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  • Trois leçons d’économie du pape François

     

    par François Reloujac

    Le discours prononcé par le pape François à la tribune des Nations Unies le 25 septembre a donné lieu à de nombreux commentaires. Entre ceux qui se sont réjouis d’entendre le pape donner un satisfecit à l’ONU et ceux qui regrettent que le discours fut trop « moraliste » et pas assez « politique », beaucoup a été dit. Mais peu de commentateurs se sont penchés sur les trois leçons d’économie que contenait ce discours fort riche. Ces trois leçons ont trait au fonctionnement des organismes financiers internationaux, à la façon de mesurer les performances économiques et au rôle des États.

    Le fonctionnement des Organismes financiers internationaux

    Il est nécessaire, a dit le pape, d’accorder à tous les peuples de participer aux décisions des « corps dotés d’une capacité d’exécution effective, comme c’est le cas (…) des Organismes Financiers et des groupes ou mécanismes spécialement créés pour affronter les crises économiques ». Si l’on peut d’abord penser au Fonds Monétaire International (FMI), on ne peut pas écarter le cas de la Banque Centrale Européenne (BCE) ni celui du Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Aucun de ces organismes, selon ce que nous dit le pape ne peut donc « imposer » à un État quel qu’il soit une décision que celui-ci ne pourrait pas accepter. Le pape a ajouté que « les Organismes Financiers internationaux doivent veiller au développement durable des pays, à ce qu’ils ne soient pas soumis, de façon asphyxiante, à des systèmes de crédits qui, loin de promouvoir le progrès, assujettissent les populations à des mécanismes de plus grande pauvreté, d’exclusion et de dépendance ». Certes, en prononçant cette phrase, le pape avait surtout à l’esprit le cas des « pays en voie de développement ». Mais, comment un Européen peut-il entendre cette recommandation sans penser en premier lieu à la Grèce et au diktat qui lui a été imposé par la « troïka » (FMI, Union européenne, BCE) ?

    La mesure des performances économiques

    Sur ce point, le pape commence par reconnaître que « la multiplicité et la complexité des problèmes exigent de compter sur des instruments techniques de mesure ». Ces instruments ne sont donc pas simplement utiles, ils sont nécessaires. Mais le pape ajoute que leur usage, à force de banalisation, peut conduire à deux dérives graves : une priorité absolue donnée au « travail bureaucratique » qui conduit à multiplier les normes, les processus et les contrôles au détriment de l’action proprement dite ; une confiance aveugle dans les constructions théoriques et a priori qui conduisent à se couper du réel. Car, nous rappelle le pape, une action économique n’est efficace que « lorsqu’on l’entend comme une activité prudentielle, guidée par un concept immuable de justice, et qui ne perd de vue, à aucun moment, qu’avant et au-delà des plans comme des programmes, il y a des femmes et des hommes concrets… ».

    Le rôle de l’État en matière économique

    Les gouvernants, nous dit le pape, « doivent faire tout le possible » pour permettre à chacun de vivre décemment. Et le minimum qu’ils doivent donner pour cela s’articule autour de trois besoins qu’il est impératif de combler : donner un « logement personnel » ; donner un « travail digne et convenablement rémunéré » ; donner accès à une « alimentation adéquate » et à une « eau potable ».

    Il convient ici de ne faire aucun contre-sens. Les pouvoirs publics n’ont pas à mettre en œuvre des politiques de faux-semblants, comme ils savent si bien le faire. Donner à chacun l’accès à un logement personnel ne signifie pas obligatoirement qu’il faille accorder une « aide à la pierre », ni venir au secours du secteur du bâtiment. Le choix des mesures à prendre est affaire de circonstance et telle mesure qui paraît opportune à un moment peut fort bien ne plus l’être ultérieurement. Les questions économiques relèvent du domaine prudentiel et les mesures circonstancielles doivent toujours être adaptées aux situations concrètes. Celles qui ne sont plus adaptées doivent donc toujours être rapportées. Mais il ne faut pas non plus se tromper sur le but premier poursuivi et, en l’occurrence nous dit le pape, les pouvoirs publics doivent veiller à ce que chacun puisse bénéficier d’un logement personnel où il puisse accueillir sa famille.

    Deuxième priorité : tous doivent pouvoir avoir accès à un « travail digne et convenablement rémunéré ». Dans son encyclique Laudato Si’, le pape avait rappelé de façon très concrète que « la création de postes de travail [par toute entreprise] est une partie incontournable de son service du bien commun » (§ 129). Mais créer un poste de travail n’est pas suffisant ; celui-ci doit être « digne », c’est-à-dire ne pas faire courir, même indirectement, à la personne qui l’occupe un danger moral, psychologique ou spirituel autant que physique. De plus, il doit être convenablement rémunéré, c’est-à-dire qu’il doit permettre à celui qui l’occupe de vivre normalement avec sa famille, selon son état. Si cela ne conduit à aucune course à l’échalote, cela suppose aussi que la famille ne doit pas être condamnée, pour vivre normalement, à suppléer le manque de rémunération par un crédit à la consommation. Mais être convenablement rémunéré ne signifie pas non plus que tout le monde soit en droit d’exiger de son employeur une rémunération qui lui permette de satisfaire tous les désirs artificiels entretenus et développés par une publicité agressive qui ne peut conduire qu’au surendettement.

    Troisième priorité : l’accès à une « alimentation adéquate » et à l’« eau potable ». Là encore, le pape fait clairement référence à son encyclique Laudato Si’. Sans entrer dans le détail, il convient de remarquer qu’une « alimentation adéquate » est celle qui correspond aux besoins physiologiques de chacun et qui varie donc en fonction de l’âge de la personne, de la nature de ses activités et du climat de son pays (de la saison). Si une « alimentation adéquate » sous-entend une certaine diversité, elle ne signifie pas que certains peuvent s’arroger le droit de manger de tout en toute saison, en faisant venir à grands frais (et en gaspillant de l’énergie fossile) des produits qui pourraient manquer à ceux qui les produisent ou les conduire à produire des produits inutiles ou nocifs – pavot par exemple – destinés à l’exportation en lieu et place de cultures vivrières indispensables à l’échelon local.

    Dans son discours à la tribune des Nations Unies, le pape n’a pas développé ces analyses qui, d’ailleurs, n’épuisent pas le sujet. Il s’est contenté de rappeler « le minimum absolu » auquel chacun doit avoir accès pour exercer sa dignité, « comme pour fonder et entretenir une famille qui est la base de tout développement social. Ce minimum absolu a, sur le plan matériel, trois noms : toit, travail et terre ; et un nom sur le plan spirituel : la liberté de penser, qui comprend la liberté religieuse, le droit à l’éducation et tous les autres droits civiques ». Il a donc mis chacun en garde contre toute « mauvaise gestion irresponsable de l’économie mondiale, guidée seulement par l’ambition du profit et du pouvoir ».   

     

  • Politique & Religion • La leçon politique du pape

     

    par François Reloujac

    Le 24 septembre, le pape François a rencontré les élus du Congrès américain. Les médias ont d’une part souligné qu’il s’était adressé aux représentants du peuple américain (exclusivement ?) et d’autre part insisté sur certains points particuliers comme la peine de mort, l’écologie ou la lutte contre la pauvreté. Nul n’a oublié de dire qu’il avait cité Martin Luther King mais bien peu ont déclaré qu’il avait aussi cité Thomas Merton. Il est vrai que le monde connaît le pasteur baptiste noir américain, mais qui a réellement entendu parler du moine cistercien ?

    Ceci étant, en en restant là, c’est un message terriblement tronqué que les médias nous ont présenté. Certes, le pape, en bon jésuite, part toujours des situations concrètes et s’élève à partir d’elles à une dimension beaucoup plus générale qu’il ne faut pas occulter sous peine de passer à côté de l’essentiel. La leçon du pape a une portée beaucoup plus universelle et il faut une certaine myopie intellectuelle pour considérer, par exemple, que l’appel aux « membres du Congrès » ne concernerait qu’eux et n’intéresserait pas les Parlementaires des autres pays.

    En fait, le pape a donné deux leçons principales à tous les Parlementaires du monde, à travers les Représentants du Congrès américain, avant de prononcer quelques aphorismes dont il a le secret.

    La nature du travail parlementaire

    Le pape a donc dit aux Représentants du Congrès américain que la responsabilité de tout Parlementaire est de permettre à son pays, à travers son activité législative, « de prospérer en tant que nation ». En tant que représentants du peuple, en tant que visage de ce peuple, tous les Parlementaires sont appelés à « défendre et préserver la dignité » de leurs concitoyens, « dans la recherche inlassable et exigeante du bien commun, car c’est le principal objectif de toute politique ». En système démocratique, ce n’est pas quelque chose de facultatif ni qui relève de la seule fantaisie de chacun car, « l’activité législative est toujours fondée sur la protection du peuple. C’est à cela que vous avez été invités, appelés et convoqués par ceux qui vous ont élus ». Il s’agit d’une véritable mission dont le modèle est donné dans la Bible en la personne de Moïse : « D’une part, le patriarche et législateur du peuple d’Israël symbolise le besoin des peuples de maintenir vivant leur sens d’unité au moyen d’une juste législation. D’autre part, la figure de Moïse nous conduit directement à Dieu et ainsi à la dignité transcendante de l’être humain ». C’est pourquoi, le pape demande aux Parlementaires de calquer leur démarche sur celle de Moïse : « vous êtes chargés de protéger, à travers la loi, l’image et la ressemblance de Dieu façonnées en chaque visage humain ».

    La méthode du travail parlementaire

    Faisant semblant de s’adresser ensuite, au peuple tout entier à travers leurs représentants, le pape, en fait, donne ce que l’on pourrait appeler une leçon de méthodologie. Les parlementaires sont ainsi appelés à ne pas voir dans les hommes et les femmes « qui s’efforcent chaque jour d’accomplir un honnête travail » des personnes qui seraient « simplement concernées par le paiement de leurs impôts ». Ces personnes sont en fait les forces vives de la nation, celles qui « individuellement, de façon discrète, soutiennent la vie de la société ». Ce sont elles qui sont à la base de toutes les actions de solidarité que les parlementaires sont donc invités à respecter. Comme ils doivent prendre en compte les activités bénévoles des retraités et permettre aux jeunes de travailler « pour réaliser leurs grandes et nobles aspirations ».

    Quelques aphorismes

    « Bâtir un avenir de liberté demande l’amour du bien commun et la coopération dans un esprit de subsidiarité et de solidarité ».

     « Toute activité politique doit servir et promouvoir le bien de la personne humaine et être fondée sur le respect de sa dignité ».

    « Il est difficile de juger le passé avec les critères du présent ».

     « Bâtir une nation nous demande de reconnaître que nous devons constamment nous mettre en relation avec les autres, en rejetant l’esprit d’hostilité en vue d’adopter un esprit de subsidiarité réciproque ».

     « Un bon dirigeant politique est quelqu’un qui, ayant à l’esprit les intérêts de tous, saisit le moment dans un esprit d’ouverture et de pragmatisme ».

    « Un bon dirigeant politique choisit toujours d’initier des processus plutôt que d’occuper des espaces ».

    Et pour terminer, ce passage qui figurait dans le texte écrit mais que le pape n’a pas prononcé dans son intégralité : « Si la politique doit vraiment être au service de la personne humaine, il en découle qu’elle ne peut pas être asservie à l’économie et aux finances. La politique est, en effet, une expression de notre impérieux besoin de vivre unis, en vue de bâtir comme un tout le plus grand bien commun : celui de la communauté qui sacrifie les intérêts particuliers afin de partager, dans la justice et dans la paix, ses biens, ses intérêts, sa vie sociale ». 

  • Politique Magazine et le voyage du pape en Grande-Bretagne...

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                Dans ce numéro d'octobre de Politique Magazine ( http://www.politiquemagazine.fr/  ) l'Editorial revient sur le succès du voyage du Pape en Grande-Bretagne (lire ci-après : Le Pape, ça marche !).

                Et François Reloujac, comme chaque mois, analyse la situation économique. Dans ce numéro, les lignes de force des rapports France Allemagne..... Nous y reviendrons.

    Le Pape ça marche ! 
     
                Le Pape a rendu visite au Royaume-Uni. L’évènement n’a pas eu grand écho dans la presse française. Sinon juste avant le voyage pour annoncer un échec. Annonce devenue rituelle dans la presse pour chaque voyage pontifical. Comme si un mot d’ordre était donné… 
     
                Comme si un voyage du Pape, surtout de Benoît XVI, ne pouvait être prévu que comme un échec et toujours pour la même litanie de raisons philosophiques et morales. 
     
                Souvenez-vous des titres des journaux : échec prévu en Allemagne, en Tchéquie, en France, en Afrique, où qu’il aille… Et puis c’est la réussite… partout et qui fait échec aux pronostics malveillants et sectaires. Les querelles inventées dans les salles de rédaction s’effilochent et disparaissent dans le néant de leur mauvaise foi. 
     
                Le Saint-Père sourit, il va et c’est un succès. Succès donc pareillement en Angleterre. 
     
                Il a dit tout ce qu’il avait à dire, à la Reine d’abord, aux peuples écossais, anglais, gallois, irlandais, aux représentants de la société civile et politique, aux représentants des autres religions, à la Communion anglicane, enfin et surtout aux catholiques de Grande-Bretagne dans toutes leurs diversités, jeunes et adultes, qui l’ont admirablement reçu, aux évêques de l’Église d’Angleterre, au clergé, aux religieux et à toutes les personnes qui se dévouent aux œuvres catholiques. 
     
                Quel homme au monde peut tenir un langage de vérité de cette qualité ? Un seul. Lui. Lui qui n’entre pas dans les polémiques des uns et des autres, fussent-elles les plus justifiées, mais qui n’avance que des propositions sensées, éclairées des lumières de la foi et de la raison. Il n’a en vue que le Royaume de Dieu, le bien commun des peuples et les devoirs de sa charge de successeur de Pierre. 
     
                Aussi son langage est-il clair et d’une grande précision : aucune ambiguïté dans les termes, même quand il aborde les questions litigieuses. Quel observateur l’aura remarqué ? Pas un mot employé pour un autre. Il garde toutes les distinctions nécessaires. Pas de ce confusionnisme propice aux charlataneries de tous les professionnels de l’amphibologie démagogique ! 

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    Sur la route du Parc Bellahouston, à Glasgow 


                Ainsi l’oecuménisme n’est pas un fourre-tout, la politique une auberge à rhéteurs, la morale un assemblage de règles à géométrie variable qui facilitent les postures et couvrent les iniquités, l’économie la recherche éperdue de la satisfaction de toutes les libidos, la religion un moyen d’imposer ses passions les plus folles au nom d’impératifs prétendument divins. 
    Nos lecteurs prendront connaissance avec intérêt de l’analyse de ce voyage pontifical faite dans nos colonnes par Bernard Callebat. 
     
                Les observateurs ont noté à juste titre que le Pape a beaucoup insisté sur la question politique. Non qu’il prétendît s’y immiscer. Mais il a rappellé à tous ces peuples de vieille chrétienté où ont fleuri des églises prospères et des monachismes exemplaires, que leur vie véritable était issue de leurs racines saintes et profondes. Ainsi a-t-il parlé aux Écossais, au Gallois, aux Irlandais, en évoquant leurs saints fondateurs. 
     
                Quant aux Anglais, il leur a rappelé leur longue tradition où s’est élaborée une conception singulière du devoir religieux et, en même temps, politique et social, qui mettait l’accent sur la conscience personnelle, sur son droit inaliénable, sur la tolérance au bon sens du terme. Cette tradition qui sut s’entourer de garanties juridiques, a permis l’éclosion d’une société civilisée, avec toutes ses exigences de dignité humaine. En revanche, cet idéal « démocratique » cher à la nation anglaise perdrait toute signification s’il s’assimilait au relativisme des sociétés modernes qui, confondant le bien et le mal, le vrai et le faux, n’est en réalité qu’un pourvoyeur de l’erreur et de l’horreur. 
     
                Voilà pourquoi la religion bien comprise ne peut qu’éclairer les choix politiques. Cette leçon qui revient maintenant constamment dans les discours du Pape, est d’une grande portée. Elle marque un souci du Saint-Père qui ne voit pas sans effroi les pays de civilisation européenne s’effondrer dans un athéisme pratique et théorique qui tue concrètement ces sociétés et donne au monde l’exemple le plus détestable. 
     
                Aussi n’hésite-t-il pas à parler de Dieu, de Jésus-Christ, de l’Eglise qui se doit d’être exemplaire. Et malheur quand les hommes d’Eglise sont occasion de scandale ! 
     
                Et à l’Angleterre éternelle, à tous les moments du voyage, avec une audace tranquille, il n’a pas hésité à rappeler que ses saints les plus prestigieux furent ceux qui ont porté au plus haut degré le choix, en conscience, de l’absolu de Dieu, face à toutes les pressions sociales ; ils ont nom : Thomas Becket, Thomas More et ce John Henry Newman qu’il a tenu à béatifier lui-même. 
     
                Ainsi l’Angleterre a-t-elle en elle-même les ressources spirituelles de tous ses renouveaux. Il ne nous reste plus, à nous Français, qu’à nous tourner pareillement vers nos plus saintes figures historiques. Jeanne d’Arc ne nous donne-t-elle pas la meilleure des leçons politiques ? ■ 

  • JMJ/Madrid : deux ou trois réflexions générales, alors qu'un Roi reçoit un Pape...

           ...sur fond d'effondrement général des valeurs réputées, un temps, celles de la modernité....

           Commençons d'abord par le plus immédiat, ce qui se voit, s'entend, se perçoit en premier, mais qui n'est pas le plus important. Péniblement, et à grand peine, 140 Associations, à grand renfort d'aides venues de partout, notamment bien sûr des ondes, ont réussi l'exploit de ne réunir que 4.000 personnes à Madrid pour protester contre les JMJ !

            En face, si l'on peut dire, une véritable marée humaine de centaines de milliers de jeunes (on en attend jusqu'à deux millions, dit-on...), polis, calmes, souriants et sympathiques. Les commerçants eux-même en témoignent : pas de vitrines brisées ni de boutiques saccagés, pas de bagarres, ni d'agressions, ni d'abribus ou mobilier urbain détérioré : des sourires et de la joie partout, au contraire.

            Mais cela ne fait rien: les journalistes mesquins et bas de plafonds ont choisi de commencer, à chaque fois, leur sujet par évoquer le quarteron de hargneux qui "manifestent" contre le Pape. Laissons-les, tous ces tristes sires, à leur triste nullité : ils ne comprennent rien à ce qui se passe, tant pis pour eux..... 

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             Venons-en, maintenant, à quelques réflexions sur le fond. Dans l'état actuel des choses, qu'un Roi reçoive un Pape - cauchemar posthume pour Jules Ferry et consorts, mais cauchemar bien réel pour leurs héritiers.... - cela signifie-t-il quelque chose ? Cela a-t-il, et aura-t-il de l'importance et des repercussions, que l'on espère, évidemment positives ?....

             Certes, les monarchies d'aujourd'hui ont bien "pâli", par rapport à celles "d'hier", et l'on peut légitimement émettre des réserves ou des doutes sur la valeur intrinsèque - en l'occurrence - de la Royauté espagnole, sur sa force ou son influence réelle sur la Société. La papauté aussi, par rapport à "autrefois", a bien perdu de son influence réelle. Quant à certains aspects de son discours parfois "mondialisateur" - dans le mauvais sens du terme - malgré toute l'estime que nous avons pour Benoît XVI, et tout le respect qu'il mérite, nous ne perdons jamais une occasion, dans ce Blog, de marquer notre désaccord avec les propos de tel ou tel Prince de l'Eglise, voire du Pape lui-même, lorsqu'ils nous paraissent - dans l'ordre et le domaine du politique - dangereux pour la stabilité et la perennité de nos Sociétés européennes.. Notamment dans le domaine sensible de l'immigration...

            Cependant, la remarque est réversible : l'idéologie révolutionnaire elle aussi est dans un triste état, et elle ne ressemble plus guère au courant dévastateur qu'elle a été jadis. Elle est essoufflée, elle a failli partout et, pour de nombreuses décennies semble-t-il, les résultats concrets de l'action de ceux qui ont prétendu organiser l'humanité sans Dieu et sans Roi  - comme le disait Jules Ferry... - ne plaideront pas, ou plus, en leur faveur...

            Même chez des personnalités de qualité, qui restent fidèles à leurs idéaux de jeunesse, comme Edgar Morin, on ne veut plus employer le terme de Révolution, à cause de toutes les horreurs qu'elle a engendrées; on admet qu'il était fou de proposer le meilleur des mondes, alors qu'il fallait se contenter d'oeuvrer humblement pour un monde meilleur; on rejette la croyance naïve en un progrès linéaire et indéfini...

            Alors, dans cet effondrement général et cataclysmique des certitudes qui ont cru orgueilleusement, un temps, remplacer les fondements traditionnels de la Société, il reste quoi, pour reconstruire ? Le Père Javier Igea, présenté un peu partout comme l'une des chevilles ouvrières des JMJ de Madrid met le doigt sur l'essentiel lorsqu'il explique à la presse : "...La Révolution française a constitué une lutte titanesque entre la Tradition et les Lumières". 

            L'avant-dernier Éditorial de Politique  magazine s'intitulait Dieu et le Roi.... 

  • Le prix Nobel d’économie Robert Shiller voit des bulles et des krachs à venir partout !

    Christine Lagarde, interrogée tout récemment sur RTL pour savoir si elle avait des craintes au sujet d’un krach financier, a répondu que la question ne se posait pas et qu’au FMI, on se préoccupait seulement de taux de croissance ! Mme Lagarde, comme les boursiers et les médias, ne veut voir que ce qu’elle croit, alors que l’investissement recule aux États-Unis et que la croissance américaine est à son plus bas, en rythme annuel, depuis trois ans. 

    A contrario, selon le milliardaire américain Ray Dalio, fondateur de la société d’investissement Bridgewater Associates, le pape du marché obligataire mondial, tout comme Warren Buffett est le pape du marché mondial des actions, la situation est « effrayante » !

     

    marc rousset.jpgCe mercredi 23 octobre, à Los Angeles, le prix Nobel Robert Shiller, l’auteur du livre Irrational Exuberance qui a prédit le  de 2000 et le krach immobilier de 2007, professeur d’économie à Yale, a déclaré, à l’occasion du lancement de son dernier ouvrage Narrative Economics : « Je vois des bulles partout, il n’y a pas de solution sur les marchés actions, sur les marchés obligataires et sur le marché immobilier », sur le site Investor’s Business Daily en date du 25 octobre 2019.

    Shiller est un saint Thomas très intelligent qui ne s’embarrasse pas des pourquoi théoriques des bulles actuelles de tous les actifs en même temps, même si la seule explication valable est la fuite en avant de la création monétaire laxiste ainsi que les bas taux d’intérêt, les taux négatifs des banques centrales, mais il nous éclaire avec un ratio financier indiscutable, appelé le CAPE (Cyclically adjusted price-to-earnings ratio) ou Shiller P/E. En bon français, c’est tout simplement le ratio représentatif cours/bénéfice par action sur dix ans. Le bénéfice retenu n’est plus le dernier bénéfice comptable annuel trop volatil, mais le bénéfice moyen correspondant à une moyenne mobile calculée sur dix ans des bénéfices réajustés chaque année, en tenant compte de l’inflation monétaire.

    Premier élément fondamental : le coefficient moyen P/E Shiller pour le XXe siècle, de 1881 à nos jours, s’élève à 15,21 alors qu’il est aujourd’hui à 29, soit pratiquement le double ! En 1929, il était de 35 et le Dow Jones chuta de 13 %, le 28 octobre. En 1987, il n’était que de 16 et la grande faute des banques centrales fut d’élever les taux d’intérêt, ce qui entraîna le plus grand krach de l’Histoire le 19 octobre 1987, avec une chute du Dow Jones de 23 %. En 2000, le coefficient Shiller était de 45, ce qui entraîna une correction de 49 % entre 2000 et 2002. En 2007, le coefficient Shiller était à 25, donc légèrement inférieur au 29 actuel, ce qui entraîna une correction de 57 % de 2007 à 2009.

    De plus, Shiller s’inquiète autant pour les obligations, dont les cours anciens s’envolent suite à l’écroulement des taux d’intérêt, que pour les actions. Il remarque que le fonds obligataire SPDR™ Portfolio Aggregate Bond ETF a généré un rendement de 8,31 % cette année, soit deux fois plus que la moyenne annuelle de ces dix dernières années. Quid le jour où les taux finiront par s’inverser ?

    Shiller est un peu moins pessimiste pour la bulle immobilière car, si une bulle est de nouveau en train de se reconstituer aux États-Unis, au même niveau qu’en 2005, avec des fonds immobiliers progressant parfois de 29 % en 2019, soit davantage que les 20 % de progression des actions du S&P 500, l’Amérique a toujours en mémoire la sinistre crise des crédits immobiliers subprime de 2008 pour freiner son avidité.

    En résumé, si la baisse des taux et le laxisme monétaire continuent avec Lagarde, qui a déclaré « On sera plus content d’avoir un emploi que d’avoir une épargne protégée », la bulle des actifs pourra gonfler encore jusqu’au krach boursier et la perte de confiance dans la monnaie. Et si les taux remontent, le système explosera immédiatement, comme en 1987, avec un krach boursier encore plus violent ! C’est la raison pour laquelle le très humble et réaliste Shiller, face aux conséquences de la folie humaine passée, n’a plus de solution à nous proposer.

  • Quelques leçons politiques de la crise économique, par François Reloujac

                La crise économique actuelle – ou les crises successives : économique, financière, politique – doit conduire chacun à examiner les raisons de son développement et à tirer les enseignements qui découlent des enchaînements auxquels on assiste. Sinon, il est vain de vouloir essayer d’en sortir, on ne pourra, au mieux, que retarder l’échéance. Il est difficile, dans un espace restreint d’exposer une analyse détaillée d’un phénomène complexe et ancien, c’est pourquoi il faut se contenter ici d’évoquer quelques grandes lignes.

                La première cause de la crise actuelle est politique. Elle résulte de la facilité qui a conduit les hommes politiques à réduire le fondement de leur pouvoir à une simple question financière. Depuis le triomphe américain aux lendemains de la Seconde guerre mondiale et surtout depuis l’effondrement du monde communiste, il est admis que celui qui a l’argent a le pouvoir. Dès lors, tout le discours politique contemporain a été orienté vers l’augmentation du pouvoir d’achat immédiat et son corollaire : l’achat – direct ou indirect – des voix aux élections !

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    L’élection la plus chère de l’histoire : deux milliards de dollars, c’est le montant cumulé de l’argent levé par tous les candidats (primaires y compris). A ce petit jeu, le roi s’est appellé Barack Obama. Il a accumulé à lui seul près de 700 millions de dollars, dont 500 juste pour le dernier round. C'est parce qu'il avait le plus d'argent; c'est parce que - oui - l'élection s'achète, qu'il l'a emporté haut la main.....

     

                 Pendant tout le XIXe siècle et au début du XXe, à l’époque du triomphe des idéologies, les élections mettaient aux prises des candidats qui avaient des projets politiques et philosophiques différents. Dans ces conditions, on a enregistré une « prime aux sortants » ; le suffrage universel était essentiellement conservateur. Les électeurs savaient ce qu’ils avaient, ils avaient du mal à imaginer ce qu’ils auraient s’ils décidaient de changer d’équipe… que celle-ci gagne ou perde, et l’électeur avec !

    Autrefois conservateur, le suffrage universel est devenu facteur d’alternance… et d’insatisfaction permanente

                  Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, tous les candidats, à quelque élection que ce soit, cherchent simplement à capter le plus d’argent possible pour se présenter avec les meilleures chances de succès envisageables. Les projets qu’ils peuvent avoir passent au second plan. L’important n’est plus le contenu – le programme – mais le contenant – les slogans de campagne. Tout candidat a donc désormais recours à des « communicants » professionnels, à des agences de publicité qui, telles des savonnettes, les parent de toutes les vertus auxquelles personne ne croit mais auxquelles tout le monde rêve. Comme il faut, dans une telle compétition médiatique, que chacun se distingue, l’on assiste à un emballement des promesses suivi d’un cumul de déceptions. De conservateur, le suffrage universel est devenu le premier facteur de l’alternance… mais aussi de l’insatisfaction permanente. Sauf en cas de situation extrême, nul candidat ne peut se faire élire sur une réputation d’austérité relative. Les efforts demandés sont toujours moins populaires que les subventions promises.

                 Or, cette primauté de la question financière a évolué au cours des cinquante dernières années. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les populations occidentales n’avaient qu’une seule envie : reconstruire leur domaine et se survivre. Peu importait alors l’inflation, puisque, de toute façon, les lendemains seraient meilleurs. Cela a duré jusque vers les années soixante-dix ; le temps d’un changement de génération. A partir de ce moment là, les nouveaux détenteurs du pouvoir ont commencé à se préoccuper de leur propre retraite, d’autant que la démographie n’était pas favorable. Elevés comme des dieux par les survivants de la guerre, ayant bénéficié d’une période d’euphorie comme il n’y en a pas eu beaucoup dans l’histoire du monde (les « trente glorieuses »…), ils ne pouvaient pas imaginer un instant que le progrès ne soit pas indéfini. Dans leur soif de profiter pendant leur jeunesse des sollicitations toujours plus nombreuses de l’offre de consommation, ils n’avaient pas voulu avoir d’enfants, pour ne pas avoir à partager avec une progéniture encombrante. L’âge avançant, ils ont constaté que demain non plus ils n’auraient pas d’enfants pour payer leur retraite et accepter que celle-ci augmente au gré de l’inflation. D’où leur décision de développer des systèmes tels que les fonds de pension dans le monde anglo-saxon ou l’assurance-vie dans le monde latin. L’envol de la dette publique et l’explosion du crédit à la consommation en sont directement issus (1) : les populations européennes vieillissantes ont une nette préférence pour l’immédiateté et ne veulent plus envisager des sacrifices présents pour assurer le futur.

                  Dans un tel contexte, le moteur de l’action est devenu la possession de la richesse immédiate et, avec la griserie des succès obtenus, chacun ne compte plus que sur lui pour obtenir le pouvoir d’achat immédiat qui lui permet de commander des biens ou des services à tout l’univers. Ce pouvoir paraît d’autant plus grand que, dans la « grande maison commune », le langage devient de plus en plus uniforme. Mais à force d’user des mêmes mots dans des contextes différents, ceux-ci finissent par prendre des sens de plus en plus divergents. L’incompréhension menace. Ainsi, lorsque les Allemands demandent à leurs partenaires de faire un effort de rigueur dans la gestion de leur économie, ils peuvent avoir économiquement raison, ils ont politiquement tort. Ils expliquent l’intérêt qu’ils ont à prôner la rigueur et développer ainsi – au détriment des autres – leur commerce international. Les autres considèrent simplement qu’ils ont contracté une tendance névrotique (2) liée à la grande dépression qu’a connue l’Allemagne entre les deux guerres mondiales et dont personne ne se prive de leur rappeler qu’elle a précédé – sinon causé – l’un des plus grands drames de l’histoire. Les arguments allemands sur le fait que nul ne peut indéfiniment vivre au-dessus de ses moyens sont devenus inaudibles à force d’être décalés par rapport au passé immédiat de l’Europe. Tout comme un agent économique qui fait de la cavalerie (3) vit dans l’euphorie jusqu’au jour où le montant des intérêts accumulés devient tel que le système qu’il a mis en place s’effondre, entraînant dans sa chute celle de ses créanciers.

    La mondialisation a engendré des « grands feudataires » d’un nouveau genre : comment leur adapter la politique capétienne ?

                 Avec la libéralisation des lois financières qui a été mis en place depuis maintenant près de quarante ans, on a vu apparaître de nouveaux pouvoirs. Au fur et à mesure que les responsables politiques ont plus ou moins consciemment lutté contre leur propre pouvoir pour donner accès aux populations qui les avaient élus à de nouveaux produits venus de partout, ils ont favorisé le développement des multinationales apatrides qui sont les grands feudataires d’aujourd’hui.

                 Ce que l’histoire de France nous apprend, c’est que le seul à avoir pu apporter aux populations ballotées entre ces divers caprices une unité bienfaisante, a été Hugues Capet,  comte de Paris. Après lui, ses héritiers ont su limiter leur pouvoir à celui qu’ils exerçaient sur des populations qui, adhérant à leurs vues, n’avaient aucune prétention à l’empire : à la différence du monde de Babel, elles n’aspiraient pas à la mise en place du « village planétaire » et de la tour orgueilleuse qui escaladerait le ciel. Aujourd’hui où l’Europe est devenue le principal vecteur de la mondialisation et où les pouvoirs indépendants les uns des autres, mais toujours égoïstes, des grandes entreprises se disputent la clientèle de populations sans maître et sans idéal, comment ne pas songer à la descendance de Robert Le Fort ?

                 Pourtant, la tâche n’est pas la même, et cela pour au moins trois raisons. La première, la plus simple, est que, comme nous l’avons vu, les grands feudataires de ce jour ne sont plus des personnes physiques faciles à identifier et localiser mais des personnes morales installées un peu partout et qui peuvent susciter l’émergence d’une nouvelle tête dès qu’on leur en coupe une ancienne. La seconde est, qu’à l’époque d’Hugues Capet, d’un point de vue juridique, le choix avait été fait d’accepter le droit du lieu géographique (le droit français en France) plutôt que le droit de la personne, contrairement à ce qu’impose aujourd’hui l’Europe avec le droit du pays d’origine, celui du prestataire de service, du marchand ! La troisième et dernière raison est que toute disposition nouvelle est immédiatement soumise à une présentation et à un jugement médiatiques. A l’époque d’Hugues Capet, cela était déjà vrai, sauf que ceux qui assuraient cette médiatisation étaient moins nombreux, que leur influence immédiate était géographiquement moins étendue, et que tous partageaient plus ou moins les mêmes valeurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cependant, par rapport à cette époque, le monde actuel dispose de plus de moyens. Il lui faut seulement une volonté ou, plus exactement, une rencontre de volontés : la volonté de celui qui accepte de relever le défi de servir ainsi des peuples définis et la volonté de ceux qui acceptent de se mettre à son service. Car, en donnant la primauté à l’économie, ce que notre monde a oublié, c’est que la politique est un moyen de servir et non de se servir, que c’est un service et une solidarité.

     1 La lutte contre les discriminations aussi.

    2 Selon une formule de Roland Hureaux (Le Figaro, 24 mai 2010).

    3 Celui qui emprunte non seulement pour rembourser ses dettes, mais aussi payer les intérêts qui leur sont liés.

    Cette note, rédigée à la demande du prince Jean de France, est extraite de la Lettre n° 19 de Gens de France. 

     CLIQUEZ SUR LES LIENS SUIVANTS :

    LETTRE GENS DE FRANCE (N°19).pdf

    ADHESION A GENS DE FRANCE (N°19).pdf

    ASSEMBLEE GENERALE GENS DE FRANCE.pdf

     

  • En attendant le Pape...

              De Denis Tillinac, dans Valeurs actuelles du 4 septembre, l'intéréssant petit billet suivant :

              Le pape Benoît XVI va venir en France. J’attends de cette visite davantage que la très respectable leçon de sagesse dispensée récemment par le dalaï-lama.

               Le catholicisme romain a mis en forme, et en scène, l’architec­ture de notre sensibilité pendant très longtemps, nous lui devons l’essentiel de ce que nous sommes, y compris les agnostiques, les athées, les anticléricaux même. Au terme d’une “déconstruction” orchestrée par nos philosophes et qui nous lâche sans parachute au bord d’un précipice, il serait temps que le “relativisme” soit… relativisé.

              Nul n’est plus qualifié pour cette tâche salutaire que ce pape intello, très subtil mais très ferme sur le distinguo entre le Bien et le Mal. Puisse-t-il semer avec des mots audibles le grain d’une espérance qui vaincra le nihilisme ambiant et ses alliés de circonstance : le fanatisme, le panthéisme, le scientisme ! Puisse-t-il aider les Français à endosser sereinement leur héritage spirituel !

  • GRANDS TEXTES (5) : Benoît le Romain, d'Hilaire de Crémiers

    Voici l'éditorial de Politique Magazine (numéro 30, mai 2005, http://politiquemagazine.fr), écrit par Hilaire de Crémiers juste après l'élection de Josef Ratzinger.

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    Benoît le Romain
     

     

    Rome vient de donner une leçon au monde comme seule elle est capable d’en donner.

     

    Dans les grands textes ecclésiastiques, les décrétales et les encycliques, singulièrement dans le droit canon qui fixe les règles de l’Eglise, dans le nouveau code comme dans l’ancien, et particulièrement dans les canons relatifs aux pouvoirs du Siège romain, Rome est appelée tout simplement la Ville,  Urbs avec une majuscule. Cette vieille appellation d’usage courant remonte à l’antiquité latine. L’Urbs, la Ville par excellence, la Ville éternelle, pour tout Romain, c’était Rome. « Tu imperio regere populos, Romane, memento… », chantait le poète de la latinité immortelle qui prédisait à la Ville un destin dont la réalisation historique l’amènerait, par le triomphe des arts pacifiques, à régner à travers tous les temps et sur tous les peuples.

     

    Rome, c’est la ville.

     

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    La grande maquette de la ville de Rome à l'époque de Constantin, réalisée par l'architecte Italo Gismondi.
    Faite à l’échelle 1/250, elle intègre les indications de la Forma Urbis en marbre (le grand plan de Rome réalisé au début du IIIe siècle ap. J.C.) avec les données fournies par les restes archéologiques et par les sources antiques.
     
     
     

     

    Cette Rome païenne, certes, les premiers chrétiens la désignèrent sous le nom de Babylone pour en signifier la corruption et l’iniquité dans sa méconnaissance de la vérité divine. Mais, baptisée dans le sang des martyrs et devenue le Siège de Pierre et de ses successeurs, ayant connu de surcroît toutes sortes de bouleversements, Rome, au milieu même de ses déchéances, a repris peu à peu et sous une autre forme, spirituelle d’abord, humaine ensuite, son rang primatial universel : elle est apparue plus que jamais, en dépit de tous les évènements contraires et jusque dans les périodes les plus sombres, comme la Ville chef, celle à qui revient naturellement et surnaturellement la primauté, symbole de la Cité par excellence, capable, après toutes les décadences, de toutes les renaissances – et Dieu sait s’il y en eut –, lieu sacré où, selon la parole prophétique, se lie et se délie toute chose.

     

     

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    "Tu es Petrus, et super hanc petram adedificabo ecclesiam meam..."
     
     
     

    L’Eglise qui y résidait et qui avait eu le privilège unique d’être fécondée par le sang des apôtres Pierre et Paul, était par constitution originelle la Mère et la Maîtresse de toutes les églises répandues dans le monde, Mater et Magistra. Déjà l’apôtre Paul s’adressait à l’Eglise de Rome avec une révérence particulière et lui confiait, à elle plus qu’à tout autre, dans une épître singulière, le trésor de la doctrine du salut, l’exposé théologique à la fois le plus ample et le plus direct des vérités de la foi.

    Ainsi Rome s’est-elle toujours sue et a-t-elle toujours été connue comme une ville à part : elle était et demeurait la Ville, l’Urbs.

     

    Elle triomphe de tous les pouvoirs.

     

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    "son rang primatial universel... la ville chef..."
    La double colonnade du Bernin forme comme deux bras, qui enserrent le monde...
     
     

     

     

    Cela ne l’empêchait pas de subir mille assauts, de voir fomenter en son sein toutes sortes de rivalités, de tumultes, de révolutions ! Pour qui jette un coup d’œil sur son histoire, il y aurait de quoi s’effrayer. Car il apparaît, pour dire les choses au fond, que tous les pouvoirs de toutes natures ont tenté de s’emparer de son unique pouvoir qui transcende tous les autres, ont cherché à se l’approprier, tout un chacun voulant un pape à sa dévotion, s’essayant à s’insinuer en son trône ou plus directement se faisant pape à la place du pape, solution qui  paraissait régler le problème radicalement. Eh bien, non ! En dépit de tout, Rome était toujours Rome et la papauté finalement tenait bon. De tant de tribulations mondaines, de tant d’épreuves spirituelles, vécues toujours comme autant de purgations et de purifications, Rome émerge, à chaque fois, plus resplendissante que jamais de toutes ses gloires divines et humaines. Rien n’y fait. Il n’est pas jusqu’aux dernières idéologies du pouvoir qui n’aient tenté les mêmes coups dans le siècle qui vient de passer. Ces idéologies étaient toutes marquées d’un démocratisme totalitaire, fort bien  décrit par le pape Jean-Paul II ; au nom d’une démocratie d’idée et non de simple et paisible réalité, elles prenaient prétexte d’un peuple conceptualisé dont elles exprimaient la volonté, d’unanimité ou de majorité de toutes sortes, populaire ou parlementaire, pour bafouer les notions mêmes de bien et le mal, de vrai et de faux et pour imposer leurs tyrannies, toutes sanguinaires, en invoquant de plus la modernité : le bolchévisme, le nazisme pour désigner les plus évidentes de ces tyrannies, mais, tout aussi bien, le libéralo-consumérisme dénoncé pareillement par le Pape Jean-Paul II comme une des formes les plus sournoises de cette même idéologie mortifère qui aboutit au même mépris de la dignité de la personne humaine, des véritables cultures nationales et des principes fondamentaux de la civilisation.

     

     

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    Et qu’est-ce alors, quand cette idéologie démocratique à l’extrême audace de se couvrir du nom du Christ et, avec cette arrogance doucereuse qui la caractérise en pareil cas, tente d’usurper le pouvoir des Clefs remis à Pierre, en substituant, par média interposés, son magistère au sien, alors qu’elle en est précisément la négation ? A lire, à entendre les faux prophètes de cette idéologie –  et ils remplissent presque tous les médias –, ils savent ce que Pierre doit faire, ils exercent sur lui leur chantage permanent, ils définissent son programme et ses priorités, ils donnent des orientations qui visent au relâchement de toute discipline intellectuelle et morale et qui vont évidemment au rebours de toute la romanité.

              

    Elle seule est universelle.

     

     

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    De Golias à Hans Küng, ils sont légion, "les faux prophètes de cette idéologie..."
    qui "savent ce que Pierre doit faire... définissent son programme et ses priorités..."
     
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    De leur cathèdre de papiers et de mots, ils s’imaginent dominer la Chaire de Pierre. Voilà cinquante ans et plus qu’ils jouent ce mauvais rôle. Eh bien, même si la barque est secouée – et Dieu sait, là encore, si elle a été secouée –, le dernier mot revient toujours à Rome, à la Rome éternelle dont le Pontife est le garant.

    Les événements qui ont été vécus depuis cette Pâque de 2005, ont illustré à merveille et de manière quasi miraculeuse ces fortes notions qui donnent leur signification profonde à une histoire qui serait sans cela incompréhensible.

    Voici un Pontife qui a couru la terre, la mer et les cieux. Venant après une période d’hésitation et de tremblement, il lui parut urgent de montrer de manière directe et évidente  la vitalité éternelle du Christ, de son Evangile, de son Eglise. Issu de cette Pologne qui ne doit sa vie qu’à sa foi catholique, Jean-Paul II a voulu proclamer le mystère de la vie – et de la vie en vérité – à tous les horizons de la planète-terre afin que nul ne puisse se targuer d’en ignorer. Il est allé jusqu’à poser des gestes inouïs pour qu’aucune prévention, de quelque ordre qu’elle soit, ne puisse tenir devant l’éclat d’une telle volonté. Les foules sont venues, les peuples l’ont acclamé, les jeunes sont accourus. Le Pontife romain exerçait devant tous « ce pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement  », comme il est dit dans  les saints canons, non seulement sur l’Eglise universelle, mais aussi « sur toutes les églises ordinaires pour affermir et garantir le pouvoir propre des Evêques ». Ainsi remplissait-il, de manière inattendue, les devoirs de sa charge. A Rome, hors de Rome, jamais Pape n’avait été – et sans couronne ni tiare – plus pontife universel.

     

     

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    Aux funérailles de Jean-Paul II: le Monde...
     
     
     

    A ses funérailles, juste retour des choses, la foi catholique est apparue comme la grande et douce maîtresse de l’univers. Tous étaient là autour du cercueil, les foules, les peuples, les rois, les puissants et les grands, les évêques et les prêtres, les représentants de toutes les confessions chrétiennes et de toutes les religions du monde, pour rendre hommage au Pontife disparu, au pied de la basilique saint-pierre, symbole parfait de la majesté et de la puissance tutélaire du Sacerdoce romain, autour des Cardinaux représentant l’Eglise romaine, dans cet ordre sacré et profane que seule Rome sait imaginer et faire accepter. Rome était allée à eux ; ils venaient à leur tour à Rome. Ibant ad Urbem.

             

    La succession pouvait paraître difficile. Elle s’accomplit dans une même lumière de grâce. L’Eglise est de constitution monarchique et hiérarchique et très heureusement de droit divin. Cela ne supprime pas les cabales, cela les ramène à leur réalité de cabales.

  • Discours du pape: nos lecteurs ont du talent....

                  A la suite de notre Ephéméride du 11 Août, consacré au Mont Saint Michel, il nous avait paru opportun de publier, le lendemain, l'intégralité du discours de Benoît XVI aux Bernardins, dans lequel le Pape évoque longuement le rôle positif des moines, et leur contrubution essentielle et décisive au développement et à l'éclosion de la Civilisation occidentale. Ces deux notes (du 11 et du 12) ont fait réagir nos lecteurs.

                 D'abord il y a eu Sebasto, qui a posté le mercredi 12 un texte très intéressant, de Christophe Geffroy (comparaison des propos de Benoit XVI et de Nicolas Sarkozy sur la relation du politique et du religieux); et qui a récidivé le lendemain (jeudi 13), pour notre plus grand plaisir, en postant un second texte non moins intéressant, une analyse de M. l'abbé Christian Gouyaud sur le rôle civilisateur du monachisme occidental, tel qu'il est évoqué par Benoît XVI. C'est avec intérêt et plaisir que ces deux textes consistants ont été lus; ils ont eu comme mérite supplémentaire de déclencher une réaction de Lori qui, à son tour, a posté le commentaire que nous reproduisons ci-après.

                C'était l'un des souhaits que nous formions, en lançant ce Blog: qu'il favorise et permette des échanges féconds, dans tous les sens, et de tous avec tous; à l'évidence, avec cet exemple-ci, cet objectif est atteint. Puisse-t-il l'être très régulièrement. Merci aux intervenants, qui font ainsi vivre et progresser notre Blog à tous...

                Voici le texte intégral de la réponse de Lori aux deux textes de Sébasto (que l'on peut bien sûr consulter dans les Commentaires). On notera juste qu'il semble bien que Lori, comme nous, soit un admirateur (ou une admiratrice...) de Jean-François Mattéi.....

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    Benoît XVI prononce son allocution

    Sébasto a livré à notre lecture attentive, deux textes fort intéressants.

    Je ne crois pas tout à fait certain, toutefois, que "les sept cents auditeurs du monde de la culture"
    (ci dessous) aient été "médusés" par le propos du pape Benoît XVI.

    Peut-être était-ce, au fond, ce qu'ils attendaient de lui. Car il y a, à mon avis, une sorte de paradoxe existentiel de notre temps.

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    Une partie des "sept cents auditeurs du monde de la culture"


    Déraciné comme jamais, en passe de n'être même plus révolutionnaire, même plus antichrétien, même plus idéologue, même plus rationaliste (il n'en a vraiment pas les moyens) mais tout simplement de n'être plus "rien", d'être le temps barbare de "l'homme creux" au "regard vide", selon les fortes expressions qu'emploie Jean-François Mattéi, notre monde, paradoxalement, est aussi celui qui consacre à la conservation du patrimoine - et avec un grand concours de talents et de techniques étonnantes d'efficacité et de précision - des budgets, des programmes qu'aucune autre époque n'a seulement imaginés, ni, évidemment, engagés, qui se passionne pour l'Histoire, y consacre des quantités d'articles de journaux, d'émissions de télévision, de pages de couverture de ses magazines, celui, aussi, qui, d'une certaine manière, réhabilite ses rois, ses reines, et la noblesse des époques passées... Et cetera.

    Ceci ne signifie nullement - sans-doute, même, est-ce le contraire - que notre société n'est pas très malade. Mais qu'il lui reste, encore, à l'arrière-fond de toutes ses tares, un sens encore vivant, de ce qui, de ce que, fut, notre civilisation française, et, je crois qu'il faut ajouter, européenne.

    Au fond, il me semble que l'envie de "retrouver le chemin qui conduit chez nous" n'a pas tout à fait quitté les peuples français et européens. Sans une nouvelle "trahison des clercs" (celle des hommes du "système", en ses différentes composantes) cette "envie" serait sans-doute, déjà, une vague sociale d'importance. Déjà, en effet, le "système" ne peut empêcher que s'exprime dans l'édition, par les livres, sur les ondes, à travers les studios de radio ou de télévision, tout un ensemble d'intellectuels qui portent, à son encontre et à l'encontre du monde qu'il façonne à son image, un jugement fortement critique. Ce que nous appelons le "système" n'a pas plus qu'un autre les promesses de l'éternité. Est-il impossible que les circonstances ne permettent, un jour, à l'"envie" diffuse des peuples français et européens de retrouver le chemin qui conduit chez eux, de devenir une vague déferlante, comme celle qui a emporté, il y a vingt-ans, le bloc soviétique et fait tomber les murs qu'il avait construits à sa frontière ?

    C'est pourquoi, il ne me semble pas impossible que les sept cents auditeurs du monde de la culture qui ont écouté Benoît XVI aux Bernardins, y aient retrouvé, émerveillés, tout simplement ce qu'ils en attendaient.

     

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  • Sur ce coup-là, MAM aussi mérite un grand coup de chapeau ...

                 Dans la ligne de ce que nous venons de dire de Luc Ferry, et même si la démarche et le contexte sont très différents, il faut dire un mot aussi de la très courageuse lettre écrite par Michèle Alliot-Marie au cardinal Vingt -Trois, président de la Conférence des évêques de France. C'était à l'occasion des fêtes de Pâques, mais elle en a profité pour revenir, à sa façon, sur ce que nous avons appelé "l'énorme opération menée contre Benoît XVI".

                 Elle n'a pas craint d'écrire : « ... La parole de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI ­mérite d'être restituée dans sa complexité, face aux présentations parfois hâtives et abusivement simplificatrices qui l'entourent …Je ne doute pas que les débats et controverses récents traduisent moins une crise que le témoignage contemporain du caractère universel de la place de l'Église dans un monde traversé par le doute, et plus que jamais à la recherche de repères ».

                 On se gardera de toute extrapolation probablement excessive, et on restera prudent. Il n'empêche : sur ce coup-là, elle non plus n'aura pas crié avec les loups, et ne sera pas tombée dans le panneau. Et cela doit lui être compté ...

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  • Les matérialismes s'effondrent, les nuées se sont transformées en cauchemar... Mais le Pape trace la voie...

               Le moins que l’on puisse dire est que le voyage en France du pape Benoît XVI ne se situe, à aucun égard, dans un contexte national et international apaisé. D’aucuns prédisaient, il n’y a pas si longtemps, la fin de l’Histoire et une planète de consommateurs repus et satisfaits, sans conflits dignes de ce nom.

               Qu’auraient à y faire, à y dire, les grandes religions du monde, l’Eglise Catholique en particulier, si ce n’est d’y dispenser des paroles douces, lénifiantes et sans portée ?

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                Ce n’est pas, apparemment, ce qui c’est passé. Car le sort des idéologues est bien toujours le même. C’est Saint-Just qui l’exprime le mieux lorsqu’il dit à peu près, évoquant la Terreur et la guerre qui furent les conséquences directes de la Révolution : « il s’est produit des choses que nous n’avions pas prévues ».  Mais il se produit toujours des choses que l’idéologie empêche d’envisager !

                Il arrive même l'inverse de ce qui était communément prévu : le capitalisme (plus ou moins) libéral, qui est aujourd'hui planétaire, n'est pas exempt, comme il est naturel, de crises et de conflits d'intérêts lourds de conséquences; l'évolution exponentielle des technologies et l'explosion démographique du monde, en particulier de pays longtemps endormis, colonisés ou dominés par l'Occident, rend prévisibles, dans un avenir qui n'est peut-être pas si lointain, d'âpres luttes pour les ressources de tous ordres, énergétiques  mais aussi, à terme, tout simplement pour les matières premières et pour la nourriture, consommées et souvent gaspillées, comme jamais dans l'histoire des hommes; enfin, le monde, qui, en effet, s'est largement uniformisé, s'est simultanément durci dans ses réalités nationales, mais aussi ethniques, religieuses, communautaristes. Terrorisme, montée des fanatismes, dictatures, résurgence des nationalités : ce sont des mots courants aujourd'hui. Pour la première fois depuis longtemps, des bruits de bottes d'une certaine gravité e font entendre en Europe même..... Et, ces temps derniers, les diplomates, expression ultime, ont prononcé le mot "guerre" à plusieurs reprises. Le tout, au moins en Occident, dans un effondrement sans précédent de toutes les "valeurs", de tous les repères, de toutes les structures sociales, des moeurs et de la culture... Bref, une situation de "dé-civilisation", peut-être sans précédent.

                Dans l' "Avenir de l'Intelligence", paru en 1901, Maurras avait, le premier, annoncé cet "âge de fer"où nous sommes sans doute entrés, peut-être pour longtemps. Alain Finkielkraut le nomme "Défaite de la Pensée".Mais le constat est le même. Alexandre Soljénitsyne et Jean-paul II, après avoir combattu le communisme, ont l'un et l'autre dénoncé le "grand bazar"mercantile et matérialiste du monde post soviétique. Mêmes analyses aussi chez Georges Steiner et Jean-François Mattéi, qui a publié "La Barbarie intérieure. Essai sur l'immonde moderne" et "Le Regard vide. Essai sur l'épuisement de la culture européenne". Mistral, poète et visionnaire, dans l' "Ode à la Race Latine", utilise une curieuse formule lorsqu'il dit, parlant de la "langue mère" des nations latines que les "bouches humaines" la rediront "tant que le verbe aura raison". Devait-il venir un temps où le Verbe n'aurait plus raison ?

              Les religions peuvent se constituer en fanatismes. Peut-être, en d'autres temps, telle ou telle période ou partie de l'histoire chrétienne ont-elles versé dans cette déviation. Mais les deux derniers siècles nous ont appris que les idéologies rationalistes, purement humaines, peuvent produire des horreurs d'une tout autre ampleur, et sans que rien ne les limite.

              Ce sont, sans doute, des paroles fort différentes de celles que le peuple français est accoutumé à entendre, des paroles de haute sagesse, que Benoît XVI va prononcer en France, des paroles de paix et de fraternité vraie, car, Alexandre Soljénytsine le rappelait, en 1993, dans son discours aux Lucs sur Boulogne, en Vendée, parlant de la devise de notre République, "Liberté, Egalité, Fraternité" : "Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan, et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d'ordre spirituel".  

              A bien y regarder, et nous aurons à y revenir, il n'y a plus guère que le Pape, que l'Eglise Catholique, à tenir tête, héroïquement, au "bazar" qu'est le monde moderne, et à tracer, pour l'humanité toute entière, une autre voie que celles, avilissantes, du matérialisme sanglant des révolutions, ou du libéralisme doux de ce que nous nommons encore, par une singulière inconscience, le "monde occidental".                                 

  • Darcos se rachète ?

                Nous n'avons pas été tendres, récemment, avec Xavier Darcos, juste avant ce que nous avons appelé sa chute (1). Une double chute, en fait, puisqu'il s'agissait à la fois de sa fin de gestion désastreuse au Ministère de l'Education nationale, mais aussi -chute "morale" cette fois...- de sa participation inattendue, qui l'avait totalement discrédité, à "l'énorme opération contre Benoît XVI". 

                On se souvient que, hurlant avec les loups et ajoutant sa voix à celle des insensés et des manipulés, il avait qualifié de "criminelle" (2) la pensée et l'action du Pape....

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    (1): voir les trois notes "Adieu Darcos !..." (I, La chute de la maison Darcos….. / II, Violences scolaires : fouilles des cartables et portiques de sécurité ? Non, merci !..... / III, "La" vraie réforme...), dans la catégorie "Éducation".

    (2) : citation complète: en mars, encore ministre de l'Education nationale, il avait affirmé qu' "Aller dire en Afrique qu'il ne faut pas utiliser le préservatif, c'est criminel".

                 Notre réaction s'expliquait par une double déconvenue: après avoir fait naître de réels espoirs, et avoir, de fait, bien commencé au Ministère, il s'était laissé paralyser à son tour par un mammouth devant lequel il avait fini lui aussi, à son tour, par baisser les bras. Et -comme si cela ne suffisait pas !...- cette affligeante participation à la curée anti Pape, et cette scandaleuse déclaration par laquelle il contribuait à saper l'autorité, l'image même de toute autorité.....

                 Or, voici que, sans que le Pape ait rien changé ni à sa doctrine, ni à son action, le même Xavier Darcos, toujours aussi inattendu finalement -mais cette fois, dans le bon sens- se fend d'un excellent commentaire sur l'encyclique, dans L'Osservatore romano. Un commentaire tellement excellent qu'il vaut la peine d'être mis sous les yeux de celles et ceux qui ne l'auraient pas encore lu.

                  On reste cependant perplexe, et confondu. Comment est-il possible, nous le disions à l'instant, que, sans le moindre changement dans les propos ou l'action de Benoît XVI, la même personne -Xavier Darcos- qui l'avait traité de "criminel" déclare aujourd'hui "Puisse son message être entendu !", car il propose "les plus utiles contrepoisons" ?

                  Certes, on préfère lire et entendre cela que l'énormité précédente (l'attitude du Pape est criminelle), mais tout de même...!

                  Voici le texte, dans son intégralité:

    Malaise dans la civilisation

     

                S’adressant à un monde déboussolé, inégalitaire et traumatisé par les spasmes d’une crise globale, l’encyclique Caritas in veritate vient à point nommé, telle une clarté traversant les sombres nuées. Elle permet à S.S. le pape Benoît XVI de repréciser la doctrine de l’Église face aux réalités sociales de ce temps, livré aux lois cyniques du profit et à une interdépendance économique dérégulée. Elle vient annoncer que d’autres pistes sont possibles et nécessaires. Elle va puiser, dans la source du message chrétien, l’espérance d’orientations et de solutions novatrices.

                Benoît XVI célèbre la charité, vertu cardinale de la foi, élan de l’âme vers autrui, « voie maîtresse de la doctrine sociale de l’Église ». Il se situe donc dans le sillage lumineux du Rerum novarum de Léon XIII et du Populorum progressio de Paul VI. Le pape, d’emblée, ressaisit le fondement du christianisme (l’amour, le partage et la justice) pour y trouver remède aux tactiques égoïstes du chacun-pour-soi. Il rappelle que l’Évangile ouvre un chemin pour une société de liberté et d’équité. Car « un christianisme de charité sans vérité peut facilement être confondu avec un réservoir de bons sentiments, utiles pour la coexistence sociale, mais n’ayant qu’une incidence marginale ».

     

    Les dérives du capitalisme généralisé

     

                Jean-Paul II avait frappé l’opinion par le combat de l’Esprit qu’il incarna contre le marxisme soviétique et stalinien. Mais il critiqua aussi les dérives du capitalisme généralisé et anomique. Avec le même souffle, le pape Benoît XVI dresse un constat sévère des dérives criminelles de la mondialisation, dues à une finance fondée sur le gain immédiat de quelques-uns. Ses analyses sont précises, illustrées et vastes. Elles démontrent l’aliénation d’une humanité, ravagée par une inégalité insupportable entre les êtres, les sociétés et les nations.

                Ce constat, assombri par la crise actuelle, exige une redéfinition du développement – qu’on ne saurait réduire à une simple croissance économique continue. Le pape en stigmatise, dans leurs diverses formes visibles, les évidents ratages : exclusion, marginalisation, misère et mépris des droits humains fondamentaux. Le processus de développement a besoin d’un guide : la vérité. « L’amour dans la vérité », c’est « la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière ». Sinon, « l’agir social devient la proie d’intérêts privés et de logiques du pouvoir, qui ont pour effets d’entraîner la désagrégation de la société ».

     

    Le progrès vorace a échoué

     

                Ouvrons les yeux : le progrès vorace, fondé sur des ressorts matériels et spéculatifs, a échoué. Le monde se dévore lui-même, tel Kronos mastiquant ses propres enfants. L’Église propose un autre choix : un « développement intégral », qui assure une émancipation humaniste partagée. Car la croissance est un bienfait, la mondialisation n’engendre pas forcément une catastrophe, la technique n’est pas en soi perverse, mais ces forces brutes doivent être subordonnées à une éthique. Dans ce monde en désarroi, les expériences les plus prometteuses ont commencé par établir de nouvelles relations entre les hommes. Benoît XVI appelle à généraliser ces essais, à explorer les voies du don, de la gratuité, de la répartition. Il condamne la vacuité d’un relativisme aveugle qui prive les hommes d’un sens à leur vie collective. Il blâme ainsi les deux dangers qui menacent la culture : un éclectisme où tout se vaut, sans repères ni hiérarchies, et une uniformisation des styles de vie.

                Face au fiasco de l’avoir et au chaos de l’être, Benoît XVI réclame une nouvelle alliance entre foi et raison, entre la lumière divine et l’intelligence humaine. Même si elle « n’a pas de solutions techniques à offrir », l’Église détient « une mission de vérité à remplir » en vue d’une « société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation ».

     

    Une condition de survie

     

                Car, si l’on approfondit les apparences, les causes du sous-développement ne sont pas d’abord d’ordre physique. Elles résident davantage dans le manque de fraternité entre les hommes et les peuples : « La société toujours plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères. » Le pape lance un appel pour que cette crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, car, tandis que la richesse mondiale croît, les disparités augmentent. Ce magma, érodant les valeurs, conduit à mépriser la vie dans ses spécificités, à décourager la natalité, à opprimer la liberté religieuse, à terroriser la spiritualité, à décourager la confiance et l’expansion. Il s’agit simplement que les hommes prennent conscience de ne former qu’une seule famille, ce qui exige le retour à des valeurs inusitées : don, refus du marché comme lien de domination, abandon du consumérisme hédoniste, redistribution, coopération, etc.

                La pensée du pape entrevoit le cauchemar d’une humanité enivrée par la prétention prométhéenne de « se recréer en s’appuyant sur les prodiges de la technologie », tels le clonage, la manipulation génétique, l’eugénisme. Mais la source de ces déviances reste unique : la déshumanisation. Car, où que nous vivions et à quelque degré de responsabilité que nous nous situions, chacun de nous peut renouer avec l’amour et le pardon, le renoncement au superflu, l’accueil du prochain, la justice et la paix. Cette conduite relevait de l’exigence morale. Elle est devenue une condition de survie.

                La lecture de cette encyclique, portée par une ferveur spirituelle magnifique, ne donne pas l’impression d’une méditation abstraite ou d’une oraison. Rarement un pape aura touché d’aussi près le réel pour en disséquer les maux et pour proposer, avec pragmatisme et lucidité, les plus utiles contrepoisons. Puisse son message être entendu ! 

  • Vaccins : organiser le fiasco en trois leçons, par Natacha Polony.

    "La parole publique, dans cet épisode, a perdu encore davantage de sa crédibilité."
    © Hannah Assouline. 

    Emmanuel Macron pouvait-il encore ne pas suspendre la vaccination par le produit d’AstraZeneca à partir du moment où l’Allemagne choisissait de le faire ? Il était acculé. À tout le moins, il eût pu s’y préparer s’il n’avait, une fois de plus, cédé à la consternante illusion d’un « couple franco-allemand ».

    Parfois, le sort semble s’acharner. Mais les mauvaises langues diront que la malchance, paradoxalement, ne relève pas du hasard et que les fléaux du ciel ne s’abattent que sur ceux qui n’ont pas pris soin de s’en protéger. Emmanuel Macron pouvait-il encore ne pas suspendre la vaccination par le produit d’AstraZeneca à partir du moment où l’Allemagne choisissait de le faire ? Il était acculé. À tout le moins, il eût pu s’y préparer s’il n’avait, une fois de plus, cédé à la consternante illusion d’un « couple franco-allemand ». « Nous étions d’accord pour attendre l’avis de l’Agence européenne du médicament (AEM) avant toute suspension », s’insurgent les Français incrédules. Comme si Angela Merkel n’avait pas prouvé à chaque occasion que, au pied du mur, quand la politique intérieure ou les intérêts des citoyens allemands l’exigent, elle s’assied systématiquement sur ses engagements vis-à-vis de son voisin et féal (le bras de fer engagé sur l’avion et sur le char « du futur » prouve à quel point nos sympathiques alliés sont décidés à nous tailler des croupières sans le moindre état d’âme). Sur ce point-là également, l’épidémie du Covid-19 aura achevé de ringardiser les grandes envolées lyriques de 2017.

    AstraZeneca

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, nul ne peut encore dire si l’AEM décidera finalement que la trentaine de cas de thrombose veineuse sur 5 millions de personnes vaccinées ne suffit pas à suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca. Peu importe, il sera trop tard. Les doutes et les fantasmes seront ancrés dans les têtes et tous les discours institutionnels seront désormais inutiles. D’autant que la parole publique, dans cet épisode, a perdu encore davantage de sa crédibilité. Comment un Premier ministre peut-il benoîtement expliquer le dimanche soir que tout va bien et qu’il n’y a aucun problème avec le vaccin, pour être démenti le lendemain même par le président ? Au moins pouvait-il détailler la procédure, raconter le suivi des autorités sanitaires, les remontées d’incidents, pour ne pas donner l’impression qu’il avait tout simplement et une fois de plus pris les citoyens pour des abrutis.

    Qui reconstruit la chronologie de ce fiasco reste tout bonnement consterné. Cela commence par les mille et une précautions administratives qui entourent les commandes de vaccins encadrées par la Commission européenne. Démarche louable pour éviter la guerre entre pays européens (l’UE est toujours plus douée pour jouer les arbitres entre pays membres que pour comprendre la notion de rapport de force à l’âge des grands empires), mais effarante dans sa mise en œuvre. L’Histoire retiendra que l’Europe, au moment de sombrer, travaillait encore à la rédaction du formulaire E-847 sur la bonne manière d’écoper et attendait l’homologation des seaux.

    Deuxième épisode, la France, obsédée par les méchants complotistes qui nourriraient la défiance envers les vaccins et privée de toute efficacité logistique, met un temps infini à lancer la vaccination de masse. Là encore, la notion d’urgence semble totalement étrangère à une administration occupée à se couvrir. Traiter Boris Johnson d’irresponsable est plus facile que de « prendre son risque », selon l’expression dont se gargarisent les médias. Il est vrai que le Royaume-Uni dispose d’une arme qui nous est désormais inconnue : la maîtrise de ses décisions.

    Arbitrage bénéfice/risque qui laisse pantois

    Troisième épisode, enfin : le coup d’arrêt au vaccin AstraZeneca dans un arbitrage bénéfice/risque qui laisse pantois ; la pilule contraceptive multiplie par 7,6 le risque de thrombose cérébrale sans que personne ne songe à l’interdire. Comment comprendre cette panique ? Il semble que les citoyens des pays européens soient devenus incapables de dessiner un équilibre raisonnable entre intérêt individuel et bien commun qui rende acceptable une prise de risque infime. Nul doute que la vaccination contre la variole, dont les « ratés » étaient autrement plus nombreux, serait désormais impossible.

    Reste à espérer que la si prudente Agence européenne du médicament évitera, en plus du reste, de s’enferrer dans l’idéologie et examinera rapidement le vaccin russe, dont la technique, proche de celle d’AstraZeneca, a l’avantage d’utiliser du génome d’adénovirus humain et non animal, ce qui pourrait, disent certains scientifiques, éviter les réactions observées sur ce dernier. Reste à espérer, à plus long terme, que l’Union européenne en général, et la France en particulier, prendra enfin conscience de la nécessité d’une indépendance industrielle sans laquelle il est impossible de répondre à la moindre crise. Cela fait beaucoup de vœux pieux.

    Depuis le début de cette pandémie, nous assistons à la relégation historique de l’Europe, qui s’est consciencieusement privée de tous les outils de sa souveraineté. Notre responsabilité est immense. Sans une réaction collective, sans des décisions politiques majeures, nous préparons à nos enfants un monde dans lequel les grands enjeux se décideront sans eux, entre des empires dont les valeurs ne seront pas les nôtres, et pour qui la liberté et la dignité humaine sont accessoires. Si nous croyons en ces valeurs, si elles sont un peu plus qu’un alibi de plateau télé pour cultiver notre bonne conscience, il est de notre devoir de nous donner les moyens très concrets de les faire rayonner.

    Source : https://www.marianne.net/

  • La France ne sait que faire de son Nobel d’économie. Par François Thalloy*

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    L’attribution, le 13 octobre, du prix Nobel d’économie à un Français est une plaisante ironie du sort. Non que le choix de la Banque royale de Suède soit le moins du monde contestable : Jean Tirole figurait depuis une dizaine d’années sur la liste des possibles récipiendaires. Son influence dans le monde universitaire s’explique par l’intérêt qu’il a toujours porté à l’économie industrielle, alors même qu’une majorité de chercheurs se consacrait à la théorie des marchés financiers. En cela, il incarne une tradition typiquement française de la pensée économique, liée au développement des grands opérateurs de réseaux (énergie, transports, communication). Fidèle à cette tradition, Jean Tirole a consacré l’essentiel de ses travaux à la compréhension des oligopoles : comment, dans un secteur nécessitant des investissements colossaux, éviter que quelques mastodontes dominant le marché ne rançonnent le consommateur ? Comment, à l’inverse, s’assurer que les règles qui leur sont imposées ne les empêchent pas de se développer et d’investir ?

    Mais cela va plus loin : par son parcours même, Jean Tirole résume un pan de notre histoire intellectuelle récente. Polytechnicien et ingénieur des Ponts, il a très tôt quitté la France pour les États-Unis. C’est au Massachusets Institute of Technology qu’il soutint sa thèse et mena la première partie de sa carrière d’enseignant. Tout comme lui, nombre de Français ayant reçu une formation mathématique poussée se sont expatriés aux États-Unis pour devenir économistes. Contrairement à Gérard Debreu (prix Nobel 1983) qui ne quitta jamais sa chaire de Berkeley, Jean Tirole a fini par revenir en France pour diriger l’école d’économie de Toulouse (Toulouse School of Economics, en bon français), qui est aujourd'hui reconnue comme un des meilleurs centres de recherche au monde. Avant ce retour, il avait largement contribué à attirer dans les universités américaines toute une génération de jeunes économistes particulièrement prometteurs (Thomas Piketty, avant sa métamorphose en prophète auteur de best-sellers, était du nombre). C’est là que se révèle toute l’ironie de l’histoire : si notre récent Prix Nobel n’a jamais affirmé de préférences politiques, la quasi-totalité de ces brillants cerveaux sont catalogués comme étant « de gauche ».

    Pour un esprit formaté par les faux débats que notre presse produit en série, il y a là un mystère inexplicable. Un économiste – à plus forte raison s’il enseigne et publie avec succès aux États-Unis – ne peut être qu’un infâme libéral. Avec un chauvinisme que l’on croyait réservé aux commentaires sportifs, les médias français se sont d’abord félicités de voir nos immenses mérites enfin reconnus, mais le réflexe pavlovien ne s’est guère fait attendre. Bien forcés de lui laisser un peu la parole, ils ont été forcés de constater que Jean Tirole professait des opinions peu conformes à la doxa. Rappelant, avec la candeur du savant véritable, que la situation du marché de l’emploi dans notre pays est « assez catastrophique » (on appréciera la nuance), notre prix Nobel a ainsi réitéré sa proposition de fusionner CDI et CDD en un contrat de travail unique. Sa conclusion : « à force de trop protéger les salariés, on ne les protège plus du tout ». On se réjouit de voir les chaînes d’équations justifier les conclusions du gros bon sens.

    Si le jury du prix Nobel d’économie avait été composé de Français, Jean Tirole aurait dû attendre sa récompense encore longtemps. ♦

     

    Source : Politique magazine 
  • François, pape philanthrope

     

    Par François Marcilhac 

     

    3466611312.jpgLe milliardaire et «  philanthrope  » George Soros semble avoir trouvé dans le pape François un concurrent redoutable en matière de surenchère immigrationniste. Car si les vingt et une mesures, qui peuvent être tirées du message papal publié le 21 août dernier, pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018, semblent pour un grand nombre d’entre elles démarquées du plan en six points que Soros, financier actif du village planétaire, a édicté en septembre 2015, toutefois, celui-ci semble plus raisonnable que le pape puisqu’il reconnaît tout de même que le placement des réfugiés doit s’effectuer non seulement «  là où ils le souhaitent  » mais également «  là où ils sont désirés  », et «  à un rythme adapté aux capacités européennes d’absorption  ». Foin de détails aussi bassement matérialistes pour le pape  : l’accueil des migrants et réfugiés ne doit prendre en compte ni les capacités économiques des pays hôtes, ou plutôt des pays cibles, ni leurs capacités culturelles d’absorption de masses humaines dont le mode de vie est souvent à l’opposé du nôtre. Qu’importe  ? Il s’agit d’«  accueillir, protéger, promouvoir et intégrer  » les migrants, par ailleurs non distingués des réfugiés, et qui, de ce fait, n’ont que des droits et aucun devoir, puisqu’ils incarneraient l’humanité souffrante.

    L’Action française et l’Église

    L’Action française n’a évidemment pas à se prononcer sur la compatibilité des propos du pape avec la théologie catholique. Mouvement laïque, accueillant en son sein pour leur seule qualité de citoyens des Français de toutes confessions et religions, ou simplement athées ou agnostiques, elle a néanmoins toujours observé que la physique politique qu’elle enseigne, et qui est conforme à l’ordre naturel, rejoint par cela même la doctrine sociale de l’Église. Sur ce point, elle ne fut jamais prise en défaut  : c’est pourquoi, si elle eut à subir, pour un temps, les foudres disciplinaires du Vatican, jamais elle ne fut condamnée sur le plan doctrinal. Maurras, lui-même agnostique, s’est toujours émerveillé de cet accord, du reste fondé dans le thomisme, entre les principes politiques, dégagés inductivement, et l’enseignement de l’Église. On est toutefois en droit de se demander si François ne méjuge pas sa qualité de pape pour celle de simple philanthrope en prenant ainsi fait et cause pour l’idéologie immigrationniste. Comme le remarque sur son site Metablog l’abbé de Tanoüarn, dans un article judicieusement intitulé «  Qu’est-ce qu’un Christ humanitaire  ?  »  : «  comme pasteur universel, la responsabilité du pape n’est pas “le développement humain intégral”, mais le salut des âmes  », ajoutant que la papauté moderne «  connaît la même tentation que la papauté médiévale d’Innocent III à Boniface VIII, cette confusion du spirituel et du temporel  », à savoir «  la même “temporalisation du royaume de Dieuque déplorait Jacques Maritain dans Le Paysan de la Garonne et la même volonté d’atteler le successeur de Pierre à un projet temporel universel, dont il serait la clé de voûte  ».

    Nous l’avions déjà observé pour l’Église de France en analysant, il y a juste un an, la calamiteuse lettre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France «  aux habitants de notre pays  »  : la sécularisation du message évangélique fait le lit de l’idéologie mondialiste en faisant du village planétaire le village-témoin, ici-bas, de la Jérusalem céleste. Ne rajoutons pas aux malheurs du monde en appelant amour du prochain la compromission avec la fausse générosité de l’oligarchie internationale, qui favorise de dramatiques déplacements de population pour en finir avec les nations. Et «  de même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationnisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit  » (abbé de Tanoüarn, Minute du 30 août 2017). Ne pensons pas non plus révolutionner le cœur de l’homme en opposant, en lui, le chrétien au citoyen, via l’opposition de la «  centralité de la personne humaine  » et des devoirs de l’État  : prétendre que la sécurité personnelle passe avant la sécurité nationale n’a évidemment aucun sens.

    Pas de sécurité sans cadre politique

    Laurent Dandrieu n’a pas eu de mal à montrer qu’«  il n’existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart  »  ; «  par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale  » (Le Figaro du 22 août 2017). Ce que rappelle également le philosophe chrétien Rémi Brague, par ailleurs grand spécialiste de l’islam, qui ajoute que l’État doit «  empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, “comme en pays conquis”, qu’ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux  », précisant  : «  une parabole  », comme celle du bon Samaritain, «  s’adresse à “moi  »  ; «  elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire  »  ; «  un État n’est pas une personne  » (Le Figaro du 1er septembre). Non pas opposition, mais différence d’ordre. C’est pourquoi, d’ailleurs, un État ne connaît que des ennemis publics (hostes) et les personnes privées des ennemis privés (inimici), dont, en bons chrétiens, elles doivent s’efforcer de pardonner les offenses. Mais en tant que citoyen, on doit aussi savoir combattre avec détermination les ennemis (hostes) de sa patrie, même si cela doit toujours se faire sans haine  : «  le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes  », rappelait Louis XV, le soir de Fontenoy  ; le «  sang impur  » est une notion républicaine  : elle n’est pas française.

    Ne jetons pas, enfin, aux orties l’identité pluriséculaire des sociétés européennes au profit d’un multiculturalisme qui provoque déjà chez nous ses effets multiconflictualistes. Il faudrait, selon le message papal, «  favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre  »  : mais comment croire, sans un angélisme particulièrement aveugle, que favoriser une «  intégration  » opposée à l’assimilation, c’est se placer «  sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général  »  ? Chaque jour nous apporte, en Europe, le témoignage du contraire. Non, tendre à une société multiculturelle généralisée ne rapprochera pas les hommes entre eux  ! Il fut un temps où le cardinal Bergoglio était plus lucide  : «  Qu’est-ce qui fait qu’un certain nombre de personnes forment un peuple  ? En premier lieu, une loi naturelle, et un héritage. En second lieu, un facteur psychologique  : l’homme se fait homme dans l’amour de ses semblables. […] Le “naturel” croît en “culturel”, en “éthique”. Et de là, en politique, dans le cadre de la patrie, qui “est ce qui donne l’identité”.  » (Cité in F. Rouvillois, La Clameur de la Terre, JC Godefroy, 2016, p. 65-66) Comme le rappelait Maurras dans Pour un jeune Français, la cohésion de la nation suppose qu’on s’accorde sur un bien vraiment commun à tous les citoyens. «  En d’autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera pas l’absolu, mais celui du peuple français.  » Seul ce bien commun national qui, loin d’être contraire au bien humain, l’incarne, sera notre guide sur la question des prétendus «  migrants  » – concept idéologique dont la fonction est de cacher des réalités différentes pour mieux organiser la soumission des nations à un ordre supranational.  

    Paru dans l'Action Française 2000 du 7 Septembre 2017.

     

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