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Brexit : Le souverainisme à la mode britannique ... Une vraie bonne nouvelle pour l'Europe ?

 

La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est désormais une éventualité de court terme. Mathieu Bock-Côté estime [Figarovox - 24.02] qu'à leur manière bien singulière, les Anglais partisans du Brexit défendent le véritable esprit européen. Et lorsqu'il invoque la vie démocratique de l'Europe, c'est au sens des peuples, des nations, de leur pluralité. Il le fait en des termes et selon une conception de l'Europe, des sociétés et des nations, qui est aussi fondamentalement la nôtre. Sur ce même sujet, on pourra se reporter utilement au lundi de Louis-Joseph Delanglade publié ici-même le 29.02 : L’Union agonise ? Vive l’Europe !  LFAR

 

Mathieu Bock-Coté.jpgLa table est mise, les Britanniques se prononceront le 23 juin sur leur sortie de l'Union européenne. Les cyniques ont déjà leur formule toute trouvée : les Britanniques envisagent d'autant plus librement de sortir de l'Europe qu'ils n'y sont jamais vraiment entrés. Il n'en demeure pas moins que la vie politique européenne tournera pour les prochains mois autour de ce débat fondamental : est-ce qu'un État est en droit de sortir d'une association politique qui était censée représenter un grand bond en avant dans l'histoire universelle ? Est-il même en droit de définir selon ses intérêts nationaux spécifiques sa participation à une telle union ?

Le sens de l'histoire, tel que l'interprétaient généralement les grandes figures de l'idéologie dominante, qui pousse à la dissolution des nations par le multiculturalisme et le globalisme, ne permettait pas cette prise au sérieux du fait national. Mais il semble que la liberté des peuples est encore capable de faire dévier l'inéluctable et que les grands processus historiques puissent se gripper quand la souveraineté s'en mêle. C'est d'autant plus vrai que la nation n'est pas une fiction idéologique, quoi qu'en pensent ceux qui y voient une construction sociale récente dans l'histoire du vieux continent, mais une réalité ancrée dans l'histoire. L'État-nation demeure l'horizon indépassable de la démocratie.

On peut reprendre la formule aujourd'hui à la mode : de quoi l'Europe est-elle le nom ? Louis Pauwels, la grande figure historique du Figaro Magazine, au moment d'en appeler à voter contre Maastricht, en 1992, distinguait entre les européistes et les Européens. Les premiers, disait-il, s'attachaient à une chimère idéologique désincarnée qui n'avait d'européenne que le nom. Les seconds, en se portant à la défense des nations, défendaient la civilisation européenne à travers le cadre qui avait permis le développement de la liberté politique. Pauwels n'était pas le seul à penser ainsi, même si le souverainisme français de l'époque, qui ne portait pas encore ce nom, avait moins explicité sa vision de la civilisation européenne.

À sa manière, c'est cette distinction qu'a reprise Boris Johnson, le maire de Londres, en contestant aux partisans de l'Union européenne la prétention à être les seuls défenseurs de l'Europe. Celui qui sera probablement la figure dominante du camp souverainiste, et qui lui donne un poids politique majeur, ne se laissera pas enfermer dans le mauvais rôle du Britannique insulaire seulement soucieux de cultiver son jardin. Il fait preuve d'un authentique cosmopolitisme. Il ne tolèrera manifestement pas l'étiquette d'europhobe que voudront lui coller ses adversaires et les commentateurs, qui ont décidé, en adoptant ce terme il y a quelques années, de psychiatriser la dissidence devant la construction européenne.

Le souverainisme britannique est particulier : à la différence des autres pays d'Europe occidentale, il n'est pas canalisé ni confisqué par une force politique populiste, ou du moins, étiquetée comme telle. On ne saurait sérieusement faire du petit parti eurosceptique UKIP un parti d'extrême-droite, quoi qu'en pensent ceux qui n'en finissent pas d'étendre la définition de ce terme. Mais surtout, le souverainisme est très présent au sein du Parti conservateur même si ce dernier, pour l'instant, demeure sous l'autorité de son chef. Évidemment, David Cameron ne saurait être défini comme un souverainiste au sens strict, mais les conditions qu'il a posées pour rester dans l'UE rappellent une chose : l'adhésion à l'Europe n'était pas pour lui inconditionnelle.

C'est une perle napoléonienne : un pays a la politique de sa géographie. Il ne peut s'en abstraire, même s'il n'en est pas prisonnier. C'est ce qui explique notamment que la Grande-Bretagne n'a jamais vu dans l'Union européenne autre chose qu'un grand marché auquel elle refusait son âme. La Grande-Bretagne appartient à la civilisation atlantique, et plus largement, à la civilisation anglo-saxonne. Pour Boris Johnson, la Grande-Bretagne serait plus forte délivrée des entraves communautaires. Elle renouerait avec une souveraineté lui permettant de conduire sa propre politique. À tout prendre, ses grands hommes politiques envisagent plus favorablement une éventuelle fédération des peuples de langue anglaise que d'unir son destin à l'Europe continentale.

La possibilité d'une séparation britannique obligera l'Europe à réfléchir à son identité profonde et à la nature du projet politique qu'on porte en son nom. Depuis le refus, en 2005, d'intégrer la référence aux racines chrétiennes de l'Europe dans la constitution européenne, c'est la vraie nature de la construction européenne qui s'est dévoilée. Elle entend moins constituer politiquement le vieux monde à travers un patriotisme de civilisation transcendant les nations sans les abolir, que bâtir une forme d'empire universel et humanitaire aux frontières indéfinies et prétendant embrasser théoriquement l'humanité entière. Cette posture suicidaire conduit inévitablement à un refus de l'idée même de frontière, puisque c'est la pluralité humaine qui est contestée.

La crise des migrants des derniers mois a rappelé une chose : non seulement l'Europe n'a pas vraiment de frontières, mais elle n'en veut pas non plus. Elle aurait l'impression de trahir sa vocation humanitaire en distinguant entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté politique. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de constater que plus la construction européenne avance, et plus elle croit devoir dissoudre la civilisation européenne. Dans le monde idéal des européistes, la citoyenneté devrait recouper l'humanité entière et la logique des droits de l'homme définir exclusivement la vie politique. À terme, cette philosophie politique désincarnée provoque la révolte des peuples.

À sa manière bien singulière, la Grande-Bretagne se porte peut-être à la défense, en ce moment, du véritable esprit européen. Quel que soit le résultat du référendum, qu'on ne saurait sérieusement prophétiser plusieurs mois à l'avance, il aura au moins eu une vertu : rappeler que le politique peut surgir à tout moment dans la vie des peuples et jeter à terre les constructions idéologiques aussi artificielles qu'autoritaires. L'Europe ne saurait traiter ses peuples comme des provinces vassales. Parce qu'il redonne vie au politique et permet aux peuples de se le réapproprier, ce référendum représente une vraie bonne nouvelle dans la vie démocratique de l'Europe.

FigaroVox

Mathieu Bock-Côté           

Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

 

Commentaires

  • La savante et sûrement pertinente exégèse de Mathieu Bock-Côté m'est très sympathique parce qu'elle est très cartésienne.
    Cependant,pour être tout-à-fait à mon goût,afin de la trouver bien située dans notre actualité,elle manque de références historiques indiscutables,relatives à ce qu'est devenue l'Angleterre au fil des siècles.
    Je suis bien d'accord que l'on pourrait pondre de nombreux volumes de littérature à ce sujet;c'est pourquoi,j'essayerai de m'en tenir à l'essentiel.
    Après quelques préliminaires purement saxons,les voeux de chasteté d'Edouard Le Confesseur et de son épouse danoise ont bouleversé les choses,pour les 7 dynasties qui suivirent,en Angleterre.
    Ce fut le meurtre et le sang qui établit le droit des 4 premières,et la religion
    protestante et calviniste,dont l'intolérance fut le guide des 3 suivantes.
    L'inventeur du système en fut Henry VIII dont le goût avéré pour la fornication fut bloqué par les papes Clément VII et Paul III.
    Dès lors,l'insularité géographique fut complétée par l'insularité anti-papiste religieuse,(par sa loi dite de "Supremacy" de 1534,Henry VIII devint le chef suprême de l'Eglise d'Angleterre).
    Passons sur les 3 règnes suivants,), où les guerres de religions firent rage sur l'archipel),pour aboutir à celui de Jacques 1er Stuart,catholique écossais,(qui se convertit à l'anglicanisme pour pouvoir succéder à sa cousine,Elizabeth 1ère,la fausse reine "Vierge"),en 1724.
    Le fils de Jacques 1er (Charles 1er)eut le tort d'épouser une catholique française qui n'était autre que la soeur de notre roi Louis XIII ! Cela lui coûta la vie(tête tranchée sous le "protectorat" de Cromwell,qui fomenta 2 révolutions(1640 et 1660) en Angleterre,mais fit voter par son parlement"croupion",à sa botte, le très important"Navigation Act"qui faisait obligation que toutes les marchandises importées ou exportées de ou en Angleterre le soient sur des navires battant pavillon anglais(1651).
    Nous arrivons-par sauts-au règne de Ann,2ème fille de Jacques II(catholique lui-même),dernière Stuart à régner,anglicane et anti-française acharnée,mariée à un prince danois, et sans enfant.Cette dernière fit voter 2 lois très importantes pour l'Angleterre : l'Establishment Act(1701) qui assura sa succession en faveur des Electeurs de Hanovre,protestants,anti-français et francs-maçons(c'est la dynastie actuelle),et l'Union Act(1707),qui réunit l'Ecosse à l'Angleterre,créant ainsi la Grande-Bretagne(1714).
    Depuis lors(George 1er),tous les souverains anglais ajoutent à leurs titres celui de Grand-Maître de la franc-maçonnerie d'Angleterre,(c'est là-bas qu'est né l'"Enlightment"qui fut inoculé en France par leur 1er ministre Walpole,1er comte d'Oxford);j'évoquerai à ce sujet la "victoire" de Valmy,en décembre 1792, qui fut l'oeuvre des francs-maçonneries prussienne et anglaise,(qui avaient évidemment intérêt à une victoire de la 1ère république française).
    Un siècle plus tard(1815),la victoire de la coalition britannique sur Napoléon 1er fut la vraie revanche de la guerre de 100 ans,et permit à l'Angleterre(devenue Royaume-Uni en 1801),maîtresse des mers,de dicter sa loi à l'Europe et ailleurs,(la reine Victoria devint même Impératrice des Indes en 1876,P.M. Disraeli).
    Alors,pour revenir à notre sujet principal,après ce long détour,y aura-il Brexit ou non ?Je crois sincèrement que cela ne changera pas grand-chose,le Royaume-Uni mettant toujours ses intérêts au-dessus de tous les autres réunis,avec une ténacité exemplaire;quelquefois,il se trompe gravement,cependant : cf.sa néfaste politique de "balance of power"qui sera de nature à favoriser la naissance du nazisme ! Mais,c'est comme cela ! Pourtant,je pense qu'en cas de Brexit,l'Ecosse pourrait y voir un encouragement à"prendre le large".
    Quant à nous Français,quel est notre intérêt ? Difficile à discerner à la vérité !
    Je pense toutefois la France plus complémentaire de l'Allemagne que du Royaume-Uni,à la double condition : qu'elle ait un régime stable plus conforme à ses intérêts que maintenant,et qui lui permette de jouer le rôle moteur qui lui revient en Europe,ce qui n'est hélas guère le cas aujourd'hui.
    Car quoi qu'on dise ou fasse,je crois que l'Europe se fera,ne serait-ce que contre l'invasion étrangère-islamique en particulier-.Mais il faut avoir la volonté et les moyens de prendre la main !

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