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Actualité Europe - Page 59

  • Angela Merkel : qui veut faire l'ange fait la bête

     

    Par André Bercoff

    André Bercoff pointe l'attitude médiatico-politique qui consiste à encenser puis maudire Angela Merkel, qui a rétabli « provisoirement » ce week-end la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche pour freiner l'arrivée de migrants. Sur le fond, encensement et malédiction successives ont toutefois une cohérence : l'immigrationnisme.    

     

    photo.jpgAvec l'information et la désinformation qui passent désormais à la vitesse de la lumière, avec l'appel permanent aux émotions élémentaires et aux réflexes pavloviens, tout se passe comme si, sur le front des luttes, Nabilla avait remplacé Descartes. Un exemple chimiquement pur vient de nous être donné par la chancelière allemande, l'efficace et faussement angélique Angela. Et les réactions médiatico-politiques intenses que ses conduites engendrent.

    Rappelez-vous, c'était il y a deux mois: l'Allemagne implacable et inflexible martyrisait le peuple grec et tissait sans relâche le nœud coulant qui allait l'étouffer définitivement. Les exigences totalitaires du ministre de l'Economie, l'indifférence germanique à la misère hellène provoquaient chez nos politiques et nos intellectuels des sursauts de révolte aussi légitimes que moraux. L'on enjoignait à la Chancelière de la fermer et de s'occuper de la misère dans son pays. On évoquait le IVème Reich. Une mèche et une moustache funestes pointaient déjà à l'horizon. Nous étions à la veille d'aller pendre notre linge sur la ligne Siegfried.

    Il y a deux semaines, ô surprise: Cruella, en un tournemain, se métamorphosait en abbé Pierre. Angela Merkel annonçait qu'elle allait recevoir allègrement 800 000 migrants et plus si affinités. Vivats, haies d'honneur, applaudissements du cercle de famille européen, Hollande et Cazeneuve aux anges, accueillons, accueillons, que la diversité abreuve nos sillons. Honte, honte, sur les ondes et les écrans, aux Cassandre qui osent encore se demander s'il ne fallait pas fixer un cadre et des limites aux arrivées…

    Et soudain, hier, patatras. L'Allemagne annonce qu'elle ferme «provisoirement» sa frontière avec l'Autriche et y déploie des dizaines de milliers de policiers. Les Tchèques font de même. Schengen, tant célébré il y a encore quelques heures, s'effondre avec un bruit mou. Notre ministre de l'Intérieur appelle à en respecter l'esprit, alors que tout bascule à partir du moment où l'Europe, vieille dame médusée et sidérée, se rend compte que les centaines de milliers d'arrivants seront inéluctablement et légitimement, des dizaines de millions si rien n'est fait, en Irak, en Syrie, en Libye et ailleurs, pour remédier aux causes du grand déplacement.

    Que feront les princes qui nous gouvernent, si la France devient l'une des seules destinations encore ouvertes? La suite au prochain numéro. Résumons: François et Angela sont dans un bateau, François tombe à l'eau, qui l'a poussé? Réponse: une fois de plus hélas, la realpolitik retrouve ses raisons que le cœur ignore. 

    André Bercoff        

    André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en 2014 chez First.

     

  • Crise des migrants : « L'espace Schengen n'existe plus »

     

    Pour le Figaro, une analyse de Gérard-François Dumont, président de la revue Population & Avenir.

    Une analyse qui, par delà un avis autorisé sur le phénomène migratoire en cours, ne manque pas de mette en cause les options géopolitiques des nations européennes ou dites occidentales au cours des dernières années. LFAR

     

    LE FIGARO - Face à l'arrivée ininterrompue de migrants par train, l'Allemagne a décidé de suspendre le trafic ferroviaire en provenance de l'Autriche, et de renforcer les contrôles aux frontières. La République tchèque a annoncé un renforcement similaire de ses frontières avec l'Autriche. Comment interprétez-vous ces décisions ?

    Gérard-François DUMONT - Les événements qui se déroulent correspondent à l'une des dix lois de géopolitique des populations que j'ai désigné « loi du nombre »*: lorsque le nombre de demandeurs d'asile n'était pas fort différent des années précédentes, les procédures prévues se mettaient en œuvre sans difficulté majeure. Lorsque la pression du nombre devient considérable, la nature du phénomène change de nature et la situation devient difficilement gérable, même pour un pays comme l'Allemagne qui a exprimé la volonté initiale de recevoir de nombreux demandeurs d'asile et d'en financer les conséquences.

    Quand l'Allemagne a décidé fin août de suspendre les accords de Dublin (aux termes desquels toute demande d'asile doit être faite dans le premier pays européen où la personne pose le pied) uniquement pour les personnes en provenance de Syrie, aucun autre pays européen, pas même la France, n'a suivi. L'Allemagne s'est donc retrouvée seule et l'est encore à ce jour. Comme les autres pays européens ne sont pas inscrits dans son sillage, l'appel d'air sur l'Allemagne, plus particulièrement sur les Länder les plus proches de l'Autriche et donc de la Hongrie, c'est-à-dire des pays où débouchent la route des Balkans, s'en trouve considérablement accru.

    On peut se demander si l'Allemagne n'a pas confondu des modalités de gestion fédérale avec celle de l'Union européenne. Après la fin du rideau de fer en 1989, l'Allemagne a accueilli des centaines de milliers de «rapatriés tardifs» (Spätaussiedler), c'est-à-dire de personnes considérées de souche allemande au titre de la Loi fondamentale de 1949, mais vivant auparavant en URSS. Berlin a organisé une répartition démographique entre les Länder. En 2015, a-t-elle pensé mettre en œuvre le même procédé entre les États de l'Union européenne qui n'est pourtant pas une fédération ?

    Alors qu'une réunion d'urgence des ministres de l'Intérieur et de la Justice européens doit se tenir ce lundi à Bruxelles, l'Allemagne cherche-t-elle à exercer une forme de pression sur ses voisins qui, comme la Pologne, la Slovaquie ou la République tchèque, ne veulent pas appliquer le système des quotas ?

    Cette décision n'est pas le fait du hasard dans la mesure où elle aurait pu aussi être prise quelques jours auparavant, puisque la montée de la pression migratoire était prévisible. Mais l'Allemagne se trouve surtout prise par l'urgence, en difficulté de faire face à cette loi du nombre, comme l'a exposé le maire de Munich le 13 septembre.

    Que peut-on attendre de la réunion d'urgence à Bruxelles ?

    Trois scénarios sont possibles. Soit des déclarations d'intention pour donner l'impression qu'une solution est apportée à la crise des migrants, avec une répartition affichée des migrants, dont la mise en œuvre risque d'être aléatoire, car tout probablement contournée par certains gouvernements ou par les migrants eux-mêmes qui souhaitent se diriger là où ils peuvent disposer d'un meilleur réseau ou de meilleures chances d'accueil et de revenus. Soit des annonces signifiant que l'on partage l'émotion ressentie depuis la diffusion de la photo de ce pauvre garçon syrien mais qui, en réalité, renvoient à une prochaine réunion. Troisième scénario, l'échec: il acterait que les voies suivies par les autorités de Bruxelles depuis des mois sont inadaptées, soit ne rien dire aux pays membres qui ne respectent pas les modalités des accords de Schengen, vouloir répartir les humains comme des marchandises, et ne pas s'attaquer aux causes des exodes et des mouvements migratoires.

    Faudrait-il alors un « Schengen 2 », comme l'évoquait Nicolas Sarkozy au Touquet ce week-end ?

    Dans les faits, tous les événements qui se sont déroulés ces derniers mois aux frontières internes comme aux frontières extérieures de l'espace Schengen, montrent que le « Schengen 1 » ne fonctionne plus. Nous sommes déjà dans un « Schengen 2 », mais avec les règles nullement définies, d'où des décisions divergentes des États de l'Union européenne ou de membres de l'espace Schengen non membres de l'Union européenne, comme la Suisse.

    Comment voyez-vous les semaines et les mois à venir?

    Cela fait longtemps que j'ai annoncé la montée en flèche des migrations en Europe, dans la mesure où elles sont notamment le résultat direct d'événements géopolitiques se déroulant depuis 2011 et du manque d'anticipation des pays européens, notamment dans la zone syrienne et la zone libyenne, où aucune solution politique ne se dessine. La guerre civile syrienne est très particulière, non seulement du fait de la présence de l'État islamique, mais en raison de la pluralité des groupes militaires qui s'opposent. L'exode ne semble pas devoir s'arrêter, d'autant qu'il s'est trouvé amplifié par l'absence de réaction face à l'offensive de l'État islamique sur Palmyre. En outre, parmi les premiers pays d'asile, la Turquie d'Erdogan ne fait guère - c'est un euphémisme - pour faciliter une solution politique et ne décourage en rien le départ des Syriens vers d'autres destinations, comme si elle voulait contribuer à gêner, voire à déstabiliser l'Union européenne. 

    Gérard-François DUMONT, professeur à la Sorbonne et président de la revue Population & Avenir. 

    *Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses.

  • L'Image du jour ... Non Angela n'est pas infaillible ... Et n'est pas le génial dirigeant que l'on croit !

  • Déferlement migratoire : la solution est d’abord nationale

     

    Par François Marcilhac*

     

    500021990.jpgÀ peine l’Action française bouclait-elle son université d’été – la plus ancienne du paysage politique français puisque datant de 1953 –, que socialistes et écologistes organisaient leurs raouts de rentrée sur fond de querelles intestines (à La Rochelle, Valls était hué par les Jeunes Socialistes) et de démissions (les écologistes Rugy et Placé ont préféré leurs ambitions ministérielles à leurs convictions politiques). Toutefois, avant même la rentrée politique officielle, l’été n’aura pas été avare en événements à la fois tragiques et inquiétants, qui ont donné à nos démagogues l’occasion de déverser leurs propos irresponsables. 

    Nous pensons évidemment au raz-de-marée migratoire, en Méditerranée et en Europe orientale : c’est désormais à flots continus que déferlent des "réfugiés", terme compassionnel à l’emploi mensonger, puisqu’il mêle, à de vrais persécutés politiques que nous nous devons d’accueillir au nom de notre double tradition capétienne et chrétienne, une masse toujours recommencée d’insatisfaits économiques venus profiter des largesses offertes par une Europe prétendument riche. Le problème est que le "migrant", autre terme, qui s’oppose à l’"immigré", au "sans-papier" ou au "clandestin" aux connotations péjoratives, comme pour signifier une nouvelle dimension humaine adaptée au mondialisme, est devenu la figure du Pauvre absolu, incarnation de l’Humanité souffrante, justification d’une gauche qui a dérapé de l’internationalisme au mondialisme et cherche ainsi à dissimuler sa trahison de l’ouvrier français.

    L’angélisme niais de quelques prélats

    Quant à la droite supranationale, elle a toujours favorisé, et favoriserait encore si elle revenait au pouvoir, l’immigration, car elle y voit la possibilité de développer le marché tout en pesant sur les salaires et les conditions de travail. Il faut enfin évoquer l’angélisme niais de quelques prélats dont les positions, comme le déclarait récemment Stéphane Blanchonnet, « aussi paresseuses qu’iréniques – un humanisme déconnecté du réel qui confond la vertu d’hospitalité, qui doit rester individuelle et volontaire, et l’accueil forcé de masses de migrants qui menacent notre culture et notre mode de vie – sont aussi incompréhensibles que suicidaires ». Arrive-t-il aux droits-de-l’hommistes de toutes obédiences de s’interroger sur leur responsabilité morale dans les catastrophes humaines liées à ces déplacements de population ? Tant leurs propos que leur politique constituent de véritables appels d’air dont seuls profitent les passeurs...

    La palme de la bêtise revient à Emmanuelle Cosse, la patronne des écologistes, qui, appelant ouvertement à la libanisation de la France, a prôné sur I-Télé, le mardi 25 août, l’accueil par la France, comme au Liban, de 25 % de sa population en "migrants", soit plus de quinze millions de "réfugiés" ! « Nous sommes un pays extrêmement riche qui a des capacités d’accueil extrêmement fortes. [...] Donnons le message que nous accueillons tout le monde et que nous pouvons leur donner des droits. » Elle qui aspire à devenir en 2017 "cheffe" de l’État – mais le propre de la République n’est-il pas de permettre à n’importe qui d’accéder au poste suprême ? –, sait-elle ce qu’a coûté au Liban, qui en subit toujours les conséquences, l’accueil en trop grand nombre de réfugiés dans les années 1970 ? Et ce que coûtera à ce même pays cette nouvelle déferlante encore plus considérable, alors qu’il traverse une énième crise politique ?

    Les diktats d’Angela Merkel

    Or, cette déclaration irresponsable, notre Premier ministre l’a avalisée, à La Rochelle, le 30 août : les migrants, qui « fuient la guerre, les persécutions, la torture, les oppressions, doivent être accueillis » en France et « traités dignement, abrités, soignés »... aux frais d’une République qui s’apprête à fermer un service d’urgences hospitalières sur dix ? Ce faisant, il ne fait que s’incliner devant les diktats d’Angela Merkel qui, de mère-fouettarde des Grecs, qu’elle condamne à une régression sociale et sanitaire sans précédent, est devenue, contre ses compatriotes qui n’hésitent plus à la conspuer, comme en Saxe le 26 août, la mère Teresa des "réfugiés", osant donner des leçons d’humanité à l’Europe entière, comme dans l’affaire du camion-tombeau trouvé en Autriche. Ou comment se refaire une virginité humanitaire à bon compte auprès de l’opinion publique européenne tout en favorisant l’arrivée d’une main-d’œuvre corvéable à merci – le droit social allemand n’est pas le droit français – dans un pays qui ne fait plus d’enfants. Valls, qui veut faire plaisir à Cameron autant qu’à Merkel, a également annoncé la construction d’un camp de mille cinq cents places à Calais pour 25 millions d’euros, dont 5 payés par l’Europe, c’est-à-dire toujours par nous puisque notre pays est contributeur net au budget européen. Et ce, au seul bénéfice de la politique de contrôle des frontières des Britanniques qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen ! Comprenne qui pourra ! Ou plutôt qui s’en donne les moyens. Ce que font apparemment les Hongrois qui, s’étant dotés depuis 2010 d’un gouvernement patriote, ont décidé de prendre à bras-le-corps la question du déferlement migratoire. D’où l’ire de Laurent Fabius, dont les propos imbéciles, ce 31 août, ont provoqué une crise diplomatique entre Paris et Budapest, la Hongrie étant accusée par notre ministre des Affaires étrangères de ne pas « respecte[r] [...] les valeurs communes de l’Europe » pour avoir érigé une clôture à sa frontière avec la Serbie. « Il apparaît que certaines personnes en Europe sont toujours incapables de comprendre quelle pression stupéfiante et dramatique subit la Hongrie du fait de la migration via les Balkans de l’Ouest », lui a rétorqué son homologue hongrois, M. Szijjarto, avant de convoquer un représentant de l’ambassade de France.

    La Hongrie a compris

    Sous prétexte que la solution au problème de l’invasion migratoire serait "européenne", Hollande et Merkel veulent « unifier » le droit d’asile (déclaration commune du 24 août), c’est-à-dire permettre à Bruxelles, sous autorité allemande, de nous imposer des millions de "réfugiés"... La Hongrie a, au contraire, compris que les premières solutions sont nationales puisque Bruxelles favorise cette « pression stupéfiante » au nom d’un mondialisme forcené, ennemi de l’identité des peuples. Ensuite, devront nécessairement venir des solutions non pas "européennes", au sens bruxellois – ou allemand – du terme, mais inter-nationales, c’est-à-dire prises de concert par plusieurs États souverains : européens, africains, proche et moyen-orientaux. Ce qui suppose, évidemment, que la France ait auparavant recouvré son indépendance...  

    * François Marcilhac - L’Action Française 2000

     

     

  • Prêchi-prêcha

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    La déferlante migratoire qui sabat sur lEurope, mêlant dans un flux continu prétendus réfugiés politiques et authentiques fuyards économiques - quil est vain de vouloir distinguer puisquau bout du compte tous restent -, oblige à jeter les masques. Mme Merkel, au nom dune Allemagne toujours dans lexcès dune repentance qui ne regarde quelle, veut accueillir près dun million de personnes et créer par là même les conditions dun cataclysme désormais annoncé. Et M. Hollande de faire sienne la proposition allemande de quotas « obligatoires ». LUnion dévoile ainsi un peu plus son véritable visage, autoritariste et bientôt inquisitorial. Il suffit de voir comment sont traités ceux qui prétendent résister, non seulement les pays dits « de lEst » (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie), mais aussi la majorité des Français dont on stigmatise quotidiennement dans les médias « le coeur de pierre » (lexpression est de M. Aphatie, journaliste).

     

    Cest quon a des valeurs, voyez-vous. Tous nous jouent désormais la même musique - de M. Valls à Calais invoquant « les valeurs de la République » à M. Fabius faisant la leçon aux Hongrois sur « les valeurs de lEurope ». Cest oublier que nous nous devons dabord de respecter, au nom de tous les morts de ce pays et de tous les vivants à venir, le principe même de notre existence, laquelle passe par la défense de ce que nous sommes. Personne ne nous convaincra jamais qu’« accueillir » en Europe des centaines de milliers, voire des dizaines de millions, d’êtres totalement « étrangers » à lhistoire et à la culture européennes ne nous fait pas courir un danger mortel.

     

    Une telle politique dimmigration massive est dailleurs menée sciemment en France depuis des décennies, pour diluer lessence même du pays. Aujourdhui ce même pays, qui nen peut mais, semble vouloir se refermer. Sursaut protecteur : comment ne pas être effrayé en effet par ces centaines de Syriens musulmans hurlant « Allah akbar » sur les quais de la gare de Budapest ? Pourquoi ces gens-là ne bénéficient-ils pas dune exfiltration dûment organisée vers un des « pays frères » du Golfe où il y a de largent et de la place ? De plus, que penser de ces « réfugiés » qui ont programmé leur installation dans tel ou tel pays, faisant de lEurope non une terre dasile mais un libre-service ?

     

    Le rôle du politique nest pas de donner dans la sensiblerie ambiante, comme celle quexploitent de façon éhontée certains médias avec la photo de cet enfant syrien retrouvé noyé. Le rôle du politique est davoir la lucidité et le courage de choisir lintérêt de la France, voire de lEurope. Non seulement il ne faut pas faiblir avec les Allemands mais il faut, dans un sursaut souverainiste, déclarer que limmigration en France ne saurait être quune démarche individuelle, pour le coup contingentée, non un phénomène massif et communautariste. Faute de quoi, la réalité des pays dont on senfuit (misère ou guerre civile) nous infectera sur notre propre sol - et le rappel incantatoire des « valeurs » paraîtra alors bien vain. Il ne sera que ce quil est : un prêchi-prêcha veule et mortifère. 

     

  • Crise des migrants : et si on relisait Lévi-Strauss ?

     

    Réflexions sur la crise migratoire par Mathieu Slama* 

    Nous avons publié, le 12 aout, un premier article de Mathieu Slama qui traitait de deux visions du monde qui s'entrechoquent : « la démocratie libérale et universaliste » côté européen et de l'autre « la nation souveraine et traditionaliste, », celle, selon lui, de Vladimir Poutine**. Les réflexions qui suivent s'inscrivent comme un diptyque avec les premières. Il s'agit ici de la crise migratoire que nous vivons et, de nouveau, de l'universalisme des nations occidentales. Mathieu Slama éclaire cette crise migratoire - qui pose des questions centrales en matière d'identité - à travers la réflexion de Claude Lévi-Strauss. Ce qui le conduit à une analyse, voire à des conclusions, dont nous ne pouvons qu'approuver et partager, sinon le détail en totalité, du moins le fond. LFAR

    La crise migratoire met en jeu, pour reprendre les mots du Pape François, notre conception même de la dignité humaine. Les images de ces hommes fuyant la misère ou la souffrance pour une autre misère et souffrance un peu plus supportables ne peuvent qu'ébranler notre conscience au plus profond d'elle-même.

    De façon plus politique, cette crise nous oblige aussi à reposer la question de l'universel. Deux positions s'affrontent en effet : d'un côté celle qui considère que les migrants font partie de la même humanité que la nôtre et qu'il faut donc les accueillir ; de l'autre celle qui soutient que l'accueil des migrants met en péril la singularité culturelle des nations européennes (une position défendue récemment par Viktor Orban). L'universalisme d'un côté, qui suppose la subordination des nations à des règles universelles communes à chaque homme (les fameux « droits de l'homme ») ; le traditionalisme de l'autre, qui fait de chaque homme le produit d'une histoire particulière, d'une culture et d'un passé. L'Homme n'existe pas, affirmait Joseph de Maistre dans sa célèbre apostrophe, mais il y a des Français, des Italiens, des Suédois etc.

    Sous l'impulsion du moment révolutionnaire de 1789 et de ses illustres penseurs, l'option universelle a progressivement emporté la bataille en Europe. Elle a conduit, par ses dérives, au malaise européen contemporain qui touche la majorité de nos nations : disparition du sentiment national, primauté des droits individuels sur la dimension spirituelle héritée de la tradition, dilution du patrimoine culturel national sous les coups d'une immigration excessive (dont une partie de la responsabilité incombe, soulignons-le, aux crimes colonialistes européens et plus récemment à l'ingérence occidentale au Moyen-Orient).

    L'ouverture des frontières nous a jetés dans une angoisse insaisissable mais en même temps très réelle. Le fait que la question migratoire soit devenue, devant le chômage, l'inquiétude principale des Européens est à cet égard extrêmement révélateur.

    L'anthropologue Claude Lévi-Strauss nous aide à mettre des mots sur ce phénomène. De façon prophétique, il avait mis en garde contre les conséquences de l'effritement des frontières au nom d'un universalisme et multiculturalisme destructeur: « La fusion progressive de populations jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que par des barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires, quand ils vivaient en petits groupes durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différente, tant sur le plan biologique que sur le plan culturel ». Et Lévi-Strauss de s'en prendre au « mouvement qui entraîne l'humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l'honneur d'avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d'être capables d'en produire d'aussi évidentes ». Pour l'anthropologue, « toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus, sinon même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent » . Cette réflexion, d'une grande radicalité mais aussi particulièrement lucide, lui fut durablement reprochée à une époque où l'antiracisme et le « sans-frontiérisme » régnaient en maîtres.

    La position de Lévi-Strauss, que nous défendons ici, est pourtant authentiquement antiraciste. Elle découle de la haute idée que nous nous faisons des cultures qui ne sont pas les nôtres. Pour « être soi » et ainsi préserver la diversité du monde (et donc sa richesse culturelle), il faut non pas rejeter l'autre mais accepter une certaine séparation, car « pour être soi » il faut nécessairement « ne pas être l'autre ». «On doit reconnaître», conclut Lévi-Strauss, « que cette diversité [du monde] résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s'opposer à celles qui l'environnent, de se distinguer d'elles, en un mot d'être soi: elles ne s'ignorent pas, s'empruntent à l'occasion, mais pour ne pas périr, il faut que persiste entre elles une certaine imperméabilité ».

    Faut-il pour autant renoncer, au nom de la préservation de ce qui subsiste de notre originalité culturelle, à porter secours aux migrants ? Cette position est difficilement soutenable au regard du devoir de charité qui incombe à chacun d'entre nous. Mais ce devoir ne peut impliquer d'accueillir, pour le long terme, un nombre important de migrants dans un pays et un continent déjà minés par le délitement culturel (sans parler du chômage de masse). Le cas des réfugiés - notamment venus de Syrie - doit faire l'objet d'un traitement particulier, évidemment. Il ne s'agit pas d'intolérance et encore moins de repli sur soi, mais de préservation du peu qui nous reste à conserver - à moins qu'il ne soit déjà trop tard.

     

    *  Mathieu Slama spécialiste de la communication de crise chez Publicis Consultants.

    ** Vladimir Poutine contre l'universalisme occidental

     

  • Thilo Sarrazin : « L’Allemagne se laisse mourir »

     

    L'analyse d'Aristide Leucate*

    La crise aigüe des migrants, ramène sur le devant de la scène les thèses de Thilo Sarrazin ainsi que son livre. Plusieurs grands médias en ont abondamment traité encore tout récemment. Et Aristide Leucate en a donné dans Boulevard Voltaire l'analyse qui suit. Les Allemands avec qui l'on en discute commencent en général par une réaction de rejet conforme au politiquement correct de type allemand. Si l'on insiste, ils finissent par reconnaître que Thilo Sarazin dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. L'Allemagne ne s'est pas encore débarrassée de son complexe de culpabilisation né des circonstances de la dernière guerre. Elle a, pour l'instant, pratiquement renoncé à être la grande puissance politique qu'elle pourrait être. Et se satisfait d'être le géant économique que l'on sait. Ce qui, compte-tenu de son important déclin démographique, la conduit, sans-doute contre son sentiment profond, à une politique immigrationniste de grande ampleur. Cette situation est-elle durable ? C'est une grande question qui, dans tous les cas de figure, intéresse la France et l'Europe. Et que Thilo Sarrazin a le mérite de mettre en pleine lumière. A vrai dire, nous ne serions pas surpris qu'à terme plus ou moins court le peuple allemand se ressaisisse. Ni que sa réaction soit à la hauteur de la menace qui pèse aujourd'hui sur lui. LFAR   

     

    aristide-leucate.jpgL’Allemagne disparaît serait considéré comme l’équivalent du Suicide français d’Éric Zemmour, s’il n’adoptait pas un angle de vue démographique, économique, sociologique et politique aux antipodes des analyses plus historiques et événementielles de l’essayiste français. Il reste vrai, cependant, que le titre français rend imparfaitement compte du propos du livre, qui pourrait davantage s’intituler « L’Allemagne se supprime elle-même », voire « L’Allemagne se suicide ».

    L’auteur est un pur produit de l’oligarchie, ayant fait partie, pendant plus de trente ans, de ces « politiciens de haut niveau se réfugiant hélas dans l’insipide », comme il le confesse lui-même. Son livre fit un tabac outre-Rhin (près de deux millions d’exemplaires écoulés) en même temps qu’il souleva un tollé dans la classe politico-médiatique qui lui reprocha sa tonalité socio-racialiste. Pour cet ancien ministre SPD du Land de Berlin qui dut démissionner du directoire de la Banque fédérale allemande, le constat est simple : « Le vieillissement et la réduction numérique de la population allemande vont de pair avec des transformations qualitatives dans sa composition. »

    Avec un sens aigu de l’abstraction et une maîtrise affinée des statistiques, l’auteur montre que, depuis la reconstruction de l’Allemagne, les conséquences combinées d’une série de réformes institutionnelles ont « provoqué une destruction partielle de la substance sociale qui menace notre avenir ». Et de pointer du doigt la négligence du facteur démographique et des politiques afférentes, les incitations qu’offre notre système social à mener une vie fondée sur le libre choix – et, subséquemment, les mutations notables que de telles politiques occasionnent aux ressorts de la psychologie et de l’intelligence humaines – et la qualité du matériau migratoire.

    En digne hégélien ayant lu Engels, Sarrazin ne méconnaît pas les incidences quantitatives sur le qualitatif. S’appuyant sur les études psychogénétiques et anthropo-sociologiques récentes, il établit la connexion entre l’indice de fécondité, l’appartenance à une catégorie sociale défavorisée – et la dépendance corrélative aux prestations sociales – et la dépréciation subséquente du capital intellectuel.

    Thilo Sarrazin retrace la socio-généalogie des causes d’imputabilités politiques, économiques et sociales qui ont conduit, jusqu’à aujourd’hui, au tsunami migratoire submergeant, certes l’Allemagne, mais plus largement l’Europe. Fort de ses références tirées de l’actualité comme de l’université, l’auteur affirme ainsi, sans rougir, que l’islam, grand pourvoyeur d’immigrés, pose de graves problèmes à une Europe incapable de choisir entre honte et lucidité.

    Servi par un solide appareil de notes, elles-mêmes étayées par une bibliographie non moins fournie ainsi que des tableaux et diagrammes qui en illustrent les démonstrations, l’essai est tout à fait remarquable en ce qu’il place l’Allemagne au miroir civilisationnel d’autres pays européens historiquement et culturellement déclinants, à commencer par la France. À notre sens, sa force de frappe est supérieure à celle du livre, pourtant brillant, de notre Zemmour national. Seul bémol – de taille, nous semble-t-il –, sa traduction souvent trop littérale qui en rend la lecture peu fluide.   

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    * Docteur en droit, journaliste et essayiste
     
  • L’Europe en train de perdre son âme…

     

    Alerte de François d'Orcival dans Valeurs actuelles

    La crise des migrants qui, volens nolens, peut s'analyser aussi comme une invasion de fait du continent européen, est devenue la grande affaire. Ses conséquences sont incalculables. Elles peuvent prendre des formes contradictoires. Par exemple susciter une riposte européenne unitaire, coordonnée, ou à l'inverse opposer les peuples, faire craquer le peu qui reste de l'UE, déjà minée par les effets ravageurs de la crise économique. Sans compter les bouleversements politiques, les troubles sociaux, les menaces - évidemment graves - pour l'ordre public, la sécurité, la paix civile, qui peuvent s'en suivre en France et partout en Europe. Y compris à l'Est. Sans compter enfin, surtout, le risque qui pèse sur la pérennité de nos identités, de notre existence en tant que peuple maître chez soi. On lira ici l'analyse  - à notre avis très remarquable - que François d'Orcival vient de donner dans Valeurs actuelles sur ce grand sujet. Suivra dans notre deuxième note de ce jour un intéressant article de Jean-Paul Brighelli qui dresse un tableau saisissant, très concret, de la façon dont Marseille vit cette situation particulière où la présence des immigrés domine largement l'existence de la cité phocéenne. Deux textes, somme toute, mobilisateurs. LFAR     

     

    François%20d'Orcival_0_0.jpgÀ leurs peuples angoissés et fébriles devant la vague migratoire, les dirigeants européens appellent tous au courage. Mais lequel ? Résister à la vague ou s’effacer ?

    Lampedusa ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Les digues sautent partout. Ce sont maintenant, après la Grèce et l’Italie, la Macédoine, la Serbie, l’Allemagne, Nice et Vintimille, Paris et Calais qui se transforment en immenses Lampedusa. Des flots ininterrompus d’immigrants débarquent par terre et par mer. Les Européens ont rassemblé une flotte en Méditerranée pour sauver les naufragés venus de l’autre rive ; se rendent-ils compte qu’ils pourraient bien eux-mêmes lancer à leur tour des appels de détresse et réclamer l’assistance de leur flotte ?

    À Berlin, Angela Merkel et François Hollande expliquent que cette crise d’une ampleur exceptionnelle est appelée à durer. Plus grave que l’euro, plus grave que la Grèce. Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’Intérieur, prévient que le nombre de demandeurs d’asile (seulement les demandeurs d’asile !) va atteindre les 800 000 cette année outre-Rhin, quatre fois plus que l’an dernier… À Rome, le ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, membre de la gauche italienne, s’émeut : la crise des migrants, dit-il, peut conduire l’Europe « à redécouvrir son âme ou à la perdre pour de bon »

    Perdre son âme… Oui, les peuples européens sont anxieux, oui, ils sont fébriles, angoissés, devant ces foules étrangères qu’ils redoutent de voir venir non pas s’assimiler mais bouleverser un peu plus leur mode de vie et leur identité. Les dirigeants appellent tous au courage. Mais quel courage ? Résister à la vague ou s’effacer devant elle ? Allons, « soyons collectivement courageux », plaidait (dans le Figaro du 24 août) le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dont la seule expérience est d’avoir eu à gérer les banques luxembourgeoises. Pour lui, le courage consiste à convaincre les opinions publiques, « même si ce n’est pas facile, même si ce n’est pas populaire », que le devoir de l’Europe est d’ouvrir des « voies migratoires légales » en dénonçant la peur et le populisme qui « ne mènent à aucune solution ». Quelles sont donc les siennes ? Leur confrontation avec la réalité suffit à en montrer l’illusion : devant l’afflux de migrants en Italie et en Grèce, « la Commission, dit-il, a proposé de relocaliser 40 000 personnes vers d’autres États membres » — 40 000 dans l’année, alors que l’agence Frontex vient de nous indiquer que durant le seul mois de juillet, 107 500 immigrés étaient arrivés aux frontières de l’Europe, trois fois plus que l’été précédent ! De deux choses l’une : ou bien on se paie de mots pour masquer son impuissance, ou bien on prend cette réalité à bras-le-corps et le courage consiste à y faire face, comme dit Éric Ciotti, élu d’une circonscription, la 1re des Alpes-Maritimes, où l’on sait ce que les mouvements d’immigrés signifient.

    Ce n’est pas à Calais, à l’entrée du tunnel sous la Manche, que l’on résoudra cette crise. Les ministres français et britannique de l’Intérieur peuvent s’y donner rendez-vous aussi souvent qu’ils le veulent, doubler les rondes et les circuits de protection du tunnel en dépensant 5 millions d’euros de plus par an, le flot de clandestins décidés à passer ne sera pas arrêté par des policiers et des gendarmes armés de consignes de prudence. C’est à la source qu’il faut prendre les choses. Traiter les causes au lieu de tout perdre à traiter les conséquences.

    Les causes sont connues : le chaos en Afrique orientale et méditerranéenne, la guerre civile en Irak et en Syrie, l’incendie de l’islam fondamentaliste. Ce qui manque là-bas ce sont d’autres Al-Sissi, le maréchal égyptien qui a ramené l’ordre dans son pays et mérite d’être aidé (comme il l’est par la France) pour l’étendre à ses frontières. Ce qui manque chez nous, sur le continent européen, ce sont les signes de résistance de ceux qui ne veulent pas perdre leur âme.

    L’Australie a-t-elle perdu la sienne en barrant les routes à l’immigration clandestine ? Et le Japon ? Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères qui, lui, ne s’est jamais payé de mots, écrivait (le 13 mai, dans le Monde) : « Il n’y a évidemment pas de solution militaire [à la crise des migrants], mais ne rêvons pas : un recours à la force sera à un moment ou à un autre inévitable. » Ce sont les passeurs, ces modernes trafiquants d’esclaves, qu’il faut détruire là où ils sont. Combien de leurs cargos rouillés et de leurs embarcations de fortune ont-ils été détruits ? Combien de leurs réseaux démantelés ? S’il y a une dissuasion, elle est là. La voulons-nous ?

    Devant le danger quand il est là et qu’il vous éclate à la figure, il y aura un jour, comme dans le Thalys, vendredi dernier, un homme, des hommes courageux qui surgiront pour dire : « Let’s go, please ! » — “Allons-y, s’il vous plaît…” Et l’Europe redécouvrira son âme. 

    À l’antenne : le lundi, à 20 heures, sur France Info, dans “les Informés de France Info” ; le mercredi, à 12 h 40, sur iTélé ; le jeudi, à 10 heures, sur LCI.

  • L'unité européenne, vous y croyez, vous ? Face à l'invasion, pour le moment, c'est du chacun pour soi

    Dimanche, des militaires hongrois renforcent la clôture érigée à la frontière avec la Serbie, porte d'entrée de près de 140 000 migrants depuis le début de l'année. - Crédits photo : BERNADETT SZABO/REUTERS

    Du côté de la Hongrie, la politique d'accueil a fait long feu. Le pays a vu arriver 140 000 migrants depuis le début de l'année, en provenance de la route des Balkans, celle qui amène en Europe les réfugiés syriens, afghans ou encore irakiens, et dont la plupart souhaitent gagner l'Autriche ou l'Allemagne. Or la Hongrie a décidé d'ériger une clôture de 4 m de haut sur ses 179 km de frontière avec la Serbie. Elle vient d'achever la première phase de ce nouveau mur en posant plusieurs niveaux de fil de fer barbelé, que les migrants peuvent encore franchir. Cette attitude a été jugée « scandaleuse » par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. « La Hongrie fait partie de l'Europe, l'Europe a des valeurs, et on ne respecte pas ces valeurs en posant des grillages », a-t-il déclaré dimanche, plaidant pour une répartition des migrants dans chaque pays de l'UE.

    Oui, mais ces grillages on les pose. Et l'Europe n'exclura pas la Hongrie. Ce matin, les radios rapportent que l'ambassadeur de France à Budapest a été convoqué pour explications par le gouvernement hongrois. Lequel, comme toujours très sourcilleux sur tout ce qui touche à sa souveraineté ou à son identité, ne s'en laissera sûrement pas conter par Laurent Fabius ou l'un de ses semblables, habituels donneurs de vaines leçons. Voici que l'Union craque aussi désormais sur la question migratoire, comme elle a, de fait, craqué sur le dossier grec, qui est d'ailleurs toujours sur la table. Comme elle craquera sans-doute sur ceux qui suivront.  

    L'Europe n'exclura pas davantage la Slovaquie qui vient d'accepter d'accueillir 200 demandeurs d'asile (son contingent) à condition qu'ils soient chrétiens !  

     

  • Les Grecs indépendants, une extrême droite ?

    Photo : Panos Kemmenos, leader des Grecs indépendants. 

    Par Yves Morel

    L’accès au pouvoir d’Alexis Tsipras en Grèce n’a été possible qu’avec l’appoint des 13 députés des Grecs indépendants qui a permis à Syriza, la formation du nouveau Premier ministre, d’obtenir la majorité à la Boulè (fixée à 151 sièges, quand elle en disposait de 149). Un ralliement qui, quoique jugé prévisible par quelques politiques et observateurs, a surpris tout le monde. Les deux formations sont, en effet, aux antipodes l’une de l’autre. Coalition de la gauche radicale incluant des alternatifs de sensibilité écologiste, des socialistes anticapitalistes marxisants, proche à la fois, sur l’échiquier politique français, d’Attac, du NPA, du Front de Gauche, des Alternatifs et de l’aile gauche des Verts, Syriza n’a rien en commun avec les Grecs indépendants, nationalistes, conservateurs, favorables à l’entreprise privée, et très liés à l’armée et à l’Église orthodoxe.

    Les deux partis se sont pourtant retrouvés sur leur plus petit dénominateur commun : leur hostilité à l’euro, le refus de la politique d’austérité imposée par Bruxelles et la renégociation du remboursement de la dette grecque. Et la capitulation de Tsipras à Bruxelles ne semble pas avoir entamé cette alliance limitée à ce seul point.

    Un parti souverainiste dirigé par un grec francophile

    Où situer les Grecs indépendants (Anexátítí Éllines, soit ANEL)? Leurs positions souverainistes les apparentent, à l’esprit de beaucoup, à Debout le France de Nicolas Dupont-Aignan. Et, de fait, les deux mouvements sont nés d’une rupture d’avec leur formation d’origine, qui se trouvait être le grand parti conservateur de leur pays : Debout la France (DLF) fut d’abord, et jusqu’en 2008, un courant de l’UMP, et Dupont-Aignan, un élu de cette formation avant de la quitter ; les Grecs indépendants, quant à eux, fondés en février 2012, sont une dissidence de Nouvelle Démocratie, dont Kammenos fut député. De plus, ce dernier affiche ouvertement ses affinités souverainistes avec Dupont-Aignan, lequel ne lui ménage pas son soutien public ; les deux hommes se sont rencontrés, s’apprécient, et Kammenos a pris publiquement la parole lors d’un meeting de DLF.

    Leurs relations sont d’autant plus aisées que Kammenos parle couramment le français et connaît très bien notre pays, sa sensibilité et sa culture ; après avoir été élève d’un lycée français de Grèce, il a effectué ses études supérieures de sciences économiques, de gestion des entreprises et de psychologie à l’université Lyon II, puis à Lausanne, en Suisse romande. Les deux partis et leurs leaders respectifs combattent l’euro, la politique européenne commune pilotée par la Commission européenne, la tyrannie des critères de convergence et la limitation draconienne des déficits budgétaires, le culte monétariste de la devise forte, la mondialisation et le libéralisme sans frontières, la disparition des souverainetés nationales au profit du marché mondialisé, de la technocratie de bruxelloise et de la loi des bourses et des grandes banques.

    Proche de DLF ou du MPF ?

    Cependant la ressemblance s’arrête là. Car quant au reste, les différences et les oppositions apparaissent en nombre. En effet, Dupont-Aignan et DLF sont des républicains laïcs, relativement progressistes, dont le gaullisme orthodoxe se nuance assez fortement de mendésisme, les rapprochant en cela du Pôle républicain et de la gauche chevènementiste. A l’opposé, Kamennos et les Grecs indépendants s’ancrent résolument à droite, défendent la religion et la morale chrétiennes, entretiennent les meilleurs rapports avec l’Eglise orthodoxe, réprouvent les mesures laïques votées ces dernières années en Grèce (mariage civil, partenariat civil pour les couples homosexuels, laïcisation de l’enseignement) et combattent résolument le multiculturalisme et l’immigration. En fait, ils s’apparentent beaucoup plus au Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers qu’au DLF de Dupont-Aignan ; leurs vues coïncident en tous point avec ceux du Vendéen, la seule petite différence résidant en la différence confessionnelle, l’ANEL se réclamant de la religion orthodoxe quand le MPF fait fond sur le catholicisme ; ceci dit, tous deux promeuvent l’idéal d’une civilisation chrétienne. Mais ce n’est pas seulement sur les questions d’éthique et de société que se situent les affinités entre l’ANEL et le MPF : les deux formations se ressemblent également par leur nationalisme économique.

    Toutes deux sont hostiles au grand marché européen sans frontières découlant de l’Acte unique européen et de l’institution de l’euro, des critères de convergences et contraintes budgétaires en découlant, de la Banque Centrale Européenne, se prononcent en faveur du protectionnisme patriotique et revendiquent le droit, pour leurs nations respectives, de mener une politique commerciale extérieure conforme à leurs intérêts propres et à leur parcours et traditions historiques. Ce patriotisme économique était ouvertement revendiqué en France par Philippe de Villiers et Jimmy Goldsmith en 1894-1897, et il l’est aujourd’hui en Grèce par l’ANEL. Kamennos préconise la conclusion d’alliances économiques fécondes de la Grèce avec la Russie et la Chine et considère avec un optimisme allègre la position géographique de son pays qui, selon lui, peut devenir la plaque tournante des exportations chinoises vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique septentrionale. C’est avec enthousiasme qu’il annonce « la résurrection de la route de la soie à la fois sur terre et sur mer ». Et, ministre délégué à la Marine marchande, dans le second gouvernement de Kostas Karamanlis (2007-2009), il a décidé la conclusion d’un accord avec le groupe chinois COSMO attribuant à ce dernier une concession de trente ans dans la station de conteneurs du port du Pirée (30 novembre 2008).

    Un parti d’extrême droite ?

    L’ANEL, parti des Grecs indépendants, est donc, assurément, un parti de droite, nationaliste, chrétien, hostile à l’Europe communautaire. Il est le jumeau intellectuel et moral du MPF français bien plus que l’équivalent approximatif du DLF de Dupont-Aignan, nonobstant les relations amicales entre les deux partis. Doit-on l’assimiler à l’extrême-droite, à l’instar de Daniel Cohn-Bendit, qui voit en Kamennos « un homophobe, un antisémite et un raciste » et considère l’alliance de Syriza avec l’ANEL comme un « scandale » ?

    Il conviendrait d’abord de clarifier cette notion d’ « extrême droite », tout comme d’ailleurs celle d’ « extrême gauche ». Quel(s) critère(s) permet(tent) de qualifier un parti d’ «extrême » ou d’«extrémiste » ? De l’avis général des politologues et des historiens contemporainistes, un parti peut être qualifié ainsi lorsqu’il préconise – idéologiquement, éthiquement et institutionnellement – une rupture radicale avec le régime dont il combat le gouvernement, et l’édification d’un nouveau système politique et social fondé sur des valeurs et une vision de l’homme et du monde en opposition avec lui. Tel n’est pas le cas de l’ANEL qui ne préconise pas un changement de régime et critique les orientations des grands partis habituellement au pouvoir en Grèce sans contester pour autant la démocratie libérale et parlementaire instaurée par la constitution de 1974. Les Grecs indépendants réclament certes un contrôle sévère de l’immigration, l’exclusion des clandestins, défendent une morale chrétienne rigoureuse, plaident la cause de l’exemption d’impôts de l’Eglise orthodoxe, se prononcent contre la banalisation de l’homosexualité et le mariage gay et lesbien, critiquent la « culture » du rap, du tag, du reggae et des tam-tams, défendent la tradition culturelle hellénique, mais tout cela reste parfaitement compatible avec la démocratie libérale.

    Et le fait que M. Kamennos soit décoré de l’Eglise orthodoxe tchèque et du Grand Patriarcat de Jérusalem ne fait pas de lui un champion de la théocratie. Quant à l’accusation d’antisémitisme, lancée à propos de la critique de l’exemption d’impôts des juifs, musulmans et bouddhistes (et, à ce sujet, pourquoi ne pas parler également de racisme anti-arabe ou anti-asiatique ?), elle est bancale : dénoncer le privilège indu d’une communauté (en l’occurrence de trois communautés différentes) au nom de la simple égalité devant la loi ne relève pas du racisme. Du reste, l’ANEL ne conclut guère d’alliances qu’avec des partis reconnus comme démocratiques. Aucun des partis du groupe parlementaire européen auquel elle appartient ne peut être sérieusement et de bonne foi taxé d’opposition à la démocratie et aux libertés publiques. Et nous avons vu quels liens cordiaux l’unissaient au DLF de Dupont-Aignan, indubitablement républicain et laïc. En fait, le seul parti d’extrême droite et antidémocratique de la Grèce actuelle est l’Aube dorée. Rappelons, pour clore ce point, qu’en France, l’ultra gauche elle-même n’a pas critiqué le choix de Syriza de s’allier à l’ANEL, qu’il s’agisse d’EELV (de par son porte-parole Julien Bayou, à Athènes au début de cette année et ardent soutien de Syriza), ou du parti communiste (de par les propos récents de Pierre Laurent), qui ont estimé qu’un tel accord pouvait offrir pour la Grèce des perspectives intéressantes.

    La même relativisation de cette notion d’extrémisme vaut pour Syriza. Cette formation, née de l’alliance de divers partis et associations allant de la gauche marxiste aux représentants d’un idéal humaniste et social-démocrate modéré en passant par les altermondialistes et les écologistes, a été située à l’extrême gauche, alors que rien, dans son programme – au demeurant critiquable sur bien des points – n’indique l’ambition d’édifier une société collectiviste ou anarchiste et une volonté de rupture d’avec la « démocratie bourgeoise » libérale et parlementaire, le capitalisme, la libre entreprise. Le simple fait pour un parti de refuser la mondialisation néolibérale, la financiarisation de l’économie, la soumission aux lois du marché et aux fluctuations boursières, et la tyrannie de la Commission européenne, de la BCE et des « critères de convergence », ne suffit pas à le classer à l’ « extrême gauche » ; de même que l’adhésion à l’idée d’instituer la taxe Tobin sur les transactions financières (critiquable, elle aussi), n’est pas le fait des seuls gens de d’extrême gauche ou simplement de gauche (des centristes comme François Bayrou et des hommes de droite comme Jacques Chirac et Paul-Marie Coûteaux s’y sont ralliés).

    Ni Syriza ni ANEL ne sont des partis extrémistes, ni Alexis Tsipras ni Panos Kamennos ne sont des extrémistes désireux d’instaurer, le premier une république populaire teintée d’écologisme et de libertarisme sociétal, le second une théocratie nationaliste. Ces deux mouvements et leurs meneurs respectifs ne sont que les expressions différentes, certes opposées mais complémentaires, du refus d’une Europe supranationale destructrice des peuples.

    En réalité, l’ANEL et son alliance au pouvoir avec SYRIZA montrent surtout l’inanité de la traditionnelle classification des formations politiques en éventail allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, et révèlent que la défense de la civilisation, de la tradition et de la nation excèdent les trop habituels et spécieux clivages politiques et sont parfaitement compatibles avec la défense des intérêts économiques et sociaux du peuple.   

    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle

     

  • Un Républicain réaliste face au Roi d'Espagne...

    © Copyright : DR

    Par Péroncel-Hugoz

    L’opinion espagnole est partagée sur l’institution monarchique mais certains républicains sont raisonnables et tiennent compte de l’existence d’un consistant royalisme populaire.

    « La monarchie figure toujours parmi les institutions les plus appréciées en Espagne (…). J’ai offert au Roi les dévédés de la série « Le trône de fer », en les lui présentant comme un outil d’interprétation de ce qui se passe chez nous… ». 

    Qui parle ainsi, avec un humour déférent, de Sa Majesté catholique, Philippe VI, né en 1968, chef de l’Etat espagnol depuis 2014 ? Eh ! bien, rien de moins que le Senor Pablo Iglesias Turrion, né en 1978, ex-communiste (1994-99), républicain notoire, prof de science politique, député européen et secrétaire général du nouveau parti hispanique d’ultra-gauche Podemos ; il s’exprimait en juillet 2015, à Paris, dans « Le Monde diplomatique », mensuel de gauche indépendant et qui est aussi la publication française la plus lue à travers la planète où elle est diffusée en 20 langues dont l’arabe, l’espagnol, le japonais, le kurde, etc.. Le jeune élu (mais à l’allure « rétro » avec sa queue-de-cheval très Mai-1968…) n’était pas connu jusqu’ici pour son réalisme et son langage « politiquement incorrect », si peu fréquents de nos jours parmi les gauches d’Europe occidentale ou du Maghreb … 

    Dans son article du mensuel parisien, Pablo Iglesias condamne le comportement non seulement contre-productif, de la majorité de la nouvelle gauche espagnole, notamment Izquierda Unida. Comportement observé en particulier, en cette année 2015, lors de la visite officielle du roi Bourbon à l’assemblée de l’Union européenne : « Nous sommes républicains ! Nous ne reconnaissons pas la monarchie [espagnole], nous n’irons donc pas à la réception en l’honneur de Philippe VI, avaient d’emblée proclamé bon nombre des élus espagnols invités à cette manifestation paneuropéenne. Ce à quoi Iglesias retorqua : « Cela nous aliène instantanément de larges couches de la population [espagnole] qui éprouvent de la sympathie pour le nouveau souverain ». 

    En revanche, le chef de Podemos s’est flatté, lui, d’être allé, quoique dans ses vêtements négligés habituels, à l’invitation où il a conversé avec Philippe VI et lui a même offert un dévédé (Voir supra). Et notre élu de conclure, dans « Le Diplo », avec une remarquable intelligence politique : « Bien sûr, c’est une posture délicate à tenir mais c’est la seule qui nous permette de maintenir le jeu politique ouvert, de manœuvrer (…) au lieu d’être relégués dans une position pure mais impuissante ». Philippe VI a bien de la chance d’avoir des adversaires comme Pablo Iglesias ! Le monarque madrilène semblant, lui aussi, jouir d’une assez consistante intelligence politique, la scène espagnole a des chances d’être particulièrement intéressante sous ce nouveau règne… 

    Un exemple récent de l’habileté royale ? Lors de sa visite d’Etat à Paris, en 2015, avec la reine Letizia, Philippe VI (après avoir rencontré les deux hauts responsables français nés espagnols : le Premier ministre Manuel Valls et Mme Anne Hidalgo, maire de Paris) a tenu à inaugurer en personne, à Paris IVe, le Jardin des Combattants-de-la-Nueve, en mémoire de républicains espagnols ayant participé en 1944 à la libération de la capitale française. Non seulement le Roi d’Espagne jouait parfaitement là son rôle monarchique d’arbitre impartial au-dessus des partis et clivages mais, en même temps, lui qui descend directement de Louis XIV, le plus célèbre des « 40 rois qui firent la France », il honorait une belle figure militaire et monarchiste française, le maréchal Leclerc, sous l’autorité suprême duquel se battirent les républicains espagnols de la Nueve… Donc coup double réussi qui n’a pas échappé, en outre, aux monarchistes du monde entier…  

    Péroncel-Hugoz - Le 360.ma

     

  • Thalys : à quand le réveil européen contre l'islamisme ?

     

    Une humeur d'Alexandra Laignel-Lavastine, dans Figarovox 

    Il s'agit, en effet, d'une humeur, d'un coup de gueule, sur lequel on peut discuter. L'ensemble comme le détail nous paraissent très bien vus. On a aussi parfois l'impression de quelque démesure, mais il s'agit d'un coup de gueule. Après l'attaque terroriste contrée du Thalys, Alexandra Laignel-Lavastine estime que les autorités d'Europe ne prennent pas les mesures adéquates pour enrayer le phénomène djihadiste. Mais de quelles autorités européennes pourraient-elles bien venir ? il n'y a aucune chance que ce soit du côté des Institutions Européennes : elles sont immigrationnistes. Pourrait-il y avoir un réveil, une coordination, une conscience commune des peuples européens face à la menace djihadiste et se pourrait-il qu'alors des mesures adéquates soient enfin prises ? A notre sens, ce ne pourrait être que par les Etats, sous la pression de la menace, de son extension, de ses violences et, du coup, des opinions publiques. Ce qui n'interdirait ni aux Etats, ni aux opinions européennes de se coordonner. LFAR 

     

    Ayoub El Khazzani, le sinistre individu qui a bien failli provoquer un bain de sang dans le Thalys Amsterdam-Paris ce vendredi 21 août — n'eût été le courage de trois jeunes Américains, dont deux militaires chevronnés —, fêtera ses 26 ans le 3 septembre. Encore « un enfant perdu du djihad » victime du racisme, de l'exclusion et de l'islamophobie ?

    Probable. D'ici quelques jours, il est à parier que nous verrons fleurir quelques fines « analyses » de ce genre. Dans l'effrayant climat de déni bien-pensant qui continue d'entourer l'ampleur du danger islamiste en Europe — car c'est un fait, l'ennemi est désormais intérieur autant qu'extérieur —, rappelons en effet que la plupart de nos journaux se complaisaient, il y a encore un an, à reprendre en chœur cet euphémisme rassurant. Pieuse sidération. Un « enfant perdu », c'est mignon, cela suscite la bienveillance et la compassion. Et l'endormissement des consciences au passage, de quoi prolonger l'interminable sieste européenne. Du reste, un grand quotidien a choisi de traiter ce « fait divers » (?) en « société » et non dans ses pages internationales. Comme si nous n'avions pas affaire à un fléau désormais planétaire ; comme si Ayoub El Khazzani ne revenait pas de Syrie ; comme si quelque 10 000 jeunes musulmans d'Europe n'étaient pas désormais concernés par le djihadisme ; et comme si leurs mentors leur conseillaient à leur retour d'aller à la plage (encore que depuis la tuerie de Sousse…), au lieu de commettre des attentats contre un Occident honni et mécréant — aurait-on déjà oublié le décapité de l'Isère de la fin juin ?

    Et dans une semaine? On ne voit aucune raison pour que nos belles âmes n'accordent pas le statut de « victime » à ce terroriste-là aussi, muni d'une kalachnikov, de neuf chargeurs bien garnis, d'un pistolet automatique Luger, d'un chargeur neuf mm et d'un cutter, un fanatique prêt, autrement dit, à assassiner des centaines de passagers. Une « victime » ? Cela ne fera aucun doute puisque l'homme, un ressortissant marocain doté d'une carte de séjour lui permettant de se déplacer librement en Europe, appartient à la catégorie « damné-de-la-terre », humilié par une Europe intrinsèquement coupable et post-coloniale. Ne demandons plus à nos bigots « progressistes » et définitivement aveugles — ceux que certains intellectuels d'origine musulmane laïcs et démocrates n'hésitent plus à qualifier de « collabos face aux islamistes » —, d'entrouvrir un œil et de mettre leur montre à l'heure. Plus leur sens moral se perd, plus leur catéchisme binaire se révèle obsolète, plus ils s'y enferrent. Leur cas est désespéré, mais leur capacité de nuisance intacte. On l'a vu au lendemain des tueries de janvier 2015 à Paris : voilà déjà que quelques semaines plus tard, il ne s'agissait déjà plus de combattre l'islamisme radical, mais le « laïcisme radical » (Todd) ou encore, sur Médiapart, « le triomphe du Parti de l'ordre » (le plan Vigipirate…). Car, cela va de soi, les bourreaux étaient en vérité les victimes (des discriminations et de la haine des Noirs et des Arabes) et les victimes de Charlie ou de la supérette casher des bourreaux : les premiers avaient offusqué les musulmans avec leurs caricatures du Prophète et les Juifs faisant leurs courses un vendredi après-midi devaient être les suppôts d'un Etat « nazi », à savoir Israël…

    C'est dire si la maladie française et européenne est profonde. À se demander si elle n'est pas devenue incurable.

    En outre, est-on bien certain que les droits de l'homme auront été respectés dans ce que l'on appellera bientôt « l'affaire du Thalys » — la menace terroriste la plus grave à laquelle l'Europe fait face depuis le 11 septembre 2001, selon Europol —, comme on parle désormais de « l'affaire Merah » pour désigner (et banaliser) un massacre d'enfants juifs ? À la réflexion, se précipiter sur le terroriste afin de le neutraliser et même, pour ce faire, le rouer de coups et le mettre torse nu comme à Abou Graib, n'est-ce pas extrêmement vilain ? Circonstance aggravante : c'est pour l'essentiel à deux jeunes soldats américains hyper-entraînés, au sang-froid remarquable, que l'on doit d'avoir évité un carnage étant donné la persistante nullité des services de sécurité européens. A-t-on par ailleurs conscience de l'extraordinaire professionnalisme requis pour immobiliser un homme surarmé dans un wagon bondé ? Mais non. Les Américains, on les connaît. Et de surcroît, ces deux-là revenaient d'Afghanistan: des « impérialistes » donc, des « terroristes » selon le livre de Noam Chomsky qui s'étale dans toutes nos librairies et, bien entendu, d'abominables « racistes ». Les mêmes âmes vertueuses qui, au mois de mai, s'insurgeaient contre la loi sur le Renseignement enfin votée par les députés français — une loi naturellement « liberticide » —, se pencheront à n'en pas douter, confortablement installés dans leur fauteuil et leur lâcheté, sur cette grave question.

    Enfin, mais là inutile de parier tant la chose est courue d'avance, nous verrons ressurgir d'ici quelques jours l'inénarrable « loup solitaire » faute d'être capable d'appeler un chat un chat. Cette notion totalement absurde, nous lui vouons une affection toute particulière. Absurde, car si les nouveaux barbares peuvent passer à l'acte individuellement, ils y sont incités par leurs mentors tueurs et violeurs de masse de Syrie ou d'Irak, sans parler de la meute enragée qui se trouve de l'autre côté de leur écran. Qu'à cela ne tienne, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, qui semble particulièrement mal conseillé, nous l'avait ressorti lors de la tuerie perpétrée par Mehdi Nemmouche au Musée juif de Bruxelles en mai 2014 (quatre morts). Il faudra attendre le mois de novembre et la découverte tardive de Daech (L'Etat islamique) après la trêve estivale, pour que le premier flic de France se résigne enfin à parler « de terrorisme en libre accès sur Internet »… On aurait alors pu espérer que le « loup solitaire » allait définitivement rentrer dans sa tanière pour ne plus jamais pointer son museau. On avait tort : il a fait un retour triomphal sur les écrans de iTV comme de BMF TV à la fin juin 2015, après les crimes islamistes de l'Isère et de Tunisie.

    Il est vrai que notre ministre de l'Intérieur n'en rate pas une. Au lendemain de la tuerie antisémite de Bruxelles, il avait ainsi déclaré — sans rire —, que le salafiste français de 29 ans avait été « neutralisé dès son retour en France ». À moins que Marseille (où il fut arrêté à la descente d'un bus) ne se soit miraculeusement transplanté, pour l'occasion, sur la frontière franco-belge… Cette fois, le voilà qui nous explique, toute honte bue, que le tueur du Thalys, un ressortissant marocain, avait été signalé par les autorités espagnoles (qui l'avaient repéré pour « des discours durs légitimant le djihad dans des mosquées d'Algesiras ») aux services de renseignement français en février 2014. Que depuis, la DGSI avait émis une fiche « S » à son encontre « afin de pouvoir le repérer dans le cas de son éventuelle venue sur le territoire national ». Très drôle. Une source de l'antiterrorisme espagnol a en effet déclaré à l'AFP que l'islamiste avait déménagé dans l'Hexagone après mars 2014, et après avoir quitté l'Espagne (où il résidait depuis sept ans et où il était également connu pour trafic de drogues). Mais respect des « droits humains » oblige, on l'avait gardé parmi nous. À ce stade, Madrid prévient Paris, mais l'individu n'est pas localisé. Encore un exploit. Le 10 mai dernier, c'est cette fois au tour des services allemands d'alerter leurs homologues français sur le fait qu'El Khazzani, qui se promenait entre temps en Belgique, était sur le point de quitter Berlin pour s'envoler vers Istanbul. Il ne sera toujours pas arrêté. Si ce tableau reste encore flou, une source de l'antiterrorisme espagnol affirme c'est une fois en France que ce terroriste fiché « S » (pour Sûreté de l'Etat) est parti faire le djihad en Syrie avant de rentrer tout aussi tranquillement dans l'Hexagone. Sans être inquiété.

    Le ministre de l'Intérieur se sent-il vaguement concerné ? Aurait-il la conscience un peu lourde ? A-t-il songé à remettre sa démission au chef du gouvernement ? Après autant de bourdes, ce serait pourtant la moindre des choses.

    Comment comprendre une telle faillite de la part de nos services ? « Nous ne laisserons plus rien passer », proclamaient à l'envi nos responsables politiques après Charlie en même temps qu'ils annonçaient toute une série de mesures, dont une coopération renforcée entre services européens et une surveillance renforcée  des milieux fondamentalistes. Des mesures dont on se demandait par quelle aberration elles n'avaient pas été prises depuis belle lurette… Et à quoi bon un plan Vigipirate et des milliers de militaires français déployés sur le territoire national si c'est pour refuser de placer des portiques de sécurité et des agents bien formés à l'entrée des trains, des métros, des lieux publics, des salles de spectacles, des musées ? Car oui, nous en sommes là, il serait grand temps d'avoir le courage de le dire et de se le dire calmement à nous-mêmes. Et il faut n'avoir jamais vu des victimes déchiquetées par une bombe pour estimer que ce type de désagrément serait tout à fait intolérable aux Européens gâtés par le sort que nous sommes. De fait, notre ministre, décidément farceur, a choisi de mettre en place un numéro vert pour « signaler les situations anormales » sur notre réseau ferroviaire — on croit rêver.

    Mais ce n'est pas tout. Car à quoi bon des soldats patrouillant dans nos rues et nos gares quand on sait qu'ils ne disposent que d'un fusil d'assaut, leur Famas, dont l'usage est rigoureusement impossible sans risquer d'atteindre au passage des dizaines de civils, que ce soit dans les couloirs du métro, dans une gare ou sur la promenade des Anglais à Nice ? Ce dispositif est dissuasif, rien de plus. Y compris à son niveau le plus écarlate. Et l'irresponsabilité de nos dirigeants patente. Il est temps de mettre les pieds dans le plat, d'autant qu'il s'agit là d'un secret de Polichinelle et que les terroristes, eux, n'en ignorent rien. Sait-on par ailleurs que ces mêmes soldats républicains ne cessent de réclamer à leur hiérarchie des armes de poing pour pouvoir défendre comme il conviendrait leurs concitoyens en cas d'attaque et neutraliser les éventuels agresseurs ? En vain. Trop cher, paraît-il. La France n'aurait pas le budget. Seuls ceux qui se lient d'amitié avec l'armurier de leur régiment parviennent, plus ou moins en douce, à se procurer, avec la complicité de celui-ci, un pistolet de façon à répliquer, le cas échéant, de façon efficace et adaptée.

    Sait-on enfin que si un islamiste armé d'un cutter ou d'un couteau se précipite pour s'attaquer à l'un de nos jeunes militaires, garçon ou fille — cela est plusieurs fois arrivé —, son binôme est tenu de répliquer de manière « proportionnée» . Il est autrement dit censé courir vers son camarade pour s'en prendre à l'agresseur… à l'arme blanche ! Problème : il y a de fortes chances pour que son collègue soit déjà à terre, la gorge tranchée. Qu'attend au juste le ministère de la Défense pour réviser ce protocole scandaleusement daté et hors de saison ? Une mutinerie ? On se perd en conjectures. Et pour le reste, rendez-vous à la prochaine tuerie ?

    Se pourrait-il qu'après ce nouvel attentat du Thalys, déjoué de justesse à l'instar de dizaines d'autres en France depuis janvier 2015, les gouvernements européens envisagent enfin de se rendre au réel et de sortir de leur somnambulisme ? Pour l'heure, ils ne se lassent manifestement pas d'avoir un train de retard. Enfin si l'on ose dire désormais…   

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    Alexandra Laignel-Lavastine, philosophe et historienne, a publié en mai 2015 La Pensée égarée. Islamisme, populisme, antisémitisme: essai sur les penchants suicidaires de l'Europe (Grasset, 220 pages, 18 €).

  • Jean-Pierre Chevènement : « La menace pour l'Europe n'est pas à l'Est, mais au Sud » (2/2)

    Retour sur d'intéressantes réflexions de Jean-Pierre Chevènement

    Le mois dernier, juste après les attentats de Saint-Quentin-Fallavier, l‘ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense confiait au Figaro sa vision très gaullienne de la politique étrangère. Pour le Che , il ne faut pas se tromper d'ennemi: la menace pour l'Europe n'est pas la Russie, mais Daech. 

    Quelques mois seulement après les attentats de janvier, la France a une nouvelle fois été victime du terrorisme. Avons-nous sous-estimé la menace ?  

    Elle était tout à fait prévisible. J'ai dit à l'époque au président de la République que nous allions avoir devant nous des décennies de terrorisme. Aucune démocratie n'a chaviré à cause de celui-ci. Il s'agit d'une réalité douloureuse mais auquel un grand Etat doit savoir faire face. Pour réduire le terrorisme, il faut garder son sang-froid, avoir une vue large et longue, une parole publique claire. Le but des islamistes est de créer un affrontement du monde musulman tout entier contre l'Occident. Ils veulent le choc des civilisations, mais nous ne devons pas tomber dans ce piège. Il faut assécher le terreau sur lequel le terrorisme djihadiste se développe. C'est beaucoup plus difficile qu'à l'époque d'Action directe car ce mouvement terroriste n'avait absolument aucun soutien dans la classe ouvrière française alors qu'aujourd'hui un certain nombre de jeunes « paumés » peuvent être tentés par une démarche de radicalisation. Mais il faut rejeter par avance toute culture de l'excuse ! 

    Manuel Valls a donc eu tort d'utiliser le terme de choc de civilisation … 

    Il faudrait lui donner le temps de s'expliquer. Samuel Huntington, lui-même, n'employait pas ce mot pour le recommander, mais pour montrer qu'il était à l'horizon. Je réfute l'idée du choc des civilisations: C'est ce que veut Daesh. Ne tombons pas dans ce piège. Mais la menace de ruptures majeures pour la France vient incontestablement non pas de l'Est, mais du Sud, notamment pour des raisons démographiques. Dans l'Afrique subsahélienne, il existe des pays dont le taux de fécondité va jusqu'à sept enfants par femme. Il sera impossible de promouvoir le développement dans ces pays s'ils ne font pas l'effort de se responsabiliser et si les religions ne nous y aident pas. Il faut aussi prendre conscience que le Moyen-Orient reste un baril de poudre qui demande une vigilance particulière du point de vue de la sécurité de la France car il concentre la moitié des réserves de pétrole et de gaz mondiales. 

    Notre pays est en proie à une crise économique et sociale, mais aussi à une crise identitaire profonde. Ce type d'attentat peut-il déstabiliser la société en profondeur ? 

    Nous avons des tensions liées à la situation économique et des tensions qui résultent de la concentration de populations immigrées dans certains quartiers ou dans certaines zones comme la Seine-Saint-Denis ou les quartiers Nord de Marseille. Tout cela témoigne d'une grande cécité historique de la part des pouvoirs publics. Il faut mener une politique d'intégration, mais cela suppose d'abord que la France s'aime assez elle-même pour donner envie à ses enfants de s'intégrer à elle. C'est un problème complexe, mais je suis persuadé qu'à long terme nous avons tous les éléments de sa solution. Cela suppose beaucoup de conditions réunies et laisse prévoir beaucoup de secousses en attendant. Mais de ces secousses mêmes nous tirerons l'énergie salvatrice du sursaut. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » selon la formule du poète Hölderlin.

    L'islam est-il compatible avec la République ? 

    Je m'intéresse beaucoup à l'islam depuis que j'ai été sous-lieutenant en Algérie. Il y a dans le Coran énormément d'invocations à la rationalité, même s'il ne comporte pas que cela. Il faut que l'islam se dégage des dogmatismes excessifs, dont sont imprégnés certains de ses courants. Le catholicisme aussi a bien dû se dégager d'un certain absolutisme. Néanmoins, c'est plus compliqué avec la religion musulmane car il n'y a pas de clergé. Il faut que les musulmans se prennent en main et séparent eux-mêmes le bon grain de l'ivraie. J'avais lancé en 1999 une consultation dont Nicolas Sarkozy avait tiré les conséquences avec le CFCM (Conseil français du culte musulman). Cela n'a pas été une réussite, mais il y a eu un manque de fermeté dans la mise en œuvre d'une politique permettant de former des imams à la française: des imams qui, pour commencer, parleraient le français car la plupart ignorent notre langue. Il nous faut une vue à long terme et le courage de s'y tenir. 

    Certains intellectuels comparent la faiblesse des gouvernements européens actuels à la lâcheté des dirigeants avant la Seconde guerre mondiale. Que pensez-vous de cette comparaison ? 

    On dit « chien méchant ». A juste titre: Al Quaïda, Daesh sont atrocement méchants. Mais il faut aussi se demander ce qui les a rendus méchants ? Prenons l'exemple de l'Irak. Les Etats-Unis ont considéré qu'ils pouvaient supprimer un Etat, dissoudre son armée, renvoyer ses fonctionnaires … Pour mettre à la place quoi ? Un régime pseudo-démocratique dans un pays qui était un grand Liban et qui a été livré aux partis chiites qui vont prendre leurs ordres à Téhéran. Nous avons le résultat auquel il fallait s'attendre: la prépondérance iranienne dans la région et l'envol du terrorisme sunnite après l'écrasement d'un nationalisme laïc. De même pour la Libye. Nous pouvions protéger Benghazi, comme le préconisait le mandat de l'ONU, sans pour autant faire tomber Kadhafi. Nous avons livré la Libye au chaos, comme les Américains l'on fait avec l'Irak. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de voir les migrants déferler sur les côtes italiennes. 

    Vous êtes généralement partisan du «non-interventionnisme». Faut-il faire une exception avec Daech et envoyer des troupes au sol ? 

    Il faut reconstituer les Etats - Irak et Syrie - dans leurs frontières. Les buts politiques d'une intervention doivent être clairs et approuvés par l'ONU. Il faut se demander si le mot d'ordre « Bachar doit partir » était bien raisonnable. Nous avons aujourd'hui trois partenaires en lice: le régime de Bachar el-Assad, Daech et al-Nosra, c'est-à-dire Al-Qaïda. Je ne suis pas sûr que l'on doive émettre une préférence pour Daech ou pour al-Nosra. Nous sommes dans une situation où la France devrait jouer les intermédiaires entre un certain nombre de courants démocratiques et le régime de Damas, si déplaisant soit-il. Le régime syrien est un régime brutal et violent, mais qui a au moins le mérite de ne pas chercher à instaurer un Califat, y compris en Seine-Saint-Denis. 

    Et si Bachar el-Assad est trop affaibli ? 

    Il y a deux ans il s'agissait d'intervenir pour le faire tomber. Heureusement, les Russes et les Américains nous ont évité ce qui aurait été une grave erreur. Le monde arabe est dans un état de décomposition profond. L'Occident y a une certaine responsabilité. Il faut favoriser un accord de sécurité entre le monde perse et le monde arabe et trouver un équilibre de sécurité entre les sunnites et les chiites. Cela peut passer par un pacte de sécurité impliquant l'Iran et garanti par les cinq grandes puissances avec l'Iran chiite qui est la puissance dominante dans la région et qui est une grande civilisation. Il faudra également régler le conflit israélo-palestinien qui est un abcès de fixation dans la région depuis bientôt un demi-siècle. Tout ne se traite pas militairement, mais certaines précautions doivent être maintenues et un bon budget militaire est nécessaire à la France dans la période qui vient. En même temps cela ne dispense pas d'être intelligent ... 

    Un mot sur Charles Pasqua … 

    Il a marqué la place Beauvau comme ministre de l'Intérieur. Il a pris de bonnes initiatives en matière de législation anti-terroriste notamment. Lorsque j'étais moi-même ministre de l'Intérieur, j'ai d'ailleurs fait appliquer la loi de janvier 1995 qui ne l'avait pas été et qui est le premier texte à mentionner le mot de « police de proximité ». Je lui rends ses droits d'auteur. Charles Pasqua était un homme qui avait été formé dans la Résistance et qui avait sans doute gardé de cette période des méthodes pas toujours très orthodoxes. On le lui a reproché. Mais cela ne doit pas masquer l'essentiel: il était un patriote et un grand serviteur de l'Etat. A titre personnel, je n'ai pas oublié qu'en 1992, nous avons livré un combat commun contre le traité de Maastricht, puis en 2005 contre le Traité constitutionnel européen. J'appréciais aussi l'acteur qu'il était dans tous les sens du terme. Il a puissamment animé notre scène politique, si bien que même ses adversaires ne pouvaient pas le détester.

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO

     

  • Jean-Pierre Chevènement : « Si la Grèce sortait de l'euro, elle pourrait se redresser » (1/2)

     

    Retour sur d'intéressantes réflexions de Jean-Pierre Chevènement

    Le mois dernier, à la vielle du référendum grec, l'ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense confiait au Figaro qu'une sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro ne serait pas une catastrophe. Au contraire, elle permettrait au pays de Périclès de se redresser. Le Che prônait déjà l'instauration d'une monnaie commune pour remplacer la monnaie unique. Le point de vue de Lafautearousseau : s'agissant de l'euro comme monnaie unique ou de la construction européenne selon le processus en cours, les réflexions de Jean-Pierre Chevènement nous semblent sur le fond parfaitement fondées. Elles sont celles d'un patriote français.

     

    Le Premier ministre Alexis Tsipras va soumettre le plan d'aide à la Grèce à référendum. Que vous inspire cette décision ?

    Jean-Pierre Chevènement : Cela me paraît être une décision démocratique et légitime. Le plan d'aide est très critiquable. Les institutions de Bruxelles auraient pu bouger sur au moins deux volets. D'abord, le volet financier: le Premier ministre grec demandait qu'on allonge de 5 à 9 mois la durée du plan d'aide actuel. Cela était tout à fait raisonnable. Ensuite, sur le volet de la dette. Des prix Nobel d'économie comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, mais aussi en France le directeur de la recherche et des études de Natixis, Patrick Artus, qui n'a rien d'un gauchiste, s'accordent à reconnaître que la dette grecque, qui représente 177% du PIB, n'est pas soutenable ni donc remboursable. Il y a une volonté punitive dans ce « plan d'aide » : on voulait par avance donner une leçon au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie, voire à la France. Plus largement, il est le symbole de l'échec de la « règle d'or » imposée en 2012 à tous les pays d'Europe après avoir été adoptée par l'Allemagne dès 2009. Mais ce qui vaut pour l'Allemagne ne peut pas valoir pour tous les autres. On touche au vice originel de la monnaie unique qui juxtapose des pays très hétérogènes et fait diverger leurs économies au lieu de les faire converger. Par un mécanisme bien connu, les zones les plus productives ont vu leur production croître tandis que les zones moins compétitives ont vu la leur décliner et se sont donc appauvries. Il y a un défaut de conception au départ dont le résultat était tout à fait prévisible.

    Un certain nombre de dirigeants européens se sont agacés de cette décision. Comprenez-vous cette réaction ?

    Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a dit: « Il n'y a pas de démocratie en Europe en dehors des traités ». Or le traité de Lisbonne reprend la quasi-totalité, la «substance » comme l'a dit Madame Merkel, du projet de «traité constitutionnel» qui avait justement été rejeté par le peuple français en 2005 par référendum. Par ailleurs, Monsieur Juncker ne me paraît pas le mieux placé pour mener le combat du oui au référendum grec. En effet, il a été un excellent Premier ministre luxembourgeois mais du point de vue du Luxembourg qu'il a organisé, avec succès, comme un véritable paradis fiscal! Cela ne le qualifie pas pour prêcher la solidarité.

    Pourquoi ces démocrates revendiqués semblent-ils autant redouter le choix du peuple ?

    Souvenez-vous de Jacques Delors qui disait en 1992 que les hommes politiques en désaccord avec Maastricht devaient « prendre leur retraite ou faire un autre métier…». Le ver était dans le fruit depuis très longtemps. Pour comprendre la nature profondément antidémocratique de l'actuelle construction européenne, il faut remonter des décennies en arrière au « système » Jean-Monnet, que l'on peut qualifier de « système de cliquets». L'Europe fonctionne par une suite de petits faits accomplis sur lesquels les citoyens ne peuvent plus revenir: on commence par le charbon et l'acier, puis par le marché commun, le droit communautaire, la réglementation de la concurrence, et enfin la monnaie unique pour arriver au « grand saut fédéral ». Les peuples européens sont amenés à se dépouiller peu à peu de leur souveraineté sans en avoir réellement conscience. Petit à petit, ils se retrouvent piégés. Les dirigeants européens ont amené les peuples où ils ne voulaient pas aller sans leur poser franchement la question. A la fin, s'apercevant de la supercherie, ces derniers ont dit non, en France, mais aussi aux Pays-Bas, au Danemark ou en Irlande. Pourtant les dirigeants ont considéré que cela ne valait rien, au regard d'une orthodoxie européenne qu'ils considèrent au-dessus de toute démocratie.

    L'Europe s'est construite par effraction et l'essence du système européen est oligarchique. Le Conseil européen des chefs d'Etat est la seule institution légitime, mais ne se réunit que périodiquement et ne dispose pas d'outils pour traduire ses impulsions. La Commission européenne est composée de hauts fonctionnaires qui ne sont pas élus mais nommés de manière très opaque. Comme l'affirme la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, le Parlement européen n'est pas un parlement. Il ne peut pas l'être car il n'y a pas de peuple européen, mais une trentaine de peuples différents. Dès le départ, l'Europe repose sur un postulat non vérifié: on a voulu faire l'Europe contre les nations ; on pensait qu'elle pouvait s'y substituer. Or les nations sont le cadre d'expression de la démocratie. Il faut désormais aller sur la voie de l'Europe confédérale, la seule qui soit légitime et démocratique: celle qu'avait proposée le général de Gaulle en 1962 avec le plan Fouchet. Seule une Europe à géométrie variable, souple envers chaque pays, pourra avancer. Cette nouvelle Europe aurait vocation à déboucher sur une « Europe européenne » et non inféodée. Le traité transatlantique, s'il était adopté, serait un nouveau coup porté à ce qui reste de notre souveraineté. Celui-ci ne comporte pas d'avantages évidents pour la France et nous soumettrait à des normes et juridictions influencées par les Etats-Unis. J'attends que la France fasse entendre sa voix sur un sujet qui du temps du général de Gaulle ne serait pas passé inaperçu.

    Sur le fond, êtes-vous favorable au « Oui » comme Jean-Claude Juncker ou au « Non » comme Alexis Tsipras ?

    Je n'ai pas à me prononcer à la place du peuple grec qui doit prendre ses responsabilités. C'est un peuple courageux. Il l'a montré à plusieurs reprise dans son histoire: dans sa guerre d'indépendance puis, en 1940, face à l'Italie fasciste qu'il a fait reculer et face à l'invasion nazie en 1941. Traditionnellement, il y a un sentiment philhéllène qui s'exprime en France. Je me compte d'ailleurs parmi les gens qui aiment la Grèce car pour moi ce pays représente aussi l'antiquité, le grec ancien, la démocratie. Ne serait-ce que pour avoir eu jadis un accessit au concours général de version grecque, je ne peux pas leur en vouloir ! Sans la Grèce, il manquerait quelque chose d'essentiel à l'Europe.

    Pour le président la Commission européenne, un « non » voudrait dire, indépendamment de la question posée, que la Grèce dit « non » à l'Europe. Partagez-vous ce point-de vue ?

    C'est absurde ! Comment un président de la Commission européenne peut-il parler ainsi ? Il confond la zone euro qui compte dix-huit membres et l'Union européenne qui en regroupe vingt-huit. Il existe donc dix pays qui ne sont pas dans l'union monétaire et qui sont dans l'Union européenne. La Grèce restera dans l'Europe. Et si, elle doit sortir de l'euro, nous devons l'aider à le faire dans des conditions qui ne soient pas trop douloureuses. Si la Grèce sort de l'euro, elle dévaluera sa monnaie qu'on pourrait appeler l'euro-drachme et rester attachée à l'euro dans un rapport stable de l'ordre de 70%. Il faudrait restructurer la dette à due proportion. Cette hypothèse est réaliste et remettrait la Grèce sur un sentier de croissance. Elle rendrait le pays encore plus attractif pour les touristes. Elle permettrait à la balance agricole grecque de redevenir excédentaire, ce qu'elle était avant l'euro et de développer une économie de services notamment dans la logistique et les transports. C'est un pays magnifique, l'un des plus beaux endroits du monde, qui bénéficie d'une véritable attractivité sur le plan géographique et d'un patrimoine historique pratiquement sans équivalent.

    Ceux qui prédisent le chaos en cas de sortie de la Grèce de l'euro jouent-ils la stratégie de la peur ou ont-ils raison ?

    Dans toute dévaluation, il y a des moments difficiles : dans les premiers mois et peut-être dans la première année. Mais ensuite, il y a des facteurs positifs qui interviennent : les produits du pays sont moins chers. Les avantages comparatifs qui sont les siens, sont accrus. Le tourisme par exemple bénéficie d'un effet d'appel. Des entreprises pourraient investir dans une perspective de rentabilité. L'Europe ne peut pas se permettre de rudoyer la Grèce, de l'écraser d'un pied rageur au fond du trou où elle se serait mise d'elle-même. Ce n'est pas raisonnable. Sauf si l'on souhaite dresser les peuples européens les uns contre les autres. Si la Grèce devait être amenée à recréer une sorte d'euro-drachme, il faudrait l'aider par des fonds structurels importants à supporter l'inévitable renchérissement de ses importations dans un premier temps. Et lui donner des facilités pour se redresser. Je pense qu'elle en a la capacité. Encore une fois, c'est un pays qui a beaucoup d'atouts.

    A terme l'éclatement, voire la disparition de la monnaie unique, sont-ils inévitables ?

    La monnaie unique a énormément accru les divergences de compétitivité entre pays européens. Prenons le cas de l'économie française. Elle avait un déficit commercial par rapport à l'Allemagne de vingt-huit milliards de francs en 1983. Aujourd'hui, le déficit de la France sur l'Allemagne serait selon certaines sources (Eurostat) de trente-cinq milliards d'euros. Comme l'euro, représente six fois et demi le franc, le déficit a au moins quadruplé en tenant compte de l'inflation depuis 1983. La monnaie unique, qui a définitivement empêché la France de dévaluer, nous met une sorte de nœud coulant qui se resserre. Nous sommes désormais tombés au niveau d'industrialisation de la Grèce (12 % du PIB). Nos fleurons du Cac 40 se développent, mais à l'étranger.

    Une sortie ordonnée de la zone euro, ou du moins de la monnaie unique est-elle possible ?

    Je suis profondément européen. Mais je ne crois pas que les modalités choisies pour la construction européenne actuelle soient les bonnes. Elles devraient être révisées. C'est très difficile parce que tous ces gens-là ont engagé leur crédit sur la monnaie unique. J'ai fait un petit livre qui s'appelle Le bêtisier de Maastricht. Il faut relire le florilège de déclarations de nos dirigeants de droite et de gauche, nous promettant, la prospérité, le plein emploi, que nous allions rivaliser avec l'Amérique, que le dollar n'aurait qu'à bien se tenir, etc. Une somme d'inepties qui ne peut que susciter le rire ou la commisération lorsqu'on relit tout cela avec le recul. Lorsqu'on a fait fausse route, il faut savoir revenir à la bifurcation et prendre la bonne direction. La monnaie commune pourrait être celle-ci.

    De quoi s'agit-il ?

    L'euro perdurerait comme symbole de notre volonté d'aller vers une Europe toujours plus unie, mais deviendrait monnaie commune et non plus unique. Elle serait valable dans les échanges internationaux en gardant des subdivisions nationales: l'euro-drachme, l'euro-lire, l'euro-mark, l'euro-franc, etc. Certains pays pourraient augmenter de quatre ou cinq pour cent la valeur de leur monnaie interne, d'autres la garder stable et certains, comme la Grèce, la diminuer. Tous les deux ou trois ans, on pourrait procéder à de légers ajustements pour tenir compte des compétitivités relatives qui permettraient de tenir dans la durée. Cette monnaie commune serait le panier des subdivisions nationales. Elle serait cotée sur le marché mondial des devises. Rien de plus simple ; le monde est flexible. Il y aurait une cotation qui interviendrait tous les jours et une certaine stabilité s'installerait entre cette monnaie commune, le dollar et le yuan. Derrière tout cela se profile la réorganisation du système monétaire international profondément malade.

    La France a-t-elle suffisamment pesé sur les négociations ?

    La France aurait pu intervenir d'une voix plus forte pour que le plan défini par l'Eurogroupe ne soit pas aussi dur sur le volet financier et sur le volet de la dette. Je pense que la France a perdu une occasion de faire entendre sa voix comme sur le dossier des sanctions contre la Russie qui nous pénalisent aussi. La vraie menace pour l'Europe n'est pas à l'Est, mais au Sud: c'est Daesh.

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO 

     

  • Il a osé le dire ... Jean-Claude Juncker : « Les Européens n’aiment pas l’Europe »

     

    Ce qu'en a pensé Gérald Andrieu, rédacteur en chef de Marianne.net.
     
    On lira ces réflexions avec lesquelles, sans-doute, les lecteurs de lafautearousseau se trouveront « globalement d'accord ». Y compris avec sa juste et légitime ironie envers « la techno-globish-langue de Bruxelles ». LFAR
     
     
    280px-MARIANNE_LOGO.pngPour Jean-Claude Juncker, interrogé par le journal belge "Le Soir", "les Européens n’aiment pas l’Europe". Mais s'est-il seulement demandé si l'inverse était vrai ?

    « La construction européenne, née de la volonté des peuples, est devenue un projet d’élites, ce qui explique le fossé entre les opinions publiques et l’action européenne. » Jean-Luc Mélenchon a raison…

    Ah, il semblerait, que ça ne soit pas le patron du PG qui parle ainsi… Vous êtes sûr ? Mais qui alors ? Jean-Claude Jun-quoi ? Le Juncker qui préside la Commission européenne ? Celui-là même qui fut président de l’Eurogroupe pendant huit ans ? Le Juncker qui assura les fonctions de Premier ministre du Luxembourg pendant plus de dix-huit ans et de ministre des Finances du Grand-Duché pendant vingt ans ? Bref, le Juncker qui devrait aujourd’hui œuvrer pour éviter qu’en Europe ne soit possible une évasion fiscale vers son pays aussi massive que celle révélée par le Luxleaks ?

    Il lui en aura fallu du temps à notre homme, non pas pour comprendre — on n’en est pas là encore, la suite de l’entretien en atteste —, mais pour formuler pareille phrase ! Notre éminent représentant de « l’élite » européenne le fait dans le journal belge le Soir qui a été « reçu » pour l’occasion « dans son bureau du Berlaymont ce 21 juillet ».

    Mais pour preuve que la prise de conscience n’est pas encore totale, il suffit de se pencher sur le reste de son propos. Ainsi, dans le même élan, Jean-Claude-le-nouvel-harangueur-des-barricades-anti-élites-et-proche-des-peuples-Juncker est capable de nous expliquer que « les Européens n’aiment pas l’Europe, qui est en mal d’explications. »

    Reprenons point par point :

    1) « Les Européens n’aiment pas l’Europe ». C’est de plus en plus vrai, sans aucun doute. Mais on est tenté de lui répliquer que l’Europe n’aime guère non plus les Européens. Ou, plutôt, si elle les aime, elle a une bien curieuse manière de leur montrer. Les Grecs en savent quelque chose…

    2) « L’Europe est en mal d’explications ». Le manque d’« explications », de « communication », de « pédagogie » même, comme on dit désormais, voilà l’excuse préférée de nos politiques modernes dès qu’un projet foire, qu'une réforme patine. Selon cette logique, si les Européens ont du mal avec l’UE, ce serait parce que ces idiots ont mal compris les tenants et les aboutissants de la construction européenne. Jamais il ne viendrait à l’idée de nos chers dirigeants que c’est parce que leurs concitoyens ont, au contraire, très bien compris les desseins de l’Europe actuelle qu'ils l'apprécient si peu. Les agriculteurs français, par exemple, ont parfaitement saisi qu’ils allaient finir par crever… Par eux-mêmes ! Ce n’est pas qu’on leur a mal expliqué ! Mais voilà, Juncker ne confesse qu'« un regret » dans l'épisode grec : « J’aurais dû communiquer plus souvent. Mais parfois il suffit d’une phrase maladroite... » En effet...

    De toutes façons, dans le monde de Juncker, lui et les siens ne peuvent avoir tort. Ce sont les autres — ces idiots, encore une fois — qui font fausse route. Prenez Tsipras. Nos confrères belges du Soir nous explique que Jean-Claude Juncker « salue le choix » du Premier ministre « d’avoir accepté de se mettre une partie de Syriza à dos ». Et voilà donc comment il « salue » cette décision : « Tsipras s’est “hommed’étatisé”, explique Juncker aux journalistes, parce que soudain, il a eu l’impression que s’il allait au bout de sa pensée, ce serait la fin pour la Grèce ». « S’hommed’étatiser », si vous parlez la techno-globish-langue de Bruxelles, cela signifie donc ne pas aller « au bout de sa pensée », rentrer dans le rang, courber l’échine, accepter l'austérité comme seul horizon, etc. Si seulement, doivent se dire Juncker et ses petits camarades, tous les Européens pouvaient « s’hommed’étatiser »