Antilles : la Vendée créole de Bernard de Percin
"Histoire inconnue du grand public et ignorée des manuels scolaires, la victoire de la Vendée créole contre la République en 1794 fut celle des blancs, mulâtres et noirs unis dans une même résistance à la barbarie révolutionnaire" dit Odile de Lacoste-Lareymondie, qui raconte dans son livre l’incroyable destinée de son chef, Bernard de Percin, le Charette de la Martinique, celle de Dubuc de Marcoussy, le fier artilleur (de Sainte-Catherine) et Montlouis Jaham, à la tête de leurs compagnies d’hommes de couleur...
A la veille de la Révolution française,
les trois iles d’Amérique fournissaient à la métropole l’essentiel du sucre dont elle avait besoin.
On avait pris l’habitude de les différencier par un dicton qui en disait long sur la qualité de leurs habitants :
“Les seigneurs de Saint Domingue, ces messieurs de la Martinique et les gens de la Guadeloupe”.
A l’heure de la grande tourmente
révolutionnaire, cette sociologie ne fut pas indifférente au sort que
le destin devait réserver à chacune de ces îles.
Saint-Domingue devint Haïti. La révolte des esclaves et des gens de couleurs avait anéanti tous les colons blancs, résisté aux troupes de Bonaparte et fondé la première république noire indépendante du monde.
La Guadeloupe, pourtant ouverte aux idées nouvelles, avait
dû subir l’effroyable guillotine du sinistre Victor Hugues, que la
Convention avait dépêché sur l’île pour anéantir tout ce qu’elle
pouvait contenir d’aristocrates et de contre-révolutionnaires.
Ces messieurs de la Martinique, eux, résistèrent.
Il y eut
suffisamment d’hommes courageux et déterminés pour s’opposer
au nouvel ordre des choses. Et ce fut ce que l’histoire a retenu
sous le nom de "Vendée Créole" : une Vendée qui eut ses chefs,
ses combats victorieux, ses revers, ses débarquements, ses
embarquements, qui connut les horreurs de la guerre civile mais
aussi les éclats victorieux de ses hauts faits d’armes.
L’histoire officielle moderne n’est évidemment guère prolixe sur cet épisode de la Vendée créole.
C’est essentiellement grâce à un homme exceptionnel que les habitants de la Martinique n’ont pas subi le même sort tragique que leurs voisins de la Guadeloupe.
Cet homme s’appelle Claude Joseph Bernard de Percin, marquis de
Montgaillard, comte de Northumberland.
Selon l’historien Sydney Daney, “parmi ses autres compagnons d’armes, sa réputation brilla comme celle de Charette et de La Rochejaquelein.
Petit cousin de Joséphine dont il favorisa le départ de la Martinique
pour rejoindre son mari, le général de Beauharnais et sa destinée
impériale, et qui l’appelait “mon petit cousin Canon”, Claude
Joseph Bernard de Percin, dit "Percin-Canon" était issu d’une
des plus vieilles familles du midi de la France.
Originaire de Percy en Normandie, sa famille avait compté un compagnon de Guillaume le Conquérant et s’était installée en Angleterre, puis était revenue en Guyenne avec le Prince Noir.
Un cadet de cette famille, enseigne de vaisseau en 1726 en Louisiane, prit son congé en 1727 à la Martinique où il fi nit par s’établir.
Son petit-fils, notre héros, fut nommé en 1782 sous-lieutenant au régiment de Hainaut, qui faisait partie de ceux envoyés pour la guerre d’Amérique et prit part aux expéditions du Marquis de Bouillé. Ses qualités militaires, son ascendant naturel, sa fidélité à Dieu et au Roi, son intrépidité inouïe, son courage hors pair, l’appelèrent à
la tête des “Habitants” et il devint peu à peu le chef de la “Vendée
créole”.