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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • «Non, les enfants n’appartiennent pas d’abord à la République», par Pascale Morinière et Martin Steffens.

    Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation. LUDOVIC MARIN/AFP

    Pour la présidente des AFC Pascale Morinière et le philosophe Martin Steffens, le projet de loi «confortant le respect des principes de la République» remet en cause la primauté éducative des parents, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental, garanti par les engagements internationaux de la France.

    8.jpgAu-delà du débat sur l’Instruction en Famille dans le cadre du projet de loi «confortant le respect par tous des principes de la République» examiné ces jours-ci à l’Assemblée Nationale, se joue une question essentielle pour notre démocratie, celle de la place respective des parents et de l’État. Les parents sont-ils bien considérés par l’État comme les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants?

    Le texte, en discussion à l’Assemblée, précise à propos de l’Instruction en famille que: «L’autorisation (…) ne peut [en] être accordée que pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant: …» Et sont cités: l’état de santé, la pratique sportive, l’itinérance et l’existence d’une situation particulière à l’enfant.

    En quelques mots, cet article de loi remet en cause la primauté éducative des parents et est en contradiction avec les engagements internationaux de la France.

    En effet, selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, «Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants». La Convention Européenne des Droits de l’Homme précise: «L’État se doit de respecter le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.»

     

    Nous assistons à une remise en cause de la place des parents au profit d’un État qui veut orienter l’éducation des enfants. 

     

    Enfin, selon la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, article 14: «1. Les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités. 3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu’aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l’ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui.»

    Nous assistons depuis plusieurs années à une remise en cause de la place des parents en tant que premiers éducateurs au profit d’un État qui veut de plus en plus orienter l’éducation des enfants. Même si nous sommes bien conscients de l’urgence de combattre le fanatisme et d’éteindre les foyers du terrorisme, il ne faudrait pas non plus que l’ensemble des parents essuient des dommages collatéraux de cette politique.

    Il y a quelques années, un ministre de l’Education ne déclarait-il pas vouloir arracher les enfants aux «déterminismes familiaux» et s’appuyer sur la jeunesse pour faire évoluer la société et que les enfants appartenaient à la République et non aux familles? La remise en cause de l’Enseignement en Famille est clairement une atteinte à la liberté d’éducation qui est un droit des familles.

     

    Toutes les tentatives d’Etat pour prendre la main sur l’éducation des enfants, se sont soldées par des échecs. 

     

    La notion d’«intérêt supérieur de l’enfant» ne peut justifier une intervention de l’État que s’il y a un risque pour la vie ou la santé physique ou morale de l’enfant. D’autres réformes vont dans le même sens, qu’il s’agisse de la scolarisation obligatoire à trois ans, de la mise en œuvre du Service National Universel ou du contrôle par l’État des conditions de vie des enfants pendant leurs trois premières années.

    Les parents, premier guide de l’enfant

    9.jpgNon, les enfants n’appartiennent pas d’abord à la République. C’est dans une famille qu’ils naissent et font les premiers apprentissages de la vie et c’est la famille qui les accompagnera toute leur vie, au-delà des difficultés que toute famille connait.

    Comme le notait Hannah Arendt, grande analyste du phénomène totalitaire, toutes les tentatives pour prendre la main sur l’éducation des enfants a été le fait d’Etats outrepassant leurs prérogatives et se sont soldées par des échecs. Aucun professionnel n’aura l’attention, la pertinence, la patience et l’abnégation que développent un père ou une mère 24 heures sur 24 à l’égard de ses enfants.

    Non, les parents ne sont pas démissionnaires, mais ils sont trop souvent écartés et dévalorisés. Non, l’État n’a pas le monopole de l’action éducative Non, les parents ne sont pas incapables d’assurer l’éducation de leurs enfants et de juger ce qui est bon pour eux. Ils ont besoin d’être soutenus et conseillés et il conviendrait de développer davantage le soutien à la parentalité mis en œuvre depuis une vingtaine d’années.

    Oui, les parents ont le droit de guider leurs enfants dans leurs convictions religieuses et philosophiques dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public. Oui, les parents sont les mieux placés pour juger quel est «l’intérêt supérieur» de leur enfant. Oui, les parents ont besoin de soutien et d’une politique familiale active pour remplir leur mission. Oui, les parents ont le droit d’interpeler les instances éducatives pour dialoguer au sujet de ce qui touche à l’éducation de leurs enfants.

     

    Il est nécessaire de veiller aux droits fondamentaux reconnus aux parents par les engagements internationaux de la France. 

     

    En ces temps incertains, il est nécessaire de tenir fermement à ces principes qui fondent notre société et la laïcité: le droit des familles et des personnes préexiste à l’existence de l’État qui est là pour permettre leur expression et pallier les défaillances, non pour tout régenter.

    Il est nécessaire de veiller aux droits fondamentaux reconnus aux parents par les engagements internationaux de la France. Ce sont des libertés essentielles dans une démocratie. Elles ne sont pas négociables.L’éducation doit reposer sur la famille en priorité avec le soutien des partenaires éducatifs, d’origine étatique ou privée, qu’elle choisit.

    Les personnalités et les parcours de nos enfants, chacun est une personne unique, exigent un accompagnement personnalisé et de proximité: qui mieux que les familles est en mesure de le faire? Qui peut juger de l’intérêt supérieur de l’enfant? Si l’État se permet cela, hors cas de maltraitance ou de participation à une idéologie meurtrière, notre pays risque de basculer dans un système totalitaire où la liberté de conscience et d’expression ne seront plus garanties.

    C’est dans le dialogue et le respect des différences que peut se construire l’unité nationale et non dans l’imposition d’un mode de pensée unique. Les parents sont-ils seulement considérés par l’Etat comme les géniteurs des citoyens de demain? Qui porte la responsabilité éducative des enfants? Il est temps pour le Gouvernement et les parlementaires de respecter la primauté éducative des familles sur l’Etat!

     

    Pascale Morinière est présidente nationale des Associations Familiales Catholiques. Martin Steffens est philosophe.

    Source : https://www.lefigaro.fr/

  • Société • Nous sommes tous des migrants

     

    Par Edouard de Saint Blimont.

     

    Qu’on n’imagine surtout pas que j’invite le lecteur à rejoindre la foule inepte de ceux qui réclament à corps et à cris que nous ouvrions toujours plus nos frontières, nos villes et bientôt nos maisons aux errants qui déferlent sur l’Europe, parce que nous devrions secourir indistinctement tous ces êtres humains, au motif qu’ils partagent avec nous la même humanité.

    Je ne partage pas non plus le point de vue orwellien de François qui m’enjoint à retirer de mon vocabulaire le mot de « clandestins », au motif que certains mots, alors même qu’ils désignent trop précisément la réalité, doivent pour cela même ne plus être utilisés !

    Mais c’est quand même d’une autre manière que nous sommes des migrants, que nous connaissons la migration perpétuelle : nous sommes en permanence appelés à changer de « lieu », nous sommes perpétuellement dans la situation instable de ceux qui n’ont plus d’ancrage, qui vivent dans l’angoisse de ne plus savoir de quoi demain sera fait et qui se disent qu’ils pourraient même tomber de Charybde en Scylla.

    Nous sommes tous des migrants : je ne l’ai jamais ressenti aussi fortement que depuis qu’il nous est donné à nouveau de traverser les tempêtes électorales qui nous déposeront demain sur l’on ne sait quel rivage. Arriverons-nous sur l’île des lotophages avec Emmanuel Macron pour prendre le lotus, ce fruit si doux qu’il fait oublier aux étrangers leur patrie ? A moins que nous n’échouions sur l’île des Cyclopes en compagnie de Mélenchon pour y connaître le destin que l’on sait.  Les sondeurs s’en donnent à qui mieux mieux pour agiter le spectre de toutes les résolutions possibles, nourrissant encore, si c’était nécessaire, l’angoisse chez celui qui sait que par son vote seul, il ne contrariera pas les mouvements de fond.

    Nous sommes en principe habitués au jeu électoral ; la remise en cause permanente du destin politique d’une nation, d’une patrie, n’est-elle pas inhérente à la démocratie ? Dans Le pouvoir sur scènes, l’anthropologue Georges Balandier affirme même qu’en démocratie, le citoyen retrouve un certain sens de l’aventure : n’avons-nous pas là l’occasion d’introduire un peu plus de passion dans notre existence ? Mais si nous nous aventurons dans ce domaine, force est de constater que ce milieu est infiniment mouvant, la géographie des « îles » politiques qui émergent du fond de cet océan en perpétuel mouvement n’a pas encore de figure nette. Mais nous redoutons le pire.

     Et pour cause : la philosophie qui inspire ces nouveaux mondes -ou devrais-je dire de ces nouveaux monstres ? - procède de la remise en cause perpétuelle des théories qui leur donnait jusqu’ici des traits repérables. Interrogée par Figarovox (11.04.2017) voici comment Chantal Mouffe, philosophe belge, marraine de Podemos et véritable inspiratrice de la démarche de Mélenchon, considère sa propre démarche philosophique :

    « Je suis opposée à la philosophie normative. Les philosophes politiques ont tendance à faire de grandes élaborations pour expliquer comment le monde devrait être sans tenir compte du contexte. Pour ma part, j'essaie au contraire de fonder mes théories sur la réalité de l'époque. »

    Il ne s’agit plus de s’en tenir à une certaine vision de l’homme mais d’enregistrer les grandes « migrations » intellectuelles de notre temps, qu’elle définit comme la « réalité de l’époque ».

    Et la réalité de l’époque, pour elle, ce sont les mouvements sociaux qui se sont développés depuis Mai 68 : le féminisme, le mouvement écologiste, les luttes antiracistes, la lutte pour la reconnaissance des homosexuels. Ce sont des mouvements comme ceux-là, qui n’ont cessé de déstabiliser nos sociétés occidentales, auxquels Chantal Mouffe et à sa suite Jean-Luc Mélenchon, veulent reconnaître une spécificité dans la constitution d’un populisme de Gauche.

    Quel nouveau monde va naître, et quelle sera notre vie demain, si ces mouvements acquièrent, au sein d’un parti, au sein d’un gouvernement, une pleine et entière légitimité ? Une chose est sûre : ainsi se dessine peu à peu, sous nos yeux horrifiés, un monde dans les traits duquel nous ne saurons plus reconnaître nos légitimes aspirations de pères, d’époux, d’êtres humains cherchant à protéger l’ordre de la civilisation, soucieux de retrouver un ordre fondé sur les principes sains d’une philosophie qui s’emploie à reconnaître la nature et l’homme comme il est, sortant des mains de son Créateur. Mais qui nous rappellera la géographie d’un monde habitable ? Dans ce monde qui dérive, qui nous indiquera le point d’ancrage qui nous fait perpétuellement défaut ?

    Nous espérions jusqu’ici que ce point d’ancrage, l’autorité intellectuelle la plus haute, celle du Pape, la fournirait aux chrétiens que nous voudrions continuer à être. Mais un article savant du Professeur Giovanni Turco, reproduit dans le Courrier de Rome de novembre 2016, nous oblige à déchanter. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de cet article, entrer dans toutes les subtilités philosophiques de l’éminent professeur italien. Nous pouvons cependant dégager quelques axes forts, assez peu faits pour nous rassurer :

    Le pape considère-t-il encore que la Vérité divine, révélée par Dieu, transcende nos pauvres réalités humaines et qu’elle est comme telle une référence absolue, un point d’ancrage pour l’humanité ? Le professeur Turco rappelle ce propos du pape Bergoglio : « je ne parlerais pas, même pour les croyants, de vérité ‟absolue” dans le sens où ce qui est absolu est ce qui est détaché, ce qui est dépourvu de toute relation. Or la vérité, selon la foi chrétienne, c’est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc la vérité est une relation ! C’est si vrai que chacun de nous la saisit, la vérité, et l’exprime à partir de soi : de son histoire et de sa culture, de la situation dans laquelle il vit, etc. Cela […] signifie qu’elle se donne à nous toujours et seulement comme un chemin et une vie. »

    Cela doit-il nous étonner ? Le pape l’avait déjà déclaré dans Amoris Laetitia :

    « La Parole de Dieu ne se montre pas comme une séquence des thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage »

    Nous y sommes : pour le pape, la Parole divine a une dimension elle aussi « migratoire ».

    Le professeur Turco montre d’ailleurs que la vision que le pape a du Saint Esprit présente une parfaite congruence avec le reste :

    « L’action même du Saint-Esprit serait qualifiable non par le contenu (ce qu’Il accomplit), mais par l’opérativité, ou mieux par la modalité opérative : « bouleverser », « remuer », « faire cheminer », étant donné qu’il y aurait en Lui de la « fantaisie » et de la « nouveauté ». Il s’agirait d’une activité non qualifiée par sa fin, mais par son devenir. En effet dans de telles actions il n’y a pas trace de finalité : on peut « remuer » pour le bien ou pour le mal, une « nouveauté » peut être fructueuse ou néfaste, on peut « cheminer » vers le meilleur ou vers le pire, de même qu’une « fantaisie » peut être innocente ou nocive. Autrement, tout « bouleversement », comme toute « nouveauté », serait nécessairement un bien. Ce qui est contredit par l’expérience la plus commune et par toute réflexion authentique. »

    Le professeur n’a aucune peine à nous montrer que nous sommes sortis d’un contexte philosophique où l’on considère que la vérité est définie à partir d’une adéquation entre l’intelligence et le réel, comme Saint Thomas le postule, à un contexte proprement moderniste, défini par le philosophe Maurice Blondel où la Vérité (si ce mot signifie encore quelque chose) est l’adéquation de l’intelligence et de la vie. Ce qui permet, conclut Turco, d’attribuer au jugement de conscience, et non plus à la Vérité, un caractère absolu.

    Nous sommes entrés dans un monde où s’impose comme vraie la situation concrète, où le « ce qui est comme ça », pour reprendre l’expression qu’utilise le Professeur Turco, a le dernier mot. Nous ne sommes donc toujours pas sortis de la réalité « migratoire », j’oserais même dire que nous y sommes en plein : une parole, « compagne de voyage », pour un cheminement, inspiré par un Saint Esprit fantaisiste…qui nous appelle au bouleversement…dans un moment où nous sommes menacés par le pire bouleversement de notre histoire ? Il n’y a décidément plus un domaine où nous ne soyons des migrants.

    Ulysse, je pense à vous, ballotté d’une île à l’autre, empêché pendant plus de dix ans de regagner votre patrie. Mais je pense à vous aussi car vous nous montriez le chemin. Car c’est la mentalité d’Ulysse que nous devrions aspirer à retrouver, tous tant que nous sommes. Ulysse ne se trompe jamais pour identifier où sont les barbares : ces derniers ne sont pas mangeurs de pain et le vin, ils ne le connaissent pas. Il sait ce qui caractérise le civilisé, notamment son respect des dieux. Il se garde de toutes les aventures sentimentales qui réintroduisent l’être dans l’aventure migratoire : Circé lui offre l’oubli dans les aventures de la chair, il le refuse. Il refuse la divinité, l’immortalité que lui offre Calypso… prélude déjà de l’aventure transhumaniste. Ulysse c’est l’homme ancré : son fils Télémaque s’inquiète de lui, sa femme, Pénélope, lui est restée fidèle, les retrouvailles avec sa mère aux Enfers et son père au palais, complètent l’image d’un bon fils. C’est aussi un bon roi que ses sujets veulent retrouver, comme le porcher Eumée.

    Quel Ulysse aura demain le cran, le courage, et pour tout dire le génie de nous ancrer sur le socle qui nous préserve de devenir des migrants perpétuels ? 

  • Livres & Société • Éric Zemmour : « De la liberté à la mort »

     

    Par Eric Zemmour    

    Quand le désir gouverne nos vies de façon tyrannique et nous empêche de restaurer nos libertés politiques : Zemmour commente ici le dernier ouvrage d'Hervé Juvin. Un essai décapant, selon Figarox [23.11]. Bien au delà, comme Mauuras et toute l'école contre-révolutionnaire, Zemmour pointe, avec Hervé Juvin, l'origine révolutionnaire d'un certain capitalisme affranchi de tout lien politique et, comme Buisson, il décrit les derniers avatars désastreux d'un cycle - aujourd'hui en échec - qu'il fait remonter aux Lumières. Houellebecq les dit éteintes. Patrick Buisson les répute finissantes. Et voit l'éclosion d'un nouveau cycle de long terme que marque le retour des nations, des peuples et des racines, la fin de la fin de l'Histoire. L'expression est de Finkielkraut. Ce faisceau de réflexions convergentes devrait nous intéresser au plus haut point. Hervé Juvin, suivi par Lafautearousseau depuis plusieurs années, y a toute sa place. Utile et éminente.   Lafautearousseau  

     

    picture-1649413-612mqxqb.jpgIl n'a rien vu venir. Mais il ne fut pas le seul. Quand Hervé Juvin se remémore les premiers émois de la « libération sexuelle » dans les années 1970, quand il évoque la frénésie des rencontres, l'ouverture fascinante des possibles, où même les débuts artisanaux et joyeux des premiers films pornographiques, on sent bien que la nostalgie désillusionnée se mêle sous sa plume à la rigueur de l'analyse. Mais voilà, il est difficile de ne pas constater que l'artisanat est devenu industrie, que la libération sexuelle, loin d'accomplir la révolution annoncée, a « marché main dans la main avec le libéralisme financier » ; et que Marcuse, le théoricien à la mode dans les amphis de Vincennes d'après Mai 68, qui fondait la société capitaliste sur la répression des désirs, avait confondu l'histoire passée du capitalisme avec sa nature intrinsèque.

    Notre auteur n'est pas le premier à établir ce diagnostic. Rien de neuf dans son portrait acide de notre modernité individualiste et féministe, avec ces hommes féminisés et ces femmes solitaires, où la passion amoureuse est remplacée par une « relation » égalitariste et contractuelle, où la « libération obligatoire » et le choix public du genre tournent à la « tyrannie au nom de l’égalité », où « l’ère du même détruit plus sûrement le désir que n'importe quelle morale ». Rien de neuf, mais rien de faux non plus. Juvin pose un diagnostic implacable où la libération est devenue contrainte : « La libération est le meilleur moyen d'être compétitif… Une morale interdisait, elle prescrit. Elle cachait, elle expose. Voilà la libération !»

    Mais le livre ne s'arrête pas là. Juvin l'économiste vient en renfort de Juvin le sociologue et de Juvin le nostalgique. Un économiste brillamment hétérodoxe qui démolit les fondamentaux du libéralisme classique, théorie de l'offre et de la demande, et concurrence pure et parfaite, pour mieux montrer comment l'organisation rationnelle de l'économie du désir a tout emporté pour mieux tout régenter : « Dans le gouvernement du désir, le crédit joue le rôle que police et gendarmerie jouaient dans les gouvernements monarchiques ou républicains… Le crédit fait du temps une marchandise comme une autre. (…) Il n'est pas l'un des instruments de la modernité libérale, il en est l'instrument. (…) Beaucoup parlent d'économie capitaliste. Ils devraient parler d'économie du crédit. »

    De l'économie à la politique, du crédit au droit et au marché, du désir individuel aux désirs collectifs, il n'y a qu'un pas que Juvin franchit allégrement et pour notre plus grand bonheur. Derrière le désir libéré, il y a la consommation à outrance. La consommation obligatoire. Et derrière la consommation, il y a le crédit. Et derrière le crédit, il y a la croissance. Et derrière le marché, il y a le droit. Et derrière le droit, et sa religion individualiste des droits de l'homme, il y a la destruction des nations, des peuples, des identités, des enracinements : « Nous savons que l'avènement de l'individu de droit menace notre existence même et notre liberté nationale. (…) Le mythe de l'autocréation de soi devient la fondation d'une religion moderne, totalitaire et intolérante, la religion des droits de l'homme qui achève de mettre à disposition de l'ordre du désir les individus délivrés de leur identité. » L'oubli des « nous » qui les ont pourtant autorisés à dire « je », comme dit Juvin dans une superbe formule.

    Là aussi, Juvin n'est pas le premier, mais on ne lui en veut pas, car son sens de la formule acerbe nous réjouit, et sa synthèse idéologique est prometteuse. Il arrache l'écologie aux Verts et n'a pas besoin de parler de Cécile Duflot pour montrer avec éclat la contradiction entre son idéologie libertaire et son hostilité au libéralisme, entre son rejet des frontières et son culte des équilibres naturels. « Le vrai sujet est l'invasion humaine de la planète, et la capacité avérée d'homo economicus, l'homme désirant sans fin, à détruire, dégrader et épuiser tout ce qui est à sa portée. »

    Juvin est une incarnation bien plus cohérente d'une sorte de souverainisme écologique qui a compris que la défense de la civilisation européenne contre la subversion migratoire venue du Sud et la lutte contre la déforestation ou l'extinction des ressources naturelles étaient un seul et même combat. Que la nation est le seul outil de la liberté politique et que la liberté politique est le seul outil de la liberté individuelle. Que « c’est la révolution conservatrice qui nous libérera de nos libérations ».

    Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire : « La liberté ou la mort », car la Liberté nous a conduits à la mort. « Désormais les nations européennes ont pour premier ennemi le rêve universaliste européen, et qui devient cauchemar, et que réalise cette idée chrétienne devenue folle : préférer son ennemi à soi-même ! (…) (Notre seule question est désormais) la survie de la France, de l'Europe, de la civilisation de ce cap du continent eurasiatique qui s'est cru le monde, et qui l'a tenu un moment, mais qui meurt de ne savoir ses limites, ses frontières et sa clôture. (…) Les migrations de masse sont trop utiles pour détruire les États et ramener les civilisations au temps de l'esclavage. (…) Nous sommes un monde de sédentaires exploité par les nomades, auxquels la globalisation a donné les clefs. »

    Le combat entre sédentaires et nomades prend désormais une forme inédite et intense. Brexit, Trump : les sédentaires relèvent la tête. Sous le mépris et les insultes moralisatrices des nomades. Dans la confusion et l'exaspération.

    Tout cela paraît bien loin des premiers émois amoureux des années 1970. « En libérant le désir sans limites, en organisant le régime du désir comme ordre et comme religion séculière, c'est bien la disparition du monde comme monde et la disparition de l'homme comme homme qu'il entreprend. » On se sent écrasé par la logique implacable des conséquences que cette histoire a entraînées. Écrasé et coupable. 

    « Nous sommes sortis du slogan révolutionnaire  : "  La liberté ou la mort ", car la Liberté nous a conduits à la mort. »

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    Le gouvernement du désir. Hervé Juvin, Gallimard, 274 p., 22 €.

    Eric Zemmour       

     

  • Éphéméride du 11 décembre

    1967 : Première présentation du prototype du Concorde 001

     

     

     

    1686 : Mort de Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé 

     

    D'abord Duc d'Enghien, Louis de Bourbon devint ensuite Prince de Condé.

    Son influence fut décisive et capitale à un moment lui aussi décisif et capital de notre Histoire. En remportant ses grandes victoires, comment ne pas voir qu'il fut le bras armé de notre politique extérieure et que c'est grâce à ses rares talents militaires que la France dût de voir couronnés les efforts de sa politique et de sa diplomatie. 

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    De Jacques Bainville (Histoire de France, chapitre XI, Louis XIII et Richelieu : La lutte nationale contre la maison d'Autriche) : 

    "...Sur tous les fronts, la guerre continuait, cette guerre qui, pour l'Allemagne, fut de trente ans. En 1643 une victoire éclatante à Rocroy, où la redoutable infanterie espagnole fut battue par Condé, donna aux Français un élan nouveau. L'Empire n'en pouvait plus. L'Espagne faiblissait. Le chef-d'œuvre de Richelieu avait été de retarder l'intervention, de ménager nos forces. La France, avec ses jeunes généraux, donnait à fond au moment où l'adversaire commençait à être las.

    Dès le temps de Richelieu on avait parlé de la paix. L'année d'après Rocroy, des négociations commencèrent. Le lieu choisi pour la conférence était Munster, en Westphalie. Mais la paix n'était pas mûre. Quatre ans se passèrent encore avant qu'elle fût signée, sans que la guerre cessât. On négociait en combattant et Mazarin comprit que, pour obtenir un résultat, il fallait conduire les hostilités avec une nouvelle énergie. Les campagnes de Turenne en Allemagne, une éclatante victoire du Grand Condé à Lens sur les Impériaux unis aux Espagnols décidèrent enfin l'Empereur à traiter. La paix de Westphalie fut signée en octobre 1648..."

     

    Sur le Grand Condé : https://www.histoire-image.org/etudes/prince-conde

    Et, sur cette "paix de Westphalie", "chef d'oeuvre absolu" selon Bainville, voir l'Éphéméride du 24 octobre

     

     

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    1803 : Naissance d'Hector Berlioz

     

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    http://www.hberlioz.com/BerliozAccueil.html

     

                                    Écouter : La Marche hongroise :                                     podcast

     

     

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    1809 : Mort du Comte d'Angiviller, premier organisateur du Musée du Louvre...

    (notre Éphéméride du 8 novembre essaye de proposer une vision d'ensemble des conditions et circonstances qui ont permis, sur plus de huit siècles, d'aboutir à la création du plus grand musée du monde : le Louvre, dans le Palais des rois de France...; on se reportera également aux origines du mot "Salon", dans notre Éphéméride du 25 août...)

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    Charles-Claude de La Billarderie, comte d’Angiviller, huile sur toile de Joseph-Siffred Duplessis, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

     

    Charles Claude Flahaut de La Billarderie, comte d’Angiviller, né le 24 janvier 1730, fit d'abord une belle carrière militaire sous Louis XV : il fut nommé Maréchal de camp.

    Ami personnel de Louis XVI, il changea de voie, par la suite, et fut nommé Directeur général des Bâtiments, Jardins et Manufactures de France, en 1774. Il procéda alors à des achats méthodiques d'oeuvres d'art en vue de compléter les collections royales et formula, en 1789, le projet d'un musée dans la Grande Galerie du Louvre, afin d'exposer au grand public les trésors de ces collections. Il commanda, dans cette optique, un rapport à l’architecte Soufflot - mais le projet fut, évidemment, retardé par la révolution...

    Du moins, d’Angiviller avait eu le temps de mener son ambitieuse politique d’acquisitions dans cette perspective, jusqu’à ce que la Guerre d’indépendance américaine ne l'amène à manquer de fonds... Amateur d’art et de sciences, il constitua également un très important cabinet de minéralogie, qu’il légua en 1781 au Jardin des Plantes...

     

     

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    1810 : Naissance d'Alfred de Musset

     

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    https://www.poesie-francaise.fr/poemes-alfred-de-musset/

    http://www.musset-immortel.com/

     

     

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    1902 : Ouverture du Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, au Petit Palais

     

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    http://www.petitpalais.paris.fr/

     

     

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    1945 : Mort de Charles Fabry

     

    Physicien, il est le co-découvreur de la couche d'ozone en 1913.

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    https://sciences.univ-amu.fr/musee

     

     

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    1967 : Première présentation du prototype du Concorde 001

     

    Elle a lieu dans les ateliers de l'Aérospatiale de Toulouse-Blagnac : l'avion réalisera son premier vol le 2 mars 1969

    Ci-dessous, après le premier vol du Concorde 001, l'équipage pose devant l'appareil : de gauche à droite, Retif, Turcat, Pinet et Perier

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    http://www.doc-aae.fr/pmb2/opac_css/doc_num.php?explnum_id=606

     

     

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    2 fevrier,capetiens,mourre,merovingiens,carolingiens,hugues capet,philippe auguste,plantagenets,croisades,bouvines,charlemagne,saint louis,senlisCette Éphéméride vous a plu ? En cliquant simplement sur le lien suivant, vous pourrez consulter, en permanence :

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  • Les hérésies chrétiennes dans le Coran – Ni rédemption ni grâce... par Annie Laurent

    Annie  LAURENT.jpgChers amis lecteurs,

    Dans la dernière Petite Feuille Verte (n° 98), nous nous sommes efforcés de mettre en évidence le regard que le Coran porte sur deux aspects fondamentaux du christianisme : la christologie et la mariologie. Il restait à présenter certaines conséquences découlant de ces doctrines, à savoir les questions relatives à la rédemption et au salut de l’homme, ainsi qu’à la grâce divine. Deux hérésies, apparues dans les débuts de l’histoire chrétienne, au Levant et en Europe, semblent avoir inspiré les déformations et les occultations que le Coran réserve à ces vérités de foi. Compte tenu de leur importance, il nous est apparu nécessaire d’y consacrer une PFV, celle que nous vous proposons aujourd’hui (n° 99).

    Bonne lecture à tous.

    Annie Laurent

    L’ange Malik ouvrant les portes de l’enfer pour le montrer au prophète de l’islam lors de son « voyage nocturne » (miniature persane médiévale, Creative Commons)

     

    La déformation islamique du mot « Messie » n’est pas anodine, comme nous l’avons déjà vu (cfPFV n° 98). Elle illustre l’absence totale de rédemption dans la perspective musulmane et donc la contestation de ses manifestations telles qu’elles sont rapportées par les auteurs du Nouveau Testament et confirmées par le magistère de l’Église. Cela concerne surtout la Crucifixion et la Résurrection du Christ, donc la réalisation du plan salvifique de Dieu. Deux hérésies apparues dans les débuts de l’histoire chrétienne, le docétisme et le pélagianisme, semblent avoir inspiré certains enseignements du Coran sur ces réalités.

    LE DOCÉTISME

    « La relation coranique de la crucifixion relève de la plus pure tradition docétique, bien qu’il reste difficile d’en déterminer le contenu doctrinal précis », remarque Jan M.F. Van Reeth (« La Christologie du Coran », Communio, n° XXXII, 5-6 septembre-décembre 2007, p. 4).

    Provenant du grec dokein (« paraître »), cette hérésie christologique est apparue dans un milieu de gnostiques dualistes (cf. PFV n° 95). L’un de ses promoteurs, Marcion (90-165), originaire du Pont (nord de la Turquie actuelle), considéré comme le premier hérésiarque identifiable dans l’histoire chrétienne, fut excommunié à ce titre. Associant la matière au mal, les docètes « pensaient donc que Dieu ne se serait pas incarné dans un corps matériel ». Cette croyance remettait en cause le dogme de l’Incarnation et a fortiori la réalité de la crucifixion, considérée comme une illusion. « Certains docètes affirmaient qu’un des disciples se serait substitué à son maître sur la croix » (Bernard Ardura, « Docétisme », dans Dictionnaire d’histoire de l’Église, Cerf, 2022, p. 339).

    Combattu par saint Ignace, évêque d’Antioche (35-107), puis par saint Irénée, évêque de Lyon et docteur de l’Église (130-202), le docétisme fut condamné lors du 1er concile œcuménique de Constantinople (381), qui précisa les modalités de l’Incarnation du Fils de Dieu : « Il s’est incarné de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie » ; et « il a été crucifié pour nous par Ponce Pilate » (Yves Chiron, Histoire des conciles, Perrin, 2011, p. 24).

                Retenons ici deux versets significatifs du Coran.

    • Les fils d’Israël rusèrent contre Jésus. Dieu ruse aussi ; Dieu est le meilleur de ceux qui rusent. Dieu dit : “O Jésus ! Je vais, en vérité, te rappeler à moi, t’élever vers moi ; te délivrer des incrédules” (3, 54-55).
    • Nous les avons punis [les Juifs] parce qu’ils ont dit : “Oui, nous avons tué le Messie, Jésus, fils de Marie, le Prophète de Dieu”. Mais ils ne l’ont pas tué ; ils ne l’ont pas crucifié, cela leur est seulement apparu ainsi […]. Mais Dieu l’a élevé vers lui (4, 157-158).

    Joachim Gnilka, spécialiste allemand en exégèse et herméneutique bibliques, propose un commentaire de ces citations. La première « signifierait que Dieu a déjoué leurs plans. La suite indique comment il faut le comprendre. […] Comment Mahomet en est-il venu à l’idée que dans cette situation Dieu a élevé Jésus au moment du danger extrême ? Dieu l’aurait ravi auprès de lui au ciel. La représentation d’un enlèvement par Dieu est biblique et nous la rencontrons aussi à propos d’Hénoch et d’Élie (Gn 5, 23-24 ; 2 R 2, 9-12). Selon Mahomet l’action de tous les prophètes, y compris la sienne, est caractérisée par le fait que, finalement, Dieu les sauve. Cela n’exclut pas qu’ils soient persécutés mais, à la fin, il y a leur libération » (Qui sont les chrétiens du Coran ?, Cerf, 2008p. 120).

    Quant à la seconde, Gnilka signale deux explications dépendant des traductions du Coran. « Suivant l’une, c’est un autre qui a été crucifié à la place de Jésus. […] Selon l’autre, « la crucifixion de Jésus n’était qu’une illusion. […] C’était seulement une apparence qui les a trompés ». D’après lui, « la majorité des commentateurs du Coran, y compris les musulmans, optent pour la première conception (théorie de la substitution). La deuxième, qui suppose des influences gnosticisantes, est la théorie de l’illusion » (ibid., p. 121).

    En définitive, poursuit cet auteur, selon le Coran, Jésus était voué à une mort naturelle et à la résurrection qui attend chacun lors du jugement dernier. C’est ainsi qu’il faut comprendre, estime-t-il, le verset suivant extrait du récit (apocryphe) dans lequel le Jésus nouveau-né se présente à sa parenté juive.

    • Que la paix soit sur moi, le jour où je naquis ; le jour où je mourrai ; le jour où je serai ressuscité (19, 33).

    La résurrection du Christ, dans les conditions surnaturelles dont témoigne l’Évangile, est donc absente du texte coranique. Pour Gnilka, « la croix et la résurrection de Jésus n’ont pas de signification de salut » (ibid., p. 121).

    L’allusion au gnosticisme permet à cet auteur de rappeler, parmi les courants de l’époque, que « dans le judéo-christianisme aussi la signification de la crucifixion de Jésus passe à l’arrière-plan. Les controverses judéo-chrétiennes n’abordent pas la thématique sotériologique » (ibid., p. 121-122). De fait, l’islam ne se présente pas comme une religion du salut (cf. infra, « Le pélagianisme »).

    D’après Michel Hayek, prêtre et savant libanais maronite (1928-2005), l’hérésie docète, répandue en Orient, « était connue en Arabie du Nord et du Sud, à Najran notamment, où elle eut l’audience d’un nombre considérable de chrétiens […]. Il reste à déterminer dans quelle mesure Mahomet, qui eut des rapports certains avec la communauté najranite, se fait l’écho de ce docétisme ». (Le Christ de l’islam, éd. du Seuil, 1959, p. 218).

    De fait, selon la Sîra (biographie officielle de Mahomet), une délégation de chrétiens de Najran (Yémen actuel), conduite par son évêque, serait venue à Médine en 631 pour rencontrer le « Messager de Dieu ». Au cours d’une controverse doctrinale, ces chrétiens (vraisemblablement des monophysites de tendance jacobite, cf. PFV n° 97 et 98) refusèrent le choix que Mahomet leur proposait : la conversion à l’islam ou, à défaut, la mobâhela (forme d’ordalie). Ils purent repartir mais en versant un tribut et en acceptant un statut de subordination appelé le « Pacte de Najran », qui est à la base de la dhimmitude.

    Sur cet épisode, cf. Mahmoud Hussein, Al-Sîra, Grasset, 2007, t. 2, p. 68-71 ; Edmond Rabbath, L’Orient chrétien à la veille de l’islam, Publications de l’Université Libanaise, 1989, p. 172 et 176 ; Alfred Havenith, Les Arabes chrétiens nomades au temps de Mohammedop. cit. p. 72.

    Sur la dhimmitude, cf. A. Laurent, Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, p. 96-177.

    LE PÉLAGIANISME

    « Pour Pélage, il n’y a pas de péché originel, la mort étant un sort naturel et pas une punition ; il relève de la seule responsabilité de chaque individu, par ses propres efforts spirituels, de se libérer du mal et du péché », explique Jan Van Reeth (Histoire du Coranop. cit., p. 457).

    Le moine anglais, Pélage (v. 350-430), qui fut à l’origine de cette doctrine dans l’Occident latin au IVème siècle, donc avant l’apparition de l’islam, « minimisait l’importance de la grâce et exagérait la force de la nature humaine ». Pour réfuter cette théorie, saint Augustin, ayant obtenu l’accord du pape Innocent 1er (+ 417), « mit en exergue le dommage produit par “la chute d’Adam et Ève” et le fait que l’homme était nécessairement dépendant de la grâce divineCes écrits anti-pélagiens eurent une forte influence sur la pensée concernant la prédestination » (David d’Avray, « Hérésie, hérésiarque, hérétique », dans B. Ardura, Dictionnaire d’histoire de l’Égliseop. cit., p. 452-453).

    La prédication de Pélage, lors de ses missions en Asie Mineure (Turquie actuelle) et en Palestine, a reçu un accueil favorable, surtout parmi les nestoriens et les monophysites (cf. PFV n° 97 et 98) qui s’y sont ralliés. Elle a donc « profondément marqué le milieu dans lequel est né l’islam » (Van Reeth, op. cit., p. 458).

    Le pélagianisme pose les problèmes de la conscience, du sens du péché et de la contrition. Cela explique sans doute l’omission, dans les récits coraniques de la création, du péché originel et de ses retombées sur l’humanité, mais aussi l’absence de la grâce et l’insistance du livre sacré de l’islam sur la prédestination.

    • Dis : “Il ne nous adviendra que ce que Dieu a déterminé pour nous” (9, 51).
    • Aucune calamité ne se produit sur la terre ou chez vous sans qu’elle n’ait été auparavant consignée dans un Livre (57, 22).
    • Dieu égare qui Il veut et guide qui Il veut (74, 31).

    C’est surtout parce qu’elle ruine le mystère de la Rédemption que l’hérésie de Pélage a diffusé son influence partout dans l’islam.

    L’absence de rédemption est clairement assumée par les musulmans comme en témoigne l’étude réalisée par Ali Mérad (1925-1960), professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Lyon. « La négation de la mort du Christ est parfaitement conforme à la logique du Coran et aux constantes de son enseignement […]. En effet, tout dans le Coran vise à convaincre le croyant qu’il connaîtra la victoire sur les forces du mal qui l’assaillent, le tourmentent et semblent momentanément avoir raison de sa force d’âme et de son espérance. Dans cette perspective, la mort du Christ eût été un démenti de la doctrine constante du Coran […]. Jésus mort sur la Croix, cela aurait signifié le triomphe de ses bourreaux. Or le Coran affirme indubitablement leur échec » (« Le Christ selon le Coran », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, Aix-en-Provence, n° 5, 1968, p. 90-91).

    L’auteur cite ensuite les versets 4, 157-158 et 3, 54-55 (cf. supra), auxquels il ajoute celui-ci.

    • Ô vous les croyants ! Soyez les auxiliaires de Dieu, comme au temps où Jésus, fils de Marie, dit aux apôtres : “Qui seront mes auxiliaires dans la voie de Dieu ?” Les apôtres dirent : “Nous sommes les auxiliaires de Dieu !” (61, 14).

    Puis, Mérad livre ce commentaire : « La conviction du musulman se trouve donc fortifiée par tout ce qu’il peut lire dans le Coran, à savoir que Dieu n’abandonne pas les siens. Comment aurait-il pu abandonner Jésus ? […] Cette image tragique de la Passion, l’islam la refuse. Non seulement parce qu’il ne connaît pas l

  • Éphéméride du 27 novembre

    511 : Mort de Clovis, à l'âge approximatif de 46 ans 

     

    Il faudra attendre encore presque cinq cents ans pour que les Capétiens, inaugurant la troisième dynastie (après celle des Mérovingiens - fondée par Clovis - et celle des Carolingiens - à partir de Pépin le Bref -) posent les bases de "la France", dans l'acception actuelle du terme.   

    Pourtant le rôle, l'oeuvre et l'action de Clovis sont immenses et, à cet égard, celui qui s'est fait baptiser à Reims le 25 décembre 498 est bien le premier Roi de France :  

    "...Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L'élément décisif pour moi, c'est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs" (Charles de Gaulle). 

     

    Sur Clovis, et l'importance capitale de son règne, voir : l'Éphéméride du 25 décembre (baptême de Clovis); sur le sens véritable de l'épisode du vase de Soissons, voir l'Éphéméride du 1er mars; et, sur les batailles décisives de Tolbiac et Vouillé, l'Éphémeride du 10 novembre (bataille de Tolbiac), et l'Éphémeride du 25 mars (bataille de Vouillé) 

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    De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre II, L'essai mérovingien

    "...Il n'y a donc pas lieu de parler d'une conquête ni d'un asservissement de la Gaule par les Francs, mais plutôt d'une protection et d'une alliance, suivies d'une fusion rapide. La manière même dont les choses s'étaient passées, telles que nous venons de les voir, montre que l'élément gallo-romain avait appelé l'autorité de Clovis et que Clovis, de son côté, avait très bien vu que ce peuple désemparé, craignant le pire, désirait une autorité forte. S'il en eût été autrement, si les Gallo-Romains s'étaient bien trouvés du gouvernement des autres chefs barbares, Clovis ne fût pas allé loin.

    D'ailleurs les tribus franques n'étaient même pas assez nombreuses pour subjuguer toute la Gaule, pas plus qu'elles n'étaient capables de la diriger. Pour ces raisons, on vit tout de suite les Mérovingiens entourés de hauts fonctionnaires qui portaient des noms latins et qui sortaient des vieilles familles sénatoriales. Des généraux gallo-romains commandèrent des armées franques. Les lois, les impôts furent les mêmes pour tous. La population se mêla spontanément par les mariages et le latin devint la langue officielle des Francs qui oublièrent la leur, tandis que se formait la langue populaire, le roman, qui, à son tour, a donné naissance au français.   

    Les Gallo-Romains furent si peu asservis que la plupart des emplois restèrent entre leurs mains dans la nouvelle administration qui continua l'administration impériale. Et ce furent les Francs qui protestèrent, au nom de leurs coutumes, contre ces règles nouvelles pour eux, Ils avaient, du droit et de la liberté, une notion germanique et anarchique contre laquelle les rois mérovingiens eurent à lutter. Les "hommes libres" avaient l'habitude de contrôler le chef par leurs assemblées. La discipline civile de Rome leur était odieuse. Il fut difficile de les y plier et, en définitive, ils furent conquis plutôt que conquérants. Ce qu'on a dit du partage des terres entre les guerriers francs n'est que fables et Fustel de Coulanges a démontré que la propriété gallo-romaine n'avait changé ni de caractère ni de mains..."

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    Ce qui deviendra "la France", sous Clovis...

     

     

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    1095 : Urbain II prêche la Croisade

     

    C'est à l'occasion du concile de Clermont que le pape Urbain II proposa une expédition en Terre sainte afin de libérer le tombeau du Christ, au main des musulmans (plus précisément, les Turcs Seldjoukides).

    L'idée fut reçue avec enthousiasme : le concept de "croisade" ou "guerre sainte" était lancé et allait profondément marquer l’Occident médiéval.

    Moins de quatre ans plus tard, en 1099, les premiers croisés s’empareront de Jérusalem (voir l'Éphéméride du 15 juillet).

    Dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, Chateaubriand propose une défense des Croisades (La Pléiade, Oeuvres romanesques, tome II, pages 1052/1053/1054) :

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    "...Les écrivains du XVIIIème siècle se sont plu à représenter les Croisades sous un jour odieux. J'ai réclamé un des premiers contre  cette ignorance ou cette injustice. Les Croisades ne furent des folies, comme on affectait de les appeler, ni dans leur principe, ni dans leur résultat. Les Chrétiens n'étaient point les agresseurs.

    Si les sujets d'Omar, partis de Jérusalem, après avoir fait le tour de l'Afrique, fondirent sur la Sicile, sur l'Espagne, sur la France même, où Charles Martel les extermina, pourquoi des sujets de Philippe Ier, sortis de la France, n'auraient-ils pas faits le tour de l'Asie pour se venger des descendants d'Omar jusque dans Jérusalem ?

    C'est un grand spectacle sans doute que ces deux armées de l'Europe et de l'Asie, marchant en sens contraire autour de la Méditerranée, et venant, chacune sous la bannière de sa religion, attaquer Mahomet et Jésus-Christ au milieu de leurs adorateurs.

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    N'apercevoir dans les Croisades que des pèlerins armés qui courent délivrer un tombeau en Palestine, c'est montrer une vue très bornée en histoire. Il s'agissait, non seulement de la délivrance de ce Tombeau sacré, mais encore de savoir qui devait l'emporter sur la terre, ou d'un culte ennemi de la civilisation, favorable par système à l'ignorance, au despotisme, à l'esclavage, ou d'un culte qui a fait revivre chez les modernes le génie de la docte antiquité, et aboli la servitude ?

    Il suffit de lire le discours du pape Urbain II au concile de Clermont, pour se convaincre que les chefs de ces entreprises guerrières n'avaient pas les petites idées qu'on leur suppose, et qu'ils pensaient à sauver le monde d'une inondation de nouveaux Barbares. L'esprit du Mahométisme est la persécution et la conquête; l'Évangile au contraire ne prêche que la tolérance et la paix. Aussi les chrétiens supportèrent-ils pendant sept cent soixante-quatre ans tous les maux que le fanatisme des Sarrasins leur voulut faire souffrir; ils tâchèrent seulement d'intéresser en leur faveur Charlemagne; mais ni les Espagne soumises, ni la Grèce et les deux Sicile ravagées, ni l'Afrique entière tombée dans les fers, ne purent déterminer, pendant près de huit siècles, les Chrétiens à prendre les armes.

    Si enfin les cris de tant de victimes égorgées en Orient, si les progrès des Barbares déjà aux portes de Constantinople, réveillèrent la Chrétienté, et la firent courir à sa propre défense, qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n'eussent repoussé la force par la force ? Que l'on contemple la Grèce, et l'on verra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans. Ceux qui s'applaudissent tant aujourd'hui du progrès des lumières, auraient-ils donc voulu voir régner parmi nous une religion qui a brûlé la bibliothèque d'Alexandrie, qui se fait un mérite de fouler aux pieds les hommes, et de mépriser souverainement les lettres et les arts ?

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    Les États latins d'Orient 
     

     

    Les Croisades, en affaiblissant les hordes mahométanes aux portes mêmes de l'Asie, nous ont empêchés de devenir la proie des Turcs et des Arabes. Elles ont fait plus : elles nous ont sauvé de nos propres révolutions; elles ont suspendu, par la paix de Dieu, nos guerres intestines; elles ont ouvert une issue à cet excès de population qui, tôt ou tard, cause la ruine des États; remarque que le Père Maimbourg a faite, et que M. de Bonald a développée.

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    Le Krak des Chevaliers, en Syrie (voir l'Éphéméride du 8 avril)

     

    Quant aux autres résultats des Croisades, on commence à convenir que ces entreprises guerrières ont été favorables aux progrès des lettres et de la civilisation. Robertson a parfaitement traité ce sujet dans son Histoire du Commerce des Anciens aux indes orientales. J'ajouterai qu'il ne faut pas, dans ces calculs, omettre la renommée que les armes européennes ont obtenue dans les expéditions d'outre-mer. Le temps de ces expéditions est le temps héroïque de notre histoire; c'est celui qui a donné naissance à notre poésie épique.

    Tout ce qui répand du merveilleux sur une nation, ne doit point être méprisé par cette nation même. On voudrait en vain se le dissimuler, il y a quelque chose dans notre coeur qui nous fait aimer la gloire; l'homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c'est en entretenant les Romains de l'éternité de leur ville, qu'on les a menés à la conquête du monde, et qu'on leur a fait laisser dans l'histoire un  nom éternel..."

     

    Cette remarquable défense des Croisades, par Chateaubriand, sera utilement complétée par d'autres propos remarquables sur ces mêmes Croisades, écrits par Jean Sévillia, que nous reproduisons ici (tirés de notre Éphéméride du 15 juillet) : 

    Dans notre Éphéméride de ce jour : à propos des Croisades...

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    1400 : Louis II d'Anjou entame la reconstruction du château de Tarascon
     

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     L'imposant château est bâti sur un énorme rocher, qui domine le Rhône : la racine ligure "asc" signifie "cours d'eau", et le préfixe "tar", "rocher" : Tarascon est donc le "rocher de le rivière"...

     

    Son fils Louis III poursuivra les travaux, ainsi que son frère René à la mort de Louis III, sans descendance.

    Puis René d'Anjou, "le bon roi René", n'ayant pas, lui non plus, de descendant mâle, fera de son neveu Charles du Maine, son héritier, lui laissant l'Anjou et la Provence (voir l'Éphéméride du 10 juillet).

  • Jean-Pierre Chevènement : « La menace pour l'Europe n'est pas à l'Est, mais au Sud » (2/2)

    Retour sur d'intéressantes réflexions de Jean-Pierre Chevènement

    Le mois dernier, juste après les attentats de Saint-Quentin-Fallavier, l‘ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense confiait au Figaro sa vision très gaullienne de la politique étrangère. Pour le Che , il ne faut pas se tromper d'ennemi: la menace pour l'Europe n'est pas la Russie, mais Daech. 

    Quelques mois seulement après les attentats de janvier, la France a une nouvelle fois été victime du terrorisme. Avons-nous sous-estimé la menace ?  

    Elle était tout à fait prévisible. J'ai dit à l'époque au président de la République que nous allions avoir devant nous des décennies de terrorisme. Aucune démocratie n'a chaviré à cause de celui-ci. Il s'agit d'une réalité douloureuse mais auquel un grand Etat doit savoir faire face. Pour réduire le terrorisme, il faut garder son sang-froid, avoir une vue large et longue, une parole publique claire. Le but des islamistes est de créer un affrontement du monde musulman tout entier contre l'Occident. Ils veulent le choc des civilisations, mais nous ne devons pas tomber dans ce piège. Il faut assécher le terreau sur lequel le terrorisme djihadiste se développe. C'est beaucoup plus difficile qu'à l'époque d'Action directe car ce mouvement terroriste n'avait absolument aucun soutien dans la classe ouvrière française alors qu'aujourd'hui un certain nombre de jeunes « paumés » peuvent être tentés par une démarche de radicalisation. Mais il faut rejeter par avance toute culture de l'excuse ! 

    Manuel Valls a donc eu tort d'utiliser le terme de choc de civilisation … 

    Il faudrait lui donner le temps de s'expliquer. Samuel Huntington, lui-même, n'employait pas ce mot pour le recommander, mais pour montrer qu'il était à l'horizon. Je réfute l'idée du choc des civilisations: C'est ce que veut Daesh. Ne tombons pas dans ce piège. Mais la menace de ruptures majeures pour la France vient incontestablement non pas de l'Est, mais du Sud, notamment pour des raisons démographiques. Dans l'Afrique subsahélienne, il existe des pays dont le taux de fécondité va jusqu'à sept enfants par femme. Il sera impossible de promouvoir le développement dans ces pays s'ils ne font pas l'effort de se responsabiliser et si les religions ne nous y aident pas. Il faut aussi prendre conscience que le Moyen-Orient reste un baril de poudre qui demande une vigilance particulière du point de vue de la sécurité de la France car il concentre la moitié des réserves de pétrole et de gaz mondiales. 

    Notre pays est en proie à une crise économique et sociale, mais aussi à une crise identitaire profonde. Ce type d'attentat peut-il déstabiliser la société en profondeur ? 

    Nous avons des tensions liées à la situation économique et des tensions qui résultent de la concentration de populations immigrées dans certains quartiers ou dans certaines zones comme la Seine-Saint-Denis ou les quartiers Nord de Marseille. Tout cela témoigne d'une grande cécité historique de la part des pouvoirs publics. Il faut mener une politique d'intégration, mais cela suppose d'abord que la France s'aime assez elle-même pour donner envie à ses enfants de s'intégrer à elle. C'est un problème complexe, mais je suis persuadé qu'à long terme nous avons tous les éléments de sa solution. Cela suppose beaucoup de conditions réunies et laisse prévoir beaucoup de secousses en attendant. Mais de ces secousses mêmes nous tirerons l'énergie salvatrice du sursaut. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » selon la formule du poète Hölderlin.

    L'islam est-il compatible avec la République ? 

    Je m'intéresse beaucoup à l'islam depuis que j'ai été sous-lieutenant en Algérie. Il y a dans le Coran énormément d'invocations à la rationalité, même s'il ne comporte pas que cela. Il faut que l'islam se dégage des dogmatismes excessifs, dont sont imprégnés certains de ses courants. Le catholicisme aussi a bien dû se dégager d'un certain absolutisme. Néanmoins, c'est plus compliqué avec la religion musulmane car il n'y a pas de clergé. Il faut que les musulmans se prennent en main et séparent eux-mêmes le bon grain de l'ivraie. J'avais lancé en 1999 une consultation dont Nicolas Sarkozy avait tiré les conséquences avec le CFCM (Conseil français du culte musulman). Cela n'a pas été une réussite, mais il y a eu un manque de fermeté dans la mise en œuvre d'une politique permettant de former des imams à la française: des imams qui, pour commencer, parleraient le français car la plupart ignorent notre langue. Il nous faut une vue à long terme et le courage de s'y tenir. 

    Certains intellectuels comparent la faiblesse des gouvernements européens actuels à la lâcheté des dirigeants avant la Seconde guerre mondiale. Que pensez-vous de cette comparaison ? 

    On dit « chien méchant ». A juste titre: Al Quaïda, Daesh sont atrocement méchants. Mais il faut aussi se demander ce qui les a rendus méchants ? Prenons l'exemple de l'Irak. Les Etats-Unis ont considéré qu'ils pouvaient supprimer un Etat, dissoudre son armée, renvoyer ses fonctionnaires … Pour mettre à la place quoi ? Un régime pseudo-démocratique dans un pays qui était un grand Liban et qui a été livré aux partis chiites qui vont prendre leurs ordres à Téhéran. Nous avons le résultat auquel il fallait s'attendre: la prépondérance iranienne dans la région et l'envol du terrorisme sunnite après l'écrasement d'un nationalisme laïc. De même pour la Libye. Nous pouvions protéger Benghazi, comme le préconisait le mandat de l'ONU, sans pour autant faire tomber Kadhafi. Nous avons livré la Libye au chaos, comme les Américains l'on fait avec l'Irak. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de voir les migrants déferler sur les côtes italiennes. 

    Vous êtes généralement partisan du «non-interventionnisme». Faut-il faire une exception avec Daech et envoyer des troupes au sol ? 

    Il faut reconstituer les Etats - Irak et Syrie - dans leurs frontières. Les buts politiques d'une intervention doivent être clairs et approuvés par l'ONU. Il faut se demander si le mot d'ordre « Bachar doit partir » était bien raisonnable. Nous avons aujourd'hui trois partenaires en lice: le régime de Bachar el-Assad, Daech et al-Nosra, c'est-à-dire Al-Qaïda. Je ne suis pas sûr que l'on doive émettre une préférence pour Daech ou pour al-Nosra. Nous sommes dans une situation où la France devrait jouer les intermédiaires entre un certain nombre de courants démocratiques et le régime de Damas, si déplaisant soit-il. Le régime syrien est un régime brutal et violent, mais qui a au moins le mérite de ne pas chercher à instaurer un Califat, y compris en Seine-Saint-Denis. 

    Et si Bachar el-Assad est trop affaibli ? 

    Il y a deux ans il s'agissait d'intervenir pour le faire tomber. Heureusement, les Russes et les Américains nous ont évité ce qui aurait été une grave erreur. Le monde arabe est dans un état de décomposition profond. L'Occident y a une certaine responsabilité. Il faut favoriser un accord de sécurité entre le monde perse et le monde arabe et trouver un équilibre de sécurité entre les sunnites et les chiites. Cela peut passer par un pacte de sécurité impliquant l'Iran et garanti par les cinq grandes puissances avec l'Iran chiite qui est la puissance dominante dans la région et qui est une grande civilisation. Il faudra également régler le conflit israélo-palestinien qui est un abcès de fixation dans la région depuis bientôt un demi-siècle. Tout ne se traite pas militairement, mais certaines précautions doivent être maintenues et un bon budget militaire est nécessaire à la France dans la période qui vient. En même temps cela ne dispense pas d'être intelligent ... 

    Un mot sur Charles Pasqua … 

    Il a marqué la place Beauvau comme ministre de l'Intérieur. Il a pris de bonnes initiatives en matière de législation anti-terroriste notamment. Lorsque j'étais moi-même ministre de l'Intérieur, j'ai d'ailleurs fait appliquer la loi de janvier 1995 qui ne l'avait pas été et qui est le premier texte à mentionner le mot de « police de proximité ». Je lui rends ses droits d'auteur. Charles Pasqua était un homme qui avait été formé dans la Résistance et qui avait sans doute gardé de cette période des méthodes pas toujours très orthodoxes. On le lui a reproché. Mais cela ne doit pas masquer l'essentiel: il était un patriote et un grand serviteur de l'Etat. A titre personnel, je n'ai pas oublié qu'en 1992, nous avons livré un combat commun contre le traité de Maastricht, puis en 2005 contre le Traité constitutionnel européen. J'appréciais aussi l'acteur qu'il était dans tous les sens du terme. Il a puissamment animé notre scène politique, si bien que même ses adversaires ne pouvaient pas le détester.

    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO

     

  • Baisse de popularité de Macron : la grande résignation de la France périphérique

     

    Entretien réalisé par Alexandre Devecchio

    Pour le journaliste et essayiste François Bousquet, Emmanuel Macron et son gouvernement ont peut-être d'ores et déjà pris acte qu'ils ne pourraient « qu'accompagner le déclin programmé des classes populaires ». Cet entretien [Figarovox, 30.08] est émaillé de justes analyses et de nombreuses questions pertinentes. On nous dit que François Bousquet a prononcé une conférence très remarquée au Camp Maxime Real del Sarte [20-27.08] qui vient de s'achever. Et qui est l'université d'été de la jeunesse d'Action Française.  LFAR  

     

    Francois-Bousquet.jpgL'érosion de la popularité de Macron était-elle dans l'ordre des choses, chronique d'une déception annoncée ?

    Il semblerait qu'on ait le plus grand mal à voir Emmanuel Macron pour ce qu'il est, à échelle réelle, sans succomber aux superlatifs de majesté ou aux doléances attristées. Dans les semaines qui ont suivi son élection, certains commentateurs ont même renoué avec de vieux réflexes courtisans qui nous ramenaient plus de trente ans en arrière, au temps de Mitterrand. Merkel patinait, Trump s'enlisait, mais Macron survolait la scène, internationale et intérieure. Une vraie apothéose romaine. D'où la convocation de Jupiter. Mais la « jupitérisation » aussi prématurée que subite du président rappelait la « citrouillification » de l'empereur Claude tant brocardé par Sénèque. Ainsi se vérifiait une fois de plus l'antique adage qui veut qu'il n'y ait jamais loin du Capitole à la roche Tarpéienne.

    Dès lors, les mêmes se sont mis à brûler ce qu'ils avaient adoré la veille. Hier leur héros marchait sur l'eau, aujourd'hui il coule. De l'avoir vu trop grand, ils le voient désormais plus petit qu'il n'est, alors que les Français se sont contentés de le faire descendre de son Olympe, parmi les mortels. Depuis, Macron a arrondi son personnage. Il fait des selfies comme Marine Le Pen, du jogging comme Sarkozy et des bains de pieds comme Hollande. Il est même l'heureux propriétaire d'un chien aussi noir que la chienne labrador de Mitterrand. Il redevient un président normal que peu de choses distinguent de ses prédécesseurs, sinon son jeune âge, sa relative inexpérience et celle de son gouvernement, comme le tendre Édouard Philippe croqué à pleines dents par Jean-Jacques Bourdin. Bref, il fait l'apprentissage d'une impopularité qui lui rappelle combien il a été mal élu, avec 40 % du corps électoral et moyennant un double référendum, au premier tour anti-Fillon, au second tour anti-Le Pen. Sans parler de l'abstention record des législatives marquées par une grève massive du vote ouvrier et employé, comme si la France périphérique avait tout de suite fait son deuil de la séquence politique qui s'ouvrait et n'annonçait rien de bon pour elle.

    Difficile de voir en Macron le candidat de cette France-là…

    Il a néanmoins endossé les habits du rassembleur, du moins dans l'entre-deux-tours. Depuis, plus rien. Au tout début des luttes des classes en France (1850), Marx rappelle que c'est le banquier Lafitte qui a accompagné à l'Hôtel de ville le futur roi des Français, Louis-Philippe, après les Trois Glorieuses, les journées révolutionnaires de juillet 1830. Et Lafitte confiait, rapporte Marx : « Désormais, ce sera le règne des banquiers. » Ironiquement, Lafitte était le chef du « parti du Mouvement », autant dire un homme déjà en marche! Aujourd'hui, il serait roi des Français. Disant cela, il ne s'agit pas d'épouser les outrances tapageuses d'un Mélenchon, mais de faire valoir que Macron ne peut pas être le champion de cette France périphérique, nonobstant son engagement de réconcilier « la France de l'optimisme, la France qui doute et la France en colère ». Il n'y a à ce jour rien dans l'agenda gouvernemental à destination de la France en colère, sinon le durcissement du contrôle technique ou la fin du diesel (changez de voiture !) et la baisse des dotations aux collectivités (changez de région !), qui frappent d'abord la France rurale et périurbaine. Pour le reste, qui connaît Jacques Mézard, le successeur de Richard Ferrand à la tête du ministère de la Cohésion des territoires ? Quelle est sa feuille de route ? Quelles mesures compte-t-il faire adopter pour rompre l'embargo territorial des « invisibles » ? Où est le grand ministère de l'Industrie qu'attendent les régions désindustrialisées ? Notre économie se serait-elle à ce point dématérialisée pour que le gouvernement ait cru bon de faire l'impasse sur une politique industrielle offensive ?

    Pour quelles raisons cette France périphérique a-t-elle ainsi disparu des écrans radars, politiques autant que médiatiques ?

    La vérité, c'est que tous les enseignements du premier tour - la validité des thèses de Christophe Guilluy sur les deux France, le retour d'un vote de classe (ou de déclassement) et la sécession de pans entiers de la population - ont été oubliés le soir même du second tour. Les ressorts du vote Front national (et dans une moindre mesure de la France insoumise) ne se sont pourtant pas volatilisés après le débat, ou le trépas, de Marine Le Pen devant plus de 15 millions de Français. Ils sont plus que jamais présents, mais occultés. C'est comme la lumière du frigo : ils sortent de l'agenda politique une fois la parenthèse électorale refermée. Il en va de même du traitement médiatique des catégories populaires, qui oscille généralement entre trois tentations. Au choix: l'invisibilisation, la diabolisation ou l'infériorisation (moins on est instruit, plus on vote populiste). Quand ces dernières réapparaissent sur les radars de contrôle, c'est pour se faire flasher.

    Cette France aurait-elle été sacrifiée ?

    Tout se passe comme si on avait pris acte en haut lieu qu'on ne pourrait qu'accompagner son déclin programmé via des plans sociaux et des politiques d'assistance. On a parfois le sentiment troublant d'assister au retour d'un darwinisme social soft, au préjudice des moins adaptés, au sens évolutif du terme. Cette vision commanderait-elle secrètement le choix des élites ? Dans la théorie social-darwinienne, le dépérissement des espèces qui ne présentent plus d'avantages reproductifs, autrement dit celles qui sont socialement inadaptées aux nouvelles conditions du milieu, est fatal. On retrouve un peu de cela dans le concept de « destruction créatrice » des économistes libéraux, dans certains romans de Houellebecq et tout au long du Manifeste du parti communiste.

    On ne fera pas l'injure à la future loi travail de dire qu'elle est l'héritière en filiation directe de ce monde-là. Il n'empêche, c'est chez Macron qu'on trouve avec le plus de fréquence les occurrences négatives des classes populaires : entre les « gens qui ne sont rien », les ouvrières « illettrées » des abattoirs Gap, « l'alcoolisme et le tabagisme » du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. On avouera que cela fait beaucoup. Dans quelle mesure la capacité de résilience des catégories populaires et l'incapacité de la France périphérique à se fédérer, en raison de sa dispersion géographique, autoriseront-elles les élites à persister dans cette voie, entre déni et mépris ? C'est toute la question. La résolution de ce qu'on appelait naguère la « question sociale », adossée à celle de l'insécurité culturelle, se trouve pour une bonne part dans la réponse qu'on lui donnera.  

    XVMa6c12fca-8d5e-11e7-8851-28a86c911c0f-100x155.jpgFrançois Bousquet est journaliste et écrivain. Il participe à la revue Éléments. Il a publié une biographie de l'écrivain pamphlétaire Jean-Edern Hallier. Il a publié récemment La droite buissonnière( éditions du Rocher, 2017), un essai sur l'influence de Patrick Buisson sur la droite française. 

     

     

     

    1630167502.jpgAlexandre Devecchio

    Al.exandre Devecchio est journaliste au Figaro, en charge du FigaroVox. Il vient de publier Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016)

     

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    Eté 2017 : Les souffrances du jeune Macron

  • Macron et Poutine : les enjeux de Versailles

    par Jacques Sapir-

     

    874684168.jpgLa visite que Vladimir Poutine doit faire en France le lundi 29 mai excite beaucoup l’imagination des journalistes et du personnel politique. Le fait qu’il sera reçu au château de Versailles, avec un decorum tout à fait singulier est l’une des causes de cette excitation. Elle montre surtout que les enjeux, que ce soit pour Vladimir Poutine ou pour Emmanuel Macron de cette visite ne sont pas entièrement perçus. Il est en effet hautement symbolique que Vladimir Poutine soit le premier dirigeant reçu par le nouveau Président de la République. 

    Les enjeux pour Emmanuel Macron

    Dans quel contexte cette visite aura-t-elle lieu ? À l’heure actuelle, les relations bilatérales entre la France et Russie sont sévèrement contraintes par la politique de l’Union européenne à l’égard de la Russie. Ces contraintes dépassent la simple question des sanctions, dont l’importance, hors les sanctions financières, a été plus symbolique que réel. L’Union européenne a développé depuis 2014, qu’on l’approuve ou qu’on le réprouve, une véritable politique d’hostilité vis-à-vis de la Russie. Ce sera donc un test pour savoir si le Président Macron veut alléger la contrainte de l’UE et mettre en œuvre une politique plus française, plus tournée vers les intérêts de la France, envers la Russie ou s’il place la politique étrangère française sous le cadre de l’UE.

    Le fait qu’il souhaite que cette visite ait lieu avec un décorum tout particulier à Versailles ne doit pas être considéré comme une indication quant à la réussite ou non de cette visite. Cela traduit uniquement l’importance que revêt cette visite. Elle constitue, il est vrai, pour Emmanuel Macron, son véritable baptême du feu en politique internationale. De plus, Emmanuel Macron sait très bien que cette visite sera scrutée à la fois par ses opposants comme par ses soutiens. Son action envers la Russie et Vladimir Poutine sera donc observé avec un grand intérêts à la fois par ses opposants (le parti des « Républicains », mais aussi la gauche radicale de M. Melenchon et le Front national de Marine le Pen sont tous en faveur d’une amélioration des relations franco-russes) et par ses partisans (qu’il s’agisse du MODEM de François Bayrou, du Parti socialiste ou de son propre parti maintenant appelé LREM). Si cette visite devait se conclure par une annonce dramatique quant à l’amélioration des relations bilatérales, il serait fortement critiqué par ses propres amis. Si la visite est un échec, ses adversaires cette fois le critiqueront. On peut donc penser que cette visite débouchera sur certaines améliorations dans les relations bilatérales, mais rien de particulièrement spectaculaire. Mais cela ne signifie pas qu’un processus général d’amélioration n’aura pu être lancé par cette visite, un processus qui se déroulera dans les prochains mois.

    Emmanuel Macron, en tant que nouveau président français, doit montrer d’abord qu’il a à l’esprit les intérêts français (quelque chose qui avait un peu manqué à François Hollande). Il doit, ensuite, montrer qu’il défend des principes (mais nous devons voir quel principe viendra en premier). Enfin il est clair qu’il cherchera à user de cette visite à son avantage politique. Il a été fortement attaqué lors de la campagne présidentielle pour son manque d’expérience dans le traitement des affaires internationales. Il essaiera donc de montrer que ces attaques n’étaient pas fondées. Dans une certaine mesure, les enjeux sont très élevés pour lui, car c’est sa première expérience dans la diplomatie mondiale et il a désespérément besoin de faire une impression durable ou l’image d’un «gamin inexpérimenté» lui collera à la peau.

    Emmanuel Macron a explicitement déclaré qu’il voulait des «bonnes relations» avec la Russie. Il est définitivement un homme pragmatique, et non pas quelqu’un dont la pensée internationale est profondément chargé d’idéologie, tout comme le furent M. François Hollande, l’ancien président, ou encore les ministres des Affaires étrangères de ce même François Hollande, qu’ils s’agissent de Laurent Fabius ou de Jean-Marc Ayrault. Dans ce contexte, il n’est donc pas si surprenant que le premier chef d’Etat étranger à être invité à Paris soit M. Poutine. Soit dit en passant, il existe maintenant une concurrence au sein de l’Union européenne, et plus précisément entre la France, l’Allemagne et l’Italie pour améliorer les relations avec la Russie et particulièrement les relations économiques. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de divergences entre la France et la Russie, soit au Moyen-Orient, soit à l’Ukraine. Mais ces différences et divergences ne sont pas considérées comme un obstacle à l’amélioration des relations avec la Russie. 

    Les enjeux pour Vladimir Poutine

    De même, cette visite présente des enjeux importants pour Vladimir Poutine. D’une part, elle met fin à la tentative des pays de l’UE pour « isoler » la Russie. Cette politique n’avait guère de sens, et elle s’est traduit dans les fait par un resserrement des relations entre la Russie et la Chine, mais aussi par une montée en puissance de l’Organisation de Coopération et de Sécurité, ce que l’on appelle « l’organisation de Shanghai ». Le fait que l’Inde et le Pakistan aient décidé formellement de rejoindre l’OCS est bien la preuve que cette politique d’isolement était d’une grande futilité. Mais, elle a provoqué des dommages importants aux relations entre les pays de l’Union européenne et la Russie et, de ce point de vue, la visite à Versailles de Vladimir Poutine peut marquer le début d’une nouvelle période, plus empreinte de pragmatisme.

    D’autre part, Vladimir Poutine entend bien concrétiser lors de cette visite de nouvelles avancées dans le domaine économique. Il faut ici comprendre la logique des relations économiques entre la Russie et les pays de l’UE à travers deux prismes. Le premier est celui de l’évolution actuelle de l’économie russe. Cette dernière est sortie de la crise dans laquelle l’avait plongée l’effondrement des prix du pétrole. Mais, la reprise pourrait être insuffisante eu égard aux objectifs politiques du gouvernement russe. Le second est celui des développement de l’Union Eurasienne, qui s’avère chaque jour un projet de plus en plus important. Dans le développement de cette Union Eurasienne, la question de l’équilibre des relations entre la Chine et la Russie apparaît comme fondamentale. Qu’il s’agisse du projet de la « Route de la Soie » ou qu’il s’agisse des relations triangulaires entre la Russie, la Chine et le Kazakhstan, le fait que la Russie ne puisse s’adosser à de bonnes relations avec les pays de l’Union européenne est un problème.

    La Russie, en effet, a tout intérêt à se présenter comme un « pont » entre l’Union Eurasienne et les pays d’Europe occidentale. De bonnes relations avec ces derniers auront des répercussions très favorables au sein même de l’Union Eurasienne. On comprend ainsi tout l’intérêt, pour Vladimir Poutine, que cette visite se conclue, comme on l’a dit, non pas sur des résultats immédiatement spectaculaires, mais sur un processus de normalisation progressive des relations avec les pays de l’Union européenne. Tel est donc l’enjeu pour Vladimir Poutine de cette rencontre de Versailles.

    Il est peu douteux qu’il ne soit sensible à l’attention d’Emmanuel Macron qui le reçoit dans un cadre fastueux. Mais il est tout aussi peu douteux qu’il se laisse aveugler par les ors que l’on déploiera pour lui. Vladimir Poutine est avant tout un réaliste ; c’est aussi un pragmatique, une caractéristique qu’il partage donc avec Emmanuel Macron. 

    Voici donc ce que cachent les ors de Versailles. Les deux Présidents, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de Vladimir Poutine, ont donc un intérêt commun à ce que cette visite se passe bien. Mais, Emmanuel Macron se tromperait lourdement s’il se figure recevoir un Président Russe affaibli ou en difficulté. Les problèmes actuels de l’économie russe sont parfaitement solvables avec les moyens de la politique économique russe. Quant à Vladimir Poutine, il doit lui aussi comprendre que les enjeux pour son pays d’une issue favorable de cette visite sont importants. Il prendrait un gros risque, et ferait certainement une grave erreur, en traitant Emmanuel Macron comme un « gamin inexpérimenté ». Ces deux dirigeants doivent tirer un trait sur le dogmatisme qui imprégnait les relations franco-russes du temps de François Hollande. Le fait que l’un et l’autre soient des pragmatiques est plutôt de bonne augure. 

    Le blog de Jacques Sapir RussEurope

  • Qui ensauvage la France ?, par Philippe Bilger.

    Source : https://www.philippebilger.com/blog/

    Je l'avoue : j'ai un peu peur de formuler cette interrogation. Je pressens les tombereaux d'insultes qui vont se déverser sur moi, notamment dans ce cloaque qu'est souvent Twitter, et dont la moindre sera l'accusation de penser et d'écrire comme le RN. Ce reproche sera grotesque mais il constituera, comme d'habitude, l'argumentation simpliste de ceux qui n'en ont pas d'autre.

    7.jpgMais qu'importe ! L'avantage décisif d'une vie intellectuelle libre et dénuée d'ambition officielle est qu'elle a le droit de tout se permettre et de ne pas récuser l'expression de la vérité au prétexte que celle-ci sera jugée indécente, provocatrice, scandaleuse.

    Laissons immédiatement de côté les débats périphériques qui n'ont généralement pour objectif que de vous détourner du questionnement central, de la problématique radicale.

    L'ensauvagement et le doute lexical s'attachant à ce terme ne seront pas mon sujet.

    Pas davantage que celui de l'existence débridée d'une délinquance et d'une criminalité qui augmentent, notamment dans leurs manifestations quotidiennes de plus en plus liées à une contestation de l'autorité, quelle que soit sa forme. Même les naïfs ou les humanistes en chambre n'auront plus le culot ou l'inconscience de discuter le fléau de cette réalité mais tout au plus celui de son ampleur.

    Le coeur de mon billet va concerner cette interrogation dominante mais toujours éludée : qui ensauvage la France ?

    Il me plaît de donner une interprétation élargie de cette dérive car elle ne se rapporte pas qu'à la matérialité d'infractions portant atteinte aux personnes et aux biens mais aussi à des comportements et à des propos qui participent d'une dégradation honteuse et, le pire, revendiquée de la politesse sociale et du respect humain.

    Qui a traité Eric Zemmour de sous-humain avant de retirer son tweet sous l'effet d'une réprobation générale mais de "pisser" sur lui et ses soutiens ?

    Qui a vanté la pratique de la polygamie et insulté la police en prétendant qu'elle massacrait des gens à cause de la couleur de leur peau ?

    Qui a agressé et tué Philippe Monguillot à Bayonne parce que conducteur d'autobus exemplaire, il avait voulu faire respecter l'ordre et la loi ?

    Qui, sans permis, sous l'emprise de la drogue, récidiviste, a été responsable de la mort de la gendarme Mélanie Lemée ?

    Qui à Seynod a insulté et agressé des chasseurs alpins faisant tranquillement leur footing ?

    Qui multiplie les refus d'obtempérer, se soustrait aux interpellations de la police avec des conséquences souvent dramatiques que leur mauvaise foi et le soutien médiatique imputeront systématiquement aux FDO ?

    Qui dans les cités et les quartiers sensibles se livre au trafic de stupéfiants, terrorise les résidents honnêtes, empêche les interventions de la police ou n'hésite pas à exercer des violences de toutes sortes contre elle ?

    Qui tend des guet-apens aux pompiers et à la police ?

    Qui s'en est pris à des citoyens rappelant l'obligation du masque dans une laverie ou ailleurs ? Qui est revenu, après s'être vu interdire l'accès à un bus à cause de ce manque, pour frapper le conducteur ?

    Qui a mis en branle une effrayante bataille de rue à Fleury-Mérogis où deux bandes armées se sont opposées pour une "embrouille" de drogue ?

    Qui sème la panique dans les centres de loisirs, comme à Etampes récemment ?

    Qui commet des cambriolages où on défèque sur le visage d'une victime de 85 ans, comme au Croisic ?

    Qui, en bande, se comporte dans l'espace public comme en terrain conquis, sans souci d'autrui mais avec l'arrogante certitude de l'impunité ?

    Qui vient, jour après jour, remplir la déplorable chronique des transgressions, des plus minimes aux plus graves ?

    Qui, pour tout et n'importe quoi, s'en prend aux maires au point que l'un d'eux, frappé, doit se satisfaire d'un rappel à la loi pour son agresseur campeur violent, l'anonymat systématique concédé aux transgresseurs laissant présumer leur origine ?

    Qui sont ces jeunes Français interdits de revenir à la piscine d'une commune suisse proche de la frontière française, parce qu'ils perturbaient la tranquillité du lieu ?

    Qui, majeurs ou mineurs, se livrent au pire au point que la majorité des citoyens prend acte avec accablement de ce qui se commet sur tout le territoire national et n'espère plus le moindre redressement politique et judiciaire ?

    On comprendra que ces interrogations sont de pure forme puisqu'à tout coup la responsabilité incombe à des fauteurs d'origine étrangère, maghrébine ou africaine, parés nominalement de la nationalité française grâce à un droit du sol qui n'a plus aucun sens puisqu'on l'offre mécaniquement à des générations qui haïssent ce cadeau et dévoient cet honneur.

    Sans oublier les clandestins qui se glissent dans ces bandes ou participent à ces exactions.

    L'infinie pudeur médiatique avec laquelle, dans neuf cas sur dix, on occulte les identités est la preuve la plus éclatante de l'écrasante domination de ces Français dans le tableau pénal national et dans les prisons, notamment en Île-de-France.

    Le refus entêté d'authentiques statistiques ethniques est également un indice capital qui explique la répugnance de la bienséance à prendre la mesure d'une réalité qui démolirait ses préjugés et sa bonne conscience.

    Est-ce à dire qu'il n'existe pas des voyous français de souche ? Assurément il y en a mais leur rareté est démontrée par le fait troublant que, si l'un d'eux est impliqué - une agression contre une mosquée à Bayonne par exemple -, on peut être sûr qu'on aura son identité complète, son âge, son passé judiciaire et sa structure familiale. Ces données sont si chichement communiquées dans les comptes rendus habituels qu'aucune hésitation n'est possible et l'appréciation quantitative vite opérée.

    Qui ensauvage la France ? S'accorder sur le constat que je propose ne permettra pas de résoudre magiquement le problème lancinant causé par ces jeunes Français d'origine africaine ou maghrébine et ces étrangers en situation irrégulière (il va de soi que tous ne sont pas à stigmatiser dans ces catégories) mais au moins ne nous voilons plus la face.

    On a trop longtemps refusé de répondre à cette interrogation, non pas à cause d'une quelconque incertitude mais parce que la vérité nous aurait encore plus confrontés à notre impuissance. Le désarroi d'une démocratie désarmée, répugnant à user de tout ce qu'elle aurait le droit d'accomplir, aspirant à l'ordre mais sans la force !

    Et terrorisée, depuis trop longtemps, à l'idée d'aller sur les brisées du FN-RN... Paradoxalement, et tristement, en refusant de lui donner raison sur ce plan, on ne lui donne pas tort assez vigoureusement pour le reste...

    L'ensauvagement que je dénonce et que j'impute n'est pas relié à la dégradation apparemment paisible mais insinuante, irrésistible, de notre vivre-ensemble à cause d'un séparatisme, caractérisé notamment par le voile et dont la finalité est plus politique que strictement religieuse. Ni à des modalités d'éducation ni à des politiques sans doute critiquables, comme le regroupement familial, qui ont favorisé la concentration de communautés en des lieux qui ont été rendus invivables et délabrés au fil du temps.

    C'est la perversion des attitudes individuelles que je mets en cause, au singulier mais le plus souvent au pluriel. La société n'est pas créatrice de ces malfaisances répétées de toutes sortes.

    L'immigration légale n'est pas coupable mais la clandestine contre laquelle jusqu'à aujourd'hui on lutte mal. Et, au sein de la première comme de la seconde, les délinquants déshonorant l'une et profitant de l'autre.

    Les solutions pour combattre cette réalité, après en avoir pris acte sans barguigner, imposeront, outre un courage politique de tous les instants et une politique du verbe sans complaisance, expulsions et éloignements à un rythme soutenu, une action équitable dans sa rigueur, une police et une gendarmerie accordées avec une justice sans faiblesse, une exécution des sanctions efficace et réactive et, surtout, le retour des peines plancher sans lesquelles la magistrature ne tirera jamais assez la conséquence de certains passés judiciaires.

    Rien de plus navrant, en effet, qu'un Etat sans autorité, une justice sans crédibilité et des FDO sans soutien.

    Il conviendra de remettre en discussion, dans un débat honnête, sans excommunication, le droit du sol. Envisager, aujourd'hui, dans une France éclatée, son effacement n'est ni inhumain ni contraire à une tradition dont les effets sont devenus dévastateurs. Ou alors continuons à révérer, contre vents et marées, celle-ci, et laissons l'ensauvagement de notre pays se poursuivre. Notre noblesse abstraite sera garantie mais non la sauvegarde de notre nation.

    On sait qui ensauvage la France. Ne fermons plus les yeux.

    Apeuré légèrement en commençant ce billet, je le termine en le jugeant nécessaire et, je l'espère, convaincant.

  • On sait qui ensauvage la France. Ne fermons plus les yeux !, par Philippe Bilger.

    Source : https://www.bvoltaire.fr/

    Je l’avoue : j’ai un peu peur de formuler cette interrogation. Je pressens les tombereaux d’insultes qui vont se déverser sur moi, notamment dans ce cloaque qu’est souvent Twitter, et dont la moindre sera l’accusation de penser et d’écrire comme le RN. Ce reproche sera grotesque mais il constituera, comme d’habitude, l’argumentation simpliste de ceux qui n’en ont pas d’autres.

    7.jpgMais qu’importe ! L’avantage décisif d’une vie intellectuelle libre et dénuée d’ambition officielle est qu’elle a le droit de tout se permettre et de ne pas récuser l’expression de la vérité au prétexte que celle-ci sera jugée indécente, provocatrice, scandaleuse.

    Laissons immédiatement de côté les débats périphériques qui n’ont généralement pour objectif que de vous détourner du questionnement central, de la problématique radicale.

    L’ensauvagement et le doute lexical s’attachant à ce terme ne seront pas mon sujet.

    Pas davantage que celui de l’existence débridée d’une délinquance et d’une criminalité qui augmentent, notamment dans leurs manifestations quotidiennes de plus en plus liées à une contestation de l’autorité, quelle que soit sa forme. Même les naïfs ou les humanistes en chambre n’auront plus le culot ou l’inconscience de discuter le fléau de cette réalité mais tout au plus celui de son ampleur.

    Le cœur de mon billet va concerner cette interrogation dominante mais toujours éludée : qui ensauvage la France ?

    Il me plaît de donner une interprétation élargie de cette dérive car elle ne se rapporte pas qu’à la matérialité d’infractions portant atteinte aux personnes et aux biens mais aussi à des comportements et à des propos qui participent d’une dégradation honteuse et, le pire, revendiquée de la politesse sociale et du respect humain.

    Qui a traité Éric Zemmour de sous-humain avant de retirer son tweet sous l’effet d’une réprobation générale, mais de « pisser » sur lui et ses soutiens ?

    Qui a vanté la pratique de la polygamie et insulté la police en prétendant qu’elle massacrait des gens à cause de la couleur de leur peau ?

    Qui a agressé et tué Philippe Monguillot, à Bayonne, parce que, conducteur d’autobus exemplaire, il avait voulu faire respecter l’ordre et la loi ?

    Qui, sans permis, sous l’empire de la drogue, récidiviste, a été responsable de la mort de la gendarme Mélanie Lemée ?

    Qui, à Seynod, a insulté et agressé des chasseurs alpins faisant tranquillement leur footing ?

    Qui multiplie les refus d’obtempérer, se soustrait aux interpellations de la police avec des conséquences souvent dramatiques que leur mauvaise foi et le soutien médiatique imputeront systématiquement aux forces de l’ordre ?

    Qui, dans les cités et les quartiers sensibles, se livre au trafic de stupéfiants, terrorise les résidents honnêtes, empêche les interventions de la police ou n’hésite pas à exercer des violences de toutes sortes contre elle ?

    Qui tend des guets-apens aux pompiers et à la police ?

    Qui s’en est pris à des citoyens rappelant l’obligation du dans une laverie ou ailleurs ? Qui est revenu, après s’être vu interdire l’accès à un bus à cause de ce manque, pour frapper le conducteur ?

    Qui a mis en branle une effrayante bataille de rue, à Fleury-Mérogis, où deux bandes armées se sont opposées pour une « embrouille » de drogue ?

    Qui sème la panique dans les centres de loisirs, comme à Étampes, récemment ?

    Qui commet des cambriolages où on défèque sur le visage d’une victime de 85 ans, comme au Croisic ?

    Qui, en bande, se comporte dans l’espace public comme en terrain conquis, sans souci d’autrui mais avec l’arrogante certitude de l’impunité ?

    Qui vient, jour après jour, remplir la déplorable chronique des transgressions, des plus minimes aux plus graves ?

    Qui, pour tout et n’importe quoi, s’en prend aux maires au point que l’un d’eux, délégué, frappé, doit se satisfaire d’un rappel à la loi pour son agresseur campeur violent, l’anonymat systématique concédé aux transgresseurs laissant présumer leur origine ?

    Qui sont ces jeunes Français interdits de revenir à la piscine d’une commune suisse proche de la frontière française parce qu’ils perturbaient la tranquillité du lieu ?

    Qui, majeur ou mineur, se livre au pire au point que la majorité des citoyens prend acte avec accablement de ce qui se commet sur tout le territoire national et n’espère plus le moindre redressement politique et judiciaire ?

    On comprendra que ces interrogations sont de pure forme puisqu’à tout coup, la responsabilité incombe à des fauteurs d’origine étrangère, maghrébine ou africaine, parés nominalement de la nationalité française grâce à un droit du sol qui n’a plus aucun sens puisqu’on l’offre mécaniquement à des générations qui haïssent ce cadeau et dévoient cet honneur.

    Sans oublier les clandestins qui se glissent dans ces bandes ou participent à ces exactions.

    L’infinie pudeur médiatique avec laquelle, dans neuf cas sur dix, on occulte les identités est la preuve la plus éclatante de l’écrasante domination de ces Français dans le tableau pénal national et dans les prisons, notamment en Île-de-France.

    Le refus entêté d’authentiques statistiques ethniques est également un indice capital qui explique la répugnance de la bienséance à prendre la mesure d’une réalité qui démolirait ses préjugés et sa bonne conscience.

    Est-ce à dire qu’il n’existe pas des voyous français de souche ? Certainement, mais leur rareté est démontrée par le fait troublant que, si l’un d’eux est impliqué – une agression contre une mosquée à Bayonne, par exemple -, on peut être sûr qu’on aura son identité complète, son âge, son passé judiciaire et sa structure familiale. Ces données sont si chichement communiquées dans les comptes rendus habituels qu’aucune hésitation n’est possible et l’appréciation quantitative vite opérée.

    Qui ensauvage la France ? S’accorder sur le constat que je propose ne permettra pas de résoudre magiquement le problème lancinant causé par ces jeunes Français d’origine africaine ou maghrébine et ces étrangers en situation irrégulière (il va de soi que tous ne sont pas à stigmatiser dans ces catégories) mais, au moins, ne nous voilons plus la face.

    On a trop longtemps refusé de répondre à cette interrogation, non pas à cause d’une quelconque incertitude, mais parce que la vérité nous aurait encore plus confrontés à notre impuissance. Le désarroi d’une démocratie désarmée, répugnant à user de tout ce qu’elle aurait le droit d’accomplir, aspirant à l’ordre mais sans la force !

    Et terrorisée, depuis trop longtemps, à l’idée d’aller sur les brisées du FN-RN… Paradoxalement, et tristement, en refusant de lui donner raison sur ce plan, on ne lui donne pas tort assez vigoureusement pour le reste…

    L’ensauvagement que je dénonce et que j’impute n’est pas relié à la dégradation apparemment paisible mais insinuante, irrésistible, de notre vivre ensemble à cause d’un séparatisme, caractérisé notamment par le voile et dont la finalité est plus politique que strictement religieuse. Ni à des modalités d’éducation ni à des politiques sans doute critiquables, comme le regroupement familial, qui ont favorisé la concentration de communautés en des lieux qui ont été rendus invivables et délabrés au fil du temps.

    C’est la perversion des attitudes individuelles que je mets en cause, au singulier mais le plus souvent au pluriel. La société n’est pas créatrice de ces malfaisances répétées de toutes sortes.

    L’ légale n’est pas coupable mais la clandestine contre laquelle, jusqu’à aujourd’hui, on lutte mal. Et, au sein de la première comme de la seconde, les délinquants déshonorant l’une et profitant de l’autre.

    Les solutions pour combattre cette réalité, après en avoir pris acte sans barguigner, imposeront, outre un courage politique de tous les instants et une politique du verbe sans complaisance, expulsions et éloignements à un rythme soutenu, une action équitable dans sa rigueur, une police et une gendarmerie accordées avec une Justice sans faiblesse, une exécution des sanctions efficace et réactive et, surtout, le retour des peines plancher sans lesquelles la magistrature ne tirera jamais assez la conséquence de certains passés judiciaires.

    Rien de plus navrant, en effet, qu’un État sans autorité, une Justice sans crédibilité et des forces de l’ordre sans soutien.

    Il conviendra de remettre en discussion, dans un débat honnête, sans excommunication, le droit du sol. Envisager, aujourd’hui, dans une France éclatée, son effacement n’est ni inhumain ni contraire à une tradition dont les effets sont devenus dévastateurs. Ou alors continuons à révérer, contre vents et marées, celle-ci et laissons l’ensauvagement de notre pays se poursuivre. Notre noblesse abstraite sera garantie mais non la sauvegarde de notre nation.

    On sait qui ensauvage la France. Ne fermons plus les yeux.

    Apeuré légèrement en commençant ce billet, je le termine en le jugeant nécessaire et, je l’espère, convaincant.

     

    Philippe Bilger

    Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

  • La veuve noire du Rwanda, par Frédéric de Natal.

    Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais assassiné, a-t-elle contribué au génocide en attisant les haines, ou n'est-elle qu'une victime de plus dans la désinformation permanente à l'œuvre sur ce conflit où la France serait un commode coupable ?

    frédéric de natal.jpgChers auditeurs, bonjour. Soyez enragés. C’est à nous de nous débarrasser de cette sale race. Réjouissons-nous, les cafards sont exterminés et restons surtout unis contre la vermine ». Au lendemain de l’attentat du 7 avril 1994, qui a coûté la vie aux présidents rwandais et burundais, Radio Mille Collines continue de cracher son venin, infusé depuis plusieurs mois au sein de la population. La région des Grands Lacs plonge dans une guerre civile qui va faire un million de morts de part et d’autre des deux pays. Hutus et Tutsis, les deux principales ethnies des Grands lacs, vont se massacrer impitoyablement, chaque camp en rejetant la responsabilité sur l’autre. En France, au palais de l’Elysée, le président français prend la décision d’exfiltrer l’Akazu, le clan présidentiel, et Agathe Habyarimana, veuve du président assassiné, accusée d’être une des initiatrices du génocide d’après le rapport Vincent Duclert remis au gouvernement le 26 mars dernier. Sans jamais avoir été réellement inquiétée, la veuve noire vit toujours en France et nie toute responsabilité dans les massacres.

    Depuis octobre 2009, Agathe Habyarimana fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour « génocide » et « crimes contre l’humanité ». Épouse du président rwandais Juvénal Habyarimana, elle réside toujours en France, dans l’Essonne, depuis l’attentat du 7 avril 1994 qui a coûté à la vie à son mari et au président du Burundi, Cyprien Ntaryamira. Tous deux venaient alors de signer un accord de paix à Arusha, en Tanzanie. À 78 ans, elle se défend des accusations et des soupçons qui pèsent sur elle depuis le déclenchement du génocide. Donné en main propre au président Emmanuel Macron, le rapport Vincent Duclert, chargé d’« analyser le rôle de la France » dans cette terrible tragédie, a remis en lumière l’Akazu (ou le Réseau Zéro), ce clan présidentiel exclusivement composés de Hutus du nord du Rwanda et de proches de la famille Habyarimana. Pour l’historien, le rôle d’Agathe Habyarimana dans le génocide n’est pourtant pas à ignorer.

    « Dans ces pays-là, un génocide n’est pas trop important » aurait dit François Mitterrand. Entre l’Élysée et la famille Habyarimana, « une relation forte, personnelle et directe » qui s’est traduite par plusieurs rencontres entre les deux dirigeants au cours des deux septennats du président français. C’est en 1973 que Juvénal Habyarimana est arrivé au pouvoir, après avoir mis un terme à la présidence omnipotente du docteur Grégoire Kayibanda, le père de l’indépendance qui a chassé la monarchie tutsi de son trône. Pour la Belgique, l’ancien pays colonisateur, le coup d’État est bien accueilli car il évite un nouveau massacre ethnique en préparation. Quant à la France, elle offre au Rwanda une place de choix dans le giron de la Françafrique, un système nébuleux qui permet à l’Hexagone de s’ingérer politiquement dans ses anciennes possessions africaines en toute discrétion et de s’assurer de facto des contrats juteux. Le pays prospère et, jusqu’en 1990, aucune tension entre Hutus et Tutsis n’est relevée. Il faut l’entrée en rébellion des exilés tutsis, réfugiés en Ouganda depuis quatre décennies, pour que les démons ethniques se réveillent. La France envoie immédiatement des hélicoptères stopper l’avancée des rebelles avant de se retirer. C’est à cette époque que se forme l’Akazu qui relaye des thèses extrémistes grâce à son quotidien Kangura (« Réveille-le ») dont on dit qu’il prend directement ses ordres de la femme du président Habyarimana elle-même. D’ailleurs, un quart de la presse rwandaise est aux ordres de l’Akazu dont les membres estiment que Juvénal Habyarimana fait preuve de mollesse envers ses opposants tutsis et les hutus modérés.

    « L’objectif [du clan est] de saboter le processus de démocratisation » et il organise à cette fin, au moyen d’“escadrons de la mort”, des assassinats politiques et des massacres destinés à renforcer les haines ethniques. Ce Réseau Zéro, dont les « véritables cerveaux » semblent être, rapporte la DGSE, Agathe Habyarimana et son frère Protée Zigiranyirazo, dit « Monsieur Z » Comme le précise le rapport Vincent Duclert, l’Elysée ne pouvait pas ignorer cette radicalisation puisque l’attaché de défense à l’ambassade avait émis un document en ce sens. L’Akazu « paralyse l’action du chef de l’État et mine ses éventuelles velléités de transformation en profondeur. Parmi eux se distingue son épouse » n’hésite pas à écrire le colonel René Galini. Difficile aussi de nier que François Mitterrand ait été au courant. « Elle a le diable au corps. Si elle le pouvait, elle continuerait à lancer des appels au massacre à partir des radios françaises » déclare t-il en lisant un rapport secret défense qui soupçonne le clan d’avoir réduit au silence le président Habyarimana afin d’éviter qu’il ne partage le pouvoir avec les Hutus du sud. Dans le cadre de l’opération Turquoise, il ordonne son exfiltration deux jours après l’assassinat de son mari, « dans les premières rotations avec des ressortissants français […] » et accepte de l’accueillir dans l’Hexagone avec sa famille. L’ambassade de France est rapidement fermée par la suite non sans avoir fait brûler une petite montagne de documents diplomatiques. La cellule de crise pour l’évacuation des ressortissants européens s’étonne de ce départ et fait parvenir au ministère une lettre qu’elle a reçue d’un père blanc évacué du Rwanda, le père Hazard. Celui-ci pointe du doigt la responsabilité d’Agathe Habyarimana, « une instigatrice de premier plan dans la formation et l’armement des milices populaires [Interahamwe – ndlr] qui ont ensanglanté le pays ».

    « Son implication dans le génocide est difficile à prouver. Première dame d’une extrême discrétion, elle ne prenait jamais la parole en public et n’était pas au Rwanda pendant la majeure partie des massacres » note toutefois Jeune Afrique dans un article que l’hebdomadaire lui consacrait, il y a neuf ans. Dans une rare interview accordée au Figaro en 2007, la veuve noire dément toute participation directe ou indirecte au génocide. « Hypothèse sans fondement. Pourquoi ? Pour prendre le pouvoir ? Rendre mes enfants orphelins ? Me rendre veuve ? Je ne suis complice de personne ! » affirme-t-elle. « Je ne me suis occupée des affaires politiques, ni avant, ni pendant ni après les événements qui ont secoué notre pays. Que ceux qui affirment le contraire le prouvent ! J’ai tout simplement été épouse du chef de l’État. Depuis l’attaque du FPR [rébellion dirigée par l’actuel président Paul Kagamé] en 1990, on a sali la famille du président et inventé ce mouvement Akazu. Ce mot était inventé par nos détracteurs. Nous formions une famille comme les autres. Est-ce un crime ? Être chef d’État ou être son épouse n’exclut pas d’avoir une vie familiale normale, sans complots politiques » ajoute Agathe Habyarimana qui est désormais « sans papiers » depuis que la France a refusé de lui renouveler son permis de résidence. Elle a été convoquée en novembre 2020 par un juge d’instruction pour « complicité de génocide », afin d’être placée sous le statut de témoin assisté suite aux plaintes déposées en 2013 par l’association Survie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et son antenne française. Le Rwanda affirme avoir un dossier accablant la concernant mais la France refuse toujours de l’extrader sans que les preuves n’aient été avancées, en dépit du rapport Vincent Duclert. Un document long de mille pages qui n’a peut-être pas encore révélé toutes ses zones d’ombres sur l’implication de la famille Habyarimana dans le génocide rwandais et le rôle du gouvernement français.

     

    Illustration : Vincent Duclert, spécialiste de l’affaire Dreyfus, remet son rapport sur le génocide rwandais à Emmanuel Macron, expert en déconstruction. Un grand moment de vérité historique sans arrière-pensées.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Tel est le titre alarmiste du Figaro d'aujourd'hui ... Mais qu'a fait la Droite pour parer au danger ?

     

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgBravo à cet ancien principal de collège des quartiers nord de Marseille pour avoir écrit ce livre coup de poing qui pointe les dangers de l'emprise de l'Islam sur les adolescents et appelle à en finir avec la loi du silence. 

    Si l'islamisme gagne du terrain à l'école, il en gagnera demain à l'université, dans les entreprises, les métiers, les médias, la police et l'armée, parmi les votants, les élus, au sein des diverses institutions du pays ; il sera une part grandissante de notre natalité. En somme, il amplifiera son emprise sur la société française.

    Jusques à quand ? Le Figaro est bien aimable de faire écho à ce danger, aujourd'hui, à la une.  Il a raison de le faire. Mais que ne s'en est-il avisé plus tôt ? Par exemple, lorsque étaient au pouvoir les hommes de Droite qu'il soutenait et n'ont rien fait pour stopper l'immigration et affirmer les valeurs françaises - non pas républicaines, mais simplement françaises - face à la montée de l'islamisme.

    A cet égard, la responsabilité de la Droite est écrasante. Il lui en sera, un jour, sans-doute, demandé des comptes.

    Lafautearousseau 

  • Sur la page FB de nos amis du GAR : déconnexion entre le pays légal et le pays réel.

    Il y a aujourd'hui une déconnexion visible entre la classe politique (ce que l'on pourrait nommer le "pays légal" des politiciens) et les populations françaises, particulièrement les commerçants, les restaurateurs, les ouvriers (que l'on pourrait regrouper sous le terme de "pays réel") ..., touchés de plein fouet par une crise sanitaire mal gérée par les instances gouvernementales de la République.

    Si une Monarchie royale n'éliminerait pas la Covid 19 d'un coup de "sceptre magique", elle aurait au moins l'avantage de pouvoir mener une politique de long terme et de faire preuve d'empathie avec ceux qui travaillent (et veulent travailler) et souhaitent vivre de leur travail ! Car la Monarchie ne raisonne pas en "technocrate" ou en "experte en tout", mais en termes de famille, la "Famille française, et les Français y sont considérés, non comme des enfants indisciplinés ou dissipés, mais comme "ses" enfants, tous différents et dignes d'amour et d'intérêt. Car, ce qui manque aussi à la République, c'est la capacité d'amour que la Monarchie, par nature même, déploie à l'égard de tous les enfants de la Famille française !
  • En Français s'il vous plaît !

     

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    (chronique publiée les lundis, mercredis et vendredis; suggestions et commentaires de lecteurs bienvenus !...)

    Aujourd'hui, dans les excellentes rubriques du site de l'Académie française  :

    Équivalences pour "prendre le lead"

    Le nom leader s’est introduit dans la langue française au XIXème siècle.

    L’Académie française l’a admis dans la 8ème édition de son Dictionnaire et même si des noms comme meneur, chef, chef de file, dirigeant, etc. peuvent lui être substitués avec profit, il est aujourd’hui bien ancré dans l’usage.

    Il n’en va pas de même pour la forme lead, que l’on commence à entendre dans l’étrange forme, mêlant français et anglais, prendre le lead, que l’on remplacera par des tours comme "prendre la tête", "prendre la direction", voire "conduire", "mener", etc..

     

    Et, puisque le français vient du latin, achevons cette courte chronique par un moment de distraction enrichissante et instructive, en consultant les nouvelles du jour... en latin !

    C'est sur Alcuinus.net

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