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Actualité Europe - Page 56

  • L’Union agonise ? Vive l’Europe !

     

    par Louis-Joseph Delanglade

     

    Les temps sont durs pour les idéologues utopistes qui persistent à confondre l’Europe avec la toujours plus improbable Union européenne. « Je n’aime pas Bruxelles. J’aime le Royaume-Uni », répète volontiers M. Cameron. Voilà qui tranche de façon salutaire avec les propos calamiteux de M. Guetta qui, fustigeant la « lâcheté » de gouvernements européens accusés de ne pas en faire assez pour les « migrants », conclut piteusement qu’« on voit mal comment une telle débandade ne déboucherait pas sur un « Brexit » et comment l’addition de ces deux échecs n’en précipiterait pas d’autres »  (France Inter, vendredi 26). Il est pourtant bien naturel que plus personne ne veuille de ce que M. Géli (Le Figaro) appelle un « espace de libre circulation à l'échelle du continent, devenu ticket d'entrée gratuite pour les réfugiés du Moyen-Orient et […] les exilés économiques venus de partout. » L’Union s’est en fait définitivement décréditée en acceptant et même en favorisant par l’attitude irresponsable de Mme Merkel ce que les peuples ressentent comme une invasion déguisée. Ce sursaut populaire et légitime de méfiance et d’hostilité prouve que les vieilles nations ne veulent pas mourir et même qu’elles sont les seules composantes de ce que devrait être la véritable Europe. Le péché originel de l’Union est de l’avoir oublié, en voulant croire que France ou Italie, Pologne ou Espagne pouvaient être considérées comme des Etats aux frontières géométriques et à l’Histoire inconsistante.  

    Certains peuvent bien penser que le « Brexit » ne changerait pas fondamentalement la situation des Britanniques, lesquels n’ayant jamais été complètement dedans ne seront sans doute jamais complètement dehors. De fait, l’important est plutôt dans les conséquences immédiates pour l’unité des vingt-huit au regard de l’alternative proposée. Première possibilité, la Grande-Bretagne sort par souci d’indépendance nationale (« Les lois qui gouvernent les citoyens de ce pays sont décidées par des politiciens d'autres nations qui n'ont pas été élus et que nous ne pouvons pas mettre à la porte », rappelle le garde des Sceaux, M. Gove), ce qui constituerait un précédent pour le moins fâcheux : on évoque déjà ainsi un possible « Czexit », comprenez un retrait de la République tchèque, si l’on en croit le Premier ministre, M. Sobotka (« Si la Grande-Bretagne quitte l’UE, [il y aura] un débat sur le retrait de la République tchèque », Agence CTK). Seconde possibilité, la Grande-Bretagne reste, grâce à ce que M. Cameron prétend avoir obtenu en matière de « préférence nationale », ce qui, pour le coup, constituerait une onde de choc encore plus dangereuse pour l’Union car plus question alors de menacer au nom de prétendues valeurs les pays qui rejettent la programmation d’une immigration invasive (comme la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie ou encore la Hongrie dont le Premier ministre, M. Orbán a d’ores et déjà annoncé un référendum sur les quotas de migrants). 

    Une Union européenne qui, dans les deux cas se déferait : pour une fois, M. Guetta pourrait avoir raison dans ses prédictions; et ce serait tant mieux, tant il est évident que l’Union n’est qu’une grossière caricature et que l’Europe ne peut avoir d’existence que sur la base de son essence même c’est-à-dire les nations qui la composent. 

     

  • Union européenne : Citoyenneté à vendre

     

    par François Reloujac

     

    Le 15 février dernier, Jean-Pierre Robin expliquait dans le cahier économique du Figaro que les États étaient « de plus en plus nombreux à monnayer leur citoyenneté ». En sous-titre de son article il écrivait : « La nationalité est une marchandise comme les autres, constate le FMI ».

    Et pour illustrer son propos, le journaliste donnait quelques exemples chiffrés. Pour devenir maltais, le tarif semble élevé : 1,15 millions d’euros d’investissement plus un versement de 650 000 euros à un Fonds national et social de Développement. Pour obtenir un passeport chypriote, il faut payer un peu plus cher : 2,5 millions d’euros. Mais, si Malte oblige le postulant à résider au moins six mois par an dans l’île, aucune obligation de la sorte ne pèse sur celui qui veut acquérir le droit de cité à Chypre.

    « Près de la moitié des pays de l’Union européenne, dont la plupart en zone euro, ont adopté depuis 2009 de tels systèmes en faveur des investisseurs immigrants », selon la terminologie du FMI ! La France s’y est mise aussi : il suffit de débourser la modique somme de 10 millions d’euros. Pour ce prix-là, il n’est pas précisé si les autorités nationales exigent de connaître exactement l’origine des fonds. Comme la majorité des « investisseurs immigrants » accueillis au Portugal ou au Royaume-Uni par exemple seraient d’origine chinoise, il n’est pas douteux que ce contrôle serait chose aisée.

    Le débat qu’a connu la France à l’époque de Giscard d’Estaing sur le droit du sang ou le droit du sol paraît quelque peu surréaliste à l’époque où nous en sommes au droit du fric. Aujourd’hui on se demande comment un simple magistrat pourrait prononcer sans arrière-pensée la déchéance de nationalité d’un individu qui aurait investi une somme pareille.

    La volonté de vivre ensemble, le partage de traditions communes, la responsabilité de la vie publique, la solidarité nationale ont désormais laissé la place à une valeur marchande. Et lorsque l’on investit ainsi dans un État membre de l’espace Schengen on peut venir s’installer dans n’importe quel État signataire de cet accord. Sans compter que celui qui en a les moyens peut s’acheter ainsi trois, quatre, cinq nationalités, ou plus. Rien n’interdit non plus aux personnes ayant de mauvaises intentions d’acheter des nationalités dans des pays qui ne sont pas liés par des accords d’extradition mutuelle.

    Le journaliste du Figaro nous apprend qu’en la matière, « les États-Unis et le Royaume-Uni ont été les précurseurs ». On s’en serait douté ! « Dès 1990 et 1994, ils ont respectivement lancé des « programmes de résidence » et pour des seuils d’investissement plutôt modestes (500 000 dollars et 1 million de livres) ».

    La seule chose qui étonne vraiment quand on découvre ce marchandage, c’est que ni le FMI, ni la BCE, ni l’eurogroupe n’ait songé à l’imposer à Alexis Tsipras pour aider la Grèce à rembourser ses créanciers. Peut-être avaient-ils peur que les Grecs ne cassent les prix et que cela donne des idées aux Espagnols ou aux Italiens. On pourrait aussi suggérer à François Hollande de faire déposer un projet de loi pour étendre à cette marchandise la pratique des soldes biannuels. Avec 70 % de remise, on aurait peut-être du succès. 

  • La Belgique rétablit les contrôles à sa frontière avec la France ... Frontières partout !

     

    C'est une information qui tombe mardi 23.02, dans l'après-midi... Question simple : Que reste-t-il de Schengen ?

  • La Commission européenne commence à craquer

     

    par Louis Anders

    « L’Union ne se trouve pas dans un bon état », a déclaré le 15 janvier le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, devant un parterre de journalistes accrédités, n’hésitant pas à évoquer « le début de la fin ».

    La Commission européenne, davantage prompte à la dénégation, a laissé échapper un premier signe d’essoufflement dans sa volonté de créer un État centralisé sur le continent. Relatant l’année 2015, qui a vu en Europe l’arrivée d’un gouvernement eurosceptique en Grèce puis sa mise sous tutelle, l’entrée massive d’immigrés illégaux accueillis à bras ouverts par l’Allemagne, et deux massacres islamistes inédits en plein Paris, le président de la Commission s’est dit « impressionné par le nombre de fragilités » et les « ruptures » apparues au sein de l’Union européenne.

    Inquiet sur l’euro, entre autres…

    La récente arrivée d’un pouvoir souverainiste en Pologne a avivé davantage les craintes de Jean-Claude Juncker, dont la Commission a entamé en ce mois de janvier une procédure de surveillance pour éviter qu’un second pays d’Europe centrale n’échappe à son emprise (après la Hongrie).

    « Ma génération n’est pas une ‘génération de géants’ », est allé jusqu’à se plaindre le président de la Commission européenne dans un étrange élan de faiblesse.

    Concernant l’euro, l’homme a montré son inquiétude. « A quoi bon avoir une monnaie unique si nous ne pouvons pas voyager librement ? Schengen [les clauses qui permettent un rétablissement aux frontières nationales] risque de mettre fin » à la monnaie unique.

    2016, année-charnière pour l’UE ?

    L’ancien premier ministre du Luxembourg, où nombre de multinationales cotées ont déplacé leurs sièges pour des raisons fiscales et où est logée l’une des plus grandes chambres mondiales de compensation entre comptes (la très opaque Clearstream), possède-t-il des informations sur l’état financier de l’Union ?

    Comme pour faire écho à ses craintes, les 18 et 19 janvier ont vu un début de panique sur plusieurs banques italiennes, dont les obligations et les actions ont été massivement vendues, provoquant des suspensions de cotation. Un événement propre à intensifier les risques de fracturation financière dans la zone euro.

    2016 : année du début de la fin pour la Commission européenne ? 

  • L'ASSOURDISSANT SILENCE DES FÉMINISTES FRANÇAISES

     

    Une insolence d'Eric Zemmour légitime et argumentée. Mais les consciences selon la doxa sont sélectives et leurs indignations ne sont rien d'autre qu'idéologiques.

     

    XVM46b79742-8908-11e5-8758-aadd64fa74f8.jpgElles se taisent. Et quand elles parlent, c'est pire. Depuis la révélation des violences commises à Cologne, pendant la nuit de la Saint-Sylvestre, par des nuées de migrants sur des femmes allemandes esseulées, les féministes se tiennent coites. Nos grandes consciences progressistes, nos suffragettes, nos chiennes de garde, nos « Osez le féminisme ! », nos Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira, nos théoriciennes de la théorie du genre, nos statisticiennes des quotas, qui voyaient des viols partout et l'égalité nulle part, font assaut de discrétion. Comme si devant la vraie violence, et non pas celle qu'elles inventaient, elles revenaient à l'antique conseil de leurs arrière-grands-mères : sois belle et tais-toi !

    Il faut dire que les médias ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour cacher la réalité. Autrefois, la rumeur était mensonge et l'information vérité : désormais, la rumeur est vérité, que censurent les médias si elle ne se soumet pas à la doxa totalitaire du « vivre-ensemble dans la diversité ». Les féministes ont la même pudeur que leurs consoeurs des médias, écartelées qu'elles sont entre leur solidarité avec les prétendues victimes de l'Histoire et la défense des droits des femmes. Déjà, lors des querelles françaises sur le voile, elles n'avaient pas pu cacher leur gêne. Pour protéger l'islam, sacro-sainte « religion de paix et d'amour », elles avaient cru habile de mettre tous les péchés du monde sur les épaules de la « culture patriarcale » qui imprégnait encore ces populations venues d'ailleurs. Depuis Cologne, c'est de nouveau la petite musique que certaines essaient de faire entendre. Comme si la culture patriarcale des Italiens du Sud, des Grecs, des Corses ou des anciens pieds-noirs était connue pour ses viols massifs. Comme si le patriarcat - couplé avec le christianisme dans nos contrées - n'avait pas été avant tout une répression - excessive, avait jugé Freud ! mais civilisatrice des instincts !

    La leçon est rude : cette folie prédatrice dans les rues de Cologne nous ramène à l'aube de l'humanité, quand la femme était considérée comme une prise de guerre par des armées d'envahisseurs qui marquaient ainsi leur souveraineté sur le territoire qu'ils conquéraient. Dans toutes les guerres, les viols de masse ont accompagné l'avancée des troupes : rien que durant la Seconde Guerre mondiale, on se souvient des viols de femmes russes par les troupes allemandes en 1941, de femmes allemandes par les troupes russes en 1944, ou encore - moins connu, de femmes italiennes par les troupes françaises des tabors marocains après la bataille de Monte-cassino en 1944. Le silence assourdissant des féministes vaut aveu : leur prétendu amour des femmes libres était seulement une haine inexpiable du mâle blanc. A croire que ce n'était pas sa suprématie qu'elles contestaient, mais sa domestication ; pas sa force, mais sa faiblesse. 

    Figaro magazine du 15.01.2016

     

  • Cologne : où sont passées les féministes ?

     

    Mathieu Bock-Côté voit dans les viols de Cologne la face cachée de la légende du « vivre-ensemble diversitaire ». Il s'étonne aussi du traitement médiatique de ces agressions massives. Il poursuit surtout sa dénonciation du multiculturalisme. Et sa défense des nations d'Europe. Une fois de plus, nous sommes en parfait accord avec le fond même de sa réflexion. LFAR

     

    3222752275.jpgL'information circulait depuis quelques jours sur Internet sans qu'on ne parvienne vraiment à la valider: y avait-il eu vraiment une vague massive d'agressions sexuelles sur les femmes à Cologne, la nuit de la Saint-Sylvestre, par des migrants ou des bandes d'origine étrangère ? Il a fallu que la rumeur enfle suffisamment pour que les autorités reconnaissent les événements et que le système médiatique consente à rendre compte du phénomène, dont on ne cesse, depuis, de constater l'ampleur, tellement les témoignages accablants se multiplient à la grandeur de l'Allemagne.

    On peut voir là une preuve de plus de la tendance du complexe médiatico-politique à filtrer les mauvaises nouvelles idéologiques qui peuvent, d'une manière ou d'une autre, compromettre la légende du vivre-ensemble diversitaire. Pour éviter que le peuple ne développe de mauvais sentiments à son endroit, on traitera les mauvaises nouvelles le concernant en les désamorçant le plus possible et en multipliant les mises en garde contre les amalgames. On les réduira à des faits divers, sans signification politique, et on ne commentera les événements qu'avec la plus grande prudence.

    On est loin du traitement de la photo déchirante du petit Aylan Kurdi mort sur la plage qui avait suscité une émotion immense dans les pays occidentaux, d'autant plus que les médias se livrèrent alors sans gêne à une séance de culpabilisation massive, comme si ce petit être au destin si atroce représentait à lui seul l'ensemble de la crise migratoire. À ce moment, l'amalgame était permis : tous les migrants étaient Aylan Kurdi. Chaque segment de la société devait céder à l'impératif humanitaire, ce qui n'est pas sans rappeler la formule d'Elie Halévy, qui voyait dans « l'organisation de l'enthousiasme » une marque distinctive du totalitarisme.

    Pour peu qu'on y réfléchisse, la nouvelle des agressions de Cologne représente l'envers absolu du grand récit de l'ouverture à l'autre, où ce dernier est chanté à la manière d'un rédempteur. On somme les sociétés occidentales d'embrasser une diversité qui pourrait les régénérer de l'extérieur, d'autant qu'elle serait toujours une richesse. On voit désormais qu'elle peut aussi prendre le visage d'une barbarie agressive, où des bandes organisées entendent imposer leur présence sur le territoire, avec la plus archaïque et la plus primitive des techniques de guerre, celle de la prise des femmes, à qui on indique qu'un nouveau pouvoir s'installe et qu'il s'exercera d'abord sur elles.

    C'est une régression civilisationnelle épouvantable qui heurte nos valeurs les plus intimes. La femme, ici, redevient une prise de guerre, comme un bien à prendre. On ne peut parler de simple délinquance. Qu'il s'agisse de bandes organisées ou non n'est pas l'essentiel. C'est d'une offensive brutale, dont on doit parler, où on cherche consciemment ou inconsciemment à faire comprendre à l'hôte qui est le nouveau maître des lieux. Il ne s'agit évidemment pas de faire porter la responsabilité de ces agressions à l'ensemble des migrants, ce qui serait aussi faux que cruel et imbécile. Mais manifestement, parmi ceux-ci, on trouve un nombre significatif de jeunes hommes qui arrivent en Europe avec une attitude conquérante et prédatrice.

    Le déni des cultures, qui laisse croire qu'il suffirait de quelques règles juridiques fondées sur les droits de l'homme pour permettre aux gens de toutes origines de cohabiter, pousse à une politique d'une irresponsabilité criminelle. Qu'on le veuille ou non, toutes les cultures ne sont pas interchangeables et elles peuvent entrer en friction. Une communauté politique est aussi une communauté de mœurs. Quoi qu'en pense Angela Merkel et les autres dirigeants de l'Europe occidentale, on ne fait pas entrer dans un pays des centaines de milliers de personnes aux mœurs étrangères sans provoquer un choc culturel ou si on préfère, un choc de civilisation.

    Devant cette agression, un désir de soumission avilissant se fait entendre. La mairesse de Cologne, Henriette Reker, a ainsi invité les femmes à adapter leurs comportements aux nouveaux venus. Elles devraient garder plus d'un bras de distance pour ne pas exciter des hommes qui ne sont pas encore habitués à la liberté sexuelle caractérisant la modernité occidentale. Les femmes sexuellement libérées sont-elles responsables de l'agression qu'elles subissent ? Henritte Reker les invitera-t-elle demain à porter le voile pour faire comprendre qu'elles respectent les nouveaux codes de la pudeur multiculturelle et qu'elles sont vertueuses ? Le multiculturalisme se présente ici plus que jamais comme une inversion du devoir d'intégration.

    On se demande ce qu'il faudra encore pour que les sociétés occidentales constatent à quel point l'utopie multiculturaliste pousse au désastre. Se pourrait-il que leurs élites politiques se croient engagées dans un processus inéluctable, pour le meilleur et pour le pire, et qu'elles se contentent, dès lors, de chercher à limiter ses effets néfastes. À bon droit, même si elles le font quelquefois avec une brutalité dérangeante, certaines petites nations d'Europe préfèrent fermer leurs frontières devant la déferlante migratoire, d'autant que le spectacle de l'immigration massive à l'Ouest de l'Europe n'a rien pour les convaincre des vertus de la société multiculturelle.

    Mais on ne leur permet pas. On connaît la doctrine de la souveraineté limitée, qui sous Brejnev, accordait une certaine autonomie aux pays sous sa domination sans leur permettre de s'affranchir du bloc de l'Est ou des principes du socialisme. L'Allemagne l'a récemment réinventée à l'endroit des petites nations d'Europe de l'Est qui ne voulaient pas se plier à l'impérialisme humanitaire germanique, comme si l'Allemagne voulait laver son passé en s'immolant au présent. Chaque nation, apparemment, devrait être entraînée dans cette mutation identitaire majeure à l'échelle d'une civilisation.

    Les gardiens du nouveau régime multiculturaliste ne veulent pas croire qu'ils pilotent allègrement nos sociétés vers quelque chose comme une guerre civile inavouée mélangée à un choc des civilisations. Ces termes sont peut-être exagérés - ou pas. Mais une chose est certaine, ce n'est pas en laissant croire que le régime multiculturaliste accouchera tôt ou tard d'un paradis diversitaire qu'on calmera les angoisses des peuples européens. Les tensions sociales se multiplieront. Cela nous ramène à la question première de la philosophie politique, soit la sécurité élémentaire des sociétaires. Celle des femmes européennes n'est manifestement plus assurée. 

    * FigaroVox [11.01.2016]

    Mathieu Bock-Côté                       

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

     

  • László Trócsányi : « Bruxelles bafoue la souveraineté des Etats »

     

    par Jean-Baptiste d'Albaret

     

    626951329.jpgAncien ambassadeur de la Hongrie en France, László Trócsányi est aujourd’hui ministre de la Justice dans le gouvernement hongrois du Premier ministre Viktor Orbán. Il est donc en première ligne dans la gestion de la crise migratoire qui ébranle l’Europe et les institutions européennes.

    Quelle est votre réaction après les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre ?

    La stupéfaction évidemment. C’est non seulement votre pays qui a été visé mais c’est aussi, à travers lui, nos valeurs, l’ensemble de nos démocraties européennes. Les attentats du vendredi 13 novembre ont provoqué de la terreur dans la société.

    Certains de ces terroristes seraient passés par la Hongrie en se mêlant aux réfugiés…

    Voilà le problème. Il est évident qu’aucune administration n’est capable de faire face à un afflux de plus d’un million de personnes. Il est tout à fait probable que des terroristes se fondent dans la masse des réfugiés. Malheureusement, les institutions européennes ont tardé à réagir, et l’Europe donne l’impression de courir après les événements. Dans l’urgence, les chefs d’état européens ont multiplié les réunions afin de trouver des solutions à cette crise sans précédent. Cela fait des belles photos dans les journaux, mais il aurait été préférable d’agir avant que la situation devienne si difficilement contrôlable.

    Votre pays est très critiqué pour sa gestion de cette crise migratoire…

    La Hongrie est victime de caricatures malhonnêtes alors qu’elle ne fait qu’assumer la difficile mission de protéger les frontières de l’Europe en tant que pays extérieur de l’espace Schengen. Elle s’attache à l’intégrité territoriale, élément fondamental de la souveraineté, et elle pense qu’un État doit toujours être en mesure de contrôler qui peut venir sur son territoire. D’autant plus qu’un tel contrôle est prévu dans le Code des frontières Schengen, et doit donc être effectué par tous les pays membres en vue de contribuer, notamment, à « la lutte contre l’immigration illégale ». Or, face à la crise migratoire qui se profilait, Bruxelles a prétendu agir seul, bafouant la souveraineté des états membres pourtant parties prenantes dans cette affaire.

    La Commission a tenté de mettre en place un système de répartition des migrants entre les états membres. Ce que le groupe de Visegrád, dont vous faites partie, a refusé…

    Le système de quotas que la Commission européenne a tenté d’imposer sans demander l’avis de quiconque est brutal et coercitif. Il ne tient compte ni de la liberté individuelle des migrants, ni de la souveraineté des états membres. C’est un procédé technocratique coupé de la réalité. Il ne suffit pas de répartir les migrants comme des pions sur une carte de l’Europe étalée devant soi pour résoudre le problème. La Commission a voulu montrer qu’elle maîtrisait la situation. Mais en procédant de façon abrupte et péremptoire, elle a affaibli la confiance dans les institutions européennes. Le résultat c’est que ce sont les accords de Schengen qui pourraient être remis en cause. Ce serait un énorme coup dur pour toute l’Europe, y compris bien évidemment pour l’Europe centrale et la Hongrie.

    Et l’érection de murs aux frontières avec la Serbie et la Croatie. était-elle indispensable ?

    Dans la confusion générale, il fallait réagir. Les migrants traversaient des propriétés privées, ce qui créait des tensions avec les riverains, tensions attisées par le Jobbik, l’extrême-droite hongroise… Ne cachons pas la poussière sous le tapis : si nous cédons au politiquement correct qui sévit dans une partie de la presse d’Europe occidentale, nous cédons du terrain sur le plan politique dans notre pays. Le gouvernement de centre-droit auquel j’appartiens a donc décidé, à contre-cœur, de dresser une clôture à la frontière avec la Serbie et avec la Croatie pour pouvoir rétablir un contrôle effectif. Mais nous avons également installé des centres de transit qui permettent d’enregistrer les demandeurs d’asile – formalité prévue par la « directive procédures ». Depuis que ces décisions ont été prises, les migrants contournent notre pays en passant par la Slovénie, ce qui pose tout de même des questions sur leur volonté de coopérer avec les autorités européennes. Toujours est-il que la Hongrie a enregistré un nombre record de migrants, 180 000 personnes à ce jour. Cela aussi nous est reproché : les prises d’empreintes digitales sont présentées comme « inhumaines ». Mais, que je sache, la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace Schengen est réservée aux seuls ressortissants des états membres. Si personne ne respecte les règles censées régir l’Union européenne, à quoi sert-il d’en édicter ?

    La responsabilité de l’Allemagne, ouvrant grand ses portes puis les refermant précipitamment, n’est-elle pas écrasante ?

    La situation politique allemande, avec un gouvernement issu d’une large coalition, est complexe et alourdit les processus de décision. Mais il est évident que personne n’a vocation à accueillir « toute la misère du monde » comme l’a dit un jour un homme politique français. Prétendre le contraire n’est pas raisonnable. C’est une question de volume et d’intégration. J’ai vu en France, dans une ville comme Saint-Denis, les tensions qui peuvent exister entre communautés repliées sur elles-mêmes… à notre avis, il serait irresponsable de vouloir reproduire ce modèle partout en Europe. D’autant plus que la Hongrie n’a pas les mêmes liens historiques et intérêts stratégiques dans les régions d’origine de ces migrants que certains autres pays…

    Les pays de l’Europe centrale s’opposant aux décisions unilatérales des institutions européennes… N’y-a-t-il pas là les prémices d’un conflit à venir au sein de l’Europe ?

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    Budapest - Le Parlement de Hongrie

    Cette crise a ouvert un conflit entre quelques-uns des états membres et les institutions bruxelloises sur la question de l’intégration européenne. D’un côté, la Commission entend assumer davantage de pouvoir. De l’autre, des pays comme la Hongrie souhaitent que les nations conservent leur souveraineté tout en reconnaissant qu’il faut travailler ensemble sur certaines compétences. J’irai même plus loin en affirmant que la démocratie en Europe sortirait grandie d’un renforcement du rôle des états dans les institutions européennes. Car que fait-on des parlements nationaux dans le cadre actuel ? Deux visions s’opposent donc. Et dans ce grand débat sur l’avenir de l’Europe, la Hongrie compte bien faire entendre sa voix qui est celle de l’Europe des Nations. 

    Rédacteur en chef de Politique magazine

  • Les vœux d’Angela sous-titrés en arabe ... « Soumission » ?

     

    Afin « d’atteindre de nombreux réfugiés », la chaîne publique ZDF a sous-titré ses vœux, comme ceux du président fédéral, en anglais et… en arabe ! Voici ce qu'en a dit Caroline Artus, dans Polémia. Sans-doute sur le ton nécessairement simplificateur de la polémique ... mais, en l'occurrence, l'exaspération est compréhensible ... LFAR

    Pour nos amis allemands patriotes aussi, l’année 2015 s’est terminée encore plus mal qu’elle avait commencé. Non seulement leur pays s’est vu « gratifié » d’un million cent mille réfugiés – du moins, prétendus tels par leurs autorités, chiffre quatre fois supérieur à celui de 2014 – mais ils viennent de subir le pire affront qu’un élu au sommet d’un État puisse infliger à sa nation : l’humiliation par le double jeu, le double fardeau du sacrifice et de la culpabilisation.

    Les vœux d’Angela Merkel pour ses compatriotes ? Qu’ils acceptent bien gentiment les migrants, sans broncher, même si « cela va coûter de l’argent […] » parce qu’« il est évident que nous devons aider et accueillir ceux qui cherchent un refuge chez nous ».

    Évident pour qui, donc ? Sans aucun doute pour Peter Sutherland – ex-directeur de l’OMC, ex-commissaire européen à la concurrence, ex-directeur de Goldman Sachs, mais actuel membre du groupe Bilderberg, directeur de la Trilatérale, conseiller spécial de l’ONU pour l’immigration ainsi que conseiller au Vatican – qui, dans une récente interview sur le site de l’ONU, préconise pour l’Allemagne en particulier, mais pour quasiment chaque pays d’Europe, d’accueillir plus d’un million de migrants par an sur les trente prochaines années. Autrement dit, avec d’un côté de faibles taux de natalité, et de l’autre un taux vigoureux, dans 30 ans, les Européens ont toutes les chances d’être devenus les indigènes dans leurs propres pays…

    Pas évident, en tout cas, d’après les estimations de la Bundesbank (la banque centrale allemande), de continuer de faire rentrer des millions de réfugiés dans le pays, puisqu’elle souligne les « qualifications faibles » et des « barrières linguistiques » et évalue à 70 % le nombre de migrants au chômage en Allemagne.

    Alors Angela, née d’un père pasteur et communiste, en Allemagne de l’Est, celle qui abhorre la culture de « démocratie par la base », comme l’écrira le tempsreel.nouvelobs.com, en 2013, a agité la grosse ficelle. Les Allemands patriotes sont des gens « au cœur froid ou plein de haine » [qui] se réclament eux seuls de l’identité allemande et veulent exclure les autres ». Parce que « les réfugiés sont une chance » pour l’Allemagne. Du Hollande dans la langue de Goethe !

    Et pour bien montrer, à ces Allemands-là, ceux qui tirent le diable par la queue, ceux qui ont l’outrecuidance d’aimer leur pays et de préférer les leurs à ceux venus d’ailleurs en si grand nombre en aussi peu de temps, bref, à tous ceux qui rechignent à sacrifier leurs économies, à se laisser effacer, Angela vient de leur jouer un tour de cochon, si j’ose dire. Afin « d’atteindre de nombreux réfugiés », la chaîne publique ZDF a sous-titré ses vœux, comme ceux du président fédéral, en anglais et… en arabe !

    Mieux : à partir du 4 janvier, les actualités allemandes « Heute » (celles de 17 heures… pour commencer) ainsi que d’autres émissions de la chaîne appliqueront systématiquement les nouvelles directives. Comprenez : le public devient cosmopolite.

    Et si François Hollande, pour sa (possible et espérée) dernière année, s’en inspirait ? Une idée pour provoquer dans la France entière un électrochoc ? On ne sait jamais…

    Allez, Frohes Neues Jahr ! 

    Polémia

  • Société • Nativité et résurrection à l’italienne

     Palerme, Sicile

     

    Un point de vue original et juste de Camille Pascal

    Pour l'essentiel, Camille Pascal établit par l'exemple une comparaison entre la France et l'Italie, à l'avantage de cette dernière : « L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. ». L'explication est selon nous très claire : la République italienne naît presque immédiatement après la seconde guerre mondiale, comme une suite de la défaite de l'Italie, conduite par Mussolini et la dynastie des Savoie. Elle ne procède pas d'une révolution et n'a avec la Révolution française que des liens indirects. Elle ne se bâtit pas en rupture avec l'Histoire de l'Italie, elle ne pratique pas la table rase, elle ne renie pas ses racines C'est ce qui la différencie d'avec la République française qui se tient toujours, en définitive, dans le droit fil de la Révolution française, de l'idéologie qui la fonde et, sous diverses formes, du jacobinisme et de la Terreur. Sa radicalité ne s'est jamais vraiment éteinte. Et la France continue, si l'on peut dire, d'en porter la croix. LFAR

     

    Camille%20Pascal_22222222222222.pngLa réplique scrupuleuse d’un chef-d’oeuvre du Caravage a retrouvé la place de l’original, probablement vandalisé puis détruit.

    L’événement est passé quasiment inaperçu en France mais il a eu un retentissement considérable en Italie et dans le monde de l’art. Le 12 décembre dernier, à Palerme, la Nativité avec saint François et saint Laurent, du Caravage, a retrouvé le délicieux oratoire de San Lorenzo et son cadre de stucs insensés, sculpté par le grand Serpotta à l’extrême fin du XVIIe siècle.

    Le tableau avait été peint par le maître au lendemain de sa fuite des geôles de l’ordre de Malte, soit un an avant qu’il ne soit retrouvé mort sur une plage de Toscane, dans des conditions déjà pasoliniennes. Malgré la présence à l’arrière-plan de l’ange et de saint François d’Assise en prière, cette Nativité reste d’un très grand réalisme caravagesque.

    Saint Joseph est représenté avec la jeunesse que lui donnent les Écritures mais que lui refuse le plus souvent l’iconographie traditionnelle ; tournant le dos au spectateur, vêtu d’un pauvre manteau vert et chaussé de simples pantoufles, il semble dialoguer avec les saints apocryphes imposés par les commanditaires. La Vierge, elle, a la simplicité d’une jeune femme du peuple et regarde tristement l’Enfant Jésus posé à même le sol dans une position d’abandon, qui pourrait être celle d’un sommeil profond si elle n’annonçait pas déjà son sacrifice. La tête d’un boeuf pensif contemple cette Nativité désolée par l’obscurité du jour de la crucifixion.

    Pourtant, le tableau qui était inauguré en grande pompe le 12 décembre dernier est un faux ou, plus exactement, une réplique scrupuleuse savamment reconstituée grâce à des techniques de pointe. L’original, lui, a disparu. Il a été volé sur ordre d’un mafieux et maladroitement découpé au couteau par un mauvais garçon de Naples, qui devait avoir les mêmes traits que les modèles masculins dont le Caravage aimait à faire des apôtres, des martyrs ou des Bacchus. La toile n’a jamais été retrouvée. Massacrée par les larrons chargés de ce larcin, refusée par les receleurs épouvantés et peut-être taraudés par le remords du sacrilège qu’ils avaient ordonné, elle aurait été détruite.

    Les Palermitains n’ont jamais accepté cette disparition, ils ont d’abord tenté l’impossible pour retrouver l’original puis, en désespoir de cause, ils se sont donné les moyens de cette véritable résurrection de leur Nativité.

    Tout fut alors fait pour que ce chef d’oeuvre du ténébrisme ait retrouvé sa place avant Noël, de façon à ce que la Sainte Famille enfin réunie pour la Nativité puisse être offerte à la contemplation des fidèles. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, a tenu à assister, lui-même, à cette résurrection d’un monument de l’art sacré.

    L’Italie, toute République qu’elle soit, sait d’où elle vient. 

    Camille Pascal (

    Valeurs actuelles)

     

  • Patrice de Plunkett : « La faiblesse géopolitique est inhérente à l'UE »

     

    Par exemple face au chantage de M. Erdogan... Mais pourquoi cette faiblesse ? La position pertinente de Patrice de Plunkett  [02.12.2015]

    hqdefault.jpgRevenons sur l'événement du week-end dernier : c'est une leçon terrible. Dimanche, M. Erdogan exige de Bruxelles une reprise du processus d'adhésion de la Turquie, une suppression des visas d'entrée en Europe pour les Turcs, et une aide financière afin de « pouvoir conserver sur le territoire turc les deux millions de réfugiés syriens qui s'y trouvent ». Bruxelles cède aussitôt, oubliant que M. Erdogan avait commencé par lancer vers l'Europe des dizaines de milliers de migrants en vidant manu militari  la moitié des camps turcs ! 

    Bruxelles oubliait aussi que M. Erdogan avait fait arrêter (le 26 novembre, quatre jours avant son chantage victorieux sur l'UE) le directeur de la publication et le chef du bureau d'Ankara du quotidien centriste Cumhuriyet, coupables d'avoir prouvé les livraisons d'armes turques à Daech en Syrie. Les deux journalistes, Can Dündar* et Erdem Gül, avaient en effet publié des documents et des photos de camions des services secrets turcs acheminant ces armes : un millier d'obus de mortier, 80 000 munitions  de  tout calibre  et des centaines de lance-grenades... La semaine dernière, le procureur a annoncé que Gül et Dündar allaient écoper de vingt ans de prison pour « espionnage politique et militaire ». Quant à M. Erdogan, il a déclaré : « Peu importe si ces camions transféraient des armes. » Son double jeu s'affiche impunément.  

    Peu importe, en effet ! Ankara a aggravé (en soutenant Daech) la fuite de milliers de Syriens qu'il a dirigés ensuite vers l'Europe. Pendant qu'il se plaint de n'avoir pas les moyens de faire face à ce déferlement de réfugiés, M. Erdogan alimente la guerre qui pousse les réfugiés dehors. Mais l'Europe fait semblant de ne rien savoir et donne à M. Erdogan ce qu'il exige ; elle se met ainsi dans une situation de victime d'un chantage sans fin.  

    Sans compter ce paradoxe : les plus « européens » des Européens ferment les yeux sur le chauvinisme tyrannique du régime d'Ankara, profil politique que l'UE interdit pourtant à ses membres ! M. Orban (qui en fait bien moins) est conspué à Bruxelles, mais  M. Erdogan est salué avec chaleur. 

    Cette faiblesse est inouïe. Et elle est structurelle : sa cause est l'esprit même de la construction européenne (l'esprit d'une entreprise sans esprit). Aucune incantation ne peut masquer cela... Conçue pour « jouir des dividendes de la paix », comme annonçait le malheureux Fabius il y a vingt-cinq ans, l'UE part en morceaux dès qu'il n'y a plus de paix – ni de dividendes ! 

    _______________ 

    * Lauréat 2015 du prix de Reporters Sans Frontières.

     Patrice de Plunkett : le blog

     

  • SOCIETE • En Roumanie, train royal & grandes foules : La France est une exception européenne ...

    (Copyright photos : blog du prince Radu de Roumanie)

     

    Les photos parlent d’elles-mêmes : les haltes du train royal lors de la Fête nationale roumaine, ont attiré les grandes foules pour saluer la princesse Margareta, le prince Radu et la princesse Marie. Le roi Michel (94 ans) qui vit désormais en Suisse, est aujourd'hui une personnalité très respectée dans son pays.

    Mais la Roumanie n'est pas une exception en Europe. C'est bien la France qui en est une. Les familles anciennement régnantes sont honorées, fêtées, associées es qualités à la vie nationale, chez tous nos voisins européens. Dans bien des  cas, elles ont un statut officiel ou quasi officiel, elles remplissent une fonction utile à leur pays, elles ont au moins la jouissance d'une ou plusieurs résidences officielles ... Les plus hautes autorités politiques se joignent souvent à elles lors d'événement familiaux. Portugal, Italie, Autriche, Serbie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, d'autres encore, sont dans ce cas. Dans certains pays, cela peut concerner plusieurs familles anciennement régnantes, comme en Allemagne ou en Italie. Quant à la Russie, elle réserve les plus grands égards aux descendants des Romanov. 

    Tous ces Etats n'ont pas rompu avec leur histoire; ils n'ont pas renié leur passé, ni leur identité. C'est pourquoi les familles qui les ont fondés, les ont dirigés y ont une place reconnue. Et leur cohésion, leur fierté nationale, leur tradition, s'en trouvent renforcées pour le présent et l'avenir.

    La France fait exception parce que la doxa officielle impose l'idée qu'elle se réduit à la République et qu'elle commence avec elle. C'est à dire avec la Révolution et toutes ses suites. Cette culture de l'oubli et de la négation est naturellement un facteur important d'affaiblissement du sentiment national. A l'inverse de nombreux Français, la France officielle - sauf exceptions heureuses, toujours limitées - ignore à peu près complètement les descendants actuels de notre dynastie nationale.  

    Et c'est aussi une des raisons pour lesquelles la République française ne peut pas être considérée comme un régime ordinaire, semblable à ses homologues européens, ni pleinement légitime. Lafautearousseau 

     

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    Photos reprises du site Noblesse et royautés.

  • Rémi Brague : « La législation d'origine divine constitue le centre de l'islam »

     

    C'est un entretien très important que Rémi Brague vient d'accorder au Figaro, qui l'a publié sur FigaroVox vendredi dernier, 27 novembre. Membre de l'Institut, spécialiste de la philosophie grecque et de la philosophie médiévale arabe et juive, Rémi Brague* y décrypte, selon Le Figaro, « la doctrine de la religion musulmane. » Et il ne manque pas d'en traiter dans son rapport avec l'actualité française et européenne. On le sent dans un certain désaccord avec les analyses de « son vieil ami Pierre » - Pierre Manent - qui, en effet, ont paru porteuses de grands risques à nombre de lecteurs - dont nous-mêmes. Sur la capacité de la République à affronter l'Islamisme, Rémi Brague a une formule qui mérite réflexion : « Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu ? ». En tout cas, pas la nôtre, nous semble-t-il. Et c'est une grande question. Il n'hésite même pas à mettre en doute que le Pape ait jamais lu le Coran, lorsque le Figaro le questionne : « le Pape a dit que le Coran s'oppose à la violence ... » Enfin, Rémi Brague sait de quoi il parle, il n'avance rien sans référence. Et cela tranche singulièrement avec tant de débats oiseux, qui nous ont été servis ad nauseam, depuis un certain temps, par les médias. Bonne lecture ! Lafautearousseau

    Les djihadistes qui ont mené les attentats de janvier et du 13 novembre en appellent à Allah. Ont-ils quelque chose à voir avec l'Islam ?

    De quel droit mettrais-je en doute la sincérité de leur islam, ni même le reproche qu'ils adressent aux « modérés » d'être tièdes. Rien à voir avec l'islam ? Si cela veut dire que les djihadistes ne forment qu'une minorité parmi les musulmans, c'est clair. Dans quelle mesure ont-ils la sympathie, ou du moins la compréhension, des autres ? J'aimerais avoir là-dessus des statistiques précises, au lieu qu'on me serine « écrasante majorité » sans me donner des chiffres.

    Les djihadistes invoquent eux-mêmes Mahomet, le « bel exemple » (Coran, XXXIII, 21). Ils expliquent qu'avec des moyens plus rudimentaires qu'aujourd'hui, il a fait la même chose qu'eux : faire assassiner ses adversaires, faire torturer le trésorier d'une tribu vaincue pour lui faire cracher où est le magot, etc. Ils vont chercher dans sa biographie l'histoire d'un jeune guerrier, Umayr Ben al-Humam, qui se jette sur des ennemis supérieurs en nombre pour entrer au paradis promis. Il n'avait pas de ceinture d'explosifs, mais son attitude ressemble fort à celle des kamikazes d'aujourd'hui.

    Les imbéciles objectent souvent : « Oui, mais Hitler était chrétien. » Ce à quoi il faut dire que: 1) non seulement il avait abandonné la foi dans laquelle il avait été baptisé, mais il haïssait le christianisme. Les Églises, catholique et protestantes, étaient sur son cahier des charges et devaient, après la victoire, subir le même sort que les Juifs ; 2) à ma connaissance, Hitler n'a jamais été donné en exemple aux chrétiens.

    41cUT53RYYL__SX302_BO1,204,203,200_ (1).jpgLe but des terroristes semble être de déclencher en Europe une guerre civile entre les communautés musulmanes et le reste de la population. Comment éviter que la communauté musulmane soit identifiée au terrorisme ?

    Effectivement, il est prudent de dire ce que ce but semble être. Nous le devinons à partir de cas précédents comme les Brigades rouges italiennes: créer des conditions dans lesquelles la répression atteindra, même sans les viser, l'ensemble des musulmans, afin de créer chez eux un réflexe de solidarité avec les terroristes. Je ne sais d'ailleurs pas si cela a jamais marché…

    Il y a là-derrière un problème de logique : tous les musulmans ne sont pas islamistes, mais tous les islamistes sont musulmans. Donc être musulman est une condition nécessaire pour être islamiste, mais elle n'est pas suffisante. Pour tout musulman, être islamiste est une possibilité mais, heureusement, ce n'est pas une nécessité. Il est stupide de prêter a priori de noirs desseins à tous les musulmans. On a donc raison de ne pas les mettre tous dans le même panier. Les gens qui peignent des slogans hostiles sur les mosquées sont des crétins malfaisants qui font le jeu des islamistes de la façon que je viens de dire.

    Il serait bon que l'effort pour éviter le fameux «amalgame» soit clair des deux côtés. Et que les musulmans trouvent un moyen de faire comprendre haut et fort, par la parole comme par le comportement, qu'ils désapprouvent le terrorisme. Le problème est que personne n'a autorité pour les représenter. Nous aimons mieux les « modérés ». Mais les intellectuels médiatiques qui parlent en leur nom représentent-ils d'autres qu'eux-mêmes ?

    Comment expliquer que la religion musulmane apparaisse plus focalisée sur la forme (vêtements, nourriture…) que sur le fond et qu'elle rechigne à accepter les lois de la République ?

    Ce qui nous semble à nous purement formel dans une religion peut apparaître à ceux qui la professent comme central. Pensez au turban des sikhs. Dans l'islam, la mystique est permise, pas toujours bien vue, mais en tout cas seulement facultative. En revanche, les règles de la vie quotidienne sont obligatoires pour tous. Les lois sur lesquelles la nation musulmane se règle ont été, selon elle, dictées par Dieu en personne et littéralement. Quelle République peut s'imaginer faire le poids contre Dieu ?

    Un islam éclairé a existé au Moyen Âge. Peut-il servir de référence aux musulmans d'aujourd'hui ?

    Il faut distinguer la religion et la civilisation. La conquête arabe avait unifié deux mondes qui se faisaient la guerre, à savoir la partie orientale de l'Empire de Constantinople et l'Empire persan. Avec le Proche-Orient, il avait ramassé dans son escarcelle la partie intellectuellement féconde de l'Empire byzantin. Regardez d'où viennent les grands intellectuels de l'Antiquité gréco-romaine : l'Égypte, la Mésopotamie, l'Anatolie, bien plus que Rome ou même la Grèce. Tout cela passa à la civilisation arabe à travers les écoles du monde syriaque. L'islam comme religion a connu des tentatives qui ressemblent beaucoup à la façon dont l'Occident a réfléchi de manière critique sur sa propre tradition, par exemple chez les mutazilites. Mais cela fait mille ans qu'ils ont été vaincus…

    Le Pape a dit que le Coran s'oppose à la violence. Partagez-vous ce point de vue ?

    A-t-il jamais lu le Coran ? Sa lecture ne fait pas partie de la formation habituelle d'un jésuite, ou même d'un théologien.

    Ce qui est vrai, c'est que l'on trouve dans le Coran des versets pacifiques, appelant à la discussion courtoise, etc. Non sans bien des restrictions. Ainsi, le fameux verset rappelant, après le Talmud (bSanhedrin, 37a), que tuer un homme, c'est comme tuer l'humanité entière (V, 32) ajoute en incise que cela ne vaut pas pour « ceux qui répandent la corruption (fasād) sur la terre ». Or, comment comprendre cette faute ? Et qui va décider de qui s'en est rendu coupable ?

    Les versets pacifiques datent de la première période de la mission de Mahomet qui, prêchant à La Mecque devant un auditoire indifférent ou même hostile, devait composer avec les autres groupes religieux. Une fois à Médine, devenu chef d'une armée, le ton change. L'avertisseur est devenu chef politique et militaire. Il s'agira désormais de combattre, de soumettre l'adversaire, et de lui faire payer l'impôt. Et l'ennui est que, selon la dogmatique islamique, les versets descendus à Médine « abrogent » les versets antérieurs. On continue à les réciter, mais leur contenu normatif n'est plus valable et est remplacé par d'autres, postérieurs.

    Afin de ne pas être repérés, certains terroristes n'hésitent pas à boire de l'alcool, à s'afficher avec des femmes et à ne pas fréquenter les mosquées. S'agit-il de cette ruse qu'on appelle la « taqîya » ? Sur quoi repose cette notion ?

    Il est en effet probable qu'il s'agisse d'une dissimulation par stratagème.

    Le conseil de pratiquer la dissimulation dans certains cas se tire de deux versets du Coran : « Que les croyants ne prennent pas pour amis des incrédules de préférence aux croyants […] à moins que vous ne vous protégiez d'eux » (III, 28) et « Celui qui renie Dieu après avoir cru - non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi — […], la colère de Dieu est sur lui […] » (XVI, 106). Un autre verset demande aux musulmans de ne pas demander la paix quand ils sont les plus forts (XLVII, 35). Et des hadiths font prononcer au Prophète l'éloge de la ruse, identifiée à la guerre.

    Historiquement parlant, cette dissimulation a surtout été pratiquée par les chiites, tout simplement parce que, minoritaires, ils en avaient besoin. Mais ceux-ci ne sont nullement les seuls à l'autoriser, voire à la recommander.

    Comment le Coran envisage-t-il les rôles de l'homme et de la femme ? Est-ce compatible avec l'égalité occidentale ?

    Notre égalité est encore imparfaite dans les faits. Mais elle est depuis longtemps dans les textes du Nouveau Testament, puis plus tard dans nos législations. Le Coran accorde à la femme la valeur de la moitié d'un homme : il faut deux femmes pour contrebalancer le témoignage d'un seul homme (II, 282), et une fille reçoit en héritage la moitié de la part d'un garçon (IV, 11). On entend souvent que l'islam aurait représenté un progrès dans la situation de la femme. Mais progrès aux yeux de qui ? Dans ma Loi de Dieu, je cite un passage du grand écrivain Gahiz (mort en 869) qui se félicite de ce que l'islam ait mis fin à la licence d'autrefois en interdisant aux filles de parler aux garçons.

    L'obligation de porter un voile est-elle inscrite dans les textes du Coran ?

    Elle repose sur deux versets où Dieu s'adresse à Mahomet : « Dis aux croyantes […] de rabattre leurs voiles (himār) sur leurs poitrines » (XXIV, 31) et « […] Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles (ğilbāb) […] » (XXXIII, 59). Saint Paul dit quelque chose de voisin (1 Corinthiens, 11, 5). Seulement, Paul de Tarse était une créature vivant à une certaine époque, dans une civilisation où sortir sans voile était pour une femme une honte. On peut donc remonter de la lettre à l'intention, à savoir s'habiller décemment selon les climats et les modes. Pour le Coran, ce n'est pas possible. En effet, son auteur est censé être Dieu, qui est éternel et qui sait tout, et qui peut donc prévoir la totalité des circonstances. Si Dieu dit « voilez-vous », il s'agira donc d'un voile bien concret, d'un tissu totalement matériel. La seule latitude qui reste sera celle de s'interroger sur le sens très précis des mots qui le désignent et d'en déduire si ce voile voulu par Dieu sera long ou court, opaque ou transparent. C'est souvent à des choses de ce genre que pensent ceux qui disent « interpréter » le Coran.

    Plutôt que de communautarisme islamique on parle de plus en plus souvent d'une montée du fait religieux. Peut-on faire l'amalgame entre la religion catholique, la religion juive et l'islam ?

    Il est vrai que le christianisme, surtout mais pas seulement dans sa variante «évangélique», connaît actuellement un bouillonnement. Ou que l'hindouisme se raidit, ou que le bouddhisme attire de plus en plus de monde. Ce qui est vrai en tout cas, c'est que l'idée d'un effacement inexorable de la religion devant « la science » en a pris un sacré coup.

    On répète « padamalgam ! » comme une sorte de mantra ; d'ailleurs, cela sonne sanscrit… Cette règle doit s'appliquer aussi aux religions. Au lieu de dire que « les religions » sont ou font ceci ou cela, en les mettant dans le même sac, distinguons, traitons au cas par cas. Une religion est nationale ou universelle, naturelle ou révélée, etc.

    Au fond, le mot même de « religion » est trompeur. Il recouvre des phénomènes incomparables. Il est d'origine occidentale et a été fait sur les mesures du christianisme. En conséquence, nous nous imaginons qu'une religion doit être une sorte de christianisme avec quelque chose en plus ou en moins. D'où notre mal à penser le bouddhisme, qui se passe de révélation, voire de l'idée de Dieu. Et notre mal à comprendre que l'idée d'une législation d'origine divine n'est pas accessoire dans l'islam, mais en constitue le centre.

    Êtes-vous d'accord avec Pierre Manent lorsqu'il dit que l'islam peut paradoxalement aider l'Europe à retrouver ses racines chrétiennes ?

    Il est de fait que l'exemple de la piété au quotidien des musulmans marocains a aidé des gens comme Charles de Foucauld ou Louis Massignon à retrouver la foi chrétienne. Mais attention : la dévotion, le scrupule dans l'accomplissement des rites ne sont pas la foi comme la comprend le christianisme. En matière de plaisanterie, je dirais que l'islam est au christianisme ce que mon visage est à son image dans un miroir. Rien ne me ressemble plus, mais tout y est renversé. Le défi de l'islam peut aider à reprendre conscience de l'importance du christianisme pour la civilisation occidentale. Je dirais donc, avec mon vieil ami Pierre, que l'Europe peut s'aider de l'islam pour mieux se voir et mieux comprendre ce qu'elle est. 

    * Professeur émérite de philosophie à la Sorbonne et à l'université de Munich.

    Entretien par Marie-Laetitia Bonavita             

     

  • Jean-Michel Quatrepoint : « Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre »

     

    Nous suivons toujours attentivement les analyses de Jean-Michel Quatrepoint, notamment dans le cadre des entretiens qu'il donne au Figaro, parce qu'elles sont à la fois extrêmement lucides, réalistes, fondées sur une profonde connaissance des sujets traités, et que les positions qu'elles expriment sont presque en tous points les nôtres. Ainsi, au lendemain des attentats de Paris, Jean-Michel Quatrepoint en détaille, toujours pour Le Figaro, les conséquences économiques et les solutions possibles, notamment sur le plan militaire.  LFAR

     

    PHO1159e20e-cc52-11e3-a4f2-b373f3cdeec9-150x100.jpgA l'approche des fêtes, les rues sont désertes. Quelles peuvent être les conséquences économiques des attentats ?

    Les terroristes de Daech poursuivent un double objectif : nous terroriser et asphyxier nos économies. C'est la même stratégie qu'ils ont adoptée en Tunisie et en Égypte. Leurs attentats dans ces pays ont un impact direct sur les recettes touristiques. Toutes proportions gardées, c'est le risque qui nous guette. D'ores et déjà, le chiffre d'affaires du commerce a plongé de 15 % à 30 % selon les secteurs. Les touristes annulent en masse leurs voyages. Or, la période du 15 novembre au 31 décembre est cruciale pour l'activité commerciale. Au niveau macro-économique et budgétaire, ce sont des recettes de TVA en moins, ce qui va creuser le déficit budgétaire. Sans parler de l'impact sur la balance commerciale de la baisse du tourisme.

    Une des erreurs commises ces dernières années est d'avoir cru qu'un grand pays comme la France pouvait faire reposer son économie sur le tourisme et les services, à la place de l'industrie. Les exportations de biens industriels sont beaucoup moins sensibles aux attentats que le tourisme. Pour redonner confiance à une population traumatisée, ainsi qu'aux touristes, il va falloir faire un effort considérable en matière de sécurité. Tout ceci va prendre du temps et coûter fort cher. Il y a une contradiction entre déclarer que l'on est en guerre et ne pas se doter des moyens d'une économie de guerre. Certes, il s'agit d'une guerre d'un type nouveau, asymétrique, mais il s'agit bien d'une agression pilotée de l'extérieur, avec des gens qui ont une volonté de conquête et qui s'appuient sur des alliés à l'intérieur de nos frontières, ce qu'on appelait autrefois la cinquième colonne.

    Comment lutter contre ce double front ?

    Il faut distinguer l'action extérieure et l'action à l'intérieur. À l'extérieur, nous devons concentrer nos faibles moyens sur le Sahel, le Mali. Parce que dans cette région du monde, c'est la France qui a le plus de capacités et de connaissance du terrain. En revanche, il ne faut pas se laisser entraîner dans des opérations au sol en Syrie ou en Irak. Un appui aérien, oui. Mais il appartient aux acteurs locaux de régler le problème Daech. Tout dépend de la Turquie et de son jeu, pour le moins trouble, notamment à l'égard des Kurdes, qui sont les opposants les plus déterminés contre Daech. Mettre tout le monde d'accord va prendre du temps, tant les arrière-pensées des uns et des autres sont grandes. Ce que nous pouvons faire en revanche assez vite, c'est d'asphyxier à notre tour financièrement Daech. En s'attaquant à ses principales sources de revenus: pétrole, trafic d'antiquités, trafic des migrants.

    Avons-nous les moyens de mener cette guerre ?

    Ces actions extérieures ont d'ores et déjà un coût. On tablait sur un budget de 1,2 milliard, cette année. Il sera largement dépassé. Sur le plan intérieur, l'opération Sentinelle mise en place après les attentats contre Charlie Hebdo a épuisé les troupes, policiers comme militaires. Avant le 13 novembre, les mises en garde des syndicats et de la hiérarchie se multipliaient : on ne pouvait pas continuer sur le même rythme. Or, il faut maintenant, bien au contraire, renforcer Sentinelle. Dès lors, se pose le problème des moyens en hommes et en argent. François Hollande a annoncé le recrutement d'ici à fin 2017 de 11 200 fonctionnaires supplémentaires pour la Justice, l'Intérieur et les Douanes. Cela représente un coût de 1 milliard par an. Pour l'armée stricto sensu, on a décidé de suspendre une partie des suppressions de poste prévues dans la loi de programmation militaire. Tout ceci n'est cependant pas à la hauteur des enjeux.

    Mais alors que faut-il faire ?

    Le moment est venu de prendre deux grandes décisions. La première est d'inverser la mécanique de laminage du budget de la Défense qui a été divisé par deux en 30 ans. Il faudrait faire passer en cinq ans de 1,6 % du PIB à 2,6 % du PIB. Pour mémoire, les États-Unis consacrent 3,5 % à leur Défense (plus de 600 milliards de dollars). Et la Russie 4,5 %. Sans parler de l'Arabie saoudite, dont le budget à lui seul est plus du double de celui de la France. Une telle augmentation se traduirait par un budget supplémentaire annuel de 4 milliards d'euros environ, pour l'année 2016. Et de 8 milliards pour l'année 2017. Des montants qui intègrent, bien sûr, les OPEX.

    Ces investissements supplémentaires seront consacrés d'abord au maintien des effectifs - il faut revoir la Loi de programmation - ensuite à leur augmentation. Puis à la mise en place progressive d'un service national civique obligatoire, de quatre ou six mois. Tous les jeunes âgés de 18 ans étant appelés progressivement à y participer. Ils y recevraient une formation militaire de base (l'équivalent des deux mois de classes d'autrefois), une formation au secourisme, ainsi qu'à l'assistance aux populations lors de catastrophes naturelles (inondations, etc.) Pour encadrer ce service national, il faudra recruter en priorité chez les anciens militaires. Tout ceci coûte, mais en même temps cela génère de l'activité sur l'ensemble du territoire. C'est un moyen de réanimer des villes moyennes. Idem pour les équipements. Dans l'armée comme dans la police. Les forces de sécurité doivent avoir des matériels de qualité ce qui n'est plus le cas. Le sous-investissement, notamment en véhicules est chronique. Là aussi, il y a un coût, mais cela génère de l'activité économique. Idem pour les technologies, le numérique. Nos industries de Défense doivent être soutenues. On ne peut pas toujours s'en remettre aux autres, en l'occurrence aux Américains, pour la cyberguerre. Les dépenses militaires , notamment les innovations technologiques irriguent l'ensemble du tissu industriel. Il y a longtemps que les Américains ont compris cela sans parler des Israéliens et des Russes. Nous et les Européens, l'avons oublié depuis vingt ans. J'ai régulièrement écrit dans mes derniers ouvrages, qu'il n y avait pas d'exemple dans l'histoire de territoires riches non défendus qui ne fassent pas l'objet d'une prédation.

    Tout cela va nous faire exploser les déficits ?

    À court terme, oui, mais il faut savoir ce que l'on veut. S'imaginer que l'on peut mener une telle guerre tout en respectant des règles comptables établies à une époque où nous n'étions pas confrontés à de telles agressions et où la croissance était structurellement supérieure de un à deux points est absurde. Vouloir compenser l'augmentation des dépenses de sécurité et de défense par des économies ailleurs est tout aussi irréaliste à court terme. Certes, il va falloir dans le temps mener de profondes réformes, revoir nos systèmes de protection sociale, mais en attendant, il faut accepter une augmentation du déficit. J'ajoute que ces dépenses de sécurité, la mise en place du service national vont avoir un impact positif sur l'emploi.

    Et que dire à Bruxelles ?

    À quelque chose malheur est bon. Le moment est venu d'expliquer à nos partenaires et aux services de la Commission que le premier impératif d'un gouvernement est d'assurer la protection des biens et des personnes qui vivent sur son territoire. Voilà des années que l'Europe n'a pas voulu se défendre. Voilà des années que les pays du Nord et de la Mitteleuropa ont préféré aviver les tensions avec la Russie, plutôt que de faire face à la montée croissante du terrorisme islamiste. Nous sommes en première ligne, comme les Belges et les pays riverains de la Méditerranée. Il s'agit désormais d'une question vitale pour nous. Il faut donc expliquer, gentiment mais fermement, à Bruxelles et aux autres, que c'est ainsi et pas autrement. Il y a un moyen très simple pour que nous respections la lettre des traités budgétaires: sortir les dépenses de Défense des critères de Maastricht. C'est le moment ou jamais de l'exiger. 

    Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. Il a travaillé entre autres au Monde, à La Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir. Il est membre du Comité Orwell.

    Dans son livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maîtres sur la mondialisation.

    Son dernier livre, Alstom, scandale d'Etat - dernière liquidation de l'industrie française, est paru en septembre 2015 aux éditions Fayard.

    Entretien par Alexandre Devecchio             

  • Une femme face à Daech

     

    Par Péroncel-Hugoz

     

    peroncel-hugoz 2.jpgOn ne se bouscule pas au portillon, tant en Occident qu’à travers la Oumma, pour formuler des critiques charpentées à l’encontre du ravageur « Califat de Raqqa ». Pourtant, des femmes arabes ont relevé le gant sans se faire trop prier. Projecteur sur l’une d’entre elles.

    Je ne m’en suis jamais caché, je ne suis pas très enthousiaste pour le « féminisme », surtout quand il est défiguré par des pitreries indécentes façon Femens, qui m’ont remis en mémoire ce mot de Napoléon 1er (1769-1821) : « Rien n’est pire qu’une femme sans pudeur ! ». Cependant, quand il s’agit d’une affaire capitale comme Daech, je guette sans relâche les critiques visant ces bourreaux des confins syro-irakiens, d’où qu’elles viennent. 

    C’est ainsi qu’à la fin de l’été 2015, j’ai noté que les phrases les plus sensées, les plus réalistes à ce sujet venaient de deux femmes arabes en vue, l’eurodéputée Rachida Dati et la reine Rania de Jordanie. Toutes deux, séparément, ont estimé dans des termes quasi similaires que « les musulmans devaient régler entre eux les graves problèmes qui les assaillent  !» L’épouse d'Abdallah II a ajouté, pour sa part : « Les musulmans modérés, à travers le monde, ne font pas assez pour gagner la lutte idéologique qui est au cœur de cette bataille. Si nous échouons face à ces extrémistes, la région proche-orientale sera dévastée avec des répercussions mondiales.». 

    Depuis lors, en cet automne, une troisième femme arabe, moins connue sauf dans les milieux universitaires, est venue apporter sa contribution à cette « lutte idéologique » : Lina Murr-Nehmé, professeur d’histoire à l’Université libanaise et riche d’une vingtaine d’ouvrages en plusieurs langues sur les civilisations d’hier et d’aujourd’hui; elle a publié récemment : « Fatwas et caricatures. La stratégie de l’islamisme », un ouvrage d’accès facile mais extraordinairement bien documenté, sans compter les photos tragiques qui appuient les textes. 

    Mme Murr-Nehmé, parfaite arabophone, a épluché à la loupe fatwas, sermons, livres, tracts, films, journaux en ligne, etc., mettant à nu les motivations d’Al-Qaïda, Daech, Boko-Haram et autres engeances de cet acabit. Elle a non seulement décortiqué, expliqué, mis à la portée du lecteur non spécialiste les justifications des tueurs de Montauban, Bruxelles, Paris, Casablanca, Madrid et ailleurs, mais elle a mis en lumière l’enseignement-propagande mortifère dispensé à de jeunes musulmans à la barbe (si j’ose dire !) des autorités nationales en France, Allemagne, Belgique, Amérique du Nord, etc. 

    Bien renseignée sur ce qui se passe au sein du « Califat » pour les gens ordinaires, ou dans des pays où les forces islamistes, sans être au pouvoir, gouvernent en fait la population, tout ou en partie (en Algérie, par exemple, ou au Nigeria), l’historienne du temps récent, nous fait pénétrer dans des mondes interdits. 

    Des preuves, des arguments, des faits ou des fatwas occultés jaillissent également au fil du travail de la prof libanaise, à la satisfaction de ceux qui cherchent des arguments en faveur de l’éradication morale et physique du jihadisme daechiste. Edité à Paris, pour sa version francophone, « Fatwas et caricatures » a suscité quelques remous au Liban mais il a finalement pu être diffusé et débattu au tout récent Salon « Libres Livres » de Beyrouth. Attendons maintenant les réactions lors de la parution en arabe de ce véritable manuel anti-Daech. Que Lalla Lina renforce alors sa sécurité ! … 

    * Lina Murr-Nehmé, « Fatwas et caricatures. La stratégie de l’islamisme ». Ed. Salvator, Paris - www.editions-salvator.com - 212 pages illustrées noir et blanc et couleurs. 22 €

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