après avoir achevé leur travail de démembrement de l’ex-Union soviétique. Aussi est-il urgent de réduire la Fédération de Russie aux dimensions d’une Moscovie, condamnée au rôle de modeste puissance régionale.

    Le grand retour des coalitions

    Habituée à transformer les caprices des hôtes de la Maison Blanche en prévisions étayées, la CIA a déposé en février 2015 dans le bureau ovale un volumineux rapport rédigé par le cabinet Strategic Forecasting dont les conclusions correspondent exactement à ce qu’Obama et les siens désiraient lire : d’ici à 2025, victime d’un effondrement de son économie et de forces centrifuges irrésistibles, la Russie aura cessé d’exister sous sa forme actuelle ! Le contenu de ce rapport n’est pas resté longtemps confidentiel mais il n’aura servi qu’à renforcer le maître du Kremlin dans son sentiment que les Américains étaient engagés dans une énorme entreprise multiforme de déstabilisation et de destruction de son pays. La « révolution de Maïdan » pilotée de bout en bout en Ukraine par la secrétaire d’état adjointe, Victoria Nuland, le déploiement de troupes et de matériels offensifs de l’Otan aux frontières mêmes de la Russie, le quadruplement du budget des forces américaines sur le Vieux Continent, l’organisation incessante de manœuvres militaires à participation américaine dans les pays baltes et scandinaves, constituaient pour Vladimir Poutine autant de défis insupportables.

    Fidèle à une méthode éprouvée, le président russe a réagi de manière fulgurante et là où nul ne l’attendait. En privant Obama et ses alliés turc et saoudien d’une victoire en Syrie qui ne semblait plus pouvoir leur échapper, il s’offre le plaisir de défier tout à la fois le chef de la Maison Blanche, le maître actuel de la Sublime Porte qu’une rivalité ancestrale oppose au Kremlin et cette monarchie wahhabite qui n’a cessé de financer les activités des groupes musulmans subversifs dans le Caucase et en Sibérie méridionale. Mais Poutine n’aurait pu obtenir les succès remportés sur le terrain sans l’appui décisif du Hezbollah et de l’Iran en voie de constituer un seul bloc chiite de Téhéran aux faubourgs de Beyrouth. En face, Ankara resserre fébrilement ses liens avec Riyad qui entreprend de rassembler de son côté l’ensemble des pays sunnites de la planète dans une ébauche d’alliance diplomatique et militaire. Voilà soudain le grand retour des coalitions avec le péril mortel qu’elles ont toujours porté dans leurs flancs. Membre de l’Otan, le moderne sultan Erdogan rêve en secret d’entraîner les Occidentaux dans un conflit ouvert avec la Russie comme parvinrent à le faire jadis ses prédécesseurs ottomans en Crimée. Les yeux fixés sur l’abîme, Obama tergiverse. Mais il pourrait suffire d’une étincelle. Comment prononce-t-on Sarajevo en arabe ? 

  • « LES PANTINS DE L’EUROPE »

     

    par François Marcilhac 

     

    500021990.jpgEn 1964, De Gaulle avait effectué une vaste tournée de trois semaines en Amérique latine avec l’objectif très net de contester la division bipolaire du monde et d’encourager les Etats sud-américains à affirmer leur indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. 

    ENTRE ÉLECTORALISME ET TOURISME...

    Bien moins ambitieuse, car dépourvue de toute visée internationale et franchement électoraliste, fut la petite semaine qu’Hollande a passée à la fois en Amérique latine et dans la France du Pacifique. Pour cette dernière, il s’agissait de tenir une de ses promesses électorales ...à quatorze mois de la prochaine échéance : visiter tous les Français durant son mandat. Quant aux trois jours partagés entre le Pérou et l’Argentine, rythmés par deux nuits de fiesta, ils constituèrent un simple séjour touristique, culturel et gastronomique aux frais du contribuable. Il est vrai, quel message international aurait pu lancer l’autre côté de l’Atlantique celui qui, se mettant dans les pas de son prédécesseur, a fini d’aligner la diplomatie française sur celle des Etats-Unis ? Le seul fait notable de ce séjour fut un but marqué par le président lui-même dans les cages, sans gardien, du célèbre stade de la Bombonera de Buenos Aires, piteuse image donnée de notre pays par un chef d’Etat se conduisant à l’étranger comme un conseiller départemental inaugurant un terrain municipal. Quel symbole, également, que ce but évidemment réussi : signifie-t-il qu’Hollande ne saurait plus gagner que sans adversaire, voire qu’il envisage une présidentielle dépourvue d’opposants, du moins d’opposants qui le menaceraient sérieusement ?

    Toutes les options sont ouvertes, tant la situation politique est devenue incertaine, voire explosive. Son inauguration du salon de l’agriculture écourtée par l’accueil hostile des paysans, premières victimes de son refus des ruptures nécessaires, si radicales soient-elles, dans l’intérêt du pays, a montré bien mieux que des sondages, combien le président est devenu impopulaire, combien aussi, non seulement ses échecs, mais surtout sa politique d’esquive, ses petits compromis d’ancien premier secrétaire du PS, son absence de courage politique ou son habileté à la petite semaine compromettent la dignité de la fonction qu’il est censé incarner — ainsi ce lundi 29 février, le report, avant son abandon ?, de la présentation en conseil des ministres de l’avant-projet de loi sur le travail. Comment dès lors reprocher aux agriculteurs d’avoir, par leurs huées, manqué de respect à une fonction présidentielle que le chef de l’exécutif dévalue lui-même par la caricature qu’il en donne tous les jours ?

    LES PANTINS DE L’EUROPE 

    On le dit lucide, habile, voire génial tacticien : c’est possible, quand il s’agit des minables combats politiciens qui forment toute sa culture politique. Il n’est pas certain, en revanche, qu’il soit à la hauteur de cette tâche historique qu’est la direction d’un pays vieux de quinze siècles. Se rend-il compte seulement du mépris dans lequel le tiennent les Français, et avec lui toute une classe politique dont les mensonges ne font plus illusion, même si on arrive encore à se scandaliser de son abyssal cynisme ? Ainsi, alors que le gouvernement socialiste n’a pas remis en cause la réforme de la politique agricole commune voulue et signée par Sarkozy, responsable des difficultés actuelles des producteurs de lait, Valls, accompagné au Salon par Le Foll, son intermittent à l’agriculture — il a séché en 2015 40% des conseils européens —, a osé plaider, ce même lundi 29 février, avec un ton aussi lénifiant envers les paysans que servile envers Bruxelles : « Nous agissons au niveau européen pour que la Commission européenne entende pleinement la détresse d’une partie du monde agricole français. » « Vous êtes les pantins de l’Europe », lui a rétorqué un éleveur, avant d’ajouter : « Ils sont là pour se pavaner mais ils n’ont aucun pouvoir et nous on crève. »

    La remarque est d’autant plus juste que ce pouvoir, nos prétendus dirigeants politiques l’ont abandonné avec préméditation, en se soumettant, majorités après majorités, aux impératifs européens de libre-concurrence via des traités toujours plus asservissants — le prochain sera signé au nom de l’Europe avec les Etats-Unis. On est atterré du manque de réaction du gouvernement français aux dernières provocations de la Commission visant les accords, passés en 2015 et du reste déjà obsolètes, de certains grands distributeurs visant à acheter plus cher le porc français, accords passibles d’une amende pour entrave à la concurrence étrangère ! Le gouvernement s’est-il insurgé ? A-t-il exigé que la Commission, dans cette affaire aux ordres de Berlin, rende enfin ses conclusions sur les accusations de distorsion de concurrence en matière agricole portées à l’encontre de l’Allemagne, depuis plusieurs années, en raison de sa politique de main-d’œuvre, assimilable à du néo-esclavagisme ? Menace-t-il Bruxelles d’une crise ? Non, il se soumet, et avec lui toute la classe politique qui continue de chérir une des causes principales du mal français, qu’est notre soumission au Moloch européen alors que notre salut impose la remise en cause de traités qui, au seul plan économique, signent l’arrêt de mort de l’agriculture française après avoir concouru à notre désindustrialisation.

    TOUT FAIRE POUR GAGNER 

    Sauf le FN, dira-t-on ? Si la prolongation de la loi d’urgence et son inscription probable dans la Constitution ne peuvent que nous inspirer la méfiance la plus grande quant au respect par le pays légal de nos libertés fondamentales ou à la sincérité des prochaines échéances électorales — oui, nous le répétons, toutes les options sont ouvertes, même un coup de force du pays légal contre l’État de droit lui-même au nom des valeurs de la république —, toutefois, il n’est pas certain que l’oligarchie ait besoin d’en arriver là pour terrasser la Bête immonde. Nous évoquions à l’instant l’Europe et la nécessité de lutter contre une Union qui a toujours été pensée contre les nations, d’où le chantage actuel de Cameron sur un éventuel Brexit — qu’il rejette évidemment. Il n’est pas certain, en revanche, qu’en délivrant un message anxiogène sur une éventuelle sortie de l’euro, voire un éventuel Franxit en cas d’arrivée au pouvoir, le FN ne soit pas le meilleur allié des candidats socialiste et « républicain » à la présidentielle de 2017, quels qu’ils soient par ailleurs. Il faut savoir s’accorder à l’état de l’opinion publique, qui, depuis plusieurs décennies, s’agissant de l’Europe, a subi un vrai matraquage idéologique. On ne saurait compromettre l’avenir du pays par des slogans ressentis comme provocateurs.

    Hollande rêve, dit-on, d’un nouveau « 21-Avril », mais cette fois à son profit. Quant aux Républicains, chacun sait que Juppé, positionné à l’extrême centre, serait le meilleur, car le plus politiquement correct, pour rassembler au second tour en cas de duel avec Marine Le Pen. Encore faudrait-il que celle-ci y arrivât. Le FN croit-il encore possible une victoire en 2017 alors que les dernières régionales ont confirmé la persistance d’un plafond de verre ? Et qu’il n’est même pas certain qu’il réalise l’ambition, pourtant encore accessible, d’atteindre le second tour ? En l’état actuel des choses, l’oligarchie serait de toute façon gagnante dans les deux cas. La seule différence serait que, si Marine Le Pen est évincée, le nom de l’impétrant ne sera connu qu’au soir du second tour, et non du premier.

    Le FN se contente toujours de capitaliser sur le vote protestataire, qui croît en même temps que l’insatisfaction des Français. Pour vaincre, il lui faudra changer de culture, en termes de programme comme d’alliances. Il serait encore temps, même pour 2017. Mais le veut-il vraiment ? Nous y reviendrons. 

    François Marcilhac - L’Action Française 2000

  • Le crime de Kamel Daoud

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Médias et politiques occidentaux se sont fourvoyés en voulant voir dans les « printemps arabes » les prémices d’un bouleversement démocratique : ils avaient méconnu les pesanteurs culturelles et politiques propres aux sociétés arabo-musulmanes. Aujourd’hui, l’intelligentsia française, dans un accès de dogmatisme inconditionnel, refuse d’admettre ce qui a pu se passer réellement le 31 décembre 2015 à Cologne : on ne peut condamner des migrants « musulmans », même si des violences sexuelles à l’encontre de femmes allemandes sont avérées. 

    Ils sont dix-neuf, dix-huit universitaires « chercheurs » et un journaliste, qui se sont érigés, derrière la dénomination bien commode de « collectif », en tribunal stalinien. Ces inquisiteurs de la pensée unique ont, à ce titre, jugé et excommunié (faute sans doute de pouvoir le faire fusiller ou, à tout le moins, envoyer au goulag) l’écrivain algérien francophone Kamel Daoud. Leur sentence (« Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés » - Le Monde, 11 février) est irrévocable car le crime de M. Daoud est impardonnable : avoir publié (Le Monde, 31 janvier) une tribune intitulée « Cologne, lieu de fantasmes » dans laquelle il n’applique pas aux événements leur grille de lecture, forcément canonique, osant faire en conséquence un lien entre la culture religieuse des agresseurs et la nature des faits. 

    La tribune de M. Daoud est pourtant plutôt équilibrée puisqu’il refuse par principe les deux positions extrêmes face à l’immigration musulmane - angélisme et xénophobie. Que dit M. Daoud ? Sur les Européens : « L’accueil du réfugié […] pèche en Occident par une surdose de naïveté : on voit, dans le réfugié, son statut, pas sa culture ». Sur les femmes en terre d’islam : « La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée ». Sur les islamistes : « L’islamiste n’aime pas la vie. Pour lui, il s’agit d’une perte de temps avant l’éternité […]. La vie est le produit d’une désobéissance et cette désobéissance est le produit d’une femme. » 

    Pour le « collectif », les réfugiés musulmans et agresseurs de Cologne ne sont que des hommes, des hommes dont aucun substrat culturel ne saurait expliquer le comportement : des hommes « hors sol » en quelque sorte, qu’il faut accueillir sans prétendre voir en eux ce que nous croyons qu’ils sont. Quant aux femmes, leur sort en Europe n’a au fond rien de bien enviable et nous n’avons, dans ce domaine, aucune leçon de comportement à donner. L’approche de M. Daoud serait « asociologique », car fondée sur l’essentialisme, et psychologisante faisant des musulmans des « déviants » qui relèveraient donc d’un « un projet disciplinaire » : on n’échappe ni à la pédanterie ni à la suffisance propres à toute analyse universitaire mais cette analyse ne tient pas devant des faits, devant les faits. 

    Jugé et condamné par des gens qu’il considérait peut-être comme ses pairs, M. Daoud a décidé de renoncer au journalisme. L’affaire en serait restée là si la romancière franco-tunisienne Fawzia Zouari, en prenant la défense de son confrère dans Jeune Afrique, Libération et France Inter, ne lui avait donné une dimension politique. Mme Zouari approuve M. Daoud sur les viols de Cologne, « conséquence logique d'une tradition » et d’« une psychologie de la foule arabe »; elle dénonce la « fatwa laïque » dont il est victime; elle reproche à la gauche française d'instaurer « une sorte d'honorabilité de l'islamisme en France »; elle affirme enfin et surtout « qu’il y a un problème posé par l’Islam de France ». 

    Rien de moins. Quoi que pensent ou puissent penser par ailleurs M. Daoud et Mme Zouari, ils auront eu le mérite de poser le vrai problème. 

  • Royautés & Société • Où la famille royale d'Espagne se veut toujours très catholique ...

     

    Malgré la laïcité constitutionnelle de l'Etat espagnol, qui reconnaît néanmoins à l'Eglise catholique une position particulière, la famille royale semble vouloir, quant à elle, rester fidèle à sa tradition catholique. Le reportage et les photographies qui suivent sont repris en totalité du site officiel de la monarchie espagnole, casareal.es.  LFAR

     

    « Besapié » de la statue de notre Père Jésus Nazaréen, Christ de Medinaceli

    Basilique de Jésus de Medinaceli. Madrid, 04.03.2016

    Sa Majesté la Reine Doña Sofia continue cette tradition de la famille royale.

    Sa Majesté la Reine Doña Sofia reste debout pendant quelques instants devant la statue du Santo Cristo de Medinaceli avant d'embrasser son pied.

    A son arrivée à la basilique, Doña Sofia a été reçue par le supérieur provincial de la communauté des Pères Capucins, le père Benjamín Echeverría ; le supérieur de la communauté des Pères Capucins, le père José María Fonseca ; le père Gregorio Blanco et le frère supérieur de la Confrérie de Jésus de Medinaceli, Manuel Torrijos. Puis, elle s’est dirigée par la nef centrale vers l'autel, où elle a embrassé pied du Saint Christ de Medinaceli et est demeurée face à la statue pour quelques moments de recueillement. Par la suite, sa Majesté la Reine Doña Sofia a eu l'occasion de saluer la communauté et le Conseil d'administration de l'Archiconfrérie par quoi sa sa visite s’est achevée.

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    Depuis plus de 300 ans, il est de tradition qu'un des membres de la famille royale se rende à la Basilique de notre père Jésus de Medinaceli le premier vendredi du mois de mars pour adorer le Christ de Medinaceli.

    Ces dernières années, en 2015, ce fut sa Majesté la reine Sofía qui s’est conformée à cette tradition ; en 2014, son Altesse royale l'Infante Doña Elena ; en 2013, sa Majesté la Reine Doña Sofia ; en 2012, son Altesse royale l'Infante Doña Elena ; en 2011, sa Majesté le roi Don Juan Carlos ; en 2010, ce fut son Altesse royale l'Infant Don Carlos ; en 2009, son Altesse royale l'Infante Doña Elena ; en 2008, son Altesse royale l'Infante Doña Margarita ; en 2007, son Altesse royale l'Infante Doña Cristina ; en 2006, sa Majesté la Reine Doña Sofia ; en 2005, sa Majesté le roi Don Juan Carlos ; en 2004, Don Felipe accompagné de Doña Letizia ; en 2003, sa Majesté le roi Felipe VI ; en 2002, son Altesse royale l'Infant Don Carlos ; en 2001, sa Majesté la Reine Doña Sofia ; en 2000, son Altesse royale l'Infante Doña Cristina ; en 1999, son Altesse royale l'Infante Doña Elena ; en 1998, son Altesse royale l'Infante Doña Cristina ; en 1997, son Altesse royale l'Infante Doña Margarita ; et en 1996, Don Felipe.Doña Margarita; y en 1996, Don Felipe. 

  • Brexit : Le souverainisme à la mode britannique ... Une vraie bonne nouvelle pour l'Europe ?

     

    La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est désormais une éventualité de court terme. Mathieu Bock-Côté estime [Figarovox - 24.02] qu'à leur manière bien singulière, les Anglais partisans du Brexit défendent le véritable esprit européen. Et lorsqu'il invoque la vie démocratique de l'Europe, c'est au sens des peuples, des nations, de leur pluralité. Il le fait en des termes et selon une conception de l'Europe, des sociétés et des nations, qui est aussi fondamentalement la nôtre. Sur ce même sujet, on pourra se reporter utilement au lundi de Louis-Joseph Delanglade publié ici-même le 29.02 : L’Union agonise ? Vive l’Europe !  LFAR

     

    Mathieu Bock-Coté.jpgLa table est mise, les Britanniques se prononceront le 23 juin sur leur sortie de l'Union européenne. Les cyniques ont déjà leur formule toute trouvée : les Britanniques envisagent d'autant plus librement de sortir de l'Europe qu'ils n'y sont jamais vraiment entrés. Il n'en demeure pas moins que la vie politique européenne tournera pour les prochains mois autour de ce débat fondamental : est-ce qu'un État est en droit de sortir d'une association politique qui était censée représenter un grand bond en avant dans l'histoire universelle ? Est-il même en droit de définir selon ses intérêts nationaux spécifiques sa participation à une telle union ?

    Le sens de l'histoire, tel que l'interprétaient généralement les grandes figures de l'idéologie dominante, qui pousse à la dissolution des nations par le multiculturalisme et le globalisme, ne permettait pas cette prise au sérieux du fait national. Mais il semble que la liberté des peuples est encore capable de faire dévier l'inéluctable et que les grands processus historiques puissent se gripper quand la souveraineté s'en mêle. C'est d'autant plus vrai que la nation n'est pas une fiction idéologique, quoi qu'en pensent ceux qui y voient une construction sociale récente dans l'histoire du vieux continent, mais une réalité ancrée dans l'histoire. L'État-nation demeure l'horizon indépassable de la démocratie.

    On peut reprendre la formule aujourd'hui à la mode : de quoi l'Europe est-elle le nom ? Louis Pauwels, la grande figure historique du Figaro Magazine, au moment d'en appeler à voter contre Maastricht, en 1992, distinguait entre les européistes et les Européens. Les premiers, disait-il, s'attachaient à une chimère idéologique désincarnée qui n'avait d'européenne que le nom. Les seconds, en se portant à la défense des nations, défendaient la civilisation européenne à travers le cadre qui avait permis le développement de la liberté politique. Pauwels n'était pas le seul à penser ainsi, même si le souverainisme français de l'époque, qui ne portait pas encore ce nom, avait moins explicité sa vision de la civilisation européenne.

    À sa manière, c'est cette distinction qu'a reprise Boris Johnson, le maire de Londres, en contestant aux partisans de l'Union européenne la prétention à être les seuls défenseurs de l'Europe. Celui qui sera probablement la figure dominante du camp souverainiste, et qui lui donne un poids politique majeur, ne se laissera pas enfermer dans le mauvais rôle du Britannique insulaire seulement soucieux de cultiver son jardin. Il fait preuve d'un authentique cosmopolitisme. Il ne tolèrera manifestement pas l'étiquette d'europhobe que voudront lui coller ses adversaires et les commentateurs, qui ont décidé, en adoptant ce terme il y a quelques années, de psychiatriser la dissidence devant la construction européenne.

    Le souverainisme britannique est particulier : à la différence des autres pays d'Europe occidentale, il n'est pas canalisé ni confisqué par une force politique populiste, ou du moins, étiquetée comme telle. On ne saurait sérieusement faire du petit parti eurosceptique UKIP un parti d'extrême-droite, quoi qu'en pensent ceux qui n'en finissent pas d'étendre la définition de ce terme. Mais surtout, le souverainisme est très présent au sein du Parti conservateur même si ce dernier, pour l'instant, demeure sous l'autorité de son chef. Évidemment, David Cameron ne saurait être défini comme un souverainiste au sens strict, mais les conditions qu'il a posées pour rester dans l'UE rappellent une chose : l'adhésion à l'Europe n'était pas pour lui inconditionnelle.

    C'est une perle napoléonienne : un pays a la politique de sa géographie. Il ne peut s'en abstraire, même s'il n'en est pas prisonnier. C'est ce qui explique notamment que la Grande-Bretagne n'a jamais vu dans l'Union européenne autre chose qu'un grand marché auquel elle refusait son âme. La Grande-Bretagne appartient à la civilisation atlantique, et plus largement, à la civilisation anglo-saxonne. Pour Boris Johnson, la Grande-Bretagne serait plus forte délivrée des entraves communautaires. Elle renouerait avec une souveraineté lui permettant de conduire sa propre politique. À tout prendre, ses grands hommes politiques envisagent plus favorablement une éventuelle fédération des peuples de langue anglaise que d'unir son destin à l'Europe continentale.

    La possibilité d'une séparation britannique obligera l'Europe à réfléchir à son identité profonde et à la nature du projet politique qu'on porte en son nom. Depuis le refus, en 2005, d'intégrer la référence aux racines chrétiennes de l'Europe dans la constitution européenne, c'est la vraie nature de la construction européenne qui s'est dévoilée. Elle entend moins constituer politiquement le vieux monde à travers un patriotisme de civilisation transcendant les nations sans les abolir, que bâtir une forme d'empire universel et humanitaire aux frontières indéfinies et prétendant embrasser théoriquement l'humanité entière. Cette posture suicidaire conduit inévitablement à un refus de l'idée même de frontière, puisque c'est la pluralité humaine qui est contestée.

    La crise des migrants des derniers mois a rappelé une chose : non seulement l'Europe n'a pas vraiment de frontières, mais elle n'en veut pas non plus. Elle aurait l'impression de trahir sa vocation humanitaire en distinguant entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté politique. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que plus la construction européenne avance, et plus elle croit devoir dissoudre la civilisation européenne. Dans le monde idéal des européistes, la citoyenneté devrait recouper l'humanité entière et la logique des droits de l'homme définir exclusivement la vie politique. À terme, cette philosophie politique désincarnée provoque la révolte des peuples.

    À sa manière bien singulière, la Grande-Bretagne se porte peut-être à la défense, en ce moment, du véritable esprit européen. Quel que soit le résultat du référendum, qu'on ne saurait sérieusement prophétiser plusieurs mois à l'avance, il aura au moins eu une vertu : rappeler que le politique peut surgir à tout moment dans la vie des peuples et jeter à terre les constructions idéologiques aussi artificielles qu'autoritaires. L'Europe ne saurait traiter ses peuples comme des provinces vassales. Parce qu'il redonne vie au politique et permet aux peuples de se le réapproprier, ce référendum représente une vraie bonne nouvelle dans la vie démocratique de l'Europe.

    FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté           

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.