«Non, les enfants n’appartiennent pas d’abord à la République», par Pascale Morinière et Martin Steffens.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation. LUDOVIC MARIN/AFP
Pour la présidente des AFC Pascale Morinière et le philosophe Martin Steffens, le projet de loi «confortant le respect des principes de la République» remet en cause la primauté éducative des parents, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental, garanti par les engagements internationaux de la France.
Au-delà du débat sur l’Instruction en Famille dans le cadre du projet de loi «confortant le respect par tous des principes de la République» examiné ces jours-ci à l’Assemblée Nationale, se joue une question essentielle pour notre démocratie, celle de la place respective des parents et de l’État. Les parents sont-ils bien considérés par l’État comme les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants?
Le texte, en discussion à l’Assemblée, précise à propos de l’Instruction en famille que: «L’autorisation (…) ne peut [en] être accordée que pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées les convictions politiques, philosophiques ou religieuses des personnes qui sont responsables de l’enfant: …» Et sont cités: l’état de santé, la pratique sportive, l’itinérance et l’existence d’une situation particulière à l’enfant.
En quelques mots, cet article de loi remet en cause la primauté éducative des parents et est en contradiction avec les engagements internationaux de la France.
En effet, selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, «Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants». La Convention Européenne des Droits de l’Homme précise: «L’État se doit de respecter le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.»
Nous assistons à une remise en cause de la place des parents au profit d’un État qui veut orienter l’éducation des enfants.
Enfin, selon la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, article 14: «1. Les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice du droit susmentionné d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités. 3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu’aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l’ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui.»
Nous assistons depuis plusieurs années à une remise en cause de la place des parents en tant que premiers éducateurs au profit d’un État qui veut de plus en plus orienter l’éducation des enfants. Même si nous sommes bien conscients de l’urgence de combattre le fanatisme et d’éteindre les foyers du terrorisme, il ne faudrait pas non plus que l’ensemble des parents essuient des dommages collatéraux de cette politique.
Il y a quelques années, un ministre de l’Education ne déclarait-il pas vouloir arracher les enfants aux «déterminismes familiaux» et s’appuyer sur la jeunesse pour faire évoluer la société et que les enfants appartenaient à la République et non aux familles? La remise en cause de l’Enseignement en Famille est clairement une atteinte à la liberté d’éducation qui est un droit des familles.
Toutes les tentatives d’Etat pour prendre la main sur l’éducation des enfants, se sont soldées par des échecs.
La notion d’«intérêt supérieur de l’enfant» ne peut justifier une intervention de l’État que s’il y a un risque pour la vie ou la santé physique ou morale de l’enfant. D’autres réformes vont dans le même sens, qu’il s’agisse de la scolarisation obligatoire à trois ans, de la mise en œuvre du Service National Universel ou du contrôle par l’État des conditions de vie des enfants pendant leurs trois premières années.
Les parents, premier guide de l’enfant
Non, les enfants n’appartiennent pas d’abord à la République. C’est dans une famille qu’ils naissent et font les premiers apprentissages de la vie et c’est la famille qui les accompagnera toute leur vie, au-delà des difficultés que toute famille connait.
Comme le notait Hannah Arendt, grande analyste du phénomène totalitaire, toutes les tentatives pour prendre la main sur l’éducation des enfants a été le fait d’Etats outrepassant leurs prérogatives et se sont soldées par des échecs. Aucun professionnel n’aura l’attention, la pertinence, la patience et l’abnégation que développent un père ou une mère 24 heures sur 24 à l’égard de ses enfants.
Non, les parents ne sont pas démissionnaires, mais ils sont trop souvent écartés et dévalorisés. Non, l’État n’a pas le monopole de l’action éducative Non, les parents ne sont pas incapables d’assurer l’éducation de leurs enfants et de juger ce qui est bon pour eux. Ils ont besoin d’être soutenus et conseillés et il conviendrait de développer davantage le soutien à la parentalité mis en œuvre depuis une vingtaine d’années.
Oui, les parents ont le droit de guider leurs enfants dans leurs convictions religieuses et philosophiques dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public. Oui, les parents sont les mieux placés pour juger quel est «l’intérêt supérieur» de leur enfant. Oui, les parents ont besoin de soutien et d’une politique familiale active pour remplir leur mission. Oui, les parents ont le droit d’interpeler les instances éducatives pour dialoguer au sujet de ce qui touche à l’éducation de leurs enfants.
Il est nécessaire de veiller aux droits fondamentaux reconnus aux parents par les engagements internationaux de la France.
En ces temps incertains, il est nécessaire de tenir fermement à ces principes qui fondent notre société et la laïcité: le droit des familles et des personnes préexiste à l’existence de l’État qui est là pour permettre leur expression et pallier les défaillances, non pour tout régenter.
Il est nécessaire de veiller aux droits fondamentaux reconnus aux parents par les engagements internationaux de la France. Ce sont des libertés essentielles dans une démocratie. Elles ne sont pas négociables.L’éducation doit reposer sur la famille en priorité avec le soutien des partenaires éducatifs, d’origine étatique ou privée, qu’elle choisit.
Les personnalités et les parcours de nos enfants, chacun est une personne unique, exigent un accompagnement personnalisé et de proximité: qui mieux que les familles est en mesure de le faire? Qui peut juger de l’intérêt supérieur de l’enfant? Si l’État se permet cela, hors cas de maltraitance ou de participation à une idéologie meurtrière, notre pays risque de basculer dans un système totalitaire où la liberté de conscience et d’expression ne seront plus garanties.
C’est dans le dialogue et le respect des différences que peut se construire l’unité nationale et non dans l’imposition d’un mode de pensée unique. Les parents sont-ils seulement considérés par l’Etat comme les géniteurs des citoyens de demain? Qui porte la responsabilité éducative des enfants? Il est temps pour le Gouvernement et les parlementaires de respecter la primauté éducative des familles sur l’Etat!
Pascale Morinière est présidente nationale des Associations Familiales Catholiques. Martin Steffens est philosophe.
Source : https://www.lefigaro.fr/