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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Éphéméride du 13 mai

    1908 : Guillaume II inaugure le château du Haut-Kœnigsbourg, restauré...
     
     
     
     
     

    1753 : Naissance de Lazare Carnot 

     

    Personnage ambigu, personnalité double : s'il est à juste titre mondialement connu pour ses travaux scientifiques, et s'il contribua de toutes ses forces à la création de l'École polytechnique (voir l'Éphéméride du 11 mars), il vota aussi sans état d'âme la mort de Louis XVI et organisa directement le Génocide vendéen. 

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    Portrait de Carnot à l'X, avec détail du médaillon : s'il n'y avait eu que cet aspect du personnage...  

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    Sa dureté dans la Guerre de Vendée fut sans limite. C'est lui en effet qui avait sous sa responsabilité l'armée de l'Ouest engagée dans la répression de l'insurrection vendéenne. On essaye d'imputer à d'autres - comme Kléber et Marceau - les horreurs de cette guerre, les noyades de Nantes, le ratissage sanglant de la Vendée par les "colonnes infernales" du général Turreau... mais c'est bien Carnot qui ordonna la sévérité et l'usage de la force.

    C'est lui qui écrivit à Turreau, en pluviôse : "exterminer les brigands jusqu'au dernier, voilà ton devoir".

    Il maintint cette ligne rigoureuse même après que l'insurrection ait été militairement anéantie - seule continuant une guérilla de coups de main - en autorisant, en juin 1794, la destruction de Saint-Florent-le-Vieil.

    Deux lois furent préparées par Lazare Carnot et votées par la Convention en préparation du "Génocide Vendéen" :

    • celle du 1er Août 1793 : "Anéantissement de tous les biens… la Vendée doit être un cimetière national..."
    • et celle du 1er Octobre 1793 :  "Extermination totale des habitants…"
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    Bertrand Barère de Vieuzac : il s'exprimera comme le fera, plus tard Staline, disant "Le problème, c'est les hommes; pas d'hommes, pas de problème...". Pour Barère, ce fut : le problème c'est la Vendée ? Pas de Vendée, pas de problème !...
     

     

    Le point de départ du génocide est le décret du 1er août 1793 voté sur proposition de Barrère de Vieuzac après un discours incendiaire :

    "...ici, le Comité, d'après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leur récoltes et à les combattre autant par des ouvriers et des pionniers que par des soldats. C'est dans les plaies gangreneuses que la médecine porte le fer et le feu, c'est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes. L'humanité ne se plaindra pas; les vieillards, les femmes et les enfants seront traités avec les égards exigés par la nature. L'humanité ne se plaindra pas; c'est faire son bien que d'extirper le mal; c'est être bienfaisant pour la patrie que de punir les rebelles. Qui pourrait demander grâce pour des parricides... Nous vous proposons de décréter les mesures que le comité a prises contre les rebelles de la Vendée; et c'est ainsi que l'autorité nationale, sanctionnant de violentes mesures militaires portera l'effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures des royalistes".

     

    Le décret du premier août 1793 relatif aux mesures à prendre contre les rebelles de la Vendée stipulait dans son article 1er que "Le ministre de la guerre donnera sur le champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée

    Article VI: "il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts".

     Article VII: "les forêts seront abattues; les repaires des rebelles seront détruits; les récoltes seront coupées par les compagnies d'ouvriers, pour être portées sur les derrières de l'armée et les bestiaux seront saisis."

     Article VIII: "les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l'intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l'humanité."

     Article XIV: "les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la république; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui seront demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu'ils auraient souffertes".

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    Ce décret du 1er Aout de Lazare Carnot sera suivi par celui du 1er octobre 1793, décliné sur le mode du discours de Caton auprès du sénat romain, "delenda est Carthago" :

    "Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l'Autrichien… Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la république française; c'est là qu'il faut frapper".

    Après la prise de Laval le 23 octobre, et la défaite républicaine d'Entrammes, le 26 octobre 1793, un nouveau décret daté du 11ème jour du 2ème mois, portera que "toute ville de la république qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En conséquence, elle sera rasée et les biens des habitants seront confisqués au profit de la république".

    Les mesures préconisées furent appliquées à la lettre par les représentants en mission auprès des armées et dans les départements.

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    Charnier vendéen :
     
     "Une nation ne se régénère que sur un monceau de cadavres" et "Ce qui constitue une République, c’est la destruction totale de ce qui lui est opposé." : voilà ce qu'a déclaré Saint Just à la Convention, dans son Rapport du 26 février 1794 (premier décret de ventôse)
     
     
     
    Les horreurs du Génocide ne furent jamais désavouées, bien au contraire :
    Le 29 janvier 1881 suite à l’interdiction de la pièce Thermidor de Victorien Sardou, jugée "antirépublicaine", Georges Clemenceau répond à Joseph Reinach :
     
    "J'approuve tout de la Révolution : j'approuve les massacres de septembre où, pour s'éclairer, la nuit venue, les travailleurs plantaient des chandelles dans les yeux des morts. J'approuve les noyades de Nantes, les mariages républicains où les vierges accouplées à des hommes, par une imagination néronienne, avant d'être jetées dans la Loire, avaient à la fois l'angoisse de la mort et la souffrance de la pudeur outragée. J'approuve les horreurs de Lyon, où l'on attachait des enfants à la gueule des canons, et les égorgements de vieillards de quatre vingt dix ans et de jeunes filles à peine nubiles.
    Tout cela forme un bloc glorieux et je défends qu'on y touche.
      Je défends que, sur un théâtre qui dépend de l'État, un dramaturge illustre vienne, après plus de cent ans révolus, prononcer une parole de pitié qui serait un outrage aux mânes augustes de Robespierre et de Marat...". 
     
     
    Le 29 novembre 1793, le représentant Fayau écrit aux administrateurs du département de la Vendée :

    "Vous savez comme moi, citoyens, que les brigands appelés de la Vendée existent encore quoique on les aie tués plusieurs fois à la tribune de la ConventionJe vous engage à prendre les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour que les armées catholiques et royales dans le cas ou elles rentreraient dans la Vendée n'y trouvent plus qu'un désert… Il serait bon, citoyens, que des commissaires nommés par vous se transportassent de suite dans toutes les parties de votre département pour en faire retirer toutes les subsistances et pour faire arrêter tous les citoyens qui ont pris part directement ou indirectement aux troubles de la Vendée. Il faut purger la Patrie…"

    Le représentant Francastel n'est pas en reste. Le 25 décembre 1793, il écrit au Comité de Salut Public :

    "Je fais débarrasser les prisons de tous les infâmes fanatiques qui s'étaient échappés de l'armée catholique. Pas de mollesse, que le torrent révolutionnaire entraîne tout ce qui lui résiste scandaleusement. Purgeons, saignons jusqu'au blanc. Il ne faut pas qu'il reste aucun germe de rébellion…"

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    En novembre 1793, le général Turreau est nommé commandant en chef de l'armée de l'ouest avec la charge de faire appliquer le décret du 1er août. L'ordre de départ est donné le 21 janvier 1794, cette première phase sera appelée "La Promenade Militaire" alors qu'à cette date la Grande Armée Catholique et Royale n'est plus qu'un nom. Turreau divise l'armée en six divisions de deux colonnes chacune, qui ont pour mission de ratisser le territoire et d'exterminer la population. Ce sont les "colonnes infernales" qui vont se livrer au génocide des Vendéens. L'ordre du jour du général Grignon, commandant la 2ème division est très clair :

    "Je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d'être brûlé et de passer au fil de l'épée tout ce que vous rencontrerez d'habitants".

    Les rapports des généraux républicains commandant les Colonnes sont aussi particulièrement explicites: "Nous en tuons près de 2.000 par jourJ'ai fais tué (sic !) ce matin 53 femmes, autant d'enfantsJ'ai brûlé toutes les maisons et égorgé tous les habitants que j'ai trouvés. Je préfère égorger pour économiser mes munitions …".

    Le Général Westermann, dans sa lettre à la Convention du 23 décembre 1793, jour où 8.000 Vendéens sans armes - dont 5.000 femmes et enfants - furent exterminés à Savenay, précisait que :

    "Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, et massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé".

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    À gauche, sur ce photomontage, le général François-Joseph Westermann, l'un des bras armés de la Convention et de Robespierre (à droite) en Vendée... 
  • A lire dans L’Express : Des Hommes et des dieux: ”C'est autant un film sur la foi que sur le doute”

                 Michel Eltchaninoff (1), philosophe et rédacteur en chef adjoint de Philosophie magazine a décrypté le succès du film de Xavier Beauvois ( 2.114.868 entrées au 14 octobre !...).

                 Morceaux choisis....

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    La Une du Figaro Magazine du samedi 16 octobre 

    Gillou : Des Hommes et des dieux semble ne rien imposer et se contenter de proposer à réfléchir... La recette du succès ?

    Vous avez mille fois raison. C'est autant un film sur la foi que sur le doute. On assiste, au plus près des différents moines de ce monastère, au cheminement personnel de chacun. Il y a les convaincus, comme Christian, qui veut seulement recevoir le plein assentiment de ses "frères". Mais il y a ce vieux médecin merveilleusement joué par Michael Lonsdales, qui veut continuer à faire son devoir. Il y a celui qui doute dans la douleur, le frère Christophe incarné par Rabourdin... Il y a ceux qui se cachent au moment où ils devraient être courageux... Ceci répond, il faut bien le dire, au message religieux du christianisme. On sait que l'apôtre Pierre a renié le Christ. Et que Jésus lui-même, sur la croix, a demandé à son père pourquoi celui-ci l'avait "abandonné". Bref, ce film montre que dans tout acte "héroïque", il y a une part de doute, d'incertitude. C'est, je pense, cet équilibre très subtil entre courage et doute, où l'un et l'autre ne s'excluent pas, qui a plu aux spectateurs fatigués des messages simplistes.  

    Mami : Les catholiques ont-ils contribué au succès du film de Xavier Beauvois ?

    D'après ce que je sais, le film a été montré, en amont, aux autorités religieuses catholiques. Les chrétiens, plus largement, ne peuvent qu'être intéressés par le film. Mais son succès dépasse considérablement une communauté de croyance. Ce qui fait sa force, c'est qu'il peut être vu avec un oeil croyant comme avec un oeil agnostique, ou même athée. Des Hommes et des dieux est un film sur la religion, ses rituels, sa pratique, la croyance qui la soutient. Mais ce n'est pas à proprement parler un film religieux. On n'y voit pas de miracle - comme dans Ordet de Dreyer ou Stromboli de Rossellini. On y voit des hommes faire ce qu'ils peuvent avec leur engagement et leur foi. Ils font beaucoup. C'est pourquoi ce film intéresse à mon avis, et touche, tous ceux qui ne peuvent se satisfaire d'une vision matérialiste ou intéressée de l'homme et des rapports humaines.  

    On y voit des hommes faire ce qu'ils peuvent avec leur engagement et leur foi

    Lilou : Est-ce, selon vous, un film "providentiel" ?

    On peut prendre le terme de "providentiel" dans plusieurs sens. C'est sans doute un film providentiel dans le paysage de la culture d'aujourd'hui. Qu'un film "d'art et d'essai", parfois austère, parfois difficile, en tout cas pas racoleur, soit vu par deux millions de personnes en France et apprécié, on peut dire que c'est providentiel. Cela signifie que nous ne nous contentons pas de programmes télévisuels débilitants ou de films à grand spectacle. Dans un autre sens, ce n'est pas un film sur la Providence avec un grand P car le divin n'intervient guère. Ce sont les hommes, leurs croyances, leurs doutes et leur courage qui sont mis en avant.  

    Gui2om : Au sujet du film, vous parlez d'un "courage de proximité". C'est-à-dire ?

    Le courage était une grande vertu dans l'Antiquité. Elle était réservée aux "beaux et aux bons", aux guerriers, aux aristocrates, aux "âmes bien nées". C'est le courage d'Achille combattant les Troyens. Bref, c'était très beau, mais un peu, disons, "excluant" pour les gens comme tout le monde. C'était un courage réservé aux héros. Or, à partir du XVIIIe siècle, des âges démocratiques, des âges de masse, l'héroïsme à l'ancienne paraît bien nobiliaire, bien inégalitaire, bien masculin aussi. Dans une société démocratique, on préfère ceux qui aident et participent à ceux qui se parent avec orgueil de la vertu du courage. Mais une société sans courage risque de devenir une société sans idéal, sans force, sans saveur. C'est pourquoi il est si vital de concilier la vieille vertu du courage et la vie ordinaire. C'est ce que font ces moines. Ils ne se prennent pas pour Lancelot du Lac ou De Gaulle. Ils ne sont pas des guerriers. Mais ils savent, au moment où il faut, dire qu'ils ont le choix de refuser ce qui leur paraît inacceptable. Sans effets de manche, ils savent se montrer fermes dans les situations les plus quotidiennes : soigner ou protéger quelqu'un, ne pas baisser la tête. Bref, ils n'incarnent ni un courage de la supériorité et de la distance, ni une indifférence molle à l'autre, mais un courage de proximité. C'est aussi la redécouverte de cette vertu qui explique peut-être le succès du film. Entre le cerveau et le sexe, il existe une faculté qui consiste ni à réfléchir ni à désirer, mais à s'indigner de ce qui est scandaleux ou médiocre. Les Grecs appelaient cette faculté le thumos, un souffle qui vient du coeur. Le mot courage vient du mot "coeur". Des Hommes et des dieux est à mon avis un film sur ce courage du coeur.  

    Des Hommes et des dieux est un film sur ce courage du coeur.

     

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    Les chrétiens, plus largement, ne peuvent qu'être intéressés par le film. Mais son succès dépasse considérablement une communauté de croyance.  

     

    Hortensia : S'agit-il, en allant voir ce fim, d'une recherche de spiritualité? D'une manière de s'extraire de notre quotidien ?

    Il s'agit à coup sûr d'une recherche de spiritualité, du refus d'une vision purement matérialiste et intéressée du monde. Mais cette spiritualité n'a rien de dogmatique ni d'intolérant. Ces frères sont fermement ancrés dans leur foi. Cela ne les empêche pas d'exprimer leur spiritualité par la pratique - le travail, le service, des exercices quotidiens. Cela ne les empêche pas de discuter, de rechercher un consensus. C'est une spiritualité authentiquement démocratique. Du coup, ils ne refusent pas le quotidien - et c'est là où je suis en désaccord avec votre seconde formulation. Ils réorganisent un quotidien cohérent, empli de sens, à partir de priorités bien définies, notamment le service à autrui. Ils donnent sens au quotidien à partir de valeurs.  

    Karolina : Pourquoi à votre avis, les Français ont préféré Des hommes et des dieux à Hors-la-loi ? Cela ne marque-t-il pas le fait que la France n'a pas envie de s'intéresser aux travers de son histoire coloniale ?

    Il est probable que le rôle de la France dans son histoire coloniale est encore très douloureuse, et que nous avons parfois du mal à la regarder en face. Surtout lorsque les politiques s'en mêlent et veulent confisquer aux historiens et à la société le regard sur les méfaits de la colonisation. Mais Des Hommes et des dieux n'est pas non plus un film complaisant. Ces moines sont des exceptions. Les autorités leur conseillent, au nom de la raison, de partir. Ils décident de rester. Et leur acte de courage révèle, en creux, l'attitude raisonnable mais moins admirable de tous les autres. Enfin, c'est un film qui permet plusieurs lectures quant à la vérité sur le massacre des moines de Tibéhirine. S'agit-il d'une manipulation? d'une bavure? D'un acte terroriste de la part des GIA? On sait que cette affaire empoisonne encore les relations entre la France et l'Algérie. Bref, je ne pense pas du tout qu'il s'agisse d'un film réconfortant. C'est plutôt une oeuvre qui nous invite à nous poser cette difficile question: et moi? Qu'aurais-je fait à leur place. Le courage de ce film est moral, donc universel.  

    Laurence : Pourquoi cherche-t-on absolument à faire décrypter le succès du film Des hommes et des dieux par des sociologues, philosophes et autres intellectuels. N'est ce pas tout simplement d'abord et avant tout un bon film ?

    C'est un excellent film. Mais il y a malheureusement beaucoup de très bons films, de très bons livres, qui ne rencontrent aucun succès. J'adore personnellement les films de Sokhourov ou de Iosseliani, mais il faut bien dire qu'on ne trouve guère 2 millions de personnes pour aller les voir. A l'inverse, il y a énormément de navets qui marchent du tonnerre. Ce qui est l'exception davantage que la règle, c'est lorsqu'un "excellent film", avec une mise en scène rigoureuse qui ne joue pas mécaniquement sur les émotions, avec des acteurs qui n'en font pas des tonnes, rencontre un large succès public. Du coup, cela m'intéresse aussi comme philosophe de comprendre, même un tout petit peu, le sens de cette belle rencontre entre un film exigeant et un large public. Et ce que je crois voir, c'est non seulement une vague "quête de sens" dans un monde déboussolé par la mondialisation, mais l'aspiration à un spirituel renouvelé et à une vertu antique, souvent oubliée dans les âges démocratiques: le courage.  

    Le courage de ce film est moral, donc universel

    Petit malin : Je n'ai pas encore vu Des Hommes et des dieux. Trois bonnes raison d'aller le voir ?

    1. C'est un film qui va au fond de ce qui fait que nous sommes des hommes: à quoi croyons-nous? Qu'est-ce qui pourrait nous pousser à nous sacrifier, à risquer la mort ? Quelle est la force qui nous anime et qui fait que nous sommes, peut-être, capables de faire de grandes choses ? C'est film qui fouille ce qu'il y a de plus vital, de plus précieux dans l'homme.  

    2. C'est un grand film d'amour : amour de cette nature qui entoure les moines, amour de leur humble vie quotidienne, amour des populations musulmanes qui entoure les moines et qu'ils ne cherchent pas à convertir, mais à comprendre et aider, amour de ce dieu qui leur a tout fait quitter. A noter que cet amour n'exclut pas a priori l'amour "ordinaire", notamment charnel. Avant d'avoir été des moines, ils ont été des hommes : eux aussi sont tombés amoureux et ont connu le plaisir sensible. C'est ce que rappelle très subtilement la séquence du dernier repas des moines ; eux aussi peuvent aimer le plaisir.  

    3. Michael Lonsdale est à mourir de rire (et très très émouvant).  

    Je ne sais pas si je vous ai convaincu, mais vraiment je vous conseille d'y aller.  

    (1) : Michel Eltchaninoff est philosophe et rédacteur en chef adjoint de Philosophie Magazine. Il a notamment publié L'Expérience extrême (2010, éditions Don Quichotte).  

  • Michel Onfray : « Eric Zemmour est un bouc émissaire idéal pour la gauche »

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    Michel Onfray a réagi, dans FIGAROVOX, à l'éviction d'Eric Zemmour d'I-télé. Il considère qu'en France, la controverse a été remplacée par un discours uniforme et snob qui étouffe le mouvement des idées. Nous ne disons pas que nous sommes en tous points d'accord avec Michel Onfray. Mais ses réponses à Figarovox sont toujours intéressantes et souvent, de notre point de vue, très justes aussi. Bref, le lecteur se fera son idée ... Lafautearousseau 

     

    FIGAROVOX-Après l'éviction d'Eric Zemmour d'I-télé vous avez tweeté : « Désormais on licencie, on pétitionne, on vitupère au plus haut niveau de l'Etat pour raisons idéologiques. Permanence du bûcher! ». Pensez-vous vraiment que la « tête » d'Eric Zemmour ait été exigée au plus haut niveau de l'Etat ?

    Michel ONFRAY: Je ne sais pas, car si c'est le cas, seules quelques personnes le savent vraiment… Mais je me souviens que le porte-parole de l'Elysée a affirmé de quoi nourrir cette idée. Je ne sais ce qui a motivé cette chaîne à agir ainsi, mais elle est en phase avec ce que le gouvernement a souhaité.

    En diabolisant Eric Zemmour, le gouvernement cherche-t-il à faire oublier son bilan ?

    La gauche qui est au pouvoir depuis 1983 n'est plus de gauche parce qu'elle s'est convertie au libéralisme et que, dans le libéralisme, ce sont les marchés qui font la loi, pas les politiques - qui se contentent de l'accompagner et de le favoriser plus ou moins… Le bilan, c'est celui du libéralisme, donc celui de Mitterrand après 83, de Chirac pendant deux mandats, de Sarkozy pendant un quinquennat, de Hollande depuis son accès au pouvoir. Si ces gens-là veulent se distinguer, il faut qu'ils le fassent sur d'autres sujets que l'économie libérale, les fameux sujets de société bien clivants : mariage homosexuel, procréation médicalement assistée, vote des immigrés, théorie du genre sous prétexte de féminisme, euthanasie ou soins palliatifs, dépénalisation du cannabis, vote des étrangers, etc.

    Zemmour est une excellente aubaine pour la gauche : il suffit d'en faire l'homme de droite par excellence, le représentant du « bloc réactionnaire  » comme le martèle Cambadélis, (ancien trotskyste, condamné par la justice, mais néanmoins patron du PS…) le spécimen du penseur d'extrême-droite, pour se trouver un bouc émissaire qu'on égorge en famille, en chantant ses propres louanges pour une si belle occasion. « Nous sommes donc bien de gauche, nous, puisqu'il est de droite, lui! » vocifèrent-ils en aiguisant le couteau.

    Ce que la gauche veut faire oublier c'est moins son bilan que son appartenance, avec la droite libérale, au club de ceux qui font le monde comme il est. Autrement dit : au club de ceux qui nourrissent le Front National qui ne vit que des souffrances générées par le marché. Il y a donc intérêt pour eux tous, droite libérale et gauche libérale, à se retrouver comme un seul homme pour égorger la victime émissaire qui dit que le FN progresse avec un quart de siècle de la politique de ces gens-là.

    Que révèle cette polémique sur l'état du débat en France?

    Qu'il est mort… En France, on ne polémique plus: on assassine, on méprise, on tue, on détruit, on calomnie, on attaque, on souille, on insinue… C'est la méthode que je dirai du Raoul ! Rappelez vous Raoul Blier dans Les Tontons Flingueurs : « Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Je vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m'en fait trop, je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile ! ». Eric Zemmour se trouve donc éparpillé façon puzzle aux quatre coins de Paris. Mais Paris n'est pas la France.

    Certains ont été jusqu'à parler de « dictature ». Sommes-nous en train de basculer vers une forme de totalitarisme intellectuel ?

    Nous y sommes, c'est évident ! Plus question de craindre le basculement, nous avons déjà basculé. Seules les idées politiquement correctes sont admises dans ce qui se présente comme un débat mais qui n'est qu'un salon mondain où l'on invite le marginal qui ne pense pas comme soi pour montrer sa grandeur d'âme, sa libéralité, sa tolérance. Mais dès que l'invité prend plus de place que prévu, qu'on ne parle plus que de lui, comme avec Zemmour, alors on disperse façon puzzle : on montre sa véritable nature. Inviter en bout de table, pour le dîner de cons, oui, mais pas question que l'invité retourne la situation et montre à toute la tablée que le con ça n'est pas lui… Or rien n'est plus violent qu'un con démasqué après qu'il eût échoué à présenter l'autre comme ce qu'il finit par incarner dans sa superbe !

    Vos positions sur la théorie du genre à l'école avaient dérouté une certaine gauche. Vous le « libertaire » ne craignez-vous pas d'être définitivement classé dans la catégorie des « réactionnaires » ?

    Depuis la réception sous forme de cabale de mon livre sur Freud, Le crépuscule d'une idole, j'ai vu la bêtise au front de taureau de très près : j'ai alors compris que la partition n'est pas entre droite et gauche, mais entre ceux qui ont le sens de la justice et de la justesse, des faits et de la vérité, de l'histoire et de l'esprit critique, et ceux qui ne l'ont pas. La gauche et la droite sont pareillement contaminées par l'esprit de bêtise. Mais la gauche et la droite portent également en leur sein une égale partie de gens lucides et libres. Ce sont ceux-là qui m'importent. Qu'une frange de donneurs de leçons qui ne brillent pas par leur goût de la justice et de la justesse me traite de réactionnaire ne m'émeut pas. Je serais plutôt ému si elle disait du bien de moi ! Etre libertaire, c'est s'affranchir des catégories de droite et de gauche quand il y a à juger et statuer sur ce qui est adéquat - pour le dire dans un mot de Spinoza que Deleuze aimait beaucoup.

    Sur le plan intellectuel, quels sont vos points communs et vos différences avec Eric Zemmour ?

    Mes points communs avec Zemmour sont ceux qu'il a avec Mélenchon qui, saluons-le d'ailleurs sur ce sujet, réprouve qu'on traite Eric Zemmour de la sorte ! Les voici : refus du libéralisme comme horizon indépassable, refus de l'Europe telle qu'elle fonctionne comme instrument de la machine libérale, critique de l'euro comme rouage de cette machine, confusion des partis de gouvernement dans une même condamnation parce que porteurs du projet libéral, souci du peuple et de son génie propre, condamnation des technostructures qui abolissent la souveraineté populaire, sens et goût de l'histoire.

    Précisons que cette pensée est aussi celle de l'aile gauche du PS, de l'aile gauche de l'UMP (très silencieuse il est vrai…), de l'extrême-gauche, de Dupont-Aignan et… de Marine Le Pen, autrement dit, de beaucoup de français qui ne sont pas pour autant des vichystes ou des fascistes…

    En revanche, je ne suis pas d'accord avec lui sur la critique de Mai 68 qui a été un mouvement nécessaire - même dans ses excès. La France d'avant Mai n'est pas désirable pour moi, car je ne suis pas réactionnaire, au sens étymologique, c'est à dire nostalgique d'un ordre ancien que j'aimerais revoir, en l'occurrence le gaullisme qui n'est grand que par de Gaulle mais si petit par les gaullistes non-historiques.

    Je ne suis pas pour autant un dévot de ce que l'après Mai a rendu possible. Mai 68 fut donc nécessaire, mais pas suffisant. Il lui manque d'avoir porté des valeurs alternatives. Pour ma part, mes livres travaillent à en proposer. Mon refus de l'abolition des sexes, comme y invite la théorie du genre, n'est pas motivée par un désir de restaurer le patriarcat - ce que souhaiterait Eric Zemmour. Je suis clairement féministe et je crois même que le féminisme est tué par ceux qui s'en réclament en portant des revendications minoritaires pour la grande majorité des femmes qui ne sont pas des lectrices de la presse bobo. Je suis pour l'avortement, pour la contraception et ne crois pas que l'avortement constitue un génocide français, via la démographie.

    Je ne souscris pas à sa méfiance à l'endroit de toute immigration : le problème n'est pas l'immigration, mais l'islam quand il se fait politique et sort du cadre intime. Certes, il concerne des immigrés, mais aussi des Français convertis ou non. Je suis athée et n'ai pas pour modèle une France catholique célébrant le travail, la famille et la patrie. Je crois qu'il faudrait encore baisser le temps de travail pour mieux le partager (logique décroissante), que toute famille est là où des gens s'aiment (logique post-catholique homophile) et que la patrie est amour d'une terre qui n'exige pas les racines mais l'envie de faire communauté (logique d'immigré : ma famille est venue du Danemark avec les invasions Viking il y a mille ans…).

    N'y a-t-il pas un paradoxe à critiquer le libéralisme économique tout en revendiquant votre libertarisme sur le plan social. Les deux ne sont-ils pas liés ?

    L'étymologie de Littré nous apprend du paradoxe qu'il définit ce qui est à côté de l'opinion. Or l'opinion est faite par l'idéologie des médias de masse. Dès lors, en effet, il semble y avoir un paradoxe à se dire antilibéral et libertaire. Mais un paradoxe aux seuls yeux des victimes de l'opinion. Car l'opinion dominante dans les médias fait du marché libre l'horizon économique indépassable dans la configuration mondialisée qui est la nôtre. De même, elle fait la plupart du temps du libertaire uniquement un bobo qui veut l'amour libre, la légalisation du pétard, l'énergie renouvelable, le pain bio, le vélo dans les villes. Parfois, elle en fait aussi un casseur de vitrines cagoulé…

    Or la tradition de socialisme libertaire que je revendique s'enracine dans une pensée qui, de la Commune à LIP en passant par les communautés anarchistes de la Guerre d'Espagne, a été mutilée, ravagée, moquée par les tenants de l'idéologie dominante marxiste ou néo marxiste. Ma référence libertaire est autogestionnaire, mutuelliste, coopérative, elle renvoie à Proudhon s'il faut un nom - l'inventeur du mot anarchiste.

    Elle triomphe actuellement à bas bruit dans l'organisation alternative du capitalisme qui peut être dit libertaire : production, diffusion, distribution, organisation en réseau, loin des villes, des médias et de la visibilité organisée par les tenants du libéralisme. Elle suppose ce que le même Proudhon appelait « un anarchisme positif » loin de la récrimination et tout entier dans la construction. Je n'ai pas créé par hasard une université populaire à Caen en 2002 et une université populaire du goût ensuite ! Je crois à l'éducation populaire - donc au débat. A l'UP de Caen, par exemple, j'ai souhaité qu'une psychanalyste enseigne la psychanalyse pour que chacun puisse se faire son idée. Je ne pense pas que les freudiens en feront autant !

    La convergence, voire la complicité intellectuelle, que l'on observe entre la gauche antilibérale et certains conservateurs tout aussi hostiles au libre-échangisme mondialisé peut-elle déboucher, selon vous, sur une alternative politique?

    Non car la communauté de vue entre tous les antilibéraux sur la critique du libéralisme (Mélenchon & Le Pen par exemple) ne suffit pas à faire un programme commun de gouvernement. La communauté de vue sur ce à quoi on s'oppose n'a jamais suffi à faire quoi que ce soit pour. Cette convergence des contre peut faire tomber un gouvernement, mais elle en saurait en faire émerger un sur une ligne commune : ceux qui sont d'accord sur leurs refus ne sont d'accord en rien en matière de propositions.

    Par exemple : l'extrême gauche communie dans l'islamo-gauchisme et l'abolition des frontières, alors que Marine Le Pen met en garde contre l'Islam et veut le retour des frontières, pendant que Mélenchon et le Front de Gauche font de l'immigration une chance pour la France - ce que le patronat pense également, puisqu'il se félicite de la fin des frontières et de l'arrivée massive sur le marché du travail d'un sous-prolétariat prêt à tout pour travailler et consommer !

    Cette galaxie d'anti n'est capable que de négativité : faire tomber un gouvernement, mettre des gens dans la rue, exciter les résistances violentes au capitalisme marchand, surfer sur les vagues ressentimenteuses. Mais rien qui soit positif, hélas !

    Si la gauche non libérale était capable d'union, ce serait déjà beaucoup. Mais j'ai cessé de croire à cette illusion. Trop d'egos en jeu. Je ne crois plus à un programme commun de la gauche antilibérale auquel j'ai jadis souscrit. Dans la configuration qui est la nôtre, l'abstention va faire la loi jusqu'à ce qu'une violence donne voix et forme à ce désespoir. Mais laquelle ?   

    Propos recueillis par Alexandre Devecchio @Alex_devecch

  • Une réforme jacobine, par Himaire de Crémiers.

    Du libéralisme au jacobinisme et du jacobinisme au totalitarisme, il n’est qu’un pas que Macron franchit sans scrupule.

    Il y a tout lieu de penser qu’il faudra passer par le 49-3. Que de cris, que d’indignation en perspective ! De quoi alimenter la rhétorique parlementaire, d’un côté comme de l’autre ! C’est ce qu’on appelle en France la vie politique. Et si vous souriez ou émettez un doute sur l’intérêt de pareilles institutions, vous serez soupçonné d’entretenir dans vos pensées un antiparlementarisme par définition coupable : vous attentez à la démocratie ! Où est Aristophane ?

    hilaire de crémiers.jpgL’exécutif à cette heure est certainement décidé à user de ce procédé commode qui permet d’arrêter des débats devenus oiseux et de faire aboutir une réforme qui, dans l’état, reste inachevée par principe puisqu’elle suppose par elle-même plus d’une vingtaine d’ordonnances sans compter les décrets d’application. Les 41 000 amendements qui se subdivisent en autant de sous-amendements, n’auront été que des querelles de mots par rapport à un texte indigeste que deux ans de gestation et de concertation n’ont fait qu’alourdir de multiples considérations contradictoires que le législateur prétend réduire peu à peu à une unité factice.

    Niant l’évidence, le gouvernement, pendant quelques jours encore, va s’échiner à déclarer que le 49-3 n’est pas dans son intention puisque nul plus que lui n’a le sens du respect de la démocratie. Quand il passera à l’acte, il se dira donc contraint et forcé. Avec les mines de circonstance !

    La réforme imposée

    Étant donné la situation, la demande d’application du 49-3 viendra très vite et, peut-être même, au moment où ces lignes paraîtront, la procédure sera-t-elle entamée. L’émoi sera aussi grand que la manœuvre grossière. Même stratagème des deux côtés, l’obstruction systématique servant le parti présidentiel dans sa résolution, tout autant que la procédure d’urgence redynamisera l’opposition. Tel est le fonctionnement de la République aujourd’hui, tel il fut depuis toujours ; c’est structurel. Que de farouches attitudes ! Que de lyriques discours ! Quelle hypocrite habileté à profiter ainsi les uns des autres ! Et comme il devient intéressant en ces circonstances de sièger alors qu’à l’ordinaire les gradins sont vides

    Ainsi donc le président et le gouvernement veulent en finir avec cette loi organique et cette loi ordinaire qui portent la réforme du régime des retraites pour en faire un système unique, dit universel, par points. Cette réforme est, selon les dires de la macronie, la plus géniale qui ait jamais été conçue . Elle doit illustrer le quinquennat ; elle est « la matrice des autres réformes », celle qui justifie le mieux la conquête du pouvoir par ces parangons du progressisme.

    Et voilà qu’elle leur pourrit la vie ! Alors même que Macron voudrait maintenant se dégager du temps pour passer, selon ses propres paroles, « au régalien », afin de donner du sens à l’Acte II de son quinquennat : belle stratégie, assurément, où « le régalien » n’est pas exercé pour lui-même dans la plénitude de la fonction du chef de l’État, mais en vue de gagner les présidentielles de 2022.

    En fait, Macron est obligé de faire du Macron, à chaque instant, en politique intérieure comme en politique extérieure. Pour être lui-même électoralement parlant, en vue de s’identifier au pouvoir, dans cet esprit de conquête perpétuelle qui le caractérise.

    C’est toujours ce même mécanisme qui le lie et l’entraîne. Celui qui le pousse, en l’occurrence et en dépit du bon sens, à faire de sa réforme des retraites un enjeu de gouvernement. Immédiat, global et définitif. Or son idée de départ était d’un simplisme si extravagant qu’au contact des réalités et des oppositions légitimes elle se transforme en un système d’une folle complexité, créant autant de régimes que de classes d’âge et de transitions spécifiques que de statuts particuliers. Le Conseil d’État s’est refusé à cautionner un tel texte. D’où la nécessité de procéder par ordonnances et par décrets et, tant qu’à faire, pour l’heure, de recourir au 49-3.

    Dans le même temps pour habiller son message il lui a fallu donner à cette réforme qui aurait dû rester pratique, de hautes raisons métaphysiques, relevant d’une logique théorique où les mots d’égalité et de solidarité servent de normes suprêmes. Rien de plus sophistique : tous sur la même échelle et dans le même cadre ! Qu’y a-t-il de plus républicain ? Chacun sait bien que cette égalité est concrètement toute relative : il est toujours des gens plus égaux que d’autres. Personne ne s’y retrouve, ni les cadres supérieurs surtaxés et non garantis, ni les petits salaires à qui l’État fera la charité s’il le veut bien. Le « minimum retraite » ne saurait fonctionner pour de pauvres gens sans travail ! « Le niveau de vie digne », notion que les parlementaires sont si heureux d’avoir concoctée, n’est qu’un alignement de mots qui juridiquement n’a pas de signification.

    On est allé chercher des modèles à l’étranger, dans des pays beaucoup moins variés et divers que le nôtre et où la structure communautaire est beaucoup plus forte. Nous sommes français ; nous avons une histoire, y compris une histoire sociale, perturbée stupidement par des institutions de guerre civile permanente La Ve République n’y échappe pas. Macron, non plus. Après tout, il n’est qu’un chef de bande qui s’est emparé de l’État, qu’il le veuille ou non.

    Sa réforme est marquée de ce stigmate originel. Il accapare tout ce qui est un enjeu de pouvoir. Il a pris littéralement possession des retraites. Comme du reste. Comme du grand débat. Comme de la Défense, comme de la dissuasion nucléaire qu’il imagine à sa façon, comme de l’Europe qu’il prétend diriger, comme de l’Agriculture où il distribue les bons et les mauvais points, comme de la Santé, comme de tout. Il n’est plus un chef d’État ; il est le monsieur qui répond à tout, qui organise tout, qui sait tout, qui fait tout. Avec tous les revers, les échecs, les désillusions qu’un tel comportement entraîne ! Rien ne semble le corriger. Du coup, c’est toujours la faute des autres…

    Il en est ainsi pour les retraites. Il a la vision d’ensemble du système à laquelle il pense que tout le monde devrait se rallier. Mais voilà : la réalité est tout autre. Comment voulez-vous, pour prendre cet exemple, que les avocats qui ont leur propre régime et leur propre caisse qui fonctionnent bien et qui sont bénéficiaires, renoncent à ce qui leur appartient en propre pour payer des cotisations plus élevées et recevoir des pensions moindres ! C’est un vrai problème, non ? Ainsi des autres… Et comment ménager tout le monde ?

    Car le défaut essentiel du système Macron est qu’il se situe dans la logique continue du système républicain pris en main par les technocrates, formés à cet effet. Macron en est le dernier avatar. La République est à lui ; les retraites sont donc à lui.

    La fin de toute citoyenneté

    La vérité d’aujourd’hui est que leur retraite n’appartient plus aux Français. Cette réforme ne fait que s’ajouter à la série des autres réformes qui toutes allaient déjà dans le même sens. La retraite perd définitivement son caractère d’épargne. Pour parler le langage macronien, on passe d’un monde à un autre. À son origine, fort ancienne au demeurant, la retraite était un prélèvement de salaire pour les vieux jours. Le droit du travailleur français était direct et personnel ; et cette conception dominait encore les esprits jusqu’à récemment. C’est ce que l’État républicain cherche à démolir irréversiblement. Dès le sein de sa mère jusqu’à sa mort, le citoyen doit dépendre de l’État. C’est ce que veut la République ; c’est ce que veut Macron ; et, d’ailleurs, il l’a ouvertement dit.

    En effet, malgré une gestion de plus en plus centralisée, organisée dès 1941 – pour raison d’occupation –, puis après 1945, subsistait cette idée qu’employeurs et salariés, selon leur profession, sous le regard de l’État, fixaient leur régime, leur cotisation, leur pension ; c’était encore leur affaire. Certes la solidarité intergénérationnelle était déjà appliquée selon laquelle une génération payait pour une autre dans une succession qui assurait en principe l’équilibre du système, puisque l’esprit républicain refusait – fort stupidement d’ailleurs – toute capitalisation (encore que…) pour promouvoir la seule répartition.

    La tentation fut alors invincible chez les hauts fonctonnaires, à Bercy, et chez les politiciens de service, avides de domination et donc de systématisation, de tout uniformiser, en jouant démagogiquement sur le fait des inégalités des régimes et des droits dont, d’ailleurs, l’État employeur était le principal responsable. À quoi s’ajoutait le non-remplacement des générations en raison de la question démographique et de l’allongement de la durée de vie, ce qui laissait prévoir un inéluctable déficit budgétaire.

    La réforme Juppé qui se voulait rationnelle, fut la manifestation évidente de cette tentative d’une mise sous contrôle total de l’ensemble du système social français. Bien sûr, sur le moment, devant la révolte populaire et, d’abord, bien sûr, de ceux qui étaient considérés comme les privilégiés des régimes spéciaux, il dut renoncer.

    Mais le même esprit se maintint et la mise en œuvre s’opéra progressivement de Raffarin en Fillon. La loi Macron-Phlippe n’est que l’aboutissement du projet. L’État fait tout, décide de tout, règle tout. Il fixera l’âge d’équilibre, l’âge-pivot si besoin est, la valeur du point, et tout ce qui en dépend. Le budget de la Sécurité Sociale, dont celui des retraites, est désormais entièrement préparé par ses fonctionnaires ; les lois de financement, avec les innombrables arrangements joints et que personne ne voit, sont votés par des députés aux ordres dans des séances qui n’en sont pas. Philippe a concédé une « conférence de financement », temporaire, à des syndicats ridiculisés qui n’obtiendront rien et qui passent leur temps à se disputer.

    Le but, maintenant, c’est de s’emparer des caisses, par une audacieuse opération de captation, pour créer, là aussi, cette unité de caisse si chère à l’État puisqu’il en est le maître exclusif et qu’elle constitue son principe substantiel. Les masses financières en jeu sont telles que nul ne pourra s’aviser de le braver. La République aura l’assurance de sa pérennité. Elle se sera enfin débarrassée des citoyens auxquels elle laisse pour l’amusement la comédie électorale. Elle sera à elle-même et sa cause et sa fin, ce qui fut toujours son but. Il n’est rien de tel qu’un libéral comme Macron, voire ultra-libéral, pour enfermer le peuple dans le pire jacobinisme.

    Et pour donner de l’allure à l’ensemble, il est proclamé que l’État saura tirer profit de cette réorganisation pour voler au secours de la veuve et de l’orphelin, du pauvre et du déshérité. Vu ce que l’on constate aujourd’hui dans les rues de nos villes et dans le fond de nos campagnes où la misère gangrène le tissu social, le croira qui voudra.

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  • Intransigeance européenne et Brexit sans concession

     

    Par Yves Morel 

    Europe. Que n’auront dit et prédit les eurocrates et les journaux français dans leur sillage ? C’était la fin de l’Angleterre, la City allait la fuir ! Elle viendrait à résipiscence. Michel Barnier lui ferait payer cher sa faute morale, politique, métaphysique ! Eh bien, Theresa May est toujours là et mène sa barque, certes à la godille, mais en gardant son cap.  

    Theresa May, la Première ministre britannique, a prévenu les Européens, lors du sommet de Salzbourg, le 19 septembre : « Que cela soit clair, il n’y aura pas de second référendum », assimilant ce dernier à une « trahison grave » de la décision du peuple britannique, qui, il y a deux ans, a choisi sa voie en toute lucidité, « les yeux ouverts ».

    Et d’ailleurs, il n’est plus temps pour cette prétendue solution. L’organisation d’un référendum demanderait neuf mois et, même en raccourcissant les délais autant que possible, le scrutin ne pourrait se dérouler avant le 28 mars, c’est-à-dire la veille du début de l’application effective du Brexit.

    La volonté et la mission de Mme May

    Mme May est depuis toujours une brexiter convaincue, même si, le 23 juin 2016, elle a voté en faveur du Remain, au nom de la solidarité et de la cohésion ministérielles. Devenue Première ministre à la suite du départ de David Cameron, elle se sent impérativement tenue de réaliser la sortie de son pays de l’Union européenne, conformément au vœu de son peuple, et ne conçoit pas de retournement possible, fût-ce par voie référendaire. Il faut d’ailleurs admettre que si cette éventualité se réalisait, la Grande-Bretagne paraîtrait passablement ridicule et un rien pitoyable. Les Britanniques, peuple fier et indomptable – on se souvient du « We’ll never surrender » de Churchill en 1940 –, en sont parfaitement conscients ; et, soit dit en passant, les Européens qui croient en une victoire assurée du Remain en cas de second référendum, feraient bien de s’aviser de ce sens anglais de la dignité.

    Ce que veulent les Européens : acculer la Première ministre à organiser ce second référendum, quitte à ajourner, pour cela les dates butoirs des négociations en cours. Lourde erreur de psychologie. Regrettable méconnaissance du peuple anglais et de l’histoire contemporaine. Les Britanniques ne se sont jamais sentis européens, et n’ont adhéré à la Communauté européenne – tardivement, en 1973 – qu’après l’échec de la solution alternative de l’AELE – Association européenne de libre-échange – qu’ils avaient conçue en 1960. Et encore, ils ont toujours eu soin de se faire accorder des dérogations les soustrayant à la règle commune, les délivrant des obligations des autres et ménageant leur souveraineté : ainsi ils refusèrent l’euro et l’espace Schengen. En clair, membre de l’UE, ils avaient un pied dedans, l’autre dehors.

    Le Brexit doux du plan de Chequers et la pertinence des objections des hard brexiters

    Au fond, c’est la pérennité de cette situation que visait le plan de Chequers de Theresa May. Son contenu le montre. Libre échange entre le Royaume-Uni et l’Europe pour les produits industriels et agricoles (avec des règles communes), arrangements ponctuels pour les services et les activités financières, fin de la libre circulation des personnes, cadre institutionnel commun pour garantir le bon fonctionnement des relations euro-britanniques avec mécanisme de résolution des conflits et instance d’arbitrage indépendante, droits de douane britanniques pour les produits destinés à la Grande-Bretagne et droits de douane européens pour ceux destinés aux pays européens. C’est le Brexit doux idéal, celui qui maintient le Royaume-Uni dans la même situation qu’auparavant avec encore plus d’indépendance. Oui, mais sans pouvoir de décision. Et c’est ce que redoutent les hards brexiters, avec Boris Johnson, Michael Gove et Jacob Rees-Mogg, en particulier. À leur esprit, Theresa May ne souhaite pas vraiment le Brexit et entend se contenter d’un contrat d’association avec l’Europe. Or, un tel contrat, s’il n’inclurait plus la Grande-Bretagne dans un ensemble supranational, la ligoterait par les obligations qu’il engendrerait tout en l’empêchant de participer à la confection de la politique européenne. Selon la formule métaphorique de Boris Johnson, « elle restera dans le taxi, mais enfermée dans le coffre, sans avoir son mot à dire sur la destination ». À cet égard, le Brexit, tel que l’envisage Theresa May ne libérerait pas le Royaume-Uni du carcan européen, mais, au contraire, l’y enserrerait davantage en le baillonnant, en le reléguant au rang d’un associé qui n’a pas voix au chapitre et doit, en revanche, exécuter les obligations découlant d’une politique arrêtée par les autres. Les négociations entre Londres et Bruxelles se concluraient ainsi par une caricature de Brexit qui aggraverait la dépendance de la première vis-à-vis de la seconde, tout en donnant l’impression d’une affirmation de souveraineté.

    L’intransigeance européenne engendrera le succès du Brexit dur

    Cette analyse n’est pas dénuée de pertinence, dans la mesure où, effectivement, suivant ce plan, le Royaume-Uni conserverait la même situation de membre à part de l’UE (un pied dedans, un pied dehors) sans toutefois participer aux prises de décisions, et pourrait, à tout moment – cela semblerait tout naturel et on ne peut plus logique – solliciter sa réadhésion à l’ensemble des traités. Les Européens et les remainers modérés devraient être relativement satisfaits de ce plan de Chequers. Or, ce plan, les uns et les autres le rejettent. Les Européens jouent l’intransigeance et demandent à la Grande-Bretagne d’accepter l’UE avec toutes ses obligations ou d’y être totalement extérieure, espérant mettre la Première ministre dans une situation impossible dont le référendum serait la seule issue.

    Leur calcul est d’autant plus aisé à deviner que, jusqu’en 2016, ils s’accommodaient du statut à part du Royaume-Uni au sein de l’UE. Toutefois, il n’entre pas que du calcul dans leur position ; il y entre aussi de la conviction. Ces Européens sont des doctrinaires. À la manière d’un Michel Barnier qui est chargé de traiter au nom de l’Union européenne et qui joue au grand-prêtre donneur de leçons et annonciateur de châtiments eschatologiques ! Il est le type même des eurocrates. L’Europe est leur credo ; et, si libéraux soient-ils en économie, ils ne veulent pas d’une Europe marchande qui laisserait subsister la souveraineté des États. À la jungle des nations qui se disputent des marchés, ils opposent l’idéal d’un monde unifié sans frontières politiques, réglementé et inspiré par une vision de l’homme et une éthique universalistes. Or, cette Europe « idéale » ne soutient pas l’épreuve du réel, lequel la transforme en un ensemble d’États qui, au sein des conseils européens et de la Commission de Bruxelles, défendent jalousement leurs intérêts propres, donnant ainsi le jour à une Europe à la mode anglo-saxonne. Cette Europe à la carte, qu’ils récusent et dont ils reprochent à Mme May de vouloir l’instituer, existe depuis déjà longtemps et est la réalité européenne actuelle. En effet, sur les 27 pays de l’Union, huit n’ont pas pu ou voulu adopter l’euro pour monnaie ; et c’était le cas de la Grande-Bretagne, et ce le resterait, même si elle réintégrait la communauté. Par ailleurs, certains pays de l’Est, comme la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie ont opté en faveur d’un libéralisme général que l’on peut qualifier de sauvage sauf qu’il reste national, et en conséquence d’un dumping social contraires aux orientations bruxelloises ; et la Grande-Bretagne a fait de même, et continuerait à le faire si elle était demeurée membre de l’Union.

    D’autre part, ces mêmes pays se soucient comme d’une queue de cerise de la politique migratoire bruxelloise et, de la même façon, en matière de justice, des grands principes européens. Enfin, on l’a vu à maintes reprises, notamment lors de la guerre irakienne de 2003, il n’existe aucune politique étrangère commune aux pays européens : 22 de ces pays adhèrent à l’OTAN, dominée par les États-Unis, le pays qui impose au monde sa loi et celle du marché, de son marché.

    Bref, l’Europe est sans doute une réalité économique et, surtout, une réalité institutionnelle et administrative, mais elle n’est pas une réalité politique, à l’égal d’une nation. Elle n’est qu’une vaste zone de libre-échange réglementé et, en son sein, c’est le libéralisme anglo-saxon qui s’est imposé, certes tempéré par des règles et des exigences budgétaires communes. Et voilà l’autre raison pour laquelle les Européens institutionnels refusent le plan de Theresa May qui tend à permettre au Royaume-Uni d’être un partenaire conditionnel et variable, inspiré par ses seuls intérêts, prenant, de l’Europe ce qui l’arrange, refusant ce qui la contraint. Ce qu’ils appellent le cherry picking – soit la cueillette sélective des cerises ! Ce plan qui placerait la Grande-Bretagne dans une situation de partenaire privilégié – mais indépendant – de l’UE, analogue à celle de la Norvège, de l’Islande et du Liechtenstein…, trois pays membres de l’AELE, constituée autrefois par la Grande-Bretagne comme rivale de la Communauté européenne ! Ainsi s’explique leur intransigeance.

    La bascule nationale s’impose

    Photo-actu-6.jpgOr, à tenir la dragée haute à Mme May, les Européens ne vont parvenir à rien d’autre qu’à la conforter dans sa résolution brexitiste et à la jeter dans les bras des brexiters intransigeants. Il faut comprendre son discours énergique du 19 septembre, à Salzbourg (photo du sommet) . Elle déclare : « Il n’y aura pas d’adhésion partielle à l’UE, d’association avec l’UE, ni rien qui nous laisse un pied dedans et un pied dehors. Nous ne cherchons pas à adopter un modèle déjà utilisé par d’autres nations, nous ne cherchons pas à maintenir des morceaux d’adhésions ». C’est précisément ce que disent les Européens eux-mêmes. Mais eux considèrent ce type de propos comme un avertissement solennel, voire une menace à l’égard du Royaume-Uni. Mme May, elle, le considère comme à la fois l’expression de son vœu le plus cher d’antieuropéenne (ou d’eurosceptique) et le moyen de tenir de fortes paroles qui sont destinées à rasséréner les hard brexiters. Elle a joué habilement ce jeu lors du dernier congrès tory à Birmingham, début octobre, en esquissant des pas de danse chaloupée pour mieux faire comprendre son propos ! Son réalisme l’a menée à élaborer son plan de Chequers, comme il l’avait incitée, en juin 2016, à voter en faveur du Remain plutôt que pour le Brexit, c’est-à-dire à voter selon sa raison plutôt que selon son cœur.

    Mais l’intransigeance européenne dont elle attend tous les effets d’une rare stupidité, pourrait bien la conduire à, finalement, agir suivant ses convictions véritables, brexitiennes et dures, plutôt que selon sa prudence. D’autant plus que l’entrée en rébellion de Johnson et Gove la pousse déjà en ce sens.

    Et, en fin de compte, on s’achemine bien pratiquement vers un Brexit dur. Ce scénario ne serait pas l’idéal pour elle, mais aurait au moins le mérite de remettre les pendules à l’heure, de clarifier les positions, de mettre fin à la duplicité en la matière et de dissiper salutairement les équivoques et les faux-semblants. Ou une Europe simple partie du monde et zone de libre-échange à la mode anglo-saxonne, ou l’Europe technocratico-bureaucratico-libérale de Bruxelles, de Macron, des gauches européennes et des avatars centristes, bâtards de la démocratie chrétienne ! Mme May sera ainsi en plein accord avec sa conscience et ses convictions profondes, tout comme d’ailleurs le gros du peuple britannique. Et on peut tenir pour certain que, à terme, en cas d’absence d’accord, le Royaume-Uni ne paiera pas plus à l’UE le prix de sa sortie sans accord que l’Allemagne, à partir de 1931, n’a continué à payer sa dette de guerre aux Alliés !

    Une Europe sans avenir

    L’Europe n’a plus d’avenir. La Grande-Bretagne en sort, l’Allemagne en a tiré grand profit et chacun des pays membres cherche à y défendre ses seuls intérêts. Seuls s’efforcent d’y croire encore nos dirigeants français et nos « élites » hexagonales, qui ont puissamment contribué, au fil des décennies, à l’édifier comme un système jacobin à leur manière. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? En dehors des prébendes assurées et des contraintes insupportables qui empêchent toute politique d’intérêt national.     

    Yves Morel
    Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de la Nouvelle Revue universelle 
  • Livres & Voyages • Un regard implacable sur l'Orient, préface de Péroncel-Hugoz à « Terres saintes et profanes » de Jean

    L'image de la « Fuite en Égypte » est toujours actuelle chez les bédouins de Jordanie.

     

    Par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz

    Notre confrère nous a signalé cette préface qu'il a écrite pour la réédition de Terres saintes et profanes, un très ancien ouvrage de Jean Raspail, afin que les lecteurs de Lafautearousseau aient le privilège de la lire. Mille mercis ! Ce texte est superbe, fourmille de remarques érudites et sages. A l'approche de Noël, cette pérégrination en Terre Sainte et alentours est comme un cadeau de fête.  LFAR   

     

    enclave - Copie 6.jpgEn 1959, jeune moustachu déjà un peu entré dans la force de l'âge, Jean Raspail, écrivain itinérant et sportif, visita au rythme du cheval, en tout cas à l'allure civilisée des voyages d'antan, à la Montaigne, les quatre principales entités formant le Levant, cet Orient asiatique, proche de nous si ce n'est toujours par l'esprit, du moins par la géographie : Liban, Jordanie, Palestine, Israël.

    Le récit issu de cet itinéraire d'apparence classique, destiné d'abord aux auditeurs de Connaissance du Monde, parut en 1960 sous le titre Terres saintes et profa­nes et fut bien accueilli, notamment parmi les amateurs de la « touche Raspail », à la fois virile et littéraire, touche qui avait commencé à se former autour de 1950, lors d’une expédition en canoë, assez risquée, de Québec à la Nouvelle-Orléans, bref 5 000 km aquatiques sur les traces oubliées des explorateurs français de l'Amérindie intérieure.

    La décennie 1950 vit encore cette plume juvénile aller s'aguerrir un peu plus tout au long de la périlleuse liaison automobile Alaska-Patagonie, cette Terre-de-Feu où l'auteur ressusciterait plus tard la chevaleresque figure d'un Français du Périgord qui, vers 1850, voulut être roi des Araucans et des Patagons, pour les sauver d'un géno­cide ; puis Raspail se lança sur les vieilles pistes impériales des Incas, jusqu'au lac Titicaca, à 4 000 mètres d'alti­tude, avant d'aller passer un an, moins aventureusement, encore que..., au sein de la pudique société japonaise, vaincue par les Yanquis mais résistant sourdement, autour du Mikado, par miracle sauvegardé, à une dessé­chante américanisation.

    Druzes contre maronites

    C'est fort de ce joli bagage accumulé loin des sentiers faciles que Jean Raspail aborda ensuite, pour la première fois de sa vie, aux rivages levantins, une terre familière aux Français depuis les Croisades et alors fraîchement marquée par un débarquement états-unien venu, en 1958, pendant que la France était accaparée en Algérie, mettre un terme, hélas ! provisoire, aux tueries de chré­tiens par des musulmans sur les mêmes pentes bi-confessionnelles du Mont-Liban, où Napoléon III, en 1860, avait dépêché ses soldats pour y soustraire déjà aux poignards druzes les maronites survivants, nos alliés sans faille depuis le séjour in situ de Saint Louis. Et après, on nous dira que « l'Histoire ne se répète pas... »

    D'emblée, en Terre sainte, au rocailleux pays natal de Jésus, Jean Raspail ne nous cache pas que, du moins à cette époque de sa vie, sa religion est « tiède », un adjectif qui va loin quand on sait le peu de bien que le Messie pensa des « tièdes », justement... Au moins, nous sommes prévenus : pas de lyrisme mystique mais du parler direct, parfois cru. Ainsi, parmi les Arabes palestiniens qui vivent en 1959 dans une Jérusalem alors d'obédience jordanienne, mais qui passera en 1967 sous une occupa­tion israélienne qui dure encore un demi-siècle plus tard, notre pèlerin laïque pressent « une foule qui nous hait », expression que le futur président Trump reprendra à sa façon en 2016 pour l'ensemble des musulmans face aux Occidentaux...

    L'écrivain voyageur de 1959 n'en ménage pas pour autant ses propres coreligionnaires de diverses Églises qui, sans vergogne, se chamaillent, parfois violemment, sur le site même du Saint-Sépulcre, où Jean Raspail voue carrément aux gémonies les rapaces gardiens franciscains, qu'il va jusqu'à souhaiter voir remplacés par des « portil­lons automatiques », comme en disposait alors le métro parisien...

    L'ombre de Benoist-Méchin

    Dans le « petit désert qui entoure la mer Morte », en­tre Jérusalem et Amman, notre visiteur peu dévot re­trouve sa sérénité, étant subjugué par « ces sables bibliques où on se sent écrasé d'un poids qu'aucun désert au monde ne pourra jamais peser ». Un autre visiteur laïc de choc, Benoist-Méchin, avait éprouvé en ces lieux une similaire impression. Chez Raspail, c'est déjà presque, parfois, les évocations empreintes de mysticisme et de mystère dont il imprégnera ce qui sera plus tard sans doute son récit le plus profondément « religieux », L'Anneau du Pêcheur (1995), sur la succession clandestine supposée, poursui­vie jusqu'au XXe siècle, des papes d'Avignon...

    À l'étape suivante, le Liban (dans la Syrie voisine, ap­partenant alors à l'agressive « République arabe unie » du dictateur égyptien Nasser, Raspail, après un essai, renon­ça à séjourner sous ce régime « xénophobe et franco­phobe », et il élimina donc Damas de son carnet de voyages), notre homme retrouve sa dent dure pour décrire « le caractère souple et fuyant du Libanais que tant d'occupations étrangères ont modelé ». La compas­sion qui reste au fond du cœur malgré tout chrétien du voyageur, refait son apparition dans la Qadicha, gorge profonde de la montagne où vécurent cachés pendant des siècles les chrétiens maronites persécutés par des musulmans.

    Au palais des Mille et une nuits de Beïteddine, dans le massif du Chouf surplombant Beyrouth, l'architecture et l'art de vivre arabes touchent notre Occidental de pas­sage, « malgré les portraits de Nasser qui offensent les façades... » Raspail sait voir et faire voir. Au gigantesque temple antique de Baalbek, dans l'intérieur du Liban, il rappelle ce fait du XIXe siècle, occulté, et pour cause, par la suite, et qui consista en la destruction, heureusement inachevée, à coups d'explosifs de ce monument insigne, à l'initiative de « certains émirs arabes », par pure détestation de ces vestiges du paganisme, exactement comme, à notre époque, certains autres émirs ou chefs de bande mahométans détruisirent les Bouddhas de Banyan en Afghanistan ou les colonnades de Palmyre, en Syrie, redressées durant le Mandat français vers 1930... Bis repetita non placent..

    Amman ci-devant Philadelphie

    Même si Jean Raspail, arrivant au Royaume haché­mite de Jordanie, commence par poser que cet État « n'existe pas » (depuis lors, la fragile monarchie installée par les Anglais s'est imposée à son environnement géographique), c'est pourtant sur cette terre antique glorieuse (Amman s'appela d'abord Philadelphie), déchiquetée ensuite par l'Histoire, que notre auteur écrit ses pages sans doute les plus bienveillantes sur le Proche-Orient. Et cela, en partie grâce à l'accueil plus que courtois que lui réserve le « petit roi » local, Husseïn I", authentique gentilhomme arabe, descendant de Mahomet, frotté d’esprit militaire anglo-saxon (Glubb-Pacha, mythique clef britannique de l'héroïque Légion arabe n'est pas encore très loin), authentique protecteur de ses sujets chrétiens [1], et toujours amical également pour les Français.

    Parmi les documents photographiques de l'ouvrage, il convient de mentionner les clichés dus à Madame Jean Raspail, qui accompagnait son époux durant ce périple oriental ; les portraits, par exemple de Sa Majesté hachémite, en uniforme ou en civil. La plupart des autres illustrations de l'ouvrage ont, après cinq ou six décen­nies, comme les textes, acquis également une valeur, une épaisseur historiques que, par définition, elles ne pou­vaient avoir lors de leur réalisation en 1959. Entre autres photos devenues de véritables documents, on citera les vertigineuses ravines conduisant au château croisé de Beaufort, au Liban sud ; les gros plans sur Capharnaüm ou Baalbek ; le champ des Trente-Deniers de Judas ; les villages des premiers colons israélites édifiés à la place des bourgs palestiniens détruits, etc.

    Cet itinéraire raspailien se termine donc en Israël, en­core dans ses frontières de 1948, bientôt dilatées par les prises de guerre du conflit de Six-Jours, en 1967. Dans l'État hébreu, Raspail commence par noter que les Israé­liens sont « peu enclins à l'humour » (sauf sans doute à l’« humour juif» mais il est généralement à usage in­terne...), peut-être à cause de la précarité de leur cons­truction étatique qui « n'est qu'une tête de pont sur le rivage arabe ».

    Constat qui rend notre impitoyable observateur un peu devin et lui fait prévoir « une prochaine et prévisible guerre israélo-arabe ». Une et même deux : la guerre de Six-Jours, en 1967 ; la guerre du Kippour (ou d'Octobre) en 1973.

    Le dernier mot de Terres saintes et profanes sonne un peu comme un glas, car nous dit Jean Raspail, « il n'y a plus de place en ce monde pour une deuxième Terre promise ». Donc les conflits inutiles vont continuer, ce que la plupart des diplomates et militaires occidentaux savent, mais n'avoueraient à aucun prix, le « déni de réalité » étant devenu la conduite ordinaire de l'ex « Monde libre ». On est en somme déjà là dans le ton du Camp des Saints, livre à venir, en 1973, et où les anten­nes propres à l'écrivain atteindront le niveau d'une pro­phétie à l'échelle du Vieux Continent. Une Europe fatiguée, brocardée, s'autodénigrant et à tous égards incapable de se défendre, démographiquement et militai­rement, contre une vague migratoire sans cesse renouve­lée et rien moins que pacifique...

    Il n'y a pas de contradiction d'un bout à l'autre de l'œuvre de Jean Raspail. Tout s'y relie, tout s'y tient.  

    [1]  Cette heureuse et rare tradition au Proche-Orient perdure sous l'actuel roi Abdallah II de Jordanie, fils et successeur d'Hussein Ier, et elle contraste avec les persécutions dont les chrétiens restent victimes en Égypte, Irak, Syrie, etc.

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    Terres saintes et profanes de Jean Raspail, préface de Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Via romana, 2017, 141 pages, 19 €

  • Prince chrétien et laïcité, par Philippe Germain.

    Nous connais­sons main­te­nant les pen­sées du Prince sur l’immigration, l’Islamisation et la France chré­tienne. Il nous faut main­te­nant connaitre sa vision de la laï­ci­té, ce mot incon­nu des autres langues.

    philippe germain.jpg« Sans doute faut-il rap­pe­ler, en pré­am­bule, que la laï­ci­té a fait par­tie du bagage chré­tien dès l’o­ri­gine du chris­tia­nisme. « Ren­dez à César ce qui appar­tient à César, à Dieu ce qui appar­tient à Dieu » : la réponse du Christ aux Pha­ri­siens, qui figure dans les Évan­giles, a tou­jours réglé les rap­ports entre I ‘Église et I ‘État dans le monde chré­tien. Les deux pou­voirs sont dis­tincts. Cela me semble sain : d’un côté le tem­po­rel, de l’autre, le spi­ri­tuel. Il y a d’ailleurs eu des conflits, par­fois vio­lents, entre le royaume de France et la papau­té, I ‘un ten­tant d’im­po­ser à I ‘autre sa volon­té. On se sou­vient encore de la que­relle oppo­sant, à la fin du XIIIe siècle, le pape Boni­face VIII à Phi­lippe le Bel, qui se déclare « empe­reur en son propre royaume ». La Prag­ma­tique Sanc­tion de Bourges pro­mul­guée par Charles VII en 1438 puis le Concor­dat de 1516 confirment le gal­li­ca­nisme royal. En 1682, la Décla­ra­tion des quatre articles rédi­gés par Bos­suet pro­clame l’in­dé­pen­dance du roi « dans les choses tem­po­relles ». Mais ne nous mépre­nons pas ! Cette dis­tinc­tion ne signi­fie pas que le roi ignore l’en­sei­gne­ment de l’É­glise. Au contraire, le sou­ve­rain se com­porte en roi « très chré­tien » : il ne s’a­git pas de renier la foi, mais seule­ment d’af­fir­mer son auto­ri­té sur la conduite des affaires du pays.

    Tout autre est le pro­jet de la III° Répu­blique. Jules Fer­ry dit vou­loir « orga­ni­ser I ‘huma­ni­té sans roi et sans Dieu » … C’est dans ce contexte de pas­sions qu’est votée la loi de sépa­ra­tion des Églises et de l’E­tat. Nous sommes bien loin de la laï­ci­té telle que la conce­vaient l’É­glise et les rois de France : il s’a­git d’une laï­ci­té de com­bat, d’une idéo­lo­gie qui, dans ses ultimes déve­lop­pe­ments, inter­dit l’ex­pres­sion publique de la foi. …Et je déplore que res­sur­gisse pério­di­que­ment une laï­ci­té éton­nam­ment agres­sive dont les croyants, en géné­ral, et les chré­tiens, en par­ti­cu­lier, conti­nuent de souffrir ».

    Et, ose­rions nous dire, le prince nous semble faire de l’empirisme orga­ni­sa­teur en uti­li­sant l’Histoire de France, comme un réser­voir d’expériences pour ser­vir le pré­sent. Citons-le lon­gue­ment sur ce qu’il nomme sa « laï­ci­té pragmatique ».

    « Hen­ri IV reste dans la mémoire des Fran­çais comme I ‘homme de la récon­ci­lia­tion. L’É­tat se fait le garant de la paix civile en don­nant aux pro­tes­tants la pos­si­bi­li­té de pra­ti­quer leur culte, pour­vu qu’ils res­pectent les termes de l’é­dit. C’est donc un édit de paci­fi­ca­tion et de tolé­rance qui orga­nise les rela­tions entre I ‘Etat, les catho­liques et les pro­tes­tants dans I ‘inté­rêt du pays. Ce texte peut donc être consi­dé­ré comme l’une des sources de notre laï­ci­té « pragmatique ».

    « Est-ce encore pos­sible aujourd’­hui ? Il existe désor­mais en France de nom­breuses com­mu­nau­tés étran­gères ou d’o­ri­gine étran­gère qui ne font pas la dis­tinc­tion entre le tem­po­rel et le spi­ri­tuel. Nous n’a­vons pas non plus, chré­tiens, juifs et musul­mans, la même concep­tion de la loi. C’est une dif­fi­cul­té qu’il ne faut pas se dis­si­mu­ler si nous vou­lons conju­rer le risque de frag­men­ta­tion du pays. Je ne peux pas me rési­gner à I ‘idée que la France ne soit rien d’autre qu’une jux­ta­po­si­tion de com­mu­nau­tés. Com­ment l’é­vi­ter ? La laï­ci­té de l’É­tat, que je dis­tin­gue­rai d’un laï­cisme idéo­lo­gique et bel­li­queux, est une pre­mière réponse. En garan­tis­sant la liber­té des cultes, elle appelle toutes les confes­sions à faire preuve de res­pon­sa­bi­li­té en tra­vaillant dans I ‘inté­rêt géné­ral et pour le bien com­mun – ce qui leur inter­dit de ver­ser dans I ‘excès. Il est du devoir des pou­voirs publics de s’op­po­ser à toute forme de vio­lence uti­li­sée pour impo­ser auto­ri­tai­re­ment ses idées ou ses convic­tions religieuses.

    « Pour autant, je ne crois pas qu’il suf­fise d’af­fir­mer la laï­ci­té de l’É­tat pour don­ner à cha­cun I ‘envie de par­ti­ci­per à I ‘aven­ture natio­nale, quelle que soit son ori­gine. Là encore, il revient aux chré­tiens de mon­trer l’exemple. La France doit être fidèle aux pro­messes de son bap­tême pour être res­pec­tée dans le monde et par tous ceux qui sont venus y vivre. Si nous déni­grons notre his­toire, si nous renions notre voca­tion, si nous n’é­prou­vons pas la fier­té d’être Fran­çais, pour­quoi des étran­gers adop­te­raient-ils nos lois et nos cou­tumes ? Com­ment leur faire aimer la France si nous ne I ‘aimons plus nous-mêmes ? »

    Certes ce n’est pas un pro­gramme. La Monar­chie n’est pas un par­ti. Ceci rap­pe­lé, cela res­semble bigre­ment à des orien­ta­tions poli­tiques pour une nou­velle « aven­ture natio­nale ». Alors oui, plein d’espérance, lais­sons-nous aller avec Ber­na­nos consi­dé­rant qu’un roi, c’est « un homme à che­val qui n’a pas peur ». Même si cette belle défi­ni­tion du vieux came­lot du roi, n’est pas le tra­cé du qua­dri­la­tère maur­ras­sien, nous la fai­sons notre.

    La France est devant une alter­na­tive ; laquelle ?

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

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    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série « L’Islam enne­mi n° 1 bis », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immigration-islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Islamisme et République, les deux ennemis de la France, par Phi­lippe Schneider.

    L’ÉDITORIAL de la Lor­raine Royaliste

    Dans le numé­ro 3700 du remar­quable heb­do­ma­daire « La France Catho­lique » (1), j’ai –entre autres – rele­vé un article de Fré­dé­ric Guillaud inti­tu­lé : La Répu­blique, l’Islam et Hegel… Il s’interroge sur les réac­tions après les der­niers atten­tats (déca­pi­ta­tion du pro­fes­seur Paty et tue­rie dans une église à Nice) en redou­tant la sur­ve­nue d’autres…

    Ces ter­ro­ristes atta­quaient la France non la répu­blique qui n’est « qu’une somme de droits for­mels et de prin­cipes abs­traits ». Elle n’est que néga­tions : « Son seul sacré, écrit-il, la désa­cra­li­sa­tion. Son seul conte­nu : l’ironie à l’égard de tout conte­nu. La Répu­blique n’a ain­si qu’un pro­gramme à offrir pour nour­rir l’âme et pour com­battre l’ennemi : le vide ». Il rap­pelle ensuite qu’il y a une res­sem­blance éton­nante entre l’islamisme et la nais­sance de la répu­blique : fana­tisme, déca­pi­ta­tions, des­truc­tions des œuvres du pas­sé, du patri­moine his­to­rique… Il conclut son article en écri­vant : « Le deux grands cultes ido­lâ­triques de notre temps – l’islamisme d’un côté et l’égalitarisme abso­lu de l’autre – sont incom­pa­tibles avec la nature des choses et sté­ri­lisent la vie spi­ri­tuelle et morale. Il est donc par­fai­te­ment absurde de sau­ter sur sa chaise en répé­tant que la Répu­blique est le rem­part contre l’Islam : la Répu­blique n’a rien à oppo­ser de concret aux fana­tiques musul­mans. Après avoir fait le vide chez nous et fait de notre pays un ter­rain vague, elle leur pro­pose de faire le vide chez eux. Mais la nature a hor­reur du vide. Le seul rem­part, c’et la France. »

    Tout ceci est très juste mais qui parle encore de la France aujourd’hui chez nos diri­geants ? Ils n’ont que le mot « répu­blique » en tête ou « valeurs répu­bli­caines » ( ?) qu’ils se gardent de défi­nir et pour cause car elles n’existent pas ! Les seules « valeurs » que pré­co­nisent nos gou­ver­nants semblent être que la volon­té de détruire la France en déni­grant son his­toire, sa culture, sa langue… Elle n’est pour eux qu’une région qui doit se fondre dans une Europe supra natio­nale voire dans un mag­ma mondial.

    Quelle réponse au dan­ger ter­ro­riste ? Le gou­ver­ne­ment va faire une loi non contre l’islamisme, ou le sépa­ra­tisme (mot ne vou­lant pas dire grand-chose !) mais loi « confor­tant les prin­cipes répu­bli­cains » ( ?). Pour défi­nir cet inti­tu­lé, on hésite entre « risible », « stu­pide » ou « affli­geant ». Je pren­drai plu­tôt le der­nier pour dési­gner ceux qui ont trou­vé cette nomi­na­tion… Nous voyons bien là le « vide » de leur pen­sée ! Dans cette loi, il n’y a rien de sérieux pour com­battre le ter­ro­risme isla­mique, le seul auquel nous sommes confron­tés aujourd’hui. Rien sur l’immigration en par­ti­cu­lier. Il est amu­sant de consta­ter que nos diri­geants, géné­ra­le­ment athées, rai­sonnent sur l’Islam avec un prisme catho­lique : Ils consi­dèrent l’Islam comme une reli­gion à l’image du Catho­li­cisme. Ain­si ils ne veulent pas voir qu’il n’y a pas chez eux de sépa­ra­tion entre le reli­gieux et le poli­tique, l’Islam étant avant tout une loi civile, une manière de vivre, devant s’imposer à tous. Par ailleurs, ils oublient qu’il n’y a pas de « cler­gé » dans la reli­gion musul­mane (sauf chez le chiites), pas de hié­rar­chie, qu’un Imam peut-être « auto­pro­cla­mé » et que celui qui aurait reçu une for­ma­tion n’est pas « supé­rieur » à un autre qui ne l’est pas… Il n’y a pas de contrôle pos­sible à moins de créer une sorte d’Islam fran­çais diri­gé par l’Etat, ce serait stu­pide et d’ailleurs non sui­vi – à juste rai­son – par les musul­mans français.

    La seule pos­si­bi­li­té d’éviter au maxi­mum le « sépa­ra­tisme » serait déjà (à défaut d’en conver­tir le maxi­mum au catho­li­cisme, ce qui serait l’idéal et, heu­reu­se­ment, beau­coup d’organisations catho­liques s’y emploient par le dia­logue comme les mis­sion­naires de la misé­ri­corde divine) serait de leur faire aimer la France, toute la France avec son his­toire, sa culture. Mais c’est l’inverse que nos gou­ver­nants avec l’Éducation dite natio­nale font. Et, hélas, le pré­sident montre le mau­vais exemple avec ses déclarations.

    Si cette loi échoue­ra dans son objec­tif avoué, elle risque de réus­sir dans son véri­table objec­tif qui est de réduire encore les liber­tés des Fran­çais. C’est en par­ti­cu­lier affi­ché dans la volon­té de sup­pri­mer la liber­té des parents de don­ner un ensei­gne­ment chez eux. Certes, notre gou­ver­ne­ment dit qu’en Alle­magne, c’est déjà le cas, oubliant de signa­ler qu’il s’agit chez eux d’une loi de 1938… Macron serait-il un admi­ra­teur du dic­ta­teur qui y sévis­sait  à ce moment là ? Il est pro­bable que ce n’est qu’un pré­lude, si on le laisse faire, à la sup­pres­sion des écoles libres hors contrat…

    Dans son très bon livre (La France a besoin d’un Roi) que nous évo­quons dans ce numé­ro, le père Michel Viot écrit fort jus­te­ment : « La royau­té héré­di­taire est fon­dée sur le res­pect des règles fami­liales et donc sur le res­pect total de sa struc­ture fon­da­trice : la famille. Y tou­cher pour la défi­gu­rer ou la tra­ves­tir, c’est faus­ser le sys­tème poli­tique lui-même sur qui devrait repo­ser la France. N’oublions jamais que tous les régimes tota­li­taires, aus­si bien que ceux qui ont vou­lu por­ter atteinte aux liber­tés fon­da­men­tales de l’individu, se sont tou­jours ingé­niés à cor­rompre la famille, et à lui prendre ses enfants le plus tôt pos­sible pour les for­ma­ter à son idéo­lo­gie. En France, le roi ne peut être roi que parce qu’il est le chef d’une famille. C’est ain­si qu’il pou­vait appa­raître comme étant aus­si le père de ses sujets…. »

    Tout est dit et notre gou­ver­ne­ment pour­suit bien la poli­tique répu­bli­caine de des­truc­tion des struc­tures même de notre pays et d’abord de la famille.  Il faut pour eux que les indi­vi­dus soient dés­in­car­nés, seuls, inter­chan­geables, faci­le­ment mani­pu­lables par les groupes éco­no­miques et finan­ciers pour leurs plus grands pro­fits. Il faut abso­lu­ment empê­cher les hommes de s’organiser libre­ment. Le même but est pour­sui­vi par toutes les direc­tives concer­nant offi­ciel­le­ment la lutte contre le « COVID 19 » sans comp­ter l’ambigüe loi sur la sécu­ri­té et  les dis­crets décrets  du 4 décembre auto­ri­sant de ficher les Fran­çais selon leur « opi­nions poli­tiques, reli­gieuses ou appar­te­nances syn­di­cales ». C’est la dic­ta­ture répu­bli­caine « en marche » !

    Il est temps que les Fran­çais se rendent compte que ce régime détruit nos liber­tés en même temps que notre pays et que seul notre Roi pour­rait nous sau­ver. Tous nos lec­teurs, tous nos amis doivent par­ti­ci­per acti­ve­ment à ce com­bat de salut public. Il n’y a pas d’espoir dans une « bonne élec­tion » républicaine !

    • 21 rue de Varize, 75016, Paris

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Retour de bâton Afghanistan : cet accord « secret » avec les Talibans que les Occidentaux risquent de payer très très ch

    Les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion. Des promesses qui dureront le temps de leurs intérêts.

    5.jpgAtlantico :  Professeur Yves Roucaute, vous avez été le seul intellectuel au monde invité pour fêter la victoire contre les talibans, à Kaboul, en novembre 2001, et vous aviez noué des relations d’amitié avec Ahmed Chah Massoud dans les combats en Afghanistan, quel regard portez-vous, en philosophe et en spécialiste des questions internationales, sur la situation actuelle ? 

    Yves Roucaute : 20 ans après avoir célébré la victoire contre les talibans, je ne sais si j’aurais un jour l’occasion de retourner de mon vivant à Saricha pour me recueillir et prier sur la tombe de celui qui reste vivant dans mon cœur, le commandant Massoud. En raison de l’accord passé, et en partie secret, entre les équipes de Joe Biden et les talibans, je crains hélas ! que le pire ne soit devant nous. Le pire non seulement pour les Afghans mais aussi pour ceux qui ont cru pouvoir sceller la paix au prix d’un sacrifice de cette partie de la population qui croit aux droits individuels et au pluralisme démocratique et qui va subir les foudres d’un État totalitaire.Ces Daladier et Chamberlain qui pullulent dans les démocraties, et qui se félicitent de pouvoir sauver la paix, comme hier à Munich, sont la honte des démocraties ! 

    Avant d’en venir aux conséquences pour les Afghans et pour nous de cette défaite, j’entends bien certains tenter de justifier leur poltronnerie en évoquant la corruption des gouvernements successif, leur incapacité, leurs divisions, leurs double-jeux, leurs complicités avec les talibans … Cela est vrai. Mais que penser de la façon dont les gouvernements occidentaux ont largement contribué à tout cela, ignorant même la base : la particularité de la vie afghane, ces maillages locaux, ces groupes de solidarité (« qawm ») locaux et régionaux propres aux tribus, clans, réseaux de villes des vallées, groupes religieux... Une ignorance des nécessités d’analyse concrète dans laquelle les États-Unis excellent ici, comme en Irak ou au Liban. Allant jusqu’à légitimer les talibans, jusqu’à négocier avec eux, comme s’ils étaient une composante de la société afghane semblable à toute autre, brisant le ciment idéologique fragile qui tenait les composantes anti-talibanes, poussant aux pactisations et préparant les défections.  

    Les Américains ignoraient même le nationalisme pachtoune parce qu’ils en ignoraient l’histoire pachtoune, la principe ethnie afghane. Ainsi, qu’est-ce que l’empire Durrani des Pachtounes pour les « experts » américains ? Rien. Alors qu’il fut le plus grand empire musulman durant le XVIIIème siècle, allant du Cachemire au nord-est de l’Iran, dominant le Pakistan et une grande partie des pays du Caucase. Alors qu’il est l’une des clefs du nationalisme sur lequel s’appuie les totalitaires talibans, alors qu’il est l’une des clefs des solidarités nouées avec eux par les trois États du Pakistan qui bordent l’Afghanistan et qui élisent, oui élisent, des talibans. Ils ignoraient même l’histoire plus proche, qui est faite d’instabilités dues aux difficultés de trouver de subtils équilibres entre les groupes de solidarité, tribaux, claniques, religieux, locaux… sinon entre la moralité, la démocratie et la culture du pavot…

    Ils ignoraient aussi les différences entre talibans, notamment la puissance des courants les plus extrémistes, qui ont même, pour certains, refusé les accords acceptés par les talibans « modérés ». Ainsi, ont été présents aux médias, les talibans les plus présentables qui ne sont pas nécessairement les plus influents, pour vendre la résignation à l’opinion.

    Quelles sont les conséquences pour les Afghans ? 

    Il n’est pas un seul moment et acte de la vie sur lesquels les talibans n’aient, prétendument au nom du Coran, un avis, avec interdits et obligations. Et je ne vois aucune raison pour qu’ils abandonnent leur vision totalitaire du monde même s’ils ont abandonné la perception djihadiste du mollah Mohammad Omar qui avait accepté Al-Qaida. 

    Ils ont promis qu’il n’y aurait pas d’exactions. Il y en a moins, c’est vrai, que lors de leur précédente prise de pouvoir, mais qui a la naïveté de les croire ? Je me souviens qu’arrivé à Kaboul 26 novembre 2001, je vis les immenses poternes dressées où les talibans pendaient sans discontinuer les infidèles et les opposants, catégories indifférenciées… j’ai survolé les puits empoisonnés par les Talibans pour tuer les habitants du Panchir, les toits des maisons soufflés, les charniers, les survivants des tortures et des viols… 

    Demain, ils iront massacrer ceux qui leur résistent, jusque dans le Pandshir, avec des armes autrement plus redoutables que celles qu’ils possédaient en 2001. Déjà, tous ceux qui ont eu des relations avec la coalition sont aujourd’hui répertoriés. Enfants inclus. Doit-on supposer que c’est pour une distribution de jouets ? Dans les zones occupées, ils présentent deux visages. D’une part, comme dans l’Ouest, un visage modéré, laissant partir certains hauts fonctionnaires. D’autre part, dans les régions du Sud-Ouest et de l’Est, où ils sont traditionnellement plus influents, coups de fouets mutilants, membres coupés, pendaisons, lapidations sont de retour. 

    Chacun songe à la situation des femmes dont quelques-unes ont, avec un courage inouï, manifesté ce 16 août à Kaboul pour réclamer leur droit d’étudier, de travailler, de voter, d’être élues. Lors des conférences de Moscou (mars 2021) et de Doha de juillet, selon le porte-parole des talibans, Suhail Shareen, les femmes auraient « seulement » l’obligation de porter un hijab (voile) pour couvrir, corps, tête et épaules « impudiques ». Obligation, sous peine de flagellation publique et de mise sous tutelle. Faut-il le croire ? Oui, le hijab est obligatoire mais déjà la burqa est « conseillée » dans toutes les régions occupées par les talibans et elle est évidemment portée, les sanctions tombent ne sont pas loin. Le même porte-parole a indiqué que les talibans n’interdiraient plus aux jeunes filles d’aller à l’école. Faut-il le croire ? Je me souviens lors de la libération de Kaboul de cette école de jeunes filles, par ailleurs financée par la France, puante et remplie de produits chimiques, transformée en dortoir pour talibans. Aujourd’hui, déjà, il est conseillé aux femmes de rester chez elles, de sortir avec l’agrément d’un parrain (mahram) et de préparer leurs filles à une vie de future mère, soumise à son mari. Ce qui sera enseigné dans les écoles autorisées à ouvrir à celles qui seront autorisées à y aller ? Ce que les talibans décideront. Pour faire risette aux Tartuffe d’Occident, une filière universitaire en éducation morale sera-t-elle créée ?

     

    Que sait-on de l’accord entre talibans et occidentaux ? Dans quelle mesure a-t-il eu un impact décisif sur la prise de Kaboul et le départ des occidentaux via l’aéroport de la ville ?

    Pour aller vite, disons que d’un côté, les talibans ont promis d’être plus tolérants qu’avant, en particulier envers les femmes et leurs opposants, de ne pas servir de refuge aux djihadistes, de préférer la coopération à la subversion et de laisser partir les ressortissants étrangers et ceux qui travaillaient pour eux. En contrepartie, ils exigent coopération économique, reconnaissance internationale et armements.

    Les armements sont la clef. Ils sont aussi la marque du cynisme répugnant accepté par l’administration de Joe Biden. Ce qui fut au centre des accords cachés, c’est en particulier la fourniture des avions sophistiqués donnés au gouvernement précédent par les Américains.  

    Car l’administration Biden sait que ces avions vont permettre d’exterminer l’opposition militaire, en particulier celle des Hazara et des Tadjiks restés fidèles à l’esprit de Massoud et conduits notamment par son fils, le courageux Ahmad Massoud. 

    Comment résister à une telle puissance de traque et de feu ? Ahmed Massoud, son père, n’avait en face de lui que des armements archaïques qui n’avaient rien à voir avec ceux-ci. Son fils appelle à l’aide. Il la faut. Mais le défi est phénoménal. Et il le sait. 

    On a vendu nos amis pour un plat de lentilles car avec une présence militaire plus intense, qui peut sérieusement penser que l’on ne serait pas venu à bout de 60 000 talibans ? Ou, si l’on voulait seulement fuir, que l’on n’aurait pu organiser cette fuite avec une intervention militaire tranchante comme la liberté ? 

    Paradoxalement, je sais qu’il a actuellement mauvaise presse, mais la vérité consiste aussi à dire que la France fut, de toutes les démocraties, celle qui a le moins à se reprocher.  Ce qui ne signifie pas qu’elle soit au-dessus de tout reproche. Emmanuel Macron a eu le courage d’envoyer deux avions militaires pour sauver, dans cette débâcle, non seulement des Français mais aussi ces fidèles Afghans qui ont si bien servi la France. Oui, la France fut le seul pays démocratique à le faire avec les États-Unis. Il a évité la honte de la guerre d’Algérie, où furent livrés à la haine et à la mort les harkis, à l’exception de 45 000 d’entre eux. 

    Qu’en Europe, nul autre ne l’ait suivi, est symptomatique de la débandade idéologique de l’occident. Le pompon revenant au Canada, donneur de leçons toutes catégories, qui n’a pas même envoyé un seul avion mais, qui a généreusement proposé un millier de visas aux Afghans, sous condition : qu’ils soient d’abord réservés au LGBT, en insistant sur les transgenres. On imagine le tollé si un gouvernement avait exigé la priorité pour les hétérosexuels ! Je me suis toujours battu pour le droit des homosexuels mais au nom d’un droit égal pour tous, de la non-discrimination, de l’universalisme des valeurs, de tout ce qui faisait la puissance de séduction des démocraties et qui est jeté à l’eau. 

    Ce que je trouve d’ailleurs insensé, c’est le refus de la proposition russe d’envoyer des dizaines d’avions, de construire un pont aérien pour sauver ceux qui veulent fuir ce totalitarisme. Et cela alors que les talibans, peut-être intéressé au départ de leurs opposants, étaient d’accord ! Pour ma part, que m’importe la couleur du chat pourvu qu’il sauve des vies et préserve la liberté contre les rats. 


    L’alliance entre Joe Biden et Kamala Harris, sa vice-présidente, peut-il permettre d’expliquer en partie la position tenue par le président des Etats-Unis ?

    Oui, bien entendu, c’est la clef de la politique internationale américaine. Kamala Harris, comme nos écologistes et l’extrême-gauche est l’héritière du courant wilsonien pacifiste. Elle se dit féministe et parle des minorités opprimées, idées qu’elle a trouvé au supermarché de la démagogie américaine, mais elle préfère voir les femmes dans les fers, les minorités tadjik, ouzbeks, harrara…exterminées et plutôt que de soutenir une intervention militaire pour les protéger. C’est une moraliste en peau de lapin (rire). Joe Biden, en hériter du courant hamiltonien, en homme typique du Delaware, ne voit pas plus loin que le business américain et la balance commerciale. L’Afghanistan coûte plus qu’il ne rapporte, et son alliance avec Harris risquerait d’avoir du plomb dans l’aile, donc sacrifice humain. 

    Qu’il n’ait pas même eu un regret, un mot pour dire la souffrance de ceux qui croient aux valeurs universelles de liberté en Afghanistan en dit long sur sa moralité.

     

    A long terme, cet accord trouvé entre les talibans et les Occidentaux risque-t-il de se retourner contre ces derniers ? 

    Oui, où se torve la bulle promise ? J’aime beaucoup les Tartuffe qui essayent de se persuader du contraire.

    La victoire des talibans est un formidable soutien et un accélérateur de recrutement pour les groupes djihadistes dans le monde qui commençaient à péricliter après la défaite de l’État islamique, les divisons internes, les coups des démocraties. 

    Ensuite c’est un appui à la déstabilisation des États de la région. Trop loin de Washington peut-être et des campus occidentaux ? Certes, al Qaida et les talibans sont fâchés, mais le Pakistan, première puissance de la région, 210 millions d’habitants, déjà largement gangréné par l’islamisme radical, est fragilisé. A présent, le gouvernement d’Islamabad est menacé sur son propre territoire à partir de ses propres provinces de l’Est qui fêtent la victoire. Et le gouvernement indien a peur évidemment de ce que signifie cette déstabilisation rampante à ses portes.

    Le Tadjikistan qui sait que les Tadjiks d’Afghanistan vont être attaqués, s’arme pour protéger ses frontières. L’Ouzbékistan a peur lui aussi, comme ces 200 000 habitants de Termez qui vivent à la frontière, et il s’arme. En vérité, tout le Caucase est en effervescence. La lucidité.

    La Chine croit avoir un accord de non-agression ? Certes, elle l’a. Il durera le temps des intérêts talibans. Qui peut croire que l’Afghanistan refusera d’être un asile pour certains groupes djihadistes chinois alors qu’ils ont des connexions avec eux ? Les investissements chinois suffiront-ils ? Pas certain. Il en va de même pour la Russie qui paraît néanmoins ne croire qu’à demi aux promesses talibanes. 

    Quant aux démocraties occidentales, il n’existe pas de bulle protectrice dans un tel environnement. 

    Source : https://atlantico.fr/

  • Feuilleton : Chateaubriand, ”l'enchanteur” royaliste... (31)

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    Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
    Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

    (retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

    Aujourd'hui : la bataille de Waterloo, comme Chateaubriand l'a "entendue", de loin; et la seconde abdication de Napoléon...

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    "Quelle fut la bataille de Waterloo"...

     

    Chateaubriand est à Gand, auprès de Louis XVIII, durant les Cent Jours. Il se promène "sur la grande route"; il entend, au loin, l'écho d'une bataille : c'est Waterloo...

    Des Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, Livre XXIIIème,, chapitre XVI, pages 962/963/964 :

    "Le 18 juin 1815, vers midi, je sortis de Gand par la porte de Bruxelles; j'allais seul achever ma promenade sur la grande route. J'avais emporté les Commentaires de César et je cheminais lentement, plongé dans ma lecture. J'étais déjà à plus d'une lieue de la ville, lorsque je crus ouïr un roulement sourd : je m'arrêtai, regardai le ciel assez chargé de nuées, délibérant en moi-même si je continuerais d'aller en avant ou si je me rapprocherais de Gand dans la crainte d'un orage. Je prêtai l'oreille; je n'entendis plus que le cri d'une poule d'eau dans des joncs et le son d'une horloge de village.
    Je poursuivis ma route : je n'avais pas fait trente pas que le roulement recommença, tantôt bref, tantôt long et à intervalles inégaux; quelquefois, il n'était sensible que par une trépidation de l'air, laquelle se communiquait à la terre sur ces plaines immenses, tant il était éloigné. Ces détonations, moins vastes, moins onduleuses, moins liées ensemble que celles de la foudre, firent naître dans mon esprit l'idée d'un combat.
    Je me trouvais devant un peuplier planté à l'angle d'un champ de houblon. Je traversai le chemin et je m'appuyai debout contre le tronc de l'arbre, le visage tourné du côté de Bruxelles. Un vent de sud s'étant levé m'apporta plus distinctement le bruit de l'artillerie. Cette grande bataille, encore sans nom, dont j'écoutais les échos au pied d'un peuplier, et dont une horloge de village venait de sonner les funérailles inconnues, était la bataille de Waterloo !
    Auditeur silencieux et solitaire du formidable arrêt des destinées, j'aurais été moins ému si je m'étais trouvé dans la mêlée : le péril, le feu, la cohue de la mort ne m'eussent pas laissé le temps de méditer; mais seul sous un arbre, dans la campagne de Gand, comme le berger des troupeaux qui paissaient autour de moi, le poids des réflexions m'accablait.
    Quel était ce combat ? Était-il définitif ? Napoléon était-il là en personne ? Le monde, comme la robe du Christ, était-il jeté au sort ? Succès ou revers de l'une ou de l'autre armée, quelle serait la conséquence de l'évènement pour les peuples, liberté ou esclavage ?
    Mais quel sang coulait ! chaque bruit parvenu à mon oreille n'était-il pas le dernier soupir d'un français ? Était-ce un nouveau Crécy, un nouveau Poitiers, un nouvel Azincourt, dont allaient jouir les plus implacables ennemis de la France ? S'ils triomphaient, notre gloire n'était-elle pas perdue ? Si Napoléon l'emportait, que devenait notre liberté ? Bien qu'un succès de Napoléon m'ouvrît un exil éternel, la patrie l'emportait dans ce moment dans mon coeur; mes voeux étaient pour l'oppresseur de la France, s'il devait, en sauvant notre honneur, nous arracher à la domination étrangère.
    Wellington triomphait-il ? La légitimité rentrerait donc dans Paris derrière ces uniformes rouges qui venaient de reteindre leur pourpre au sang des Français ! La royauté aurait donc pour carrosses de son sacre les chariots d'ambulances remplis de nos grenadiers mutilés ! Que sera-ce d'une restauration accomplie sous de tels auspices ?...
    Ce n'est là qu'une bien petite partie des idées qui me tourmentaient. Chaque coup de canon me donnait une secousse et doublait le battement de mon coeur. À quelques lieues d'une catastrophe immense, je ne la voyais pas; je ne pouvais toucher le vaste monument funèbre croissant de minute en minute à Waterloo, comme du rivage de Boulaq, au bord du Nil, j'étendais vainement mes mains vers les Pyramides.
    Aucun voyageur ne paraissait, quelques femmes dans les champs, sarclant paisiblement des sillons de légumes, n'avaient pas l'air d'entendre le bruit que j'écoutais. Mais voici venir un courrier : je quitte le pied de mon arbre et je me place au milieu de la chaussée; j'arrête le courrier et l'interroge. Il appartenait au duc de Berry et venait d'Alost..."

     

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    Seconde abdication de Napoléon

     

    "...Le 19 juin cent coups de canon des Invalides avaient annoncé les succès de Ligny, de Charleroi, des Quatre-Bras; on célébrait des victoires mortes la veille à Waterloo. Le premier courrier qui transmit à Paris la nouvelle de cette défaite, une des plus grandes de l’histoire par ses résultats, fut Napoléon lui-même : il rentra dans les barrières la nuit du 21 : on eût dit de ses mânes revenant pour apprendre à ses amis qu’il n’était plus. Il descendit à l’Élysée-Bourbon : lorsqu’il arriva de l’île d’Elbe, il était descendu aux Tuileries; ces deux asiles, instinctivement choisis, révélaient le changement de sa destinée.

    Tombé à l’étranger dans un noble combat, Napoléon eut à supporter à Paris les assauts des avocats qui voulaient mettre à sac ses malheurs : il regrettait de n’avoir pas dissous la Chambre avant son départ pour l’armée; il s’est souvent aussi repenti de n’avoir pas fait fusiller Fouché et Talleyrand. Mais il est certain que Bonaparte, après Waterloo, s’interdit toute violence, soit qu’il obéît au calme habituel de son tempérament, soit qu’il fût dompté par la destinée; il ne dit plus comme avant sa première abdication : "On verra ce que c’est que la mort d’un grand homme." Cette verve était passée. Antipathique à la liberté, il songea à casser cette Chambre des représentants que présidait Lanjuinais, de citoyen devenu sénateur, de sénateur devenu pair, depuis redevenu citoyen, de citoyen allant redevenir pair...

    ...Bonaparte, prévoyant l’événement, vint au-devant de la sommation qu’on se préparait à lui faire; il abdiqua pour n’être pas contraint d’abdiquer : "Ma vie politique est finie, dit-il : je déclare mon fils, sous le nom de Napoléon II, empereur des Français." Inutile disposition, telle que celle de Charles X en faveur de Henri V : on ne donne des couronnes que lorsqu’on les possède, et les hommes cassent le testament de l’adversité. D’ailleurs l’empereur n’était pas plus sincère en descendant du trône une seconde fois qu’il ne l’avait été dans sa première retraite; aussi, lorsque les commissaires français allèrent apprendre au duc de Wellington que Napoléon avait abdiqué, il leur répondit : "Je le savais depuis un an."

    La Chambre des représentants, après quelques débats où Manuel prit la parole, accepta la nouvelle abdication de son souverain, mais vaguement et sans nommer de régence.

    Une commission exécutive est créée : le duc d’Otrante la préside; trois ministres, un conseiller d’État et un général de l’empereur la composent et dépouillent de nouveau leur maître : c’était Fouché, Caulaincourt, Carnot, Quinette et Grenier...

    ...Une députation de la Chambre des représentants étant venue le féliciter sur sa nouvelle abdication, il répondit : "Je vous remercie : je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France; mais je ne l’espère pas."

    Il se repentit bientôt après, lorsqu’il apprit que la Chambre des représentants avait nommé une commission de gouvernement composée de cinq membres. Il dit aux ministres : "Je n’ai point abdiqué en faveur d’un nouveau Directoire; j’ai abdiqué en faveur de mon fils : si on ne le proclame point, mon abdication est nulle et non avenue. Ce n’est point en se présentant devant les alliés l’oreille basse et le genou en terre que les Chambres les forceront à reconnaître l’indépendance nationale."...

    ...Des plénipotentiaires furent envoyés aux alliés. Napoléon requit le 29 juin deux frégates, stationnées à Rochefort, pour le transporter hors de France; en attendant il s’était retiré à la Malmaison...

    ...L’aide de camp Flahaut voulut soutenir le rapport du ministre de la guerre; Ney répliqua avec une nouvelle véhémence : "Je le répète, vous n’avez d’autre voie de salut que la négociation. Il faut que vous rappeliez les Bourbons. Quant à moi, je me retirerai aux États-Unis."

    À ces mots, Lavallette et Carnot accablèrent le maréchal de reproches; Ney leur répondit avec dédain : "Je ne suis pas de ces hommes pour qui leur intérêt est tout : que gagnerai-je au retour de Louis XVIII ? d’être fusillé pour crime de désertion ; mais je dois la vérité à mon pays."...

    Tandis que Bonaparte se retirait à la Malmaison avec l’Empire fini, nous, nous partions de Gand avec la monarchie recommençante. Pozzo, qui savait combien il s’agissait peu de la légitimité en haut lieu, se hâta d’écrire à Louis XVIII de partir et d’arriver vite, s’il voulait régner avant que la place fût prise : c’est à ce billet que Louis XVIII dut sa couronne en 1815. (Mémoires d'Outre-Tombe, Garnier, (Tome 4, Livre V)

  • GRANDS TEXTES (14) : Le regard vide, de Jean-François Mattéi (1/3).

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    Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI d’avoir écrit "Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne". 

    Il y dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.  

    Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.

     

    Le regard vide - Essai sur l'épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.

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    Le regard indigné (pages 135/136/137/138).

     

     

    Depuis Pic de La Mirandole et son De Dignitate homini oratio de 1486, on s’accorde à dire que la découverte majeure de l’esprit européen est celle de la dignité de l’homme. Et bien que Kant ait refusé de fonder la loi morale sur «la constitution particulière de la nature humaine » (1), pour éviter de dériver le droit du fait ou l’éthique de l’anthropologie, ce qui interdirait de formuler une législation universelle, la conception courante qui s’est imposée prétend que la dignité de l’homme serait due au seul fait qu’il est humain.

    C’est ce qu’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dans son article premier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Cet énoncé purement performatif, qui devrait avoir une valeur d’engagement pour ceux qui y souscrivent, ne justifie pourtant en rien le passage du fait – la naissance biologique - au droit – la dignité morale. La majorité des peuples et des cultures a d’ailleurs ignoré cette catégorie tardive de la dignité dans le domaine de leur conception de l’homme comme dans celui du traitement qui lui était imposé. A l’aube de la civilisation européenne, la Grèce n’avait retenu de la "dignité", hè axioma, que la considération due à des fonctions politiques  supérieures en raison des charges et des honneurs liées à leur juridiction. Il en allait de même des Romains qui n’évoquèrent jamais, dans la constitution de leur droit, la dignité de l’ensemble des êtres humains, réservant le terme de dignitas à l’importance d’une responsabilité élevée à laquelle le peuple accordait son estime.

    Il semble pourtant acquis que c’est la pensée européenne qui a introduit dans l’histoire l’idéal de dignité attaché à l’homme comme être raisonnable en le détachant des êtres de la nature. La question des origines et de la légitimité de la dignité ne s’en pose pas moins : devons-nous fonder le privilège de l’homme sur les animaux par la reconnaissance d’une dignité originelle qui serait une sorte d’axiome moral, ce qui est l’un des sens du mot axioma (« considération », « dignité », « axiome ») ? Ou bien devons-nous déduire ce caractère de la dignité d’une humanité première qui serait de son côté une sorte d’axiome anthropologique ?

    Je reviendrai plus longuement sur cette question de la dignité de l’âme dans le chapitre suivant. Pour l’instant, j’avancerai l’hypothèse que le concept de dignité, problématisé tardivement à la fin du XIVème siècle avant d’être approfondi par Kant trois siècles plus tard, n’a fait son apparition dans la pensée européenne, sous la forme du soin de l’âme et du souci de la cité, qu’à partir d’un sentiment naturel d’indignation devant les injustices des hommes.

     

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    D'où vient le concept de "dignité de l'homme", problématisé tardivement au XIVème siècle ? Il n'a fait "son apparition dans la pensée européenne... qu’à partir d’un sentiment naturel d’indignation devant les injustices des hommes... La condamnation de Socrate, l’homme le plus sage et le plus juste de son temps, suscita l’indignation de Platon au point de l’inciter à se tourner vers la philosophie"

    On le constate dans l’œuvre de Platon de façon exemplaire. La Lettre VII, adressée aux amis de Dion, le neveu de Denys, le tyran de Syracuse, révèle que la condamnation de Socrate, l’homme le plus sage et le plus juste de son temps, suscita l’indignation de Platon au point de l’inciter à se tourner vers la philosophie. Ce sentiment immédiat de révolte agit comme le révélateur de la véritable justice qui se voyait ainsi bafouée par un procès inique. Mais il présentait une caractéristique singulière qui le distinguait des autres affects, comme le montreront, pour la première fois à ma connaissance, Platon et Socrate lui-même, bien qu’ils soient différemment concernés par la mort du philosophe. L’affaire Socrate deviendra ainsi pour Platon ce que seront plus tard l’affaire Calas ou l’affaire du Chevalier de la Barre pour Voltaire. C’est ici la cigüe qui servira de critère pour séparer ce qui est susceptible d’indignation et ce qui ne l’est pas. A ce titre, la pensée européenne de la révolte trouve sa source, et sa légitimité, dans l’épisode de la mort de Socrate ou, de façon plus théorique, dans l’argumentation du Phédon. Dès lors, et pour compléter Camus en ce qui concerne la question de la culture européenne, sinon celle de la condition humaine en sa totalité, il n’y a qu’un seul problème philosophique vraiment sérieux : c’est la mort. « Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue », et j’ajouterai à ces premières lignes du Mythe de Sisyphe cette précision : quand des hommes ont été blessés dans leur dignité, c’est là, en effet, répondre à la question fondamentale de la philosophie. Et cette philosophie du sens de l’existence, dans sa préoccupation politique et morale, constitue depuis la Grèce la détermination majeure de la sensibilité et de la raison européenne.

    Dans le Gorgias, Socrate enseigne au sophiste que si des criminels portent atteinte à la vie d’un homme, « c’est cela même qui est motif à s’indigner » pour les témoins (2). Et, de façon parallèle, dans la Lettre VII, Platon, regardant en spectateur les luttes fratricides des démocrates et des oligarques, les premiers ayant condamné Socrate à mort bien qu’il se soit désolidarisé des seconds, note que des troubles violents bouleversèrent Athènes à cette époque au point de révolter tous les honnêtes gens. Platon en tirera la conséquence que l’on sait et qui est au principe de la conception européenne de la politique, vouée à la critique radicale de l’état de choses présent et à la constitution espérée de la cité idéale.

    Il fera un éloge de la philosophie qui est le seul critère que le citoyen doit suivre pour « reconnaître ce qui est juste dans les affaires de la cité comme dans celles des particuliers » (3). Platon découvre en effet le double visage de la critique rationnelle dirigée contre la vie en communauté qui nous est imposée par des évènements douloureux. D’une part, la critique est une dénonciation universelle des injustices, qu’elles soient le fait des démocrates, qui n’avaient pas la faveur de Platon, ou des Trente Tyrans, auxquels Platon était lié par son oncle Critias.  Et cette dénonciation sera si décisive que toutes les cités existantes se verront récusées du fait de leur régime politique défectueux et de leur corruption incurable.

    Mais, d’autre part, la critique est une affirmation tout aussi universelle d’un idéal de justice auquel l’ensemble des cités, quel que soit le lieu et le temps, doivent se soumettre afin d’instaurer un ordre, que l’Europe comprendra parfois comme utopique, de sorte que les philosophes pourront devenir rois et les rois philosophes. Pour la première fois dans l’histoire humaine, la sagesse du savoir s’unirait enfin à la force du pouvoir. Aussi Platon rédigera-t-il les premiers textes de philosophie politique, avec La République, le Politique et Les Lois, pour tenter d’édifier sous une forme rationnelle une cité harmonieuse où les hommes vivraient en commun sous l’égide de la justice.

     

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    Marc-Aurèle (121 - 180, Empereur à partir de 161).
    Philosophe stoïcien, il incarna le rêve de Platon
    "d’un idéal de justice auquel l’ensemble des cités, quel que soit le lieu et le temps, doivent se soumettre afin d’instaurer un ordre, que l’Europe comprendra parfois comme utopique, de sorte que les philosophes pourront devenir rois et les rois philosophes."

     

     

    Cette approche théorique de la vie publique – qui devrait être partagé selon la leçon de l’adage pythagoricien : « Entre amis tout est commun »- instaure un regard doublement distancié à l’égard de la réalité de l’injustice comme à celui de l’idéalité de la justice. C’est Socrate, quelques minutes avant  sa mort, qui nous livre le premier regard. Il répond en effet aux plaintes de ses amis qui justifient leurs pleurs en disant que « c’est aux hommes sensés de s’indigner de mourir alors que les insensés s’en réjouissent » (4). Non, corrige Socrate ; l’homme sage, même s’il est injustement condamné par les lois de son pays, ne doit pas se livrer à la colère, mais accepter de mourir avec dignité : « Je vous quitte sans éprouver ni peine ni indignation » (5).

    Seuls les hommes qui se trouvent en position de spectateurs, à l’image des compagnons de Socrate dans sa prison, sont susceptibles de s’indigner d’une injustice dont ils sont les témoins, précisément parce que leur impuissance les tient à distance d’une mort qui ne les frappe pas personnellement. L’acteur du drame, en l’occurrence Socrate, ne peut pas s’indigner dans la mesure où il est la victime d’un déni de justice qui l’a condamné à mort. L’homme qui va mourir n’a ni le recul ni le temps pour juger la situation dans laquelle il se trouve, et il a autre chose à penser qu’à se révolter de son sort. Il lui suffit d’affronter directement la mort et, peut-être, à travers elle, d’espérer accéder à un monde plus juste pour lequel, précisément, il a donné sa vie.

    C’est reconnaître, sans doute pour la première fois dans la littérature mondiale, que le regard du spectateur, quand il est engagé dans le combat politique, ne réussit à prendre conscience du mal qu’à la condition de se tenir à distance de l’injustice. Socrate accepte librement la mort et ne s’indigne pas de son sort parce qu’il vit déjà dans la justice ; ses compagnons refusent cette mort et s’indignent d’un crime dont ils ne ressentent l’injustice que parce qu’ils en sont les témoins. Toute l’Europe aura désormais pour l’injustice les yeux du spectateur avant de prétendre aux gestes de l’acteur (6).

     

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    La mort de Socrate, par David.
    "Socrate accepte librement la mort et ne s’indigne pas de son sort parce qu’il vit déjà dans la justice..."
     
     
     

               

    (1)    : E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), 2ème section, Paris, Delagrave, 1964, page 144. Souligné par Kant. 

    (2)     : Platon, Gorgias, 511 b

    (3)     : Platon, Lettre VII, 326 a.

    (4)     : Platon, Phédon, 62 e.

    (5)     : Platon, Phédon, 69 d.

    (6)    : Pour une analyse de ces questions, je renvoie à mon ouvrage, De l’indignation, Paris, La Table Ronde, 2005.

     

     

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  • GRANDS TEXTES (11) : Royauté et incarnation, par Vladimir Volkoff.

    Voici l'intégralité du discours prononcé par Vladimir Volkoff au Rassemblement Royaliste des Baux-de-Provence de 1984 (ci dessous).

    Il est intitulé "Royauté et Incarnation".

    Vladimir Volkoff y développe, entre autres, l'idée d'Ernst Kantorowicz, dans son Essai sur Le double corps du roi, qui nous guidera - pour son illustration - tout au long de cette réflexion si belle et si profonde...

     

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    Eric Muraise dit dans "Le Grand Monarque", que la France possède encore quelques monarchistes mais des royalistes, non. Différence : les monarchistes préfèrent un régime; les royalistes aiment un homme.

    La monarchie est à la royauté ce que le déisme, avec son horlogerie, est à l'Église avec ses chapiteaux et ses encensoirs. Eric Muraise peut avoir raison. Nous en connaissons tous de ces monarchistes grincheux qui n'ont qu'un sujet de conversation : dénigrer le Prince. Ils ont le choix, pourtant, surtout à notre époque où il y a de moins en moins de trônes et de plus en plus de prétendants. Mais non : le Prince, qu'ils se reconnaissent est toujours celui qui leur plaît le moins. Ils s'arrangent pour regretter l'aïeul, préférer l'oncle, attendre le petit-fils. Dans l'histoire, même, aucun Louis, aucun Henri ne les satisfait. Au mieux, ils vénèrent un Childebrand quelconque, dont personne n'a jamais entendu parler. Ces monarchistes Jean-­qui-grogne ne sont pas des royalistes ; car la monarchie ne sera jamais qu'une idée, tandis que la Royauté est une incarnation.

    Entre tous les régimes politiques, c'est l'homme qui fait l'originalité de la Royauté. Curieusement, les régimes dits "humanistes" sont les plus déshumanisés : justice immanente ! La grande machine électorale qui repose sur le principe abstrait : 1 = 1, qui rend ses oracles sous forme de statistiques, qui aplatit les visages en bulletins de vote, ne s'adresse, dans les meilleurs des cas, qu'à une fonction de l'homme : l'intelligence. Élire bien, c'est élire intelligemment. Élire le meilleur, c'est élire le plus intelligent. Le suffrage universel pourrait être avantageusement remplacé par un ordinateur bien programmé. Paradoxe : ce qu'il y a encore d'humain dans la procédure élective - les pots-de-vin, les poignées de main, les caméras, les accordéons - c'est tout cela qu'il faudrait éliminer pour que la république fonctionnât rationnellement.

     

     

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     Ernst Kantorowicz (Poznan, 1895 - Princeton, 1963), historien allemand d'origine juive, naturalisé américain, s'est spécialisé dans l'étude des idées politiques médiévales et de la sacralisation du pouvoir royal. Son ouvrage majeur, Les deux corps du roi -  Une étude de la théologie politique médiévale (qu'il écrivit à Princeton, en 1957), est un classique de l'histoire de l'État.
     
     
     
     
     

    La Royauté est autre. Pourquoi ? Parce que, révérence parlée, elle commence là où commence l'homme : dans les reins d'un monsieur et dans le ventre d'une dame. La Royauté passe par la naissance et elle passe par la mort. Un roi immortel serait un dieu, ou un automate, pas un roi. Il y a eu des périodes - on voit cela dans Richard II - où le prestige des rois était tel que l'on doutait qu'ils eussent des fonctions naturelles, comme les autres hommes. Ils en ont ! Il n'y a pas plus de royauté désincarnée qu'il n'y a d'amour platonique. Le corps importe peu en république. Le corps de tel président -je ne veux pas citer de nom le corps de tel président quelles qu'aient été les qualités de l'homme, il y a eu des présidents de la république qui étaient de fort honnêtes hommes - n'est très exactement rien : tout juste bon à mettre au Panthéon ! Il est grotesque de supposer qu'on puisse avoir de la piété pour le corps d'un élu. Les royalistes, eux, savaient ce qu'ils faisaient quand ils trempaient leurs mouchoirs dans le sang de Louis XVI. La royauté n'a de sens que si le corps du Roi est reçu comme sacré.

     

     

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    "Peu importe que Louis XVI soit guillotiné. Couper le corps en deux ne sert à rien..."

     

     

     

    C'est le corps du Roi qui est royal. Peu importe que Charles VI soit fou, c'est un fou royal, parce que son corps est royal. Peu importe que Louis XVI soit guillotiné. Couper le corps en deux ne sert à rien : les deux moitiés restent des morceaux de Roi. Malgré que nous en ayons nous sommes tous devenus si matérialistes, que paradoxalement nous avons perdu le sens du corps.

    Le corps nous apparaît comme un outil, comme un grattoir pour nous chatouiller l'âme. En réalité, le corps est un gage. Les martyrs donnaient leur corps en gage de leur foi. La main qui signe, la main qui étreint donne des gages. Les genoux qu'on fléchit donnent un gage. Qu'est-ce que s'engager, sinon engager son corps ? Un prince d'une nationalité qui épouse une princesse d'une autre nationalité, ce sont les deux puissances qui échangent des gages. "J'en mettrais ma main au feu", 'J'en mettrais ma tête à couper" : ne sont-ce pas là des gages que l'on risque ? Notre corps n'est peut-être pas ce que nous avons de plus précieux, mais il est ce que nous avons de plus vulnérable. C'est sa noblesse. C'est pourquoi il est notre gage. Et avant tout notre gage d'identité. "J'aime Béatrice" pouvait dire Dante. J'aime Béatrice peut signifier j'aime Béatrice telle que Dieu la reçoit dans son Paradis mais comment faire pour reconnaître une Béatrice sans visage ? Je vais à sa rencontre, je la regarde, je l'écoute, je reçois des lettres écrites de sa main : Le corps de Béatrice est le gage de Béatrice.

    J'ai remarqué tout à l'heure que le Roi était celui qui attirait l'amour. Aimer le Roi : sans cela il n'y a pas de Royauté. Il faut l'aimer de trois manières : d'abord parce qu'il est le Roi et qu'on ne le connaît pas, comme les fiancés du temps jadis qui n'avaient jamais rencontré leur promis et qui l'aimaient déjà d'avance, de confiance. L'aimer ensuite, quelques fois, bien qu'on le connaisse.

     

     

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    Ernst Kantorowicz montre comment les historiens, théologiens et canonistes du Moyen Âge concevaient et construisaient la personne et la charge royales : le roi possède un corps terrestre et mortel, tout en incarnant le corps politique et immortel, la communauté constituée par le royaume.
    Cette double nature, humaine et souveraine du « corps du roi », explique l'adage «Le Roi est mort, Vive le Roi !"», apparu - tardivement - lors de l'enterrement de Louis XII en 1515, le corps du souverain ne pouvant mourir.

     Une paysanne normande, parlant de son mari, ivrogne, violent, disait à ma mère "paraît qu'y a des femmes qu'aiment point leur homme. Mais comment qu'elles font puisque c'est leur homme ?". Et un proverbe russe dit : "A force de souffrir, on finit par aimer". C'est comme cela qu'il faut aimer le Roi, aussi. Il faut l'aimer, enfin, ou du moins essayer, parce qu'on le trouve aimable, se battre un peu les flancs, si besoin est, l'aimer avec ses faiblesses en mettant les choses au pis, avec ses vices, ses médiocrités, ses couardises, l'aimer tendrement, presque charnellement, comme Monluc aima Henri II, comme Sully aima Henri IV. Ne pas oublier que les règnes des reines - je pense à Élisabeth d'Angleterre, Catherine de Russie, Marie ­Thérèse d'Autriche - ont été particulièrement réussis parce que ces reines étaient des rois et que pour un homme il est plus facile d'aimer son roi lorsque c'est une reine.

    Le corps du roi est le gage de la royauté. Les bâtardises et les usurpations mises à part, le gage royal est le corps du roi, tel qu'il est hasardé dans les combats, tel qu'il est martyrisé par les régicides, tel qu'il engendre le roi qui lui succédera, tel qu'il apparaît physiquement désigné lorsque son crâne reçoit la couronne, que sa poitrine, ses pieds, ses mains, ses paupières, ses narines reçoivent le Saint Chrême.

    Tous les peuples ont eu des monarques, mais lorsque nous disons Roi, nous pensons surtout à un roi chrétien parce que l'incarnation est l'axe de la foi chrétienne. Pour être chrétien, il faut croire que le Verbe se fit chair, et cela suffit. Le gage de l'amour du Père, c'est le Fils et plus précisément, c'est le corps du Fils, dans lequel nous nous empressons d'enfoncer des clous ; pas n'importe quel corps, mais un certain corps, apparu en Palestine huit siècles après la fondation de Rome. Il n'importe pas que nous soyons contents ou non de ce que le corps du Fils soit celui de ce charpentier rabbin. Certains auraient préféré qu'il fût Grec, ou Viking , ou Africain. Nous n'y pouvons rien. Le gage a été donné.

     

     

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    " Le roi est mort, vive le roi ! ", proclamait-on à la mort du souverain pour exprimer la continuité du pouvoir monarchique. Sous-titré Essai sur la théologie politique au Moyen Age, l'ouvrage de l'historien allemand E. Kantorowicz analyse la teneur de cette continuité, dans les monarchies occidentales. Le pouvoir s'inscrit alors dans une sorte de théologie politique, dans laquelle le roi, au-delà de la personne charnelle, incarne le divin auprès de ses sujets sans toutefois prétendre à une transcendance qui l'autoriserait à outrepasser son simple rôle de représentant de Dieu sur Terre.
    Illustration : gisant de Charles Martel, BasilIque royale de Saint Denis.

    Il est là. Les théologiens pensent que le Fils a trois fonctions : il est prophète, grand-prêtre, Roi. Le psalmiste dit : Le cœur du Roi est dans la main de Dieu... Le premier prodrome du Christ est Melchisédech, roi de Chalem, la future Jérusalem. Jésus est un prince de la maison de David. C'est en tant que Roi qu'il fait son entrée à Jérusalem. Le beau nom de Roi figure sur l'inscription placée en haut de la croix. Lorsqu'il parle du monde d'où il vient, il l'appelle Le Royaume et chaque fois que nous répétons le Notre Père, nous demandons un règne, pas une république.

    Dans la mesure où le Christ est Roi, tout roi participe du Christ. Oui, même le Louis XV du Parc aux Cerfs, même le Charles IX de la Saint-Barthélemy. La personnalité du Roi peut être en contradiction avec la vérité incarnée en lui, la vérité demeure. On serait loin de compte si on voyait le Roi comme une personne dans laquelle se serait logé un principe, comme un Bernard-l’ermite dans sa coquille. Il n'y a pas de principe royal. La république a des principes, la Royauté a des princes. Il y a simplement une vérité royale. Et la vérité est que cet homme que je vois devant moi est Le Roi. Le Roi est l'époux de la Patrie comme le Christ est l'époux de l'Église. Il en est quelquefois le sacrifié expiatoire comme le Christ l'est de l'humanité. La Royauté est sur terre, l'objet privilégié des vertus théologales car notre amour s'oriente vers le Roi, icône du Père, notre espérance vers le Prince, icône du Fils, et notre foi en la Royauté elle-même, qui est Esprit. L'Ancien et le Nouveau Testament utilisent une expression essentielle et singulière : ils parlent du Dieu vivant. Cette qualité, la vie, est l'attribut le plus glorieusement divin de la Royauté.

    Au XVIIIème siècle, le voyageur anglais, Young, remarquait : "Un Français aime son Roi comme sa maîtresse, à la folie". Sage folie ! Un autre Anglais, contemporain celui-là, Lawrence Durrel écrit que les structures royales reproduisent l'architecture même de la personne humaine, structure organique. Rien dans tout cela qui sente l'abstrait, le construit, le prémédité. Dans la Royauté, il y a le grain qui meurt et qui ressuscite, il y a les fils qui s'engrainent sur les pères, il y a l'homme tel qu'il a été créé à l'image de Dieu, il y a... il y a la vie.

    Ce n'est pas un hasard si, en Royauté, la même formule a pu servir à la fois de prière, de cri de joie, de cri de guerre, de simple interjection. Ce n'est pas un hasard si, lorsqu'on pense au Roi on exprime pour lui le vœu le plus charnel et le plus religieux : QU'IL VIVE !

     

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    "Parce qu'il est naturellement un homme mortel, le roi souffre, doute, se trompe parfois : il n'est ni infaillible, ni intouchable, et en aucune manière l'ombre de Dieu sur Terre comme le souverain peut l'être en régime théocratique. Mais dans ce corps mortel du roi vient se loger le corps immortel du royaume que le roi transmet à son successeur" (Patrick Boucheron).
     
    Illustration : le sacre de Philippe III.

     

     

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  • Éphéméride du 27 Mars

    Le théâtre romain d'Orange, "la plus belle muraille de mon Royaume" (Louis XIV)

     

     

    1660 : Louis XIV visite Orange 

     

    Le 28 juillet 1659, Louis XIV a quitté Paris pour Saint Jean de Luz : l'une des clauses du Traité des Pyrénées, en cours de signature avec l'Espagne, stipulait en effet que le Roi de France devait épouser la fille du Roi d'Espagne.

    En réalité, les pourparlers et la signature du traité traînant en longueur - le mariage espagnol manquant même d'échouer, et le Roi étant presque sur le point d'épouser une autre princesse ! - le voyage durera quasiment un an, le Roi ne rentrant à Paris, avec sa jeune épouse Marie-Thérèse, que le 13 juillet 1660.

    La Cour quitta d'abord Fontainebleau pour Bordeaux, où elle resta du 19 août au 5 octobre ; elle alla ensuite à Toulouse, du 14 octobre au 27 décembre, puis à Montpellier, du 5 au 8 janvier 1660 ; elle arriva à Nîmes le 9 janvier, et le Roi visita le Pont du Gard le lendemain, 10 janvier (voir l'Éphéméride du 10 janvier). Ensuite, le 17 janvier, la Cour arriva à Aix-en-Provence, où elle resta 12 jours, avant de se rendre à Toulon, pour douze jours également.

    Louis XIV en profita pour aller en pèlerinage à Cotignac pour témoigner sa reconnaissance à Notre-Dame de Grâce, à qui il devait sa naissance. Le 2 mars, le Roi entra dans Marseille, mais pas par la Porte de la Ville : il fit ouvrir une brèche dans le rempart, afin de punir l'indocilité des habitants (le 17 octobre précédent, un Ordre du Roi avait en effet été déchiré en pleine séance à l'Hôtel de Ville (voir l'Éphéméride du 11 février).  

    Le 27 mars, le Roi était à Orange : c'est là que, visitant le Théâtre antique, il eut le mot fameux : "Voici la plus belle muraille de mon royaume !" 

    Enfin, les choses finissant par se dérouler comme prévu au départ, et le mariage espagnol se précisant, après avoir manqué d'échouer, le Roi, avec toute la Cour, se rendit à Saint Jean de Luz, pour s'y marier, le 9 juin 1660 (voir l'Éphéméride du 9 juin), avant de retourner à Paris, presque un an après l'avoir quittée...

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    Le Théâtre antique le mieux conservé au monde, inscrit au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco :
    http://www.theatre-antique.com/
    Depuis 1869, le Théâtre d'Orange accueille le festival français le plus ancien : les Chorégies d'Orange (voir l'Éphéméride du 17 juin)...
     

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    1785 : Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie

     

    Terrible destin que celui de l'enfant qui naît ce jour-là :

    • il sera l'Enfant massacré, qui ne devint jamais grand;

    • il sera le deuxième Roi martyr... 

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    "Les Français le savent-ils ? Au coeur de leur Histoire, il y a un infanticide. Cet infanticide fonde la légitimité de leur État moderne. Un enfant-roi a été sacrifié volontairement sur l'autel du Moloch républicain. La Terreur ? Un procédé de gouvernement inventé par la République, recopié jusqu'aujourd'hui et on sait comment. Des têtes coupées pour exprimer un nouveau droit absolu de diriger le monde ? C'est qu'il fallait que le sang royal et populaire giclât pour fonder l'ordre nouveau. C'est ainsi que la France se dit encore aujourd'hui un modèle pour le monde. Effectivement ! Et l'Enfant-roi Louis XVII ? Eh bien, ce fut pire : après avoir tué le roi parce qu'il était roi, la bande qui prétendait diriger la Révolution, comité de salut public en tête avec Robespierre et Commune de Paris avec son procureur et son substitut, Chaumette et Hébert, décidèrent de faire du petit Capet l'instrument de la condamnation de sa mère et il eut à cet effet pour précepteur Simon l'alcoolique. Puis l'horreur, savamment voulue, ayant été accomplie, il fallait, en enfermant l'enfant de manière ignoble, le réduire en rebut de l'humanité. Ce fut consciemment voulu, strictement exécuté. Thermidor ne le sauva pas. Mais, du moins, un peu d'humanité entoura ses derniers moments. Il mourut, il avait dix ans... Le crime est là, injustifiable" (Hilaire de Crémiers)

     

    Le martyre du petit Roi constitue "le" crime absolu, l'horreur suprême. A la tache indélébile qu'il représente pour ceux qui l'ont accompli s'ajoute, comme pour le rendre pire encore, sa négation même. Le fait qu'il soit totalement occulté, totalement nié, est constitutif du délit de négationnisme, qui se mue en mémoricide, exactement comme pour le génocide vendéen, jamais reconnu, toujours ignoré dans l'histoire officielle, qui repose sur le mensonge...

    Pour évoquer sobrement l'enfant-martyr, voici la splendide Ôde à Louis XVII que lui a consacré Victor Hugo, et le terrible portrait de Greuze, des tous premiers mois de 1795, soit très peu de temps avant la mort du petit Roi... 

     

    I : L'Ôde à Louis XVII, de Victor Hugo

     

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    I

    En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent;
    Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent;
    Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés;
    Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
    Venir une jeune âme entre de jeunes anges
    Sous les portiques étoilés.

    C'était un bel enfant qui fuyait de la terre;
    Son œil bleu du malheur portait le signe austère;
    Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants;
    Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
    Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
    La couronne des innocents.

    II

    On entendit des voix qui disaient dans la nue :
    – "Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue;
    Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir;
    Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
    Séraphins, prophètes, archanges,
    Courbez-vous, c’est un roi ; chantez, c'est un martyr !"

    – "Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
    Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
    Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre.
    Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
    Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère;
    Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel;
    Je suis un orphelin ; je viens chercher ma mère,
    Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel."

    Les anges répondaient : – "Ton Sauveur te réclame.
    Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme.
    Fuis la terre insensée où l'on brise la croix,
    Où jusque dans la mort descend le régicide,
    Où le meurtre, d'horreurs avide,
    Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois"

    – "Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
    Disait-il ; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
    Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste,
    Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ?
    Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine,
    J'ai prié ; Dieu veut-il enfin me secourir ?
    Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
    Ai-je eu le bonheur de mourir ?

    Car vous ne savez point quelle était ma misère !
    Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs;
    Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère
    Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
    D'un châtiment sans fin languissante victime,
    De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
    J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime
    J'avais commis dans mon berceau.

    Et pourtant, écoutez : bien loin dans ma mémoire,
    J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi;
    J'entendais en dormant des bruits confus de gloire,
    Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
    Un jour tout disparut dans un sombre mystère;
    Je vis fuir l'avenir à mes destins promis
    Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre,
    Hélas ! et j'eus des ennemis !

    Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires;
    Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil;
    Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
    Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil.
    Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
    Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux;
    Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
    Car je viens vous prier pour eux."

    Et les anges chantaient : – "L'arche à toi se dévoile,
    Suis-nous ; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
    Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils;
    Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure,
    Ou, dans leur brûlante demeure,
    D'un souffle lumineux rajeunir les soleils !"

    III

    Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent;
    Il baissa son regard par les larmes terni;
    Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent,
    Et l'éternelle voix parla dans l'infini :

    "Ô roi ! je t'ai gardé loin des grandeurs humaines.
    Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes.
    Va, mon fils, bénis tes revers.
    Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême,
    Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème,
    Si tes bras sont meurtris de fers.

    Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie;
    Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie
    Avait entouré ton berceau !
    Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines,
    Et mon Fils, comme toi, roi couronné d'épines,
    Porta le sceptre de roseau."

    Décembre 1822.

     

     

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    II : Le portrait de Greuze

     

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               Portrait de Louis XVII, par Greuze, premiers mois de 1795 (peinture à l'huile, 466 mm x 368).

              

    L'enfant a les yeux d'un bleu vif, les cheveux blonds, chemise blanc crème; bretelles gris brunâtre.

    Le portrait où l'enflure du visage, le teint blafard, l'attitude affaissée, trahissent un état de maladie avancée, date, selon toute vraisemblance, de 1795. Il ne peut avoir été exécuté que d'après une impression directe.

    Greuze essaie une dernière fois d'idéaliser cet enfants que ses bourreaux ont transformé en loque humaine, que Laurent a décrassée et revêtue de linge blanc. Mais il devra le peindre enflé, jaune, dos courbé, poitrine rentrée, yeux

  • Dans notre Éphéméride de ce jour : le martyre de l'enfant-Roi Louis XVII...

    1785 : Naissance de Louis-Charles, duc de Normandie

     

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    Terrible destin que celui de l'enfant qui naît ce jour-là :

     

    il sera l'Enfant massacré, qui ne devint jamais grand;

    il sera le deuxième Roi martyr... 

     

    "Les Français le savent-ils ? Au coeur de leur Histoire, il y a un infanticide. Cet infanticide fonde la légitimité de leur État moderne. Un enfant-roi a été sacrifié volontairement sur l'autel du Moloch républicain. La Terreur ? Un procédé de gouvernement inventé par la République, recopié jusqu'aujourd'hui et on sait comment. Des têtes coupées pour exprimer un nouveau droit absolu de diriger le monde ? C'est qu'il fallait que le sang royal et populaire giclât pour fonder l'ordre nouveau. C'est ainsi que la France se dit encore aujourd'hui un modèle pour le monde. Effectivement ! Et l'Enfant-roi Louis XVII ? Eh bien, ce fut pire : après avoir tué le roi parce qu'il était roi, la bande qui prétendait diriger la Révolution, comité de salut public en tête avec Robespierre et Commune de Paris avec son procureur et son substitut, Chaumette et Hébert, décidèrent de faire du petit Capet l'instrument de la condamnation de sa mère et il eut à cet effet pour précepteur Simon l'alcoolique. Puis l'horreur, savamment voulue, ayant été accomplie, il fallait, en enfermant l'enfant de manière ignoble, le réduire en rebut de l'humanité. Ce fut consciemment voulu, strictement exécuté. Thermidor ne le sauva pas. Mais, du moins, un peu d'humanité entoura ses derniers moments. Il mourut, il avait dix ans... Le crime est là, injustifiable" (Hilaire de Crémiers)

    Le martyre du petit Roi constitue "le" crime absolu, l'horreur suprême. À la tache indélébile qu'il représente pour ceux qui l'ont accompli s'ajoute, comme pour le rendre pire encore, sa négation même. Le fait qu'il soit totalement occulté, totalement nié, est constitutif du délit de négationnisme, qui se mue en mémoricide, exactement comme pour le génocide vendéen, jamais reconnu, toujours ignoré dans l'histoire officielle, qui repose sur le mensonge...

    Pour évoquer sobrement l'enfant-martyr, voici la splendide Ôde à Louis XVII que lui a consacré Victor Hugo, et le terrible portrait de Greuze, des tous premiers mois de 1795, soit très peu de temps avant la mort du petit Roi... 

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    I : L'Ode à Louis XVII, de Victor Hugo

     

    I

    En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent;
    Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent;
    Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés;
    Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
    Venir une jeune âme entre de jeunes anges
    Sous les portiques étoilés.

    C'était un bel enfant qui fuyait de la terre;
    Son œil bleu du malheur portait le signe austère;
    Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants;
    Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
    Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
    La couronne des innocents.

    II

    On entendit des voix qui disaient dans la nue :
    – "Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue;
    Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir;
    Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
    Séraphins, prophètes, archanges,
    Courbez-vous, c’est un roi; chantez, c'est un martyr !"

    – "Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
    Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
    Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre.
    Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
    Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère;
    Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel;
    Je suis un orphelin; je viens chercher ma mère,
    Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel."

    Les anges répondaient : – "Ton Sauveur te réclame.
    Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme.
    Fuis la terre insensée où l'on brise la croix,
    Où jusque dans la mort descend le régicide,
    Où le meurtre, d'horreurs avide,
    Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois"

    – "Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
    Disait-il; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
    Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste,
    Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ?
    Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine,
    J'ai prié; Dieu veut-il enfin me secourir ?
    Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
    Ai-je eu le bonheur de mourir ?

    Car vous ne savez point quelle était ma misère !
    Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs;
    Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère
    Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
    D'un châtiment sans fin languissante victime,
    De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
    J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime
    J'avais commis dans mon berceau.

    Et pourtant, écoutez : bien loin dans ma mémoire,
    J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi;
    J'entendais en dormant des bruits confus de gloire,
    Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
    Un jour tout disparut dans un sombre mystère;
    Je vis fuir l'avenir à mes destins promis
    Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre,
    Hélas ! et j'eus des ennemis !

    Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires;
    Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil;
    Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
    Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil.
    Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
    Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux;
    Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
    Car je viens vous prier pour eux."

    Et les anges chantaient : – "L'arche à toi se dévoile,
    Suis-nous; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
    Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils;
    Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure,
    Ou, dans leur brûlante demeure,
    D'un souffle lumineux rajeunir les soleils !"

    III

    Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent;
    Il baissa son regard par les larmes terni;
    Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent,
    Et l'éternelle voix parla dans l'infini :

    "Ô roi ! je t'ai gardé loin des grandeurs humaines.
    Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes.
    Va, mon fils, bénis tes revers.
    Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême,
    Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème,
    Si tes bras sont meurtris de fers.

    Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie;
    Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie
    Avait entouré ton berceau !
    Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines,
    Et mon Fils, comme toi, roi couronné d'épines,
    Porta le sceptre de roseau."

    Décembre 1822.

     

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    II : Le portrait de Greuze

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               Portrait de Louis XVII, par Greuze, premiers mois de 1795 (peinture à l'huile, 466 mm x 368).

              

    L'enfant a les yeux d'un bleu vif, les cheveux blonds, chemise blanc crème; bretelles gris brunâtre.

    Le portrait où l'enflure du visage, le teint blafard, l'attitude affaissée, trahissent un état de maladie avancée, date, selon toute vraisemblance, de 1795. Il ne peut avoir été exécuté que d'après une impression directe.

    Greuze essaie une dernière fois d'idéaliser cet enfants que ses bourreaux ont transformé en loque humaine, que Laurent a décrassée et revêtue de linge blanc. Mais il devra le peindre enflé, jaune, dos courbé, poitrine rentrée, yeux injectés de sang, assis semble-t-il sur son lit, avec une chemise et des bretelles, manquant de force pour se lever. Comme on n'a jamais retrouvé le profil tracé par Belanger le 31 mai 1795, le portrait de Greuze, où l'on sent une impression directe, est le dernier portrait certain de Louis XVII.

    Le fils de Louis XVI s'y reconnaît encore au nez fin et rectiligne, au menton fort et à fossette, aux sourcils légers, aux yeux bleus et écartés, aux cheveux blonds et soyeux. Mais, dit M. G. Lenotre (références ci dessous), ce "teint blafard, ce nez aminci, ces yeux bouffis et touchants, c'est déjà presque le masque d'un mort" :

     

    "Une peinture de GREUZE (ci-dessus, donc) nous le montre tel qu'il était quelques semaines plus tard (après la visite de Barras). Laurent, le créole, son nouveau gardien, l'a soigneusement peigné, lavé et revêtu de linge blanc...: le teint blafard, le nez aminci, les joues bouffies et tombantes - car l'enfant "tournait au gras" ; c'est déjà presque le masque d'un mort; c'est la dernière image, en effet, qu'on ait du fils de Marie-Antoinette, car le dessin pris au Temple par Bellanger huit jours avant le décès, n'a jamais été retrouvé." (G. Lenotre, De Belzébuth à Louis XVII. Grasset 1950, p. 119-120).

     

    Sur Louis XVII, voir également l'Éphéméride du 8 juin (jour de sa mort, qu'il conviendrait d'appeler - mieux - sa délivrance) et l'Éphéméride du 19 avril (sur les travaux de Philippe Delorme, établissant définitivement que l'enfant mort au Temple est bien Louis XVII)...

    Et, sur les travaux de Philippe Delorme, plus précisément :

    •louis17.chez.com/bio_louisXVII.htm

     • louis 17.chez.com

  • Éphéméride du 30 janvier

    1132 : La Grande Chartreuse détruite par une avalanche 

     

    Les bâtiments ne sont pas les seuls à souffrir : la communauté des moines est également décimée : l'évêque de Grenoble charge Anthelme de Chignin (le futur saint Anthelme) de reconstruire les bâtiments et de reconstituer la communauté des moines (pour plus de renseignements sur Saint Anthelme, voir l'Éphéméride du 26 juin). 

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    Les bâtiments, état actuel

    http://www.musee-grande-chartreuse.fr/fr/

    http://www.chartreux.org/ 

     

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    1652 : Mort de Georges de la Tour

     

    Il était "Peintre ordinaire" du roi Louis XIII.

    Peintre du jeu de l'ombre et de la lumière, il fut inexplicablement oublié pendant près de trois cents ans, avant d'être enfin redécouvert à partir du début du XXème siècle.

    Pénétrant observateur de la réalité quotidienne (observez les doigts translucides de Jésus enfant, ci dessous, dans le tableau Saint Joseph charpentier, au Louvre) il est désireux d'élaguer sans cesse ses sujets, afin de ne montrer que l'essentiel, en dehors de tout accessoire, de tout superflu.

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           Mais son talent est tel que, s'il excelle dans les peintures sombres, il excelle tout autant dans les peintures lumineuses (ci dessous, Le tricheur à l'As de carreau).  

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    En 1988, grâce à une souscription nationale, son Saint Thomas à la pique (ci dessous), convoité par les musées du monde entier, resta en France et fit son entrée dans les collections du Louvre.
     
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    1791 : Naissance de Louis Fruchart

     

    Certes, "la Vendée" fut unique, et, avec la chouannerie, tout le grand Ouest. Cependant, la geste épique de ces Français qui sauvèrent l'honneur national au pire 30 janvier,georges de la tour,louvre,la rouërie,appert,appertisation,association bretonne,colonel armandmoment de notre Histoire ne fut pas isolée, et c'est partout en France - y compris dans l'Outre-mer, avec, par exemple, "la Vendée créole" en Martinique : voir l'Éphéméride du 24 septembre) - que l'on se souleva, les armes à la main, contre la Révolution et la République, contre la Terreur et la Convention : Marseille et Lyon - pour ne citer qu'elles... - en savent quelque chose !...

    Et, ailleurs en France, d'autres héros prirent les armes contre le Totalitarisme de la république idéologique révolutionnaire, pour la liberté de l'homme intérieur, "pour Dieu et pour le Roi !"...

     

    Dans notre album Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, guerre de géants... , à la suite des héros vendéens et chouans, on rend hommage à l'un de ces Français illustres et méconnus (pour reprendre l'expression de François Bluche) : Louis Fruchart, à propos duquel on a parlé d'un chouan dans les Flandres, ou d'une Vendée flamande.

    Voici, ci-après, le début de l'article de l'abbé Harrau sur Louis Fruchart, qui constitue la première des trois notes qui lui sont consacrées (et que vous pourrez lire dans son intégralité en cliquant sur le lien) :

    Une Vendée dans les Flandres : Louis Fruchart (I),

    les deux suivantes étant :

    Une Vendée dans les Flandres : Louis Fruchart (II)

    et Une Vendée dans les Flandres : Louis Fruchart (III)...

     

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     "Vive Louis XVII" : le drapeau de La Rochejaquelein.

    D'une certaine façon, il a flotté dans le ciel des Flandres, aussi...

      

    "Une Vendée flamande" (1813-1814), par L'abbé Harrau :

    "L'année 1813, marquée dans l'histoire du premier Empire, par de lâches et perfides trahisons, s'achevait sous les plus sinistres présages. Napoléon, après avoir repassé le Rhin avec les débris de son armée, refusait de s'avouer vaincu et un sénatus-consulte avait décrété une nouvelle levée de trois cent mille hommes; mais la France était dépeuplée, les campagnes étaient épuisées, et nos populations du Nord maudissaient en secret l'humeur guerrière du grand faucheur d'hommes.

    Après avoir fermentée sourdement dans les chaumières, la révolte éclata terrible, menaçante, le 22 novembre 1813. À Hazebrouck, chef-lieu d'arrondissement, où le sous-préfet De Ghesquières négligea de prendre les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité publique, on eut l'imprudence d'appeler toutes les recrues, près de 3.000 hommes, le même jour et l'on prépara ainsi une journée d'émotions restée célèbre sous le nom de "Stokken maendag"...

    30 janvier,georges de la tour,louvre,la rouërie,appert,appertisation,association bretonne,colonel armandLes insurgés, comme on les appelait, pour se soustraire à tout danger, se retirèrent dans la forêt de Nieppe (ci contre) et dans les terrains marécageux des environs, entrecoupés de fossés profonds, et de fortes haies d'épines vives. À la tête des réfractaires et des mécontents qui s'étaient organisés aux abords de Bailleul et de Merville, se distinguait un certain Fruchart, qui fut comme le chef des Vendéens de la Flandre...

    Louis Fruchart était un chrétien convaincu autant qu'un royaliste ardent. Dieu et le Roi étaient, dans son coeur plein de droiture, l'objet de la plus profonde vénération. Que de fois, sous le manteau de la cheminée, Louis avait senti bondir sa jeune âme des plus vives émotions au récit des horreurs de la Révolution; ère de fraternité sanglante, une fraternité de Caïn qui n'était scellée que par le meurtre et le pillage; l'échafaud en permanence; les nobles proscrits ou expirants dans les cachots; les églises saccagées; les prêtres fidèles jetés sur tous les chemins de l'exil ou traqués comme des bêtes fauves.
    30 janvier,georges de la tour,louvre,la rouërie,appert,appertisation,association bretonne,colonel armandPouvait-il oublier les avanies dont sa famille avait été abreuvée aux jours de la Terreur et les dangers qu'avait courus sa mère, sauvée, comme par miracle, par un généreux voisin : "Oui, mes enfants, racontait la mère, les Bleus m'avaient entraînée sur la place de La Gorgue (église de la place ci contre), et, là, me présentant la cocarde tricolore, ils voulurent me la faire porter. Je la foulai aux pieds. Ils me menacèrent de me lier à l'arbre de la Liberté : "je refuse", répondis-je; et devant l'échafaud je refuserai encore. Rien au monde ne serait capable de me faire changer !"

    Et maintenant qu'il ne suffit plus d'avoir déjà payé la dette du sang ou de s'être fait remplacer, au prix de l'or, deux ou trois fois, maintenant que l'empereur, pour faire face à toutes les puissances coalisées de l'Europe, réclame tous les célibataires valides et veut plonger dans les dix classes libérées (de 1803 à 1813) pour en tirer tout ce qui peut porter le fusil, n'est-ce pas le moment propice pour rallier sous un même étendard les mille et mille réfractaires du pays ? N'est-ce pas l'heure providentielle de servir la patrie en la délivrant du joug cruel qui l'accable et en rendant aux princes légitimes le trône qui leur appartient ? Ainsi pensait Louis Fruchart. Avant de prendre une résolution définitive le jeune homme consulte son père qui le félicite de son projet. "Mon fils, dit le paysan attendri et ému de fierté, je t'approuve; va et si tu succombes, que ton dernier cri soit : Vivent les Bourbons !"

    Sa vieille mère, celle-là qui n'avait pas tremblé devant la guillotine, ajoute, les larmes aux yeux : "Louis, la cause que tu soutiens est juste; le ciel sera ta sauvegarde, mon coeur me le dit; nos princes légitimes reviendront sur ce trône qui n'a jamais cessé de leur appartenir. Pars, et ne crains rien; chaque nuit, je serai à genoux à prier. Dieu et ta mère veilleront sur toi."

    30 janvier,georges de la tour,louvre,la rouërie,appert,appertisation,association bretonne,colonel armand


    Et voici que ce nouveau Jean Chouan, vêtu de la blouse des campagnards, fixe à son chapeau de paille une cocarde blanche avec cette inscription : "Je combats pour Louis XVII." Il s'élance sur un cheval de labour et convoque les villageois insurgés qui veulent partager sa fortune. Ils arrivèrent nombreux et ce capitaine improvisé, après avoir organisé son armée par compagnies et tracé son plan de campagne, adressa à ses compagnons  un mot d'ordre que l'on a retrouvé dans ses notes autographes et qui retracent énergiquement ses convictions patriotiques.

    30 janvier,georges de la tour,louvre,la rouërie,appert,appertisation,association bretonne,colonel armand"Mes amis, leur dit-il, de cette voix forte et accentuée dont il était doué, les puissances coalisées ne se battent contre la France que pour la délivrer de Bonaparte et rétablir les Bourbons, nos seuls souverains légitimes; ne rejoignons plus les armées du tyran; ne lui payons plus aucune espèce de contributions; armons-nous, unissons-nous pour chasser les troupes envoyées contre nous ! Pour se soustraire à la tyrannie, il suffit de vouloir hardiment; Bonaparte est aux prises avec l'Europe; il a contre lui l'opinion publique; il sera bientôt contraint de renoncer au trône usurpé. Un meilleur avenir nous attend; mais pour l'obtenir, prenons les armes contre celui qui nous gouverne injustement et qui nous prouve, tous les jours, qu'il est capable de sacrifier à son ambition le dernier des Français. ..."

     

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